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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 25ème jour de séance, 62ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 14 NOVEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite) 2

      RECHERCHE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES 2

      QUESTIONS 22

      ÉTAT B - TITRE IV 26

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2004 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004.

RECHERCHE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, concernant la recherche et les nouvelles technologies.

M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances - La nécessité de développer et de soutenir une politique de recherche apparaît comme un principe commun à toutes les sociétés modernes, même si les motivations sont diverses - volonté de progrès économique et social, volonté de domination et de puissance commerciale ou militaire.

A cet égard, la politique militaire américaine est riche d'enseignements, ainsi que celle menée par les Russes, sauvegardée même pendant les années les plus noires de l'ère post-soviétique.

On ne peut cependant nier certaines hostilités à la recherche, liées à des engagements sectaires - l'église de scientologie -, militants - lutte contre les OGM ou le nucléaire, y compris dans le domaine civil, voire religieux ou philosophiques. Si ces positions sont parfaitement respectables, elles peuvent avoir des effets dévastateurs pour la recherche. J'en veux pour preuve les difficultés nées de l'absence d'un texte définitif sur la bioéthique.

Il est donc particulièrement important pour le Parlement de disposer d'une information et d'une réflexion appropriées aux sujets faisant débat sans qu'il soit forcément nécessaire de légiférer.

Cela justifie largement l'existence de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques présidé par M. Claude Birraux, après M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Très bonne initiative !

M. le Rapporteur spécial - S'il existe un large consensus sur l'importance de la recherche dans notre pays, des divergences existent sur les moyens et les méthodes à utiliser.

Je salue l'inscription du budget de la recherche parmi les priorités gouvernementales.

Cependant, notre pays souffre d'un certain retard au niveau international, notamment par rapport aux Etats-Unis, qu'il s'agisse du montant du budget des actions financées ou du nombre de chercheurs. Les Etats-Unis comptent 9 chercheurs pour 1 000 actifs, quand l'Europe n'en compte que 5,5 pour 1 000 et la France 7.

Cela étant, l'action nationale et l'action européenne tendent à se développer, et la volonté de l'Union européenne est claire. Le sixième programme cadre de recherche et de développement est doté d'un budget significatif de 18 milliards d'euros, avec un engagement de 4,3 milliards cette année, soit une hausse de 20 %.

De surcroît, ce PCRD s'inscrit dans une perspective plus large de l'espace européen de la recherche, articulée autour de trois principes : la concentration des ressources, une définition d'instruments d'intervention ayant un effet structurant, et un allégement de la gestion et des procédures.

Je rends à cet égard hommage à la politique menée par le commissaire européen Philippe Busquin.

Cette action bénéficie de moyens financiers, mais aussi réglementaires nouveaux, et j'insiste notamment sur l'application du brevet européen.

Par ailleurs, l'initiative de croissance qui doit être réalisée en Europe en vue de relancer l'économie européenne devrait comporter cinq chantiers, engageant près de 11 milliards d'euros supplémentaires sur des thèmes essentiels.

Pour ce qui est de l'action nationale, elle est menée à partir des crédits budgétaires, mais aussi par les entreprises et les administrations - services ministériels, universités et grandes écoles, associations et fondations sans but lucratif.

L'effort de recherche, ces dernières années, correspond à 0,8 % ou 0,9 % du PIB, pour les administrations, et entre 1,3 % et 1,4 % pour les entreprises.

Si l'on veut atteindre l'objectif de 3 % du PIB en 2010, ces deux composantes doivent augmenter de manière significative, ce qui nécessitera une politique volontariste forte du Gouvernement.

S'agissant des crédits de la loi de finances, on ne peut oublier les critiques de l'année dernière à pareille époque, souvent excessives, mais qui reflétaient l'inquiétude de la communauté scientifique face à la pause marquée dans l'évolution des crédits.

Malgré les gels et annulations qui sont intervenus et grâce aux reports de crédits, l'effort de recherche a néanmoins été poursuivi. Il faut aujourd'hui toute l'énergie du journal Libération pour relancer l'agitation sur ce sujet.

Pour 2002, on constate une progression des crédits disponibles de près de 3 %.

Pour 2003, compte tenu des décrets d'annulation, il n'est pas encore possible de déterminer la part exacte de la variation des crédits ouverts.

C'est vrai, certains établissements ont dû augmenter le taux de consommation des crédits ouverts, mais aussi accroître leurs prélèvements sur fonds de roulement, ce qui peut poser des problèmes de trésorerie.

Le BCRD, doté de 8,9 milliards d'euros, progresse de 0,9 % en crédits de paiement, mais diminue de 5 % en autorisations de programme. Cependant, en tenant compte du retraitement de certaines lignes budgétaires, et des modifications du dispositif des avances remboursables, les moyens disponibles augmentent de près de 2,2 %.

Si l'on tient compte, en outre, des recettes de privatisation - 150 millions d'euros - qui devraient être affectées aux nouvelles fondations créées dans le secteur de la recherche scientifique, la progression devrait être de l'ordre de 3,9 %.

L'ensemble des moyens disponibles avoisinera les 9,5 milliards - ce qui n'est pas rien - grâce aux amendements gouvernementaux sur le budget de l'industrie.

Dans la ventilation du BCRD, la part des différents ministères est stable, hormis celle du ministère de la défense qui connaît une augmentation significative. Je salue l'effort important consenti en faveur de la recherche spatiale, notamment auprès de l'Agence spatiale européenne, et je félicite Mme la ministre de la position qu'elle a soutenue au conseil de l'ESA le 27 mai dernier pour une relance de la recherche nationale et européenne dans ce domaine.

Rendre les carrières plus attrayantes, promouvoir la recherche par les entreprises, et renforcer le dispositif des fonds incitatifs, doit être une priorité.

Nous poursuivons à cet égard la politique menée les années précédentes. Pour les jeunes diplômés, le nombre des allocations de recherche, des contrats post-doctorat, des contingents CIFRE et des conventions CORTECHS augmente, sans oublier l'amélioration de leur couverture sociale.

550 emplois de contractuels sont créés, en remplacement des titulaires, ce qui donnera davantage de souplesse et de flexibilité au recrutement des chercheurs. De surcroît, cela permettra de recruter des jeunes qui se destinent à des carrières spécialisées mais courtes, ou des chercheurs confirmés. La communauté scientifique s'en réjouit.

Cela dit, vu la pyramide des âges actuelle, les mesures relatives aux carrières sont toutefois insuffisantes. Il faut s'orienter vers une gestion prévisionnelle des effectifs à l'horizon de trente ans.

Je ne reviens pas sur le développement des fonds incitatifs ni la ventilation des crédits qui y sont affectés, dont chacun aura pu prendre connaissance : fonds de la recherche technologique, fonds national de la science, fonds de la recherche duale et fonds de priorités de recherche - quelques interrogations demeurent néanmoins sur celui-ci, compte tenu de ses modalités de mise en _uvre.

S'agissant de la recherche privée et du rôle des entreprises, la nouvelle législation relative aux fondations, le nouveau statut « d'investisseur providentiel » ainsi que celui de jeune entreprise innovante, et surtout l'augmentation du crédit d'impôt recherche devraient permettre à notre pays de rattraper son retard en ce domaine sur les autres grands pays développés. D'autres mesures plus techniques concernant l'ANVAR et la valorisation des résultats de la recherche devraient y concourir également.

La loi organique relative aux lois de finances imposera une nouvelle architecture budgétaire à compter de 2005, notamment le regroupement des crédits en missions, programmes et actions. L'existence de missions interministérielles permettra une meilleure convergence et une meilleure coordination entre des lignes budgétaires, jusqu'à présent éparpillées. Le ministre de la recherche pourra ainsi mieux gérer les moyens dont il dispose. Nous attendons donc avec impatience la mise en _uvre de la LOLF, qui devrait profiter à la recherche.

Au total, l'engagement de notre pays en faveur de la recherche, après une brève pause d'évaluation l'an passé, progresse de nouveau, non seulement par les crédits affectés, mais aussi grâce à une batterie de mesures permettant à nos entreprises d'occuper la place qui doit être la leur en matière de recherche. Ce résultat est le vôtre, Madame la ministre, et je vous en félicite. Vous avez su représenter efficacement la communauté scientifique, faire partager votre engagement par le Gouvernement, le Président de la République et les instances européennes. Cela nous permet d'envisager avec confiance l'avenir de la recherche dans notre vieille Europe qui a encore de beaux jours devant elle.

La commission des finances a approuvé ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Brigitte Le Brethon, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles - Dans un contexte budgétaire contraint, le budget de la recherche pour 2004 s'efforce de concilier pragmatisme et ambition. Ce bon budget mobilise toutes les ressources disponibles pour atteindre l'objectif ambitieux mais réaliste fixé par le Président de la République, à savoir une dépense de recherche-développement passant de 2,23 % du PIB en 2002 à 3 % en 2010, comme en ont d'ailleurs pris l'engagement l'ensemble des pays européens lors du Conseil de Barcelone de 2002. Cet objectif ne saurait être atteint sans une large mobilisation, aux côtés de la ministre déléguée, de tous les acteurs directs de la recherche, publics ou privés, et de tous les partenaires qui contribuent à la définition de ses orientations, à son financement et à la diffusion de ses résultats - collectivités, entreprises et Union européenne.

Les deux tiers de l'effort de recherche doivent provenir des entreprises, le tiers restant de la recherche publique. C'est pourquoi le Gouvernement consent un effort particulier en 2004 pour la promotion de la recherche par les entreprises et son financement privé. Le soutien à l'innovation exige de créer une dynamique entre recherche et économie. Il s'agit de nourrir par des aides publiques des projets privés pouvant déboucher sur des applications industrielles, grâce à la recherche fondamentale et appliquée.

Les ressources publiques disponibles pour la recherche en 2004 s'élèvent à au moins 10,3 milliards d'euros : aux mesures fiscales qui représentent un effort financier de l'Etat de l'ordre du milliard d'euros, aux crédits budgétaires des différents ministères intervenant au titre du BRCD qui se montent à 8,9 milliards d'euros, il faut ajouter 150 millions inscrits sur un compte d'affectation spéciale et provenant des recettes de privatisation et 322 millions correspondant à une partie des subventions seulement gelées en 2002 et qui restent donc à verser en 2004 aux organismes de recherche et aux fonds d'intervention du ministère.

Plus spécifiquement, les crédits du ministère délégué à la recherche et aux nouvelles technologies s'élèvent en 2004 à 6,2 milliards d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, en progression de 1,8 %.

Ce budget comporte trois priorités : la promotion de la recherche par les entreprises et son financement privé ; le renforcement de l'attrait des formations supérieures à la recherche, notamment par l'amélioration de l'insertion professionnelle des jeunes docteurs, nationaux et étrangers ; la poursuite des fonds incitatifs, instruments privilégiés d'une logique de projet sur les thèmes prioritaires retenus.

Cinq moyens principaux permettront d'atteindre ces objectifs.

Tout d'abord, le développement de l'accueil des post-doctorants, français ou étrangers, dans les organismes de recherche, avec le recrutement programmé en 2004 de 600 d'entre eux, la signature de 300 conventions industrielles supplémentaires de formation par la recherche, la revalorisation du montant brut de l'allocation de recherche de 4 % au 1er octobre 2004, lequel atteindra 1 306 €, soit 15,75 % de plus qu'au 31 décembre 2001.

En deuxième lieu, la reconduction des crédits du fonds de la recherche et de la technologie et du fonds national de la science, ainsi que le maintien global des moyens des établissements publics de recherche, des fondations privées et de la recherche universitaire.

Ensuite, l'application du plan gouvernemental en faveur de l'innovation et de la recherche industrielle qui fait de l'ANVAR le guichet unique de l'octroi des subventions aux PME au niveau régional, et le remplacement des avances remboursables aux entreprises par des subventions en capital.

Puis, les efforts prévus dans les domaines de l'aéronautique et de l'espace, avec 45 millions d'euros supplémentaires versés par la France à l'Agence spatiale européenne, permettront de financer le plan de retour en vol d'Ariane V et le programme Galiléo. Le soutien au programme A380 représente, quant à lui, 160 millions en 2004.

