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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 21ème jour de séance, 52ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 6 NOVEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite) 2

      INTÉRIEUR 2

      QUESTIONS 34

La séance est ouverte à quinze heures quinze.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

INTÉRIEUR

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité intérieure et la gendarmerie - Un bon budget doit traduire une politique et, à cet égard, ce budget est exemplaire. Cette politique nous a été dictée en 2002 par nos concitoyens et a été formulée par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Elle commence à produire ses effets. La lutte contre la délinquance obtient ses premiers résultats, qui sont révélateurs aussi de l'ampleur du découragement des forces de police avant 2002 et de votre capacité à les motiver. La délinquance, qui accusait une hausse de 4,8 % entre janvier et avril 2002, a commencé à reculer dès la fin de l'année et cette tendance se confirme. Pour la première fois, lors du premier semestre 2003, le nombre des faits constatés a reculé. La baisse est surtout sensible pour la délinquance de voie publique, celle qui traumatise le plus nos concitoyens. Outre les chiffres de la délinquance elle-même, d'autres indicateurs sont intéressants. Ainsi, le taux d'élucidation des affaires, directement lié à l'action des forces de police, a progressé de 9,9 %.

Ces chiffres incitent à poursuivre la politique engagée, et c'est l'objet du projet de budget pour 2004. Il reste en parfaite cohérence avec la LOPSI, dont il met en _uvre la deuxième phase. Les créations d'emplois dans la gendarmerie correspondent exactement à ce qui était prévu, mais il n'en est pas de même pour les crédits d'équipement. La LOPSI ne prévoyait certes aucun calendrier, mais il ne faut pas donner l'impression que la gendarmerie est traitée autrement que la police et nous serons vigilants dans le prochain budget. Le budget de la police s'élèvera en 2004 à 5 763 millions, soit une augmentation de 5,8 %. 1 000 emplois sont créés, dont 740 de gradés et gardiens et 240 de personnel administratif, scientifique et technique. Par ailleurs, 11 300 postes d'adjoints de sécurité seront pérennisés. Un provision de 5,8 millions est constituée pour procéder au rachat d'astreintes et une autre de même montant pour améliorer les conditions statutaires des gradés et gardiens. Mme Bui Trong, qui fut commissaire de police, insiste sur la difficulté qu'il y a à assumer une fonction d'autorité dans une société qui récuse ouvertement cette notion même. Le métier de policier est difficile et il doit obtenir la reconnaissance qui lui est due, y compris sur le plan financier.

Les crédits de fonctionnement augmentent de près de 11 %. Ils permettront d'achever l'équipement en gilets pare-balles et d'engager le renouvellement des armes individuelles et des tenues. En matière immobilière, les autorisations de programme restent stables mais les crédits de paiement augmentent de 15 % pour poursuivre le programme ambitieux défini par la LOPSI, qu'il s'agisse des grands projets, de l'augmentation de la capacité des écoles ou de celle des capacités d'hébergement des CRS en région parisienne.

Le budget de la sécurité civile témoigne d'un effort considérable du Gouvernement : il augmente notamment de 14,9 % pour les autorisations de programme. Le groupement des moyens aériens est renforcé, les crédits de paiement en matière immobilière sont doublés, mais surtout les crédits d'investissement augmentent fortement pour les SDIS. L'enveloppe, créée en 2003, augmentera de 20 % en 2004. Outre le volet budgétaire, des mesures ont été annoncées en matière de sécurité civile, en particulier concernant le volontariat des sapeurs pompiers. Un projet de loi sur la sécurité civile sera présenté au Parlement dans les prochains mois.

Des réformes extrêmement intéressantes ont été engagées. La première est la rationalisation de la carte de la police et de la gendarmerie, qui avait certes été commencée sous le précédent gouvernement mais de manière trop timide. Les mesures avaient concerné 210 000 habitants, contre 1 750 000 aujourd'hui ! Nous changeons d'échelle et nous donnons les moyens de réussir. On nous avait prédit l'échec, mais la réforme, entreprise dans la négociation, se passe très bien. Une autre réforme est celle des communautés de brigades. Celles-ci devraient s'installer dorénavant dans le monde rural et chacun a compris leur intérêt pour l'efficacité opérationnelle et la présence, notamment nocturne, des gendarmes. Là encore, cette réforme ambitieuse s'est effectuée dans la concertation. Enfin, les unités de police judiciaire sont renforcées. La création de 2 000 postes d'officier de police judiciaire est notamment très positive.

Les réformes engagées ne sont pas strictement policières : elles font parfois partie de la réforme plus large de l'Etat. La recherche de synergies entre la police et la gendarmerie en est un exemple. Chacun doit certes garder son statut, mais le métier est le même ! Policiers et gendarmes font le même travail et sont confrontés aux mêmes difficultés. Vous avez entrepris de décloisonner ces deux administrations. Un rapport d'information relatif aux groupements d'intervention régionaux a relevé l'osmose qui régnait entre les agents dans le cadre de ces unités très efficaces. Des formations et des marchés communs peuvent également être recherchés. Ainsi, un même pistolet automatique va désormais doter l'ensemble de nos forces de police, de gendarmerie mais aussi des douanes, ce qui constitue en soi une petite révolution. L'importance du marché, 271 000 armes au total, a permis d'obtenir des tarifs extrêmement intéressants.

La réforme de l'Etat implique également des partenariats public-privé, et la LOPSI a prévu des procédures en matière immobilière. Elles seront particulièrement indispensables pour relever le défi immobilier, non seulement d'un point de vue financier, mais surtout parce qu'elles permettront de respecter les délais prévus. Or, si les ministères sont prêts - intérieur, défense et budget - le décret d'application de la loi d'orientation n'est toujours pas publié, dix-huit mois après son adoption ! Des intérêts catégoriels, ceux des architectes, retardent une opération d'intérêt général. Il faudra absolument surmonter ces difficultés.

Votre ministère a également expérimenté le rachat des jours d'ARTT lancée l'an dernier, cette opération a recueilli l'agrément des syndicats. Elle s'amplifie avec l'accord des CRS pour le rachat des seize jours d'ARTT. D'autres administrations - et je pense notamment aux hôpitaux - gagneraient à s'inspirer de cette initiative.

Je me réjouis également de voir votre département ministériel en première ligne dans le débat sur la rémunération au mérite. Vous avez su prendre ce problème à bras le corps et je me félicite que vous ne l'ayez pas limité à l'encadrement supérieur mais posé pour l'ensemble des équipes. Votre idée, judicieuse, c'est que les équipes se voient assigner des objectifs et que leur action soit appréciée en fonction de leur capacité à les atteindre. C'est l'occasion d'introduire une véritable culture du résultat, dans la police, et, demain je l'espère, dans la gendarmerie.

La mise en _uvre de la LOLF, véritable constitution financière de la République, donne l'occasion de rationaliser l'action de l'Etat. La commission des finances a fait valoir à Mme la ministre de la défense, lors d'une récente audition, que la constitution d'une mission interministérielle « sécurité intérieure », comportant un programme police et un programme gendarmerie clairement individualisé, est indispensable...

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Très bien !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial - La dilution de la gendarmerie dans divers programmes militaires constituerait un recul en matière d'information du Parlement...

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité intérieure - Absolument !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial - ...et menacerait l'unité de gestion de cette arme, puisque, dans cette hypothèse, le directeur général de la gendarmerie ne serait même pas gouverneur de ses propres crédits (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Très lucide !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial - Une telle évolution serait donc préjudiciable à la direction opérationnelle de la gendarmerie.

Monsieur le ministre, la commission des finances a adopté vos crédits, salué vos efforts pour respecter les engagements pris dans le cadre de la LOPSI et relevé votre détermination à faire de votre budget un exemple de la réforme de l'Etat (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. le Président - Monsieur Léonard, c'est un plaisir de vous saluer !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité intérieure - Monsieur le Président, c'est un plaisir partagé !

Monsieur le ministre, disons-le d'emblée, les crédits inscrits dans votre budget au titre de la sécurité intérieure justifient notre entière approbation. En effet, tant par leur ampleur que par leur affectation, les moyens donnés à la police nationale pour remplir ses missions sont à la hauteur des ambitions affichées par votre Gouvernement dès l'été 2002 - et sitôt approuvées par notre Parlement - pour vaincre durablement le fléau de l'insécurité.

Ces moyens renforcés sont la réponse fidèle aux engagements pris par le Président de la République et par la majorité parlementaire devant le peuple français. Engagements consacrés par la LOPSI du 29 août 2002 et mis en _uvre dès le budget 2003, avec une vigueur sans précédent, qui a ébloui même les plus sceptiques d'entre nous.

Le remarquable élan ainsi créé l'an dernier se poursuivra sans faiblir en 2004, et, soyons en certains, dans les années qui suivront.

Ces efforts sont d'autant plus méritoires que, comme chacun le sait, ils s'inscrivent dans un contexte budgétaire particulièrement contraignant.

Je ne reprendrai pas ici dans le détail les montants dédiés aux différents postes budgétaires. Ces chiffres sont commentés dans mon rapport pour avis au nom de la commission des lois. Je tiens au passage à remercier le président Pascal Clément...

M. le Ministre et plusieurs députés UMP- Il le mérite !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - ...pour sa bienveillante attention, et mes collègues de la commission de leur confiance.

L'évolution des effectifs suscite une attente légitime des services concernés et de très nombreux élus. La LOPSI prévoit la création de 6 500 emplois supplémentaires dans la police, dont 4 500 postes dits « actifs » - selon moi le terme « postes opérationnels » conviendrait mieux - et 2 000 postes de personnels administratifs techniques ou spécialisés, que je propose de désigner par les termes « personnels administratifs et de soutien ». Le projet de budget pour 2004 préconise la création de 1 000 emplois après les 1 900 emplois nouveaux créés en 2003. Ce rythme soutenu mérite d'être salué.

Toutefois, il convient de l'apprécier au regard des lourdes incidences de l'aménagement et de la réduction du temps de travail et des départs massifs en retraite, qui ont plus que doublé entre 1995 et 2003.

Pour la gendarmerie, dont les crédits figurent dans le budget de la défense mais ont fait l'objet d'un engagement commun dans la LOPSI, l'effort de création d'emplois, même s'il est plus étalé dans le temps, est équivalent à celui dont bénéficie la police. Sur les 7 000 postes programmés en cinq ans, 120 sont prévus pour 2004, après les 1 200 créés en 2003.

Il est évident que l'efficacité des personnels, policiers et gendarmes dépend non seulement de leur nombre, mais aussi de l'organisation des services, de la manière dont ils sont dirigés et animés, et des moyens matériels et juridiques mis à leur disposition. Elle est aussi largement tributaire de la manière dont ils sont considérés.

Les mesures catégorielles et indemnitaires qui, pour le budget 2003 de la police, s'élèvent à 28 millions participent de cette reconnaissance. Elles correspondent essentiellement à l'engagement de la première tranche de la réforme d'ensemble des corps et carrières.

Il convient de vous féliciter, Monsieur le ministre, pour cette action indispensable, dont les principes avaient été posés par la LOPS de 1995. Cette réforme doit être rapidement achevée, car il y va de l'efficacité de l'institution policière et de la mobilisation durable de ses fonctionnaires. Je me permets, là encore, de vous renvoyer à mon rapport écrit...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Excellent rapport !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - L'avez-vous lu, Monsieur le Président ?

M. le Président - C'est son livre de chevet ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Blazy - Depuis peu, alors, car nous l'avons reçu bien tard !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Au total en 2004, les moyens de la police nationale dépasseront 5,76 milliards, soit une hausse de 5,75 %, après une progression de 5,8 % en 2003.

Au cours des deux premières années de la loi de programmation quinquennale, 55 % de l'enveloppe globale seront ainsi engagés. C'est considérable, mais non excessif, eu égard à la situation fort dégradée dont nous avons malheureusement hérité au printemps 2002 (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

Un mot sur les moyens consacrés à la gendarmerie. Il convient d'abord de tenter d'évaluer, pour ce qui les concerne, les effets de la mise en _uvre de la LOPSI. Il faut dire que l'exercice est moins aisé que pour la police du fait des réelles difficultés, et je tiens à le dire publiquement, en présence du président Jean-Louis Debré, à obtenir des réponses claires et précises du ministère de la défense à nos questions.

M. le Ministre - Très bien !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Cela risque d'être encore plus difficile - voire impossible - si la nouvelle présentation budgétaire projetée par ce ministère en application de la LOLF est en définitive retenue !

Le budget 2004 de la gendarmerie - qui relève donc du budget de la défense nationale - s'élève à 4,34 milliards, soit une augmentation de 1,9 % par rapport à 2003 - exercice au cours duquel il avait connu une remarquable progression de 8,4 %.

Replacé dans le cadre de la LOPSI, ce budget appelle les remarques suivantes : en ce qui concerne les crédits de personnels, le rythme des créations d'emplois est satisfaisant ; l'évolution des crédits de fonctionnement est assez modeste avec une progression de 1,7 % par rapport à 2003 ; mais ce qui est préoccupant, c'est le retard pris pour les crédits d'équipement que retracent les titres V et VI.

La programmation prévoit dans ce domaine - qui concerne en particulier l'immobilier - 1 020 millions sur cinq ans, soit en moyenne un peu plus de 200 millions par an. Or, en 2003, seulement 94 millions de crédits de paiement ont été ouverts, associés à 182 millions d'autorisation de programme, et, en 2004, deuxième année de la programmation, les crédits de paiement - mesures nouvelles - seraient reconduits à 94 millions, soit à peine la moitié de l'objectif. Ainsi, sur deux ans, l'objectif quinquennal en matière d'équipements de la gendarmerie ne serait couvert qu'à 18,4 %. C'est dire qu'il faudra un fort redressement lors des trois prochains exercices si l'on veut approcher les objectifs de la LOPSI.

Il conviendra en même temps de rendre plus lisibles les efforts consentis par la gendarmerie en exécution de cette loi.

La mise en _uvre de la LOLF doit être considérée comme une chance à saisir. C'est pourquoi votre rapporteur soutient fortement l'option consistant à créer, en application de son article 7, une mission interministérielle « sécurité intérieure » subdivisée en deux programmes, relatifs l'un à la police, l'autre à la gendarmerie.

En revanche, si comme l'espèrent les services de la défense nationale, les crédits de la gendarmerie étaient noyés dans ceux de la défense, cela interdirait l'évaluation et le contrôle que doit permettre l'application de la LOPSI.

Alors que la criminalité et la délinquance n'ont cessé de progresser entre 1998 et 2003, la tendance s'inverse de façon très significative depuis le deuxième trimestre 2002 (M. Jean-Pierre Blazy proteste).

Le coup d'arrêt ainsi donné à la dérive de la délinquance est le fruit de l'effort de dissuasion dû à la mobilisation extraordinaire des policiers et des gendarmes.

Il faut leur rendre un hommage solennel pour le formidable travail accompli.

Il convient aussi de vous témoigner, Monsieur le ministre, notre reconnaissance pour votre extraordinaire efficacité dans la mise en _uvre de cette nouvelle politique pour la sécurité de tous les Français. Votre énergie, votre courage et votre talent sont à la source de la remobilisation des forces de sécurité et l'entretiennent. Ces hommes et ces femmes ont beaucoup donné au service de cette belle cause républicaine. A nous de leur donner dans les meilleurs délais les moyens d'action prévus dans la LOPSI.

C'est ce que vous faites dans l'excellent budget qui nous est soumis. C'est pourquoi nous le voterons avec confiance, reconnaissance et espoir (« Très bien ! , « Excellent ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile -Paysages de désolation, forêts calcinées, vies brisées, tel est le terrible bilan de cet été meurtrier qui a vu s'embraser une fois de plus le Sud-Est de la France. Avec 60 000 hectares calcinés, 2003 aura été la pire année depuis 1973, première année où furent établies des statistiques nationales en ce domaine. Une fois encore, les personnels de la sécurité civile ont bravé le danger et mené de périlleuses batailles, douze d'entre eux ayant même payé de leur vie leur dévouement - morts d'autant plus insupportables que l'origine criminelle de nombreux incendies est aujourd'hui avérée.

Les crédits de la sécurité civile, qui s'élèvent en 2004 à 337 millions d'euros, représentent 3 % des crédits du ministère de l'intérieur et un peu plus de 1 % de ses effectifs budgétaires lui sont consacrés. Mais les moyens consentis à la sécurité civile sont bien supérieurs. En effet, depuis que celle-ci est, enfin, devenue une cause nationale, de nombreux ministères concourent au financement de la prévention des risques. Enfin, ce sont les collectivités qui, pour l'essentiel, financent les services de secours, leur contribution aux services départementaux d'incendie et de secours - SDIS - étant évaluée à 2,9 milliards d'euros en 2003.

Le budget que je vous présente correspond au fonctionnement des moyens de secours nationaux que constituent la direction de la défense et de la sécurité civiles, les unités militaires d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, la base d'avions, le groupement d'hélicoptères, les centres de déminage, les établissements de soutien opérationnel et logistique, les états-majors de zone.

En progression de 4 % en crédits de paiement après déjà une augmentation significative l'an passé, ce budget témoigne de ce que, une fois de plus, les engagements pris ont été tenus. Il permettra de renforcer les moyens techniques de la sécurité civile, de créer une fonds d'aide à l'investissement des SDIS et d'adapter les moyens aux nouvelles menaces « NRBC », nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques.

38 % de ce budget sont consacrés aux dépenses de personnel et de fonctionnement, 34 % à la participation de l'Etat au financement des services de secours de la Ville de Paris et des SDIS, 23 % enfin à l'investissement.

Alors que la direction de la défense et de la sécurité civiles compte aujourd'hui quelque 2 500 personnes réparties entre la direction centrale et les services opérationnels, ce projet de budget comporte seize créations d'emplois au profit du groupement d'hélicoptères, huit transformations d'emplois qui permettront le remplacement de quatre pilotes et quatre mécaniciens, enfin la transformation de soixante-dix emplois de soldats volontaires affectés aux unités militaires en soixante emplois d'engagés.

Les crédits de personnel se montant à 93 millions d'euros, les crédits de fonctionnement des services à 33 millions et la participation de l'Etat aux services de secours de la Ville de Paris à 69 millions, celle-ci ayant été majorée pour poursuivre la modernisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. L'Institut national d'études de la sécurité civile, qui organise la formation des officiers, bénéficie d'une mesure nouvelle de 1,3 million d'euros.

Les crédits d'intervention publique représentent 14 millions d'euros, dont 83 % sont consacrés aux pensions et indemnités versées aux pompiers victimes d'accidents.

Les investissements exécutés par l'Etat représentent 76,5 millions d'euros, dont 70 % pour la maintenance des aéronefs. Les moyens affectés aux équipements immobiliers permettront de moderniser les sites de déminage des unités militaires ainsi que les structures destinées à accueillir les nouveaux hélicoptères dont 19, sur les 32 commandés à Eurocopter, devraient être livrés avant la fin de l'année.

Les crédits du Fonds d'aide à l'investissement des SDIS est, pour sa part, doté de 45 millions d'euros en crédits de paiement et 54 millions en autorisations de programme.

Enfin, ce budget devrait être complété, ainsi que l'a indiqué le ministre devant la commission des lois, par le collectif de fin d'année, dans lequel sont prévus à la fois le remplacement de deux avions Fokker et le pré-positionnement des moyens nationaux de renfort dès le mois de juin, afin de mieux lutter contre les incendies de forêts.

Au-delà de ces aspects strictement budgétaires, je souhaiterais parler de ces hommes et de ces femmes qui bravent tous les jours le danger pour la sécurité de tous. Pierre angulaire de notre dispositif de secours, le volontariat connaît, depuis plusieurs années déjà, une crise que la législation et la réglementation récentes ne sont pas parvenues à enrayer. Vous avez souhaité, Monsieur le ministre, le favoriser, en autorisant le recrutement des volontaires dès 16 ans en facilitant leur déplacement et leur vie quotidienne, enfin en leur accordant la reconnaissance de la nation, puisque vous proposez dès le 15 novembre, 28 sapeurs-pompiers à l'ordre national du mérite. Cette réforme était très attendue des acteurs de la sécurité civile, comme l'est également le projet de loi de modernisation de la sécurité civile. Celui-ci devrait permettre de stabiliser, enfin, l'organisation des services de secours et leurs personnels. J'espère que ce texte permettra aussi de trancher définitivement les responsabilités respectives de tous les intervenants, qu'il s'agisse de prévention, de gestion opérationnelle ou de financement.

En attendant ce débat, je vous demande de tenir compte des perspectives tracées par ce budget en matière de protection des personnes et des biens contre des risques devenus très divers.

