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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 23ème jour de séance, 57ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 12 NOVEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite) 2

      LOGEMENT 2

      QUESTIONS 18

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

LOGEMENT

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, concernant le logement.

M. François Scellier, rapporteur spécial de la commission des finances - L'an dernier, j'avais indiqué que le Gouvernement, en début de législature, était fondé à se donner le temps de la réflexion pour définir sa politique. Le projet de loi de finances pour 2004 est donc le premier à lui permettre de traduire en termes budgétaires les principes qui guident sa politique du logement.

Selon vos détracteurs, Monsieur le ministre, vous ne disposeriez pas des moyens de vos intentions. Sans doute la nécessité de maîtriser les dépenses de l'Etat a-t-elle des conséquences sur la masse des crédits mobilisables pour le logement. Leur diminution témoigne de la consolidation de la politique du logement, compte tenu des économies de constatation réalisées sur divers postes. J'approuve cette philosophie, même si elle a naturellement ses limites. La rationalisation des moyens est préférable à l'augmentation des impôts et taxes. Ce que réussissent nombre de collectivités locales, par exemple le département du Val-d'Oise dont je préside le conseil général depuis 1997 et qui n'a pas augmenté depuis lors ses taux d'imposition, pourquoi l'Etat n'y parviendrait-il pas ?

Je vous félicite donc, Monsieur le ministre, pour votre souci de saine gestion.

Que chacun puisse se loger selon ses aspirations, tel est l'objectif de la politique du logement, qui porte ainsi sur l'un des aspects les plus importants de la vie quotidienne des Français, d'autant que ces derniers consacrent en moyenne un tiers de leurs revenus à se loger. Le logement revêt donc une dimension autant symbolique que financière, dont il nous faut savoir tenir compte.

Vous êtes résolu à agir sur l'ensemble de la chaîne du logement, afin de répondre aux fortes tensions qui se font sentir sur le marché. Une des causes s'en trouve dans la loi SRU, dont la rigidité freine la construction. Il y a été en partie remédié par la loi urbanisme et habitat du 2 juillet dernier, qui crée un dispositif fiscal d'incitation à la création d'une offre locative nouvelle. Je suggère d'aller plus loin dans ce sens.

Votre budget devrait permettre de porter à 80 000 le nombre de logements locatifs sociaux financés en 2004, un chiffre inégalé depuis 1994, alors que nous n'atteindrons qu'à peine 60 000 cette année.

Cet effort gagnerait à être complété par un dispositif attractif permettant aux locataires de devenir propriétaires. En effet, la moitié des ménages seulement sont propriétaires de leur résidence principale. Pour satisfaire à la demande des autres, je me réjouis que certaines idées évoquées l'an dernier soient en voie de réalisation, comme l'amélioration du prêt à taux zéro et du prêt à l'accession sociale : je suggère de doubler les moyens consacrés au nouveau dispositif de location-accession.

Efforçons-nous aussi de développer la vente d'appartements HLM à leurs occupants, même si les copropriétés ainsi constituées rencontrent souvent, on le sait, des difficultés.

Au moment de la retraite, la situation est bien différente selon que la personne est propriétaire ou non de son logement. La préparation à la retraite devrait fournir l'occasion de renforcer les dispositifs incitant à l'accession, par exemple au moyen des PEP.

Pour accroître l'offre locative, il convient d'inciter les propriétaires à mettre sur le marché des biens jusque-là non loués, car le logement social ne peut suffire à absorber la demande. Rendre plus fluide la chaîne du logement mettrait fin au gâchis que représente la persistance de logements vides.

Le placement dans la pierre n'est pas suffisamment encouragé. La population la plus jeune, en âge d'investir, continue à penser que la propriété fait obstacle à la mobilité professionnelle. Pour favoriser les mises et remises en location, une augmentation de la déduction forfaitaire serait bienvenue. Surtout, les droits de mutation payés par les acquéreurs nuisent à la fluidité du marché. Pourquoi, par exemple, ne pas autoriser à déduire des droits dus pour une acquisition nouvelle ceux acquittés lors d'une acquisition précédente, remontant à cinq ans au plus ? Plus généralement, les taux de TVA appliqués dans l'immobilier mériteraient réflexion, notamment au vu des effets heureux du taux réduit appliqué aux travaux d'entretien.

Les membres de la commission des finances, et en particulier son président, ont souligné le poids dont pèse le foncier sur la politique du logement. Il faudra ainsi beaucoup d'énergie pour reconvertir les friches industrielles en zones habitables. Il faudra aussi rendre aux maires autant le désir que les moyens de construire.

Les rôles respectifs de l'agence nationale pour la rénovation urbaine et de la caisse de garantie du logement locatif social, instituées par la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, mériteraient d'être mieux définis.

Enfin, je souhaite que soit reconnue comme nécessaire une augmentation significative de la dotation de l'ANAH.

Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur nous pour poursuivre la politique du logement diversifiée à laquelle chacun aspire.

M. Jean-Louis Dumont - Il faut s'en donner les moyens !

M. le Président - Les moyens sont justement l'objet de cette discussion...

M. Jean-Pierre Abelin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Tout en participant activement à la maîtrise de la dépense publique, puisqu'il s'établit à 6 680 millions, soit une baisse de 8,77 % par rapport à 2003, ce budget pragmatique affirme un certain nombre de priorités, ce dont nous nous réjouissons.

Tout d'abord, la relance de la construction de logements locatifs sociaux, grâce à la baisse du taux du livret A, dont les premiers effets se sont fait sentir en 2003, et à la fongibilité totale des crédits dédiés au logement social. Durant ces dernières années, on a trop peu construit, tout en affichant des objectifs ambitieux ; celui qui a été fixé pour 2003, soit 54 000 logements, sera sans doute atteint. En 2004, l'objectif est de construire 80 000 logements sociaux supplémentaires, dont 15 000 en zones urbaines sensibles, d'en réhabiliter 100 000, dont 60 000 en ZUS, et de réaliser 22 000 démolitions, dont 20 000 en ZUS : nous le saluons, mais la forte baisse de l'ex-ligne fongible, même compensée par la création de la ligne dédiée à la politique de la ville et par la baisse du taux d'intérêt du livret A, laisse craindre une carence de moyens hors zones urbaines sensibles. Vous devez rassurer les acteurs du secteur, Monsieur le ministre, et tout faire pour accélérer l'examen des dossiers.

La réévaluation de 30 % de l'enveloppe affectée à la surcharge foncière est une excellente nouvelle, notamment en région parisienne ; il faudra cependant veiller à ce que la priorité donnée à la construction de logements sociaux ne vienne pas la ponctionner trop lourdement.

Enfin, la mise en application rapide de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 va faciliter l'examen des dossiers les plus complexes. Comme promis en juillet, les crédits affectés au renouvellement urbain dans les zones urbaines sensibles s'élèvent à 250 millions en AP.

Deuxième priorité : l'accession sociale à la propriété. Un nouveau prêt social « location-accession » est créé ; comme le rapporteur de la commission des finances, il me paraîtrait souhaitable de doubler l'objectif, qui a été fixé à 5 000 nouveaux accédants. Par ailleurs, le maintien d'un prêt à taux zéro au service des ménages les plus modestes devrait, cette année encore, permettre l'accession de plus de 100 000 ménages à la propriété.

Nos concitoyens, même les plus modestes, veulent devenir propriétaires de leur logement et nous demandent d'inventer des outils plus adaptés. Comment et dans quel délai comptez-vous donner suite aux propositions de MM. Worms et Ailleret sur le sujet ?

Troisième priorité : le logement des plus défavorisés de nos concitoyens. Elle se traduit par des moyens en forte hausse - passant de 5 à 13 millions - au titre de la lutte contre le saturnisme et l'insalubrité et par l'augmentation sensible de la contribution de l'Etat aux fonds de solidarité pour le logement - 81,3 millions - et à l'aide aux associations logeant à titre temporaire des personnes défavorisées - 40 millions.

Enfin, je me réjouis, ainsi que de nombreux collègues, que les crédits de l'ANAH soient préservés. N'oublions pas néanmoins que 80 millions ont été gelés en 2003 ; grâce à vos efforts, 67 millions ont été dégelés. Certes, la montée en puissance des demandes, encore plus importante depuis la réforme de l'agence en 2002, a rendu inéluctable le ciblage des aides, souvent en faveur des opérations programmées - OPAH, résorption de l'habitat insalubre, actions dans les zones urbaines sensibles - ; mais je souhaite que l'ANAH soit enfin préservée des gels et annulations dont elle est régulièrement l'objet.

M. Jean-Louis Dumont - Très bien ! Ensemble, défendons l'ANAH !

M. le Rapporteur pour avis - Elle joue un rôle majeur et apprécié de tous dans la réhabilitation du parc privé et mériterait sans doute un nouveau coup de pouce des parlementaires.

L'activité législative sera encore très soutenue cette année dans le domaine du logement. Vous avez annoncé, Monsieur le ministre, un projet de loi intitulé « un logement pour tous » pour faciliter l'accession. Par ailleurs, l'Assemblée va examiner le projet de loi relatif aux responsabilités locales qui comporte de nombreuses dispositions concernant la politique de l'habitat. C'est un texte fondamental pour améliorer l'efficacité de la politique locale de l'habitat. En effet, la programmation nationale des logements a perdu toute son efficacité : aujourd'hui, il se construit des logements sociaux là où les montages financiers sont les plus faciles, et donc souvent là où les besoins sont les plus faibles. Le projet en cours d'examen au Sénat prévoit donc de donner aux collectivités les moyens de leurs ambitions, notamment par la délégation des crédits des aides à la pierre. Mais il ne faudrait pas que les compétences déléguées ne puissent être assumées faute de moyens : aussi les amendements adoptés par la commission des affaires économiques du Sénat visant à clarifier les responsabilités financières me semblent-ils aller dans le bon sens.

Dernière observation : l'incertitude qui demeure quant au maintien d'un taux de TVA de 5,5 % pour les travaux d'entretien et d'amélioration des logements, mesure qui a soutenu l'activité de nombreux artisans et a contribué à dissuader ou à régulariser le travail au noir, retarde la prise de commandes pour 2004. Peut-on espérer une réponse favorable des autorités européennes et dans quel délai ?

Monsieur le ministre, sur ma proposition, la commission des affaires économiques, a adopté les crédits de votre ministère.

M. Gilbert Meyer - Au cours des douze derniers mois, les mises en chantier ont progressé de 8,8 % dans l'habitat collectif et de 2,5 % dans l'habitat individuel. La hausse du nombre de logements vendus atteint 18 % sur l'année. Les crédits au logement accordés aux ménages ont progressé de plus de 10 %. Tous ces chiffres traduisent un climat de confiance.

Le rythme de construction des logements sociaux est peut-être le plus significatif : de 45 000 par an entre 1997 et 2002, on est passé à 56 000 en 2003 et l'objectif est de 80 000 pour 2004. Le 13 novembre dernier, je soulignais le rôle du logement dans la politique d'aménagement du territoire. L'absence d'une offre locative de qualité en milieu rural empêche le maintien des jeunes dans nos communes et les financements de droit commun sont souvent inadaptés. De plus, on ne peut négliger la réflexion sur le niveau des services à maintenir : services publics et commerces.

La priorité accordée aux problèmes de la ville ne doit donc pas conduire à négliger les enjeux de l'habitat en milieu rural. Pour cela, il importe de connaître avec précision les besoins. Vous avez entériné, Monsieur le ministre, ma proposition de créer un observatoire national du logement, qu'il convient de concrétiser. La réflexion doit d'abord porter sur les missions à confier à cet organisme dont la création doit être accompagnée de celle d'échelons régionaux ou, mieux encore, départementaux, disposant d'un tronc commun de données accessibles et comparables.

On pourra notamment mettre en relief les effets pervers de la loi SRU. Sur quelles bases, en effet, fixer le taux de 20 % de logements locatifs sociaux ? Faut-il construire des HLM dans les communes dont la population est en déclin ? Doit-on ignorer que dans certaines régions prédomine un habitat collectif et dans d'autres un habitat individuel ? Ne doit-on pas tenir compte des réserves foncières des communes ? L'observatoire national sera un outil destiné à se tromper le moins possible.

Une politique du logement ne saurait se limiter à la construction : il existe encore trop souvent dans nos villes des logements vacants au sein du parc privé. A cet égard, le partenariat public-privé est essentiel car les capacités du parc public ne permettent pas de répondre à l'ensemble de la demande. L'investissement locatif privé doit être encouragé par l'Etat, au moyen d'une fiscalité adaptée, aussi attractive que celle dont bénéficient certains produits mobiliers. Surtout, seule une volonté politique forte peut remédier au dépeuplement de nos centres-villes.