Enfin, la réduction et la rationalisation des coûts du CEA, gage de sa compétitivité et de son succès à long terme grâce à des coopérations avec ses partenaires industriels, notamment pour la création d'un pôle dédié aux nanotechnologies, permettra d'optimiser les moyens dans le secteur nucléaire.

Dans un contexte de décroissance de l'emploi public, le ministère s'est efforcé de maintenir les moyens disponibles au sein des organismes de recherche. La réduction des dépenses se traduit par 550 suppressions d'emplois de chercheurs, d'ingénieurs et de techniciens, intégralement compensées par la possibilité pour les établissements de recruter 550 contractuels sur subvention d'Etat - 200 CDD de chercheur et 350 CDD d'ingénieur. Avec des contractuels de longue durée, les organismes publics de recherche pourront gérer leurs personnels scientifiques de façon plus souple et adapter l'emploi aux besoins, ce qui devrait permettre une plus grande réactivité des laboratoires et inciter les scientifiques étrangers à revenir en France.

Pour favoriser le développement de la recherche privée par les entreprises innovantes, le budget pour 2004 comporte des mesures fiscales novatrices et ciblées, comme le statut de jeune entreprise innovante ouvrant droit à des exonérations fiscales et sociales ou le renforcement du crédit d'impôt-recherche qui représente un coût fiscal supplémentaire d'environ 440 millions d'euros. Le mode de calcul de ce crédit d'impôt sera ainsi modifié à compter du 1er janvier 2004 pour inciter les entreprises à augmenter ou au moins maintenir leurs dépenses de recherche-développement. Une part en volume sera ajoutée à l'actuelle part en accroissement ; les dépenses éligibles seront étendues aux frais de défense de brevets et de veille technologique, les dépenses de recherche confiées à des organismes publics seront prises en compte pour le double de leur montant afin de renforcer le partenariat entre recherche publique et privée.

Les jeunes entreprises innovantes bénéficieront d'une exonération totale de charges patronales pour l'emploi de chercheurs, d'une exonération totale d'impôt sur les sociétés pour les trois premiers exercices, puis dégressive jusqu'à 50 % pour les deux exercices suivants, d'une exonération de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés bâties, après délibération des collectivités locales, et d'une exonération d'impôt sur les plus-values de titres détenus depuis plus de trois ans par les actionnaires individuels de ces sociétés.

Les investisseurs dits providentiels constituent un soutien déterminant pour les jeunes entreprises innovantes, en leur apportant des capitaux mais aussi une expérience professionnelle. Très nombreux dans le monde anglo-saxon, ils font défaut en France. Le budget pour 2004 encourage ces investisseurs à apporter des fonds aux entreprises nouvelles, en leur permettant de gérer leurs participations dans une société unipersonnelle d'investissement à risque, nouvel outil juridique, bénéficiant d'avantages fiscaux compte tenu du risque élevé de tels investissements.

Enfin, la réforme juridique et fiscale des fondations intervenue après la loi du 1er août 2003 donne un nouveau statut-type aux fondations d'utilité publique avec un cadre fiscal plus incitatif.

Dix mesures fiscales d'envergure inciteront les donateurs particuliers ou entreprises, à créer ou à financer une fondation d'utilité publique. C'est indispensable car ces fondations ne financent que 0,1 % de l'effort de recherche en France contre 4 % outre-atlantique.

Ce budget s'inscrit ainsi dans un plan d'ensemble à long terme. Volontariste, il privilégie des contenus précis, il permet de mobiliser des acteurs publics et privés ; il prépare l'avenir sur des bases saines, dans la perspective d'une progression très sensible, au cours des sept prochaines années, des moyens financiers que le pays entend consacrer à sa recherche et à sa capacité d'innover. C'est pourquoi, Madame la ministre, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption de vos crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Produire des connaissances, satisfaire les attentes de la population, c'est le rôle de la science, source de progrès technologiques, industriels, sociaux et facteur important de la croissance.

La commission des affaires économiques a donc examiné les crédits de la recherche et des nouvelles technologies en tentant de traduire l'impact de la recherche en termes de développement scientifique et économique.

Je me félicite de la politique que vous menez, Madame la ministre, qui s'appuie sur des moyens budgétaires importants, ardemment défendus lors des arbitrages interministériels. Vous êtes ainsi en mesure de nous présenter un budget qui, renforçant l'action en faveur des jeunes chercheurs, favorise l'emploi scientifique, et s'accompagne d'une gestion par projets bien identifiés. Il soutient la recherche en entreprise, le développement des fonds incitatifs et des fondations scientifiques ; il conforte les secteurs stratégiques que sont l'aéronautique, l'espace, l'énergie, les nanotechnologies et le biomédical, ce qui répond à une forte attente de la population.

Dans un contexte économique et budgétaire difficile, le BCRD traduit la volonté du Gouvernement de préserver la place fondamentale de la recherche dans le nouveau dynamisme qu'il souhaite donner aux structures économiques et industrielles du pays. Il est conforme à l'objectif européen et national, fixé au sommet de Barcelone, de consacrer encore 3 % du PIB aux dépenses de recherche et de développement. Dans ce cadre, l'effort public devra représenter un tiers du total et celui des entreprises les deux tiers, leurs parts respectives actuelles étant de 0,95 % et de 1,25 %.

A périmètre budgétaire comparable, les dotations du BCRD progressent de 0,9 % pour atteindre 3,15 % du budget de l'Etat, ce n'est pas rien !

Mais il convient d'ajouter à ce budget la création d'un nouveau fonds incitatif, le Fonds des priorités de recherche qui s'articule avec le nouveau statut des fondations et qui sera doté de 150 millions qui viendront s'ajouter aux dotations du Fonds national pour la science et du Fonds de recherche technologique. Enfin, les mesures d'exonérations fiscales et les recettes affectées à des agences ou aux organismes de recherche porteront à 3,9 % l'augmentation des moyens disponibles pour la recherche publique.

Pris séparément, le budget du ministère de la recherche et de la technologie est nettement consolidé, puisqu'il augmente de 1,7 %.

Les dotations des établissements publics à caractère scientifique et technologique et des établissements publics à caractère industriel et commercial sont maintenues. Ils seront désormais fondés sur une approche plus réactive financée davantage sur projets, accompagnée d'une évaluation mieux adaptée et sur des bases scientifiques plus précises. C'est bien ce que nous avions souhaité pour en accroître l'efficacité. On peut citer, par exemple, les projets communs de l'INSERM et de l'INRA sur les corrélations entre la nutrition et les risques de cancer.

L'articulation de l'effort français avec la politique européenne, traduite par le 6ème programme cadre de recherche et de développement technologique doit être améliorée, le lancement en décembre 2002, des premiers appels à projet faisant apparaître une sous-participation de la France, rarement supérieure à 10 %. On peut, à cet égard, regretter la lourdeur des contrôles a priori sur les EPST, qui nuit à leur réactivité, ainsi que la complexité des procédures de dépôt des dossiers.

Pourtant, les entreprises françaises savent être performantes. C'est le cas dans le cadre des initiatives EUREKA, qui sélectionnent des PME innovantes.

En ce qui concerne l'emploi scientifique, le Gouvernement amplifie sa politique en faveur des jeunes chercheurs, sur la base d'un plan de gestion prévisionnelle des emplois scientifiques rénové.

Les allocations de recherche seront revalorisées de 15 % en trois ans. Cette allocation est, depuis le rentrée universitaire, de 1 591 euros par mois lorsqu'elle est cumulée avec un monitorat.

L'accroissement du nombre de contrats de post-doctorant se poursuit, parallèlement à un assouplissement des recrutements.

En outre, il est proposé de porter le nombre de conventions industrielles de formation par la recherche à près de 900, l'objectif étant d'atteindre 1 500 en 2010. Ces conventions sont très appréciées des PME et des filières professionnelles. Le dispositif CORTECHS, qui en est l'équivalent pour les techniciens, se développe, en interaction avec les régions qui les cofinancent.

Le deuxième volet de l'action gouvernementale vise à stimuler l'effort des entreprises en matière de recherche. Il s'inscrit dans une politique globale de soutien public actif au développement de la recherche, fondamentale et appliquée. C'est une excellente orientation, qui ouvre la voie au retour de la croissance et de l'emploi.

Le plan innovation que vous présentez conjointement avec Nicole Fontaine, devrait faire bénéficier la recherche privée d'environ 1,1 milliard d'aides sous forme de dispositions fiscales favorables ou d'exonérations de charges. L'effort public, direct et indirect, devrait ainsi dépasser les 10 milliards d'euros, soit bien plus qu'au cours des années antérieures.

La dynamisation de l'initiative privée se traduit d'abord par la réforme profonde et appréciable du crédit d'impôt recherche, grâce à la prise en compte du volume des dépenses de recherche, à hauteur de 5 %, et de leur croissance annuelle, à hauteur de 45 %, le plafond étant porté à 8 millions d'euros. Surtout, le périmètre sera élargi, au bénéfice d'une plus grande efficacité.

S'y ajoutent la société unipersonnelle d'investissement à risque - les fameux business angels -, la jeune entreprise innovante et le statut rénové des fondations, qui va permettre le développement de véritables fondations scientifiques. Ce rôle clairement affiché de fondations consacrées à la science - et non plus seulement à la seule mise en valeur du patrimoine historique ou artistique - me semble très important. L'amendement adopté hier soir à l'article 52 permettra de continuer à soutenir les fondations déjà existantes.

La valorisation de la recherche, amorcée par la loi de 1999 sur l'innovation et la recherche, est ainsi généralisée et renforcée.

Instruments d'une grande souplesse, les fonds incitatifs voient leur place affirmée dans ce budget : leur importance en termes de transversalité, de réactivité et disponibilité n'est plus à démontrer.

Les capacités d'engagement du Fonds national de la science et du Fonds de la recherche technologique auront progressé de 60 % en deux ans. Le nouveau Fonds prioritaire de la recherche, plus spécialement destiné à financer les projets de fondations incitant les financements privés à se tourner vers la recherche, viendra en complément. Ce projet, qui me tenait à c_ur depuis longtemps, est ainsi, enfin, concrétisé.

Enfin, le rôle de l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche est précisé.

La place de la science dans la société doit être également une préoccupation constante du Parlement. Tel est l'objectif de la mission conduite par le sénateur Laffite, chargée d'étudier la diffusion de la culture scientifique. L'information et la culture scientifiques doivent être renforcées dès le primaire.

La diffusion des connaissances scientifiques dans l'ensemble de la population favoriserait une meilleure appréciation des avantages et des risques de l'application des résultats de la recherche scientifique. Cette culture scientifique plus répandue rendrait en outre inutile l'introduction du principe de précaution dans notre dispositif juridique.

La progression importante du BCRD dans une conjoncture économique assez morose, jointe à des incitations fiscales doublées en faveur de la recherche en entreprise, permettra à la France d'atteindre ses objectifs de croissance des dépenses de recherche, gages du progrès technologique et du développement économique de notre société.

Je vous demande donc de suivre l'avis favorable donné par la commission des affaires économiques à l'adoption de ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Cohen - Non, Madame Haigneré, nous ne pouvons plus ne voir en vous que la spationaute dont la carrière admirable a tant apporté à l'histoire de la science. Non, nous ne pouvons plus examiner ce budget sous un angle strictement comptable, d'autant que celui de l'an dernier n'a pas été entièrement exécuté. Non, nous ne pouvons accepter des orientations qui rompent avec soixante ans d'histoire de notre pays, avec le Front populaire, puis le général de Gaulle et les Assises de la recherche de François Mitterrand.

Avec l'ensemble de la communauté scientifique, nous nous devons d'exprimer notre colère contre ce mauvais budget. Si certains s'interrogent sur les différences qu'il y a entre la gauche et la droite, ils ont un élément de réponse avec la façon dont ce gouvernement remet en cause toutes les spécificités françaises concernant la solidarité, le service public, la puissance publique. La recherche en est le parfait symbole.

Déjà, le budget 2003 a été catastrophique. Outre les annulations de crédits dont il a été l'objet, les chercheurs déplorent le fait que des reports de 2002 n'aient pas été réalisés. Pour 2004, nous ne pouvons pas nous laisser endormir par l'annonce d'une hausse de 3,9 %, dont vous-même, Madame la ministre, n'êtes pas convaincue. On note pour le BCRD une baisse de 1,4 % en AP et seulement 1,4 % de hausse en CP, soit nettement moins que l'inflation.