La commission des lois a adopté les crédits de la sécurité civile pour 2004. Je vous invite à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Marc Le Fur, suppléant M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la commission des finances pour les collectivités territoriales - En 2004, les concours de l'Etat aux collectivités territoriales devraient s'élever à 59,4 milliards d'euros, en hausse de 1,2 % par rapport à l'an passé. Il s'agit du second poste de dépenses de l'Etat et de la deuxième source de ressources des collectivités territoriales. En moyenne, les dotations de l'Etat représenteraient 28,4 % des recettes hors emprunt des communes, 33,6 % de celles des départements et 55,8 % de celles des régions.

Ce budget mérite d'être salué à trois titres.

Dans un contexte budgétaire difficile, marqué par la stabilisation des dépenses de l'Etat en volume, le Gouvernement propose de reconduire, en 2004, le contrat de croissance et de solidarité, selon les mêmes modalités d'indexation qu'en 2003. Ce contrat sera donc indexé sur l'inflation mais aussi sur un tiers de l'évolution du PIB. Cela signifie concrètement que les dotations « sous-enveloppe » progresseront en 2004 de 1,67 % soit plus que l'inflation, pour s'établir à 42,5 milliards d'euros. Compte tenu de l'abondement exceptionnel de 96 millions d'euros des dotations de solidarité communale et des ajustements prévus en cours d'exercice, ces dotations s'élèveront en réalité à 43,3 milliards d'euros, en hausse de 3,23 %.

Il faut également saluer la refonte de l'architecture de la DGF proposée aux articles 30 à 39 du projet de loi de finances. Cette réforme, tant attendue, rend la DGF plus lisible. Intégrant désormais diverses compensations d'exonérations fiscales, elle augmentera de plus de 17 milliards d'euros en 2004. Sa globalisation permet à la fois de la restructurer et de la simplifier. A compter de 2004, pour chaque niveau de collectivité, la DGF sera articulée autour d'une dotation forfaitaire, destinée à préserver les ressources des collectivités d'une année sur l'autre et d'une dotation de péréquation, au profit des collectivités les plus défavorisées sur le plan fiscal.

Cette globalisation et cette simplification de la DGF permettront d'allouer des moyens financiers nouveaux à la péréquation. Dès 2004, l'effort de péréquation en faveur des départements augmentera entre 6 % et 11 % et celui en faveur des régions entre 9 % et 39 %. Pour les communes, il faudra attendre 2005 avant que le nouveau dispositif donne pleinement satisfaction.

Compte tenu de tous ces éléments, ce budget est un bon budget. J'appelle toutefois l'attention du Gouvernement sur quatre points.

Tout d'abord, le financement de l'intercommunalité. En 2003, 2 360 groupements étaient constitués, regroupant près de 30 000 communes et 51 millions d'habitants. Sur ce total, 934 relèvent du régime de la taxe professionnelle unique. L'intercommunalité n'est donc plus l'exception mais bien la norme. Cela explique que la dotation d'intercommunalité ait doublé entre 1999 et 2003.

Toutefois, l'essor de l'intercommunalité a surtout favorisé les communautés urbaines au détriment des communautés de communes, alors que celles-ci jouent un rôle essentiel dans le maillage du territoire. Je rappelle ainsi que la dotation par habitant est de 16 € pour les communautés de communes sans TPV, 20 € avec TPV, contre 40 € pour les communautés d'agglomération. Plus d'équité serait sans doute nécessaire. En 2004, 150 millions d'euros supplémentaires seront consacrés à la DGF des groupements, qui approchera les 2 milliards d'euros.

Outre que cette évolution pénalise la politique de péréquation en faveur des communes, il convient de se demander si les mécanismes de financement de l'intercommunalité n'ont pas encouragé les « mariages d'intérêts », voire une course à l'intégration. Pourquoi la dotation forfaitaire des communes et la DGF des groupements ne deviendraient-elles pas fongibles ? Ne conviendrait-il pas enfin de remettre en question le coefficient d'intégration fiscale, à tout le moins, de le plafonner ? Aujourd'hui, il incite trop fortement à l'intégration de certaines compétences, pour l'exercice desquelles il n'existe pas toujours d'économies d'échelle.

Deuxième motif d'interrogation : la politique de péréquation communale. La commission des finances considère que trois critères doivent être pris en compte pour l'octroi des dotations de péréquation : le potentiel fiscal, le revenu par habitant et les charges des collectivités.

Le critère du potentiel fiscal est certes faussé par l'obsolescence des bases d'imposition. Toutefois, il reste un indicateur pertinent de comparaison entre collectivités, sauf sans doute pour les petites communes rurales, dont la population diminue et qui, de ce fait, voient leur potentiel fiscal augmenter.

Quant au critère du revenu par habitant, il devrait être au c_ur de l'attribution des dotations de péréquation, pour concentrer l'effort sur les collectivités les plus nécessiteuses. Le recensement général de 1999 offre un outil adapté pour la comparaison entre collectivités, et le critère du revenu par habitant pourrait donc être opérationnel.

Troisième critère : il faut tenir compte des charges qui pèsent sur les communes, notamment rurales. Ces dernières ont en effet des charges spécifiques, liées à la gestion de l'espace rural et à l'entretien des routes. Ces tâches obèrent leur budget sans faire l'objet de compensations spécifiques, alors qu'elles ne profitent pas à leurs seuls habitants, mais à tous. Les communes rurales méritent donc un effort accru de péréquation.

La révision du mécanisme de répartition de la DGF devrait conduire à établir une gestion régionale de cette dotation. Une gestion trop centralisée à Paris et trop opaque empêche les dotations de l'Etat de tenir compte des spécificités du terrain. Cette gestion régionale n'a pas a être crainte. Elle ne bouleverserait pas les modalités de répartition, et respecterait le rôle du Parlement. Celui-ci se prononcerait sur un montant global, réparti entre les régions selon des critères objectifs, tenant compte notamment du revenu par habitant et des ressources fiscales. Ensuite, un comité de finances locales régional, regroupant des élus de tous les niveaux de collectivités, se prononcerait, selon des critères objectifs spécifiques, sur la répartition de cette DGF régionale, en fonction des spécificités locales. Cette grande réforme est la seule voie réaliste pour accentuer le poids de la péréquation au sein des concours de l'Etat aux collectivités.

Un autre motif d'interrogation porte sur l'importance et les conséquences des compensations des exonérations de fiscalité locale et des dégrèvements octroyés par l'Etat. Au-delà de son coût, cette politique massive de compensation des exonérations et dégrèvements a de lourdes conséquences pour les collectivités territoriales. Au total, sur une recette de 66,8 milliards d'euros, 44,5 milliards d'euros, soit 66 %, ont été acquittés par le contribuable local et 22,3 milliards d'euros ont été versés par l'Etat. Celui-ci contribue donc pour un tiers au produit de la fiscalité directe locale : il est devenu le premier contributeur local. Il a ainsi pris en charge en 2002 33,2 % du produit de la taxe d'habitation, presque 5 % de celui des taxes foncières, et 48,6 % de celui de la taxe professionnelle... N'est-il pas temps de mettre un terme à cette dérive, qui déresponsabilise les élus locaux et favorise l'augmentation de la dépense publique locale ?

Ma dernière interrogation porte sur la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances, du 1er août 2001. En 2004, 76 % des concours aux collectivités, soit plus de 45 milliards d'euros, seront octroyés sous forme de prélèvements sur recettes, qui sont en dehors du champ d'application de la LOLF. L'importance de ces prélèvements n'implique-t-elle pas de prévoir leur présentation sous forme de programmes, même si ceux-ci, pour des raisons juridiques, prendraient une autre appellation ?

Votre ministère a bien voulu informer le rapporteur spécial des programmes envisagés au sein de la mission relative aux relations de l'Etat avec les collectivités territoriales. La réforme envisagée suscite plusieurs interrogations. Tout d'abord, pourquoi regrouper au sein d'un premier programme les dotations allouées automatiquement en se fondant sur la nature de leur gestion ? Ce regroupement semble peu conforme à l'esprit de la LOLF, qui veut qu'on raisonne en termes d'objectifs. Ne pourrait-on d'autre part envisager de scinder les programmes consacrés aux collectivités territoriales en deux : le premier, consacré aux dotations de fonctionnement, le second dédié aux projets d'investissement ? Ne pourrait-on enfin, plutôt que de regrouper les dépenses de personnel au sein d'un second programme, ventiler celles-ci, afin de connaître le coût complet de chaque programme ? Ici encore nous avons une occasion de réformer, et de donner au Parlement une vision objective de l'effort de l'Etat en faveur des collectivités locales : il faut la saisir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'administration générale et territoriale - Avec ses 4,4 milliards d'euros, l'enveloppe consacrée à l'administration générale et territoriale est modeste, comparée à celles dont ont traité mes collègues. D'autant que, dans ce total sont inclus 2,5 milliards consacrés aux pensions, qui relèvent en réalité du ministère des finances. Le contrôle s'exerce donc sur des masses assez limitées. Il s'agit pourtant de crédits stratégiques, car ils préfigurent le fonctionnement de l'Etat de demain. J'évoquerai à ce propos la globalisation des crédits des préfectures, c'est-à-dire la décentralisation de l'engagement des crédits.

Pour ce qui est de l'administration générale, le nombre des postes est stable, sauf en ce qui concerne les élections ; l'année 2004 comportera en effet quatre rendez-vous électoraux. Les crédits consacrés aux élections passent donc de 159 millions dans le budget 2003 à 340 cette année, ainsi répartis : 80 millions sont affectés au financement de la vie politique, et 260 millions aux élections, tant pour leur organisation que pour le remboursement des dépenses de campagne. J'observe que les crédits qui financent la commission de contrôle des comptes de campagne sont rattachés cette année au ministère de la justice, seules quelques « queues de chapitres » demeurant à l'intérieur. Il serait plus rationnel que tous les crédits relatifs au financement de la vie politique et de son contrôle soient placés sous l'égide de l'intérieur, et j'appelle sur ce point l'attention de vos services.

On constate une stabilité pour la plupart des chapitres, ce qui traduit un effort de maîtrise des dépenses. Un chapitre s'accroît cependant, celui de l'action sociale du ministère. Celui-ci s'est en effet engagé l'an dernier à assurer de façon plus exemplaire l'accueil des enfants des personnels de l'administration, mesure salutaire qui coûte 1 million d'euros. Les crédits de personnel passent de 241 à 257 millions, pour deux raisons. Tout d'abord, 79 postes sont créés, qui ne sont que partiellement gagés par la suppression de 42 autres. Ensuite ce ministère, qui était en retard sur d'autres au regard de son régime indemnitaire, a engagé un rattrapage.

Les crédits des cultes restent stables. Ils financent 1 422 fonctionnaires agents des cultes musulman, juif, catholique, luthérien et calviniste. Un effort de 2 millions d'euros a été fait en 2002 et 2003 pour revaloriser de 640 % la « prime de binage », relative aux frais de déplacement des agents des cultes. Ce n'était pas un luxe : la précédente revalorisation datait de 1964.

Le budget global de l'administration territoriale est de 1,159 milliard en crédits de paiement. Sa ventilation a évolué. En effet, en 2000, a été lancée l'expérience de la globalisation des préfectures : tous les crédits de gestion d'une préfecture deviennent fongibles. Un crédit de communication pourra ainsi, par exemple, être utilisé pour financer l'accueil du public. Ce dispositif ingénieux et ambitieux devrait permettre un meilleur fonctionnement des services déconcentrés. L'expérience a si bien réussi qu'elle est généralisée cette année. Il en résulte que nous ne pouvons avoir une vision claire par crédits de l'action du ministère - mais c'est une très bonne chose puisque cela donne aux préfets toute latitude pour bien gérer leurs crédits.

J'appelle l'attention sur l'effort particulier de maîtrise des dépenses. On supprime 185 postes pour l'administration territoriale. Qui plus est, la progression des dotations est relativement faible : elle est de 0,2 % pour tenir compte du glissement vieillesse-technicité, alors qu'on estime à 0,6 % l'effet d'un GVT normal. L'ensemble du ministère fait donc un effort de maîtrise, et l'administration territoriale un double effort, puisqu'à la faible progression des crédits s'ajoute la suppression de 185 postes.

Nous abordons une année importante, celle de la généralisation de la globalisation des préfectures. Deux problèmes vont se poser. Le premier concerne le personnel. Pour des raisons historiques, certaines préfectures sont mieux dotées que d'autres, et ce fait perdure. En cette première année de généralisation de la globalisation, il faudra bien voir les besoins réels de personnel de chaque préfecture.

J'en viens au rebasage. La base financière des préfectures est un héritage de l'histoire : elle dépend des relations qu'elles entretenaient avec le conseil général en 1982.

M. Christian Estrosi - Très bien !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial - Certaines préfectures, comme celle des Alpes-Maritimes (Sourires) sont ainsi richement dotées alors que celle du Val d'Oise est sous-dotée.

M. le Président - Ou celle de l'Eure !

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial - Il faut donc poursuivre la régulation de ces crédits pour assurer une juste base de fonctionnement à chaque préfecture.

Plusieurs pistes ont été ouvertes pour définir les programmes dont la LOLF prévoit la création. Un premier programme intitulé « administration territoriale » regrouperait les crédits des préfectures et les dotations prévues pour l'organisation des élections et le remboursement des dépenses de campagne. Un deuxième programme regrouperait les dépenses transversales, et un troisième, dont les crédits ne sont pas encore identifiés, les actions territoriales de l'Etat. Il faut poursuivre la réflexion. La création d'un programme relatif au financement de la vie politique me paraît souhaitable.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'administration générale et territoriale du ministère de l'intérieur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration générale et les collectivités locales - Je remercie d'abord mes collaborateurs ainsi que Mme Catherine Leroy, pour le travail qu'ils ont effectué.

Nous voici à la dernière année avant l'acte II de la décentralisation. Ce budget clôt une phase de vingt ans ouverte par Gaston Defferre et pose les jalons d'une nouvelle étape en préparant un Etat plus à l'écoute de ses administrés.

Je me félicite en premier lieu de la reconduction du contrat de croissance et de solidarité entre l'Etat et les collectivités territoriales dans un contexte difficile et du maintien d'un lien avec la croissance porté à 50 % du PIB, contre un tiers auparavant, pour le calcul des principaux concours financiers de l'Etat.

2004 marquera la première étape de la réforme de la DGF dont l'architecture sera remaniée, avec d'une part une DGF régionale et d'autre part la DGF 2004 formée de deux dotations : une dotation de base forfaitaire, en progression, et une dotation de péréquation incluant notamment la DSU, qui sera portée à 6 % du montant de la DGF pour mieux tenir compte des charges spécifiques des communes en difficulté.

La DGF passe de 18,835 milliards en 2003 à 36,740 milliards du fait de l'intégration de plusieurs compensations et fonds. Elle progresse donc globalement de 1,93 %.

Si ce budget réorganise l'ensemble des dotations de l'Etat aux collectivités locales en consacrant la DGF comme pivot des dotations, il ne modifie pas encore la répartition interne de ses différentes parts.

Le principe de la déliaison des taux est reconduit. Les élus locaux que nous sommes souvent auraient souhaité plus d'audace en la matière. Les collectivités locales ont en effet su faire preuve de modération, c'est-à-dire de responsabilité. Le ministre délégué aux libertés locales a bien voulu en convenir, tout en excluant, en cette période transitoire, toute mesure susceptible de ne pas être comprise par les contribuables locaux.

Le montant global des ressources transférées par l'Etat aux collectivités locales s'élèvera à 59,4 milliards d'euros contre 58,43 en 2003, soit une progression de 1,66 %, évolution plus que favorable en volume qui s'accompagne d'une simplification de l'architecture des finances locales.

L'effort accompli par les collectivités territoriales en matière d'investissement est réel et l'investissement public local joue un rôle déterminant dans la croissance, même s'il y a des disparités selon le niveau de collectivité.

L'acte II de la décentralisation renforcera cette contribution en favorisant le développement des équipements et la gestion de proximité.

Vous avez eu raison de ne pas vous limiter à un réaménagement technique des compétences et de toucher aux principes mêmes de fonctionnement du système administratif, alimentant une dynamique locale qui ne se laissera pas enfermer dans le carcan des textes.

Certes, la décentralisation marque une rupture par rapport à la conception classique des politiques publiques fondées sur la primauté de l'Etat. Mais celui-ci reste garant de la cohérence des politiques locales.

Ainsi, la politique de formation professionnelle continue et d'apprentissage a été la première attribution confiée aux régions. Mais l'encadrement de leurs compétences et l'importance du domaine réservé de l'Etat restreignent considérablement leur marge de man_uvre.

Le projet de loi relatif aux responsabilités locales traduit la volonté du Gouvernement d'accompagner les transferts de compétences de garanties suffisantes, en termes de financement et de personnel, pour les collectivités territoriales.

Le choix d'opérer par blocs de compétences permettra au citoyen de mieux identifier les responsables.

Pour reprendre l'exemple de la formation professionnelle, le projet de loi clarifie la situation en élargissant la compétence des régions à l'ensemble du champ de la formation professionnelle des adultes et en l'accompagnant d'un transfert de crédits jusque-là affectés à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. Dès lors que la formation n'est pas prise en charge par l'employeur ou par l'assurance-chômage, c'est la région qui sera l'autorité responsable.

De même, le rôle fondamental du département est confirmé en matière d'action sociale, tandis que la décentralisation du RMI est opérée par le projet de loi créant le revenu minimum d'activité, comme en direction des personnes âgées, ce domaine formant désormais un bloc homogène de compétence.

On n'est pas en train d'organiser le démembrement de l'Etat, mais de lui permettre au contraire de se concentrer sur ses missions essentielles : il jouera en effet désormais un rôle de régulateur puisqu'il pourra fixer des règles minimales. Cela suppose que ses services déconcentrés, plus particulièrement ceux en charge du contrôle de légalité, disposent des moyens nécessaires, tant en termes budgétaires qu'en termes de personnels. Quant à l'administration territoriale, elle a connu un renouveau en 2003 avec le renforcement du rôle du représentant de l'Etat, désigné comme celui qui s'exprime au nom de l'ensemble des membres du Gouvernement, consécration qui s'accompagne de moyens performants.

L'expérimentation permet aussi de conférer au préfet une plus grande latitude dans l'emploi des moyens humains et budgétaires.

Une réflexion sur les missions des préfectures devrait permettre d'alléger le contrôle de légalité et de moderniser les procédures. En outre, des synergies seront mises en place pour faciliter l'émergence des pôles interrégionaux d'expertises juridiques et d'informations permanentes.

Loin de préparer un démembrement de l'Etat, vous mettez donc en _uvre une organisation permettant d'assurer sa permanence et son rôle d'impulsion.

Ma dernière observation a trait à cette fameuse autonomie financière, à laquelle je vous sais très attaché, qui exige des efforts considérables de la part du Gouvernement pour convaincre des élus locaux échaudés par le passé.

L'article 7 de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 consacre ce principe de l'autonomie financière, qui s'apprécie en comparant le montant total des ressources propres de la collectivité à celui de l'ensemble de ses ressources. Selon la loi, une part déterminante de l'ensemble des ressources est constituée, pour chaque catégorie de collectivité, par les recettes fiscales et les autres ressources propres.

Mon propos serait incomplet si je n'évoquais pas la question de la capacité financière des collectivités territoriales au regard des compétences transférées, et donc la nature des ressources à transférer.

Vous avez la volonté d'assurer une équitable compensation financière des charges liées aux transferts de compétences. Cette compensation s'effectuera à titre principal par l'attribution d'imposition garantissant aux collectivités territoriales des ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées par l'Etat, assorties d'un engagement d'actualisation.

M. le ministre délégué aux libertés locales a réitéré devant notre commission son souhait que ces transferts s'opèrent dans la plus grande transparence et le plus grand esprit de loyauté. C'est bien dans cet esprit de dialogue que votre rapporteur aborde cette discussion.

Je ne doute pas de votre engagement personnel et de celui du Gouvernement. La commission des lois est favorable à l'adoption des crédits de l'administration générale et des collectivités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Après ces remarquables discours détaillant tous les aspects du budget que j'ai l'honneur de vous présenter, il est inutile que j'ânonne des documents que vous avez parfaitement compris.

Aussi lancerai-je plutôt un débat politique : que faisons-nous de l'argent que la représentation nationale nous confie ?

En termes quantitatifs, ce budget est incontestablement bon. On pourrait le souhaiter meilleur, mais comparé aux autres, il mérite le soutien unanime de tous ceux qui réclament des moyens pour les policiers et les gendarmes. Je remercie la majorité d'avoir voté la LOPSI. Quant à l'opposition, qui redoutait un effet d'annonce - tant de fois des engagements pris n'ont pas été tenus ! - je puis la rassurer : 55 % des crédits de la LOPSI, prévus pour cinq ans, ont été engagés en deux ans. Cela mérite d'être encouragé !

