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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 22ème jour de séance, 54ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 7 NOVEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite) 2

      LÉGION D'HONNEUR ET ORDRE DE LA LIBÉRATION 2

      AFFAIRES ÉTRANGÈRES, COOPÉRATION ET FRANCOPHONIE 6

      ERRATUM 27

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

LÉGION D'HONNEUR ET ORDRE DE LA LIBÉRATION

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.

Je suis heureux, au nom de l'Assemblée, de saluer la présence, aux côtés de M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, du général Douin, grand chancelier de la Légion d'honneur, et du colonel Le Bastard, secrétaire général de l'ordre de la Libération, suppléant le général de Boissieu, chancelier de l'ordre de la Libération.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances - Ayant l'honneur de vous présenter les budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération, j'évoquerai d'abord rapidement l'évolution des crédits, vous renvoyant pour plus de précisions à mon rapport écrit.

Avec 17,9 millions d'euros, les crédits de l'ordre de la Légion d'honneur baissent de 4,1 %, ce qui correspond à une diminution de la subvention au budget annexe sur les crédits de la justice alors que les ressources propres augmentent de 1,1 %.

Cette évolution s'explique principalement par la baisse des crédits de paiement destinés aux travaux de rénovation du palais de Salm et des maisons d'éducation. Une part importante des autorisations de programme demandées pour 2004 sera en effet couverte sur les exercices ultérieurs.

Les dépenses de rémunération et de fonctionnement de la grande chancellerie augmentent modérément sous l'effet de la revalorisation du point « fonction publique ». Par ailleurs, depuis plusieurs années, les crédits destinés aux traitements versés aux membres des ordres nationaux et des médaillés militaires ne sont pas intégralement consommés, aussi le projet de loi de finances prévoit-il de les diminuer.

S'agissant de l'ordre de la Libération, les crédits progressent de 6,4 %, du fait de l'ouverture de moyens nouveaux en faveur des dépenses de matériel et d'entretien immobilier de la chancellerie.

Les crédits ouverts en 2003 pour les secours aux compagnons de la Libération et aux médaillés de la Résistance sont reconduits en 2004 pour les mêmes montants, tandis que là aussi, les crédits de rémunération progressent sous l'effet de la revalorisation de la valeur du point d'indice.

Mais votre rapporteur voudrait surtout évoquer l'avenir des deux budgets annexes.

Ceux-ci doivent en effet s'adapter aux nouvelles dispositions régissant les lois de finances. En adoptant la loi organique du 1er août 2001, le Parlement a réformé le cadre de la présentation et du vote du budget de l'Etat, notamment en interdisant, à compter du projet de budget pour 2006, le maintien ou la création de « faux » budgets annexes.

La promulgation de la loi du 1er août 2001 a suscité un débat sur le maintien des budgets annexes créés pour les ordres nationaux. On ne peut en effet sérieusement soutenir que l'ordre de la Légion d'honneur et l'ordre de la Libération fournissent des prestations de services donnant lieu au paiement de redevances.

Pour l'ordre de la Libération, la loi du 26 mai 1999 a créé, en vue de succéder au Conseil national de l'ordre de la Libération, un Conseil national des communes « Compagnons de la Libération » qui, sous la forme d'un un établissement public à caractère administratif financé par une subvention inscrite au budget de l'Etat, sera chargé de veiller à la sauvegarde de l'ordre. Cet établissement verra le jour lorsque le conseil de l'ordre de la Libération ne pourra plus réunir quinze membres. Cependant, l'ordre a d'ores et déjà décidé de créer, à compter du 1er janvier 2005, un établissement public administratif transitoire. Cette création entraînera la disparition du budget annexe : le problème est donc réglé.

Il n'en va pas de même pour le budget annexe de la Légion d'honneur. Doit-il être maintenu ? Doit-il être intégré dans le budget général ? Doit-il prendre la forme d'un programme spécifique avec transformation en établissement public ?

Son maintien, je l'ai dit, ne peut se justifier et son intégration au budget général ne permettrait pas de préserver l'autonomie à laquelle cet ordre est attaché. La mise en place d'un établissement public spécifique d'ordre administratif paraît la solution la plus conforme à l'histoire et à la particularité juridique de cet ordre. Aussi ne puis-je que vous inviter à retenir cette solution.

Je vous appelle par ailleurs à voter les crédits inscrits pour 2004 sur les budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération (M. Pierre Cardo applaudit).

M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice - L'examen des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération revêt une importance considérable, car il manifeste la reconnaissance de l'Etat à l'égard de ces institutions et de ceux qu'elles honorent. La présence du grand chancelier de la Légion d'honneur et du secrétaire général, représentant le chancelier de l'ordre de la Libération, me permet, une nouvelle fois, de leur manifester ce respect. Permettez-moi d'y associer le général Simon qui nous a quitté cette année et qui fut le digne représentant des héros de la Libération.

Les ressources du budget annexe de la Légion d'honneur sont constituées par les recettes propres de la Légion d'honneur et par la subvention versée par le ministère de la justice. Cette année, le budget annexe sera de 17,80 millions en recettes et en dépenses, soit une diminution de 4,12 % par rapport à l'exercice précédent. Les recettes propres, de 1,43 million, augmentent de 1,11 % et sont constituées par la perception des droits de chancellerie, des pensions et trousseaux des élèves des maisons d'éducation.

La subvention budgétaire s'élève à 16,47 millions, soit une diminution de 4,55 % par rapport à l'année précédente qui résulte de la diminution des crédits de paiement afférents aux opérations en capital des maisons d'éducation.

Les dotations de fonctionnement qui assurent le paiement des traitements des membres de la Légion d'honneur et des médaillés militaires, le fonctionnement des services ainsi que l'action sociale conduite par la grande chancellerie sont portées à 16,80 millions, soit une augmentation de 0,18 %. 1,09 million permet de régler les traitements des 112 903 membres du premier ordre national et des médaillés militaires.

Nous vous proposons d'accorder à l'ordre de la Libération un budget annexe de 678 727 €, soit une progression de recettes de 6,44 %. Cette évolution se justifie par l'acquisition d'un véhicule de service ainsi que d'un logiciel de comptabilité, dans le but de transformer le budget annexe en établissement public.

Les crédits affectés au fonctionnement de l'administration centrale de la grande chancellerie et des maisons d'éducation représentent 15,75 millions d'euros et sont consacrés pour plus des trois quarts aux charges de personnel.

La grande chancellerie assure un secours aux membres des ordres nationaux ou de leur famille, avec la reconduction d'un budget de 52 730 €. L'ordre de la Libération fait de même et y consacrera, pour l'année 2004, 62 352 €.

Les nominations et promotions dans la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite ainsi que les concessions de la médaille militaire constituent la mission première de la grande chancellerie. Elles ont concerné en 2002 13 600 citoyens français ainsi que 500 ressortissants étrangers, conformément à la politique de déflation et de rigueur voulue par le général de Gaulle et assurée par les grands maîtres de la Légion d'honneur successifs. Il s'agit de conforter le prestige de notre premier ordre national, tout en l'ouvrant à certaines activités de caractère civil. Le décret du Président de la République du 14 février 2003 qui fixe les contingents de croix de la Légion d'honneur et du Mérite pour la période 2003-2005 poursuit cet effort.

De son côté, l'ordre de la Libération compte 117 membres, dont il ne restera un jour que les cinq communes qui, par la bravoure de leurs habitants, contribuèrent à la libération de la France. A ce chiffre s'ajoutent les quelque 5 000 médaillés de la Résistance survivants. L'avenir de l'ordre sera assuré à travers le Conseil national des communes compagnons de la Libération, établissement public administratif qui verra le jour lorsqu'il ne sera plus possible de réunir le conseil de l'ordre. A titre provisoire, un établissement public administratif transitoire devrait être créé à compter du 1er janvier 2005, ceci entraînant de facto la disparition du présent budget annexe.

Votre rapporteur a évoqué la conformité du budget annexe de la Légion d'honneur à la loi organique du 1er août 2001. Il semble en effet que le statut actuel ne puisse être pérennisé. Depuis 1829, l'ordre de la Légion d'honneur fait l'objet d'un budget annexe, avec pour particularité une autonomie de trésorerie. L'essentiel est qu'en accord avec le ministère du budget, la chancellerie s'engage à mettre en _uvre la solution la plus acceptable dans le souci de maintenir un lien individualisé avec la représentation nationale et cette autonomie budgétaire à laquelle l'ordre est attaché.

Les dépenses en capital prévues en 2004 au titre du budget annexe de la Légion d'honneur représentent 1,46 million d'euros en autorisations de programme et 1 million en crédits de paiement, essentiellement consacré cette année à l'entretien des bâtiments des maisons d'éducation et de la grande chancellerie.

Dans ces deux maisons d'éducation de Saint-Denis et de Saint-Germain-en-Laye, la grande chancellerie assure l'éduction de près de 1 000 élèves, filles, petites-filles et arrière petites-filles des deux ordres. Les résultats obtenus aux examens à la fin de l'année scolaire 2002-2003 ont été excellents : 93,39 % des élèves ont obtenu le brevet des collèges, 96,50 % le baccalauréat et 85 % un BTS. Ces résultats, fondés sur la qualité de l'enseignement, sont le meilleur gage de la pérennité de ces institutions.

Le prestige de nos ordres nationaux appelle la célébration de leur histoire. Le bicentenaire de l'ordre de la Légion d'honneur et le 150e anniversaire de la médaille militaire ont été célébrés en 2002. Le quarantième anniversaire de l'ordre national du Mérite sera célébré à la fin de cette année en attendant qu'en 2004 soient rappelées solennellement les premières remises d'insignes par Napoléon aux Invalides, le 15 juillet 1804, et au camp de Boulogne, le 16 août 1804.

Tout en assurant son devoir de mémoire, l'ordre de la Légion d'honneur est une institution moderne, ouverte aux évolutions de la société soucieuse d'une meilleure utilisation des fonds publics, d'une modernisation de sa gestion et d'une ouverture internationale. Et c'est une leçon pour nous de constater la vigueur d'une de nos plus anciennes institutions républicaines (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Cardo - Plus de deux cents ans après sa création, la Légion d'honneur demeure la plus élevée et la plus enviée des décorations nationales. C'est une des grandes _uvres de Napoléon Bonaparte qui contribue à la grandeur de notre pays.

La Légion d'honneur et l'ordre du Mérite permettent à la nation d'honorer tous ceux qui se sont distingués pour le plus grand rayonnement de la France ou dans l'intérêt de la collectivité.

A titre personnel, je souhaite que ces critères soient les seuls à conditionner leur attribution, afin que ces distinctions conservent leur caractère exceptionnel.

Ce budget permettra d'assurer la gestion du patrimoine immobilier, des nominations et promotions ainsi que des maisons d'éducation.

Il atteindra en 2004 17,89 millions, soit une baisse de 4,12 % par rapport à l'année dernière en raison de la diminution de la subvention inscrite sur les crédits de la justice. Celle-ci représente plus de 90 % des ressources et passe de 17,2 à 16,5 millions d'euros, soit un retour au niveau de 2002.

Les recettes propres augmentent de 1,1 % pour atteindre 1,42 million d'euros en 2004. Cet accroissement s'explique par une légère augmentation des prix de la pension et du trousseau des élèves. En revanche, les droits de la chancellerie restent stables, depuis leur majoration de 10 % en 1998.

Les dépenses, dans la mesure où le budget annexe de la Légion d'honneur est équilibré, connaissent une diminution symétrique à celle des recettes, soit 4,12 % pour atteindre 17,89 millions.

A ce titre, les dépenses en capital diminuent et en particulier les crédits de paiement, notamment en raison du ralentissement du programme de rénovation des maisons d'éducation qui avait été l'une des priorités du budget précédent avec plus de 800 000 €, priorité légitime au regard de leur mission éminente : assurer l'éducation d'un millier de filles, petites-filles et depuis peu arrières petites-filles des membres français de l'ordre. Les deux maisons d'éducation de Saint-Denis et des Loges se distinguent par les taux de réussite scolaire extrêmement élevés. Ces résultats sont fondés sur le travail d'équipes pédagogiques motivées dont les moyens sont adaptés.