Vous savez quel prix j'attache à ce que la loi Meyer du 19 février 1998 prenne toute sa mesure. C'est, en effet, un outil qui permet à un bailleur public d'être maître d'ouvrage, à la demande des propriétaires privés, pour les travaux de restauration. Il est donc étonnant qu'un de nos collègues ait dû encore interroger le ministre de la ville, le 29 octobre dernier, quant à une solution pour remettre sur le marché des logements vacants du parc privé. Il est vrai que cette loi n'avait pas été vraiment appliquée par le précédent gouvernement...

Je vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir, dès janvier 2003, adapté les niveaux de loyers et les plafonds de ressources pour rendre le dispositif suffisamment attractif aux yeux des propriétaires intéressés. C'est une chance historique ! Nous disposons maintenant des moyens de revitaliser nos centres-villes, en particulier les commerces de quartier ; de diversifier l'offre des logements locatifs : de revaloriser ainsi le patrimoine bâti.

Je sais que, dans le même esprit, vous vous apprêtez à permettre aux organismes HLM de mettre à bail des logements appartenant à une société civile immobilière familiale.

Un autre outil doit se conjuguer efficacement avec la loi Meyer : l'opération programmée d'amélioration de l'habitat. Elle ne donnera toutefois des résultats probants que si elle affiche un financement suffisant par rapport au coût des travaux. A Colmar, j'ai volontairement placé la barre très haut puisque la deuxième OPAH affiche un financement pouvant atteindre 80 % du montant des travaux, toutes aides confondues. Malgré cet engagement important, la charge est moins lourde pour la ville que celle de constructions nouvelles, puisque le coût du foncier est nul. En moins de quatre ans, je suis ainsi parvenu à faire réoccuper plus de 200 logements du domaine privé.

Mme Odile Saugues - Vous avez les moyens...

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Vous avez les mêmes !

M. Gilbert Meyer - Les remarquables résultats peuvent faire rêver, la preuve !

Pour 2004, ce budget prévoit 392 millions d'AP pour l'ANAH. Si ces moyens d'intervention se révélaient insuffisants, il faudrait absolument les abonder en cours d'année, afin que le logement privé seconde efficacement le secteur public.

Bien évidemment, la construction de nouveaux logements doit rester une priorité. Elle implique une maîtrise foncière par la collectivité publique, ce qui n'est pas toujours évident. Mais l'Etat dispose lui-même d'un patrimoine foncier de 14 000 hectares, qui pourrait fort utilement dynamiser la politique de l'habitat.

Un mot enfin, du projet relatif aux responsabilités locales. On observe un foisonnement des dispositifs prévus par les départements et par les régions pour aider les communes rurales. On ne peut, pour autant, abandonner la politique du logement aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. En effet, leur détermination et leur implication étant diverses, le risque est grand de voir se creuser des fossés entre territoires voisins, donc s'aggraver les distorsions en termes d'aménagement du territoire. L'Etat doit conserver la responsabilité de la politique du logement, élément fondamental de la solidarité nationale.

Alors qu'on envisageait à l'origine une décentralisation du logement, le projet prévoit désormais une délégation de compétence. Même ainsi, le risque d'un mitage des territoires demeure.

A défaut de consensus, les mesures que je propose feront, j'en ai l'intime conviction, l'objet de larges convergences.

Pour ce qui est de ce budget, le groupe UMP, naturellement, l'approuvera.

Mme Janine Jambu - « Le logement devrait être considéré comme une grande cause nationale, le logement social comme une priorité, et l'Etat devrait y consacrer des moyens accrus » : cet extrait d'un communiqué de presse exprime l'inquiétude légitime face à ce budget de vingt grands acteurs du logement, représentant les locataires, les salariés, les familles, les plus démunis, les bailleurs sociaux.

Hélas, vous ne répondez en rien aux attentes de ces milliers de Français mal logés ou en attente d'un logement. Pire, la poursuite de la pénurie de logements sociaux risque d'entraîner, bientôt, une crise d'une ampleur sans précédent. En effet, comment répondre aux besoins avec des crédits en baisse de 8 % pour l'investissement locatif social ?

Faire « mieux avec moins » semble être votre philosophie (M. le ministre acquiesce). Mais, ici, il ne s'agit pas d'une meilleure gestion des fonds publics mais d'une réduction drastique destinée à respecter les critères de limitation des dépenses publiques.

Comment, en outre, ne douterions-nous pas de la sincérité de ce budget, après les gels intervenus l'an dernier, au mépris du vote de notre assemblée ? Comment, dans ces conditions, pourrait-on atteindre l'objectif de 80 000 logements sociaux ? Il est vrai que cette annonce est largement illusoire puisque pour 20 000 de ces logements, il s'agit de démolitions-reconstructions, et que 5 000 ne relèvent pas du financement par l'Etat.

M. le Ministre - Ils sont en plus !

Mme Janine Jambu - L'écart déjà important entre l'offre et la demande risque de se creuser encore : plus d'un million de personnes sont dans l'attente d'un logement confortable et la situation est quasiment explosive dans les grandes agglomérations, tout particulièrement en Ile-de-France. Quatre grandes organisations de bailleurs et gestionnaires sociaux signataires estiment, dans un appel commun, qu'il faudrait 100 000 constructions sociales par an pour répondre à ces besoins.

Parce que nous avons une certaine conception du logement social et de son rôle, nous voulons que ces constructions soient modernes, et bien insérées localement ; que les logements soient confortables et accessibles et qu'ils accueillent des catégories sociales diverses. J'ai déjà décrit ici la cage d'escalier où se côtoient un postier, une technicienne de Thalès, une enseignante, une famille confrontée au chômage et percevant les minima sociaux, une famille monoparentale, des retraités, des enfants d'origines et de nationalités diverses. Cette conception, que nous défendons depuis longtemps et qui va à l'encontre de celle du « logement minimum », se révèle de plus en plus en adéquation avec l'attente des classes moyennes pour lesquelles le parc locatif privé reste inaccessible.

De même, les quatre organisations que j'ai citées rappellent qu' « une proportion croissante de ménages aux ressources très faibles est logée dans le parc social. Les catégories moyennes n'y sont plus guère représentées ce qui met en cause la mixité sociale. La solution à la crise du logement ne passe donc pas par un renforcement de l'occupation sociale sauf à considérer le patrimoine social comme un lieu de relégation pour les plus pauvres et les plus fragiles ».

Les réhabilitations souffrent des mêmes insuffisances, l'essentiel des financements allant à quelques opérations de la politique de rénovation urbaine chère à M. Borloo, ce qui laisse à découvert toute une partie du parc social, hors zones urbaines sensibles, dont l'équilibre est menacé à brève échéance par la détérioration du bâti et des conditions de vie ainsi que par la modification de l'occupation sociale. Selon les professionnels, 600 000 logements locatifs sociaux construits avant 1980 n'ont fait l'objet d'aucune réhabilitation !

De même, dans le parc privé, le gel des crédits de l'ANAH laisse en l'état des millions de logements qui ne disposent pas des éléments de confort de base.

Vous avez choisi, avec la loi sur la rénovation urbaine de concentrer les moyens sur l'urgence, au risque de laisser se ghettoïser des secteurs non encore atteints.

Nous nous inquiétons aussi de votre volonté de relancer la vente du parc social, qui se traduirait concrètement dans le projet en cours d'élaboration, que vous osez intituler « un logement pour tous » ! Comment ne pas s'interroger sur vos intentions à l'égard du secteur social et sur sa pérennité ?

La loi de décentralisation, la discussion au Sénat le montre, va renforcer encore les disparités, les inégalités entre les territoires. L'idée même d'une responsabilité publique nationale pour garantir le droit au logement pour tous paraît radicalement incompatible avec l'ultralibéralisme qui guide la politique du Gouvernement, pour qui tout, y compris la protection sociale, la santé, l'école, le logement, doit être soumis aux critères et à la loi du marché.

Même l'accession sociale ne trouve pas grâce à vos yeux puisque les modifications que vous envisagez pour priver les accédants potentiels des effets d'aubaine visent en fait les salariés qui perçoivent 2,5 fois le SMIC. Que ces « privilégiés » sachent à quoi s'en tenir !

Nous sommes dubitatifs face à un raisonnement qui repose sur la baisse du taux du livret A pour soutenir les projets du secteur social. La banalisation de ce produit et le non-encadrement du taux font craindre des variations, voire des mauvaises surprises compte tenu de l'ensemble du contexte économique et social.

Vous manquez de réelle volonté politique pour inciter les communes, les départements et les régions à réaliser des constructions sociales. En rendant inopérantes les dispositions de l'article 55 de la loi SRU, vous avez renforcé les égoïsmes locaux et aggravé les déséquilibres. Le département des Hauts-de-Seine en est un exemple frappant. Antony, Asnières, Bois-Colombes, Boulogne-Billancourt, Levallois, Neuilly-sur-Seine, Saint-Cloud, Ville d'Avray comptent toutes moins de 20 % de logements sociaux. Dans ces conditions, la pression est insoutenable pour les communes qui, elles, ont choisi d'avoir un parc social, l'Etat ne jouant plus son rôle de garant de la solidarité nationale.

Quel sera, par ailleurs, le devenir de l'ANAH, et, partant, des petits propriétaires privés et des millions de locataires du parc ancien ? Vous refusez de nous éclairer sur la levée du gel des crédits en 2003, et vous vous en remettez à la réserve parlementaire pour compléter des financements dont la pérennité est à nouveau incertaine. Les locataires du secteur privé, comme du secteur social, doivent affronter l'inflation galopante des loyers - plus de 3 % en 2004 -, l'augmentation des factures de gaz et d'électricité et l'alourdissement de la fiscalité locale sous l'effet des transferts de charges aux collectivités. La modification du décret sur la répartition des charges introduira en outre de nouvelles charges récupérables sur les locataires.

Enfin, les aides à la personne sont aussi en net recul. A ce jour, la réunion du Conseil national de l'habitat n'est toujours pas programmée, et les coefficients de revalorisation sont encore inconnus, mais on peut s'attendre que le nombre de bénéficiaires diminue.

Dans un contexte économique et social déjà détérioré, la charge du logement, déjà trop élevée, va devenir insupportable. Pour mars prochain se profile une nouvelle vague de procédures d'expulsion à l'encontre des plus démunis. De surcroît, votre projet de loi entend rétablir un surloyer, obligatoire au-delà de 120 % d'un certain niveau de ressources, ce qui pénalisera notamment les couples de retraités.

Vous favorisez l'investissement privé au détriment de l'aide publique au secteur social, notamment par le nouveau dispositif d'amortissement contenu dans la loi « urbanisme et habitat ». En soutenant l'investissement spéculatif, vous répondez à une logique de marché et non au besoin de logement des familles moyennes et modestes.

Nous proposons, quant à nous, de créer un service public du logement qui reposerait sur un pôle de financement public. Nous voterons contre ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Rodolphe Thomas - Permettez-moi d'excuser l'absence de M. Philippe Folliot, retenu par des problèmes de transports liés aux mauvaises conditions climatiques.

C'est vrai, les crédits du logement pour 2004 baissent de 8,77 % ; mais le temps est révolu où de simples affichages budgétaires tenaient lieu de politique du logement : les politiques ciblées que vous menez, Monsieur le ministre, dans le cadre d'une lutte courageuse contre la crise du logement en témoignent.

Tout d'abord, vous avez réformé et simplifié les règles d'urbanisme et de construction de la loi SRU. La loi « urbanisme et habitat » a permis de lever nombre d'obstacles à la construction - règle des 15 kilomètres, modification des PLU, clarification du rôle des PADD - et d'adapter ces règles aux territoires ruraux. Vous avez fait adopter un dispositif fiscal en faveur de l'investissement dans le secteur locatif privé, qui permettra 7 000 à 10 000 ventes supplémentaires en 2003, et probablement 40 000 d'ici 2005. L'offre de logement augmentant, la pression diminuera sur le parc locatif social, notamment sur les grandes agglomérations. Par ailleurs, vous avez ouvert un vaste chantier sur la mise à disposition du foncier en région Ile-de-France avec la mission Pommelet.

Vous baissez le taux de rémunération du livret A pour permettre la construction de 80 000 logements locatifs sociaux, soit 38 % de plus qu'en 2003, et 60 % de plus que dans les années 1998-2000, comme le relève Jean-Pierre Abelin dans son excellent rapport. Par ailleurs, vous rendez fongibles des lignes consacrées aux opérations locatives sociales.

Certes, votre budget est en recul (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), mais les principales baisses n'affectent pas les lignes budgétaires consacrées à la solidarité nationale et à la sécurité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). La participation de l'Etat au Fonds de solidarité pour le logement augmente ainsi de 3,7 %, tout comme sa contribution au Fonds national de l'aide au logement en faveur des associations qui logent à titre temporaire des personnes défavorisées - plus 25 % . Enfin les moyens destinés à la lutte contre le saturnisme et l'insalubrité sont en hausse de plus de 60 %. Quant aux crédits de l'ANAH, il faut saluer leur stabilisation après la discussion budgétaire mouvementée de l'année dernière.