Cet argent a-t-il permis aux policiers et aux gendarmes de travailler plus et mieux ? A-t-on déjà des résultats ?

C'est une question que se posent tous vos électeurs. Je viens de recevoir les chiffres de la délinquance pour le mois d'octobre : elle a diminué de 3,9 % par rapport à octobre 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

M. Gilbert Gantier - Très bien.

M. le Ministre - Entre octobre 2001 et octobre 2003, la baisse est de 8,86 %. L'opposition aurait dû applaudir, pour saluer le travail des policiers et des gendarmes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). C'est eux qu'il faut applaudir. Monsieur Blazy, ne vous gênez pas. Les fonctionnaires sont sensibles aux critiques mais aussi aux compliments. Il ne sert à rien de parler tout le temps de la fonction publique si on n'est pas capable de saluer le travail de fonctionnaires qui ont obtenu de bons résultats. Vous leur avez donné davantage de moyens, policiers et gendarmes ont travaillé davantage.

Mais il y a un autre problème, que vous connaissez, Monsieur le Président, pour avoir occupé les mêmes fonctions que moi : avoir plus d'argent nous dispense-t-il de réformer ? Les réformes sont là. Gendarmes et policiers travaillent sous la même autorité. On nous disait que c'était impossible. Quand on prétend une réforme impossible sans avoir d'arguments, on invoque une « différence culturelle ». Cela évite de réfléchir. Circulez, y'a rien à voir ! (Sourires) Or le rapprochement a eu lieu. Qui osera revenir dessus ? Les deux grandes forces de sécurité doivent obéir à la même autorité, car les délinquants qu'ils combattent sont les mêmes. Il n'y a aucun problème entre policiers et gendarmes. Dans sept villes, j'ai pu rassembler des milliers de policiers et de gendarmes pour leur tenir le même discours. Personne ne s'est senti humilié ni renié dans son identité.

MM. Le Fur et Léonard ont raison, il faut absolument que soit identifié le budget de la gendarmerie. Il n'y a pas de problème entre le ministère de la défense et celui de l'intérieur. Nous devons rendre des comptes aux parlementaires qui ont voté la loi d'orientation.

On nous disait qu'il serait impossible de constituer les groupements d'intervention régionaux. Ils fonctionnent. Il y en a 29, associant fonctionnaires des finances, des douanes, de la répression des fraudes, du travail, avec les policiers et les gendarmes. Certaines affaires n'auraient jamais pu aboutir sans les GIR. Nous l'avions promis : c'est fait.

Les CRS et les gardes mobiles représentent un effectif de 30 000 hommes. En définissant des zones, nous avons remis 4 500 fonctionnaires au service de la sécurité publique sans dépenser un centime. Les Français sont heureux de ne plus voir ces colonnes de camions se croiser inutilement sur les routes.

Le redéploiement des effectifs de police et de gendarmerie avait été engagé par M. Chevènement qui a beaucoup d'idées mais qui s'était arrêté en chemin. Seulement deux commissariats ont été fermés. Aujourd'hui, le redéploiement est fait et il n'est contesté par personne. Monsieur Blazy, je prends votre discrétion comme un acquiescement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Blazy - Nous en reparlerons !

M. le Ministre - A Troyes, les deux tiers de la ville étaient en zone de police et un tiers, dont la zone industrielle, en zone de gendarmerie. Ces frontières administratives faisaient la joie des délinquants. Les victimes ne savaient pas où s'adresser. Nous avons donc redessiné les zones. Certes, un fonctionnaire m'a demandé un soutien psychologique parce qu'un poste allait être déplacé de 33 kilomètres. J'ai pris cela pour de l'humour (Sourires).

Le redéploiement est fait. On m'avait promis des manifestations, des protestations. On voit sur le terrain que les policiers et les gendarmes travaillent bien ensemble.

On a prétendu que les maires ne comprendraient jamais les communautés de brigade. Mais certaines brigades n'enregistraient que cent plaintes par an : un visiteur tous les trois jours ! Il ne faut pas prendre les élus pour ce qu'ils ne sont pas. Ils sont intelligents et responsables. Que souhaitent-ils ? Davantage de patrouilles, en particulier la nuit, le samedi et le dimanche. Qui ne comprend qu'avec trois brigades, on peut tenir l'ensemble du terrain, ce qui est impossible avec une brigade de six gendarmes ? Vous en rêviez, c'est fait ! (M. Braouezec proteste)

Le mérite, on adorait en parler, sans le reconnaître au sein de la fonction publique. Enfin, nous reconnaissons les compétences et les performances des fonctionnaires. Procéder ainsi, c'est les considérer. Si on n'évalue pas un travail, c'est qu'on ne le considère pas.

La performance n'est pas seulement une exigence du privé. Il y a partout des fonctionnaires qui travaillent bien, qui travaillent dur. Il faut les récompenser. Le mérite est une idée républicaine. La prime au mérite, d'ailleurs, ne doit pas être réservée aux chefs. Qu'un chef travaille bien, c'est normal, c'est son devoir. Mais il faut aussi penser à la base. Nous avons prévu 5 millions d'euros pour la prime au mérite. Y a-t-il eu des protestations, des mouvements sociaux ? Qui prétendra qu'il ne faut pas les distribuer ?

Quelle est la première valeur républicaine, sinon la méritocratie ? A-t-on peur que personne n'ait de mérite ? Pourquoi craindre pour le public ce qui se fait dans le privé ? En reconnaissant le mérite, on considère la fonction publique et on réduit le fossé entre le public et le privé.

Que n'ai-je entendu à propos de la réserve civile ? Celle-ci n'est pas encore constituée, mais j'ai déjà 3 270 candidatures de jeunes retraités de la police. Au lieu de déstructurer notre système de sécurité chaque fois qu'a lieu un événement comme le soixantième anniversaire du Débarquement ou le G8, on puisera dans la réserve les effectifs dont on aura besoin. Cela permettra à de jeunes retraités d'améliorer leur pouvoir d'achat sans recourir aux effectifs actifs, qui resteront dans vos circonscriptions. Qui peut s'en plaindre ?

D'ailleurs, le service militaire ayant été supprimé, si demain se produisent dans notre pays des événements graves nécessitant la surveillance des bâtiments publics, comment ferions-nous sans une réserve mobilisable ?

Nous allons continuer. J'ai engagé la réforme des corps et carrières, avec pour objectif de réduire de 20 % le nombre des commissaires et de 50 % celui des officiers. Dans certaines régions, il y a tant d'officiers qu'il faut attendre dix ans pour monter en grade. Dans la région parisienne au contraire, on manque d'officiers. Je considère que les officiers doivent occuper des postes de commandement opérationnel. Nous n'avons pas besoin de commissaires pour diriger des secrétaires dans une administration (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Cette réforme, nous l'avons expliquée aux organisations syndicales : il y aura moins d'officiers, mais ils seront mieux payés, mieux formés et mieux considérés. Voilà le système gagnant. Le ministère de l'intérieur veut être à l'avant-garde de la réforme de l'Etat.

Nous allons procéder de la même manière avec les adjoints de sécurité : leur rémunération va augmenter, leur formation s'améliorer, mais leur nombre diminuera. Je préfère qu'ils soient moins nombreux qu'actuellement, mais formés, et qu'ils bénéficient d'un statut permanent. Cela ne sert à rien d'invoquer des arguments sociaux si on précarise l'emploi public, si on sous-paye des gens qui font un travail remarquable, analogue à celui des gardiens de la paix.

S'agissant de la durée du travail, il ne faut pas méconnaître la réalité. J'étais ce matin à Carcassonne avec les fonctionnaires de la brigade anti-criminalité. Quand on travaille de 22 heures à 4 heures du matin, la question n'est pas le nombre d'heures mais le nombre des interpellations. Nous portons de six à huit le nombre de jours de RTT que nous allons racheter. On m'a dit que j'aurais un problème avec les organisations syndicales. Je l'attends, ce problème ! Car les fonctionnaires souhaitent avant tout améliorer leur pouvoir d'achat.

Les 35 heures ne sont pas choquantes en soi : il y a des gens fatigués, ou qui veulent passer plus de temps avec leur famille par exemple, et c'est éminemment respectable. S'ils peuvent ne travailler que 35 heures, tant mieux ! Ce qui n'est pas admissible, c'est que ceux qui veulent travailler plus pour gagner davantage, pour payer les études de leurs enfants ou les traites de la maison, ne puissent le faire. Quelle drôle d'idée ! Considère-t-on que la France va si bien, pour se donner tant de mal pour empêcher les gens de travailler et gagner davantage ?

Notre politique de sécurité a obtenu des résultats. C'était d'ailleurs un devoir, puisque la représentation nationale nous a accordé une augmentation de plus de 5 %. Je ne suis pas partisan du « toujours plus » pour le principe : chaque centime que nous engageons doit être justifié et doit permettre aux policiers et aux gendarmes de travailler plus et mieux. Cela se traduit par l'augmentation du nombre de faits élucidés, de gardes à vue et de personnes mises sous écrou.

En matière de sécurité civile, la France est bien organisée pour une année moyenne. Mais elle n'a pas les moyens de faire face à une catastrophe exceptionnelle. Il faudra bien faire comprendre un jour à l'administration des finances qu'il coûte beaucoup plus cher de dépêcher des colonnes de renfort après la catastrophe, quand il faut en plus payer le massacre écologique, que de les utiliser en prévention, pour éviter l'incendie de dizaines de milliers d'hectares ! La loi de modernisation sur la sécurité civile, que je présenterai au conseil des ministres en décembre, permettra de renforcer nos moyens d'action.

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis - Très bien !

M. le Ministre - En ce qui concerne les préfectures, j'aimerais qu'elles soient toutes globalisées dès cette année. C'est le cas pour une trentaine aujourd'hui, et le constat est simple : elles mettent sept jours à délivrer une carte d'identité, contre douze dans les préfectures qui ne sont pas globalisées ! La globalisation permet de responsabiliser les préfets, qui s'organisent comme ils le souhaitent à l'intérieur de leur budget global. Après un départ à la retraite par exemple, ils ont le choix entre affecter un nouvel agent au même poste, remplacer ce poste par un autre dans un autre service ou même utiliser les crédits correspondants à autre chose ! La France ne peut plus être ce pays centralisé où l'on doit remplir une demande en vingt-cinq exemplaires pour créer un poste d'infirmière quelque part ! Les responsables ont des objectifs, ils ont des moyens, il doivent produire des résultats. Toute autre façon d'agir est condamnée à l'échec. Je souhaite donc que les préfectures soient un exemple de modernisation : un préfet n'est pas un organisateur de cocktails ! Il représente le gouvernement, gère les crises et fait entendre la voix de l'Etat dans son département. Mais de quelle responsabilité dispose-t-il si ce n'est pas lui qui affecte ses collaborateurs où il l'entend ? La culture du résultat va de pair avec l'autonomie.

Monsieur Aeschlimann, M. Devedjian aurait été heureux de présenter la partie du budget relative aux collectivités locales. Il est pour l'instant au Sénat, pour le projet de loi sur la décentralisation. A l'heure où l'Etat s'impose un objectif d'évolution zéro des dépenses, on peut s'interroger sur l'opportunité d'appliquer la même norme aux dotations des collectivités locales. Le débat a été tranché : le contrat de croissance et de solidarité entre les communes et l'Etat reste indexé sur les prix majorés de 33 % de la croissance du PIB, et la DGF reste indexée sur l'inflation majorée de 50 % de la croissance. L'Etat n'a donc pas voulu appliquer aux collectivités locales les restrictions qu'il s'applique à lui-même.

Qu'est-ce que l'autonomie financière des collectivités locales ? Grosso modo, l'inverse de ce qu'a fait le gouvernement précédent. Entre 1997 et 2001, il a transformé 15 milliards de recettes fiscales, sur les taux desquels elles pouvaient agir, en dotations.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - C'est vrai !

M. le Ministre - Mais il n'y a aucune liberté sans recette fiscale dynamique, c'est-à-dire une recette dont la masse peut évoluer indépendamment de l'augmentation de son taux, par l'évolution de l'assiette. C'est pourquoi nous allons transférer une partie de la TIPP, qui représente 26 milliards en 2004, aux collectivités locales, les associant ainsi à la croissance économique. J'ai souhaité faire encore mieux avec la taxe sur les conventions d'assurance : on sait que les dépenses locales pour les SDIS sont très importantes, et après tout la sécurité n'a pas de prix. Mais avec quel impôt sont-elles financées ? Pour la première fois, un gouvernement transfère une taxe fiscale, sur le taux de laquelle vous pourrez jouer, pour financer les SDIS ! Cela ne règlera pas tous les problèmes financiers, mais il fallait enfin répondre aux SDIS, qui réclament cette mesure depuis des années ! Cela constitue un changement considérable, d'autant que cette recette a augmenté l'an dernier de 7,6 %.

Je n'ai pas voulu vous présenter ce budget sous l'angle des chiffres - vous les avez. J'ai préféré vous exposer le raisonnement qui nous a conduits à vous présenter ce budget. C'est un budget de réforme, car la réforme doit améliorer notre efficacité pour répondre à l'angoisse des Français. Cette angoisse n'était pas un fantasme, mais une réalité, et c'est parce que le Gouvernement en était persuadé qu'il s'est doté de tous les moyens nécessaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La séance, suspendue à 16 heures 55 est reprise à 17 heures 10.

M. Christian Estrosi - Monsieur le ministre, après votre intervention, la modestie aurait dû me pousser à passer mon tour ! (Exclamations) Quel chemin accompli en seulement deux ans ! Grâce à votre détermination, l'action a fait place à l'inaction coupable et le réalisme à l'aveuglement idéologique. Qui ne s'en réjouirait, tant il est vrai que la sécurité doit demeurer une liberté fondamentale, au même titre que l'égalité ou que la dignité de la personne humaine.

Votre projet de budget pour 2004 témoigne de l'engagement indéfectible du Gouvernement en faveur de la sécurité intérieure et de la lutte contre toutes les formes de délinquance. C'était l'engagement premier de ce gouvernement et de cette majorité, celui sur lequel les Français attendaient le plus de nous. Force est d'admettre que vous avez su ne pas les décevoir. Chaque jour, partout, l'autorité de l'Etat s'affirme et la République reprend ses droits. Certes, la guerre contre les délinquants n'est pas encore gagnée mais l'esprit de réforme qui souffle désormais a déjà permis de relever nombre de défis et de remporter d'importantes batailles.

J'entends encore les quolibets de ceux qui jugeaient impraticable le rapprochement entre la police et la gendarmerie. Le succès des GIR les a réduits au silence ! L'action conjuguée des forces de l'ordre, de l'inspection du travail, des douanes et des services du ministère des finances a permis de démanteler d'importants réseaux de prostitution, de drogue ou d'armes.

La motivation a regagné les rangs de ceux qui, au péril de leur vie, protègent nos concitoyens. Je salue la détermination de toutes ces femmes et de toutes ces hommes qui ont choisi de servir l'Etat. Les habitants des quartiers sensibles, naguère terrorisés par des délinquants fiers de leur impunité, savent désormais qu'ils peuvent compter sur le soutien sans faille des forces de l'ordre. Quant aux criminels, ils doivent enfin comprendre que policiers et gendarmes peuvent agir à toute heure et sur chaque centimètre carré de notre territoire. Grâce à vous, les forces de l'ordre sont partout chez elles dans la République, prêtes à intervenir chaque fois que cela est nécessaire !

Quant aux parents et aux proches de ces enfants et de ces jeunes femmes violés, torturés et assassinés par des monstres à visage humain, nous devons être fiers de pouvoir leur dire qu'aujourd'hui, 10,6 millions sont mis en place pour poursuivre la modernisation de notre police technique et scientifique, notamment en étendant le fichier national automatisé des empreintes génétiques qui facilitera l'arrestation des auteurs des crimes les plus odieux. Notre pays accusait jusqu'à aujourd'hui un retard important en ce domaine. Alors que le système de détection et de prélèvement des empreintes génétiques est opérationnel depuis plus de vingt ans dans de grandes démocraties comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, la France ne s'en est doté qu'il y a deux ans, et encore aura-t-il fallu attendre la LOPSI puis la LSI pour en étendre le champ. Ce fichier comporte aujourd'hui 13 000 noms, contre 1 600 il y a peu encore. Et avec les crédits supplémentaires alloués en 2004, il devrait en rassembler 150 000 fin 2004, puis 600 000 dans les trois à quatre ans à venir. Faut-il rappeler que le fichier britannique comporte deux millions de noms ? Tout auteur d'infraction, même mineure, routière par exemple, fait l'objet au Royaume-Uni d'un relevé d'empreintes génétiques. C'est ainsi qu'il y a quelques semaines, après un banal vol dans un supermarché, on a pu mettre hors d'état de nuire un dangereux violeur qui avait commis son forfait trois ans auparavant. Nous n'avons rien à craindre d'un tel dispositif : c'est au contraire un moyen de mieux défendre leur sécurité et leurs libertés individuelles.

En 2003, pour la deuxième année consécutive, la délinquance a reculé, confirmant que la spirale de l'échec et de l'oisiveté avait bel et bien été rompue. Je suis convaincu qu'elle reculera encore en 2004, et ce budget le permet. Les crédits de la police nationale augmentent de 5,7 %, dans la continuité du budget précédent. En deux exercices seulement, 55 % des engagements de la LOPSI auront été exécutés.

Elu d'un département particulièrement exposé aux risques d'incendies, je dirai enfin un mot de la sécurité civile. Personne n'a oublié le périlleux combat mené cet été par des hommes et des femmes, que certains ont payé de leur vie, pour protéger du feu personnes, biens et milieux naturels. Hélas, la départementalisation des SDIS, par une loi ô combien imparfaite et floue, a gravement déséquilibré les budgets des collectivités, en particulier ceux des conseils généraux. Ainsi suis-je contraint cette année de provisionner 41 millions d'euros dans le budget des Alpes-maritimes pour le SDIS, soit 10 millions de plus que l'an passé. Comment faire pour que la hausse de 25 % de ce poste n'ait pas d'incidences sur la fiscalité locale ? Nous ferons certes des économies ailleurs pour que celle-ci n'augmente pas, mais la difficulté est réelle. Bien que les moyens matériels et humains du SDIS des Alpes-Maritimes soient les plus importants de tous les départements de France, on l'a vu cet été, ils sont encore insuffisants. Merci donc, Monsieur le ministre, tout d'abord pour l'augmentation globale de 4,5 % du budget de la sécurité civile, mais surtout pour celle de 18 % des crédits d'investissement. La mutualisation des moyens, notamment en porteurs d'eau, qui pourra en résulter permettra aux départements, comme à l'Etat, d'assumer en toute clarté les dépenses respectives qui leur incombent. La taxe sur les conventions d'assurance, dont le produit augmente d'environ 7 % par an depuis quelques années, nous sera également d'une aide précieuse. Cela étant, le statu quo ne peut durer. Il faudra débattre prochainement des compétences respectives de l'Etat, des départements et de l'ensemble des collectivités.

C'est avec une grande satisfaction et la plus totale confiance dans le Gouvernement qu'au nom du groupe UMP, j'appelle l'Assemblée à voter ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Blazy - Permettez-moi tout d'abord, comme chacun d'entre nous, de m'indigner après l'assassinat la nuit dernière d'un gardien de la paix à Paris. Cet événement tragique nous rappelle les risques encourus par les fonctionnaires de police dans l'exercice de leurs missions, comme en-dehors. J'espère que l'enquête en cours, après l'arrestation des auteurs présumés, permettra d'élucider rapidement cette affaire.

Le budget de la police pour 2004 est assurément l'un des mieux dotés. Je reviendrai toutefois un instant sur l'exécution du budget 2003. Comme vos prédécesseurs, Monsieur le ministre, vous vous êtes laissé aller à quelques coups d'accordéon. En effet, par deux fois, en janvier et en octobre, 80 millions d'euros ont été annulés. Lorsque je vous ai interrogé sur ce point en commission, vous m'avez répondu en invoquant les dégels de crédits que vous aviez pu obtenir. Mais le problème demeure entier car gels et annulations ne sont pas la même chose. J'ai en mains des télex adressés aux directions départementales de la sécurité publique en septembre dernier, les informant que certaines formations étaient annulées « en raison de contraintes financières ». C'est bien pourquoi nous doutons de la réalité de certains engagements en 2004, d'autant que le contexte budgétaire général est beaucoup plus difficile.

Le budget de la police pour 2004 s'élève donc à 5,74 milliards d'euros, en progression de 5,73 % par rapport à l'an passé, en continuité aussi avec l'action du précédent gouvernement qui avait augmenté de près de 5 % les dépenses de personnel en 2002.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Pour quel résultat !