En revanche, les autorisations de programme destinées essentiellement à financer les opérations prévues à la grande chancellerie, qu'il s'agisse de la restauration du musée national de la Légion d'honneur ou du palais de Salm, augmentent de 11 %.

Les dépenses de fonctionnement restent stables, excepté les dépenses de personnel qui augmentent de 2,6 %, cette progression s'expliquant par une revalorisation du point fonction publique et non en raison d'une augmentation du nombre d'emplois budgétaires.

Les contingents de décorations ont fait l'objet d'une gestion exemplaire, non seulement par la maîtrise des nominations et promotions, conformément aux souhaits du général de Gaulle, mais également par un renforcement du caractère universel de leur attribution, selon les v_ux du Président de la République.

En effet, ces distinctions ont été davantage ouvertes à certaines activités de caractère civil et les femmes représentent désormais un quart des décorés de la Légion d'honneur et un tiers des récipiendaires de l'ordre national du Mérite.

La dotation du budget de l'ordre de la Libération est en hausse de 6,4 % alors qu'elle avait diminué de 17,5 % l'an dernier, des crédits ouverts en 2002 pour la réfection des locaux de la chancellerie n'ayant pas été reconduits.

Je tiens à saluer l'initiative des deux gouvernements précédents tendant à transformer le conseil national de l'ordre de la Libération en un établissement public financé par une subvention inscrite au budget de l'Etat : le conseil national des communes « Compagnon de la Libération ». Le dispositif que nous avons adopté en 1999 à l'unanimité permettra d'assurer la pérennité de l'esprit de l'ordre de la Libération, qui est appelé à perdre la totalité de ses membres.

En revanche, nous devons trouver d'ici deux ans une solution pour la grande chancellerie dans la mesure où l'avenir du budget annexe de l'ordre de la Légion d'honneur a été compromis par la loi organique du 1er août 2001. Elle devra respecter la particularité de la grande chancellerie ainsi que le caractère régalien de la Légion d'honneur et le lien constitutionnel qui la relie au chef de l'Etat.

Quant à ce projet de budget annexe, il permettra à l'ordre d'assumer ses missions et de s'adapter à l'évolution de notre société. C'est pourquoi le groupe UMP le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - J'appelle les crédits du budget annexe de la Légion d'honneur.

Les crédits ouverts à l'article 48 au titre des services votés, mis aux voix, sont adoptés.

Les autorisations de programme et les crédits de paiement ouverts à l'article 49 au titre des mesures nouvelles, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - J'appelle les crédits du budget annexe de l'ordre de la Libération.

Les crédits ouverts à l'article 48 au titre des services votés, mis aux voix, sont adoptés, de même que les autorisations de programme et les crédits de paiement ouverts à l'article 49 au titre des mesures nouvelles.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.

La séance, suspendue à 10 heures 15, est reprise à 10 heures 20.

AFFAIRES ÉTRANGÈRES, COOPÉRATION ET FRANCOPHONIE

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère des affaires étrangères.

M. Eric Woerth, rapporteur spécial de la commission des finances pour les affaires étrangères - Vous êtes, Monsieur le ministre, un ministre qui se soucie de son administration. Organisation, évaluation, maîtrise des dépenses publiques : autant de sujets auxquels vous n'êtes pas indifférent. Vous avez lancé une réforme au travers d'expérimentations, un plan d'action stratégique 2004-2007 coordonné par un comité de pilotage placé sous la responsabilité du secrétaire général du ministère, et enfin l'application de la LOLF.

Le Parlement attend une amélioration des performances de notre économie et de notre administration. Il y a souvent entre la vigueur des propos ministériels et le rythme des réformes quelque décalage. Mais votre volonté, Monsieur le ministre, est constante depuis dix-huit mois : il n'y a ni changement de cap, ni rupture de rythme. En revanche, on est parfois plus timide sur le terrain, et les expérimentations manquent souvent d'ambition.

Le budget est indissociable de la réforme : sans réformes de structure - donc sans redéploiements -, la maîtrise des coûts affaiblira inévitablement le rayonnement de la France à l'étranger.

L'année 2004 est en ce sens une année charnière. La maîtrise des coûts va au-delà des instructions du Premier ministre et votre ministère est certes plus vertueux que d'autres, mais les réformes de structure restent à accomplir.

Les crédits des affaires étrangères s'élèvent à 4,22 milliards d'euros, soit une hausse de 2,52 % après celle de 13,34 % enregistrée en 2003 suite à la budgétisation des crédits du FED et à un effort méritoire de sincérité budgétaire.

Votre budget représente 1,52 % du budget de l'Etat, retrouvant ainsi le niveau des années 1990, 1,32 % hors FED.

Les affaires étrangères n'ont pas le monopole de l'action extérieure de la France, le ministère ne gérant que 44 % de l'ensemble des crédits.

Avec 2 milliards d'euros, vos crédits d'aide publique au développement représentent quant à eux 63 % de l'ensemble des crédits d'APD.

Ce budget est un budget de rigueur. En 2003, la maîtrise des dépenses a été obtenue au prix du gel de 250 millions d'euros de crédits, soit 15 % des crédits hors rémunérations et engagements internationaux. Un effet-change favorable de 56 millions d'euros a, il est vrai, été enregistré. Toutefois, nous n'éviterons pas un abondement des crédits du FED en loi de finances rectificative.

La rigueur passe d'abord par la réduction des effectifs et du train de vie du ministère. Les crédits de rémunération et de fonctionnement diminuent de 2,37 % : ils s'élèvent à 1,5 milliard d'euros - contre 1,54 en 2003 - soit 35,6 % du total des crédits du ministère contre 37,4 % en 2003 et 41,2 % en 2002. Cela permet de consacrer davantage de moyens à l'action.

Les effectifs budgétaires diminueront de 116 postes : 46 % des départs à la retraite ne sont pas remplacés. L'effectif total est de 9 293. Les crédits de rémunération passent de 773 à 740 millions d'euros, grâce à la diminution du nombre des emplois mais aussi à la réforme des indemnités de résidence, qui permet d'économiser 28 millions d'euros, dont 8 millions seront redéployés vers l'administration centrale et le recrutement de personnels locaux.

Les moyens de fonctionnement restent stables, à 315,2 millions d'euros, avec un effort sur les réceptions et les voyages, dont les crédits avaient augmenté l'année dernière en raison de l'accueil du G8.

On note également une rationalisation des crédits de fonctionnement du réseau, à hauteur de 5,4 millions d'euros. 3,7 millions d'euros supplémentaires sont consacrés à l'intéressement aux résultats des services de visas lorsque les recettes dépasseront celles de 2002. Il faut noter la stabilisation des crédits de fonctionnement des institutions culturelles à 51 millions d'euros. C'est le résultat de deux mouvements opposés : une rationalisation du réseau permet une économie de 2,4 millions, cependant que la rémunération des recrutés locaux est revalorisée pour 2 millions. Les investissements immobiliers ralentissent : les crédits de paiement diminuent de 10 % pour s'établir à 42 millions d'euros, et les autorisations de programme diminuent également. C'est donc un cercle vertueux qui s'engage, avec aussi le gel de certains grands chantiers, et peut-être une vision plus rationnelle de ces investissements.

A côté de ces mesures de rigueur, on observe des stabilisations, y compris de crédits qui mériteraient d'être augmentés dans une période plus faste. C'est le cas des contributions de la France : 697 millions de contributions obligatoires, dont plus de 50 % pour le système onusien, sans oublier les contributions volontaires, avec une hausse de 10 millions pour le fonds multilatéral unique pour la francophonie, qui représente 49 % des contributions volontaires.

L'audiovisuel est stabilisé à 165 millions, effort important pour le ministère, pour qui il s'agit de près de 10 % de ses crédits d'intervention. Il n'y a pas cette année de traduction budgétaire du projet de chaîne d'information internationale, qui pourrait exiger 70 millions par an - ce qui nécessitera des redéploiements. L'AEFE, dont nous avons beaucoup débattu l'an dernier, scolarise 160 000 élèves, dont 43 % de Français et 10 % de boursiers. La baisse de ses crédits est l'effet de processus qui n'affectera pas la capacité opérationnelle de l'agence.

Stabilisation aussi pour la coopération militaire et de défense : après des années de baisse, les crédits restent à 93 millions d'euros.

Parallèlement à la rigueur et aux stabilisations, des moyens supplémentaires sont affectés à certaines priorités, grâce aux quelque 100 millions d'économies réalisées, 80 résultant de baisses de crédits et 20 de l'absence de revalorisation des crédits au regard de l'inflation. Vous pouvez de la sorte consolider les instruments d'aide au développement. Ainsi le fonds européen de développement pesait 218 millions d'euros en 2002, 496 en 2003 : en 2004, ce seront 565 millions, ce qui est une progression rapide. Forte progression aussi des crédits d'investissement de la coopération : faisant suite aux autorisations de programme ouvertes en 2003, nous voyons les crédits de paiement augmenter cette année, de 25 % pour le fonds de solidarité prioritaire qui s'établit à 140 millions, et de 15 % pour les dons de l'AFD. On observe aussi une nouvelle hausse des concours financiers de près de 30 %, qui les porte à 159 millions ; une augmentation enfin de l'aide budgétaire d'urgence et de l'ajustement structurel. Pour sa part, la place de la francophonie est accrue au sein de la coopération culturelle et technique.

Des financements sont consacrés à la réforme de l'asile, avec des moyens en forte hausse pour l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés : 34 % d'augmentation, 196 agents supplémentaires. On note enfin une petite augmentation pour la sécurité des Français à l'étranger.

Du point de vue budgétaire, donc , le ministère des affaires étrangères apparaît plutôt vertueux. Si l'on veut rendre la dépenses plus efficace, il faut continuer à réformer et à redéployer. Dans la perspective de la LOLF, vous menez une expérimentation limitée à cinq pays, où une enveloppe globale est attribuée pour l'ambassade et les postes consulaires. Cette expérimentation reste assez marginale et timide. La structuration de la LOLF reste l'objet de désaccords assez profonds entre votre ministère et Bercy. Il faut concilier l'idée d'une mission d'action extérieure de la France, que vous souhaitez, et celle d'une action regroupant l'aide publique au développement, que souhaite Bercy. Nous devons à mes yeux aboutir à une mission d'action extérieure de la France avec une globalisation des crédits.

Pour ce qui est des programmes relevant de la LOLF, ils ont connu plusieurs versions. La dernière ne nous satisfait pas vraiment, et nous espérons qu'elle pourra évoluer. On nous propose aujourd'hui un premier programme quelque peu « fourre-tout », un second qui correspond en gros au périmètre de la DGCID, et un programme de support : cela reste très en deçà de l'esprit de la loi organique. Enfin, la préfiguration des plafonds d'emploi, certes beaucoup plus satisfaisante qu'avant, ne porte pas sur l'ensemble des emplois relevant du ministère.

Quant à l'organisation des services extérieurs du ministère, il faut rationaliser les réseaux et vous en avez la volonté. Ceci concerne surtout les réseaux culturels et consulaires, qui peuvent être rationalisés grâce aux moyens modernes de communication.

Il faut enfin une réelle interministérialité, et je sais que vous la souhaitez, mais qu'elle est difficile. Il faut que le budget, et les budgets « pays », soient interministériels pour éviter des îlots de richesse. Ce partage devrait permettre des économies d'échelles, déjà obtenues ponctuellement. On peut sans doute fixer un objectif de 10 % sur l'ensemble des moyens interministériels consacrés au fonctionnement des réseaux, ce qui permettrait une économie de 160 millions sur plusieurs années.

Les efforts consentis par le ministère sont importants. En 2004, Bercy ne devra pas céder à la facilité : certaines dépenses doivent être préservées de toute mesure de régulation, notamment les crédits destinés à la formation des personnels, à l'équipement informatique et à l'entretien du patrimoine. Ces dépenses sont toujours les premières gelées, ce qui est une erreur, car elles sont sources d'économies futures.