Vous êtes en train d'asphyxier les laboratoires, Madame la ministre. Je sais bien que la droite a toujours un peu méprisé le CNRS, mais je m'étonne que cette attitude s'étende à des laboratoires aussi prestigieux que le CEA, qui verra ses crédits baisser alors que chacun salue son aptitude exemplaire à la diversification.

La recherche ne doit pas être un sujet débattu en catimini. Le débat doit être porté devant les Français, car loin de concerner seulement une corporation, il est déterminant pour l'avenir de notre pays, de l'Europe et même d'un certain modèle de société.

Comme François Brottes, je suis un peu surpris, Madame la ministre, que vous ne soyez pas venue devant les commissions. Vous me direz peut-être que vous n'y avez pas été invitée, mais un ministre peut toujours demander à être entendu par une commission.

Il y a vingt-cinq ou trente ans, un effort massif de recrutement avait suivi la création de plusieurs organismes de recherche. Un grand nombre de ces personnels vont partir à la retraite entre 2006 et 2012. C'est ce qui avait amené M. Le Déaut et moi-même à expliquer, dans un rapport remis au précédent Premier ministre, qu'il fallait absolument anticiper et lancer un plan pluriannuel.

Votre prédécesseur, Roger-Gérard Schwartzenberg, nous avait suivis sur ce point. Mais vous, non seulement vous n'anticipez pas, mais vous allez compenser les 1 100 départs prévus pour 2004 par seulement 550 recrutements de titulaires. Les 550 autres postes seront des CDD. Et on nous parle de pérennisation et de garantie pour la recherche ! Mme Alice Saunier-Seïté, M. Aubert et M. Valade en avaient rêvé, vous l'avez fait ! En rejetant le plan pluriannuel et en faisant appel à des CDD, vous mettez bel et bien en cause le statut des chercheurs. A dose homéopathique, peut-être, mais les faits sont là. Je ne sais même pas si le gouvernement Thatcher - auquel je continue de comparer le gouvernement Raffarin - y aurait pensé.

Tout cela aura des conséquences catastrophiques pour l'avenir de la recherche. Et d'abord pour la recherche fondamentale, qui a besoin de temps, de sérénité et de pérennité. Pensez-vous sincèrement, Madame la ministre, qu'elle puisse s'accommoder de CDD ? Et que dire des secteurs stratégiques tels que l'énergie, le spatial ou le vivant, auxquels seule la puissance publique peut offrir des orientations à long terme.

Autre conséquence redoutable : le désintérêt croissant des jeunes pour les métiers de la recherche. M. Le Déaut et moi avions déjà dénoncé ce risque dans notre rapport, mais la tendance risque de devenir irréversible. Ce n'est pas la diminution de nombre de postes et le fait qu'ils soient à durée déterminée qui pourront susciter des vocations.

Vous comptez sur le secteur privé pour prendre le relais de la recherche publique. Outre que je ne suis pas d'accord sur le fond de votre politique, je pense qu'elle n'atteindra pas son objectif, car en réalité les entreprises font de plus en plus la fine bouche sur la recherche. Vous pensez les convaincre par le crédit d'impôt recherche, que nous avions institué, mais vous le banalisez en élargissant son assiette d'une façon qui ne permettra plus d'évaluer précisément l'effort de recherche. Ce crédit d'impôt deviendra ainsi plus une aide à l'innovation qu'une incitation à la recherche. Par ailleurs, vous augmentez les contrats CIFRE, alors qu'ils ne sont déjà pas tous utilisés. Quant au fonds que vous créez, je crains qu'il ne soit qu'une simple extension du Téléthon.

La priorité donnée à la culture scientifique et technique est une bonne chose, Madame la ministre, mais l'essentiel de la hausse bénéficie à la Cité des Sciences, qui certes fait un travail admirable, mais pas sur l'ensemble du territoire.

Pour ce qui concerne l'espace, je ne puis que vous féliciter d'avoir obtenu, sur le plan national et européen, un engagement budgétaire. Mais je crains que tous les enseignements de la crise n'aient pas été tirés. Les personnels du CNES sont en plein désarroi et une entreprise comme Alcatel embauche des CDD.

Asphyxie des laboratoires publics, remise en cause du plan pluriannuel des emplois scientifiques, marche forcée vers une recherche privée qui n'a pourtant jamais marqué son souhait de prendre le relais : telles sont les raisons qui font que nous ne voterons pas ce budget. Et nous vous demandons solennellement d'ouvrir les yeux et de faire marche arrière sous peine d'endosser la responsabilité d'avoir programmé la fin de la recherche publique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Dionis du Séjour - L'an dernier, nous n'avions pas hésité à qualifier le budget de la recherche de « variable d'ajustement », ce qui avait fait grincer quelques dents. Heureusement, ce n'est plus le cas cette année et nous saluons l'augmentation des moyens alloués à la recherche, de même que les trois points forts de ce budget : la définition de chantiers prioritaires, les mesures en faveur de la recherche privée et le crédit impôt recherche.

Mais le chemin reste encore long avant d'atteindre l'objectif européen de 3 % du PIB. Au rythme actuel, il faudrait dix ans, alors que l'on s'est donné l'horizon 2010 pour ce faire. Pouvons-nous nous permettre d'attendre, alors que le retard actuel de croissance économique de la France est dû en grande partie à l'insuffisance de son effort de recherche, en particulier par rapport aux Etats-Unis. Mais contrairement aux socialistes, nous ne pensons pas que le salut de la recherche française puisse venir du BCRD. Nous tablons davantage sur la recherche industrielle.

Comme nous l'avions réclamé l'an dernier, l'Etat définit clairement ses priorités et leur financement.

Lors de la discussion du budget 2003, l'UDF avait insisté sur l'importance d'une perspective européenne pour la recherche, la détermination de priorités nationales et la nécessité de l'évaluation. La recherche française n'a de sens que si elle est pensée à l'échelle européenne. A-t-on progressé sur la gouvernance de l'Europe de la recherche ? Que proposez-vous pour le financement de la recherche européenne ? Où en est-elle, notamment dans les domaines où les efforts nationaux de recherche se recoupent inutilement ? Où en est l'indispensable création de technopoles européens ? L'European Research Council préconise qu'une part significative des crédits nationaux vienne soutenir la recherche fondamentale à l'échelle européenne. Comment cela s'articulera-t-il ?

Nous saluons l'effort qui a été fait pour déterminer des priorités nationales pour la recherche. Vous devez veiller à ce qu'elles restent constantes jusqu'en 2007. Les quatre priorités retenues sont la santé, le développement durable et la lutte contre l'effet de serre, la gestion des ressources en alimentation et la diffusion de la culture scientifique. Comment les 150 millions d'euros de crédits du fonds des priorités pour la recherche seront-ils répartis entre elles ?

La lutte contre le cancer est l'une des trois priorités du quinquennat. Pouvez-vous nous préciser le financement du plan cancer et son articulation avec le budget du ministère de la santé ? Comment les cancéropôles seront-ils financés ? L'Institut national du cancer ne figure pas encore dans vos documents. Nous attendons de votre part une vision consolidée et détaillée du plan cancer.

Comment le financement de la recherche sur le véhicule propre s'articule-t-il entre votre ministère et celui de l'écologie ? Cette recherche ne devait-elle pas être financée par l'augmentation des taxes sur le gazole ? Sur tous ces points, nous attendons des réponses.

La nécessité de l'évaluation n'est pas suffisamment prise en considération par votre budget. Quels sont vos moyens de contrôle sur l'INSERM, le CEA, le CNRS, qui bénéficient de crédits considérables ?

Vous avez obtenu des mesures fiscales intéressantes en faveur des entreprises, mais il faudra attendre pour en recueillir les fruits car les taux de déduction sont trop faibles. Comment atteindrez-vous l'objectif du doublement de l'effort privé de recherche-développement à moyen terme ?

Il faut absolument développer et diffuser la culture scientifique. Les inscriptions en DEUG scientifique ont reculé de 5,2 % à la rentrée 2003. Il s'agit d'une tendance lourde depuis 1995. Ne faudrait-il pas revoir nos campagnes de communication ?

Je regrette, pour conclure, que la commission des affaires économiques n'ait pu vous entendre. Vous auriez pu nous apporter les informations détaillées que nous sommes en droit d'attendre.

J'exprimerai aussi un souhait : que vous soyez un peu plus ministre des nouvelles technologies et que vous vous attaquiez à la loi « diffusion des NTIC » annoncée par le Premier ministre le 12 novembre 2002 dans le cadre du plan RESO 2007.

Nous en avons grand besoin. La « copie » est meilleure que l'année dernière, même s'il reste des efforts à faire, et le groupe UDF votera donc votre budget.

M. Frédéric Dutoit - Vous avez annoncé une forte hausse du budget de la recherche.

Cette augmentation de 3,9 % concerne vos priorités : la promotion de la recherche par les entreprises et son financement privé, seul moyen selon vous d'atteindre le seuil de 3 % du PIB fixé par le Président de la République.

Le crédit d'impôt-recherche et les autres aides aux entreprises dépassent un milliard d'euros, soit 2,5 fois les crédits de paiement du CNRS. L'augmentation de ce budget s'appuie sur des calculs prévisionnels alambiqués : 100 millions d'euros proviendraient d'un décompte des hypothétiques déductions d'impôt consenties aux entreprises.

Le nouveau fonds incitatif et industriel, financé par des privatisations, devrait servir à des recherches dont les sources de crédits sont habituellement diverses.

Votre objectif serait d'inverser le rapport public-privé dans le financement de la recherche que vous ne vous y prendriez pas autrement. Ne pensez-vous pas que vous appliquez là la politique du marché libéral, dont le seul objectif est la rentabilité à court terme ? Vous sacrifiez les établissements publics. La gestion par projet que vous imposez à la recherche française risque d'assujettir les organismes publics aux finalités du secteur marchand.

Les dotations des établissements publics sont reconduites ou diminuées, et les annulations de 2002 et 2003 ne sont pas compensées.

Le groupe communiste soutient le projet ITER à Cadarache. Sans doute vous verrai-je lundi matin sur les lieux.

Les autorisations de programme sont reconduites pour tous les EPST, hormis le CEA, qui voit ses crédits amputés de 61,2 % et, dans une moindre mesure, le CNES.

Quant aux EPIC, leurs autorisations de programme et leurs crédits de paiement chutent de 9,5 %. Comment ces établissements publics assureront-ils leurs dépenses de fonctionnement ? La compression des crédits interdit tout investissement à long terme.

Autre point noir de votre budget : l'emploi. Vous voulez, dites-vous, une recherche ambitieuse pour préparer l'avenir, vous voulez renforcer l'attrait de la recherche pour les jeunes. Alors pourquoi supprimer 550 postes de titulaires et mettre ainsi en danger le statut des chercheurs et des ITA, ainsi que la pérennité des laboratoires ?

150 postes de chercheurs ont déjà été supprimés en 2003 et des CDD post-doctorat ont été mis en place. Chaque contractuel occupe ainsi un poste de fonctionnaire. Cette transformation de postes de titulaires en CDD au 1er juillet 2004, permettra d'économiser 4,2 millions d'euros l'an prochain, soit 8,4 en année pleine.

Si l'on réduit les débouchés tout en augmentant le nombre de contractuels, c'est l'avenir même de la recherche qui est menacé, puisqu'on repousse à près de trente-cinq ans l'âge d'entrée dans les entreprises de recherche. Or, à cet âge, l'embauche est extrêmement difficile. De plus, on y perd la sécurité de l'emploi, qui faisait pourtant l'attrait de la France.

La France compte six chercheurs pour 1 000 habitants, contre huit pour 1 000 aux Etats-Unis. Ce déficit ne pourra être comblé que grâce à l'embauche de 700 000 chercheurs d'ici à 2010, soit 1 000 par an pour le seul CNRS.

Ce budget comporte tout de même un point positif, que je salue avec la communauté des chercheurs : les allocations de recherche des jeunes doctorants augmenteront de 4 %. Une avancée certes mince, mais une avancée tout de même. 300 doctorants payés sur des libéralités - sous forme de bourses - auront en outre droit à une couverture sociale.