M. Jean-Pierre Blazy - Avec ce budget, 55 % des engagements de la LOPSI sont d'ores et déjà assurés.

Mais une question essentielle est celle des effectifs. Vous annoncez la création de 1 000 postes, après 1 900 l'an passé. En 2002, nous avions, pour notre part, créé 3 000 emplois, certes en partie pour compenser le passage aux 35 heures. Vous avez déclaré en commission que celui-ci avait fait perdre l'équivalent de 7 800 emplois. C'est oublier les emplois que nous avions créés en compensation, c'est oublier surtout que nous avions prévu un dispositif de rachat. Par ailleurs, que je sache, vous n'avez pas l'intention de remettre en question l'application des 35 heures dans la police nationale...

Un autre problème important est celui du remboursement des heures supplémentaires effectuées, mais non payées. Alors que les syndicats estiment à plus de 54 millions d'euros les impayés pour les seuls officiers, votre budget ne prévoit que 5,7 millions.

La question la plus importante demeure toutefois celle des départs en retraite. Déjà en 2001, rapporteur, je soulignais le nombre élevé de départs à 55 ans, 4 600 en moyenne par an. En commission, vous avez parlé de 3 114 départs attendus en 2003, puis de 5 393. Le rapporteur confirme ce dernier chiffre, précisant que 3 625 seraient des départs anticipés. Mais vous-même, Monsieur le ministre, avez parlé de 1 080 départs anticipés, quand votre cabinet les évaluait, quant à lui, à 800. Qui croire ?

M. le Ministre - Les chiffres évoluent au fil des semaines.

M. Jean-Pierre Blazy - Où en sera-t-on en décembre ? C'est essentiel car les départs en retraite anticipée dépassent largement vos créations d'emplois.

M. Christian Vanneste - C'est irresponsable !

M. Jean-Pierre Blazy - M. Fillon et sa loi sur les retraites sont responsables de l'accélération des départs anticipés. Dois-je rappeler que notre collègue Christian Estrosi s'inquiétait en décembre 2001 du fait que les recrutements que nous proposions alors ne compenseraient pas les départs en retraite ?

S'agissant des adjoints de sécurité, le budget 2004 prévoit d'en pérenniser 11 300 sur les 12 900 qui existent aujourd'hui - ils étaient 14 800 au 1er mars 2002. Si la paralysie de certains services pourra sans doute grâce à eux être évitée, force est de constater que l'on a décidé de réduire leur nombre. Et de nombreuses interrogations persistent. Dans quel cadre et sous quel statut seront-ils pérennisés ? Qu'advient-il de la dimension qualifiante des ADS ? Une grande partie d'entre eux a passé avec succès le concours de gardien de la paix, ce qui, compte tenu de la crise de vocation que connaît parfois la police, n'est pas négligeable. Au 4 mars 2002, 7 171 d'entre eux avaient ainsi réussi le concours. Les nouveaux ADS seront-ils toujours un vivier de recrutement pour la police nationale ?

Par ailleurs, le budget prévoit la création de près de 250 postes administratifs, après un millier en 2003. Nous avions largement commencé, contrairement à ce qui fut fait entre 1995 et 1997 : nous avons créé 800 postes en 2001 et 300 en 2002. Nous savons qu'on a besoin de ces personnels administratifs, techniques et scientifiques pour faire une bonne police. Leur proportion dans les effectifs de la police nationale est bien moindre qu'en Allemagne et au Royaume-Uni. Le coût d'un agent administratif est d'autre part très inférieur à celui d'un agent opérationnel ; mais il faut rendre leur statut plus attractif, et qu'on ne doive plus constater que la moitié des emplois administratifs sont encore occupés par des policiers en tenue.

Vous présentez 2004 comme la première année de la réforme des corps et carrières. Or, tous les éléments de cette réforme étaient déjà prévus par la LOPS de 1995 et en partie engagés par vos prédécesseurs. La déflation des corps des officiers et des commissaires n'est pas une nouveauté. En raison toutefois des besoins d'encadrement, il faut s'interroger sur l'opportunité de maintenir ce processus jusqu'à son terme.

La question de la formation est également essentielle. L'encadrement des jeunes fonctionnaires est une préoccupation majeure, alors même que la déflation des corps et que l'augmentation du nombre des OPJ se poursuivent. Vous prévoyez ainsi la formation de 2 000 OPJ nouveaux en 2002. Or, pour la deuxième année consécutive, la formation n'est pas financée à la hauteur des besoins. Qui pis est, en 2003, vous avez remis en question des formations indispensables. La question est d'autant plus grave que, les départs en retraite s'accélérant, le rajeunissement des effectifs et les recrutements indispensables appellent un effort supplémentaire. Il faudrait même réfléchir à un allongement de la durée de formation des ACMA, dès lors qu'ils seront de plus en plus nombreux à exercer les fonctions d'OPJ. Finalement, Monsieur le ministre, on peut s'interroger sur la réalité des effectifs, car la LOPSI a prévu des créations d'emplois qui n'ont vocation à remplacer ni les départs en retraite, prévus ou imprévus, ni les ADS. On peut donc se demander quels effectifs seront véritablement présents dans nos commissariats en 2004.

Par ailleurs, vous nous parlez du redéploiement entre police nationale et gendarmerie. Il est achevé dans vingt-cinq départements. Il reste à faire là où c'est sans doute le plus difficile, en particulier dans les grandes régions urbaines comme l'Ile-de-France. Dans le Val d'Oise, le redéploiement ne sera que très partiel, puisqu'il concerne essentiellement la gendarmerie. Or, votre objectif - qui est aussi le nôtre, puisque c'est le gouvernement précédent qui a engagé, avec certaines difficultés, je vous l'accorde, la réorganisation territoriale - est bien de renforcer les effectifs là où se trouve la délinquance, notamment dans la périphérie francilienne. Une véritable concertation fait encore défaut. Il faut également, pour être cohérents, résoudre la question difficile de la fidélisation des personnels de police. Dans le Val d'Oise, au cours de cet automne, on constate de nombreuses mutations, et à peu près une arrivée - presque toujours un jeune - pour dix départs : cette situation n'est plus acceptable, pour les citoyens et les élus. Vous dites qu'il faut obtenir que les fonctionnaires restent cinq ans dans le ressort de leur première région d'affectation, et je suis d'accord. Pour cela, il convient d'améliorer la gestion des effectifs, et par exemple assortir la durée de maintien dans le poste de bonifications d'ancienneté et d'un droit de mutation prioritaire en fin de période, ou encore favoriser pour un gardien de la paix l'accès au grade supérieur. Il faut poursuivre la modification du régime indemnitaire que nous avions engagée. Et il faut aider au logement des policiers. Cette question est urgente : sur 23 000 fonctionnaires en Ile-de-France, on enregistre 17 000 demandes de mutation...

Vous ne doutez pas, dites-vous, que les résultats seront à la hauteur de l'augmentation des moyens. Parlons donc des résultats.

Tout d'abord, nous attendons beaucoup de l'observatoire national de la délinquance que vous venez d'installer. Nous pensons comme vous qu'il doit mettre les statistiques « au-dessus de tout soupçon », selon vos propres termes. Nos collègues Christophe Caresche et Robert Pandraud, auteurs du rapport que leur avait commandé à ce sujet Lionel Jospin, et membres aujourd'hui du conseil d'orientation de l'observatoire, y seront, j'en suis sûr, particulièrement attentifs. Mardi dernier, vous avez déclaré ironiquement que nous l'avions rêvé et que vous l'aviez créé. Vous auriez dû dire que nous l'avions pensé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Le temps a manqué ensuite. Mais l'essentiel, c'est qu'il n'y aura plus lieu de polémiquer sur les statistiques de la délinquance, comme le faisait l'opposition durant la précédente législature.

Dix-huit mois après votre arrivée, vous nous présentez un bilan positif d'une politique qui se voulait en rupture avec celle de la gauche, jugée laxiste, car trop préventionniste, et « naïve » car sous-estimant la délinquance et la nécessité de la sanction.

M. Jean-Christophe Lagarde - C'est M. Jospin lui-même qui a reconnu cette naïveté.

M. Jean-Pierre Blazy - Depuis lors, Monsieur le ministre, j'imagine que votre propre expérience de la naïveté sur le dossier corse vous a conduit à relativiser le poids d'un tel argument...

Le rapporteur de la commission des lois parle lui aussi du reflux de la délinquance. Gérard léonard est à la fois très élogieux quand il parle de « redressement spectaculaire du taux d'élucidation », mais prudent, quand il mentionne un « infléchissement de la délinquance des mineurs » et note que les progrès doivent être prolongés. Le thermomètre, l'état « 4001 » n'a pas changé depuis 2001. Certes, je le reconnais, vous avez fait tomber la température. La délinquance globale a diminué. Mais « l'état 4001 » mesure autant l'évolution du nombre de crimes et de délits que l'activité des services de police. Vous nous avez dit en commission que « les résultats sont au rendez-vous » : moins 3,5 % de délinquance, plus 8 % de faits élucidés, plus 12 % de gardes à vue. Mais si les gardes à vue augmentent tellement, c'est donc qu'il n'y a pas moins de crimes et de délits. Pouvez-vous nous dire par exemple combien il y a eu de voitures brûlées en 2002 et dans les dix premiers mois de 2003 ? Vous venez de nous donner le chiffre de la délinquance d'octobre, moins 3,9 % : très bien. Mais en septembre, c'était plus 1,16 %. Je n'en conclurai pas hâtivement que le thermomètre repart à la hausse et que l'effet Sarkozy, qui a été réel, commence à s'épuiser. Disons que le thermomètre est hésitant.

Je m'interroge sur les résultats d'une médiatisation excessive de l'insécurité. Certes, il faut communiquer dans ce domaine, et vous le faites bien. Mais attention : trop de surenchère, trop de stigmatisation, continueront à inquiéter et risqueront de profiter au Front national. Ce n'est pas ce que vous voulez, je le sais. Mais nous pourrons le mesurer dans les mois qui viennent à l'occasion des prochaines échéances électorales.

M. Christian Vanneste - C'est ce que vous, vous espérez !

M. Jean-Pierre Blazy - Certainement pas. Je m'interroge également sur l'efficacité de la culture du résultat que vous souhaitez instaurer au sein des forces de police. Que voyons-nous ? Une convocation des préfets et des commissaires, une distribution de bons et mauvais points, une pression permanente sur les services au point que certains se sentent obligés de fixer des objectifs chiffrés de garde à vue à réaliser. Ce sont là des dérives de votre culture du résultat ! J'ai pris connaissance d'une note du directeur de la sécurité publique de l'Hérault, qui fixe des quotas de gardes à vue à réaliser par ses services, ce qui a légitimement ému certains syndicats de policiers. Je cite sa conclusion : « le métier exercé par chacun d'entre nous élimine par définition les pédants, les illusionnistes et les froussards ». M. Guénot porte là un étrange regard sur ses fonctionnaires. Je vous demande quelles dispositions, quelles sanctions éventuelles, vous comptez prendre à l'encontre de semblables quotas de garde à vue.

M. le Ministre - C'est un de vos amis ! Un proche de M. Bergougnoux.

M. Jean-Pierre Blazy - Vous-même, Monsieur le ministre, avez dû rappeler certaines règles élémentaires relatives aux droits de l'homme, indiquant que la garde à vue ne saurait être « systématique » et doit préserver la « dignité des personnes ». Votre circulaire du 11 mars 2003 est surprenante : nous voyons le ministre de l'intérieur parfaire la formation juridique de ses troupes et les mettre en garde contre d'éventuelles dérives. Mais vous poussez vos hommes à faire du chiffre, en retenant le nombre de gardes à vue comme l'un des principaux indicateurs d'efficacité.

Comprenons-nous bien, nous ne sommes pas hostiles à la culture du résultat, mais pas au détriment des libertés individuelles. Je souhaite par exemple vous interroger sur le risque de dérive dans l'action des GIR que l'on pourrait observer si l'on adoptait les propositions de notre collègue Marc Le Fur, dans son récent rapport. La gauche avait créé les « opérations ciblées » sur la base d'un travail partenarial entre police, gendarmerie, douanes, services fiscaux, pour lutter contre l'économie souterraine. Vous avez créé les GIR, placés sous une double autorité administrative et judiciaire. Mais M. Le Fur déplore « un certain tropisme judiciaire des GIR » et demande « le renforcement de leur action en matière de police administrative ». Soyons clair : pour lutter contre l'économie souterraine et les trafics, il faut que les services collaborent de façon efficace, mais ce serait une dérive inacceptable que de consentir à un déséquilibre au profit de l'action relevant de la police administrative.

Je souhaite enfin, Monsieur le ministre, que vous puissiez clarifier votre position sur la police de proximité. Lorsque l'on a débattu de la LOPSI, en 2002 et par la suite, vous avez dit vouloir maintenir, voire conforter cette police de proximité. Mais ce que le rapporteur spécial appelle pudiquement « inflexion » dans ce domaine apparaît sur le terrain comme un véritable démantèlement. Vous avez créé les BAC de jour et les GIR, et prélevé sur les effectifs de la police de proximité. Or, il faut à la fois lutter contre l'économie souterraine et en même temps, si l'on considère avec nos concitoyens que la priorité est de lutter contre la petite et moyenne délinquance, développer la police de proximité dans les quartiers. C'est ce que nous avions commencé à faire, et ce qu'avait prévu la démarche stratégique de Daniel Vaillant.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - On a vu les résultats...

M. Jean-Pierre Blazy - Contrairement à ce qu'on prétend, en effet, la police de proximité peut être aussi une police d'investigation, tout en restant proche des citoyens et en évoluant à l'image de la société. Aujourd'hui, les citoyens voient disparaître cette police de proximité. C'est là une grave erreur d'orientation, qui aura des conséquences sur les résultats de la délinquance dans l'avenir.

Nous voici à la fin de 2003, et l'effet Sarkozy fléchit un peu. Un certain désenchantement apparaît dans les rangs de la police nationale. Les résultats ne sont pas aussi spectaculaires qu'on le dit. Dans certaines régions, nos concitoyens constatent toujours une insuffisance d'effectifs. Même le Sénat s'interroge, dans un rapport non encore rendu public, sur les effectifs et les moyens de la police et de la gendarmerie. La nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure reste peu lisible : que sait-on du Conseil de sécurité intérieure présidé par le Président de la République ? Combien de CLSPD fonctionnent réellement ? Chacun sait que l'action en faveur de la sécurité doit avancer sur ses deux jambes : la sanction, mais aussi la prévention. Le mouvement de balancier vers la répression a fait oublier aujourd'hui la prévention. Le projet de loi annoncé sur les politiques publiques de prévention constituera-t-il votre deuxième jambe indispensable, Monsieur le ministre ?

Malgré son évolution prévisionnelle dynamique, votre budget nous laisse dubitatifs sur les moyens dont bénéficiera la police nationale, en particulier en effectifs. Il traduit également le déséquilibre de votre politique en matière de lutte contre l'insécurité, que nous ne pouvons partager.

Le groupe socialiste votera contre le budget de la sécurité intérieure (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Vous devriez avoir honte !

M. Jean-Christophe Lagarde - En août 2002, vous avez défendu une loi d'orientation qui avait pour but de combattre l'insécurité grandissante dans notre pays, préoccupation première des Français. Nous l'avons votée. En mars de cette année, nous avons voté, en y apportant notre contribution, la loi de sécurité intérieure, qui se propose de combattre toutes les formes d'insécurité.

Ces deux lois ont donné à la France une politique ambitieuse en matière de sécurité. L'inquiétude de nos concitoyens n'est pas encore dissipée, mais ils savent que le Gouvernement a pris le problème à bras-le-corps. Selon les dernières statistiques, une réelle amélioration est en cours. L'observatoire de la délinquance mis en place cette semaine garantira une totale transparence en la matière. Nous nous en félicitons, tant il est nécessaire que les chiffres de l'insécurité soient indiscutables : c'est le meilleur moyen pour ne pas décevoir. Les mesures d'affichage sont catastrophiques si elles ne sont pas rapidement suivies d'effet.

Permettez-moi à cet égard d'insister sur le problème de la chaîne pénale, car celle qui débute par le travail des policiers ou des gendarmes, se poursuit par celui des magistrats et s'achève avec l'administration pénitentiaire. Si vous avez su donner les moyens nécessaires aux forces de l'ordre, il semblerait bien que cette chaîne soit rompue dès l'étape judiciaire. Sur 5,4 millions de procès-verbaux reçus, la capacité de traitement est de 11 %, 31 % en ce qui concerne les auteurs identifiés. A peine une affaire sur trois dont l'auteur est identifié peut donc être jugée. Cela peut expliquer le désarroi de la population et de la police. Cette situation mérite d'être portée à votre connaissance : une véritable politique de lutte contre l'insécurité exige la maîtrise complète de la chaîne pénale. Quand on sait que des gens ont été relâchés ces dernières semaines au tribunal de Bobigny au prétexte de l'absence des fonctionnaires de police...

M. le Ministre - C'est scandaleux !

M. Jean-Christophe Lagarde - On aimerait que la Justice soit aussi efficace que la police !

Comme le précédent, le budget 2004 reflète les avancées de la LOPSI. L'augmentation de 4,5 % des crédits de personnel et la création de 1 000 emplois attestent un réel effort en la matière. Malheureusement, celui-ci ne se traduit pas encore partout.

Il est d'ailleurs intéressant de noter que 81 % des crédits de la police sont affectés aux dépenses de personnel. Les revalorisations indemnitaires permettront de reconnaître le mérite des fonctionnaires de police, qui travaillent souvent dans des conditions difficiles, notamment dans les banlieues. Les trois quarts des créations d'emplois concernent les gardiens de la paix, témoignant de votre volonté de favoriser la création d'emplois de terrain. Sont également mises en _uvre des transformations d'emplois. Nous approuvons les mesures qui consistent à réduire les effectifs des officiers pour renforcer ceux des agents sur le terrain. Dans la même optique, nous approuvons les 3 millions d'euros de crédits affectés à la constitution d'une réserve civile. Celle-ci permettra de rémunérer 40 000 jours de réservistes et évitera de désorganiser nos commissariats au moindre événement.

Nous approuvons les efforts consentis pour rénover le parc immobilier de la police nationale. L'augmentation de 15 % est à ce titre très significative, mais elle ne traduit pas l'accélération des procédures. De même, les 13,7 millions d'euros destinés à contribuer à la construction de logements pour les fonctionnaires de police sont une preuve de l'attention que vous portez à la fidélisation des effectifs et aux conditions de vie des fonctionnaires de police.

J'en viens au système ACROPOL, qui représente une réelle avancée de ce système. Si les crédits sont en baisse cette année, cela n'est dû qu'à la planification de l'extension du système. Le taux de couverture d'ACROPOL atteindra 41 % en 2004. Tous les professionnels se félicitent de cette avancée que nous devons à votre volonté.

Tous ces points positifs justifient notre soutien à votre budget. Mais je souhaite appeler votre attention sur les dysfonctionnements et les carences qui affectent l'Ile-de-France. Il est de mon devoir de les pointer du doigt afin que votre énergie, reconnue de tous, vous permette d'y porter remède.

Je prendrai quelques exemples en Seine-Saint-Denis, qui sont révélateurs des difficultés que rencontrent nos policiers dans toute la France. Le commissariat de Drancy, ma commune, comptait 121 fonctionnaires théoriques tous corps confondus, en mars 2003. Il dispose désormais de moins de 100 fonctionnaires, un niveau qui n'avait jamais été atteint depuis sept ans.

M. Jean-Pierre Blazy - Voilà !

M. Jean-Christophe Lagarde - Si vous aviez anticipé les départs à la retraite, nous ne serions pas en train de déshabiller la petite couronne !

Depuis janvier 2003, 16 fonctionnaires en tenue ont été mutés et un seul a été remplacé. De trois patrouilles motorisées, nous sommes passés à une seule pour 130 Km de rues et 62 000 habitants. Résultat, ma ville a connu l'an dernier la plus forte hausse de la délinquance de Seine-Saint-Denis - 13 %, et cela a continué en 2003. Et ce n'est pas un cas isolé. Le commissariat de La Courneuve a vu ses effectifs réduits, entre 2000 et 2003, de 170 à 136 fonctionnaires.

Il serait certes injuste de vous faire porter, Monsieur le ministre, la responsabilité de cet effondrement des effectifs, qui avait commencé avant votre arrivée. Vous venez d'ailleurs d'affecter 145 gardiens de la paix en Seine-Saint-Denis et à peu près autant dans les Hauts-de-Seine. Mais c'est du double dont nous avons besoin pour revenir au niveau de 2001. J'espère donc que nous verrons arriver des fonctionnaires en nombre en 2004, d'autant que 360 fonctionnaires sont affectés dans le même temps au seul département de Paris, déjà largement servi ces dernières années. Or, ce n'est pas de plus d'effectifs que Paris a besoin mais d'une réforme de la Préfecture de police, que vous vous êtes du reste engagé à réaliser. Vous ne pouvez pas tout faire en même temps, mais les habitants de Seine-Saint-Denis vous ont fait confiance : les départements de la petite couronne doivent devenir une priorité.