L'influence politique de la France dans le monde est-elle proportionnelle au budget de votre ministère ? Non, certes ; beaucoup d'autres facteurs interviennent. Mais les choix stratégiques relatifs au réseau, à la francophonie, à l'aide au développement, dépendent beaucoup des moyens qui leur sont consacrés. Dans un environnement financier très contraint, on ne peut décemment plaider pour une augmentation des crédits ; l'effort doit donc porter sur la réforme des structures, au-delà même du ministère. Le renforcement des moyens de l'action extérieure de la France passe par l'interministérialité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les affaires étrangères - Je tiens à le dire : vous avez réussi, Messieurs les ministres, dans un contexte budgétaire très contraint, à dégager les moyens de faire face à nos responsabilités internationales. La baisse du titre III ne se fait pas au détriment du service. Tous les postes seront pourvus : redéploiements, économies sur le système de primes, augmentations des recrutés locaux, économies sur le fonctionnement courant et le train de vie, plus grande rationalité de notre organisation permettent des gains substantiels qui n'affectent pas notre capacité opérationnelle, comme le suggérerait une lecture superficielle de ce budget. Je rappelle d'ailleurs à ceux qui auraient la mémoire courte que cet effort de rationalisation, qui ne pourra d'ailleurs être poursuivi indéfiniment, est engagé depuis dix ans.

Ce budget permet de tenir les engagements pris devant l'opinion française et internationale. L'APD connaît une hausse de 9,5 %, après un creux en 2000 et 2001. Elle passera ainsi en 2004 de 0,32 à 0,43 % du PIB, étape vers les 0,5 % en fin de législature. La coopération multilatérale occupe une place importante, mais la coopération bilatérale n'est pas oubliée : elle représentera 72 % de notre aide en 2004, contre 62 % en 2001.

J'entends dire que les remises de dettes ne constituent pas pour la France un effort financier : pourquoi alors avoir attendu pour les faire ? On dit aussi qu'elles ne créent pas vraiment de nouvelles possibilités d'action sur le terrain. C'est faux : au lieu de rembourser des annuités, les pays en développement disposent bien ainsi de moyens nouveaux, qu'ils investissent dans des programmes de lutte contre la pauvreté.

Ce budget finance aussi les autres priorités annoncées : sécurité pour les expatriés et aide sociale, francophonie, réforme de l'asile. Ce dernier passe totalement sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, d'où une augmentation des moyens dont on peut espérer une réduction des délais d'instruction.

Sous l'impulsion de Renaud Muselier, l'action humanitaire d'urgence a été redynamisée : nouveaux partenariats avec les ONG, les entreprises, les collectivités territoriales, utilisation efficace des outils publics d'intervention.

Enfin, la baisse continue depuis bien des années des contributions volontaires à l'ONU et de la coopération militaire est stoppée. Il faudra dès que possible relever le niveau de ces crédits, afin de développer les partenariats en Afrique et d'exercer toute notre influence au sein des organes spécialisés de l'ONU.

Ce budget prépare l'avenir. Il s'inscrit dans le plan d'action stratégique Affaires étrangères 2007 et dans une perspective de modernisation de nos outils de formation des personnels et d'adaptation à la nouvelle donne géopolitique. Mais nous sommes nombreux, sur tous les bancs, à espérer que le ministère retire les dividendes de sa vertu budgétaire et ne soit pas, comme il est de tradition, la cible prioritaire des régulations budgétaires. Celle qui a été opérée en 2003 pour 250 millions représente 15 % des dépenses non obligatoires, c'est la partie efficace du budget qui a ainsi été amputée. L'exercice 2004 devrait être moins difficile, mais si régulation il doit à nouveau y avoir, ne devrait-elle pas frapper d'abord les grands ministères dépensiers qui n'ont pas fait les mêmes efforts de rationalisation que celui-ci ?

Enfin, ce budget, qui ne représente que 44 % des dépenses consacrées à l'action extérieure de l'Etat, s'inscrit dans la prospective d'une vision globale de celle-ci. Cependant la constitution, dans le cadre de la LOLF, d'une mission « action extérieure de l'Etat » se heurte à certaines oppositions.

Bercy serait disposé à créer un programme APD, mais refuse de constituer un programme isolant les dépenses de la DREE, c'est-à-dire des missions économiques à l'étranger, qui sont pourtant, officiellement, des services des ambassades. Certes l'interministérialité progresse sur le terrain : vous avez, Monsieur le ministre, signé le 10 juin avec M. Mer une convention relative au renforcement de la coopération entre vos deux ministères. Mais si votre ministère veut réussir à convaincre les autres de respecter l'esprit de la LOLF, il faut qu'il soit exemplaire quant à la définition de ses propres programmes. Vous avez dit devant la commission des finances que vous étiez prêt à poursuivre la réflexion ; il nous faut trouver ensemble une solution qui ne soit pas critiquable.

Michel Bouvard, dans son rapport d'étape sur la mise en application de la LOLF, souligne que l'action extérieure de la France et l'aide publique au développement font partie, avec la sécurité intérieure et la recherche, des missions interministérielles qu'il est souhaitable de constituer. La LOLF n'a nullement pour objectif de casser les outils existants, mais simplement de permettre le contrôle budgétaire grâce à une plus grande transparence.

En bref, ce budget témoigne de la volonté de réforme du ministère et de sa capacité à s'adapter à la nouvelle donne internationale. Il parvient pleinement à la nécessaire rigueur budgétaire mais permet, grâce aux redéploiements internes et aux efforts consentis sur les dépenses courantes, de financer les priorités et de tenir ses engagements. Dans un contexte économique difficile, il est le meilleur possible.

Enfin, c'est un budget placé au service d'une politique qui a retrouvé toute sa force et toute sa lisibilité sur la scène internationale. Sous l'impulsion du Président de la République et grâce à votre action, Monsieur le ministre, notre pays contribue largement à la régulation de la mondialisation.

Régulation politique, qui s'appuie sur le respect de la légalité internationale et une réforme de l'ONU, et qui a montré, avec l'Iran signant le protocole additionnel du traité de non-prolifération, qu'elle pouvait aboutir à des résultats concrets. Il est dommage qu'on ne médiatise pas beaucoup les succès de ce type.

Régulation économique, telle que Jacques Chirac l'a plaidée au G8, où il s'est fait le défenseur d'un monde plus équilibré, d'une mondialisation au service de l'homme.

Action pour la paix et la solidarité entre les peuples, enfin, qui se manifeste dans notre aide au développement comme dans l'engagement de nos soldats aux côtés des Africains.

Pour toutes ces raisons, je vous recommande, mes chers collègues d'adopter les crédits des affaires étrangères pour 2004 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les affaires étrangères - Comme chaque année, la commission de la défense a fait porter son examen sur trois éléments : les cotisations françaises à l'ONU, les dépenses relatives à l'Europe de la défense et les crédits de la coopération militaire.

Cette année comme les années précédentes, la France aura tenu à assurer la solidité financière de l'ONU, aussi bien par ses cotisations au budget ordinaire que par sa participation au budget des opérations de maintien de la paix, montrant ainsi sa volonté qu'elle soit le lieu principal de règlement des crises.

La politique menée en matière de sécurité et de défense européenne mérite également que les crédits qui y sont consacrés soient approuvés. Avec les opérations Concordia en Macédoine mais surtout Artémis au Congo, l'Union européenne a montré une capacité à gérer de vraies crises ouvertes. Si la création d'un état-major européen permanent pour conduire la gestion opérationnelle des crises fait encore débat, l'idée d'une force militaire européenne distincte de l'OTAN commence à s'affirmer.

Je m'attacherai donc surtout à la situation de la coopération militaire et de défense.

En 2003, les crédits de la coopération militaire étaient passés pour la première fois sous les 100 millions d'euros, pour s'établir à 93,5 millions. J'avais souligné que cette évolution était en contradiction avec la volonté du ministère de faire en sorte que les interventions pour le maintien de la paix soient d'abord le fait des pays africains eux-mêmes.

Dans le projet de budget, les crédits de la DCMD sont simplement maintenus. Pire, ce maintien n'est qu'apparent, puisque la DCMD termine l'année 2003 avec 11,7 millions de dettes envers le ministère de la défense - à qui elle doit rembourser la rémunération de personnels détachés, une part de cette somme correspondant aux opérations de formation de l'armée afghane, que la France assure avec les Américains. En fait, les crédits de la coopération militaire diminuent de plus de 12 %.

Qui plus est, la DCMD est invitée à se recentrer sur l'Afrique. Le reste de la coopération militaire, considéré en fonction du type d'orientations mené, soit comme de la coopération opérationnelle, soit comme de l'assistance aux exportations, est laissé aux armées.

Celles-ci prennent du reste leurs responsabilités. Ainsi, l'état-major des armées indique que 200 postes d'officiers vont être ouverts au sein d'états-majors multilatéraux, notamment européens, à ces fins. S'ajoutant aux 477 postes des armées à l'étranger, ils remplaceront sans doute avantageusement en Europe les 20 postes de coopérants militaires qui vont être supprimés cette année, alors que la DCMD a eu tant de mal à les ouvrir.

Il n'est pas certain que ce transfert de responsabilités suffise à sauver la conduite de la coopération militaire avec l'Afrique depuis le ministère des affaires étrangères. Le nombre des postes de coopérants militaires, de 390 en 2002, tombera à 349 en 2004. L'état des dotations de matériel destinées au programme RECAMP - renforcement des capacités africaines de maintien de la paix - est critique et le prochain exercice n'est même pas financé. Enfin, les programmes d'équipement de certains pays par des dons de matériels anciens vont s'interrompre : ils seront remplacés par des prêts.

Hors d'Afrique, la coopération sera donc désormais conduite pour l'essentiel par le ministère de la défense et, en Afrique, ce même ministère renforce ses positions grâce aux attachés de défense et aux forces prépositionnées. Dans ce qu'il faut bien appeler un véritable naufrage de la coopération militaire, on discerne toutefois un élément positif : le conseil de défense du premier semestre a décidé la création d'un dispositif de pilotage commun aux deux ministères. En revanche, les capacités de contrôle du Parlement s'amenuisent, le ministère de la défense ne disposant pas de crédits de coopération clairement identifiés.

En réduisant les crédits de coopération militaire, Monsieur le ministre, vous vous privez d'un outil indispensable pour conduire notre politique extérieure. Si cette coopération y gagne en cohérence, il faudra en tirer les conséquences budgétaires et l'année 2004 sera donc pour vous celle des choix.

Malgré ce constat alarmant, il me faut reconnaître que la commission de la défense a adopté les crédits de votre ministère.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances pour la coopération et le développement - Comme l'an passé, j'élargirai mon propos à l'ensemble de l'aide publique au développement, M. Woerth ayant déjà amplement présenté ce qui relève strictement de la coopération. Le champ ainsi délimité est à la fois plus restreint que les crédits de la coopération - ceux-ci ne bénéficient pas qu'à des pays en voie de développement - et beaucoup plus large - ces mêmes crédits ne représentent même pas la moitié de l'aide publique au développement, telle que l'a définie le comité d'aide au développement de l'OCDE.

A Monterrey, la communauté internationale s'est fixé des objectifs ambitieux, s'agissant de réduire la pauvreté. Cela supposerait d'accroître l'aide publique au développement. Or, depuis le début des années 1990, celle-ci a fortement régressé, les organisations internationales faisant une confiance aveugle au marché sous l'emprise de théories économiques qui les conduisaient à négliger le rôle des Etats. Il est évident aujourd'hui que la seule intégration au marché international, non plus que la « globalisation financière », comme on l'appelle, ne sauraient suffire à assurer le développement des pays les plus pauvres. Au contraire, elles semblent le freiner. L'aide publique au développement est donc indispensable pour accompagner, corriger et diriger ce développement, de même que l'Etat est indispensable pour réguler et dynamiser l'activité économique d'un pays. Certaines infrastructures ne seront en effet jamais financées par le marché.

Défendre l'aide publique au développement, c'est donc militer pour un modèle de développement plus équilibré et qui ne se réduise pas au respect des sacro-saints « fondamentaux économiques ».