Jean-Pierre Raffarin a consacré la recherche comme une priorité. Les mesures incitatives devraient donc porter en priorité sur l'emploi scientifique, non sur l'externalisation de la recherche. C'est à cette condition que pourraient se coordonner, sans se confondre, les secteurs privés et publics.

Vos orientations sacrifient la recherche fondamentale publique et indépendante. Un exemple parmi tant d'autres : les effets sur la santé des antennes relais ne sont pas encore connus et les populations riveraines appliquent le principe de précaution. Mais les enjeux financiers du développement des communications sont énormes. Les trois opérateurs de téléphonie mobile ont réalisé un chiffre d'affaires avoisinant celui de la construction aéronautique ou spatiale. Dès lors, comment obtenir des résultats neutres en ce domaine sans recours à la recherche publique ?

Pour toutes ces raisons, et au nom des principes que nous défendons, nous voterons contre ce budget.

M. Pierre Lasbordes - Si le précédent budget était un budget de transition, fondé sur une consommation effective des crédits, celui-ci témoigne d'un engagement fort, n'en déplaise à Pierre Cohen.

Gardant comme étoile fixe la perspective de porter de 2,2 % à 3 %, en 2010, la part de notre PIB consacré à la recherche, ce budget donne aux crédits publics l'impulsion nécessaire pour y participer à hauteur de 1 %, les 2 % restants devant être assurés par la recherche privée, qui bénéficiera de mesures de soutien importantes.

Outre cet objectif majeur fixé par le Président de la République, les choix budgétaires pour 2004 sont également un signal fort adressé aux chercheurs.

Dans un contexte économique difficile, le BCRD augmente en effet, à périmètre constant, de 2,2 %, et de près de 3,9 %, si l'on ajoute la dotation de 150 millions d'euros du nouveau Fonds prioritaire de la recherche.

Les chiffres sont significatifs. Les crédits du FNS et du FRT, en particulier, sont en progression.

Votre budget privilégie également la jeunesse.

Vous avez saisi l'importance de la formation des futurs chercheurs, en accroissant les dotations de près de 8 % pour les porter à 305 millions d'euros. Ces perspectives volontaristes illustrent la nécessité de raisonner en termes de culture de projet et de résultat.

Vous revalorisez, pour la deuxième année consécutive, l'allocation de recherche : après une première hausse de 5,5 %, vous prévoyez une augmentation supplémentaire de 4 %, soit une progression de 15 % depuis 2002.

De même, le nombre de conventions CIFRE augmente de 300, soit une hausse de 35 % par rapport à 2003. Les 400 contrats post-doc, qui avaient rencontré un vif succès l'an dernier, verront leur nombre augmenté de 200. Enfin, vous garantissez une couverture sociale aux doctorants, notamment pour la maladie et la retraite. Vous remédiez ainsi à une grave injustice que vos prédécesseurs avaient refusé de prendre en considération.

Rendre les métiers de la science attrayants, attirer dans nos équipes de recherche des compétences étrangères, assurer le retour de nos plus brillants chercheurs, favoriser la mobilité vers l'entreprise, sont autant de défis que notre pays se doit de relever pour préparer l'avenir. Votre budget y contribue.

S'agissant des organismes de recherche, les moyens sont globalement maintenus et l'accent est mis sur la souplesse dans le recrutement, qui doit permettre une mobilisation sur des thèmes prioritaires. J'y insiste, car il est faux de prétendre qu'un contrat à durée déterminée est synonyme de précarité (Rires sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Gouriou - Et les emplois-jeunes ?

M. Pierre Lasbordes - Cette politique courageuse et pragmatique répond à la volonté des directeurs d'organismes de pouvoir recruter rapidement sans avoir à attendre jusqu'à un an comme c'est le cas aujourd'hui.

Pour 2004, tous les départs en retraite seront remplacés, dont 550 sous forme de CDD. Ce niveau ne sera pas atteint dans tous les ministères. Ces contrats de 3 ou 5 ans pourront être financés sur les ressources propres des EPST ou sur des crédits publics. En outre cette plus grande souplesse dans le recrutement participe à l'allégement nécessaire des procédures administratives. En effet, ce secteur ne peut plus faire l'économie de réformes profondes de ses structures dont le poids étouffe les initiatives (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Que de temps perdu par les chercheurs à résoudre des problèmes administratifs ! Et cela alors que la recherche est un domaine particulièrement concurrentiel.

Du moins peut-on déjà se féliciter de la réforme du code des marchés publics que le précédent gouvernement avait rendu si complexe qu'il était totalement inadapté pour la recherche. Sans doute aurait-il été préférable de s'affranchir totalement du code dans ce domaine, en prévoyant des contrôles a posteriori très stricts. Mais ces aménagements sont déjà bienvenus.

Parmi les mesures simples qu'on pourrait rapidement appliquer, j'insiste sur la transmission aux laboratoires au plus tard au 31 janvier de leur lettre de cadrage budgétaire.

D'autre part, la recherche ne pourrait-elle devenir un secteur pilote de la réforme de l'Etat ? Moins de travail administratif, c'est autant de temps supplémentaire pour la recherche. L'essentiel serait d'établir une culture de confiance dans les relations quotidiennes entre chercheurs et administrations.

Je souligne également l'importance des mesures favorables à l'innovation. Ainsi, le crédit impôt recherche devient plus incitatif avec la prise en compte d'une partie du volume des dépenses, l'élargissement de l'assiette et la réévaluation du plafond. De même, vous soutenez les investisseurs providentiels et la jeune entreprise innovante. Toutes ces mesures représentent un effort de un milliard en année pleine. Vous avez su ainsi répondre à l'attente des professionnels de l'innovation et des chefs d'entreprise. Je vous en félicite.

Dans le même esprit, je ne doute pas qu'avec M. Gaymard, vous serez attentive à la recherche appliquée au secteur agricole, qui intéresse des centaines de milliers d'exploitants. Pouvez-vous nous confirmer que les instituts et centres techniques agricoles garderont le même montant de ressources ?

Une politique de la recherche doit avoir des objectifs clairs pour susciter l'adhésion. En outre, il est inhérent à la démocratie de généraliser le savoir. Or sa diffusion n'est pas satisfaisante et, comme le souligne un rapport du Sénat, il faudrait en faire une priorité nationale.

Des initiatives existent, mais trop éparses et limitées. La diffusion de la culture scientifique doit commencer dès le plus jeune âge. Il faut également assurer plus de cohérence dans l'action des différents acteurs, et faire de la diffusion de cette culture scientifique et technique un enjeu de l'aménagement du territoire. La cité des Sciences et de l'industrie ne pourrait-elle prendre l'initiative d'une vaste coordination ? Enfin, les médias devraient se mobiliser davantage sur les sujets scientifiques et l'évaluation de la carrière des chercheurs tenir compte de cette mission de diffusion des connaissances.

Combler le fossé entre la science et les citoyens, retrouver la confiance dans le progrès des connaissances sont des moyens de lutter contre la désaffection des jeunes pour les métiers scientifiques. De même, nous sommes nombreux à réclamer l'organisation au Parlement d'un vaste débat, comme c'est le cas sur l'avenir de l'école. Il faut aller à la rencontre des chercheurs.

M. Alain Gouriou - Les chercheurs sont dans la rue !

M. Pierre Lasbordes - Pas très nombreux.

Votre budget privilégie une politique offensive de la recherche. Celle-ci doit devenir une priorité stratégique dans une économie tournée vers la connaissance et la communication, une culture de projet et de résultat, de confiance et d'excellence scientifique.

Le groupe UMP vous apporte son plein soutien et votera ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 10 heures 50 est reprise à 10 heures 55

M. Jean-Yves Le Déaut - J'aurais voulu pouvoir dire que la recherche est redevenue une priorité nationale. Malheureusement, le budget 2004 n'est guère meilleur que le précédent, même s'il a été quelque peu maquillé pour lui donner meilleure figure.

Depuis deux ans, gels et annulations de crédits ont fait de la discussion budgétaire un exercice bien virtuel. Dans un mois, Bercy peut très bien supprimer les crédits que le Parlement aura votés, pour réduire un déficit qui va s'aggravant. D'ailleurs, pouvez-vous nous dire quel sera le niveau d'exécution du budget voté pour 2003 ?

Le BRCD a-t-il été réellement ponctionné de 350 millions d'euros en 2003 ? Comment pouvez-vous accepter que 230 millions de reports de crédits du second semestre 2002 n'aient toujours pas été versés il y a quelques semaines ? Quand le seront-ils ?

Du fait de cette rigueur qui se prolonge depuis deux ans, les laboratoires sont aujourd'hui exsangues, aux dires mêmes des responsables du CNRS, de l'INRA et de l'INSERM. Certains sont en cessation de paiement, puisqu'ils n'ont plus de quoi payer les pensions civiles du quatrième trimestre 2003 ! Les investissements lourds et mi-lourds, les achats d'équipement ont été différés, parfois supprimés. Les contrats de plan Etat-région ne sont pas respectés.

Le Président de la République avait déclaré, lors de la campagne électorale, que la France devrait consacrer 3 % de son PIB à l'effort de recherche. En prenant l'hypothèse d'une croissance moyenne de 2 % par an, il aurait fallu inscrire chaque année une hausse des crédits de 7 %, et même de 10 %, compte tenu des budgets précédents pour respecter cette promesse électorale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Las ! Vos déclarations ne sont qu'incantatoires, et les chercheurs sont démoralisés.

Un pays qui ne prépare pas aujourd'hui son avenir sera demain distancé. Les mines du XXIe siècle ne seront plus des mines de fer ou de charbon, mais des mines de matière grise. Votre budget est celui de l'illusion, car l'augmentation annoncée de 3,9 % se réduit en réalité à 1 % par rapport à la loi de finances pour 2003. Quant à l'augmentation de 1,9 % qui proviendrait d'un fonds spécial doté de 150 millions d'euros, on peut se demander quelles fondations en bénéficieront, dans la mesure où celles-ci ne sont même pas encore créées, et d'où viendront ces actifs. Qui déterminera les secteurs prioritaires et les laboratoires éligibles ? L'Etat sera-t-il garant de la qualité de la recherche et de l'aménagement du territoire ?

Enfin, je suis très inquiet quant à la politique de l'emploi scientifique. 550 postes de chercheurs et de techniciens seront supprimés, sur la base du « théorème de Lambert » : un remplacement de poste pour deux départs à la retraite. Or, avec les prochains départs, massifs, à la retraite, les organismes de recherche verront fondre leurs effectifs. Il aurait fallu justement, je l'ai écrit dans mon rapport, anticiper et mener une politique à long terme. Vous remplacez ces postes par des « posts-doc », mais quand on sait que l'âge moyen à la soutenance de thèse est de 28 à 29 ans et que celui du premier emploi dans un organisme de recherche ou une université est de 31 ou 32 ans, on peut s'interroger sur les chances, pour les nombreux autres d'être engagés dans une entreprise privée à cet âge !

Lionel Jospin avait augmenté de 5,5 % les allocations de recherche dont le niveau était misérable, vous les avez augmentés à votre tour de 4 %, mais nous sommes encore loin du compte. Songez que 7 700 emplois d'adjoints policiers ont été recrutés cette année, sans qualification, à 1 290 € par mois, alors que les doctorants en gagnent 1 190. Comprenez-moi bien : je ne conteste pas le niveau de rémunération des premiers, mais celui des seconds !

Nous devons tirer le signal d'alarme et sauver la recherche française. Parce que votre gouvernement ne donne pas la priorité à la recherche, le groupe socialiste ne votera pas votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilbert Gantier - La recherche, c'est l'avenir. Nous en sommes tous convaincus : chercheurs, économistes, financiers, industriels. La croissance économique et le progrès social dépendent du haut niveau de la recherche scientifique d'une nation.

Pourtant, notre recherche scientifique est en danger, dans le domaine privé comme dans le domaine public, la perte de 25 % de parts de marché mondial en cinq ans par les laboratoires pharmaceutiques français en témoigne.