Les 14,5 millions d'euros prévus pour l'achat de véhicules lourds et la rénovation du parc automobile vont permettre de doter de nombreuses équipes en nouveaux matériels. En 2003, le taux de renouvellement des véhicules légers est passé à 60 %. Mais l'arrivée de véhicules supplémentaires s'est accompagnée d'une baisse des crédits de réparation.

J'appelle votre attention sur l'incitation et la revalorisation. Les conditions de travail et de vie des fonctionnaires en Ile-de-France, plus particulièrement dans les zones sensibles, sont plus difficiles qu'ailleurs. Vous avez fait un premier pas en leur accordant 150 € supplémentaires par mois. Il faut aller plus loin : la différence de niveau de vie entre la région parisienne et la province représente bien davantage. Nous sommes tous conscients des restrictions budgétaires. Mais le nombre de mutations pour la province croît sans cesse, et il est dû pour partie au niveau de vie des fonctionnaires de police. Nous devons donc réfléchir à des mesures incitatives pour éviter que cet exode ne s'aggrave.

Le ministère a constitué un parc de réservation portant sur 12 000 logements en région parisienne, dont près de 9 800 à la disposition des agents de la Préfecture de police. Il faut poursuivre : les besoins ont été estimés à 400 logements par an jusqu'en 2005. Au-delà des nouvelles modalités de réservation - participation à des programmes de réhabilitation à Paris, coopération avec l'association régionale des organismes d'HLM d'Ile-de-France - ne peut-on envisager des coopérations interministérielles ? Le programme de rénovation urbaine de Jean-Louis Borloo ne pourrait-il pas contenir de petites unités de cinq ou dix logements réservés à des fonctionnaires de police dans les opérations de démolition-reconstruction ? Ne peut-on envisager des mesures incitatives d'accession à la propriété ? A l'image des zones franches urbaines, peut-on envisager des zones particulières dans lesquelles les fonctionnaires de police disposeraient de logements gratuits ? Si nous mettions en place de tels systèmes, il faudrait aussi imposer aux fonctionnaires de police de rester au moins six années dans leur première région d'affectation. Je lance volontairement ces pistes, pour que nous nous penchions sur cette question cruciale.

Je reviens sur un problème étroitement lié à ma circonscription, celui des escortes de prévenus dans les tribunaux. Le TGI de Bobigny a vécu plusieurs incidents. Au mois d'octobre, il est arrivé que 28 fonctionnaires de police prélevés sur les services de voie publique soient affectés au tribunal. Ce sont des policiers en moins sur le terrain. Il n'est pas acceptable que l'on prélève des fonctionnaires affectés à la voie publique, qui plus est dans un quartier sensible, pour sécuriser le palais de justice. Il est grand temps de faire assurer les escortes par des compagnies privées et garder les palais de justice sensibles par des compagnies mobiles. La place des fonctionnaires de police affectés à la sécurité de la voie publique n'est pas au sein des prétoires, même si l'insécurité y est grandissante.

Je voudrais enfin appeler votre attention sur notre rôle d'élu local, et plus particulièrement notre implication en tant qu'élu local dans la politique de lutte contre l'insécurité.

Les élus de proximité doivent être mieux inclus dans la chaîne de commandement. Le maire, qui reste le premier interlocuteur de nos concitoyens en matière de sécurité, n'a pas assez de pouvoirs. Même si la LSI nous a permis d'être plus impliqués, il reste encore des améliorations à apporter. Le pragmatisme dont vous faites souvent preuve, nous encourage à réclamer davantage de pouvoir et de moyens. Nous souhaiterions qu'un bilan des besoins soit fait régulièrement entre des représentants des maires et le ministère, afin que la législation évolue aussi vite que les problèmes.

Un exemple. Nous avons pris conscience récemment dans notre département que personne ne pouvait interdire l'ouverture d'un bar sous licence IV dans un quartier isolé qui a déjà connu des troubles liés à la présence d'un tel bar. Si ni le maire ni le préfet ne peuvent s'opposer à la réouverture d'un tel établissement, il faut revoir la législation.

Les dépenses relatives aux élections sont élevées, en raison des nombreuses échéances électorales qui nous attendent. Le coût des élections est théoriquement supporté par l'Etat mais une part trop importante reste à la charge des mairies.

Le ministère souhaite encourager l'utilisation des machines à voter, mais le coût élevé de ces machines - 6 000 € pièce - devrait être compensé par l'Etat. C'est lui qui ferait des économies de fonctionnement mais on demande aux collectivités locales d'investir. Dans ma commune, l'investissement s'élèverait à 200 000 €. Or, les élections de mars 2004 vont mobiliser 140 personnes par dimanche. L'installation de machines à voter permettrait de libérer 80 personnes par jour de vote soit une économie très substantielle. Il serait donc légitime que ce soit l'Etat qui paie l'investissement. Par ailleurs, la délivrance tardive des agréments pour les machines à voter a donné lieu à un retard dans les investissements de sorte que personne ne sera prêt pour 2004.

S'agissant enfin de la sécurité civile, les événements dramatiques de l'été ont montré une fois de plus le courage dont font preuve volontaires et professionnels. Monsieur le ministre, vous avez su réagir, et l'augmentation de 13,7 % des crédits de paiement et des autorisations de programme relatifs aux équipements montre toute la reconnaissance de l'Etat envers les soldats du feu. Ces crédits permettront de leur donner des moyens à la hauteur des enjeux. De même, nous nous félicitons de l'augmentation de la dotation d'aide à l'investissement des services d'incendie et de secours et du transfert de la taxe aux départements.

Monsieur le ministre, nous partageons vos vues depuis l'origine. Nous nous réjouissons que les crédits engagés soient conformes aux engagements pris en 2002 et nous saluons des avancées nouvelles en 2004. C'est pourquoi, même si nous sommes inquiets sur l'évolution de la situation dans la petite couronne parisienne, nous voterons votre budget, en faisant appel à votre vigilance sur ce dernier point (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Patrick Braouezec - Le budget du ministère de l'intérieur est un des rares à afficher une hausse pour la deuxième année consécutive. Nous devrions nous en féliciter. Il est en augmentation de 5,09 %, ce qui représente un budget de 10,49 milliards d'euros, hors collectivités et élections. Rappelons que le budget pour 2003 s'élevait à 9,82 milliards. Le seul budget de la sécurité intérieure augmente de 5,76 %.

Mais il est difficile de s'en féliciter quand la plupart des autres ministères subissent des baisses drastiques de leurs crédits : 4,26 % pour l'équipement, 0,86 % pour l'agriculture, 1,96 % pour les sports. Si le budget de l'éducation nationale augmente de 2,8 %, seules progressent les lignes de fonctionnement, au détriment de celles qui garantissent un enseignement de qualité. Ce ministère perd 2 500 postes, premier et second degrés confondus.

Seuls les ministères de la défense, de la justice et de l'intérieur sortent gagnants. Cette situation montre bien quel est le choix politique du Gouvernement.

Personne ne nie que la sécurité reste la première préoccupation des Français. Mais on ne peut faire du droit à la sécurité le régulateur de la vie sociale, tandis qu'on sacrifie le droit au travail et la protection sociale.

Vos choix politiques ont pour conséquence le chômage de masse et la précarité. Vous demandez plus de moyens pour la sécurité des biens, mais peu vous importe la sécurité de la vie des personnes. Et je ne pense même pas à ce qui s'est passé cet été.

Malgré la situation sociale, le Gouvernement continue d'invoquer une « France d'en bas » apeurée pour multiplier les mesures répressives.

Vous voulez favoriser une culture du résultat, mais j'ai peur qu'on se contente d'une apparence de résultat, c'est-à-dire de chiffres qui ne sont pas conformes à la réalité.

Obtenir des résultats suppose des moyens. Or vous réduisez de 550 le nombre des postes de commandement et d'encadrement. Il est généreusement octroyé 1 000 postes pour les policiers, dont 740 de gardiens de la paix. Ce choix trahit la volonté du Gouvernement de mettre l'accent sur ce qui se voit. Par exemple, la prostitution. Pourtant, l'échec est grand. Les procédures sont entachées de vices de forme. Les prostituées arrêtées sont relaxées ou expulsées, mais en aucun cas les réseaux ne sont démantelés. Ce n'est pas étonnant, puisque les effectifs des policiers chargés du travail d'enquête diminuent. Les réseaux continuent donc à asservir des êtres humains. Les dépôts de plainte des citoyens restent sans suite. Ce n'est pas en réduisant les effectifs qu'on combat efficacement les mafias (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Les actions de prévention sont de plus en plus délaissées. Une société sans infraction n'existe pas. Il est préférable de prévenir que de punir, au moyen par exemple d'une police urbaine de proximité.

A Paris, les policiers de proximité changent chaque jour de secteur. Aucun lien de confiance ne peut donc se tisser avec les habitants. De même, à Saint-Denis, les effectifs sont insuffisants. Malgré les efforts d'un bon commissaire, la police n'est pas en mesure de faire son travail.

Ma ville compte 88 000 habitants et, à cette échelle, les effectifs pourraient sembler satisfaisants. Mais à cette population il faut ajouter 50 000 salariés, 30 000 étudiants, des milliers de personnes qui empruntent les transports en commun... Les effectifs ne sont pas à la hauteur de la situation.

M. le Ministre - Il fallait voter la loi de programmation !

M. Patrick Braouezec - Mais est-ce là le souci du ministre de l'intérieur ? N'est-il pas plus motivé par les actions « coup de poing » ? Je pense en particulier aux GIR, dont vous ne parlez plus beaucoup.

Par ailleurs, qui croit que le travail policier ne s'évalue qu'aux résultats ? On ne garantit pas la sécurité d'une société comme dans les séries américaines, en quarante-cinq minutes ! Le salaire au mérite peut causer des dérives graves, menaçant la liberté des personnes. Nous ne voulons pas, et le syndicat de la magistrature non plus, d'une société qui deviendrait une prison policière (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Imposer des quotas de gardes à vue, c'est autoriser tous les dérapages. Je rappelle que nous sommes régulièrement condamnés par le Comité européen pour la prévention de la torture concernant les conditions de rétention des personnes gardées à vue. Le Gouvernement devrait investir pour améliorer les conditions d'accueil du public, les conditions de travail dans les commissariats et les conditions de vie dans le milieu carcéral, où le nombre des suicides est très élevé.

Ce budget augmente, mais il ne fait que renforcer la logique sécuritaire du Gouvernement, au détriment du développement humain. Cette évolution est bien le signe d'un recul de civilisation.

Il est alarmant de constater que vous mettez en relation la protection des libertés publiques et la maîtrise de l'immigration. La politique de reconduite aux frontières est coûteuse mais aussi violente. Certaines opérations sont particulièrement musclées. L'étranger est décidément à l'origine de bien des maux ! Si cette politique de reconduite améliore les statistiques du ministère de l'intérieur, elle ne résout en rien les problèmes de sécurité intérieure.

Passons maintenant au budget des collectivités territoriales. Le Gouvernement, qui veut se limiter aux fonctions régaliennes de l'Etat, se désengage de secteurs aussi fondamentaux que la solidarité nationale, la santé, l'éducation, le logement, il se défausse sur les collectivités territoriales, en les contraignant à augmenter les impôts locaux (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Les inégalités entre départements, régions ou communes s'aggraveront au détriment des citoyens.

S'il s'agit de développer le service public, de le rendre plus proche des citoyens, plus efficace et démocratique, nous sommes pour une évolution de la décentralisation.

Mais nous sommes inquiets d'apprendre que le RMI et le RMA vont être financés par un transfert de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et de la taxe sur les conventions d'assurance multirisque habitation. Nous savons tous que le cours du pétrole est fluctuant et que les compagnies d'assurance peuvent, par des tours de passe-passe, limiter le transfert de cette taxe. Qu'adviendra-t-il du financement de la solidarité sociale et de tous les autres domaines dont nos collectivités seront responsables ?

Dans le projet de loi de finances, à propos des collectivités territoriales, vous précisez que les dotations allouées par l'Etat seront préservées en 2004 - mais pour combien de temps ? Et que se passera-t-il lorsque viendra le relèvement des taux d'intérêts, en cas de reprise ?

Ce budget ne peut nous satisfaire. Il marque le désengagement de l'Etat, qui va se traduire par une insécurité sociale de plus en plus générale. Or, les personnes laissées pour compte par l'Etat ne pourront jamais se sentir en sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Pierre Cardo - A écouter M. Braouezec, je comprends pourquoi certains de nos concitoyens n'ont pas le moral.

Pour moi, je suis presque inquiet d'être un élu heureux, satisfait de votre politique. Vous avez montré qu'il n'y avait pas de fatalité du moment qu'on faisait preuve de volonté politique (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Si un jugement doit m'importer, c'est bien celui de ceux qui m'ont donné mandat pour les représenter, et ceux-là vous approuvent massivement, Monsieur le ministre, bien au-delà des clivages politiques !

Dans ma circonscription, en grande couronne, les effectifs de police se réduisent chaque année et la délinquance n'a pas cessé de progresser depuis dix ans. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas voulu signer le contrat local de sécurité proposé par le gouvernement précédent, malgré mon souci du travail en partenariat : il réduisait encore plus mes moyens, au service de mauvaises orientations ! En revanche, j'ai créé le groupe de traitement local de la délinquance, qui organisait justement le partenariat entre police, justice, élus et les autres acteurs.

Depuis janvier, la délinquance dans ma circonscription baisse de 50 % par rapport au même mois de l'année précédente. Faut-il en conclure que la délinquance baisse en même temps que les effectifs de policiers ou en raison d'un effet placebo ? Je crois plutôt que votre discours, Monsieur le ministre, conforté par les moyens que vous nous présentez aujourd'hui, a incroyablement motivé les policiers et les gendarmes, qui se sont enfin senti soutenus. Depuis un an, je les vois dans les rues, ce qui n'était pas le cas auparavant ! Vous avez réussi à surmonter ce terrorisme intellectuel qui empêchait de dire certaines vérités. Je vous en remercie au nom de tous ceux qui ont souffert dans certains quartiers d'une délinquance inacceptable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Vous nous proposez aujourd'hui le CLSPD, auquel je suis très favorable. Il permet de mobiliser le parquet, la police et tous les acteurs concernés. Mais la loi que vous allez présenter sur la prévention de la délinquance pourrait-elle préciser le rôle du maire, trait d'union entre la répression et la prévention ? Pourrait-elle surtout dire qui coordonne l'action préventive, qui est assurée, depuis la décentralisation, par de multiples acteurs ? Un exécutif doit être désigné non pour commander, mais pour coordonner ce travail en réseau.

Monsieur le ministre, nous arrivons au mois de décembre, celui des départs en retraite et des jours de RTT à prendre, mais aussi celui où les délinquants aiment à garnir leurs souliers de Noël. Il n'est pas bon que ce soit la période où il y a le moins de policiers ! Votre proposition de rachat des jours de RTT me paraît très intéressante, sous réserve des difficultés financières que nous connaissons cette année... Le rachat ne pourrait-il pas se faire, pour ceux qui le souhaitent, sous forme de points de retraite plutôt que de rémunération ?

Monsieur le ministre, je tiens, au nom de mes administrés, à vous remercier du travail que vous avez pu, avec l'ensemble des services concernés, accomplir. Le soulagement est manifeste. Il va surtout nous permettre d'engager enfin une action préventive (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Bernard Derosier - Monsieur le ministre, vous avez la charge de la sécurité publique, mais aussi des collectivités territoriales. Or les élus locaux ont une préoccupation majeure : équilibrer leur budget compte tenu des transferts qui sont envisagés durant les prochains mois. Le Gouvernement opère un véritable démantèlement des services publics. Il transfère des services jusqu'alors placés sous la responsabilité de l'Etat - les routes nationales ou les agents de service de l'éducation nationale, par exemple - sans donner les moyens nécessaires à leur fonctionnement. Vous me répondrez que la Constitution garantit à présent le transfert de ces moyens. Vous auriez raison si le transfert était assorti d'une appréciation contradictoire de l'état des besoins et si l'Etat versait aux collectivités les crédits permettant la mise à niveau des voiries transférées ou la création des postes nécessaires dans les établissements scolaires. Le Gouvernement est-il prêt à discuter de cela avec les élus locaux ?

Je vous donne acte de la concertation qui a eu lieu, grâce notamment aux assises des collectivités locales. La précipitation dont vous faites preuve aura cependant des conséquences importantes. Ainsi, le RMI devrait être entièrement géré par les départements à compter du 1er janvier. Ces délais ne garantissent pas de bonnes conditions à ce transfert ni à la mise en _uvre du nouveau RMA, et de nombreux responsables, de droite comme de gauche, vous demandent de le reporter d'un an. Il conviendrait également de repousser au 1er janvier 2005 la suppression de l'allocation spécifique de solidarité, qui amènera plusieurs centaines de milliers de personnes à solliciter le RMI alors que le financement correspondant n'est pas prévu.

D'une façon plus générale, vous allez aggraver les inégalités entre les territoires. Alors que la croissance s'est effondrée, vous vous félicitez de ne pas avoir remis en cause les principes du contrat de croissance et de solidarité mis en place par le Gouvernement Jospin dans un contexte plus favorable. Alors que les dotations « sous enveloppes » continueront de progresser sur la base de l'inflation majorée de 33 % du taux de croissance du PIB, le taux d'indexation de croissance et de solidarité ne sera que de 1,67 %. Ce sera le plus faible depuis la création du contrat en 1999 ! La dotation de compensation de la taxe professionnelle conserve son rôle de variable d'ajustement et connaîtra une baisse de 3,46 %. Pour la deuxième année consécutive, cette baisse sera supportée par toutes les communes : le gouvernement précédent avait veillé à ce que seules les plus riches la supportent. C'en est fini de ce type de solidarité entre les collectivités ! Enfin, la dotation globale de fonctionnement ne progressera que de 1,96 % en 2004, soit beaucoup moins que les trois années précédentes, alors que l'inflation est estimée à 1,5 %.

Les transferts de compétences qui sont prévus confirment le mauvais traitement fait aux collectivités territoriales. La Cour des comptes a récemment regretté la complexification des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales. Vous n'en tenez aucun compte, à voir le nouveau mécanisme élaboré pour la DGF ! Vous proposez de regrouper dans la DGF plusieurs autres dotations, dont la dotation générale de décentralisation et le fonds national de péréquation, et de la faire ainsi passer de 18,8 à 36,7 milliards tout en la rendant moins lisible. On distinguerait la DGF des communes et groupements de communes, celle des départements et, pour la première fois, celle des régions.

La Cour des comptes a également rappelé récemment que la réforme de la fiscalité locale était un préalable nécessaire à la décentralisation dans un souci de justice entre les contribuables. Pourtant, le Gouvernement n'annonce nullement cette réforme, malgré un projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales ! Dominique Strauss-Kahn, puis Christian Sautter, avaient mis un point d'honneur à engager cette réforme au service de l'emploi et de la justice.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Ils n'ont pas fait grand chose !

M. Bernard Derosier - Laurent Fabius et Florence Parly avaient recensé dans un rapport les pistes de réformes structurelles.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Discours et incantations !

M. Bernard Derosier - Rien ne vient prolonger ces efforts. Au contraire, le ministre de l'économie ajourne les réformes pourtant promises par le Premier ministre. La compensation financière du transfert de la gestion du RMI aux départements est faite par l'attribution d'une fraction du produit de la TIPP, sans que les élus locaux disposent d'un quelconque pouvoir sur la détermination de cette taxe. Quelle est la corrélation entre l'évolution du nombre des allocataires du RMI et celle du prix de l'essence ? L'autonomie fiscale des départements n'est pas améliorée, comme le veut le nouveau principe constitutionnel. Au contraire, ils subiront les à-coups de la TIPP, très sensible à la conjoncture économique. L'Etat doit assurer aux collectivités territoriales les moyens de remplir leurs missions et les transferts de compétences ne doivent pas être l'occasion d'augmenter la charge des contribuables locaux, comme cela fut le cas pour l'allocation personnalisée d'autonomie.

Je souhaite enfin appeler votre attention sur le vide juridique créé par l'arrêt du 5 mars 2003 annulant le septième paragraphe de l'article 3 du code des marchés publics, relatif aux conventions de mandat. Seule l'existence de telles conventions entre collectivités autorise le jeu d'écritures comptables permettant l'inscription des dépenses à un compte éligible au FCTVA. Or, à ce jour, aucun texte réglementaire n'a précisé les modalités de la délégation de maîtrise d'ouvrage entre collectivités.