Forte de son expérience, la France a décidé de contribuer à ce renouveau de l'APD, après presque dix ans au cours desquels son effort s'était réduit. Le Président de la République a annoncé un objectif ambitieux : cette aide, de 0,32 % du PIB en 2000, devra être portée à 0,5 % d'ici à la fin de la législature. Nous semblons en bonne voie puisque nous devrions atteindre un taux de 0,41 % en 2003 et de 0,43 % en 2004. J'aimerais m'en réjouir, mais une analyse plus fine révèle les limites de l'effort : la progression est en effet pour l'essentiel imputable à celle des annulations de dettes accordées aux pays pauvres très endettés - PPTE - : de 1,1 milliard en 2002, elles passeront à 1,9 milliard cette année et à 2,05 milliards l'an prochain.

S'étant engagé sur un principe d'additionnalité, qui veut que ces annulations viennent en sus des efforts faits par chaque pays en faveur du développement, le Gouvernement ne saurait se contenter d'une augmentation mécanique des décaissements, accompagnée d'une baisse de l'aide bilatérale. Au surplus, ces annulations ne vont pas perdurer et, dès 2005, quand la plupart des PPTE auront franchi toutes les étapes du processus, leur montant va fortement diminuer, risquant d'entraîner dans leur chute l'aide publique au développement si les autres supports ne prennent pas le relais.

Ces autres supports sont les outils classiques : fonds de solidarité prioritaire - FSP -, Agence française de développement - AFD - et crédits d'intervention gérés par la DGCID. Malheureusement, ces instruments ont été très durement touchés par la régulation budgétaire. La DGCID a ainsi été obligée de revoir à la baisse l'ensemble de ses opérations : bourses de longue durée, assistance technique, subventions et commandes aux opérateurs. Le FSD est passé à deux doigts de la cessation de paiement et l'AFD connaît une situation de trésorerie difficile : allez-vous leur ouvrir en loi de finances rectificative les crédits de paiement indispensables à leur rétablissement ?

Dans ce projet de budget, les crédits d'intervention au mieux stagnent et parfois régressent. Le chapitre 42-15, qui finance la coopération culturelle, scientifique et technique, baisse de 2,92 %, pour s'établir à 514 590 000 € et les articles les plus affectés sont précisément ceux qui relèvent de l'APD : l'appui aux organismes concourant à des actions de coopération est amputé de 10,6 millions d'euros, l'appui local aux projets de coopération de 7,3 millions et les crédits destinés au transfert de savoir-faire de 6,5 millions. Je me réjouis en revanche que la dotation de l'article 20, « Bourses, échanges et formation », passe de 114 à 120 millions d'euros.

Les crédits de la coopération décentralisée baissent de 9 % et, pour le soutien aux organisations de solidarité internationale - OSI -, l'augmentation est dérisoire : 3 500 €. Quand interviendront les reports de charges et les gels, malheureusement prévisibles, ce cofinancement sera en fait notablement réduit.

Les subventions d'investissement augmentent, en revanche, le ministère semblant avoir abandonné la politique d'affichage qui consiste à ouvrir des autorisations de programme en masse sans que les crédits de paiement suivent.

Les crédits de paiement augmentent donc de 118 millions d'euros, ceux du fonds européen de développement de 69 millions. A ce dernier propos, je note qu'en 2002 et 2003, la dotation initiale a été insuffisante pour couvrir les appels à contribution, obligeant la France à payer des intérêts de retard. La prévision sera-t-elle plus précise cette fois ? D'autre part, où en est-on de la budgétisation du FED ?

Vingt et un millions supplémentaires sont affectés à l'AFD et les crédits du FSP passent de 112 à 140 millions, soit une progression de 25 % : la plus forte enregistrée depuis très longtemps ! On ne peut que se féliciter de ce retournement de tendance, même si on est encore loin des 200 millions d'euros de 1995.

Reste à éviter deux écueils : un report de charges trop important, les crédits de paiement supplémentaires ne servant alors qu'à apurer la mauvaise gestion de 2003, et un nouveau gel de crédits. Je serai donc particulièrement attentif à l'exécution de ce budget ma crainte étant que les crédits de la coopération et de l'aide publique au développement servent encore une fois de variable d'ajustement.

J'en viens pour terminer à la mise en _uvre de la loi organique. Il est aujourd'hui très difficile pour un parlementaire, et a fortiori pour un citoyen, d'avoir une vision claire de l'effort de la nation en faveur des pays en voie de développement. L'outil de transparence qu'est le jaune « Coopération avec les pays en voie de développement » n'a d'ailleurs toujours pas été refondu, contrairement à la décision du CICID du 14 février 2002. Quelles sont les raisons de ce retard ?

D'autre part, l'architecture que vous nous proposez aujourd'hui est difficilement compréhensible : les crédits de l'aide publique au développement étant disséminés entre trois programmes prévus, sans aucune logique. Le fait est d'autant plus étonnant que vous aviez précisément envisagé une telle nomenclature dans votre plan d'action stratégique « Affaires étrangères 2007 ». Trois programmes étaient alors envisagés : « Action de la France en Europe et dans le monde », « Un réseau au service de l'Etat et des citoyens » et « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

Cette architecture me semble beaucoup plus rationnelle et, surtout, permet d'identifier clairement les crédits. Il est très regrettable qu'elle ait été abandonnée.

C'est pourquoi la commission des finances a adopté une observation où elle souhaite que soit mis en place un programme « Aide publique au développement ». Cela ne préjugerait en rien de l'éventuelle constitution d'une mission interministérielle pour laquelle deux projets s'affrontent : celui d'une mission interministérielle « APD » et celui d'une mission plus vaste « Action extérieure de la France ».

Je conclurai en précisant que la commission des finances a, contre mon avis, adopté les crédits de la coopération et du développement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour la coopération et le développement - Le contexte international montre l'importance des problèmes des pays du Sud, et l'échec du sommet de Cancun de l'OMC a mis en relief l'urgence d'une politique d'aide à ces pays, dont la voix compte sur la scène internationale, et avec qui les échanges politiques, économiques et culturels sont essentiels.

L'aide publique au développement, la coopération multilatérale, mais surtout bilatérale sont les éléments essentiels de la politique extérieure de la France, qui doit faire partager cette vision à ses partenaires européens.

Pour l'exercice 2004, les lignes budgétaires consacrées à cette action sont prometteuses si aucun gel budgétaire n'intervient. En effet, dans un contexte de forte rigueur budgétaire, le budget du ministère des affaires étrangères augmente de 2,61 % et l'aide publique au développement qui en mobilise 46 % est considérée comme prioritaire. C'est d'ailleurs l'augmentation de celle-ci qui explique la hausse globale et, hors crédits dédiés à l'APD, le budget baisse de 1,26 %.

Au sein du G8, la France demeure le premier contributeur de l'aide publique au développement, et s'efforce de respecter son engagement d'atteindre 0,7 % du PIB dans les années à venir, comme s'y est engagé le Président de la République.

La France sera-t-elle pénalisée au sein de l'Union européenne parce qu'elle accroît son aide aux pays les plus pauvres et les plus endettés, conformément aux engagements pris par les pays européens eux-mêmes. D'un montant de près de 2 milliards d'euros, ces aides représentent presque le quart des 9 milliards d'euros d'excès de déficit reprochés à la France par la Commission européenne. Si nous suivons, donc, sa recommandation d'accroître notre aide au développement, nous enfreignons celle de réduire nos déficits...

Les gels de crédits en 2002 et 2003 ont gêné les actions de coopération, notamment celles engagées au titre de l'APD bilatérale, directement perçue par les Etats et les populations concernées comme venant de la France. La DGCID a dû procéder à un abattement de 18 % sur ses crédits programmés et revoir l'ensemble de sa programmation. De même, pour l'exercice 2003, la baisse de 10 % des crédits consacrés au volontariat associatif, due à la régulation budgétaire, a gêné leur action. Aussi faut-il en 2004 éviter la brutalité de ces pratiques et maintenir l'APD bilatérale à son niveau initialement prévu. La majeure partie de l'aide publique française au développement transitera par le fonds européen de développement, sans visibilité sur le terrain ni possibilité d'influer sur les décisions, alors que le besoin de France est exprimé dans toute l'Afrique.

A cet égard, la direction générale de la coopération internationale et du développement s'est consacrée à l'animation de la politique de coopération et d'aide au développement en s'attachant à moderniser les instruments, les méthodes et les procédures. Dans le cadre de la réforme menée par le ministre des affaires étrangères, elle devrait améliorer l'organisation de ses relations avec les autres directions, mais aussi restructurer le réseau des centres culturels et mieux le coordonner avec celui des alliances françaises. De même, elle devra s'adapter à la gestion de contrats d'objectifs, ce qui pose le problème de la cotutelle des ministères des affaires étrangères et de l'économie et des finances sur l'Agence française de développement.

La France ne figure malheureusement parmi les dix principaux contributeurs dans aucune des principales institutions des Nations unies. En 2004, les crédits affectés aux organisations du système des Nations unies seront, au mieux, reconduits à l'identique. Au sein de l'aide multilatérale, l'arbitrage s'est fait en faveur de l'aide européenne. Nous devons à présent mener une politique qui revalorise la France au sein d'organisations comme la FAO, ONUSIDA ou le PNUD.

Il est plus que jamais nécessaire que soient développées des actions de coopération vis-à-vis des pays pauvres très endettés. A cet égard, on peut s'interroger sur la dimension de la zone de solidarité prioritaire et sur le volume de l'aide publique au développement en dehors de cette zone. N'y a-t-il pas là un risque d'éparpillement de l'aide bilatérale, de saupoudrage inefficace en termes de visibilité de l'action extérieure ? De même, ne faut-il pas consacrer les crédits affectés à la coopération et à l'aide publique au développement à des domaines ciblés, dans lesquels l'expertise française est unanimement reconnue, tels la santé, l'aide humanitaire d'urgence, l'aide alimentaire, le soutien au développement institutionnel ?

Aussi convient-il d'accroître le rôle de la France dans la lutte contre les pandémies. Au niveau bilatéral, les moyens mis en _uvre par la France dans la lutte contre le sida sont importants, de même que les engagements pris par la France au plan multilatéral pour lutter contre cette pandémie, tel celui, pris par le Président de la République, de tripler la contribution française au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme en témoignent.

L'action humanitaire d'Etat est un domaine où la compétence française est unanimement reconnue - actions menées en Algérie lors du tremblement de terre, dans de nombreux pays d'Afrique, etc. Il conviendrait de renforcer les moyens de cette action à travers le fonds d'aide humanitaire d'urgence.

La présence de la France face aux besoins conjoncturels et structurels d'aide alimentaire est importante, mais l'éclatement des structures et l'absence de concertation entre elles nuisent à l'action de terrain, alors qu'il convient d'améliorer la productivité et la qualité de production des pays du Sud pour obtenir l'autosuffisance alimentaire.

Le soutien aux institutions africaines, et notamment au NEPAD, est prioritaire et les avancées obtenues à Evian lors de la réunion du G8 en juin 2003 en témoignent. Une politique de soutien aux nouvelles institutions renforçant l'Etat de droit se développe. La France soutient aussi l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique qui permet d'assurer aux investisseurs une certaine sécurité juridique.

Privilégier le codéveloppement, qui fait du migrant un opérateur potentiel du développement, est un choix judicieux. Des systèmes d'aide à la création d'activités économiques par des migrants dans leur pays d'origine ont été mis en place. Qu'en est-il du fonctionnement du comité de suivi ? Dans ce cadre, j'ai proposé la création d'un livret d'épargne-développement, permettant aux migrants d'utiliser leur épargne à des projets de développement tout en sécurisant les transferts de fonds dans leur pays d'origine.

On ne peut que saluer les efforts du Gouvernement pour accroître la part de l'aide publique au développement dans le budget 2004. L'accueil très chaleureux reçu par le Président de la République au Niger et au Mali témoigne du vif intérêt porté par ces pays en développement à la politique française de coopération.

La France suscite des attentes qui ne doivent pas être déçues. De nouveaux gels budgétaires ne sauraient paralyser encore les actions de coopération bilatérale, ni la baisse inquiétante de l'assistance technique briser l'impulsion donnée par le Président de la République.