La France, avec un effort de recherche représentant 2,17 % de son PIB, occupe le quatrième rang des pays de l'OCDE, mais c'est sans compter les pays nordiques - la Suède, la Finlande... -, exclus de ce classement et qui consentent des efforts de recherche largement supérieurs à ceux de la France. De surcroît, l'étude de l'évolution annuelle des dépenses intérieures de recherche et développement place la France en dernière position en Europe au cours de la dernière décennie.

Pis, l'hégémonie américaine en matière de recherche scientifique ne peut être combattue avec une dotation budgétaire, à PIB corrigé, plus de trois fois inférieure à celle des Etats-Unis dans des secteurs stratégiques tels que la recherche biomédicale.

Le niveau de la France reste excellent dans des domaines comme les mathématiques ou l'astrophysique, mais il recule dans la recherche biologique ou les nanotechnologies. Nombre d'étudiants quittent notre pays pour faire carrière à l'étranger et les investisseurs et les entreprises se tournent plutôt vers les pays qui conjuguent une recherche universitaire de très haut niveau avec la recherche privée.

Dans ce contexte, l'UDF suggère plusieurs pistes : inciter les entreprises à investir dans la recherche et le développement, orienter une part de l'épargne vers ces projets, assouplir la gestion des crédits de recherche.

La recherche publique ne peut suffire ; il faut aussi développer la recherche privée.

D'autre part, des scientifiques de renom, comme le généticien Axel Kahn, soutiennent la proposition du président du Conseil stratégique de l'innovation d'affecter une part des recettes des privatisations à des projets retenus pour leur rentabilité scientifique et sociale.

Le retard de croissance actuel de la France par rapport aux Etats-Unis est dû pour moitié à l'insuffisance des efforts de recherche consentis depuis plus de vingt ans, alors qu'ils n'ont cessé d'augmenter outre-Atlantique. Le redressement de la recherche française constitue donc une urgence, pour l'avenir des générations futures.

Parce que nous vous faisons confiance, Madame la ministre, pour redresser la situation, le groupe UDF votera votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Claude Birraux - Après une année en demi-teinte, la Recherche est de retour au premier plan, et vous avez su, Madame la ministre, donner de nouvelles impulsions. Bien sûr, certains seront tentés de décortiquer les 3,9 % d'augmentation de votre budget, mais j'ai trop d'expérience pour ne pas me souvenir d'annonces budgétaires démenties par des régulations budgétaires, effaçant d'un trait de plume des promesses de fleurs qui n'avaient pas eu le temps de devenir fruits... (Sourires). On avait même inscrit dans une loi sur la recherche les taux de croissance des crédits pour la recherche publique, qui devaient entraîner automatiquement les taux de croissance de la recherche privée !

Faut-il également rappeler les propos de Claude Allègre à cette tribune selon lesquels la Recherche n'était pas la priorité du gouvernement Jospin, car il fallait d'abord la réformer ! Son successeur s'est évertué à calmer les esprits échauffés par son bouillant prédécesseur et s'est contenté de faire des annonces non financées. Il a néanmoins eu le mérite de lancer le projet Soleil, mettant fin à une querelle bien peu scientifique.

Le déclin nous guette-t-il ? Les vives réactions des chercheurs à la publication récente d'un ouvrage intitulé Le Grand Gâchis, montrent combien ce sujet est sensible. Selon le CNER, la production des scientifiques de notre pays est honorable et nous situe au cinquième rang mondial pour les publications ; en revanche, nos positions pour les dépôts de brevets se sont dégradées. On peut noter que tant le nombre que l'impact des publications britanniques sont supérieurs aux nôtres, bien que Mme Thatcher ait mis la recherche publique au Royaume-Uni au régime sec.

Tous les gouvernements ont tendance à réduire les crédits de la recherche quand la situation budgétaire est tendue. Cette politique de stop and go est préjudiciable aux organismes, qui ne peuvent plus avoir de vision à long terme. La structure trop rigide des institutions, qui les prive de la réactivité nécessaire, est également défavorable. Pouvez-vous, à ce sujet, nous indiquer, Madame la ministre, les suites concrètes données au rapport du Comité national d'évaluation de la recherche ? Enfin, l'érosion progressive de l'esprit d'excellence, le manque d'évaluation et de confrontation internationale sont une autre source de difficultés. Après des auditions de directeurs d'administration ou de laboratoires nationaux aux Etats-Unis, le rapporteur de l'Office public d'évaluation des choix scientifiques et technologiques que je suis s'est pris à rêver d'un régime présidentiel - lequel n'est pas dans notre tradition, nous dit-on - où ces directeurs en France viendraient ici défendre publiquement leurs demandes de crédits et justifier leur emploi, comme leurs homologues américains le font devant les commissions compétentes du Congrès.

C'est dire combien j'approuve, Madame la ministre, vos orientations et vos priorités : développer l'esprit d'excellence, favoriser la culture de projets, évaluer les équipes à l'échelle internationale. L'augmentation spectaculaire des crédits du Fonds national de la science et du Fonds de la recherche technologique devrait permettre de faire naître la culture de projet que nous appelons de nos v_ux. Elle est d'ailleurs d'ores et déjà la règle en Europe, mais il semble que nous ayons eu quelque mal à l'assimiler...

Le groupe UMP soutient sans réserve votre politique d'innovation, qui ne se limite pas à l'augmentation du crédit d'impôt-recherche, mais vise à créer une véritable dynamique favorable aux entreprises innovantes. Les organismes de recherche eux-mêmes en ont compris toute l'importance.

Je tiens à dire ici combien j'ai apprécié les rencontres entre l'INRA, l'INSERM et l'Office, que j'ai l'honneur de présider. Le président de l'INRA, au moment de terminer son mandat, nous a ainsi exposé la vision stratégique de l'Institut à l'horizon 2020, visant à renforcer les synergies entre tous les organismes concourant aujourd'hui à la recherche et à la formation en agronomie, et à créer des pôles d'excellence. Nous avons de même pu constater que la politique de l'emploi scientifique mise en _uvre à l'INSERM ne visait pas seulement à récompenser financièrement les meilleurs chercheurs, mais à attirer les chercheurs étrangers, à favoriser la mobilité vers l'Institut et à élever globalement son niveau de recherche. L'INSERM a ainsi créé 44 nouvelles unités de recherche en 2002.

La loi Allègre a ouvert des possibilités nouvelles considérables pour valoriser la recherche et l'innovation. Cela étant, beaucoup reste à faire pour soutenir la comparaison avec les autres pays. Il existe encore trop d'obstacles réglementaires, statutaires et de toutes sortes. La situation la plus enviable est, à mon sens, celle de l'université de Louvain-la-Neuve, où existent des règles de répartition claires pour la rétribution de la propriété intellectuelle entre le chercheur, son équipe et l'université. Celle-ci, dotée d'une structure permanente de valorisation de la recherche, peut créer des start-up, des filiales, prendre des participations. Les sommes qu'elle consacre aux fonds d'amorçage sont équivalentes à celles que notre pays a consacrées au premier appel à projets pour entreprises innovantes. Pour que les excellentes mesures favorables à l'innovation que vous avez prises portent tous leurs fruits, il faut lever tous les obstacles réglementaires, établir des règles du jeu claires et cohérentes, mais surtout simplifier les procédures administratives, au niveau national et européen.

Je souhaiterais évoquer maintenant le cas particulier de l'Institut de recherche et de sûreté nucléaire, dont le fonctionnement est aujourd'hui gravement compromis par la carence de l'Etat, doublée d'une arrogance particulière du représentant de Bercy à son conseil d'administration. Est-il acceptable que cet EPIC soit resté sans conseil d'administration près d'un an ; que son statut particulier d'EPIC n'ait pas été pris en compte dans le calcul de sa dotation ; que les actifs de l'OPRI et son fonds de roulement n'aient pas été transférés à l'Institut ; que celui-ci soit obligé de recourir à l'emprunt en fin de mois en raison même de carences de l'Etat, que bien entendu Bercy ne tolérerait d'aucune entreprise ni collectivité ? En juin 2004, 900 agents devront choisir entre rester à l'IRSN ou retourner au CEA. Il est grand temps de leur redonner confiance.

Un mot enfin de la recherche duale. La barrière étanche placée en France entre recherche militaire et recherche civile n'existe pas aux Etats-Unis, où les subventions d'Etat à la première peuvent profiter à la seconde. Une loi datant de l'époque Reagan autorise mêmes les laboratoires nationaux à céder gratuitement aux entreprises les résultats de leurs recherches, lorsque les intérêts stratégiques du pays sont concernés.

Le groupe UMP soutiendra ce budget. Afin que se mette en place la société de l'innovation que nous appelons de nos v_ux, il faut éliminer les obstacles de toutes sortes qui entravent l'esprit d'innovation, mais aussi, parallèlement, trouver de nouveaux modes de financement de la recherche, afin que puisse être atteint l'objectif de 3 % du PIB fixé par le Président de la République. Les fondations spécifiques constituent une voie intéressante : il faudra simplement veiller à ce que les procédures administratives n'en limitent pas l'efficacité. L'affectation d'une partie des recettes des privatisations serait un autre signe fort, permettant la constitution, en quelque sorte, d'un fonds d'amorçage. Nous sommes prêts à vous accompagner pour rechercher avec vous les voies de la réactivité, de la souplesse et de l'excellence. Au lieu de nous lamenter sur ces chercheurs qui recherchent le boson de Higgs ou telle particule dont les financiers n'ont que faire, faisons plutôt comme les Britanniques qui emploient trois personnes à temps plein au CERN pour se tenir au courant des résultats des recherches, déterminer lesquels sont transférables dans l'industrie, lesquels peuvent faire l'objet d'un dépôt de brevet. Nous voterons bien entendu ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jacques Domergue - Après une année 2003 difficile pour bon nombre d'organismes de recherche, le budget de la recherche pour 2004 est meilleur. Le Gouvernement a visiblement pris conscience du fait que, même en période de faible croissance, un pays comme la France doit se projeter dans l'avenir et investir dans la recherche. La mondialisation est déjà très ancienne dans le domaine de la recherche et devant la menace des pays émergents, hier le Japon, aujourd'hui la Chine, notre seul salut réside dans plus de créativité et plus d'innovation. Investir aujourd'hui dans la recherche, c'est le seul moyen de préserver le potentiel des générations futures et de maintenir notre place parmi les grandes nations du monde.

Avec un BCRD en augmentation de 2,2 % et la création ou le renforcement de fonds spécifiques, vous adressez un signal fort à l'intention des scientifiques. Les moyens de la recherche progressent de nouveau.

Dans une période de réduction de l'emploi public, le maintien en nombre des emplois scientifiques mérite d'être souligné. Le remplacement des fonctionnaires partant en retraite par des contractuels sera compris des chercheurs à condition que cette procédure soit limitée dans le temps, sous peine de « défonctionnariser » la recherche, selon les termes mêmes d'un directeur du CNRS, et que ces emplois en CDD soient plus intéressants sur le plan financier que les emplois sécurisés qu'ils sont censés remplacer.

La culture de projet recherchée doit permettre de donner la souplesse - indispensable dans un secteur par nature en perpétuel mouvement.

Il faut également favoriser le retour en France de nos post-doctorants. Environ la moitié d'entre eux travaillent aujourd'hui à l'étranger, où les conditions matérielles qui leur sont offertes sont souvent meilleures. L'effort consenti cette année, avec cinq millions d'euros prévus pour revaloriser leur situation, devra être poursuivi et amplifié.

L'effort fait pour la recherche dans les entreprises privées va lui aussi dans le bon sens. Cela étant, les partenariats entre EPST et PME ne sont pas encore suffisants. La force des Etats-Unis en matière de recherche réside dans la richesse de leurs fondations et de leurs organismes caritatifs. Pourquoi ne pas défiscaliser les sommes versées à une université, un organisme ou un programme de recherche, à l'instar de celles affectées à l'investissement outre-mer ou à la restauration d'édifices classés ?

En période difficile, le premier réflexe de notre pays a souvent été de réduire l'investissement dans les secteurs qui ne sont pas immédiatement productifs, ou dont les résultats sont parfois peu visibles, au premier rang desquels, bien sûr, la recherche, à l'inverse d'ailleurs d'autres pays, comme le Canada qui consent actuellement un effort exceptionnel en faveur de la recherche-développement. Ce budget apporte la preuve, Madame la ministre, de la force de conviction qui a été la vôtre auprès du Gouvernement. Je tiens à vous en féliciter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies - Comme beaucoup d'entre vous l'ont souligné, le projet de BCRD pour 2004 traduit une véritable réforme. Il n'est que le levier financier d'une nouvelle stratégie visant à donner un nouvel élan à notre recherche.