J'en viens à vos propositions sur la sécurité civile. La consultation de l'agrégat n° 12 dans l'annexe explicative n'est guère éclairante, car il est noyé dans la masse des crédits de votre département. J'espère que les missions et les programmes qui nous seront présentés l'année prochaine rendront sa lecture plus aisée.

Le service public de la sécurité civile est assuré en majorité par des volontaires - huit sapeurs-pompiers sur dix - et, dans son ensemble, par des personnes qui ont fait le choix du dévouement. Cette année encore, ce dévouement a été lourdement éprouvé. Je veux rendre hommage à leur travail, au courage dont ils font preuve, et saluer la mémoire de ceux qui ont payé de leur vie leur engagement au service des autres. Le budget de l'Etat doit être à la hauteur des attentes de tous les acteurs de la sécurité civile.

Lors du congrès de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, vous avez fait un certain nombre d'annonces. Nous devons conjuguer nos efforts - Gouvernement, élus locaux - pour que des volontaires de plus en plus nombreux apportent leur concours aux missions de sécurité civile. Je comprends cependant l'impatience qui monte, car, l'an dernier, à pareille époque, et ici-même, vous annonciez les mêmes intentions. Monsieur le ministre, merci de vous engager sans plus attendre sur un calendrier précis.

La prise en compte pour les sapeurs-pompiers professionnels d'une bonification du cinquième après vingt-cinq ans de service relève d'une mesure de justice sociale. On ne peut donc que s'en féliciter. Demeure pourtant posé le problème du financement de ces mesures. Depuis la loi de 1996, cette question lancinante est en effet constamment posée. En matière de sécurité civile, la responsabilité de l'Etat est incontestable s'agissant d'une mission régalienne. Qui doit financer l'exercice : le contribuable local ou le contribuable national ? Bien entendu, c'est le même, mais il faut savoir qui a la responsabilité de lever l'impôt ! L'Etat n'assume pas seul la responsabilité de la sécurité civile. La contribution des collectivités locales devrait atteindre cette année 2,9 milliards.

Qu'en est-il, Monsieur le ministre, de la loi indispensable à une bonne organisation de notre sécurité civile ? Votre budget en tient-il compte ? 2004 risque-t-elle d'être, comme 2003, une année d'attente et non de résultat ?

Vous avez annoncé le 29 septembre dernier, une augmentation de 20 % des crédits consacrés au fonds d'aide à l'investissement des SDIS. L'an dernier, le Parlement avait adopté des crédits pour l'alimenter, mais il a fallu attendre le 17 septembre 2003 pour qu'un décret le mette en place. Peut-on espérer à l'avenir une exécution plus rapide des décisions du Parlement ? La dotation de ce fonds devrait atteindre 54 millions. Rapportée à tous les SDIS de France, c'est insuffisant ! A lui seul, le SDIS Nord dépensera 132 millions d'euros, pour reconstruire les vingt et un centres d'intervention et de secours transférés dans un état lamentable et en réhabiliter cinquante autres ! L'affectation des crédits ne doit pas méconnaître les réalités. A cet effet, la gestion de ce domaine ne doit pas rester centralisée. Dès lors, il est malvenu que le choix des investissements financés par le fonds revienne au seul Préfet de zone de défense. A nos yeux, l'échelon départemental est le mieux à même d'affecter les moyens au plus près des besoins.

Vous avez annoncé aux sapeurs-pompiers volontaires le doublement de leur allocation de vétérance, ce système devant se transformer en régime de retraite complémentaire. Ainsi, le complément mensuel de retraite auquel pourrait prétendre tout sapeur-pompier engagé depuis plus de vingt ans sera-t-il de 150 €. Las, je n'ai pas trouvé trace de ces nouvelles dépenses dans votre projet du budget. Est-ce à dire que vous envisagez de demander aux départements d'honorer les engagements de l'Etat ?

Parallèlement, vous avez annoncé aux sapeurs-pompiers professionnels la réforme du congé pour difficultés opérationnelles, qui serait ouvert dès l'âge de 50 ans. Cela signifie-t-il qu'il reviendra aux SDIS de payer pendant cinq ans les 75 % de traitement des bénéficiaires d'un CDO et, dans le même temps, d'assurer le remplacement des agents concernés ? Merci, Monsieur le ministre, de nous rassurer sur ces différents points.

Enfin, vous avez annoncé le 23 octobre dernier, à la conférence des présidents de SDIS, que les conseils généraux bénéficieraient du transfert d'une partie du produit de la taxe sur les conventions d'assurance. Cela ne risque-t-il pas d'inciter l'Etat à réduire à due proportion ses différentes dotations ? Si tel était le cas, on devrait considérer ce transfert comme une simple substitution. Là encore, éclairez-nous !

Monsieur le ministre, vous êtes un homme pragmatique. Je ne puis croire que le Gouvernement se contente d'effets d'annonces, sans en prévoir le financement, ou nous faire voter des crédits que Bercy s'empresse de geler ! Las, les exemples de ce type ne manquent pas - personnes âgées, lutte contre la toxicomanie, centres d'hébergement et de réinsertion sociale, insertion - et nous ne voudrions pas qu'un budget, déjà modeste, se réduise finalement à une coquille vide.

Monsieur le ministre, vous allez dans un instant défendre votre politique. C'est votre rôle. Vous nous proposez des moyens, tant pour la sécurité civile que pour les collectivités territoriales, qui laissent planer trop d'incertitudes pour que nous les approuvions. Selon votre habitude, vous allez fustiger l'opposition. Merci de bien vouloir admettre que l'analyse à laquelle je me suis livré et les questions que je vous ai posées sont motivées par la seule volonté de servir nos concitoyens. Et je ne doute du reste pas que vous la partagiez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Rudy Salles - Dans un contexte économique difficile, ce projet de budget témoigne de la volonté non équivoque du Gouvernement de maintenir le rétablissement de l'ordre républicain au titre de première priorité. A cet effet, nous prenons acte de l'augmentation de 5,7 % des crédits de la police nationale, qui traduit le respect de la feuille de route tracée dans la LOPSI.

Ces nouveaux crédits doivent permettre de créer quelque mille emplois supplémentaires dans la police nationale, ce qui constitue un renfort substantiel. Je souhaiterais que le Gouvernement s'engage à ce que ces nouveaux effectifs soient prioritairement affectés dans les quartiers les plus sensibles.

Dans un quartier tel que l'Ariane, à Nice, vous êtes bien conscient, Monsieur le ministre, qu'il reste beaucoup à faire. Pour preuve, les habitants de cette zone franche me font souvent part du décalage qu'ils constatent entre le recul spectaculaire de l'insécurité, relaté à juste raison par les medias, et les réalités du terrain telles qu'ils les éprouvent. C'est pourquoi je vous demande que les efforts de la police se concentrent sur ces quartiers, lesquels, s'ils ne sont plus des zones de non-droit, n'en restent pas moins soumis à une insécurité préoccupante.

Il est à cet égard souhaitable qu'un dispositif légal satisfasse les besoins particuliers des quartiers dits sensibles. Sur le plan économique, l'extension des ZFU a été une réussite ; au plan sécuritaire, il serait intéressant de doter les quartiers difficiles d'un statut spécial. La création de zones d'affectation prioritaire de policiers est une hypothèse sur laquelle j'aimerais connaître votre avis.

L'un des mérites les plus notables du Gouvernement, c'est d'avoir su insuffler un esprit nouveau au sein de notre police. Néanmoins, j'appelle votre attention sur la nécessité impérieuse que les moyens de la justice suivent une évolution analogue à ceux de la police...

M. Jean-Christophe Lagarde - Tout à fait !

M. Rudy Salles - Pour être crédible, l'Etat doit se doter, à tous les échelons du processus pénal, d'effectifs et d'infrastructures adaptés à une politique de sécurité offensive. S'agissant des fichiers informatisés de délinquants, je note avec satisfaction qu'après une certaine réticence, la population a compris l'intérêt de leur développement et la nécessité de rattraper le retard de la France en la matière. Votre budget prévoit le développement de cet outil, indispensable à l'appréhension des délinquants les plus dangereux.

Mais je souhaiterais voir se dessiner des perspectives plus affirmées de coopération des polices européennes. La criminalité est de plus en plus internationale. Sa répression appelle toujours plus de coopération, à l'échelon européen ou au plan mondial. Il faut envisager de fusionner ces fichiers avec les autres fichiers européens et d'instaurer un casier judiciaire européen.

Un mot pour les pompiers. Dans le sud-est, nous avons malheureusement été confrontés cet été à une forte recrudescence des feux de forêt. A cette occasion, nous avons eu à déplorer que nos pompiers ne bénéficient pas de moyens suffisants - notamment aériens - et que ces carences les exposent à un risque accru au sol. Ceci est d'ailleurs largement imputable au gouvernement précédent.

C'est pourquoi je demande qu'un effort conséquent soit accompli pour que la mission des sapeurs-pompiers devienne moins périlleuse qu'elle ne l'est aujourd'hui.

J'appelle enfin votre attention sur un problème propre à l'agglomération niçoise. Du fait de la cherté remarquable des loyers, nombre de fonctionnaires de police refusent d'y être affectés. Afin de remédier à ce phénomène particulièrement regrettable, deux solutions sont envisageables : développer le logement social...

M. Jean-Pierre Blazy - Eh oui ! Qu'attendez-vous ?

M. Rudy Salles - ...mais il faudrait aussi classer Nice en « zone zéro », à l'instar de Paris, Marseille, Toulon ou la Corse, afin de permettre aux fonctionnaires de toucher des indemnités de résidence supérieures à ce qu'elles sont aujourd'hui. Je souhaite, Monsieur le ministre, que vous puissiez plaider cette juste cause auprès de M. Delevoye. Je compte sur vous pour relayer cette légitime revendication.

Le groupe UDF émettra un vote favorable au budget de l'intérieur, dont il salue la progression. En matière de sécurité, dans les Alpes Maritimes notamment, si la population a repris espoir, elle reste exigeante. Ne baissons pas la garde et redoublons d'efforts. Merci, Monsieur le ministre, de votre action (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Rudy Salles remplace M.  Debré au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

M. le Ministre - Je vais m'efforcer de répondre à tous les orateurs, bien que certains, plutôt que de m'interroger, aient préféré marteler quelques idées sur ce que pourrait être une politique alternative.

Monsieur Blazy, le concept de police de proximité a été évoqué pour la première fois en 1995 dans la loi d'orientation de M. Debré, lequel reprenait, si je ne me trompe, une expression de M. Pasqua.

M. Jean-Pierre Blazy - Mais nous, nous l'avons créée.

M. le Ministre - En effet, la police de proximité version socialiste a été mise en place en 1999. Comment expliquez-vous dans ces conditions que la délinquance ait augmenté de 16 % entre 1999 et 2001 ? Et c'est avec ce brillant résultat que vous nous donnez aujourd'hui des leçons ! Plutôt que de venir, la bouche en c_ur, me donner des conseils en déplorant que « l'effet Sarkozy s'effaçant » - je vous cite - la délinquance n'ait reculé que de 4 % en octobre, vous devriez présenter des excuses aux Français pour votre bilan catastrophique en matière de sécurité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations de M. Blazy)

Tous ces chiffres sont incontestables. Les statistiques de la délinquance étaient établies en 2001 exactement de la même façon qu'aujourd'hui. Monsieur Blazy, vous connaissez sans doute ce proverbe : « Quand je m'ausculte, je m'inquiète ; quand je me compare, je me rassure ». Aucun des ministres de l'intérieur des vingt prochaines années n'a à s'inquiéter : il leur sera très difficile de faire aussi mal que les ministres de l'intérieur socialistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Vous m'avez reproché de diminuer les crédits de formation. La formation est en effet essentielle. Mais regardons un peu le niveau des crédits consommés : en 2000, 40 millions d'euros, en 2001, 45 millions, en 2002 - j'entre en scène -, 48 millions et en 2003, déjà 54 millions. Voilà la vérité ! Vous osez, là encore, donner des leçons (Protestations de M. Blazy). Monsieur Blazy, vous savez comment on appelle cela à la corrida ce que je suis en train de vous infliger : la queue et les deux oreilles !

M. Jean-Pierre Blazy - Et cette lettre, c'est quoi ? (M. Blazy brandit un document)

M. le Ministre - Si chaque fois que ça fait mal, vous criez, vous n'allez pas tarder à avoir une extinction de voix !

M. Jean-Pierre Blazy - Cette lettre, je l'ai vue en rêve ?

M. le Ministre - Vous ne rêvez pas, vous faites un cauchemar ! Vous allez prendre encore quelques coups.

Des formations ont en effet été retardées du fait du gel de certains crédits. Ayant obtenu la levée de celui-ci fin septembre, j'ai le plaisir de vous indiquer que toutes les formations prévues auront bien lieu.

M. Jean-Pierre Blazy - Ce n'est pas ce que disent les syndicats !

M. le Ministre - Ce n'est pas parce qu'un petit syndicat vous informe...

M. Jean-Pierre Blazy - On leur rapportera vos propos !

M. le Ministre - Quel aveu ! Je n'ai cité personne.

Pour assurer le paiement des heures supplémentaires effectuées et jusqu'à présent non payées, j'ai inscrit 5,8 millions d'euros. Certes, cela ne suffira pas, mais vous, qu'aviez-vous inscrit ? Zéro ! Lorsque j'ai pris mes fonctions, la première revendication des syndicats était que les heures supplémentaires soient payées. Mais par qui ne l'avaient-elles pas été ? Par moi ou par vos amis ? (Protestations de M. Blazy)

Pourquoi vous enfoncer ? Quand on est sur du sable mouvant, plus on bouge, plus on s'enfonce vite. Déjà ne dépasse plus que votre nez...

S'agissant des départs en retraite, dès que j'ai appris qu'il y aurait 873 départs anticipés de plus en 2003, j'ai demandé et obtenu 880 recrutements par anticipation. A qui doit être imputé le manque d'effectifs ici et là ? A moi ? Je ne pouvais pas aller plus vite : nous sommes arrivés aux affaires en juin 2002, la loi créant de nouveaux emplois de policiers a été votée en août, les concours - fait sans précédent -, ont été engagés dès octobre, et il faut un an pour former un gardien de la paix. Tous les effectifs manquants avant octobre 2003 ne peuvent qu'être imputés à M. Vaillant. C'est tout de même un comble de me reprocher à moi ce qui doit l'être à vos amis ! En réalité, Monsieur Blazy, vous dénoncez l'incapacité des ministres de l'intérieur des gouvernements socialistes à assurer les recrutements dont ils assuraient aux Français qu'ils y procédaient.

Mieux encore, vous criez au scandale devant le manque d'effectifs. Mais avez-vous voté la loi qui les augmentait ? Je crois me souvenir que vous avez voté contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le groupe socialiste a refusé d'augmenter les moyens de la police et vient aujourd'hui, avec un certain culot, nous demander des comptes sur les recrutements ! A raisonner ainsi, il ne faut pas vous étonner d'avoir connu quelques problèmes...

Je dois rattraper le travail de M. Vaillant, et ce n'est pas simple. Je m'y emploie néanmoins, y compris dans le Val d'Oise. Il y aura des créations d'emplois dans la petite et dans la grande couronne, parce qu'il y en a besoin. Vous verrez alors ce qu'est un Gouvernement qui fait ce qu'il a promis !

Monsieur Lagarde, l'escorte des prévenus est un sujet dont on parle depuis des années. Nous nous sommes mis d'accord avec le Garde des sceaux sur le principe d'une expérimentation en Alsace qui pourra être ensuite étendue à quelques autres régions, avant qu'on en dresse le bilan. En effet, je ne pense pas, pour ma part, que la police et le gendarmerie puissent d'un coup déléguer la totalité des transfèrements - cela représente tout de même l'équivalent de 4 000 emplois. Je suis d'avis qu'elles doivent garder la responsabilité des transfèrements d'individus les plus dangereux ou effectués dans les circonstances les plus difficiles. Pour le reste, attendons le bilan des expérimentations.

Vous m'avez également interrogé, Monsieur Lagarde, tout comme M. Blazy d'ailleurs, sur les conditions de logement en région parisienne. Je pense qu'il faut aider les fonctionnaires à demeurer à Paris et dans sa région en octroyant des prêts bonifiés à ceux d'entre eux qui souhaitent acquérir un logement. Nous y réfléchissons.

Sur les effectifs, je vous fais la même réponse qu'à M. Blazy. J'ajoute seulement qu'il faut cesser de raisonner, comme on l'a trop longtemps fait dans l'éducation nationale avec les résultats que l'on sait, en termes de moyens supplémentaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Les résultats sont aussi une question de mobilisation, et je crois avoir démontré qu'il était possible d'agir en la matière. En 2001, la délinquance augmentait de plus de 7 %, en 2002, elle n'augmentait déjà plus que de 1,5 %, alors même que je n'avais été que cinq mois au ministère, et sur les dix premiers mois de 2003, elle a diminué de 3,5 %. Si c'est cela « l'essoufflement » de l'effet Sarkozy, que devrait-on dire de ce qui se passait avec MM. Chevènement et Vaillant !

M. Jean-Pierre Blazy - Il faut dire la vérité.

M. le Ministre - La vérité, c'est que l'action des gouvernements socialistes en matière de lutte contre l'insécurité a conduit au naufrage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Les Français l'ont d'ailleurs bien compris.

M. Braouezec, ayant une obligation l'empêchant de rester pour écouter ma réponse, m'a prié de l'excuser, ce que je fais bien volontiers. Une obligation, cela peut arriver. Je lui rappelle néanmoins que c'est sous le gouvernement Jospin que la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France pour torture dans la tristement célèbre affaire Salmon du 28 juillet 1999. Une condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme, cela peut arriver. Mais venir nous donner ensuite des leçons de droits de l'homme, c'est un peu court ! Quant à la circulaire humanisant les gardes à vue, elle date du 11 mars 2003. Si vous vouliez humaniser les gardes à vue, ce qui était absolument nécessaire, il ne fallait pas vous gêner, vous aviez cinq ans pour le faire. Or, j'ai vainement cherché une circulaire en ce sens émanant d'un ministre socialiste. Ne pas faire ce que l'on souhaiterait, cela peut arriver. Mais de là à venir nous reprocher de n'avoir pas fait en dix-huit mois ce que vous n'avez pas fait en cinq ans !

Monsieur Cardo, j'ai été sensible à votre propos. Venant d'un homme de terrain, votre jugement, d'autant plus qu'il est indulgent, ne peut qu'encourager.

Monsieur Derosier, j'ai beaucoup apprécié la tonalité de votre intervention. Vous m'avez posé avec courtoisie et pragmatisme plusieurs questions, notamment à propos des collectivités territoriales. Tous les gouvernements, toutes les majorités ont beaucoup fauté dans les relations entre l'Etat et les collectivités. Il en est résulté un climat de méfiance. Les élus locaux sont persuadés que, chaque fois que l'Etat décentralise une mission, c'est qu'il n'a pas les moyens de la remplir. Ce climat, le Gouvernement que vous avez soutenu ne l'a pas amélioré. Quand avez-vous demandé leur avis aux élus locaux sur les conséquences des trente-cinq heures dans la fonction publique territoriale ? Vous m'appelez à la concertation. Vous me demandez donc d'agir à l'opposé de Mme Aubry et de M. Jospin. Sur certaines dépenses, dont l'APA, ont-ils prévu une clause de revoyure ? Je l'ai fait, dans la loi de décentralisation : si la réforme de l'ASS accroît les dépenses par rapport au RMI, on se retrouve et on fait un bilan. Vos amis ne l'ont pas fait pour l'APA, alors que l'argent transféré était hors de proportion avec la dépense. Je ne vous en fais pas le procès ; sans doute vos amis ne vous ont-ils pas entendu. Mais j'ai hérité de ce climat. Avec Patrick Devedjian, nous essayons d'en créer un autre, en apportant des garanties. C'est la garantie du juge constitutionnel : s'il y a déséquilibre, la loi sera censurée. C'est la garantie de la clause de revoyure. Et c'est celle que constitue le transfert, non d'une dotation, mais de recettes fiscales, TIPP et taxe sur les conventions d'assurance.

Vous m'interrogez sur les réformes relatives aux SDIS. Je ne sais pas si elles sont bonnes. Ce que je sais, c'est qu'un préavis de grève avait été déposé par les pompiers, et qu'il a été levé après que je les ai rencontrés. Vous les connaissez : pensez-vous qu'ils l'auraient retiré s'ils n'avaient pas été satisfaits ? J'ai d'autre part rencontré les élus, lors de la conférence nationale des SDIS, et je leur ai montré le discours que j'allais prononcer devant les pompiers. Les avez-vous entendu protester ? Ce que je propose ne résoudra pas tous les problèmes, mais tous les présidents de SDIS, y compris socialistes, ont reconnu que c'était un effort sans précédent. Je crois que nous commençons à créer les conditions d'un consensus, même si rien n'est terminé et si nous aurons à en reparler.