Il ne s'agit pas de mener une politique d'assistance mais d'instaurer un partenariat avec les pays en développement. Utiliser au mieux les crédits et les compétences de la France est plus que jamais une nécessité, aussi est-il inacceptable que des concurrences entre ministères, voire des doublons, obèrent l'efficacité de la coopération bilatérale.

L'aide extérieure de la France doit être harmonisée au sein d'un seul ministère, celui des affaires étrangères, afin d'améliorer son efficacité et sa visibilité, tant à l'égard de l'Union européenne que de ses partenaires du Sud (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la francophonie et les relations culturelles internationales - Un budget est toujours pour un ministre, solidarité gouvernementale oblige, un bon budget. Aussi, plutôt que de m'attacher à réfuter tel ou tel chiffre, vous renverrai-je à mon rapport écrit pour une analyse précise des évolutions du budget.

Je tiens cependant à vous livrer les réflexions qu'il m'inspire et qui m'ont conduit à proposer son rejet à la commission.

Les moyens pérennes du ministère sont en légère diminution, notamment les crédits de personnels : avec 116 suppressions d'emplois prévues pour 2004, nous avons affaire à un véritable plan social ! Cette baisse des effectifs ne saurait être compensée par le recrutement local. Sous-payés, assujettis à des règles de droit social moins protectrices qu'en France, les recrutés locaux ne peuvent en outre offrir le même service que les expatriés. La dégradation de la qualité de la délivrance des visas en témoigne ; sans même parler des risques que fait courir une telle sous-traitance.

Et que dire de la restructuration, pudiquement nommée la « rationalisation » du réseau ? Comment les crédits de coopération pourront-ils être gérés si l'on manque de personnel sur place pour les mettre en _uvre ? Imagine-t-on que la présence de la France à l'étranger puisse être assurée de Paris ?

Si certaines mesures sont positives, comme l'augmentation de la dotation du FMU de 10 millions d'euros ainsi qu'une mesure du même montant en faveur des étudiants boursiers des pays francophones, il faut hélas les relativiser. S'agissant des bourses, la dotation prévue pour 2004 retrouve à peine son niveau de 1991, après une longue décrue de l'ordre de 25 % et un rétablissement progressif depuis 1998. Par ailleurs, le financement de ces mesures par redéploiement interne a pour effet de réduire les actions dans d'autres domaines contribuant à l'action francophone. Au total, les dépenses en faveur de la francophonie ne progresseront en 2004 que de 0,37 %. La francophonie est restée à l'état de priorité politique, sans devenir une priorité budgétaire.

Cette pratique du redéploiement interne entache du reste l'ensemble des actions du ministère. Pour financer l'augmentation réelle de l'aide publique au développement, le ministère a dû faire des coupes claires partout ailleurs. Il n'y a pas, à cet égard, d'exception culturelle...

Y a-t-il seulement une ambition culturelle ? On peut en douter au vu de la gestion du dossier de la chaîne internationale d'information française. Si l'on ne peut que partager la volonté du Président de la République et du Premier ministre de soutenir la langue française et la diversité culturelle, encore faut-il que ces affirmations débouchent sur des actions !

Force est de reconnaître que la future chaîne, telle qu'elle apparaît à la lecture du rapport Brochand, s'annonce pour le moins partiale, et les conditions de sa création suscitent la colère des parlementaires notamment des membres de la mission d'information, dont les conclusions fort argumentées préconisaient un partenariat équilibré entre le service public et le secteur privé.

Or le choix du Gouvernement a été très différent. Faire la part belle à TF1 ne constitue pas une garantie pour la défense de la francophonie.

M. Jean-Claude Lefort - Ça non !

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis - J'ai donc proposé le rejet des crédits et je regrette que la commission ne m'ait pas suivi.

Il est pourtant d'autant plus nécessaire d'_uvrer en faveur de l'action culturelle, et particulièrement de la francophonie, lorsque l'on considère le défi que représente la construction européenne.

L'Union européenne a posé le principe d'égalité des langues officielles et de travail, et son régime linguistique consacre un multilinguisme protecteur.

L'Europe se doit d'illustrer les valeurs qui lui sont chères, comme le pluralisme et la solidarité. En ce sens, elle est une chance pour la francophonie.

Mais cet équilibre est menacé par les bouleversements linguistiques qui se dessinent avec l'élargissement. Le nombre de langues officielles passera ainsi de 11 à plus de 20, ce qui demandera une adaptation du régime linguistique des institutions. Déjà, dans les faits, certaines langues sont « plus égales que d'autres ». La construction européenne risque certes de s'effondrer si elle respecte un plurilinguisme intégral à tous les niveaux, mais le risque n'est pas moindre si doit triompher la pratique hypocrite actuelle qui consiste à adopter une langue unique, transformée à l'occasion en sabir.

Il faut donc que les négociations en cours aboutissent à la définition de critères objectifs. Le pluralisme linguistique n'est pas un handicap mais un atout de taille, pour peu qu'il soit maîtrisé. Il est urgent, donc, de fixer des principes clairs, afin que chacun puisse écrire à toute destination de l'Union et recevoir une réponse dans sa langue. Seules les réunions techniques se tiendraient dans un nombre limité de langues. Le respect des langues est la dernière chance qu'a l'Europe de se rapprocher des citoyens.

Il faut intégrer le droit à la diversité culturelle parmi les droits fondamentaux qui seront garantis demain par la Constitution européenne, même si je n'approuve pas son contenu actuel.

Chaque langue porte en effet des valeurs propres. Une action résolue en faveur de la diversité linguistique passe par la reconnaissance du fait que la langue n'est pas un bien régi par les lois de l'offre et de la demande.

Plusieurs évolutions pourraient favoriser une telle politique. L'examen des candidatures aux concours communautaires émanant des ressortissants des futurs Etats montre que le français ne vient qu'en troisième position après l'anglais et l'allemand : il faut donc par le biais de la stratégie de préadhésion et des jumelages, promouvoir la pratique de notre langue, notamment dans les pays d'Europe centrale et orientale, y compris la Roumanie et la Bulgarie. La baisse des crédits de bourses et des postes d'expatriés dans cette zone doit être stoppée.

D'autre part, l'apprentissage d'une seconde langue étrangère n'étant actuellement obligatoire que dans sept Etats sur quinze, il faut obtenir la mise en _uvre d'un tel enseignement dans l'ensemble des Etats actuels et futurs.

Il convient également que la France intervienne auprès des institutions communautaires lorsqu'elle constate des violations du principe d'égalité des langues. Il serait souhaitable de promouvoir auprès de nos partenaires les plus réceptifs, notamment l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, un réflexe de défense du plurilinguisme.

Enfin, il faut réfléchir à la création d'une Agence européenne de la diversité linguistique qui aurait une mission de veille et d'alerte, mais aussi de réflexion et de proposition.

Dans cet esprit, il convient de soutenir deux actions fortes de notre assemblée : la proposition de résolution sur la diversité linguistique adoptée par la commission des affaires culturelles devrait enfin être inscrite à l'ordre du jour...

M. Michel Herbillon - Ce sera le cas !

M. Jean-Claude Lefort - Qu'en savez-vous ?

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis - ... Il faudra également soutenir la proposition de résolution de M. Jacques Brunhes tendant à la création d'une commission d'enquête visant, à partir du bilan des politiques publiques destinées à promouvoir la langue française au plan national, européen et international, à proposer des mesures pour les améliorer et le cas échéant les réorienter (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour la francophonie et les relations culturelles internationales - Dans un contexte budgétaire difficile, les crédits concourant à l'action culturelle extérieure de la France et ceux participant au développement de la francophonie sont en stagnation : 1,10 milliard d'euros de dépenses ordinaires et de crédits de paiement pour les premiers, 0,8 milliard pour les seconds.

Les crédits du ministère ont été touchés par la régulation. Ainsi, le plan de relance de la francophonie, qui avait pourtant été annoncé par le chef de l'Etat à Beyrouth, a été quasiment suspendu, et il y a un fort risque qu'il le reste en 2004, ce qui poserait la question de la sincérité des lois de finances et du sens de la procédure budgétaire parlementaire.

Le réseau scientifique et culturel français se caractérise par sa densité, puisqu'il comporte 26 établissements de recherche, 151 établissements culturels, 296 alliances françaises. Or, de nombreux centres n'atteignent pas la taille critique nécessaire pour être des vitrines de la culture française, pas plus qu'ils n'ont les moyens de mettre en _uvre une politique de coopération culturelle.

J'ai effectué une mission en Israël et dans les territoires palestiniens. Le manque de moyens y est criant : faute d'une politique immobilière avisée, certains centres acquittent des loyers prohibitifs qui grèvent jusqu'à un tiers de leur budget.

La tentation pourrait être grande d'opérer une rationalisation brutale de ce réseau, ce qui nuirait au rayonnement de notre pays. Il convient donc d'agir au cas par cas, en regroupant les moyens et en tenant compte à chaque fois du contexte local. L'ouverture de centres franco-allemands, comme cela est envisagé à Ramallah, constitue une autre voie qui présente le double avantage de mettre en commun les moyens et d'avoir un impact symbolique fort.

Votre réseau culturel et scientifique coûte 70 millions d'euros par an au contribuable, ce qui est peu. Vous êtes convaincu, Monsieur le ministre, de son importance pour notre politique étrangère, puisque vous avez annoncé en mai dernier, lors de votre visite en Israël, que la France construirait d'ici 2006 un nouvel institut culturel à Tel-Aviv. J'espère que les arbitrages budgétaires ont été rendus en ce sens. Je vous remercie de bien vouloir en informer les parlementaires.

L'an dernier, l'Assemblée nationale et le Sénat se sont émus de la situation délicate de l'AEFE, Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui a en charge près de 160 000 élèves, dont 43 % de nationalité française. Si elle a pu, cette année, fonctionner sans fermer d'établissements, c'est grâce, d'une part, au taux de change particulièrement élevé de l'euro et, d'autre part, à la longue interruption des cours dans les établissements de Côte d'Ivoire...

Il est regrettable que l'Etat s'en tienne à une logique de gestion à court terme et qu'il ne restitue pas à l'agence une part des efforts consentis pour diminuer ses coûts de fonctionnement. Elle a ainsi autofinancé l'amélioration du régime indemnitaire des enseignants résidents, ce qui se répercute sur les familles qui doivent acquitter des droits de scolarité de plus en plus élevés.

Un rapport adopté par le Conseil économique et social le 29 octobre dernier propose des pistes de réforme, dont le partage de la tutelle de l'Agence avec le ministère de l'éducation nationale. Cela s'explique sans doute par le souci de desserrer l'étau budgétaire dans lequel se trouve l'AEFE en faisant appel au soutien financier du ministère doté du premier budget de l'Etat, mais il serait pour le moins contestable de réviser le statut de l'AEFE pour cette seule raison.

La mise en place de mécanismes contractuels pluriannuels entre l'Agence et les établissements constitue une voie plus intéressante, mais encore faut-il que l'Agence elle-même bénéficie d'une plus grande prévisibilité de ses recettes. La mise en place d'un contrat pluriannuel avec l'Etat pourrait lui permettre d'agir dans la durée. Il s'agit là d'une condition indispensable pour conforter notre réseau d'enseignement à l'étranger.

Malgré les annonces gouvernementales sur la création d'ici la fin 2004 d'une chaîne d'information internationale, aucun moyen nouveau n'est inscrit à cet effet dans le budget. Les crédits de l'audiovisuel extérieur sont reconduits à l'identique sans tenir compte de l'inflation,
- soit 165 millions d'euros - et la totalité de la redevance a d'ores et déjà été affectée aux opérateurs audiovisuels lors du vote du budget de la communication. Dans ces conditions, il est douteux que la future chaîne voie le jour, à moins qu'elle ne soit financée par des redéploiements au sein du secteur audiovisuel.