En revanche, les aides à la personne reculent de 3,7 %. Si nous avons toujours plaidé en faveur d'un rééquilibrage des aides de l'Etat en faveur des aides à la pierre, qui représentent un investissement pérenne, il faut prendre garde de ne pas faire basculer des vies dans la précarité. Aussi souhaitons-nous que cette baisse soit ciblée sur les publics les moins fragiles, comme les étudiants rattachés au foyer fiscal de parents dont les revenus imposables ne justifient pas qu'ils touchent les APL. Le Gouvernement doit avoir le courage de définir de nouveaux barèmes.

Par ailleurs, soyons plus audacieux dans les mécanismes d'aide à l'accession à la propriété. Philippe Folliot vous a interrogé sur ce sujet lors d'une question d'actualité ; vous lui avez répondu que vous alliez réformer les prêts à taux zéro en les recentrant sur les ménages les plus modestes, notamment en portant le différé d'amortissement de quinze à dix-huit mois, et créer un prêt social location-accession assorti de taux de TVA réduits de 19,6 % à 5,5 % et d'une exonération d'impôt foncier pendant quinze ans. Le projet de loi qui sera prochainement soumis à notre assemblée sera l'occasion pour Rudy Salles de défendre un amendement visant à exonérer de taxe foncière les propriétés situées en ZFU, classées logement social et occupées à titre de résidence principale.

Enfin, vous évoquiez une troisième piste : la possibilité, pour les locataires de logements sociaux, de devenir, au bout d'un certain temps de location, propriétaires de leur logement. Ce système me paraît aller dans le sens de la responsabilisation des locataires HLM et conforter l'idée que l'honnêteté - et la fidélité - peuvent être des vertus récompensées par l'Etat !

Enfin, nous nous inquiétons de la décentralisation de certaines compétences en matière de logement, dans le cadre du projet de loi relatif aux responsabilités locales, qu'examine actuellement le Sénat, et tout particulièrement du transfert du contingent préfectoral aux maires. Le groupe UDF compte sur vous, Monsieur le ministre, pour que la logique sociale qui caractérise votre action ne soit pas brouillée par d'autres logiques.

Parce que nous avons confiance dans la politique cohérente et volontariste que vous conduisez, nous voterons sans hésiter votre projet de budget pour 2004 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Notre pays connaît la crise du logement la plus grave depuis les années 1950. On compte aujourd'hui 86 000 personnes non logées, près de 1,5 million qui sont à la recherche de logements sociaux, et 3 millions qui vivent dans un habitat inconfortable ou surpeuplé.

Pourtant, alors qu'il faudrait atteindre une production annuelle de 320 000 logements, celle-ci ne dépasse pas les 300 000. Outre ce déficit de constructions, il y a urgence à réhabiliter 600 000 logements sociaux et à assurer, dans près de 4 millions de logements du parc privé, le confort minimal - chauffage central, douches et toilettes intérieures.

Depuis le début de l'année, tous les acteurs de terrain multiplient les signaux d'alerte. En mars 2003, la Fondation Abbé Pierre déplorait que la situation du logement atteigne « la dimension d'une crise de société ». En juin, à Lille, c'est tout le mouvement HLM, qui vous a exprimé son attente d'un engagement massif de l'Etat.

En septembre, un communiqué cosigné, entre autres, par l'Union des bailleurs sociaux et par les fédérations de SEM présentait un diagnostic inquiétant et appelait à faire du logement une « grande cause nationale ». Cette mobilisation fait suite aux gels et aux annulations de crédits qui ont réduit de 6,82 % un budget 2003 déjà sans ambition, et auxquels sont venues s'ajouter les annulations contenues dans le collectif 2002.

Le projet de budget que vous nous présentez est dans le droit fil de cette orientation catastrophique. La masse des crédits de l'urbanisme et du logement, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, subit une baisse de 8,77 % : c'est le pire budget depuis des décennies ! Le 8 octobre, syndicats, associations, organismes caritatifs et bailleurs sociaux ont, dans un appel sans précédent, demandé aux parlementaires de rééquilibrer un projet qu'ils jugent de nature à menacer gravement ce secteur fondamental pour la cohésion sociale. Face à cette condamnation générale, vous affirmez que vous réussirez à faire « plus avec moins ». Le domaine du logement, avec ses complexités financières, techniques et opérationnelles, peut-il sérieusement s'inscrire dans une telle formule ? Peut-on faire « plus avec moins » pour l'aide à la pierre ?

M. le Ministre - Oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Votre objectif de 80 000 constructions représente une hausse de 38 % par rapport à 2003, mais les aides à la pierre baissent dans le même temps de 8 %. Le montant des aides unitaires va donc inévitablement être réduit. Vous justifiez cette réduction par la baisse du taux du livret A de 0,75 %. Au-delà du simple constat que cette baisse peut être effacée demain par une décision de revalorisation qui échappe désormais au Gouvernement, il faut relever qu'elle n'aura pratiquement aucune incidence sur l'amélioration du financement par les opérateurs dans les premières années : elle ne sera utile que si elle est maintenue sur toute la durée d'amortissement du prêt, soit trente-cinq ans. Or, si la nouvelle règle de détermination du taux du livret A avait été appliquée au cours des dix dernières années, le taux aurait changé chaque semestre ! En vérité, seul l'Etat est aujourd'hui certain de profiter de la combine : si la baisse du taux ne lui coûte rien, la réduction du montant des subventions, lui fit faire une belle économie ! Le précédent gouvernement, lui, avait maintenu le niveau des subventions de l'Etat alors que le taux du livret A baissait. Désormais, les opérateurs devront faire appel à leurs fonds propres, mais un grand nombre d'entre eux en sont incapables, et ce sont les locataires qui paieront.

Peut-on faire plus avec moins pour les aides à la personne ? Celles-ci, qui représentent 77 % de votre budget, baissent de 3,7 %. Là aussi, nous nous demandons comment vous croyez vous affranchir des règles mathématiques. Pariez-vous sur une baisse du nombre des bénéficiaires, alors que le chômage ne cesse d'augmenter ? Envisagez-vous plutôt de baisser les plafonds de ressources, alors que ces aides sont essentielles à la solvabilité de très nombreux locataires, ou de baisser le montant des aides, alors que les loyers augmentent ? Il faut le dire ! Il vous faudra, Monsieur le ministre, beaucoup d'audace et de pédagogie pour justifier la baisse des aides pour les plus modestes et la hausse des exonérations fiscales pour les investisseurs privés ! Ce n'est pas la hausse de 3 millions du FSL qui pourra vous servir d'argument, puisqu'il avait diminué de 3,7 millions cette année...

Peut-on faire plus avec moins pour l'accession à la propriété ? Il s'agit d'une aspiration légitime de nos concitoyens, que vous présentez volontiers comme une de vos priorités. Mais les crédits baissent de 32 %, alors que l'objectif de prêts à taux zéro reste constant ! Comment ferez-vous ? Toutes les analyses concluent à une diminution de 20 % du nombre des prêts. On peut même craindre pire encore si les premiers signes d'une remontée générale des taux se confirment. Le nouveau prêt qui doit financer 5 000 accessions par an ne suffira pas à compenser la différence. Vous allez donc briser la dynamique d'ascension sociale pour des milliers de ménages qui s'imaginaient devenir propriétaires.

Monsieur le ministre, votre budget est l'un des plus mauvais du projet de loi de finances. C'est un budget de pénurie qui mêle objectifs incantatoires et morceaux de rustines pour tenter de dissimuler le désengagement de l'Etat. Loin de tenter de résoudre la crise du logement, il va l'aggraver (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Pour le logement comme pour bien d'autres domaines, pour faire plus, il faut plus ! Depuis des mois, nous vous interrogeons sur les conséquences dramatiques de votre politique. Puissiez-vous nous répondre cette fois, non par simple courtoisie républicaine, mais pour calmer les inquiétudes de millions de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - La parole est à M. Pinte, qui bénéficie, outre le sien propre, du temps de parole de M. Périssol.

M. Etienne Pinte - Je ne serai pas aussi optimiste que nos collègues rapporteurs. La fondation Abbé Pierre a écrit que le logement n'était à l'évidence plus une priorité et que l'engagement de l'Etat reculait quelles que soient les majorités au pouvoir. J'ajouterai que le logement social n'est pas non plus un souci majeur pour beaucoup d'autres partenaires.

A qui la faute ? Au quota de 20 % posé par la loi SRU ? Certes pas, puisque ce quota existait depuis la loi d'orientation sur la ville de 1991. En revanche, les majorités successives ont modifié par deux fois la définition du logement social, ce qui a considérablement perturbé les initiatives des communes et des bailleurs publics ou privés. De surcroît, la loi actuelle pénalise les communes, au lieu de les encourager. Nombreuses sont celles qui se heurtent pourtant à de fortes contraintes : secteurs sauvegardés, foncier non disponible ou à des prix exorbitants, règles d'urbanisme... Il faut donc faire preuve de pragmatisme et d'imagination.

A qui d'autre la faute ? A la réticence de certains devant la mixité sociale ? Si une commune a besoin d'infirmiers, d'assistantes maternelles, de pompiers, de policiers ou d'instituteurs, elle doit pouvoir leur proposer un logement à portée de leur revenu et à une distance raisonnable ! Exiler ou parquer des populations en difficultés à la périphérie des villes ne peut que conduire à l'explosion sociale. L'expérience montre que l'on a tout à gagner à une répartition géographique harmonieuse des logements sociaux parmi le reste du parc immobilier.

Les besoins sont très loin d'être satisfaits. Des centaines de milliers de personnes attendent depuis de nombreuses années un logement décent. Ces familles vivent dans la précarité, le surpeuplement et l'insalubrité, et cela va s'aggraver avec le redressement, par ailleurs heureux, de la démographie, l'accroissement du chômage et du nombre de familles monoparentales (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) ou encore l'accueil de 100 000 étrangers en situation régulière chaque année. Dans le même temps, on prévoit la destruction de milliers d'habitations, la baisse du nombre de logements aidés et la diminution du parc de logements privés à caractère social - et le recensement de 1999 fait apparaître des milliers de logements vacants !

Que faire ? Certes, il faut d'abord trouver des moyens financiers, et il en faudra beaucoup. Mais pour les mobiliser, il faudra également la prise de conscience et la volonté de tous les acteurs publics et privés concernés. Si l'Etat ne donne pas l'exemple, n'encourage pas à mettre en _uvre ce qui doit être une priorité nationale, tous les dangers d'explosion sociale sont à notre porte. L'Etat doit rester le maître d'_uvre d'une politique ambitieuse du logement social.

Pour autant, il ne doit pas être le seul acteur. Il doit solidariser les secteurs publics et privés concernés par le logement social.

M. Jacques Desallangre - Très bien !

M. Etienne Pinte - La vente des logements aidés ne réglera pas davantage le problème, au contraire. Quand il n'y a pas assez de logements sociaux locatifs, les communes et les bailleurs sociaux ne veulent pas se défaire de leur patrimoine (Approbations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Dans ma ville, Monsieur le ministre, manquent encore 15 % de logements sociaux pour atteindre les fameux 20 %. Je ne vais donc certainement pas inciter les bailleurs sociaux à vendre les leurs !

M. le Ministre - Construisez-en !

M. Etienne Pinte - Je ne gère que 37 % du territoire communal : tout le reste appartient à l'Etat. Donnez-nous du foncier !

M. le Ministre - C'est bien ce que nous faisons.

M. Etienne Pinte - Les caisses des trésoriers-payeurs généraux emmagasinent depuis plus d'un an les sommes que l'Etat ponctionne d'office sur les budgets des communes qui n'atteignent pas 20 % de logements sociaux. Dans mon seul département, le TPG m'a confié que des millions d'euros dorment dans ses caisses. Il faut remettre très rapidement cet argent dans le circuit de la construction de logements aidés et les rendre aux communes - pas seulement aux groupements de communes - qui s'engagent à réaliser de l'habitat social (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Pour celles qui ne pourraient ou ne voudraient pas prendre de tels engagements, le reliquat de ces prélèvements servira à alimenter le financement de logements aidés là où les besoins se font sentir.

Les moyens financiers se trouvent également chez les promoteurs du secteur privé qu'il faut inciter à réaliser, dans tout programme immobilier, au moins 20 % de logements aidés.

M. Jacques Desallangre - Très bien !

M. Etienne Pinte - Certains l'ont compris et intègrent cette dimension nouvelle de la mixité au sein d'un ensemble collectif. Le principe de cette règle pourrait figurer dans les plans locaux d'urbanisme et faire l'objet de négociation entre le maire et le promoteur.

M. Jacques Desallangre - Très bien !

M. Etienne Pinte - Les moyens financiers se trouvent enfin chez certains de nos concitoyens qui n'ont pas les moyens, seuls, de réhabiliter leur bien immobilier. Avec l'aide des communes, de l'ANAH et d'autres partenaires publics, ils peuvent être aidés. La contrepartie sera bien évidemment un engagement conventionnel à pratiquer des loyers modérés pendant plusieurs années.