Vous déplorez que le contrat de croissance n'augmente que de 1,67 %. Vous savez pourtant que, s'il augmente peu, c'est parce qu'il y a peu de croissance ! Cela ne dépend pas du Gouvernement. Vous auriez pu m'attaquer sur la politique économique du Gouvernement, mais je m'étonne qu'un homme aussi averti que vous feigne d'ignorer que le contrat de croissance est lié à la croissance. De même vous m'appelez à réformer la fiscalité locale. Que ne l'avez-vous fait ?

M. Bernard Derosier - Pour vous laisser le soin de le faire ! (Sourires)

M. le Ministre - Cette marque de confiance me touche, y compris venant de vous (Mêmes mouvements).

Cela dit, je ne vous reproche pas de ne pas l'avoir fait. Mais il y a plus grave. Vous suggérez toujours de réfléchir, de former une commission, de demander un rapport, jamais de faire. N'avez-vous donc pas compris, depuis avril, que les gens attendent des responsables politiques qu'ils agissent, qu'ils décident pour les juger ensuite sur leurs résultats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Dans une voiture, on a beau appuyer sur l'accélérateur : si on n'a pas passé la première, cela n'avance pas... Cela ne veut pas dire que nous avons raison sur tout : cela veut dire que nous avons décidé d'agir, pour qu'à nouveau les Français respectent la parole du politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

QUESTIONS

M. Thierry Mariani - A la demande de Christian Kert, je souhaite appeler votre attention sur les moyens aériens utilisés contre les incendies de forêts. Nous avons connu un été dramatique à cet égard et je vous remercie de vos nombreux déplacements sur les sites touchés. Il faut remonter au milieu des années 1980 pour retrouver une saison aussi dévastatrice en hectares et surtout en vies humaines.

Il est certain qu'il ne suffit pas de doter les équipes de secours pour gérer les crises : il faut des opérations de prévention, notamment une politique de protection de la forêt qui peut aller jusqu'au changement de certaines essences trop combustibles. Saluons au passage le travail de prévention réalisé par les Comités Communaux Feux de Forêts, dont il faudra sans doute renforcer la présence dans le dispositif de sécurité à l'occasion de votre future loi.

Pour ce qui est des moyens aériens, les pilotes souhaiteraient que leur flotte soit complétée, certains appareils ayant atteint les limites d'âge au-delà desquelles leur utilisation devient aléatoire. La faveur des professionnels semble aller d'abord vers l'acquisition d'un appareil gros porteur d'une capacité minimale de 12 tonnes. Ils souhaitent aussi le renforcement de la flotte grâce à l'acquisition d'appareils Canadair. Parmi les crédits d'équipement prévus, les choix concernant les matériels aériens ont-ils été faits, et si oui, quels sont-ils ? Sinon, quand le seront-ils ? Je souhaite savoir enfin si la France s'achemine vers un partenariat avec d'autres pays euroméditerranéens pour constituer une flotte d'intervention commune.

M. le Ministre - Le Premier ministre est d'accord pour remplacer nos deux gros porteurs Fokker. L'un a 32 ans et l'autre 33, et ils passent le plus clair de leur temps en réparation...

Là encore, ce n'est pas ma faute : je suis là depuis dix-huit mois ! D'autre part la loi de modernisation de la sécurité civile comportera une programmation des équipements. Je poserai notamment la question de l'équipement en hélicoptères bombardiers ; les sapeurs-pompiers ont beaucoup apprécié ceux que nous ont prêtés les Italiens. Enfin, vous avez raison : ces équipements très lourds et qui ne servent que deux ou trois fois dans l'année doivent être mutualisés au niveau européen. Nous y travaillons, et le Gouvernement aura à c_ur de vous donner satisfaction sur ces trois points.

Mme Chantal Brunel - Le commissariat de Noisiel couvre une circonscription de 80 000 habitants, auxquels s'ajoutent 20 000 personnes qui viennent de l'extérieur y travailler, et les étudiants de la cité Descartes. Nous avons en outre quatre gares RER. La tâche est lourde : durant les neuf derniers mois, six mille délits ont été constatés. Or les effectifs de police sont insuffisants. Au 1er janvier 2001 nous avions 176 fonctionnaires, dont 14 détachés ; au 1er janvier 2003, 152 fonctionnaires dont 12 détachés ; et depuis le 20 octobre, 139 fonctionnaires dont 14 détachés, donc en fait 125 policiers pour une population qui atteint souvent 100 000 habitants.

J'ai partagé un après-midi et une nuit avec les hommes de ce commissariat et notamment ceux de la BAC. J'ai vu de jeunes policiers motivés, qui reconnaissent la compétence de leur ministre et le soutien qu'ils en reçoivent, et qui auparavant faisant tant défaut. Mais ils sont trop peu nombreux, dans un commissariat qui figure au « hit-parade » de l'insécurité. De sorte qu'ils demandent leur mutation dès qu'ils le peuvent, et que seuls restent les plus jeunes et les moins expérimentés. Monsieur le ministre, vous avez fait beaucoup pour la sécurité de notre pays mais aujourd'hui j'ai besoin de votre aide : je sollicite ardemment un renforcement des effectifs du commissariat de Noisiel.

M. le Ministre - Il est vrai que le commissariat de Noisiel a souffert.Vous omettez cependant de dire que, sur les dix premiers mois de 2003, il y a peut-être eu moins d'effectifs, mais aussi une diminution de 7 % de la délinquance. Mais je ne veux pas faire ce qu'on fait d'habitude, c'est-à-dire mettre les effectifs là où ça va mal : je veux récompenser ceux qui travaillent bien. C'est pourquoi huit fonctionnaires de plus seront nommés à Noisiel entre décembre et janvier. Mais je vous engage à ne pas vous limiter à l'aspect quantitatif. Il y a toujours un fonctionnaire, un commissaire, un syndicat qui vous dit qu'il faut plus de moyens. Ils ont souvent raison, mais pas toujours. Je suis conscient du poids des impôts en France. On ne peut pas demander toujours plus, et faire dépendre la réduction de la délinquance seulement d'une augmentation des effectifs.

A Noisiel, où la population a augmenté, nous ne sommes pas dans ce cas de figure. Mais la baisse des effectifs n'a pas empêché la délinquance de reculer de 7 %. Ce n'est donc pas qu'une question d'argent ou d'effectifs, mais aussi de mobilisation, de motivation.

Je ne fais pas de fixation, Monsieur le président, sur la police de proximité. Mais il faut s'adapter à la délinquance et ne pas hésiter, le cas échéant, à sortir un secteur de la police de proximité pour créer une BAC de plus. Les patrouilles entre 8 et 10 heures du matin, cela ne sert pas à grand-chose ! Nul besoin de gardiens de la paix ou de gendarmes pour établir un climat de confiance avec les commerçants ! J'ai ainsi changé le numéro 1 et le numéro 2 de la police dans une ville dont je tairai le nom : le taux d'élucidation y était deux fois moindre qu'ailleurs et la dernière initiative prise par le commissariat que j'ai visité était l'organisation d'un tournoi de volley-ball. Si les policiers organisent des tournois sportifs, qui fera leur travail d'interpellation ?

Je connais les problèmes de votre département et j'y renforcerai les effectifs. Mais ce sont aussi des méthodes de travail qu'il faut changer et des résultats qu'il faut obtenir. J'aurais pu, Madame Brunel, ne pas donner d'effectifs au commissariat de Noisiel puisque la délinquance baisse. Je n'ai pas voulu tenir ce raisonnement démotivant. Mais de grâce, n'analysez pas tous les problèmes de vos circonscriptions sous le seul angle de la baisse des effectifs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Grand - L'est du département de l'Hérault a connu une nouvelle fois, le 22 septembre dernier, de graves inondations consécutives à des pluies diluviennes. De nombreuses communes ont eu à déplorer d'importants dégâts matériels. La commission interministérielle du 16 octobre a émis un avis favorable à notre demande de reconnaissance de catastrophe naturelle, et je vous remercie de cette décision rapide qui permettra aux sinistrés d'être indemnisés.

Nos communes ont subi de nombreux dégâts de voirie et la réparation de ces dommages pose un vrai problème financier. Ils ne peuvent être indemnisés par les compagnies d'assurance et aucune subvention n'a été allouée. Ces inondations mettent aussi en évidence les carences de nos réseaux de collecte d'eaux pluviales, qui exigent de coûteux investissements. Je sollicite donc un abondement exceptionnel de la DGE et/ou la possibilité pour les communes concernées de souscrire des prêts à taux bonifié pour des durées supérieures à trente ans.

M. le Ministre - Ces communes ont été sinistrées deux fois en un an, et j'ai pu mesurer la gravité de la situation en me rendant dans la région. J'ai demandé à mes services de dégager une enveloppe exceptionnelle de 1,5 million d'euros qui sera déléguée au préfet de l'Hérault. La DGE ne sera pas augmentée, mais cette aide exceptionnelle revient à l'augmenter de 25 %. Vous pouvez d'ores et déjà rassurer les élus et la population (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Grand - Je vous remercie.

M. Francis Vercamer - Vous avez pu constater lors d'événements récents que l'agglomération roubaisienne connaissait de graves problèmes de sécurité. Vous avez certes freiné l'érosion des effectifs de la circonscription de police, mais la situation demeure préoccupante. Les statistiques font apparaître des disparités injustifiées ; la moyenne nationale est de un policier pour 425 habitants, 411 pour les départements classés en zone sensible. Le Nord ne dispose que d'un policier pour 462 habitants quand les Bouches-du-Rhône, qui connaissent des problèmes similaires, en comptent un pour 345. Grâce à votre action, la circonscription de Roubaix passera en janvier de un policier pour 523 à un pour 493, loin encore de la moyenne nationale. Ces chiffres sont difficiles à accepter quand nos policiers donnent le meilleur d'eux-mêmes et sont la cible de bandits dans nos rues.

Ne faudrait-il pas revoir la répartition des effectifs selon des critères objectifs ? Certaines régions touristiques ont des besoins plus importants, certaines agglomérations qui cumulent les problèmes aussi, a fortiori lorsqu'elles sont frontalières. Maintenir un minimum d'effectifs égal dans toutes les circonscriptions de police n'est pas équitable. On a inventé la DSU, la zone franche urbaine, reconnaissons les différences et aidons les plus défavorisés à croire en l'avenir. Comptez-vous instituer des zones d'effectifs renforcés ?

M. le Ministre - En dix minutes, on m'a réclamé des effectifs supplémentaires dans les Alpes-Maritimes, en Seine-et-Marne, dans le Nord-Pas-de-Calais et dans le Val d'Oise, et je suis sûr que plus d'un parlementaire regrettait de n'en avoir pas fait autant. Imaginez quel est mon quotidien !

Je ne veux plus entendre parler d'effectifs théoriques : personne ne sait quand et par qui ils ont été fixés.

M. Jean-Christophe Lagarde - C'est vrai.

M. le Ministre - Cela permet simplement à tout bon parlementaire de me réclamer plus d'effectifs, sans que personne sache à quoi correspondent ces effectifs théoriques.

J'ai donc créé un groupe de travail chargé de repenser cette question des effectifs avant la fin de l'année. Là où le bât blesse, c'est qu'une circonscription qui a obtenu des effectifs supplémentaires entend les conserver même lorsque les conditions démographiques ou de sécurité changent. Votre région était certes défavorisée, Monsieur Vercamer. Mais il faut s'adapter : si certaines circonscriptions ont besoin de davantage de policiers, d'autres doivent accepter que leurs effectifs diminuent. Sortons de l'opacité. Il nous faut désormais de la transparence et de l'honnêteté, et je ferai des propositions en ce sens à la fin de l'année.

Je voudrais affirmer en notre nom à tous notre soutien à ce jeune fonctionnaire de police marié et père de famille, au chevet duquel je me suis rendu il y a quelques semaines, qui a eu la moitié du visage emportée par le tir d'un voyou. C'est un miraculé. Comme le disait M. Blazy, policiers et gendarmes ne font pas un métier comme les autres.

M. Jean-Christophe Lagarde - Ma question vient prolonger votre réflexion.

Dans quelques semaines, vous viendrez, je l'espère, inaugurer le nouveau commissariat de Bobigny, préfecture de la Seine-Saint-Denis. Sans doute mesurez-vous à cette occasion la nécessité de mieux calibrer les effectifs dans une commune qui présente des caractéristiques particulières.

Elle est en effet asservie à la zone de rétention administrative de Bobigny, qui sollicite les effectifs du commissariat au détriment de leur présence sur la voie publique. Le palais de justice, qui sera désormais situé à moins de vingt mètres du commissariat, aspire lui aussi des effectifs pour assurer une surveillance qu'il vaudrait mieux confier à des compagnies mobiles. Enfin, le département est le théâtre d'un certain nombre de manifestations, notamment autour du stade de France. Résultat, les effectifs de police sont insuffisants pour une commune aussi urbanisée, en partie sur dalle, dont les multiples recoins sont particulièrement difficiles à surveiller. Ces spécificités doivent être prises en considération.

Les services du ministère que j'ai interrogés cet été m'ont répondu sur l'ensemble de la DDSP. Autrement dit, ils considéraient que les quelque 800 fonctionnaires de la sécurité départementale s'occupaient de Bobigny ! Le commissariat de Drancy a perdu pour sa part plus de 15 agents depuis le début de l'année. Nous avons besoin de moyens. Je sais que les mutations en province créent des difficultés, mais nous vous demandons de ne pas oublier la petite couronne.

M. le Ministre - J'ai le plaisir d'annoncer à M. Lagarde que la délinquance recule en Seine-Saint-Denis. En décembre et en janvier, votre département recevra 58 fonctionnaires supplémentaires, dont 10 pour Drancy et 8 pour Bobigny.

J'étudie toutes les demandes de manière précise. Je regarde cela personnellement, commissariat par commissariat, brigade par brigade.

Mais je ne peux affecter des fonctionnaires qui ne sont pas encore sortis de l'école ! Il me faut attendre leur sortie. Il n'y a pas de politique politicienne dans ces affectations, Monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy - N'oubliez pas le Val d'Oise !

M. le Ministre - Je vous demande de me croire, je ne répartis pas les effectifs en fonction des amitiés politiques, ni en faveur de celui qui crie le plus fort. Les résultats nationaux englobent ceux de votre circonscription, Monsieur Blazy : j'ai donc sur ce point les mêmes intérêts que vous. C'est l'intérêt général qui compte.

On a trop longtemps géré les effectifs en fonction des amitiés politiques ou de la tonicité de la demande. Pour ma part, j'examine la réalité du terrain.

Ne criez pas « haro sur le baudet » à propos de Paris, qui a tout de même des charges particulières. Quand j'affecte 500 fonctionnaires à la surveillance des transports publics, vos circonscriptions en profitent. Ce mois-ci, dans l'ensemble de la région parisienne, la délinquance dans le métro, le RER et les trains de banlieue a diminué de 20,6 %. Or les transports en commun accueillent 10 millions de voyageurs par jour !

Les habitants de vos communes passent beaucoup de temps dans les transports en commun. Vos concitoyens vous disent d'ailleurs que la situation s'améliore.

M. Jean-Christophe Lagarde - C'est vrai.

M. le Ministre - Il y a eu hier 798 trains sécurisés. Je suis cela au jour le jour. Je veux atteindre l'objectif de 1 000 trains par jour. Les habitants de Drancy ne travaillent pas tous à Drancy.

Monsieur Lagarde, je vous garantis que ces effectifs, nous allons vous les donner.

J'étais récemment à Cergy-Pontoise, Monsieur Blazy. L'association des commerçants, qui m'avait écrit il y a un certain temps pour se plaindre de la situation, m'a dit qu'elle s'améliorait. Tout n'est pas résolu, je le sais. Sinon, est-ce que je me donnerais tant de mal ? Rien n'est acquis.

J'observe l'évolution de la délinquance circonscription par circonscription. J'étudie un système qui me permettra de suivre la courbe semaine après semaine. La délinquance est très mobile, tandis que nos processus de décision sont d'une lourdeur insupportable. J'essaie de faire le mieux possible, dans le Val d'Oise comme en Seine-Saint-Denis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. André Chassaigne - Le schéma directeur de la formation dans la police nationale s'organise autour de trois axes : la professionnalisation des policiers, la gestion des ressources humaines et l'optimisation du réseau de formation en termes d'efficacité.

Je souhaite vous interroger d'abord sur le maniement des armes. Faute de moyens, les policiers doivent souvent s'entraîner au tir avec des armes chargées à blanc sur l'utilisation desquelles ils manquent d'information.

Nous ne disons pas que le surarmement des policiers est la solution. Nous sommes préoccupés d'apprendre que des policiers, faute de formation ne maîtrisent pas toujours le fonctionnement de leur arme de service. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ?

Par ailleurs, je souhaite appeler votre attention sur la formation en psychologie.

Trop de victimes souffrent encore d'être malmenées psychologiquement quand elles portent plainte au commissariat.

Je pense notamment aux femmes victimes d'un viol, qui peuvent s'entendre reprocher d'avoir pris une douche avant de venir au commissariat, ce qui diminue les chances de retrouver le violeur.

Je pense également aux femmes victimes de violences conjugales, dont les déclarations sont souvent minimisées par des policiers non préparés. Dans ces deux cas, les femmes ressentent déjà un fort sentiment de culpabilité. Il faut être attentif à ne pas les culpabiliser davantage.

De même, les enfants victimes d'attouchements sexuels ou de viol sont souvent entendus dans des conditions inadaptées et les questions qui leur sont posées sont parfois mal formulées ou traumatisantes.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que la souffrance des victimes soit mieux prise en considération ?

M. le Ministre - Oui, oui et oui, vous avez raison, le premier devoir, c'est de penser à la victime. On s'est trop intéressé au délinquant. On lui a consacré une multitude de colloques. Mais combien de colloques sur la victime ?

Ne pas s'intéresser à elle est une faute, car la victime témoigne de ce qu'a été l'impuissance de l'Etat. Il ne faut pas qu'elle ressente une deuxième souffrance, celle de l'indifférence. Elle ne doit pas se sentir seule après l'agression.

Mais, si vous voulez qu'on ne lui reproche pas d'avoir pris une douche, alors il faut m'aider en votant la création du fichier (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je n'oublie pas qu'il y a 8 000 délinquants sexuels dans nos prisons.

Quant à la formation, elle est la clé de tout. Chaque fois qu'il y a une bavure, c'est parce que ce n'est pas la bonne équipe qui intervient. En 2001, à Lille, l'arrestation de deux personnes qui étaient en train de voler une voiture a tourné au drame. C'est la brigade canine qui est intervenue. S'il s'était agi d'une brigade anti-criminalité, le risque de bavure était moins important, car les policiers de ces brigades connaissent la peur. Or c'est la peur qui est à l'origine des bavures.

Quand j'ai été nommé ministre de l'intérieur, on a dit : « Attention aux bavures ». Il n'y en a pas aujourd'hui plus qu'hier, même si une bavure est toujours une de trop.

Je souhaite renforcer la formation en matière de maniement des armes. Quatre séances de tir par an, c'est vraiment faible.

Il faut aussi aller plus loin dans la recherche d'armes non létales, au lieu de doter les policiers et les gendarmes d'armes dont ils ne peuvent se servir.

Je souhaite par ailleurs qu'on ne menotte pas systématiquement les personnes gardées à vue. Elles ne doivent être menottées que s'il y a un risque pour elles ou pour les fonctionnaires.

Il faut aussi servir des repas chauds pendant la garde à vue. Cela fait partie du respect des droits de l'homme.

Nous parlons de la police nationale et républicaine. Elle a une déontologie et des valeurs. Je n'accepterai rien qui soit contraire au respect des droits de l'homme. Pour moi, c'est aussi une question d`efficacité. Une remarque déplacée, un bras qui pend nonchalamment d'une voiture pendant une patrouille, c'est l'image et l'efficacité de la police qui sont atteintes.

Je soutiens policiers et gendarmes, mais je n'accepterai aucun manquement au respect des droits de l'homme.

La seule façon d'améliorer les résultats, c'est d'améliorer la formation. Monsieur Chassaigne, voilà un point commun entre nous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. André Chassaigne - L'été dernier, la multiplication des incendies de forêt a rappelé à l'opinion publique la dureté du métier de sapeur-pompier et la valeur de leur dévouement. Douze pompiers sont décédés en mission cette année. Mais cet été tragique a aussi révélé l'insuffisance de nos moyens en équipements et en personnels.