Le rapport remis au Premier ministre le 29 septembre mentionne plusieurs propositions en ce sens, dont je pense qu'elles sont irréalistes. L'une des hypothèses avancées est la création d'un pôle francophone regroupant TV5 et RFO, ce qui est pour le moins surprenant, puisque le ministre de la culture et la ministre de l'outre-mer ont l'intention d'intégrer RFO au sein du groupe France Télévisions. Cette idée a par ailleurs provoqué la plus vive émotion des pays actionnaires de la chaîne - la Suisse, la Belgique et le Canada - qui se sont étonnés d'être assimilés à nos collectivités territoriales d'outre-mer au seul motif que l'on y parle aussi le français.

Autre piste : la transformation d'Arte en chaîne culturelle européenne et la suppression de sa rédaction, dont les moyens seraient réaffectés à de nouvelles chaînes. Ce scénario ne tient aucun compte du statut international d'Arte, chaîne emblématique de la relation franco-allemande.

Je m'interroge également sur le statut de la future chaîne. Il s'agirait d'une société détenue à 50 % par TF1 et à 50 % par France Télévisions, mais financée à 100 % par l'Etat. La chaîne serait ainsi suffisamment publique pour être financée par le contribuable, mais suffisamment privée pour ne pas être diffusée en France et échapper au contrôle du CSA et de la Cour des comptes...

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis - Eh oui !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis - Or, notre droit public impose que les missions d'intérêt général financées sur fonds publics soient exercées par des personnes publiques et, de surcroît, le droit communautaire interdit aux Etats de subventionner une société privée exerçant une activité concurrentielle.

On sous-estime par ailleurs la difficulté de faire travailler ensemble deux opérateurs concurrents, qui disposeraient chacun d'un pouvoir de blocage sur les décisions stratégiques et les nominations.

Enfin, ce schéma laisse de côté les seuls opérateurs qui connaissent le public international : TV5, CFI et RFI, mais aussi Euronews, Arte France ou l'AFP.

Quant à l'argument selon lequel un groupe privé serait plus crédible car plus indépendant, il est désobligeant pour le service public. Qui peut prétendre que la chaîne d'information internationale de la BBC, publique, est moins indépendante que sa concurrente américaine, pourtant totalement privée, CNN, dont on connaît l'objectivité toute relative ?

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis - Tout à fait d'accord !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis - Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas donné suite aux propositions de la mission d'information commune, adoptées à l'unanimité le 16 mai. Elles rejoignent les conclusions du rapport Baudillon : créer un vaste partenariat public-privé, fédérant les compétences de tous les opérateurs publics existants autour d'un actionnaire de référence, France Télévisions, tout en autorisant des opérateurs privés à contribuer à la nouvelle chaîne. Cette voie semble pour l'instant écartée par le Gouvernement.

En l'absence de crédits pour financer la chaîne d'information internationale, le ministère fait le choix judicieux d'augmenter de 1,5 % les crédits de TV5, qui a considérablement développé sa production d'informations propres et assuré une couverture exemplaire du conflit irakien. Je soutiens donc cette orientation.

Mais faute de moyens nouveaux pour l'action audiovisuelle extérieure, le ministère est contraint de redéployer des crédits, ce qui a conduit à la fermeture de CFI-TV, dont les personnels redoutent un recul de la présence francophone sur les réseaux câblés et MMDS africains et la remise en cause de l'activité de banque de programmes, essentielle à notre politique de coopération audiovisuelle. Il est dommage que l'intégration de cet opérateur à la future chaîne d'information continue ne soit pas envisagée : cela aurait facilité son recentrage sur l'activité de banque de programmes et aurait permis d'utiliser pleinement les compétences de ses personnels.

J'espère que vous pourrez répondre à ces questions, car il est à craindre que la future chaîne d'information internationale ne puisse débuter ses programmes l'année prochaine.

Malgré ces réserves, dont j'ai fait part à la commission des affaires étrangères, celle-ci a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. Je suis tenté de parler, à titre personnel, d'un avis « malgré tout » favorable (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP, du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - Je salue d'abord les contributions de vos commissions et de vos rapporteurs. Ils ont fourni un travail de fond lucide et attentif sur les missions et les moyens de notre diplomatie.

MM. Woerth et Cazenave s'accordent à souligner les efforts de rigueur du ministère dans un contexte économique difficile. Ils relèvent également le respect des priorités assignées par le Président de la République, notamment d'aide publique au développement et la réforme du droit d'asile, et notre volonté de poursuivre résolument la réforme de l'action extérieure de l'Etat. Je les remercie de soutenir ainsi les orientations de ce budget, marqué par la rigueur mais aussi par la ferme volonté d'adapter notre outil diplomatique aux défis qui se présentent à nous.

Je crois utile d'esquisser devant vous le contexte international dans lequel s'inscrit ce budget. Des grandes tendances du monde se dégagent en effet les priorités qui doivent guider notre action.

Combien d'évolutions, combien de révolutions depuis quinze ans ! La fin de l'affrontement Est-Ouest, la mondialisation. D'un monde fondé sur l'équilibre global entre l'Est et l'Ouest, où les répercussions locales de la rivalité majeure étaient sous contrôle, nous sommes donc passés à un monde où les déséquilibres locaux peuvent avoir des conséquences globales incontrôlables. Toutes les plaies du monde - misère, injustices, sentiment de rejet - déchaînent des violences que l'absence de mécanismes de régulation ne permet plus d'endiguer et que le terrorisme cherche à exploiter. Un terrorisme dont les méthodes entraînent une véritable révolution de la puissance, puisque la seule force des armes ne suffit plus à le contrer.

Dans ce monde bouleversé, la France entend marquer une triple exigence. Exigence d'unité d'abord : dans un univers marqué par la globalité et l'interdépendance, les défis ne sont plus à la mesure d'un seul pays. A ce monde nouveau, il faut un nouvel ordre fondé sur les principes de responsabilité collective et de légitimité.

Exigence de sécurité ensuite, car notre temps est celui de la violence et des épreuves. Face au terrorisme, nous devons mobiliser tous les moyens disponibles. Pour éradiquer un phénomène qui exploite les humiliations et les inquiétudes, il nous faut entendre et comprendre les peuples, traiter les conflits qui menacent à tout moment de dégénérer selon des principes de justice, de respect des identités et de solidarité.

Le troisième message de la France, c'est l'exigence de solidarité. Les peuples n'acceptent plus une mondialisation qui nourrit les écarts de développement, met en péril notre patrimoine naturel et multiplie les zones de non-droit, tout en diffusant à une échelle sans précédent les images de la prospérité et de la modernité.

Sur la base de ces principes, notre pays s'engage fermement et dans la durée. Il a multiplié les propositions pour bâtir une nouvelle architecture mondiale : réforme du Conseil de sécurité, gouvernance économique de la planète, nouveaux instruments pour lutter contre la prolifération, protéger l'environnement, garantir les droits de l'homme, promouvoir la diversité culturelle. Il pèse de tout son poids en faveur d'une mondialisation mieux maîtrisée, comme aux sommets de Monterrey et de Johannesburg, ainsi qu'au G8 d'Evian. Il contribue au règlement des crises, n'hésitant pas à s'engager sur le terrain comme en Côte d'Ivoire, dans les Balkans ou en Afghanistan.

Dans ce domaine, un sentiment d'urgence nous guide. En Irak, il existe un véritable défi sécuritaire. Des soldats de la coalition tombent, les organisations internationales hésitent, la population se décourage. Et si l'escalade de la violence conduisait à une perte de contrôle ? Comment ne pas voir que le vide politique est un obstacle rédhibitoire au rétablissement de la sécurité ? Aussi la France préconise-t-elle un changement d'approche : rétablir la souveraineté irakienne, instaurer un gouvernement provisoire. De cette situation nouvelle pourrait naître une dynamique internationale et régionale. Tout ceci se passe aux portes de l'Europe : comment rester sourds aux appels de la responsabilité ?

Les mêmes raisons nous imposent d'être actifs au Proche-Orient. Ce conflit est au c_ur des frustrations de la région, mais aussi du monde arabo-musulman tout entier. Du règlement de cette crise dépend celui de beaucoup d'autres. Les deux parties, sortant de la logique des préalables, doivent entendre la voix des peuples et lancer des gestes qui rétablissent la confiance. Un cadre de règlement, la feuille de route, existe, mais il nous manque un mécanisme pour y entrer. Là aussi, nous avons un devoir collectif d'action.

Dans ces régions qui souffrent, la voix de la France est attendue et entendue. Mais elle portera beaucoup plus loin si l'Europe en amplifie l'écho. Pôle de stabilité et de prospérité, berceau des valeurs universelles, riche de sa diversité, trait d'union entre les cultures et les religions, l'Europe a vocation à devenir un des piliers du monde nouveau.

Je veux donc affirmer ici la grande ambition européenne de la France. Dans quelques mois, notre continent aura accompli le grand tournant du retour à l'unité. La nouvelle Europe à vingt-cinq, qui préfigure elle-même l'Union à trente, deviendra un grand espace de liberté et de sécurité, de stabilité et, nous l'espérons, de croissance. Cette Europe élargie sera dotée d'un nouveau cadre institutionnel, mais aussi d'un véritable pacte entre Etats et citoyens, que nous devons à la convention présidée par M. Giscard d'Estaing. Elle aura les moyens d'être plus efficace, plus démocratique et de s'affirmer sur la scène internationale.

Cela implique bien sûr de maintenir l'élan de la coopération franco-allemande, qui demeure le moteur de l'Union, mais aussi de s'ouvrir à tous les autres partenaires disposés à aller de l'avant. Tous ne veulent ou ne peuvent pas aller au même rythme, mais l'important est que rien n'entrave ceux qui souhaitent s'engager.

Voilà pour le contexte international et européen.

Tous vos rapporteurs l'ont souligné, l'exécution du budget 2003 a été particulièrement difficile. Non seulement la régulation budgétaire a été massive - les annulations et gels ont amputé de 15 % les crédits hors rémunérations et engagements internationaux -, mais elle a affecté les reports, alors même que mon ministère s'était vu imposer 103 millions d'euros de reports obligatoires en 2002.

Cette régulation à répétition a compromis, au moment où bien des opérations étaient déjà lancées, plusieurs de nos programmations, notamment en matière immobilière et, bien entendu, en termes d'aide publique au développement et de coopération. MM. Godfrain, Cazenave, Emmanuelli ou Rochebloine s'en sont fait justement l'écho. Vous avez eu raison de le dire, des pays amis, des organisations de solidarité internationales, le fonds de solidarité prioritaire, notre assistance technique ont fait les frais de cette régulation.

Il en va de même pour l'Institut français de Tel-Aviv, qu'a évoqué M. Rochebloine. Mais sachez que la décision de le refondre en l'installant sur un nouveau site n'est en aucun cas remise en cause. L'objectif est d'inscrire ce projet en toute première priorité sur le plan d'emploi du titre V, pour un coût évalué à l'heure actuelle à environ 5 millions d'euros.

C'est là un sujet de réflexion pour l'avenir : dès lors que notre politique étrangère s'inscrit dans les priorités voulues par le Président de la République et le Gouvernement et approuvées par la représentation nationale, nous devons tout faire pour la soustraire aux aléas de la régulation budgétaire. Car c'est le crédit même de notre pays qui est remis en cause (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Vous m'interrogez sur l'avenir de l'exécution budgétaire. Si ce budget est exécuté tel que vous voudrez bien le voter, nous aurons un appareil diplomatique, consulaire et de coopération à la hauteur de nos ambitions et des responsabilités particulières qu'a la France dans le monde. J'aurais d'ailleurs déclaré la même chose l'année dernière : le budget 2003 était, au moment de son adoption par le Parlement, un budget réaliste et adapté à nos besoins, s'il avait pu être exécuté tel que vous l'aviez voté.

Mon ministère a donc pris toute sa part dans l'action de rigueur entreprise par le Gouvernement cette année, avec les actions de rationalisation, les baisses consenties en termes d'emplois et de crédits de fonctionnement, l'exercice d'adaptation de nos réseaux dans le monde... Cet effort, vous le constatez à nouveau dans le présent projet, avec 4,2 milliards d'euros, nos crédits sont en progression de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003 mais, hors crédits dédiés à l'aide publique au développement, ils baissent de 1,26 %.