Voici quelques pistes de réflexions. Encore faut-il que l'Etat donne des signes très forts de sa volonté de faire du logement aidé une priorité nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Marc-Philippe Daubresse - Vous venez de démontrer, Monsieur le ministre, que l'on pourra construire plus de logements sociaux en 2004 sans pour autant augmenter le budget de l'Etat.

Il faut s'en réjouir, car le Gouvernement a inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée, la semaine prochaine, un débat sur la réforme de l'Etat. Chacun mesure qu'après avoir gâché ses chances de réduire les déficits de la dette, la France doit faire des efforts pour mieux maîtriser les dépenses publiques (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Les précédents ministres, M. Besson et Mme Lienemann, avaient eux-mêmes fait la triste démonstration que ce n'est pas en augmentant la dépenses publique que l'on accroît la construction de logements neufs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

L'INSEE estime à 320 000 par an notre besoin en logements, or, nous en produirons entre 303 000 et 305 000 en 2003.

Ce déficit de 15 000 logements nécessitera un effort important.

S'agissant du logement social, l'augmentation du nombre de réalisations finançables, malgré un volume de subventions réduit, repose sur un partage du gain que représente la baisse du taux des prêts, gain résultant de la baisse du taux du livret A et que l'on peut estimer entre 7 et 9 % d'équivalent subvention selon les types d'opération.

Nous devons être néanmoins conscients que les variations futures du taux du livret A seront fonction des évolutions des taux des marchés financiers européens. Ceux des prêts aux organismes bailleurs sociaux sont donc variables semestriellement : nous n'allons pas ajuster les taux de subvention tous les semestres en fonction des variations de l'Euribor.

Par ailleurs, le budget prévoit que 15 000 PLUS seront réservés à la mise en _uvre de la politique de renouvellement urbain ; or, vous savez qu'il est très difficile de distinguer un immeuble construit « au nom du renouvellement urbain » d'un immeuble construit « au nom du développement de l'offre ».

Sans remettre en cause cette priorité, pouvons-nous avoir l'assurance que, si les 15 000 logements n'étaient pas totalement engagés, les crédits correspondants seraient néanmoins consommés pour produire des PLUS ?

L'accession à la propriété doit devenir une priorité nationale et nous attendons beaucoup de la loi « Habitat et urbanisme ». Mais pour réussir cette nouvelle relance de la construction, le Gouvernement doit proposer des incitations fiscales nouvelles et appropriées.

Il devrait être ainsi possible d'améliorer la solvabilité des futurs acquéreurs en leur permettant de constituer un crédit d'impôt et en dissociant l'acquisition de la maison de celle du terrain que l'on pourrait louer par un bail emphythéotique, ce qui permettrait de baisser de près de 30 % les prix des logements.

Il s'agirait également de favoriser des donations défiscalisées des parents aux enfants en vue de la constitution d'un apport personnel pour la première accession à la propriété. Enfin, il s'agirait de favoriser ainsi les personnes aux revenus les plus modestes ; de ce point de vue, le recentrage des aides d'Etat va dans le bon sens.

S'agissant de la TVA à taux réduit, j'ai conduit le mois dernier une délégation du CNH à Bruxelles. Je signale à Mme Jambu que ses informations ne sont pas à jour et qu'une réunion du CNH est programmée.

Mme Janine Jambu - C'est vous qui le dites !

M. Marc-Philippe Daubresse - Je me réjouis que le Gouvernement et nos partenaires européens aient uni leurs efforts pour parvenir à une proposition plutôt satisfaisante.

Mais en cas d'échec...

M. Jean-Louis Dumont - Avec M. Raffarin, il n'y a jamais d'échec ! (Sourires)

M. Marc-Philippe Daubresse - ...je vous demande que le texte autorisant un taux réduit pour la politique sociale de l'habitat soit interprété par le Gouvernement de la façon la plus extensive possible, de façon à limiter l'impact sur les familles du maintien indispensable du niveau d'entretien dans le patrimoine locatif social.

Chacun observe une paupérisation des locataires du parc locatif social, une certaine pénurie de logements locatifs destinés aux familles les plus en difficulté dans les grandes agglomérations. Les aides à la personne sont d'autant plus nécessaires pour amortir les conséquences de l'affaiblissement des ressources des familles. C'est toute la philosophie de la réforme de 1977 et des orientations que l'on observe partout en Europe : l'aide à la personne est une des formes essentielles de la solidarité nationale.

Aussi, en tant que président du Conseil National de l'Habitat, suis-je totalement opposé à l'amendement que le Sénat vient de voter sur la loi relative aux responsabilités locales (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). L'Etat doit rester le garant du droit au logement, les collectivités territoriales doivent assurer la mise en _uvre des aides à la pierre. Comme j'aurai, semble-t-il, des responsabilités dans ce domaine au mois de janvier, j'aurai l'occasion de faire entendre la voix de l'Assemblée nationale.

La voie ouverte par les récentes lois « Urbanisme et Habitat » et « Ville et Rénovation urbaine » est bonne. L'exemple récent des dispositifs Périssol et Robien montrent que l'on peut réussir. Aussi ce mouvement doit-il être poursuivi, en évitant le piège du jacobinisme. Ce n'est pas seulement par une politique quantitative de construction de logements sociaux, avec des tours et des barres, qu'on assurera le droit au logement pour tous dans la dignité. C'est aussi en soutenant la réalisation de logements harmonieusement intégrés dans nos quartiers et en favorisant l'accession à la petite propriété, tout en garantissant le droit au logement pour les plus démunis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - J'ai déjà eu l'occasion, lors du débat sur le budget des transports, d'énoncer devant vous les orientations majeures du budget 2004 de mon ministère, orientations qui intègrent la stratégie centrale du Gouvernement sur la maîtrise de la dépense publique.

Aujourd'hui, je vous présente les moyens consacrés à l'urbanisme et au logement, dont les rapporteurs ont tracé les grandes lignes - et je salue la qualité de leurs travaux.

Monsieur Le Bouillonnec, je suis évidemment d'accord avec vous sur le fait qu'il n'y a pas assez de logements sociaux. Vous devriez cependant ne pas être très fiers de la situation que vous nous avez laissée. Or, je vous ai trouvé bien péremptoire. Je vous rappelle que, de 1998 à 2000, vous avez réalisé moins de 50 000 logements sociaux (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). En 2003, nous en réaliserons 56 000, soit 20 % de plus que prévu et plus de 80 000, voire 85 000 ou 90 000 en 2004.

Je compte également développer l'accession sociale à la propriété, ce qui nous rapprochera de l'objectif de 100 000, souhaité par Mme Jambu.

Les moyens de paiement affectés au secteur de l'urbanisme et du logement en 2004 s'élèvent à 6,681 milliards. Ils permettront de mettre en _uvre les priorités gouvernementales dans ce secteur que sont la relance de la production locative, la rénovation urbaine et le développement de l'accession sociale à la propriété. 5,046 milliards financeront les aides à la personne. Quant aux autorisations de programme, elles s'élèvent à 1,682 milliard et concernent pour l'essentiel les aides à la pierre.

Vous ne pouvez juger de l'effort public en faveur du logement, Monsieur Pinte, en considérant seulement les moyens budgétaires. Le total des aides publiques au logement, incluant les aides directes, les avantage fiscaux et les baisses de taux, a été évalué par l'INSEE à environ 25 milliards, dont plus de la moitié pour les aides à la personne.

Les mesures fiscales, en particulier, possèdent un énorme effet de levier, qu'il s'agisse de la TVA à taux réduit pour les travaux et les constructions de logements sociaux - dont j'ai été un ardent défenseur et que la précédente majorité avait obtenue -, des exonérations de taxes foncières - dont le coût, Monsieur Pinte, figure au budget de l'intérieur - ou des incitations fiscales en faveur de l'investissement locatif. L'effort de la nation en faveur du logement est donc très nettement supérieur aux seules dépenses budgétaires, et c'est sur le résultat de cet effort global, c'est-à-dire sur le nombre de logements supplémentaires disponibles, que je demande à être jugé.

Les priorités que nous avons retenues pour répondre aux très fortes tensions existant sur le marché ne passent pas nécessairement par des mécanismes financiers. Ainsi, la loi « Urbanisme et habitat » du 2 juillet 2003, que vous n'avez d'ailleurs pas tous votée, a simplifié les dispositions d'urbanisme introduites par la loi SRU, bonne dans son principe, mais dont la rigidité est souvent apparue comme un frein à la construction de logements.

Comme je m'y étais engagé, j'ai assuré le « service après vote » de cette loi, en allant présenter ses principales dispositions dans seize départements, pour essayer de convaincre les maires de s'engager dans la construction de nouveaux logements, grâce au dégel du foncier. Chaque fois, et encore dans le Gers la semaine dernière, plus de 90 % des maires étaient présents. La qualité de ces véritables réunions de travail prouve que nous avons fait _uvre de salubrité publique en clarifiant les dispositions « urbanisme » de la loi SRU.

Les moyens consacrés en 2004 à l'urbanisme permettront de respecter les engagements de l'Etat vis-à-vis des collectivités locales, tout particulièrement dans les villes nouvelles et les grandes opérations d'aménagement d'Euroméditerranée et de Plaine de France.

La tension est également très forte sur le marché locatif privé, en raison de la disparition de l'offre des investisseurs institutionnels et de l'accroissement de la demande des ménages.

La loi Urbanisme et habitat a créé un dispositif fiscal pour l'investissement locatif privé dans le neuf et aussi - ce qui est nouveau - dans l'ancien rénové. Ce dispositif simple et efficace, qui avait pourtant suscité ici quelques doutes, concernera environ 50 000 logements en 2003. Nous commençons à en voir les premiers effets. Ce dispositif, Monsieur Pinte, n'a pas de traduction budgétaire. Il produit des logements supplémentaires sans appel au contribuable. Pourquoi juger une action à l'aune de la ponction fiscale qu'elle induit, plutôt que sur le nombre de logements qu'elle produit ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

J'ai décidé aussi de relancer le locatif intermédiaire pour venir en aide aux classes moyennes des grandes agglomérations. Les conditions des prêts locatifs intermédiaires seront revues et je sais que le 1 % logement est prêt à faciliter l'équilibre de ces opérations. Ce dispositif non plus n'a pas de traduction budgétaire, Monsieur Pinte, et ne fait pas non plus appel à l'impôt...

Il faut aussi réaliser plus de logements sociaux, qu'il s'agisse du parc locatif ou de l'accession sociale à la propriété.

Comme le demandait l'Union sociale de l'habitat, le budget 2004 permet de porter le nombre de logements locatifs sociaux financés à 80 000, chiffre inégalé depuis 1994, qui représente une hausse de 38 % par rapport à 2003 et de plus de 60 % par rapport à la production moyenne des années 1998-2000.

Ces 80 000 logements se décomposent en 48 000 logements PLUS et PLA-Insertion, financés sur le budget du logement, 12 000 prêts locatifs sociaux assortis d'avantages fiscaux, 15 000 logements financés par la nouvelle Agence nationale de la rénovation urbaine - et correspondant à des reconstructions de logements démolis en ZUS -, enfin 5 000 logements réalisés par l'association foncière logement.

C'est bien, Monsieur Abelin, grâce à la baisse du taux du livret A que la subvention budgétaire a pu être baissée sans que l'aide publique globale soit modifiée et là, on joue un peu sur les mots.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ah ça !

M. le Ministre - Elle a même été améliorée, permettant ainsi de réduire l'effort demandé soit aux collectivités locales, soit aux organismes constructeurs.

Par exemple, en province, à loyer de sortie constant, la baisse de 0,75 point des taux aurait même permis d'annuler la subvention d'Etat. Or elle ne sera pas annulée, mais réduite, ce qui améliore l'équilibre de chacune des opérations. Je vous défie d'aboutir à un autre calcul !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je n'en crois pas un mot !

M. le Ministre - Mais si ! La première année, 26 millions iront aux HLM, la deuxième année 73 millions - nous y sommes - et la troisième année 150 millions, et ainsi de suite de façon exponentielle.

C'est ainsi, Monsieur Thomas, que nous pourrons faire plus de logements pour les gens modestes avec moins d'argent demandé aux contribuables.

Sur les délais entre la décision et la réalisation des projets que M. Abelin a évoqués, les instructions que j'ai données aux préfets ont été suivies d'effet, puisqu'à la différence des années précédentes, les projets ont été financés beaucoup plus tôt dans l'année.

A la fin de septembre, 25 000 logements locatifs sociaux avaient été financés, soit une progression de plus d'un tiers en un an. Je félicite les organismes HLM de leur remarquable mobilisation.

Le budget pour 2004, Madame Jambu, prévoit explicitement 15 000 constructions pour remplacer les logements démolis. Le budget pour 2003 faisait de même mais sans le dire. Le périmètre demeure donc inchangé, et le nombre de logements nouveaux passe bien de 56 000 à 80 000 (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Au lieu d'être sceptiques, vous devriez vous réjouir !