La compétition mondiale ne se limite pas au domaine économique. Les savoirs, la créativité, l'innovation sont le premier de ses enjeux. Les dépenses de recherche-développement de la Chine ne viennent-elles pas de dépasser celles de la France ? Ce nouveau concurrent ne se trompe pas : il sait qu'il doit investir dans l'intelligence. Si nous ne faisons rien, nos chercheurs, avec lesquels j'ai beaucoup dialogué, que j'ai écoutés, entendus, ne pourront que continuer de se plaindre. Notre système doit évoluer. Ce budget marque « un changement fort dans la structure de l'allocation par l'Etat des moyens humains et financiers aux activités scientifiques et technologiques de la France », comme l'a relevé le CSRT dans son avis.

Mes orientations sont claires : notre recherche doit répondre au mieux aux attentes de nos concitoyens et de notre économie, aujourd'hui et demain. Pour cela, il faut qu'elle soit plus réactive, qu'elle redevienne attractive pour les jeunes et pour les étrangers, que les entreprises y trouvent la source de leurs innovations. Rien ne se fera sans une recherche fondamentale dynamique. Il est donc hors de question de l'affaiblir, de la sacrifier ou de l'opposer à une recherche plus finalisée. Elle doit, en revanche, s'adapter, s'ouvrir sur les attentes de nos concitoyens et des entreprises, en demeurant le socle sur lequel se bâtissent les véritables progrès. La découverte ne se décrète pas, elle ne se programme pas davantage. Cette évolution doit concerner chacun : scientifiques et futurs scientifiques, laboratoires publics et entreprises.

La recherche, c'est d'abord de la matière grise, c'est-à-dire des hommes et des femmes de sciences. Il faut tout faire pour attirer les jeunes vers la science. C'est pourquoi figure au premier rang de nos priorités le partage de la culture scientifique sur lequel a insisté M. Dionis du Séjour. La culture scientifique ne se réume pas à une ligne budgétaire : les actions sont nombreuses et très diverses. La Fête de la science donne à l'ensemble de la population, en particulier aux jeunes, le goût de la science et du progrès technique. Le ministère subventionne également de nombreux colloques de haut niveau où se rencontrent chercheurs, développeurs, décideurs. Même si leurs crédits ne figurent pas dans le fascicule recherche, le Muséum d'histoire naturelle, le Palais de la Découverte, la Cité des sciences et de l'industrie s'inscrivent dans la même démarche. Je crois beaucoup à ces lieux de partage de la science. J'ai d'ailleurs demandé à ces établissements d'être des têtes de pont de l'animation de la culture scientifique dans les régions, trop souvent oubliées.

Oui, la diffusion la plus large de la culture scientifique est indispensable pour créer des vocations scientifiques et pour vaincre les peurs et les frilosités. C'est un gage de meilleure compréhension, de partage des enjeux et des décisions. Je ferai, en décembre, une communication en conseil des ministres à propos de la culture scientifique et technique, en tirant bénéfice de deux rapports parlementaires très riches, celui des sénateurs Laffite, Blandin et Renar, et celui du député Hamelin.

M. le Rapporteur spécial - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Ce qui empêche les étudiants de s'engager dans la recherche, c'est le manque de débouchés et la faiblesse des rémunérations offertes à des bac+5. Comme l'a rappelé Mme Le Brethon, je poursuis donc cette année l'effort destiné à rendre la recherche plus attractive, en revalorisant de 4 % l'allocation, qui aura ainsi progressé de 15,7 % depuis 2002, en assurant une couverture sociale aux thésards, en transformant 300 allocations de recherche classique en bourses CIFRE, qui donnent de bons résultats en termes d'emploi puisque 95 % des thésards trouvent un travail dans les trois mois, dont 90 % dans des entreprises. Or nous manquons de chercheurs dans les entreprises. Si nous souhaitons ouvrir plus de perspectives d'emploi scientifique, nous devons proposer des formations plus ouvertes sur l'ensemble du monde de la recherche.

Les 400 contrats pour post-doctorants que j'avais créés l'an passé ont connu un vrai succès ; il y en aura 200 de plus l'an prochain. Désormais, nos jeunes docteurs n'ont plus besoin de s'expatrier mais simplement de changer de laboratoire.

Nous proposons aussi, M. Domergue l'a évoqué, des mesures d'aides au retour pour les post-doc actuellement à l'étranger et des mesures incitatives pour les chercheurs étrangers qui intègrent des projets nationaux.

J'en viens à l'emploi public. J'y ai veillé personnellement, il n'y aura pas moins de chercheurs dans les laboratoires en 2004. Il y en aura même 200 de plus avec ces post-docs. Dans la mesure où 1 600 personnels des EPST partiront l'an prochain, dont 1 050 à la retraite, il y aura 1 050 recrutements de fonctionnaires et 550 de contractuels. Ces derniers sont déjà près de 1 000, dont le recrutement devait être gagé sur des emplois budgétaires. Ils sont là parce que c'est nécessaire. Aujourd'hui, nous en prenons officiellement acte et nous en faisons un axe de notre politique, afin de pouvoir recruter vite, sans attendre dix-huit mois un concours, afin de conduire un projet urgent par exemple face à l'épidémie de SRAS et pour éviter qu'un excellent chercheur parte à l'étranger. Ces emplois sur projets sont essentiels pour que notre recherche soit réactive et compétitive. Il ne s'agit pas de supprimer les emplois de fonctionnaires, car ce statut peut être également adapté à la recherche, mais d'introduire plus de souplesse. Le statut de chercheur permanent est, pour certaines disciplines et à un moment donné de la carrière, un atout de notre système de recherche, qui nous est envié à l'étranger. Il n'est pas dans mon intention de le faire disparaître, Monsieur Cohen ! Simplement, nous diversifions les statuts parce que c'est nécessaire et demandé. J'ajoute que ces 550 postes contractuels ne représentent que 1,2 % de nos 40 000 emplois scientifiques publics. Il n'y a là aucune précarisation, Monsieur Le Déaut.

Au moment où les départs en retraite sont nombreux et où se pose la question du renouvellement de notre force de recherche, nous serions coupables de reproduire à l'identique la structure des emplois et de ne pas donner à nos laboratoires toute la réactivité et la capacité de redéploiement dont ils ont besoin. J'ai sollicité nos organismes de recherche pour travailler en commun à la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences.

La volonté politique forte d'inciter les entreprises à augmenter leur investissement en recherche et développement doit naturellement s'accompagner d'un élargissement des perspectives d'emploi scientifiques dans l'entreprise, d'où l'importance d'organiser les passerelles et les formations, le plus en amont possible.

Comme l'a fait observer M. Dionis du Séjour, l'émulation passe par la récompense des performances, donc par la systématisation de l'évaluation. L'évaluation individuelle du chercheur ne peut plus se réduire à la traditionnelle bibliométrie ; il faut mieux tenir compte de la participation à la diffusion des connaissances, des activités d'enseignement, d'administration de la recherche, de la participation au dépôt de brevets et de la conclusion de partenariats entre recherche publique et recherche en entreprise.

M. Gilbert Gantier - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Ces critères seront pris en compte sous forme de primes, dès cette année, en application du plan innovation.

Avec l'évaluation et la reconnaissance, sociale et financière, l'excellence sera aussi encouragée car elle fonde la confiance dans la science et les progrès techniques. C'est en assurant moyens, souplesse, simplification, autonomie et responsabilisation, perspectives lisibles et attractives, reconnaissance que nous rendrons la recherche française attractive.

Nos laboratoires publics sont le deuxième axe de cette nouvelle stratégie, car c'est là que se forment les savoirs de demain et que se trouve la recherche fondamentale. La nouvelle culture liée à l'évaluation doit présider à ces modifications. En effet, Monsieur Birraux, passer d'un financement de structure à un financement sur projet est un changement important.

Les moyens des EPST et EPIC sont constants mais ils n'en demeurent pas moins à des niveaux raisonnables. Cette stabilisation exprime un choix clair : celui de réformer le financement de la recherche progressivement, sans heurts, en cohérence avec les évolutions européennes, qui privilégient le financement par projet.

En effet, les fonds du ministère, le FNS, le FRT sont en forte augmentation : de 25 % en y intégrant les contributions du ministère de la défense.

Ces fonds financent des projets et une part importante des organismes de recherche EPST et EPIC. Ces instruments puissants orientent notre recherche fondamentale et appliquée et renforcent les liens entre les entreprises et les laboratoires. Il nous faut aussi concentrer des moyens et des équipes sur des projets prioritaires, développer des pôles de compétences en région en associant universités, grandes écoles, organismes de recherche, monde de l'entreprise, collectivités territoriales.

En cohérence avec la stratégie de l'Etat, j'ai demandé aux organismes d'orienter également leur financement vers la culture de projet. De même que la performance individuelle est aujourd'hui évaluée, la performance collective de ces projets devra l'être également car c'est de sa qualité et de sa reconnaissance internationale que viendront de nouveaux projets, de nouveaux partenaires, de nouveaux financements et que se formera ce cercle vertueux qui amènera le succès à nos chercheurs comme à nos entreprises.

Pour moi, la recherche fondamentale n'interdit pas le projet. Un chercheur connaît son projet de recherche. Il doit désormais le formaliser, l'exprimer, en accepter l'évaluation. C'est un changement : le projet conjugue démarche d'excellence et responsabilité.

Ce BCRD n'oppose pas public et privé, fondamental et application, conceptuel et finalisé. Il marque au contraire, la volonté de s'appuyer sur la recherche fondamentale, sur nos laboratoires publics, sur nos organismes, sur des universités, qui sont un atout dans le paysage européen et mondial, pour dynamiser cette recherche et mobiliser l'ensemble des acteurs économiques.

Il est vrai, Monsieur Lasbordes, qu'il faudra aussi engager des simplifications administratives et comptables pour que les laboratoires soient plus performants et que du temps soit dégagé pour faire de la recherche plutôt que de l'administratif. Ce chantier est entamé et il sera mené à bien, par étapes, d'ici à 2006.

Notre objectif n'est pas de privatiser la recherche, ce qui serait contre-productif pour l'Etat, lequel souhaite promouvoir la science comme bien public d'intérêt collectif par une recherche indépendante et neutre, dont a parlé M. Dutoit, mais aussi performante, ouverte, capable de fournir l'expertise indispensable à la décision politique, suscitant la confiance du citoyen, faisant la fierté d'une science créatrice de savoirs et de valeurs partagées. L'objectif est un investissement de toutes les forces créatrices avec une recherche publique forte qui joue son rôle de catalyseur et de levier pour une recherche en entreprise innovante, facteur de croissance et de progrès, créatrice d'emplois et de richesses.

Une preuve supplémentaire de cette volonté de synergie est la création du Fonds de priorité de recherche, alimenté par le CAS pour 150 millions d'euros. Il aidera notamment à mettre sur pied des fondations qui associent financement public et privé, philanthropie des particuliers et intérêts économiques des entreprises. Ces fondations de recherche constituent chez nos partenaires européens ou américains des outils puissants de financement de la recherche. Nous ne pouvions être en reste. Les fondations Pasteur ou Curie, exemples du succès qui peut être obtenu dans le cadre de telles structures, doivent faire des émules tout aussi excellents et renommés. C'est dans cet esprit que s'inscrivent la loi sur le mécénat rénovée et la mobilisation des fonds du CAS.

Comme vous le savez, nous voulons porter les dépenses publiques de recherche et développement qui représentent actuellement 0,9 % du PIB, à 1 % à l'horizon 2010. Il faudra que s'y ajoutent 2 % - au lieu de 1,25 % actuellement - en provenance de financements privés pour atteindre l'objectif national et européen de 3 %. Si l'année 2004 marque une priorité gouvernementale pour la recherche, c'est que l'investissement sur l'intelligence est le pilier de la préparation de l'avenir et que nous sommes bien conscients de l'effort qui reste à faire.