Vos rapporteurs ont rappelé les postes sur lesquels portera l'effort. Les effectifs sont à nouveau réduits de 116 emplois, soit un non renouvellement de 46 % des départs à la retraite. Avec une réduction presque interrompue du nombre d'emplois en moins de dix ans, les affaires étrangères ont donc contribué à la réduction des effectifs de l'Etat.

Deuxième poste d'économie, la réforme des indemnités de résidence va corriger des incohérences géographiques, tout en entraînant une économie de 20 millions d'euros. Une partie de ce montant, soit 8 millions pourra être recyclée pour augmenter les primes des agents en poste à l'administration centrale.

Les frais de fonctionnement de l'administration centrale et des réseaux à l'étranger vont également baisser de 2 % par rapport à 2003, et les crédits immobiliers de 10,3 % en crédits de paiement et de 23,5 % en autorisations de programme. Ces crédits financent des missions sur le terrain ou pour représenter la France dans les instances internationales, ou encore des équipements de sécurité pour nos postes ou nos écoles.

A propos de ces crédits de fonctionnement, Eric Woerth a visité des postes diplomatiques où se côtoient la splendeur et la misère ; il se dit choqué par l'inégalité des moyens entre administrations présentes à l'étranger. Je suis bien d'accord : j'y reviendrai en évoquant la réforme de l'action extérieure de l'Etat.

Voilà pour le contexte. Certains dotations, clairement insuffisantes, n'ont pu être augmentées mais seulement reconduites, ce qui n'était pas acquis a priori. Il s'agit en premier lieu des contributions volontaires, hors francophonie, aux organismes internationaux. Ces contributions, comme le signalent MM. Cazenave, Godfrain et Emmanuelli, jouent un rôle déterminant dans la crédibilité de la France au sein de ces organisations. Vous avez raison, Monsieur Godfrain : il y a une divergence évidente entre notre engagement politique en faveur des institutions multilatérales et le niveau de nos contributions volontaires. Non, Monsieur Dutoit, cet écart entre le discours et les contributions ne démontre pas le faible intérêt de la France à l'égard des organisations internationales. A moyen terme, la hausse continue de notre aide publique au développement profitera à ces contributions, dont plus de 90 % relèvent de cette aide.

Les subventions aux opérateurs de l'audiovisuel sont stables. Elles permettront à RFI et TV5, dont je salue le développement récent et le travail, d'assurer leurs missions. Je ne crois pas trahir les convictions de M. Rochebloine et des membres de la mission d'information en disant que nous appelons de tous nos v_ux une chaîne d'information internationale : des images françaises - indépendantes bien entendu - doivent être présentes dans la couverture des grands évènements internationaux. Des propositions sont faites. Elles doivent être précisées d'ici la fin de l'année pour avoir une idée claire du projet et de ses coûts. Des pistes de financement ont été ouvertes, qui doivent être soigneusement analysées.

La coopération militaire et de défense est, elle aussi, insuffisamment dotée. L'érosion, continue depuis 1998 des dotations de ce chapitre a cependant été stoppée. Je ne crois pas que l'on puisse évoquer, comme François Lamy, un naufrage de la coopération militaire et de défense. La récente création d'un comité d'orientation stratégique, commun aux ministères des affaires étrangères et de la défense, devrait donner une impulsion à cette coopération.

Enfin, les crédits de l'aide alimentaire sont eux aussi reconduits, mais resteront bien en deçà des besoins.

Dans une conjoncture budgétaire difficile, nous nous sommes donc organisés pour préserver l'essentiel, c'est-à-dire les priorités, sur lesquelles je voudrais maintenant revenir.

Dans une période budgétaire difficile, nous devons trouver un équilibre entre la solidarité gouvernementale et le respect de nos engagements internationaux. Lorsque nous sommes contraints d'interrompre nos financements, c'est la parole de la France qui est en cause. Ceci a été justement souligné par MM. Godfrain, Rochebloine, Cazenave et Emmanuelli qui ont estimé, entre autres, que l'état de cessation de paiement dans lequel s'est trouvé le FSP en 2003 à cause du gel budgétaire était inacceptable.

Il est essentiel dans ce contexte de bien définir nos priorités. La première est la poursuite de notre effort en faveur de l'aide au développement, voulu par le Président de la République. Pierre-André Wiltzer vous exposera notre politique dans ce domaine comme dans celui de la francophonie. Je veux seulement réaffirmer que l'engagement du Président de la République de porter l'effort de la France à 0,5 % du PIB d'ici la fin de son mandat sera tenu. Et cette augmentation ne résultera pas de nos seuls engagements communautaires ou d'annulations de dettes, comme ont pu le craindre MM. Godfrain et Emmanuelli. Le Gouvernement entend bien mettre fin à la baisse ininterrompue de notre aide bilatérale, et relancer notamment notre effort en direction du continent africain.

Ce budget reflète ensuite le rôle privilégié de la francophonie institutionnelle dans le rayonnement de la France, et notre volonté de lui donner un rôle de plus en plus politique. Les crédits alloués au fonds multilatéral unique augmentent de 10 millions d'euros et les synergies entre notre coopération et les institutions de la francophonie seront développées. L'objectif est d'inscrire le projet en toute première priorité sur le plan d'emploi du titre V, pour un coût évalué à l'heure actuelle à environ 5 millions d'euros.

Enfin, dans le cadre de la réforme du droit d'asile, les crédits de l'OFPRA et de la commission de recours des réfugiés augmentent de près de 10 millions d'euros, soit 35 % environ. Ceci permettra de prolonger les renforts mis à la disposition de l'Office et de la commission à la fin 2002 et de créer près de 200 nouveaux emplois. Ces efforts n'auront pas été vains. D'ici la fin de l'année, l'OFPRA aura ramené de dix à quatre mois le délai de traitement des demandes et devrait atteindre avant l'été prochain l'objectif de deux mois assigné par le Président de la République.

Pour les autres missions, les efforts de rationalisation produiront des économies qui seront recyclées là où il y a urgence. Ainsi l'AEFE qui, il y a un an, se trouvait dans une situation délicate avec un fonds de roulement presque réduit à néant, a pu dégager des marges grâce à une gestion rigoureuse. Ces marges seront réinvesties sur les priorités de l'Agence. Au total, le ministère réalise un important effort d'adaptation que je veux traduire aussi dans la réforme de l'action extérieure de l'Etat.

La stratégie ministérielle de réforme que je vais soumettre au Premier ministre, après consultation de l'ensemble des agents de mon ministère, veut donner toute sa cohérence à l'action extérieure de l'Etat. Cette ambition passe par trois étapes.

Une étape politique et parlementaire d'abord, car il nous faut donner toute sa cohérence interministérielle, à notre politique étrangère.

Il faut pour cela rassembler tous les moyens de l'Etat au sein d'une mission interministérielle « action extérieure », qui assure enfin au Parlement la vision consolidée des actions extérieures de la France et une plus grande maîtrise des crédits qu'elle y consacre. Henri Emmanuelli a eu raison de critiquer la présentation du jaune budgétaire : ce n'est qu'un document d'information, quand ce devrait être un document de décision.

Les crédits de mon ministère ne représentent que 45 % environ des crédits de l'action extérieure de l'Etat. Dès lors, la stratégie d'ensemble est peu lisible et ne permet pas des choix clairs. De là résultent les disparités et redondances que toutes vos missions à l'étranger, et récemment celle d'Eric Woerth à Madrid, décrivent avec constance. C'est donc l'approbation par le Parlement de tous les aspects de notre politique étrangère qui en assurera la mise en cohérence. A défaut, chaque administration poursuivrait ses objectifs propres sans vision d'ensemble.

Parallèlement, j'entends réformer en profondeur le ministère des affaires étrangères. Il s'agira d'abord de renforcer sa capacité stratégique pour mieux définir les priorités de notre action extérieure. J'en prendrai trois exemples : rendre tout leur rôle aux directions géographiques qui incarnent la fonction de synthèse politique qui nous incombe ; faire de chaque ambassade une équipe réellement pluridisciplinaire et dont l'unité d'action s'incarnera dans un plan triennal ; enfin, redonner vie au comité interministériel des moyens extérieurs de l'Etat pour mieux coordonner l'ensemble des crédits de personnel et d'intervention.

Nous devons aussi mieux valoriser les compétences et mieux motiver les agents. Comment ? En favorisant la promotion interne, y compris d'un corps à l'autre, mais aussi en donnant une très forte impulsion à l'exigence d'évaluation : elle sera généralisée à tous les niveaux, et d'abord aux ambassadeurs, et inclura les jugements des collaborateurs selon la méthode dite d'évaluation à « 360 degrés ». Les nominations aux emplois supérieurs seront désormais préparées par un comité diplomatique et consulaire réunissant des représentants du ministère chargé de proposer des choix en toute transparence, sur la base des évaluations.

Il faut enfin rénover les méthodes et les outils du ministère, réorganiser l'administration centrale pour mieux identifier et encadrer les grandes fonctions stratégiques, et développer une gestion par objectifs, fondée sur un vrai contrôle de gestion et sur l'évaluation des résultats.

Enfin, cette réforme se traduira dans les postes par le choix résolu d'une approche interministérielle et déconcentrée. Les instruments de cette démarche se mettent déjà en place : conférences d'orientation budgétaire autour de la pratique des budgets - pays, globalisation des crédits au profit du chef de poste, création de services administratifs unifiés... Il s'agit d'encourager l'ensemble des ministères à mettre en place une gestion partagée des crédits de l'action extérieure.

Un mot sur la LOLF, puisque plusieurs d'entre vous, notamment MM. Woerth et Cazenave, ont émis des réserves sur le schéma actuellement retenu par mon ministère.

Dans leur état actuel, nos trois programmes - « rayonnement et influence de la France », « coopération et action culturelle », « réseaux et services publics à l'étranger » - répondent à trois exigences. La première est la cohérence politique : les programmes correspondent aux trois grands métiers du ministère, diplomatie, culture et coopération, affaires consulaires. La seconde est la cohérence fonctionnelle : ce schéma est immédiatement opérationnel, sans une réorganisation totale du ministère. La troisième est la cohérence budgétaire, en permettant une utilisation large et pertinente de la fongibilité des crédits.

Le programme « influence et rayonnement » recouvre les activités diplomatiques au sens classique : directions politique et géographiques, communication, relations avec les organisations internationales, coopération militaire. Le programme « coopération et action culturelle » comprend les activités liées à notre politique de coopération et de développement. L'aide publique au développement en est une partie essentielle mais ne saurait résumer toute notre politique de coopération. Notre partenariat avec des pays comme l'Inde, le Nigeria, la Bolivie ou l'Indonésie se nourrit d'une diversité d'actions, qui touche aussi bien la recherche agronomique que les échanges universitaires ou la promotion de l'Etat de droit.

Enfin, le programme « réseaux et services publics à l'étranger » regroupe les activités du réseau consulaire et celles qui s'y rattachent, comme l'enseignement avec l'AEFE et le droit d'asile avec l'OFPRA, ainsi que la fonction d'administration et de soutien.

La répartition des personnels expatriés entre les trois programmes sera achevée en 2007, au terme de l'effort de restructuration du réseau. Il y a donc bien une répartition des crédits par objectif et finalité. Cette présentation de programme est un choix parmi d'autres possibles. Il peut évoluer, mais je le crois cohérent avec les missions du ministère et avec la logique de la mission interministérielle que je propose.

Au-delà de ces mesures de modernisation, les réseaux diplomatique, consulaire et culturel seront réaménagés d'ici 2007 pour dégager les marges de financement de la réforme. Je l'ai dit à votre commission des affaires étrangères, il faut être imaginatif et agir sur tous les leviers, en cumulant par exemple, là où c'est possible, les fonctions culturelles et consulaires, ou en recourant en Europe aux administrations locales.