L'enveloppe des subventions pour surcharge foncière sera augmentée de 30 %. Il ne faut pas simplement, comme nos prédécesseurs, décréter la mixité sociale, il faut aussi s'en donner les moyens.

L'an dernier, nous avions dû dès notre arrivée ajouter 20 millions pour financer les surcoûts de foncier. Cette année, nous ajoutons de nouveau 30 millions soit une croissance de plus de 60 % en moins de deux ans pour aider le logement social en milieu tendu.

Monsieur Pinte, je vous réponds sur les fonds issus de l'article 55. Là où existe un PLH, les crédits retournent aux communautés d'agglomération. Ailleurs, ils seront redistribués par les Fonds d'aménagement urbain. Le mécanisme de la loi SRU n'étant pas opérationnel, un amendement du sénateur Braye au projet de loi de rénovation urbaine permet de débloquer les fonds. Le comité des finances publiques va examiner un décret en ce sens.

M. Etienne Pinte - Il était temps !

M. le Ministre - Les crédits du ministère permettront aussi de financer la réhabilitation de 100 000 logements dont 60 000 en zones urbaines sensibles. C'est important !

M. Jean-Louis Dumont - C'est même indispensable !

M. le Ministre - Il s'agit de maintenir les objectifs fixés pour 2003, qui augmentent de plus de 13 % par rapport au budget de 2002.

En 2004, le Gouvernement mettra en place l'agence nationale de la rénovation urbaine, créée par la loi relative à la rénovation urbaine.

Ce nouvel instrument, dont j'assurerai la tutelle avec les ministres de la ville et des finances, apportera une véritable logique de projet.

M. Nicolas Perruchot - Très bien !

M. le Ministre - Vous connaissez la détermination de Jean-Louis Borloo ! Contrairement à ce qu'affirme l'opposition, la politique de la ville n'est pas relancée par une ponction sur le budget du logement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Au contraire, elle permet d'augmenter les moyens en faveur du logement.

Monsieur Meyer, il convient de coordonner l'action des observatoires locaux qui ne cessent de se créer. Mes services y travaillent et le résultat de cette mise en réseau devrait se faire sentir dès l'an prochain.

Une politique du logement doit permettre à nos concitoyens d'accéder à la propriété en toute sécurité. Oui, Monsieur Scellier, il faut traiter le logement dans toutes ses dimensions. Le logement social n'est pas seulement le logement locatif social. Les personnes modestes ne sont pas condamnées à demeurer à vie locataires d'HLM (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Je ne crois pas à une France divisée entre ceux qui auraient vocation à devenir propriétaires et ceux qui n'auraient d'autre choix que de rester locataires à perpétuité. Donner à tous la possibilité de réaliser leur rêve, voilà le ressort de la cohésion sociale.

Le principal levier dont disposent les pouvoirs publics, c'est le prêt à taux zéro. J'ai souhaité qu'il soit sensiblement amélioré pour nos concitoyens les plus modestes. C'est la première fois ! La volonté, par le passé, était plutôt de dégrader ce dispositif, qui pourtant permet tous les ans à 100 000 ménages de devenir propriétaires de leur logement et ainsi à 250 000 personnes de vivre chez elles.

Malgré un contexte de rigueur budgétaire, le Gouvernement a souhaité adresser un vrai signe en faveur de l'accession sociale à la propriété. Les ménages dont le revenu est inférieur à 1,6 SMIC pourront bénéficier d'un différé d'amortissement non plus de 15 ans mais de 18 ; pour les ménages dont le revenu est inférieur à 2 SMIC, le différé sera porté de 15 à 17 ans.

Autre nouveauté : les ménages les plus modestes, qui ont un revenu autour de deux SMIC, pourront, dans le cadre d'une opération de location-accession, bénéficier d'une TVA à taux réduit et d'une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ans, soit une aide de près de 20 000 € par ménage.

Nous proposons un premier contingent de 5 000 logements en 2004 ; j'ai noté avec intérêt l'amendement le portant à 10 000. Le mouvement HLM est prêt à s'engager pour promouvoir ce nouveau régime, je le sais. Il organise demain une journée d'études sur ce sujet à laquelle participeront plus de 350 dirigeants d'organismes.

Il faut construire, mais il faut aussi permettre à nos concitoyens de se maintenir dans leur logement. C'est le rôle des aides à la personne, qui concernent 6 millions de ménages. Elles feront l'objet d'une revalorisation, avec effet rétroactif au 1er juillet comme d'habitude. Cette revalorisation sera identique à celle de l'an dernier, avec un effort spécifique pour les familles de l'agglomération parisienne, dont le loyer-plafond pris en compte progressera de 2,5 %. Comme chaque année, le Gouvernement prendra des mesures d'équité concernant les éléments de calcul de l'aide ; elles seront présentées prochainement au Conseil national de l'habitat.

Mais ces aides à la personne ne seront pleinement efficaces que si les bailleurs sociaux limitent les augmentations de loyer à l'évolution de l'indice des prix. J'ai écrit en ce sens au président de l'union sociale pour l'habitat et j'ai donné des instructions strictes aux préfets. Je connais l'esprit de responsabilité qui anime les dirigeants d'organismes HLM pour la mise en _uvre au quotidien du droit au logement.

La contribution de l'Etat aux fonds de solidarité pour le logement et les crédits destinés au financement de l'aide à la médiation locative augmentent de près de 4 %. La contribution au financement de l'aide aux associations logeant à titre temporaire des personnes défavorisées est portée de 31,7 à 40 millions, soit une augmentation de 26 %.

La dotation de l'ANAH est stabilisée à 392 millions, niveau élevé qui témoigne de l'importance que nous accordons à l'amélioration de l'habitat privé et à ses effets sur l'emploi. Messieurs les rapporteurs, j'ai bien entendu vos demandes ; il faut attendre la fin du débat et des négociations mais je peux d'ores et déjà vous dire qu'un effort sera fait. Par ailleurs, Monsieur Scellier, les contraintes budgétaires ne permettent pas d'abaisser les droits de mutation en 2004, mais je ferai étudier cette piste intéressante.

En complément de l'action de l'ANAH, les travaux dans les logements bénéficient en 2003 d'une TVA à taux réduit. Cette mesure excellente a permis la création de près de 50 000 emplois. Sa prorogation est prévue dans le projet de loi de finances pour 2004 sous réserve de la décision du conseil des ministres européens de l'économie et des finances, qui doit être prise à l'unanimité. Soyez assurés de la détermination du Gouvernement à obtenir la prorogation d'une mesure aussi importante pour l'amélioration des logements des Français qui est aussi efficace pour lutter contre le travail clandestin.

Enfin, les crédits destinés à lutter contre le saturnisme et l'insalubrité sont portés de 5 à 13 millions.

J'insiste aussi sur le fait que la construction et l'amélioration des logements concourent fortement à la création nette d'emplois qui pourrait être, selon la fédération française du bâtiment, de 10 000 emplois en 2003 - nous en sommes déjà à 7 500.

En ce qui concerne l'accession sociale à la propriété, les orientations du budget seront confortées par le dépôt prochain d'un projet de loi « propriété pour tous » qui aura d'abord pour objet, Monsieur Scellier, de faciliter l'acquisition de leur logement par les locataires des organismes HLM, mais aussi de favoriser les dispositifs de location-accession et d'accession progressive, dont l'utilité, Monsieur Abelin, a été reconnue par le rapport que j'avais commandé à MM. Worms et Ailleret.

Monsieur Pinte, vendre, c'est construire de nouveaux logements : si un organisme HLM vend un logement 50 000 €, il pourra grâce à cet autofinancement construire, deux, trois ou quatre logements sociaux supplémentaires.

Monsieur Scellier, des dispositions seront prises dans le projet pour que l'acquisition par les locataires ne conduise pas à mettre les copropriétés en difficulté. Je suis tout à fait disposé à en discuter avec vous.

Je prépare un second projet pour 2004 qui traitera entre autres sujets de l'éradication de l'habitat indigne, de la mise en place du conventionnement global entre l'Etat et les organismes HLM et de la réforme des statuts des offices.

Je veillerai bien entendu, Monsieur Abelin, pour la préparation du budget 2005, à ce que les moyens correspondant aux compétences déléguées aux départements et aux établissements publics de coopération intercommunale par le projet de loi relatif aux responsabilités locales soient suffisants. Comme vous, Monsieur Scellier, je pense que la participation des collectivités locales est nécessaire à la réussite de la politique du logement en faveur des personnes défavorisées.

Messieurs Thomas et Daubresse, il faudra mettre à profit la navette parlementaire pour parvenir à un équilibre entre les pouvoirs des élus et ceux de l'Etat, qui doit rester le garant du droit au logement.

Monsieur Meyer, vous avez raison de souligner l'importance du parc privé vacant, que l'on peut remettre sur le marché grâce aux outils dont nous disposons. Je vous renvoie à mon propos sur l'ANAH.

Monsieur Pinte, je partage votre point de vue sur la mixité sociale et l'équilibre des quartiers. C'est la raison pour laquelle je souhaite le développement des ventes et HLM - ce qui permettra aux organismes HLM de construire de nouveaux logements. S'agissant du foncier, j'ai demandé à M. Rommelet de recenser en Ile-de-France les terrains disponibles au ministère de l'équipement et des transports, dans les entreprises publiques comme la SNCF ou la RATP ; 3 millions de mètres carrés sont disponibles à court terme, et 10 millions à moyen et long terme.

Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

QUESTIONS

M. Jean-Christophe Lagarde - Ma question concerne la lutte contre l'habitat insalubre.

La ville de Drancy, dont je suis maire, a engagé une politique dans ce domaine à travers diverses procédures. Sur les 26 377 logements qu'elle compte, 1 267 n'ont absolument aucun confort ; beaucoup de ceux-ci sont utilisés par des marchands de sommeil. Des propriétaires indélicats, parfois insolvables, ne se plient pas à leurs obligations.

Les communes, grâce à la loi, peuvent effectuer les travaux en se substituant aux propriétaires. Mais, il ne leur est pas toujours possible d'obtenir de ces derniers le remboursement des sommes engagées, qui représentent pour elles une charge très lourde : 20 à 25 000 €, sans compter les enquêtes sociales.

Depuis le début de mon mandat, j'ai acheté pour 3 millions d'euros de logements pour en faire des appartements d'attente. Si on y ajoute le coût des travaux, celui du personnel, on voit bien que les communes qui souhaitent s'engager dans ce combat ne peuvent le faire seules. Elles ont donc besoin d'un appui de l'Etat.

M. le Ministre - La substitution des collectivités locales aux propriétaires défaillants n'exonère pas ces derniers de leurs obligations. Pour recouvrer leurs créances, ces communes disposent des procédures de recouvrement habituelles, auxquelles la loi a ajouté la possibilité d'une inscription hypothécaire du bien concerné.

Elles peuvent aussi bénéficier de soutiens financiers. Ainsi, l'ANAH peut octroyer une subvention allant jusqu'à 50 % du montant des travaux. La Caisse des dépôts peut aussi leur octroyer des prêts à taux faible.

Ces dispositions peuvent toutefois se heurter aux man_uvres dilatoires de propriétaires indélicats. J'ai donc demandé à mes services d'étudier un mécanisme de séquestre immobilier pour renforcer les moyens de coercition des collectivités. Ce dispositif pourrait trouver sa place dans le projet que je viens d'annoncer.

M. Nicolas Perruchot - Ma question a trait à l'équité territoriale au sein des agglomérations.

A Blois et dans son agglomération Agglopolys, la ZUP représente un quart des logements sociaux. Au sein de cette ZUP, on compte 85 % de logements sociaux. Or, notre projet, que nous développons grâce à l'aide de Jean-Louis Borloo et de vos services, est d'arriver à une mixité sociale, avec, dans dix ans, un tiers de logements sociaux, un tiers de logements intermédiaires et un tiers d'accession sociale.

La principale difficulté tient au fait que fort peu de communes de l'agglomération ont un taux de logements sociaux suffisant, faute notamment de foncier disponible.

Autre problème, les bailleurs sociaux, quand ils construisent hors des ZUP, ne sont pas incités à faire des PLU-aidés, qui permettraient aux habitants de choisir leur lieu de résidence. Ne pourrait-on les inviter à réfléchir à un meilleur équilibre, propice à une mixité sociale apaisante pour les habitants ?

M. le Ministre - S'agissant des crédits disponibles, leur mise en _uvre relève de Jean-Louis Borloo. A ma connaissance, aucune demande n'a encore été présentée au Comité national d'engagement.

Cela étant, le système de financement va être revu en 2004, à l'occasion de la création de l'Agence nationale de la rénovation urbaine. C'est dans ce cadre que ce vrai problème trouvera une solution, mais je ne veux pas anticiper sur la réponse de Jean-Louis Borloo.