Au-delà de la recherche publique, le Gouvernement s'attache à encourager les entreprises, à investir dans la recherche et le développement.

Je pense au crédit d'impôt recherche, à la jeune entreprise innovante et au statut du « business angel ». J'aurais bien sûr aimé que ces mesures fassent l'objet d'une loi spécifique, qui marque tout l'intérêt du Gouvernement pour ce domaine, mais l'important est qu'elles soient prises.

Le crédit d'impôt recherche est une mesure phare de ce projet de loi de finances. Non seulement l'accroissement des dépenses en RD sera pris en compte dans l'assiette mais également leur niveau. Le relèvement du plafond, l'élargissement de la base des dépenses éligibles et le fait que les partenariats avec les laboratoires publics comptent double contribueront à doper le CIR, de façon à doubler cette réduction d'impôt et, je l'espère, à toucher sept fois plus d'entreprises.

Le statut de la jeune entreprise innovante vise les entreprises qui se créent autour de projets de RD et d'innovation et qui supportent de lourdes charges d'investissement et de développement avant de commercialiser leurs produits et d'accéder à la rentabilité. Il faut les aider à passer ce cap difficile.

Le statut de « business angel » vise, lui, toutes les jeunes entreprises. Il s'agit d'accroître le nombre des « investisseurs providentiels » qui sont susceptibles de leur apporter à la fois des capitaux et leur expérience de la gestion et du développement. A l'heure actuelle, cette catégorie d'investisseurs est proportionnellement dix à vingt fois moins représentée en France que dans les économies anglo-saxonnes.

Notre volonté, c'est de rendre attrayantes la recherche publique comme la recherche en entreprises. Non seulement nous ne les opposons pas mais au contraire nous encourageons les synergies. J'ai déjà évoqué les partenariats et les primes. Il me semble également important que les jeunes chercheurs connaissent mieux le monde de l'entreprise et soient sensibilisés aux règles de la propriété intellectuelle.

Les moyens de la recherche augmentent de 3,9 % en dépenses, mais avec les dépenses fiscales qui accompagnent ce mouvement de réforme, ce sont en réalité près de 8 % de moyens supplémentaires que nous proposons de mobiliser pour aller vers l'objectif des 3 %. Il reste cependant encore beaucoup à faire et à imaginer, et parmi les pistes possibles, celle évoquée par M. Gantier en vue d'orienter une partie de l'épargne vers des investissements en recherche sera explorée.

Notre stratégie n'aura toute sa cohérence qu'avec la mobilisation de tous les acteurs de la recherche, l'adhésion de citoyens confiants dans les progrès maîtrisés de la science et le soutien des responsables politiques conscients des enjeux que représente l'investissement dans l'intelligence. Dans la société des savoirs qui se met en place aujourd'hui, la recherche est en effet déterminante pour l'avenir de nos enfants et pour la préservation de la planète où ils vivront. Elle a aussi vocation à leur proposer des rêves et des conquêtes à entreprendre avec passion.

Je n'oublie pas l'Europe, Monsieur Gatignol, car l'objectif des 3 %, les thématiques, les stratégies et l'organisation de la recherche dépendent bien sûr beaucoup de nos partenaires de l'Union européenne, qui s'est, elle aussi, saisie de la recherche dans son initiative de croissance. Qu'il s'agisse du secteur spatial ou du projet ITER, vous connaissez tous ma mobilisation en faveur de l'Europe, avec la France comme chef de file. J'aurais aimé vous parler des priorités thématiques de notre recherche et de sa qualité, ce serait passionnant, mais nous n'en avons pas le temps. C'est pourtant le lieu et je souhaite avoir l'occasion de convaincre la représentation nationale du potentiel de notre recherche...

MM. François Brottes et Pierre Cohen - Il fallait venir en commission !

Mme la Ministre déléguée - Je suis à votre disposition et j'ai bien volontiers répondu à l'invitation de vos collègues sénateurs des commissions des affaires économiques et culturelles.

C'est avec confiance et lucidité que je vous demande de voter ce budget ambitieux d'actions et de réformes, qui s'inscrit dans une volonté de construire l'Europe de la recherche, je dirais même : un espace européen de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. La proposition que j'ai faite dans le cadre de la LOLF de mettre en place, au niveau national, une mission interministérielle associant enseignement supérieur et recherche relève du même esprit. Il s'agit de faire en sorte que ces deux domaines restent une priorité dans les années à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

QUESTIONS

M. Alain Gouriou - La recherche dans le domaine des télécommunications et des nouvelles technologies apparaît de plus en plus dispersée, entre les centres de recherche des opérateurs - au premier rang desquels France Télécom -, ceux des industriels équipementiers, les écoles supérieures des télécommunications, les autres grandes écoles, les laboratoires universitaires... Assumée il y a encore quelques années par le CNET, la recherche fondamentale dans ce domaine n'apparaît plus nulle part comme une priorité, alors qu'elle est à la base de la réussite de notre pays dans ce secteur pendant plus de trente ans.

Vous faites état, Madame la ministre, d'une réflexion sur la création d'un grand instrument de recherche nationale, constitué d'une plate-forme expérimentale qui associerait les principaux organismes de recherche, les collectivités territoriales et les industriels.

Les différents acteurs de la technopole de Lannion ont précisément proposé à la DATAR plusieurs projets en ce sens : création d'un centre commun pour la recherche en télécommunications, nouvelles technologies et multimédia, création de deux plates-formes expérimentales sur les fibres optiques spéciales et sur les transmissions optiques à très haut débit, étude et développement de technologies au service de personnes handicapées ainsi que de technologies appliquées à la sécurité - deux domaines jugés prioritaires par le Président de la République.

Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur ces projets, Madame la ministre ? Et pouvez-vous nous dire quels sont les moyens attribués en 2004 au réseau national de recherche en télécommunications ?

Mme la Ministre déléguée - Créé en 1997 par M. Fillon et renouvelé en 2003, après une évaluation menée par un cabinet d'audit externe, le RNRT a pour objectif de renforcer le potentiel d'innovation des acteurs français du secteur des télécommunications.

L'évaluation menée en 2002 a montré que ce réseau avait largement atteint ses principaux objectifs, à savoir la restructuration durable de la recherche dans le secteur des télécommunication et le développement de celle-ci. Il a contribué à l'animation scientifique du domaine et à la mise en place de nouveaux services. Le RNRT doit maintenant prendre part à la construction de l'Espace européen de la recherche et associer plus étroitement les PME.

Le Gouvernement a pleinement conscience des atouts du bassin du Trégor dans le domaine des télécommunications et la politique qu'il conduit de promotion de l'internet haut débit et de libéralisation des technologies alternatives bénéficie à des entreprises et des start-up de la région.

Le plan stratégique mis en place fin 2002 par le nouveau président de France Télécom a fixé comme priorités l'innovation et la recherche.

Les NTIC sont pour leur part au service de deux priorités nationales : la sécurité routière et la lutte contre le handicap. Votre région contribue tout particulièrement à la seconde, notamment grâce à l'ENSTB et ses réalisations seront prises en compte dans le programme « Technologie et handicap ».

M. Christian Bataille - Conformément à la logique budgétaire que vous affichez - les entreprises doivent prendre le relais d'un Etat défaillant - vous annoncez la création d'un nouveau fonds, le fonds prioritaire de la recherche. Le dossier de presse censé présenter votre budget se contente de préciser que « les financements alloués à ce nouveau fonds pour des projets prioritaires seront ciblés sur un nombre limité de projets de grande ampleur dans un objectif d'efficacité ». Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Il faut en effet se reporter à l'exposé des motifs de l'article 52 du projet de loi de finances pour voir se dessiner le chemin que le Gouvernement tente de prendre. Ce fonds se verrait affecter, sur les recettes d'un compte d'affectation spéciale, d'une dotation de 150 millions d'euros. Une fondation privée destinée à financer les grandes priorités en matière de recherche serait une première en France. Est-ce au modèle américain que vous vous référez ? Quel contrôle public sera exercé sur cette fondation ? Je comprends que vous vouliez profiter des avantages fiscaux que la loi sur le mécénat consent aux entreprises faisant des dons aux fondations. J'ai même cru comprendre que ces avantages pourraient profiter à une autre nouvelle fondation, d'une autre nature...

Le développement de la recherche privée ne doit pas être une alternative à la recherche publique. Je vous remercie de bien vouloir nous rassurer.

M. Pierre Cohen - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Votre question me permet d'évoquer les thèmes prioritaires de recherche qui seront financés en partie par le fonds, mais aussi par le FNS et le FRT.

Quatre priorités ont été retenues : la recherche pour la santé, notamment le cancer, le vieillissement ou les maladies infectieuses ; le développement durable, en particulier les énergies et le véhicule propre ; la sécurité alimentaire et sanitaire, avec la gestion des ressources en eau ; la culture scientifique. Des appels à projets vont être lancés pour le FNS et le FRT, comme à l'accoutumée.

Pour le FPR, nous nous attachons à constituer, autour de projets de recherche correspondants à nos priorités, des « tours de table » avec des industriels afin d'obtenir le meilleur effet de levier possible entre financement public et financement privé.

Nous avons mobilisé l'ensemble des organismes de recherche pour esquisser ce que pourraient être de nouvelles fondations de recherche. Des projets nous ont été soumis par l'INRETS dans le domaine de la sécurité routière, par l'INSERM dans celui des essais précliniques, par l'INRA dans celui de la sécurité alimentaire.

L'Institut Pasteur et l'Institut Curie ont également des projets qui nous semblent pouvoir entrer dans le champ de ce nouveau Fonds. Et je n'oublie pas les institutions de culture scientifique, qui ont également des propositions à nous soumettre pour soutenir la diffusion du savoir.

Il nous faut maintenant mobiliser les industriels. Nous nous y employons. Je pense que plusieurs de ces projets pourront être concrétisés en 2004.

Le vote de l'article 52 nous donnera davantage de flexibilité dans l'utilisation de cet outil déjà connu dans de nombreux pays européens et aux Etats-Unis.

M. Gilbert Gantier - Le Gouvernement s'est engagé à présenter une loi d'orientation sur la politique énergétique de la nation avant la fin de l'année 2004. L'enjeu est de préparer notre avenir en assurant à la fois le développement durable et l'indépendance énergétique de notre pays.

Grâce à une politique énergétique constante, la France est aujourd'hui un des leaders mondiaux de l'industrie électronucléaire. L'enjeu industriel est de taille pour AREVA, EDF et l'ensemble du secteur. Le débat s'est centré sur l'opportunité du lancement d'un réacteur nucléaire nouveau, de type EPR.

Nous devons réduire notre consommation pétrolière. L'énergie nucléaire présente un triple avantage : indépendance énergétique, coût raisonnable, absence de production de gaz à effet de serre. Quelle est la position du Gouvernement sur le lancement d'une nouvelle génération de réacteurs nucléaires ?

M. Claude Birraux - Très bien !

Mme Mignon remplace M. Le Garrec au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Mme la Ministre déléguée - Le Gouvernement a voulu organiser au premier semestre 2003 ce débat national sur les énergies afin de répondre aux défis qui nous attendent : réchauffement climatique engendré par les rejets de gaz à effet de serre, nécessité d'une politique énergétique qui prenne en compte les évolutions et les réalités économiques.

Le Livre Blanc sur l'énergie, présenté la semaine dernière par Nicole Fontaine, récapitule les objectifs et les orientations de la politique de l'énergie et présente des propositions chiffrées, qui ont vocation à figurer dans le projet de loi d'orientation sur les énergies.

L'une des questions à laquelle la concertation devra répondre est le choix de maintenir l'option nucléaire ouverte, choix qui devra être validé dans le cadre du projet de loi pour permettre à EDF de lancer la construction d'un démonstrateur EPR.

Quelle stratégie choisir pour préparer au mieux l'échéance de 2020, date de la mise en arrêt progressive du parc actuel ? C'est dans ce contexte que se pose la question du lancement d'un démonstrateur du réacteur européen à eau pressurisée EPR.

L'EPR ne représente pas une révolution par rapport aux générations de réacteurs précédentes. Il comporte certes des améliorations très notables en termes de sûreté et de radioprotection, mais s'inscrit dans la continuité de l'évolution technologique. Sa maturité technologique en garantit ainsi la maîtrise et la sécurité.