Au-delà des efforts qui lui sont demandés, mon ministère veut prendre toute sa part dans le chantier prioritaire de la réforme de l'Etat. La LOLF nous offre une occasion exceptionnelle de changer les mentalités, de moderniser nos outils et d'adapter notre organisation, à Paris comme à l'étranger. Pour avancer dans cette voie, votre soutien est indispensable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Faire prévaloir une autre conception de la mondialisation que celle qui résulterait des seuls rapports de force : telle est l'idée qui inspire tant notre politique de coopération, qui a pour objectif de combler le fossé entre les pays pauvres et les pays riches, que notre politique de francophonie, laquelle vise à garantir le respect des cultures et des identités.

En rendant hommage à la qualité des travaux présentés par les rapporteurs, je m'efforcerai de répondre au mieux aux observations qu'ils ont formulées.

L'aide au développement est une priorité du Gouvernement. Je constate avec plaisir que l'objectif fixé par le Président de la République d'atteindre 0,50 % du PIB en 2007 fait l'objet d'un consensus. La remontée est engagée : après la chute des années précédentes, nous avons atteint 0,32 % en 2001, 0,38 % en 2002 ; l'estimation pour 2003 est de 0,40 % et l'objectif pour 2004 de 0,43 %. Nous n'avons pas à rougir de ces chiffres : en 2002, la moyenne des pays membres du G7 s'établissait à 0,19 %.

M. Jean-Claude Lefort - Les Etats-Unis en sont largement responsables !

M. le Ministre délégué - Pour eux, c'est 0,12 %.

La même année, la moyenne des pays membres de l'OCDE s'établissait à 0,23 % et celle des pays membres de l'Union européenne à 0,34 %. Nous sommes donc en tête et nous souhaitons le rester.

Nous avons fixé deux priorités.

D'une part, renforcer notre aide bilatérale : de 62 % de notre aide globale en 2001, sa part passe à 72 % dans ce projet de budget.

D'autre part, renforcer l'aide à nos partenaires africains, dont le continent continue de s'appauvrir : elle représentait 72 % du total en 2002 et devrait être en hausse tant en 2003 qu'en 2004.

Vos rapporteurs ont souligné à juste titre les difficultés qu'ont posées à notre politique de coopération et d'aide au développement les régulations budgétaires subies au cours de cette année. Je souhaite comme Dominique de Villepin que ces mesures d'une rigueur exceptionnelle ne se renouvellent pas en 2004. Il convient toutefois de prendre des précautions ; c'est pourquoi la programmation de nos actions a été établie de manière particulièrement stricte.

M. Richard Cazenave, rapporteur spécial - Très bien !

M. le Ministre délégué - Comme l'ont souligné MM. Godfrain et Emmanuelli, les difficultés rencontrées en 2003 risquent de conduire à des reports de charges en 2004, sous réserve, je le précise, de ce qui pourra être obtenu dans le collectif de fin d'année. En toute hypothèse, ces reports de charges resteront sensiblement inférieurs à l'augmentation des crédits proposés.

MM. Cazenave et Emmanuelli ont fait observer que l'augmentation de notre effort d'aide au développement provient pour une large part de nos opérations d'allégement de dettes, en particulier dans le cadre de l'initiative internationale en faveur des pays pauvres très endettés et de son complément bilatéral, les contrats de désendettement-développement. Le traitement de la dette, qui représentait 470 millions en 2001, va dépasser 2 milliards en 2004. Il sera au moins aussi important en 2005, avant un infléchissement ultérieur. C'est une mécanique bien connue : le pays les plus pauvres ne pourront pas décoller tant qu'ils resteront écrasés par le poids de leur dette. Alléger ce fardeau permet d'augmenter les dépenses de lutte contre la pauvreté ; il s'agit donc bien d'une aide au développement, et non pas d'un trompe-l'_il ou d'un jeu d'écritures.

Les autres dimensions de notre politique ne doivent pas pour autant être oubliées. Les crédits de coopération du ministère des affaires étrangères progressent de 141 millions, soit de 9,5 %. En outre, il convient d'anticiper le reflux des allégements de dettes dans les années qui viennent ; il devra être compensé par un renforcement de nos autres instruments d'aide, afin d'atteindre l'objectif de 0,5 % en 2007. Une réflexion est engagée sur ce sujet et des propositions vous seront faites prochainement.

La progression des crédits de coopération en 2004 est concentrée sur quelques instruments prioritaires, à commencer par le fonds européen de développement. Sa réforme, même imparfaite, produit des effets positifs, en particulier l'accélération des décaissements. Ses crédits sont en progression de près de 14 %.

L'Agence française de développement voit ses crédits de paiement croître de plus de 15 %. Le fonds de solidarité prioritaire bénéficie d'une progression de 25 % de ses crédits de paiement, qui se conjugue avec une réduction de 10 % des autorisations de programme, qui étaient surdotées.

Enfin, les concours financiers augmentent de 29 %, principalement sous l'effet des contrats de désendettement-développement.

Le plan de relance de la francophonie, annoncé à Beyrouth par le Président de la République, se traduit également dans ce projet de budget, comme plusieurs rapporteurs l'ont souligné.

D'autres domaines restent soumis à des contraintes financières. Ainsi, les crédits de la coopération culturelle et technique du chapitre 42-15 sont malheureusement en baisse de 3 % par rapport au budget initial de 2003 ; les crédits proposés restent cependant supérieurs aux crédits disponibles cette année après les mesures de régulation.

Nous aurions également souhaité pouvoir augmenter d'autres lignes budgétaires, par exemple les contributions volontaires aux Nations Unies, l'aide alimentaire, le soutien aux organisations de solidarité internationales, la coopération militaire et la coopération décentralisée. Sur ce dernier point, M. Emmanuelli a fait une présentation quelque peu noircie : il a fait état d'une diminution de 9 % de ces crédits destinés à la coopération décentralisée, mais son calcul se fondait, non sur la seule loi de finances initiale pour 2003, mais sur le budget accru par les dotations en provenance de la réserve parlementaire. Si l'on raisonne de loi de finances initiale à loi de finances initiale, les crédits sont reconduits à l'identique.

Les sujets abordés par les rapporteurs auraient sans doute appelé d'autres commentaires : ainsi en est-il du codéveloppement, auquel M. Godfrain est très attaché et auquel il a beaucoup contribué en prenant l'initiative d'un débat ici même. Je dirai simplement que nous sommes en train de nous doter de nouveaux instruments. Pour le reste, comme pour les autres thèmes, je me tiens à la disposition des rapporteurs pour leur fournir les compléments qu'ils jugeraient nécessaires. Je terminerai en les remerciant de leur travail, qui nourrira la réflexion du Gouvernement et confortera sa détermination à _uvrer pour la coopération et pour la francophonie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Henri Sicre - La discussion de ce budget constitue comme tous les ans une redoutable épreuve de vérité : de son évolution et de sa consistance dépend la foi qu'on pourra avoir dans la parole internationale de la France !

Le rappel à l'ordre financier que la Commission vient d'adresser à notre pays est cruellement venu étouffer les cris de gargouille imprudemment lancés tous azimuts par notre diplomatie depuis plus d'un an (Mouvements divers) : selon certains commentateurs, nous ne bénéficierions que d'un sursis de trois semaines, avant qu'un prochain Conseil européen ne décrète des sanctions. Selon d'autres, plus accommodants, l'Union se contenterait de recommandations. Mais, sanctions ou recommandations, peu importe : c'est bel et bien notre crédibilité à l'extérieur qui est exposée dès lors que nous sommes suspectés de mauvaise gestion par l'Europe. En outre, comment ne pas s'interroger sur la portée réelle des propos que nous allons tenir et des votes que nous allons émettre sur ce projet de loi de finances ? M. Mer aurait déjà signalé ce lundi à ses collègues européens qu'il allait « essayer de trouver un chemin crédible » pour réduire notre déficit public. Nous discutons par conséquent d'une loi de finances fictive et trompeuse ! M. Cazenave n'a-t-il d'ailleurs pas rappelé avec une rude franchise que 15 % des engagements non obligatoires du précédent budget n'ont pas été tenus, en dépit du vote de nos assemblées ?

Notre inquiétude est d'autant plus forte que le « bleu » est, selon l'expression d'un grand quotidien, « en trompe-l'_il ». Les crédits qui contribuent le plus à la visibilité de notre action extérieure ont déjà été fortement sollicités et, alors même qu'il consomme à peine plus de 1 % du budget de l'Etat, le ministère des affaires étrangères a perdu 116 agents cette année - les personnels en poste à l'étranger étant plus particulièrement touchés par cette mesure, comme par la baisse des crédits de rémunération.

La forte compression des crédits d'intervention publique, au titre IV, est tout aussi préoccupante : autrement dit, les moyens mis à la disposition de la société civile - associations de solidarité internationales et collectivités - en seront fortement réduits. Le Haut conseil de la coopération internationale, instrument inventé par le gouvernement Jospin et très apprécié par les ONG, déjà cavalièrement mis au pas l'an dernier, voit son enveloppe fondre de plus de 4 %.

Un député UMP - Il ne sert à rien !

M. Henri Sicre - L'humanitaire et le social sont également mis à contribution, qu'il s'agisse de la Commission nationale pour l'élimination des mines anti-personnel, de la mission de l'adoption internationale, de la maison des français à l'étranger ou des lignes « Emploi et formation professionnelle des Français à l'étranger » et « Transferts de savoir-faire ». Seul l'OFPRA réchappe de cette Bérézina. Mais est-il encore sous votre tutelle, Monsieur le ministre ? Saurez-vous résister à ceux, ou plutôt à celui, qui veut en faire une antenne de la préfecture de police ? (Protestations de quelques députés du groupe UMP) Je constate que, déjà, les crédits d'assistance aux réfugiés étrangers ne suivent pas la montée de ceux de l'Office...

Ce recentrage ou ce repliement inquiète d'autant plus que, dans la bataille rude et exigeante que nous impose la mondialisation, les affaires étrangères, ministère de souveraineté, sont en première ligne. Que de défis à relever : le Proche et le Moyen-Orient restent des foyers d'instabilité ; la crise irakienne, imprudemment accélérée par les Etats-Unis, ajoute encore aux incertitudes. Les autorités israéliennes ont tiré un trait sur les perspectives de paix ouvertes à Oslo et à Madrid. En Afrique, les drames humanitaires et politiques - Congo, Libéria, Côte d'Ivoire - se succèdent, paralysant le développement du continent et alimentant les trafics internationaux. Cruellement touché par la mort d'un diplomate remarquable à Bagdad, le système des Nations unies a été gravement déstabilisé par la politique unilatérale du gouvernement américain et a révélé ses limites avec l'échec de la conférence de Cancùn. Le Brésil, qui a réussi à agglomérer autour de lui, à cette occasion, un groupe de pays émergents, a acquis une stature internationale qui mériterait mieux que l'opération furtive, qui nous a obligés à présenter des excuses publiques. L'Europe, enfin, nous sollicite avec l'élargissement, avec la conférence intergouvernementale et avec un rappel au Pacte de stabilité.

Dans ces conditions, les formules bien frappées à l'adresse des nouveaux membres de l'Union, les annonces faites aux pays du Sud et les aventures de Tintin au Brésil (Exclamations de quelques députés du groupe UMP) ne sauraient faire illusion. Si l'intendance ne suit pas, la voix de la France sera de moins en moins audible.

Il est vrai que le régime minceur imposé au Quai d'Orsay reflète une incapacité croissante de notre pays à rayonner économiquement, et donc politiquement et culturellement, depuis votre retour aux affaires. Les socialistes regrettent cette dégradation de l'image et de la position internationale de la France. Le tournant conservateur imposé depuis plus d'un an a un coût de plus en plus insupportable : le moins d'Etat, le moins d'impôt mène à une impasse dramatique nos concitoyens les moins favorisés, obligés comme en 1995 à se serrer la ceinture, mais aussi la France, qui perd la bataille de la mondialisation faute de croissance et faute d'un instrument diplomatique convenablement doté. Notre politique étrangère est aujourd'hui en cale sèche ! Le déplorant, le groupe socialiste ne pourra faire autrement que voter contre un budget purement fictif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 40.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la deuxième séance du jeudi novembre 2003.

Page 40, à la fin du deuxième paragraphe de l'intervention de M. Henri Cuq, lire : « ...17 à 11 gendarmes ! ».

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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