M. Hervé Morin - La Haute-Normandie figure parmi les régions les mieux pourvues en logements HLM. Ces vingt dernières années, leur proportion dans l'ensemble du parc locatif est passée de 45 % à 54 %, bien au-dessus de la moyenne française qui est de 41 %. Pourtant la part de propriétaires haut-normands est inférieure à celle de la France. Bien sûr, l'écrasante majorité de locataires est constituée d'employés et d'ouvriers, dont plus de la moitié habitent un logement HLM. Ces populations très peu mobiles auraient tout à gagner à acquérir leur logement. Devenir propriétaire, c'est mieux préparer sa retraite, se constituer un capital mais aussi agir sur son environnement pour mieux vivre dans son quartier et sa ville.

Les dispositifs existants pour favoriser l'accession - PLS, prêt à taux zéro, PAS -, restent trop peu connus et trop complexes. Je souhaite donc connaître les mesures que vous comptez prendre pour relancer massivement l'accession à la propriété dans les couches modestes de la population qui se disent que « la propriété, ça n'arrive qu'aux riches »...

Au-delà des aides financières, il faut trouver un moyen de récompenser les locataires de logements sociaux et HLM qui, parfois pendant plus de 20 ans, ont payé leur loyer, du premier franc au dernier euro, chaque premier du mois, et qui méritent de devenir propriétaires de leur logement. C'est une question de justice sociale, mais aussi un moyen de reconnaître la responsabilité et l'attachement à son logement.

M. le Ministre - J'ai eu l'occasion d'inaugurer avec vous des logements sociaux de grande qualité. Je veux le souligner car assimiler logement social et cas social, comme on le faisait il y a 20 ou 30 ans, c'est fini ! Désormais, dans le paysage, les logements sociaux se confondent avec les autres grâce à leurs qualités, au respect des normes, à l'action des architectes, à la volonté des bailleurs sociaux. Qui plus est, il y a des cas sociaux ailleurs... Que ceux qui accueillent des logements sociaux n'aient donc pas d'appréhension. Ce qu'il faut, c'est aller vers la mixité qui fait vivre ensemble, donc s'apprécier, des gens de conditions différentes. C'est une question de volonté !

Des résidences comme celles que vous avez su construire et que nous avons inaugurées ensemble relèvent bien de cette logique et nous avons pu y rencontrer des gens fort divers et de toutes générations.

En matière d'accession sociale, nous avons un énorme retard, et si nous sommes passés de 40 à 56 % de propriétaires, cela nous a pris 42 ans ! Le souhait de devenir propriétaire, qui est celui de très nombreux Français, n'a pas été assez entendu pendant des décennies au cours desquelles on a aidé surtout les bailleurs sociaux. Grâce à l'aide à la pierre et à la personne de l'Etat, mais aussi à l'effort des locataires, ces organismes se sont constitué de véritables parcs.

M. Jean-Louis Dumont - C'est le patrimoine de la nation !

M. le Ministre - En effet, et il peut servir à faire davantage de logements pour ceux qui peuvent acheter, je crois que nous ne sommes pas loin de nous retrouver tous autour de cette idée. On n'est pas encore allé assez loin dans cette voie, en raison de certains a priori et faute d'une sécurité suffisante pour les acquéreurs.

Près de 70 % des Allemands sont propriétaires de leur logement. Ce taux atteint 90 % en Espagne, où l'on construit 550 000 logements par an, pour 40 millions d'habitants...

Il est temps qu'intervienne la montée en puissance que nous encourageons ! Profitons donc de cette période de taux historiquement bas et de crédits historiquement longs, qui permettent à de nombreux ménages d'envisager de devenir propriétaires.

Il faut aller plus loin pour aider les familles relativement modestes car devenir propriétaire, c'est un gage d'épanouissement, c'est pouvoir transmettre un patrimoine, c'est préparer sa retraite.

Notre grande ambition pour l'accession sociale à la propriété passe par un soutien supplémentaire aux ménages qui demandent un prêt à taux zéro, dont le différé sera porté à 18 ans pour ceux qui touchent 1,6 SMIC et à 17 ans pour 2 SMIC, ce qui réduira considérablement la charge. Ainsi ce prêt servira à faire du logement en plus et non à créer un effet d'aubaine.

Nous voulons aussi faciliter la construction-accession en faisant bénéficier ces logements du taux réduit de TVA, ce qui représentera une aide de 20 000 euros par logement.

Enfin, nous entendons donner aux locataires HLM une réelle possibilité d'acheter leur logement, en les dotant d'un parachute puisque, en cas d'accident de la vie, obligeant à renoncer à l'accession, les sommes déjà versées pour l'acquisition pourront être considérées comme des loyers.

Cette sécurité encouragera à s'engager réellement vers l'accession sociale, comme vous le souhaitez (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Baroin remplace M. Raoult au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

M. Francis Vercamer - Je sous sais très attaché, Monsieur le ministre, à l'équité et à la mixité sociale dans le logement, sujets sensibles car ils dépendent souvent de décisions humaines sur lesquelles il est difficile d'agir.

Je veux parler de la discrimination dans l'attribution des logements sociaux, que ressent une partie de notre population, en particulier d'origine étrangère. Beaucoup doutent du bien-fondé de la composition des commissions d'attribution. Nombre d'associations, notamment dans les quartiers en grande difficulté, souhaiteraient que les habitants y soient représentés. Il paraît en effet légitime qu'une personne ayant une connaissance du terrain apporte son éclairage dans ces décisions d'attribution.

Mais je veux aussi évoquer la mixité sociale, qui relève de la volonté et du courage politique, dont vous ne manquez pas. Nous devons corriger les erreurs du passé, qui ont parfois organisé de véritables ghettos : nombre de familles sont captives d'un quartier parce qu'elles ne peuvent s'installer dans une autre commune, qui ne souhaite pas les accueillir ou qui n'a pas construit de logements sociaux.

Plus la population est défavorisée, moins elle a le choix et en cumulant des problèmes de toutes natures, les villes solidaires et sociales s'appauvrissent. Afin d'éviter les phénomènes de concentration, une réflexion doit être menée en termes de territoires, et au vu de mon expérience de maire, le dispositif des communautés urbaines me paraît le plus pertinent pour assurer une répartition harmonieuse du parc social. La loi SRU montrait le chemin. Quelles mesures comptez-vous prendre dans ces deux domaines ?

M. le Ministre - Vous savez quel prix j'attache à ce que chaque foyer, quels que soient ses revenus ou ses origines sociales et ethniques, puisse accéder à un logement décent. La politique de lutte contre toutes les discriminations est un engagement fort du Gouvernement, en particulier dans le domaine du logement.

J'ai tout d'abord tenu à améliorer l'information sur les droits des candidats à la location. Une brochure « La location sans discrimination », élaborée avec l'ensemble des partenaires concernés, a été largement diffusée dès le printemps 2003.

Par ailleurs, grâce au plan actuel de lutte contre l'exclusion et au comité interministériel contre l'exclusion du 10 avril 2003, des mesures ont été prises pour favoriser l'intégration des populations immigrées. Enfin, le Gouvernement a annoncé pour 2004 la création d'une autorité administrative indépendante pour lutter contre les discriminations.

Parallèlement, j'ai souhaité que s'engage une véritable réflexion avec l'ensemble des acteurs du logement et le président du Conseil national de l'habitat a mis en place, en mai 2003, à ma demande, un groupe de travail sur les discriminations dont les propositions seront remises à la fin de cette année.

Enfin, beaucoup reste à faire pour assurer la mixité sociale. Concernant l'attribution des logements HLM, il faut notamment veiller à assurer l'équilibre entre les communes. A cet égard, examinant le projet de la loi sur les responsabilités locales en première lecture, le Sénat a, contre l'avis du Gouvernement, confié aux maires le droit de réservation de l'habitat social jusqu'alors réservé aux préfets. Il faudra revenir à un système équilibré entre la responsabilité des organismes HLM, les pouvoirs du maire, ceux de l'agglomération, et le rôle de garant de la solidarité nationale que doit conserver l'Etat.

M. Gilbert Biessy - La grave crise du logement est largement sous-évaluée par votre Gouvernement, et le budget du logement en témoigne. Personne n'est épargné. Dans le département de l'Isère, et pour la seule agglomération grenobloise, 10 380 demandes étaient en instance au 1er janvier 2002, soit une hausse de 14 %, depuis le 1er janvier 2000. Depuis 2002, les attributions ont chuté de 30 %.

Les moyens consacrés à l'accroissement, à l'amélioration, et à l'adaptation du parc stagnent, voire reculent.

Comment travailler efficacement quand le Gouvernement diminue les aides à la personne, baisse de plus de 8 % les aides à la pierre pour le parc social et les financements destinées aux constructions ?

L'offre du parc locatif social se réduit et l'annonce de la construction de 80 000 logements ne peut nous convaincre quand vous encouragez la vente de logements du parc social locatif et que des opérations démolitions-constructions sont engagées par le ministre de la ville sans que l'on ait l'assurance des reconstructions !

Vous l'avez dit, « la France a plus que jamais besoin d'une politique de logement », mais la France a aussi besoin d'un secrétaire d'Etat au logement !

Pour toutes ces raisons, je vous demande de répondre favorablement aux quatre organisations nationales signataires de l'appel « Faire du logement une grande cause nationale » et d'adopter un plan d'urgence exceptionnel pour répondre à une crise exceptionnelle.

M. le Ministre - Vous dressez le procès de l'insuffisance de constructions de logements dans les années précédentes, voire les décennies précédentes ! En 2004, nous créerons 80 000 logements sociaux, ce qui n'était jamais arrivé depuis 1994 !

Nous sommes en pleine reconquête du logement en France. Grâce au dispositif Robien, en faveur de l'investissement locatif, nous disposerons de 10 000 logements locatifs supplémentaires, sans parler des effets des mesures en faveur de l'accession sociale à la propriété. En 2004, la progression de l'offre de logements répondra aux attentes. Il était temps ! Vous verrez que nous enregistrerons une forte progression des constructions dès 2003 - de 310 à 320 000 - pour toutes les catégories sociales, et j'espère que nous nous en réjouirons tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jacques Desallangre - En juillet, vous avez baissé la rémunération du livret A, malgré l'impact de cette mesure sur le budget des ménages modestes. Vous invoquiez alors la relance de la construction du logement social, les taux de rémunération étant censés se répercuter sur les taux de prêts destinés au financement des HLM. C'est un mauvais prétexte. La baisse du taux du livret A rapportera bien un milliard d'euros à l'Etat, mais elle portera préjudice aux finances des organismes HLM, qui subiront d'importantes pertes d'intérêts dans leurs placements financiers.

Surtout, la baisse des taux d'intérêt provoque déjà des retraits massifs qui conduiront à l'assèchement des fonds de la Poste et des caisses d'épargne, pourtant nécessaires au financement du logement social.

Par ailleurs, vos mesures récentes obligeront les organismes HLM à augmenter leurs loyers.

Vous faites peser sur les ménages les plus modestes le poids du désengagement de l'Etat de la politique du logement.

C'est parce que vous êtes obsédés par la volonté de baisser les participations de l'Etat et l'impôt sur le revenu que vous faites un tel choix.

Alors que la France traverse une grave crise du logement, votre politique fragilisera encore davantage les plus démunis.

M. le Ministre - Tout d'abord, les ressources du livret A ne diminueront pas, car son taux de rémunération reste encore favorable aujourd'hui. A l'annonce de la décision de baisser le taux du livret A, on nous avait promis une désaffection générale à l'égard de ce produit. La désaffection a été minime, car le taux de rémunération reste supérieur à celui de l'inflation. Vous êtes trop jeune pour vous souvenir d'une époque où il lui était nettement inférieur !

Ensuite, la baisse de la subvention moyenne pour chaque logement financé est de l'ordre de 50 %, mais pour chaque opération financée par un prêt PLUS ou un prêt PLI, l'équilibre est maintenu à un certain niveau de loyer.

Il est aujourd'hui possible de conserver un loyer inférieur au plafond réglementaire en réduisant les subventions de l'Etat par logement, ce qui permettra de construire davantage de logements sociaux locatifs, avec le même budget. Le nouveau dispositif permettra de prendre en compte la diversité des plans de financement et le coût de chaque opération dans des régions comme l'Ile-de-France.

Les contrats de relance bénéficieront d'une subvention majorée et la baisse de la subvention que je viens d'évoquer sera modulée selon le type d'opération.

La baisse des taux permettra aux organismes HLM de bénéficier d'une recette de 24 millions d'euros en 2004, de 76 millions d'euros en 2005 et de plus de 150 millions en 2006.

M. Claude Birraux - Dans votre projet de relance de l'investissement locatif privé, vous avez classé le Genevois haut-savoyard en zone A.

Vous savez nos difficultés pour construire du logement social compte tenu de notre situation frontalière avec la Suisse et de la pression foncière qui s'accroît avec l'application des accords bilatéraux Suisse-Union européenne. Au 1er juin 2004, la libre circulation s'appliquera uniquement dans le sens Suisse-Union européenne.

Le corollaire des dispositions de la loi de Robien est donc une action forte en faveur du logement social. Etes-vous disposé à revoir le classement des zones pour le logement social en remontant en zone II ce qui était en III et en zone I ce qui était en II ?