Devant la colère des sapeurs-pompiers, le Gouvernement a fait des annonces, lors du congrès national de Bourg-en-Bresse en particulier.

Comme l'a relevé la presse régionale, « les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy font la part belle aux pompiers volontaires. Les pompiers professionnels sont déçus et perplexes. Un sentiment partagé par les sapeurs haut gradés ».

Comme de nombreux élus ruraux, je me réjouis des mesures prises en faveur du volontariat. Mais elles ne doivent pas occulter les attentes des professionnels.

Certes, la mobilisation a permis quelques avancées. Le 1er octobre, les syndicats ont été reçus au ministère. La question de la revendication de la fin de carrière des sapeurs a naturellement été évoquée : vous avez parlé, Monsieur le ministre, d'un congé difficultés opérationnelles.

Le budget de la sécurité civile augmente certes, notamment le fonds d'aide à l'investissement des SDIS. Il reste cependant insuffisant pour répondre aux besoins immédiats. D'autre part, le projet de loi qui est en préparation suscite de grandes inquiétudes, notamment du fait de l'instauration d'un corps de réserve.

La gravité de la situation ne doit pas être sous-estimée. Songez à la plainte contre X déposée par la CGT pour mise en danger d'autrui et au mouvement social engagé en Isère ! Le budget pour 2004 aurait pu provoquer un sursaut, mais le rendez-vous est manqué. Ne pensez-vous pas que des moyens exceptionnels s'imposent pour que les drames de l'été 2003 ne se renouvellent pas ?

M. le Ministre - Il y a 240 000 sapeurs pompiers en France, dont 200 000 volontaires : il est normal qu'on s'intéresse à eux ! Mais si je n'ai pas évoqué les décisions concernant les professionnels au congrès de la fédération des sapeurs pompiers, c'est parce que je rencontrais les dix syndicats de sapeurs pompiers professionnels deux jours après et qu'ils m'avaient demandé d'attendre pour annoncer ces mesures ! C'est si vrai qu'ils ont levé leur préavis de grève, y compris la CGT, qui s'est montrée inhabituellement aimable. Si même elle s'est déclarée par écrit satisfaite de mes propositions, notamment concernant le congé pour difficultés opérationnelles, c'est probablement que les sapeurs pompiers croient en la parole du Gouvernement et savent les efforts que nous sommes en train de faire ! J'ai encore tenu hier avec le colonel Vignon deux heures de réunion sur la préparation du projet de loi, qui sera présenté au mois de décembre.

Monsieur Chassaigne, vous me demandez d'être vigilant : je ne vous décevrai pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Chantal Brunel - Dans vingt communes de ma circonscription, plus de 700 habitations ont été profondément détériorées à la suite de la canicule de cet été. Souvent, une vie d'économies est anéantie. Nous attendons avec impatience la déclaration de catastrophe naturelle qui rendra possible l'indemnisation par les sociétés d'assurance. L'hiver arrive et les travaux deviennent urgents. Des fissures sont béantes, des portes et fenêtres ne ferment plus à Montévrain, Lesches, Noisiel ou Torcy. On ne peut laisser des familles dans une situation aussi précaire. Souvent, ce sont des personnes aux revenus modestes, qui habitent des pavillons aux fondations peu profondes. Il s'agit d'un véritable drame humain. La direction de la sécurité civile doit instruire les dossiers au plus vite. Pouvez-vous nous dire ce que vous comptez faire, sachant qu'il sera indispensable, à l'avenir, de réfléchir à des normes de construction ?

M. le Ministre - Si j'ai bien compris, vous me demandez surtout d'agir ! Les communes de votre département ne sont pas éligibles selon les critères actuels de catastrophe naturelle. J'ai donc demandé qu'on change ceux-ci, pour tenir compte du caractère exceptionnel de la situation. Les critères seront modifiés avant la fin du mois de novembre et les communes seront éligibles avant la fin de l'année.

M. Henri Cuq - Je vous remercie de ces indications, car j'ai exactement le même problème dans ma circonscription !

La brigade territoriale de gendarmerie d'Ecquevilly est située dans une zone périurbaine. Elle recouvre trois communes, soit 8 000 habitants. A Ecquevilly, la résidence du Parc regroupe 300 logements sociaux et pose les problèmes que vous connaissez bien pour être venu à plusieurs reprises aux Mureaux. Ecquevilly est confrontée depuis plusieurs mois à une délinquance récurrente et croissante. Début octobre, les élus ont été agressés en plein conseil municipal par une vingtaine de jeunes. Le climat est tendu, et c'est à ce moment précis que les effectifs de la brigade doivent passer de 17 à 11 gendarmes !

Face à une délinquance dure et violente, qui est en progression sensible, ce qui est devenu une exception, ne serait-il pas plus judicieux de repousser ces ajustements, dont je reconnais qu'ils sont justifiés puisque le champ de compétence de la brigade va être réduit, au moment où le calme sera revenu ?

M. le Ministre - Dans le cadre du redéploiement qui est en cours, la brigade d'Ecquevilly va perdre les deux tiers de sa population, mais seulement un tiers de ses effectifs : c'est appréciable. Cependant, compte tenu de la situation, je vous propose d'ajourner cet ajustement et de venir sur place, d'ici à la fin de l'année, avant de décider quoi que ce soit. Nous ne laisserons pas tomber Ecquevilly. Les événements qui s'y sont déroulés sont inadmissibles et je n'ai pas l'intention de laisser les élus dans une telle situation. Vous avez parlé de jeunes, mais il ne s'agissait ni plus ni moins que de voyous et qu'ils soient jeunes ne change rien à l'affaire ! Lors de ma visite, je rencontrerai les élus et la population et je leur donnerai des réponses précises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Mansour Kamardine - Mayotte croule sous le poids de l'immigration clandestine. Les clandestins sont au minimum 50 000, pour une population de 160 000 habitants. Comment assimiler un tiers de population étrangère sur 374 kilomètres carrés ? La situation dans les services publics est explosive. Environ 70 % des patients des hôpitaux sont des clandestins, ainsi que deux tiers des mères qui accouchent ou 70 % des détenus de la maison d'arrêt de Majicavo. Les classes surchargées et les incidents de la dernière rentrée scolaire sont un autre exemple de l'ampleur du fléau, et près de 700 000 Comoriens attendent sur les rivages d'Anjouan pour rejoindre Mayotte !

Les services de l'Etat ont effectué à ce jour 5 266 reconduites cette année, contre 3 990 pour toute l'année 2002. Cela atteste de leur détermination, ainsi que certaines opérations de dissuasion telles que des destructions de barques. Mais les mesures traditionnelles ne suffisent à l'évidence plus : les expulsés ne mettent pas 48 heures pour revenir à Mayotte ! Quelles mesures d'urgence entendez-vous donc prendre ? Une action concertée avec les ministères de la défense et de la coopération est-elle envisageable ? Ils doivent en effet jouer pleinement leur rôle, dans le cadre d'une coopération régionale ambitieuse.

M. le Ministre - J'ai affecté cette année 30 fonctionnaires supplémentaires à Mayotte. Les arrestations de passeurs ont augmenté de 40 % et les expulsions de 22 %. Cela n'empêche pas la situation d'être catastrophique, avec 20 000 étrangers en situation irrégulière pour 160 000 habitants. Ma détermination est totale et je ne laisserai pas la situation s'envenimer, ni à Mayotte ni ailleurs outre-mer. Je suis récemment allé en Guyane pour étudier les décisions qui s'imposaient. Je ferai de même pour Mayotte, mais je ne pourrai pas m'y rendre, comme à Ecquevilly, en une après-midi ! Il faudra donc attendre le début de l'année prochaine, mais je ne compte pas laisser la situation perdurer. Vous êtes confrontés à un phénomène qui vous dépasse. Ma visite aura au moins pour effet d'encourager les fonctionnaires, qui accomplissent un travail remarquable alors qu'ils sont submergés. 40 % d'arrestations en plus, c'est bien la preuve que nous prenons le taureau par les cornes ! Et je vous assure que cette action sera poursuivie en 2004. Il faut que ceux qui ne comprennent pas tous les efforts que nous faisons pour l'outre-mer se rendent compte que souvent, Mayotte n'est qu'une étape. Mayotte est une des frontières de la France, et ses problèmes seront après-demain ceux qu'ils rencontreront dans leur propre circonscription (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Mansour Kamardine - Merci de cette réponse.

M. Denis Merville - Ces dernières années, l'intercommunalité s'est considérablement développée. Elle doit permettre d'améliorer la qualité du service rendu aux administrés et de faire des économies d'échelle. Mais elle doit selon nous reposer sur des bases volontaires et respecter les identités communales. Force est de constater que ces principes ne triomphent pas toujours... et loin s'en faut !

Avec les lois Chevènement et Voynet, nous avons parfois le sentiment que, petit à petit, des échelons supplémentaires se créent - communautés de communes, « agglos », pays. Régulièrement, nous rappelons - et vous aussi - notre volonté de simplifier démarches, procédures et réglementations. Or dans le cadre de l'architecture administrative locale telle qu'elle s'édifie, tel n'est pas le cas. Pour un même projet, on voit parfois s'ouvrir un ou deux guichets supplémentaires : la tâche n'en est que plus compliquée.

Les compétences dévolues ne peuvent s'exercer sans les moyens correspondants. Ainsi intercommunalité et pays ont-ils besoin de locaux et de personnels et multiplient-ils souvent études et autres commissions. Tout cela contribue - et contribuera si nous n'y prenons garde - à l'augmentation de la fiscalité locale. Cela concourt aussi à ce qu'un ancien ministre évoquait récemment en parlant du profil « lourd, opaque et coûteux » de certaines structures intercommunales. Je regrette aussi que le regroupement ait parfois été fixé par le préfet sur des bases autoritaires. L'intercommunalité est un mariage et nous savons bien à quoi mènent les unions sans amour ! Les regroupements n'auront d'avenir que s'ils reposent sur des bases volontaires, comme cela fut le cas pour nos syndicats d'eau, d'électrification ou de transports scolaires.

Au moment où l'aménagement harmonieux de notre territoire est plus que jamais nécessaire, où les complémentarités villes-campagnes sont à enrichir, veillons à ne pas développer encore les grosses structures, déjà bien aidées par l'Etat. Les grandes agglomérations et autres communautés urbaines disposent déjà de DGF par habitant quatre fois plus élevées que celles dont bénéficient les communes rurales. Ces dispositions sont parfois méconnues. Evitons que se constituent des pôles de richesse à côté de territoires appauvris ou démunis. Pour réussir l'équité territoriale qui est à la source de la cohésion nationale, faisons nôtres les réflexions de M. Gaymard : « les territoires ruraux font la richesse et l'équilibre de notre pays. Il ne faut pas laisser les choses évoluer vers la concentration et le gigantisme. Tout le monde sait que les grandes agglomérations ne constituent pas la réponse aux problèmes des gens ».

Monsieur le ministre, pouvez-vous exposer votre position sur l'avenir des communes françaises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Cher Denis Merville, le Gouvernement est en plein accord avec votre intervention. Les regroupements de communes ne constituent pas un quatrième niveau, ce ne sont pas des collectivités territoriales (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). La place centrale des communes ne doit pas être remise en cause. Les regroupements se constituent pour faire face à des besoins que chacun isolément peine à satisfaire. Le Gouvernement fait sien le propos qui est le vôtre. C'est la meilleure réponse que je puis vous apporter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Guillaume - Monsieur le ministre, je tiens au préalable à saluer votre action et celle de l'ensemble des services de sécurité qui sont parvenus à endiguer la hausse de la criminalité dans notre pays. En témoigne la baisse spectaculaire des infractions dont vous nous avez fait cet après-midi la brillante démonstration.

Malgré la vigilance de la gendarmerie, les résultats sont cependant moins probants en milieu rural, où la délinquance a tendance à se réfugier depuis qu'elle est pourchassée dans les villes. Cela tient à quelques faiblesses du système, auxquelles je suis persuadé que vous saurez remédier.

Les maires de ma circonscription m'ont notamment alerté sur le temps de réponse excessif, la nuit, aux appels téléphoniques, du fait de leur centralisation départementale, et les délais d'intervention des forces de l'ordre trop longs, conséquence de la - nécessaire - réorganisation territoriale de la gendarmerie en communautés de brigades. Il en résulte un certain relâchement des liens - pourtant indispensables - entre la gendarmerie et la population. Certes, vous avez souhaité améliorer les contacts avec les élus en créant les contrats locaux de sécurité, mais si la structure existe, le contenu fait défaut. Les maires n'ont pas toujours de retour sur les suites données aux plaintes déposées, sur des faits signalés ou sur des informations qu'ils ont fournies sur des faits commis dans leur propre commune. Les gendarmes, comme les magistrats, se retranchent derrière le secret de l'instruction. Pouvez-vous lever cette ambiguïté ?

Enfin, il est fréquent que des citoyens se disent dissuadés de porter plainte, ce qui conduirait à sous-estimer la réalité des infractions. Dans les zones de compétence territoriale de la police, il existe, dans les commissariats, une main courante, à la disposition des plaignants, les mentions consignées ayant valeur de mise en demeure à l'encontre des auteurs de faits passibles de poursuites. Cette faculté ne peut-elle être étendue en zone d'intervention de la gendarmerie ?

M. le Ministre - Je veux d'abord rendre hommage au travail de la gendarmerie. Si la délinquance a baissé au mois d'octobre de 3,9 % sur l'ensemble du territoire, elle a baissé de 6 % dans la zone de gendarmerie...

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Tout à fait ! Vous avez bien raison de le rappeler !

M. le Ministre - Cela fait plusieurs mois que les gendarmes présentent des résultats très probants, alors même qu'à mon arrivée, j'ai connu des taux d'augmentation des délits à deux chiffres, hérités du système antérieur.

S'il y a des défaillances dans la capacité à répondre, notamment de nuit, il faut, Monsieur le ministre François Guillaume, me les faire connaître. Je suis très attentif à ce point, qui n'est pas pour moi un détail.

S'agissant de l'information des élus, la loi doit s'appliquer. Les chefs de groupements et de brigades ont le devoir de vous informer. Si la loi n'était pas appliquée, n'hésitez pas à me le signaler. Il est vrai que la gendarmerie ne tient pas une main courante mais tout dépôt de plainte donne lieu à un procès-verbal d'audition. Au reste, il y a tellement de cas où l'on dépose plainte alors que l'on pourrait s'en dispenser, qu'il me semble que la balance penche plus en faveur de l'exagération que de la dissimulation des infractions !

Je note, Monsieur le ministre, votre inquiétude et je m'en entretiendrai avec le préfet de Meurthe-et-Moselle. Je lui demanderai de vous contacter à ce sujet. Il faut éviter tout malentendu entre les élus et les forces de l'ordre. Je ne veux plus que les élus apprennent par le journal ce qui s'est passé dans leur circonscription. Vous êtes des élus du suffrage universel, vous avez autant de légitimité que le localier à avoir les informations (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Et cela n'a rien à voir avec le secret de l'instruction ! On peut bien dire à un maire qu'il y a eu dans sa commune un cambriolage, un meurtre ou un viol sans révéler les circonstances ni l'identité des coupables ou des victimes ! J'ai en outre demandé aux chefs de police et de gendarmerie de vous dire quels sont les effectifs et les moyens mis à leur disposition. Je suis pour la transparence. Nous n'avons rien à cacher. Si nous commettons des erreurs, il est normal que les élus - de la majorité comme de l'opposition - nous le disent pour qu'on puisse les corriger ! C'est comme cela que l'on progressera et ne croyez surtout pas que je pense avoir résolu tous les problèmes. Je reçois chaque mois des représentants des départements qui continuent à rencontrer les plus grandes difficultés. N'en déplaise à certains esprits sensibles, j'affronte la réalité telle qu'elle et, pas telle que je souhaiterais qu'elle soit (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Mansour Kamardine - Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation des personnes admises à résider régulièrement à Mayotte. L'entrée et le séjour des étrangers à Mayotte sont régis par l'ordonnance du 26 avril 2000, laquelle dispose que « les étrangers titulaires d'une carte de résident délivrée dans un département, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française ou dans les îles Wallis-et-Futuna entrent et séjournent à Mayotte dans les mêmes conditions que les étrangers titulaires d'une carte de résident délivrée en application de la présente ordonnance ». Il se trouve que la réciproque n'est pas vraie.

Lorsqu'on est titulaire d'une carte de séjour à Mayotte, délivrée par le Préfet, on n'a pas la possibilité de se rendre à Saint-Denis-de-la-Réunion. Cette situation nous donne l'impression un peu amère que l'on organise le séjour des étrangers à Mayotte, puis qu'on les maintient sur place alors qu'ils aimeraient bien circuler.

Sur le fondement du projet de loi sur l'immigration autorisant le Gouvernement à adapter par ordonnances les dispositions de ce texte pour l'outre-mer, est-il envisageable d'inscrire la réciprocité en faveur de Mayotte dans l'ordonnance de 1945 modifiée ?

M. le Ministre - Monsieur le député, votre suggestion est excellente. Il faudra introduire le principe de réciprocité. La ministre de l'outre-mer m'a confirmé son intention de le mettre en _uvre pour Mayotte mais aussi pour Wallis et Futuna et pour la Polynésie Française. Monsieur Kamardine, votre demande est donc exaucée (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Denis Merville - Monsieur le ministre, vous venez de réaffirmer votre attachement aux communes et je vous en remercie. Ce sont les cellules de base de notre démocratie et sans doute l'échelon auquel nos concitoyens sont les plus attachés. C'est en ce sens que l'an passé, à l'occasion de l'examen de la loi de finances, j'avais déposé un amendement relatif aux retours de taxe professionnelle par les EPCI « passés » en taxe professionnelle unique. La TPU permet de renforcer la solidarité entre collectivités et elle est appelé à se généraliser. On sait aussi que le groupement intercommunal reverse aux communes ce qu'elles percevaient au moment du passage en TPU. La non-indexation de la compensation versée par les communautés aux communes est sans nul doute un inconvénient. Si ces ressources continuent à n'être pas actualisées, nos communes s'en trouveront à terme étouffées. Alors qu'elles ont à faire face à des frais fixes, il n'est pas envisageable que la part de ce qui constituait souvent l'une de leurs ressources la plus importante stagne. Dans ces conditions, elles risquent de se voir contraintes d'augmenter la fiscalité sur les ménages, ou de transférer de plus en plus de compétences à l'EPCI.

Il faut mettre fin à cette hypocrisie. Si nous voulons que nos communes vivent et assurent toutes leurs compétences, elles doivent disposer de ressources évolutives. C'est le sens de l'amendement que j'ai déposé. Il faut que les retours de taxe professionnelle évoluent au moins comme les prix. Quelle est votre position sur ce point ?

M. le Ministre - Vous avez raison de souligner la nécessité d'assouplir les relations financières entre les communes et leurs groupements. Le projet de loi relatif aux responsabilités locales comporte nombre de dispositions en ce sens. Ainsi, il reviendra au conseil communautaire de fixer les règles de partage de la TP dans le calcul de l'attribution de compensations. Et comme votre amendement le propose, ce même conseil pourra décider de réviser cette attribution, pour l'augmenter si les charges de la commune sont modifiées. C'est exactement ce que vous proposez !

Par ailleurs, la possibilité de verser des fonds de concours entre communes et groupements de communes sera étendue.

M. Jean-Pierre Grand - J'associe à ma question, qui sera double, notre collègue Bernard Schreiner. Ce gouvernement a lancé un ambitieux programme de lutte contre l'insécurité routière. Afin d'en accroître encore l'efficacité, il serait peut-être opportun de revoir la répartition du produit des amendes, ainsi que son affectation. Ainsi l'achat de radars par les communes devrait-il être inclus parmi les opérations pouvant être financées à ce titre.

De nombreuses communes de moins de 10 000 habitants possèdent une police municipale, laquelle concourt, à l'évidence, à la sécurité routière. Ces communes sont pourtant exclues du bénéfice du produit des amendes. Je souhaiterais qu'elles puissent, à titre dérogatoire, en bénéficier. C'est une demande récurrente des maires de communes de moins de 10 000 habitants, dont je me fais ici de nouveau l'écho.

M. le Ministre - S'agissant de votre première question, ma réponse est affirmative. Je donnerai des instructions en ce sens aux préfets.

Pour ce qui est de la seconde, je ne souhaite pas entrer en conflit avec les conseils généraux, dont vous savez que ce sont eux qui répartissent les sommes en question. Je ne suis pas opposé par principe à votre proposition, mais quelques précautions s'imposent avant de la retenir. Il faut respecter le différents niveaux de compétence.

Les crédits inscrits aux titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits inscrits aux titre V et VI de l'état C.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Prochaine séance ce soir à 22 heures.

La séance est levée à 20 heures 20.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE


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