La génération IV doit évidemment bénéficier d'un effort de recherche important : elle constitue la perspective naturelle pour le renouvellement des centrales actuelles. Mais il faut garder le sens des responsabilités. La mise au point vers 2040 de la « génération IV » des centrales nucléaires permettra effectivement de franchir une étape décisive avec la réduction des déchets nucléaires produits mais elle suppose que l'on prolonge la durée de vie de nos centrales actuelles jusqu'à soixante ans au moins, ce qui est très hasardeux. La réalisation de l'EPR dès aujourd'hui est donc un élément important pour le maintien de nos compétences, afin de pouvoir développer les générations futures de réacteurs. Sans ces compétences, la France risquerait de perdre la place qui est la sienne aujourd'hui.

M. Frédéric Dutoit - L'avenir de la recherche française sur le sida est étroitement lié à celui de l'Agence nationale de recherches sur le sida.

Financée sur fonds publics, l'ANRS est un groupement d'intérêt public qui associe les ministères de la recherche, de la santé et des affaires étrangères, ainsi que l'INSERM, le CNRS et l'Institut Pasteur.

Les chercheurs, médecins et associations reconnaissent le rôle capital de cette agence unique en Europe. Pourtant, son budget est reconduit sans hausse pour financer ses nouvelles missions sur les hépatites B et C.

En 2004, la subvention du ministère de la recherche sera de 36,7 millions d'euros. Comme en 2003, avant les gels de crédits. Seuls des fonds incitatifs pourraient, selon vous, permettre à cette agence d'accroître ses moyens. Voilà qui est bien aléatoire !

C'est l'ensemble de la recherche contre le sida qui est aujourd'hui menacé par cette frilosité budgétaire. La recherche publique risque d'être supplantée par les laboratoires pharmaceutiques privés, dont les études ne garantissent ni interdisciplinarité, ni indépendance, ni transparence, ni neutralité.

A l'heure où les pouvoirs publics envisagent la création d'une agence de recherche sur le cancer, l'affaiblissement de l'ANRS demeure impensable. Un contrat d'objectif négocié avec votre ministère permettrait cependant de rationaliser les fonds pour la recherche dans le domaine du sida et de l'hépatite. Pouvez-vous informer la représentation nationale à ce sujet ?

Mme la Ministre déléguée - Les budgets des établissements publics de recherche, hors masse salariale, ont été reconduits pour 2004. L'ANRS a connu le même traitement que les autres. Dans le cadre d'une politique visant à renforcer la culture de projet, je me suis cependant engagée à abonder ce budget, via les fonds incitatifs, sur des actions bien définies. Ceci permettra, au vu des propositions de l'Agence, d'augmenter ses moyens pour faire face à ses nouvelles missions de recherches sur les hépatites B et C, sans pénaliser la recherche sur le sida.

Concernant les moyens spécifiques aux hépatites, je rappelle que les équipes qui travaillent avec des financements de l'ANRS reçoivent déjà des budgets récurrents de leurs organismes - INSERM ou CNRS - figés en général pour quatre ans. La montée en puissance des moyens de l'ANRS ne peut se faire que sur deux ou trois ans, mais j'ai déjà débloqué 1,2 million de plus pour lancer les travaux.

Pour bien affirmer l'engagement de l'Etat, j'ai proposé au directeur général de l'ANRS de mettre en place une contractualisation pluriannuelle, comme vous l'avez évoqué. M. Kazatchkine et son équipe sont très mobilisés pour le préparer et en discuter avec les partenaires du GIP. L'adoption formelle pourrait avoir lieu début 2004, au moment du renouvellement du GIP.

M. Frédéric Dutoit - Je vous remercie pour cette réponse, car la question est importante pour les équipes concernées.

Les crédits de l'Institut national de la recherche sur les transports et la sécurité, l'INRETS, acteur majeur dans son domaine, diminuent de 14,8 %. En favorisant le recrutement de contractuels de longue durée, vous prétendez instaurer une gestion plus souple, mieux adaptée aux besoins des laboratoires et susceptible d'attirer les scientifiques étrangers. Mais la précarité institutionnalisée ne favorise pas la créativité ou l'implication des chercheurs. Les post-doctorants passent beaucoup de leur temps à chercher un emploi stable.

Déjà, dans cet établissement comme dans bien d'autres, des pans entiers de la recherche reposent sur des personnels à statut précaire non renouvelable. Le Gouvernement sacrifie l'INRETS alors qu'il se targue de faire reculer la violence routière - mais pour cela, il privilégie la répression. Ne faut-il pas un équilibre entre prévention, grâce à la recherche, et répression ?

Mme la Ministre déléguée - La sécurité routière est une priorité du Gouvernement, et les efforts collectifs ont permis de réduire le nombre de tués de 25 % en un an. Mais il faut aller plus loin, grâce à la recherche. L'INRETS ainsi que le LCPC sont très impliqués dans la prévention.

Le Comité interministériel de décembre 2002 sur la sécurité routière a, sur ma proposition, lancé des programmes importants de recherche en sécurité routière. Sur le plan technologique, les crédits du Fonds de recherche technologique permettent de renforcer l'action du PREDIT. Le Fonds national de la science finance d'autres études sur les comportements au volant, la prise de drogue, l'hypovigilance.

Le budget est donc au service d'une stratégie et dans ce cadre, le Gouvernement a orienté les actions de l'INRETS vers des sujets prioritaires. Les contractuels recrutés le sont spécifiquement sur ces actions. L'INRETS a également proposé une fondation pour la sécurité routière ; nous réfléchissons actuellement au tour de table. Sur ces projets, des formes d'emploi souple sont nécessaires. Mais l'action conjointe avec des industriels permet aussi de donner aux jeunes des perspectives d'emploi.

Quant à la baisse des dotations, l'INRETS a en caisse une année de crédits de paiement. Par souci de bonne gestion, nous lui avons demandé de consommer ces reliquats.

M. Jean-Louis Léonard - Le Gouvernement a présenté le 15 septembre un plan « véhicules propres » qui devrait accélérer considérablement les recherches du PREDIT et du réseau hydrogène. Même si l'ensemble du BCRD n'est pas de votre ressort, je vous félicite de votre pugnacité pour relancer ces recherches.

Cependant elles ne vont pas sans problème, ne serait-ce qu'en raison de leur diversité. Les industriels, notamment en Asie, ont engagé des moyens considérables, mais en France, tout en étant convaincus que le véhicule des années 2020-2030 sera électrique, ils consacrent l'essentiel de la recherche aux moteurs à faible émission. De son côté, l'Union européenne vient de retenir parmi ses grands projets l'utilisation de l'hydrogène. Pouvez-vous nous indiquer les axes prioritaires que vous avez retenus, et les financements prévus pour 2004 ?

Mme la Ministre déléguée - Je sais toute votre compétence dans ce domaine et tout l'intérêt que vous lui portez.

Le plan véhicules propres privilégie cinq axes essentiels. Il s'agit d'abord de travailler sur les moteurs et carburants pour limiter les émissions de polluants atmosphériques. Il faut ensuite améliorer le stockage de l'énergie électrique dans les véhicules pour développer cette filière. Il convient également d'étudier la consommation des auxiliaires, notamment la climatisation. Ensuite, un sujet d'importance est la réduction du bruit, notamment pour anticiper la réglementation européenne. Enfin, il faudra étudier le développement de la pile à combustible, comme énergie d'appoint ou comme mode de propulsion : il s'agit là d'une véritable rupture technologique, car tout l'intérêt de la pile à combustible est de n'émettre aucun polluant, mais il reste à résoudre les problèmes de stockage de l'hydrogène, notamment du point de vue de la sécurité. Nous travaillons à tout cela dans un cadre non seulement européen mais aussi mondial.

En 2004, nous affectons 31 millions d'aides supplémentaires à la recherche sur ces thèmes, définis en concertation avec les industriels et avec le PREDIT.

Mme la Présidente - J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Jeunesse, Éducation nationale et recherche ».

ÉTAT B

Les crédits inscrits au titre III, mis aux voix, sont adoptés.

TITRE IV

M. Pierre Cohen - Un seul de nos amendements a été retenu, mais nous pourrons reprendre le débat sur les autres points à l'occasion des projets que vous nous soumettrez.

Les crédits du titre IV sont réduits de 4,6 millions d'euros. Notre amendement 270 tend à les rétablir, car la communauté scientifique et les médias ont souligné le danger de la politique que vous menez.

Nous proposons d'abord de majorer de 3,45 millions d'euros les crédits du CEA, qui a permis ces dernières années la diversification de la recherche fondamentale et appliquée. Amputer ses moyens est contradictoire avec la volonté du Président de la République de développer les énergies renouvelables.

En second lieu, nous sommes attachés comme vous à la culture scientifique et technique. C'est pourquoi nous voulons augmenter de 1,15 million d'euros les crédits de l'agence de diffusion de l'information technologique, dont le rôle est essentiel dans ce domaine.

M. le Rapporteur spécial - La commission des finances n'a pas examiné cet amendement, aussi m'exprimerai-je à titre personnel.

Tout d'abord, je note que vous réclamez une augmentation de crédits pour un organisme qui ne l'a pas demandé... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Ensuite, la plupart des EPST et EPIC bénéficient, dans l'ensemble, de dotations identiques voire supérieures à celles de l'année précédente. Certains voient leurs moyens sensiblement augmentés pour des raisons liées à leurs structures ou à leurs objectifs : c'est le cas du CNES. Quant au CEA, il a fait des propositions budgétaires s'inscrivant dans une meilleure allocation des ressources et dans un programme interne d'économies. Au demeurant, la création de nouveaux fonds lui permettra de disposer, au total, de ressources fortement accrues (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Quant aux actions de diffusion de la culture scientifique, les crédits qui leur sont destinés sont importants, mais ils sont sujets à des fluctuations annuelles : les actions conduites l'an dernier dans le cadre de la célébration du quarantième anniversaire du traité franco-allemand ne sont pas reconduites.

Mme la Ministre déléguée - Je suis sensible à votre proposition de majoration des crédits de mon ministère... (Sourires)

La diminution de ceux du chapitre 43-01 s'explique par le fait que certaines opérations exceptionnelles réalisées en 2003, comme la commémoration du traité de l'Élysée, n'auront évidemment plus lieu cette année. En outre, le financement de l'ADIT dépendra de son statut, lequel pourrait évoluer en 2004.

Quant au CEA, il a engagé une politique d'économies, qui ne remet nullement en cause ses activités de recherche. Nous y veillerons. Il dispose en outre, grâce à des partenariats avec le monde industriel, de ressources complémentaires, si bien qu'aucun des projets actuels n'est remis en cause. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.

M. Frédéric Dutoit - J'approuve cet amendement, et me réjouis que mes amis socialistes partagent le souci que j'ai exprimé dans la discussion générale. Si je conçois que les crédits soient affectés à des projets précis et non pas a priori, je ne puis m'empêcher d'être inquiet, comme l'est, d'ailleurs, le personnel de Cadarache. Si nous espérons tous que ce site accueillera le projet ITER, ils redoutent pour leur part que le devenir même du centre soit remis en cause si tel n'est pas le cas. Or, le nucléaire est une affaire suffisamment sérieuse pour que notre pays fasse tout pour se maintenir à la pointe de la recherche dans ce domaine.

M. Jean-Yves Le Déaut - Comment peut-on à la fois afficher de grandes ambitions pour la santé, l'agriculture ou l'énergie, et diminuer les crédits du CEA ? Le projet de loi d'orientation de l'énergie, dont nous allons débattre en janvier, fait presque l'impasse sur la recherche qui n'est mentionnée qu'au détour d'une phrase, mais ambitionne de développer le nucléaire et les énergies renouvelables.

Si nous voulons rester un grand pays industriel, il nous faut développer la recherche. Le sacrifice du CEA sur l'autel des restrictions budgétaires montre combien artificielle est l'augmentation affichée de votre budget. Nous vous créditons d'une réelle volonté, et sommes sûrs que vous n'approuvez pas cette baisse des moyens, vos explications embarrassées en témoignent.

L'amendement 270, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les crédits inscrits au titre IV, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits aux titres V et VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Présidente - Nous en avons terminé avec l'examen des crédits de la recherche et nouvelles technologies.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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