Par ailleurs, compte tenu de la pression sur le logement social, pouvez-vous réfléchir à un contrôle plus strict de la légitimité du maintien dans un logement social en prenant en considération les salaires, et à un dispositif qui lierait l'octroi d'un logement à une fonction ou un emploi sans que ce soit pour autant un logement de fonction ? Ainsi, une infirmière de MAPAD logée en HLM devrait quitter son logement si elle prenait un emploi en Suisse.

Les administrations n'aiment pas les cas particuliers, mais nous devons utiliser tous les moyens pour faire face à une situation sans pareille. Merci de votre compréhension et de votre aide.

M. le Ministre - La configuration locale que vous évoquez est en effet particulière : une agglomération d'un million d'habitants dans laquelle il est très difficile de parvenir à une offre de logements diversifiée. Le nouveau dispositif fiscal qui encourage les investisseurs à venir dans votre région est efficace. Nous avons prévu les mêmes critères que pour l'Ile-de-France ou la Côte d'Azur, car les tensions sur le marché sont comparables. En ce qui concerne le secteur locatif social, il me semble nécessaire d'adapter le zonage, mais les changements de zone sont rarissimes et coûtent cher. Je vais saisir le ministre du budget en ce sens, mais les efforts de l'Etat doivent être confortés par les communes, qu'elles recourent par exemple au droit de préemption ou utilisent les documents d'urbanisme. Je sais que vous les y encouragez.

En ce qui concerne votre deuxième question, l'accès au logement social est réservé à des familles qui justifient de ressources modestes lors de la procédure d'attribution. Lorsque le revenu dépasse ultérieurement le plafond, il ne peut être mis fin au contrat de location, qui garantit un droit au maintien dans les lieux. C'est pourquoi les HLM peuvent alors exiger un supplément de loyer, ce qui peut inciter ces personnes à déménager.

Mme Odile Saugues - Et ne favorise pas la mixité sociale !

M. le Ministre - Enfin, la réglementation interdit d'attribuer un logement en tant qu'accessoire d'un contrat de travail. Cela impliquerait un risque important de précarisation pour certains ménages et il ne paraît pas souhaitable de revenir sur cette interdiction.

M. Jean-Louis Dumont - Si les revenus plus élevés payent plus, où est le problème ? Ils contribuent à augmenter les ressources des organismes HLM !

M. Louis Cosyns - En matière d'allocation personnalisée au logement, le ralentissement du rythme de rentrée des cotisations versées par les employeurs accroît sensiblement le coût supporté par l'Etat. Pour réaliser les économies nécessaires dans le cadre de ce projet de loi de finances, pourrait-on envisager de limiter le montant de l'allocation au coût du loyer ?

M. le Ministre - Il arrive en effet, mais rarement, que l'APL dépasse le montant du loyer : c'est le cas pour des ménages aux revenus très faibles et qui payent directement leurs charges aux fournisseurs d'eau ou d'énergie. Cette aide est essentielle pour les ménages modestes. Elle sert à compenser les loyers, mais aussi les charges locatives. Il n'est pas opportun de la leur retirer, ni de pénaliser les locataires parce que les bailleurs ont décidé par exemple d'installer un chauffage individuel. Il ne me paraît pas souhaitable de changer ce dispositif.

M. Lionnel Luca - Vous avez su, Monsieur le ministre, faire évoluer les plafonds des loyers pris en compte pour l'amortissement Besson sur la Côte d'Azur. La redéfinition des zones a permis de prendre en compte les tensions du marché locatif local. Nous avions alerté votre prédécesseur sur ce sujet, mais il n'avait pas répondu à notre attente, affaiblissant ainsi de lui-même le dispositif Besson.

Dans le même esprit, pourriez-vous envisager d'adapter le taux de 20 % de logement social déterminé par la loi SRU aux réalités locales ? Un taux uniforme de 20 % n'est pas adapté à la diversité des départements. Dans les Alpes-maritimes, diverses contraintes s'appliquent : la loi littoral et la loi montagne, qui s'appliquent conjointement dans des communes comme Menton, ainsi que les plans de prévention des risques : incendies, inondations, éboulements et glissements de terrain, avalanches et zones sismiques... La construction est donc forcément limitée, qu'elle soit sociale ou non. Par ailleurs, il y a un paradoxe à reprocher à ce département d'avoir « bétonné », à une époque où l'Etat le permettait pourtant, et à le lui demander maintenant !

Je ne demande pas à remettre ce taux en cause. Peut-être pourrait-il en revanche être atteint pour une part par la mise à disposition de logements vacants. Sur la Côte d'Azur comme ailleurs, ces logements représentent un véritable problème. La taxe sur les logements vacants, que nous avions contestée à l'époque, ne produit pas les effets attendus, puisqu'il reste deux millions de logements vacants dans ce pays. Un rapport récent du Sénat confirme son inefficacité. Le taux de logement social pourrait être atteint par la mise effective sur le marché de logements vacants, à des fins de logement d'actif et par des contrats signés par les bailleurs. Je ne vois pas comment il pourrait l'être uniquement par la construction, dans la limite où les directions de l'équipement nous interdisent fermement de construire compte tenu de toutes les réglementations que j'ai évoquées ! Il est un peu facile de montrer du doigt les élus dans ces circonstances. Je demande donc que le taux de 20 % soit adapté aux réalités locales et que la taxe sur les logements vacants, qui a montré toutes ses limites, soit à terme supprimée.

M. le Ministre - Le taux de vacance en France est historiquement bas : on n'avait jamais atteint ce taux de 6,8 %, ce qui ne nous dispense d'ailleurs pas de continuer à mener des actions très ciblées. A cet égard, l'ANAH constitue un outil excellent. Elle a permis de remettre 35 000 logements vacants par an sur le marché, après modernisation et mise aux normes de confort. Ces résultats méritent d'être confortés et la dotation de l'ANAH pour 2004 reste prioritaire. Par ailleurs, le dispositif fiscal pour l'acquisition dans l'ancien dégradé est le premier du genre. Les décrets d'application doivent être pris avant la fin de l'année. Ce dispositif sera très utile pour remettre sur le marché des logements vacants.

Quant à l'article 55 sur la mixité sociale, ses résultats sont aujourd'hui médiocres. Il est basé sur une logique de coercition, mais les réalisations sont loin des objectifs : 18 000 logements par an, alors qu'il faudrait dépasser 20 000.

Mme Odile Saugues - C'est comme pour les radars : il faut une réelle volonté !

M. le Ministre - Il faut trouver une solution ensemble, en veillant notamment à ce que les communes qui sont manifestement dans l'incapacité de construire ne soient pas pénalisées. Cette solution doit impérativement faire consensus, et je serais tout prêt à l'intégrer dans la loi annoncée pour 2004 avec diverses mesures concernant le logement. Cependant, tant que nous n'aurons pas mis au point ce dispositif, je ne serai pas favorable à la modification de l'article 55.

M. Jean Proriol - Le Gouvernement veut appuyer sa politique d'amélioration des conditions de logement de nos concitoyens par une relance des aides à l'accession à la propriété. Ce levier complémentaire des politiques locatives est fondamental : il permet à la fois de responsabiliser les occupants, devenus propriétaires, de consolider leur situation patrimoniale, notamment en vue de la retraite, et de dynamiser le secteur du BTP. Près de 90 % des ménages désireux de devenir propriétaires doivent recourir à l'emprunt. Une politique d'aide est indispensable pour les plus modestes d'entre eux, dont l'outil principal est le prêt à taux zéro. Le 16 octobre, un arrêté a corrigé le défaut inhérent à la prise en compte des ressources au titre de l'année n-2, mais vous nous avez annoncé la création pour l'année prochaine d'un nouveau dispositif : le prêt social location-accession, pour les ménages au revenu inférieur ou égal à deux SMIC. Il bénéficiera du taux réduit de TVA et d'une exonération de taxe foncière sur quinze ans. Comment les 552 millions destinés à l'accession sociale à la propriété seront-ils répartis entre ces différents outils ?

M. le Ministre - Je vous remercie de me donner l'occasion de reparler de l'accession sociale à la propriété. Le PTZ a suscité un effet d'aubaine considérable. Il a constitué un simple avantage, une opportunité à saisir pour de nombreux ménages aisés qui seraient de toute façon devenus propriétaires. Nous avons voulu le réorienter vers des personnes plus modestes, qui n'auraient en aucun cas sans lui la possibilité de devenir propriétaires. Le candidat à l'accession à la propriété qui disposera de 1,6 fois le SMIC bénéficiera d'un différé allant jusqu'à dix-huit ans. Cet allongement est un avantage considérable. Le candidat disposant de deux fois le SMIC bénéficiera d'un différé de dix-sept ans. Le dispositif est donc parfaitement ciblé. Il permet par ailleurs d'économiser 120 millions pour les contribuables.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C'est surtout cela !

M. le Ministre - Pourquoi vous réjouissez-vous chaque fois que vous prenez l'argent des contribuables ? C'est une perversion ! Nous, nous nous réjouissons lorsque nous construisons des logements supplémentaires.

Concernant le PTZ, l'écart entre la dotation de 2003 et 2004 est de 228 millions en autorisations de programme, ce qui est supérieur à l'économie de 120 millions apportée par le changement du critère d'appréciation des ressources. Le solde, 100 millions, s'explique par la baisse des taux d'intérêt constatée en 2002 et 2003. Les économies ainsi réalisées permettent un redéploiement des crédits en faveur du logement social.

Si les taux remontaient, nous serions obligés d'inventer de nouveaux dispositifs, car nos objectifs resteraient identiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet - Nous constatons tous que les Français souffrent de la crise du logement. Même les familles des classes moyennes sont aujourd'hui touchées. Un million de personnes demandent un logement en HLM.

Alors qu'il faudrait mener une politique d'envergure, l'Etat se désengage complètement, et l'héritage a bon dos !

Sacrifié par le Gouvernement, votre budget fait l'unanimité des associations et des syndicats contre lui.

Non seulement, il est le plus mauvais depuis longtemps, mais il est injuste et mensonger.

En diminuant les aides personnelles et en réduisant l'accès des familles modestes à la propriété, le Gouvernement fait une fois de plus peser l'effort sur les plus faibles de nos concitoyens.

De plus, vous continuez à laissez croire que vous créerez 80 000 logements sociaux supplémentaires alors que vous n'en avez pas les moyens financiers. Nous ne pouvons en effet oublier les gels et annulations de crédits dont souffrent nombre d'acteurs de ce secteur.

Vos effets d'annonce ne trompent personne. Pire, ils risquent de susciter des désillusions qui peuvent être fatales à la démocratie, comme je le mesure chaque jour en région PACA et à Marseille.

Combien de temps les Français devront-ils attendre pour que de vraies mesures soient prises ?

M. le Ministre - Les Français ont attendu jusqu'en 2002, date à laquelle le nombre de logements a augmenté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Grâce à qui ?

M. le Ministre - Vous êtes ennuyés parce que les chiffres sont là. De 1997 à 2000, 45 000 logements sociaux ont été construits chaque année. En 2002, ils ont été de 51 000. Ils seront en 2003 entre 56 000 et 58 000, et 80 000 en 2004.

De plus, il y aura 5 000 accessions sociales à la propriété grâce à une TVA réduite à 5,5 % et à une exonération de TVA sur le foncier pendant vingt ans.

Je vous ferai même une confidence, si le logement vous intéresse.

J'ai obtenu l'accord de M. le ministre délégué au budget pour doubler le chiffre des accessions sociales à la propriété, qui seront donc de 10 000 : il appartiendra à M. Lambert de le confirmer lors de l'examen du budget de son ministère.

Ainsi, ce sont 90 000 logements sociaux qui seront construits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Annick Lepetit - Oui, Monsieur le ministre, le logement social nous intéresse, ce qui ne semble pas le cas de votre majorité puisque ses bancs sont vides (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Si 51 000 logements ont été construits en 2002 et 56 000 en 2003, c'est grâce à la politique de relance de Mme Lienemann, en 2000.

Vous avez déclaré que vous ferez mieux avec moins. Nous en doutons.

Vous annoncez la création de 80 000 logements sociaux, mais vous diminuez de plus de 8 % les crédits destinés à l'investissement locatif social. Comment expliquez-vous cette contradiction ?

Nous doutons que la baisse du taux du livret A compense le désengagement de l'Etat.

Dans le cadre de la loi sur la ville et la rénovation urbaine, le Gouvernement a de plus annoncé la démolition de 40 000 logements sociaux par an. Avez-vous prévu des constructions permettant de reloger les habitants ? Sont-elles incluses dans les 80 000 constructions annoncées ? Sinon, où seront logées ces personnes ? M. Jean-Louis Borloo, quoique nous lui ayons souvent posé la question, n'a jamais répondu.

Enfin, vous annoncez la réhabilitation de 100 000 logements, dont 60 000 en ZUS, alors que les logements sociaux sont massivement situés en dehors de ces zones. Que deviendront ceux qui ne sont pas dans les ZUS ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - Mme Lienemann a en effet donné au logement social une vraie impulsion, dont la France a bénéficié, même s'il a fallu rajouter 20 millions d'euros en 2002 pour la surcharge financière.

Vous doutez que l'on puisse faire plus avec moins. Interrogez les banquiers : il est plus facile d'acheter lorsque les taux d'intérêt sont faibles. Nous économisons donc, puisque nous remboursons moins.

S'agissant des réhabilitations, la répartition entre 60 000 et 40 000 logements dans et hors ZUS reste identique. C'est également la baisse des taux qui permet de mettre en oeuvre ce programme.

Enfin, c'est en tenant compte des démolitions de logements prévues par la loi sur la ville et la rénovation urbaine que nous prévoyons en tout la construction de 90 000 logements sociaux. Vous pouvez être rassurée.

Mme Odile Saugues - Il y a un an, nous vous mettions en garde face à la baisse considérable de la participation de l'Etat aux fonds de solidarité pour le logement.

Or, dans un appel commun diffusé le 23 octobre dernier, quarante associations d'aide aux plus démunis ont dénoncé l'affaiblissement des moyens d'action consacrés au logement des personnes défavorisées, un constat que chaque député peut faire dans sa circonscription.

De plus, le Gouvernement s'apprête à transférer la gestion et le financement de ces fonds aux conseils généraux, dans le cadre du projet de loi relatif aux responsabilités locales, en leur confiant les impayés d'eau, d'électricité et de téléphone.

Ce délestage se traduira, dans les faits, par un transfert de la pénurie.

Dans le Puy-de-Dôme, la dotation de l'Etat au FSL a baissé de 45 %. Or, nous savons que les dispositions légales et réglementaires prévoient l'obligation, pour le conseil général, de financer le FSL à parité avec l'Etat.

A la fin d'août, face à une hausse de 24 % du nombre de dossiers, la trésorerie du FSL dans le Puy-de-Dôme équivalait à la cessation de paiement. Non seulement les dotations de l'Etat diminuent, mais elles sont versées avec retard et de façon fractionnée.

Dans ces conditions, est-il encore opportun de réunir la commission d'attribution du FSL dans mon département ? Faut-il revoir les critères d'attribution des aides, alors même que le logement social est en crise grave ? Allez-vous obtenir de vos services que la participation de l'Etat parvienne dans les départements dans des délais adaptés à la situation de détresse des demandeurs ?

Enfin, les crédits du FSL inscrits au budget 2004 n'effacent nullement la baisse de 11 % décidée l'an dernier par le Gouvernement. Ils n'empêcheront en rien le durcissement des conditions d'indemnisation des demandeurs d'emploi qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain, tout comme la limitation, à partir de juillet, du versement de l'allocation spécifique de solidarité.

Face à ces nouveaux risques d'exclusion, comment le Gouvernement compte-t-il garantir la solidarité nationale et faire vivre réellement le droit au logement pour les plus pauvres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - Si les crédits du FSL ont baissé en 2003, c'est que les trésoreries étaient excédentaires. Voyez la perversion du système ! On peut voter tous les crédits que l'on veut, s'ils ne sont pas utilisés, en quoi les gens en profitent-ils ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Nous avons donné un coup d'accordéon en 2003 pour inciter des fonds largement excédentaires à ne pas laisser l'argent dormir. Pour 2004, la dotation du FSL s'élève à 81 millions, en hausse de 4 %. Mais il est vrai que le nombre de demandeurs s'accroît.

Pour améliorer l'efficacité des fonds, le projet relatif à la décentralisation tendra à fusionner l'ensemble des fonds de solidarité ayant trait à l'habitat et à en transférer la responsabilité aux départements, avec des règles minimales de gestion, afin d'assurer le bon fonctionnement des fonds sur la totalité du territoire. L'Etat en sera le garant.

M. Bernard Schreiner - Dans le cadre de l'harmonisation européenne, l'ensemble des sociétés immobilières devront pratiquer la comptabilisation des immobilisations par composants à partir du 1er janvier 2005. Les sociétés d'économie mixte immobilières jusqu'à présent, pratiquaient un amortissement de type linéaire. L'entrée en vigueur des nouvelles mesures leur pose d'importants problèmes. Tout d'abord, le délai d'entrée en vigueur paraît bien trop court. Dans la mesure où aucune décision n'a encore été arrêtée tant en ce qui concerne la ventilation par nature de composants que sur les méthodes et les durées d'amortissement, il n'apparaît pas opportun d'appliquer cette nouvelle réglementation dès 2005. Celle-ci, de plus, aura pour effet mathématique de réduire sensiblement la durée d'amortissement des investissements immobiliers. S'agissant du logement social, les SEM maîtres d'ouvrage auront plus de difficultés à atteindre l'équilibre d'exploitation annuel et risquent donc d'être fragilisées.

Compte tenu de la volonté gouvernementale d'augmenter la production de logements sociaux, il me paraît important d'examiner avec la plus grande attention l'incidence d'une telle mesure et, le cas échéant, d'en différer l'application.

M. le Ministre - De fait, l'harmonisation des normes comptables va conduire les SEM à des changements de méthodes à partir du 1er janvier 2005. Mon ministère a demandé au Conseil national de la comptabilité de créer un groupe de travail, afin que ces règles comptables tiennent compte au mieux de la réalité économique et financière des organismes de logements sociaux, pour éviter de les fragiliser. Ce groupe de travail a bien avancé. Les actifs immobiliers ne seraient scindés qu'en un nombre limité de composants, ayant chacun une durée de vie propre.

Une méthode optionnelle de réallocation des valeurs comptables permettrait de comptabiliser les actifs immobiliers de logement social de façon consensuelle, lors du changement de méthodes comptables. Des conclusions définitives devraient être rendues au premier trimestre 2004. Si elles sont positives, la réforme pourra entrer en vigueur sans difficulté le 1er janvier 2005.

Mme Irène Tharin - L'adaptation de l'habitat est une dimension humaine et sociale importante des opérations de renouvellement urbain. Avec l'allongement de la durée de vie, de plus en plus de personnes âgées occupent des logements anciens souvent inadaptés aux besoins de leur vie quotidienne. Il y a là un travail lourd d'amélioration de l'habitat qui rentre dans des programmes de réhabilitation relevant des crédits de droit commun.

De plus, il est essentiel, dans nos villes, de rendre attractifs les centres anciens afin de lutter contre leur dépeuplement. Dans le pays de Montbéliard, dont je suis l'élue, nous ne ménageons pas nos efforts dans ce sens. Cette politique d'attractivité des centres anciens passe aussi par la rénovation de logements qui doivent être appropriés à l'usage de ses habitants âgés ou handicapés. Comment l'adaptation des logements aux populations les plus âgées et aux handicapés est-elle prise en considération dans le budget 2004 ?

D'autre part, pour l'habitat social, on observe un risque d'effets pervers nés de la focalisation sur les procédures exceptionnelles de renouvellement urbain, souvent au détriment des politiques de droit commun du logement. Comment garantir à une communauté d'agglomération qui lance une opération programmée d'amélioration de l'habitat qu'elle bénéficiera des moyens de l'Etat, c'est-à-dire les crédits de droit commun ? Pour les quartiers d'habitat social, la part des crédits dédiés à la réhabilitation des logements sociaux sera-t-elle intégrée dans ces crédits ?

M. le Ministre - La loi urbanisme et habitat, on le voit déjà, améliore sensiblement l'offre de logements, y compris au bénéfice des personnes handicapées. Les investisseurs peuvent aujourd'hui acheter des logements adaptés ; c'est le cas des parents qui veulent assurer à leurs enfants handicapés une plus grande autonomie. Dès maintenant, ils peuvent faire construire ou acheter un logement adapté et le louer à leur enfant.

J'ai voulu aussi relancer la construction de résidences dédiées à une catégorie particulière de la population, comme les personnes âgées, les handicapés ou les étudiants. La demande dans ce secteur est très forte. Le décret d'application apportera des précisions sur l'allocation déléguée, un dispositif dont j'espère que les opérateurs vont se saisir pour proposer des produits répondant à la vraie demande sociale que vous évoquez.

Quant au renouvellement urbain, la loi Borloo dégage au profit de la rénovation des quartiers des moyens financiers exceptionnels qui seront gérés par l'agence nationale de la rénovation urbaine. Ces moyens n'enlèvent rien aux crédits de droit commun affectés au logement. La cohérence entre les actions de l'ANRH et la politique ordinaire du logement sera assurée au niveau local par les préfets et les élus. La loi relative au développement des responsabilités locales, en cours d'examen au Sénat, permettra aux agglomérations d'exercer par délégation les compétences de l'Etat en matière d'aide à la pierre. Un amendement adopté par le Sénat ouvre cette délégation à la gestion des aides contractualisées avec l'agence.

M. Alain Ferry - Dans le cadre de la décentralisation, quel rôle rempliront les collectivités locales dans le domaine du logement ?

M. le Ministre - C'est simple. Les crédits seront contractualisés avec les départements pour les zones non urbaines, avec les communautés d'agglomérations ou de communes pour les zones urbanisées. Ces crédits seront fongibles et leur utilisation tiendra encore mieux compte des besoins exprimés sur le terrain, ce qui permettra de leur apporter des réponses de meilleure qualité.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Jean-Yves Le Bouillonnec a évoqué les effets pervers de la baisse du taux du livret A sur la construction locative sociale. Certes, le taux des prêts a été abaissé, celui du prêt locatif à usage social passant de 4,20 à 3,45 % ; mais pouvez-vous garantir, Monsieur le ministre, que le taux des prêts restera inchangé pendant toute la période d'amortissement, soit trente-cinq ans ? Au demeurant, cette baisse ne pourra à l'évidence compenser celle des subventions affectées aux nouvelles opérations du parc social public, dont la situation risque donc de s'aggraver.

La baisse du taux du livret A doit être mise à profit, pour réaliser davantage d'opérations dont l'équilibre financier sera mieux assuré, sans revenir sur le niveau des subventions unitaires. A défaut, nous risquons de nous retrouver dans la situation antérieure au plan de relance de mars 2001, laquelle se caractérisait par l'affichage d'un objectif de production de logements sociaux irréalisable. Quelles sont vos intentions, Monsieur le ministre, pour réellement lutter contre la crise de l'offre de logements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - Si on suivait vos conseils, on rendrait certaines opérations excédentaires et on ferait grossir la trésorerie des bailleurs sociaux ; nous, nous préférons construire davantage de logements sociaux grâce à la baisse des taux.

La nouvelle méthode d'indexation du livret A sera applicable à partir de juillet 2004. Si son taux remontait, ce serait en raison d'une reprise de l'inflation, laquelle entraînerait une augmentation des loyers. Le taux d'inflation retenu étant de 1,6 %, c'est à juste titre qu'on peut répercuter la baisse du taux du prêt sur la subvention versée par l'Etat.

Mme Nathalie Gautier - Le marché de la construction de logements sociaux connaît de très fortes tensions, notamment dans les grandes agglomérations. Dans le Rhône, il y a en permanence 30 000 ménages demandeurs de logement social ; pour les seules villes de Lyon et de Villeurbanne, on compte quinze dossiers pour un seul logement à attribuer. 80 % des demandeurs ont des revenus inférieurs à 60 % du plafond de ressources HLM.

Pourtant, votre budget est le plus mauvais jamais présenté. Vous affichez un objectif de production de logements sociaux en hausse de 38 %, alors même que les aides destinées à la pierre et à la réhabilitation du parc social public sont en diminution de plus de 8 %. Quant à la baisse du taux du livret A, elle ne compensera pas la baisse du montant des subventions.

Par ailleurs, vous affectez l'essentiel des crédits à la réhabilitation au patrimoine social situé en ZUS, alors que sur 4 millions de logement sociaux, 3 millions se trouvent en dehors de ces zones. Comment éviterez-vous la paupérisation de ce parc ?

Comment justifiez-vous un tel désengagement de l'Etat dans un secteur fondamental pour la création d'emplois et la cohésion sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre...

Je vous avais dit que nous construirions plus de logements en 2003 qu'en 2002 : c'est le cas. Je vous demande aussi de me croire quand je vous annonce 80 000 logements pour 2004.

Sachez aussi qu'il n'y a pas que l'argent du contribuable qui serve à construire des logements. La maîtrise de l'inflation, qui entraîne la baisse des taux d'intérêt, est un levier important. Quant aux avantages fiscaux que nous avons mis en place, vous avez la preuve qu'ils produisent leurs effets.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je remercie le ministre d'avoir su concilier la maîtrise de la dépense publique et la capacité à créer plus de logements grâce au levier de la baisse des taux d'intérêt. Le reprofilage du prêt à taux zéro et le prêt accession-location sont très importants en termes de politique sociale. Enfin, je confirme que, concernant les crédits de l'ANAH, nous avons demandé un redéploiement, et que nous avons également demandé un doublement des prêts locatifs accession (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 55.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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