Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 28ème jour de séance, 72ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 20 NOVEMBRE 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

REVENU MINIMUM D'INSERTION ET REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ (suite) 2

ART. 19 2

ART. 20 3

ART. 21 3

ART. 22 4

ART. 23 4

APRÈS L'ART. 23 4

ART. 24 4

ART. 25 5

ART. 26 6

ART. 27 6

ART. 28 6

ART. 29 11

ART. 32 11

ART. 33 11

APRÈS L'ART. 34 12

AVANT L'ART. 35 14

ART. 35 15

ORDRE DU JOUR
DU VENDREDI 21 NOVEMBRE 2003 22

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

REVENU MINIMUM D'INSERTION ET REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

ART. 19

Mme Martine Billard - Mon amendement 106 est de suppression. Cet article, dans le projet initial, devait réécrire l'article L. 262-38 du code de l'action sociale et des familles. Grâce au Sénat et à notre rapporteure, nous revenons au texte du code, à une nouveauté près : la mention du RMA. Mieux vaut en rester au texte en vigueur.

Mme Christine Boutin, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Avis défavorable.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Même avis.

L'amendement 106, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 16 de la commission vise à insister sur le caractère social du RMI en plaçant les mesures d'accompagnement social en premier dans la liste des actions. Il vise aussi à ajouter la création d'une entreprise parmi les actions d'insertion.

Mme Martine Billard - Mon sous-amendement 225 vise à réintroduire dans la liste la participation à la vie civique. Vous vous souvenez qu'une femme avait perdu le bénéfice du RMI parce qu'on l'avait vue participant à une action bénévole des Restaurants du c_ur.

Quant à mon sous-amendement 226, il vise à rappeler qu'à côté du secteur marchand, le secteur associatif peut offrir des possibilités de réinsertion. Ce secteur emploie autant de personnes que l'artisanat.

Mme la Rapporteure - La commission a repoussé le sous-amendement 225, qui risque d'alourdir inutilement le dispositif, ainsi que le sous-amendement 226.

M. le Ministre - Même avis.

Mme Muguette Jacquaint - Je veux insister sur les possibilités de réinsertion dans le secteur associatif. Il existe une association caritative qui récupère et restaure les vieux meubles : elle est capable de jouer un rôle en matière de réinsertion.

M. le Ministre - Elle a une activité économique.

Mme Muguette Jacquaint - C'est de l'économie solidaire.

Mme Hélène Mignon - J'ai cosigné l'amendement de la commission, car j'ai vu dans mon département que la création d'une entreprise pouvait en effet constituer une action de réinsertion. Les entreprises ainsi créées ne sont pas plus fragiles que les autres.

S'agissant des sous-amendements, il nous faut réfléchir à ce que nous entendons par « travail ». Nous ne pourrons faire l'économie d'une définition.

Le sous-amendement 225, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement 226.

M. le Ministre - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 16.

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 17 est de précision.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - On nous dit qu'il faut absolument réinsérer par le travail. Or, ce n'est pas toujours possible.

Mon amendement 107 vise à faire en sorte que tout allocataire du RMI soit inscrit à l'ANPE. Actuellement, les allocataires peuvent l'être, mais seulement 50 % d'entre eux ont fait la démarche. Il faut rendre leur inscription automatique. Un décret préciserait les conditions d'application de cette mesure.

Mme Hélène Mignon - Mon amendement 210 est identique.

Il y a des intermittents du RMI, qui passent régulièrement d'un contrat à durée déterminée aux dispositifs d'aide. Seulement 50 % des allocataires sont inscrits à l'ANPE. Il faut que les entreprises puissent faire appel à tous ceux qui perçoivent le RMI.

Mme la Rapporteure - La commission a repoussé ces amendements.

M. le Ministre - Même avis. La moitié des allocataires sont déjà inscrits à l'ANPE et ceux qui ne le sont pas ont droit aux prestations d'accompagnement personnalisé vers l'emploi.

Hier, vous nous avez expliqué, à de multiples reprises, que de nombreux allocataires n'étaient pas capables d'occuper un emploi, si bien que ce projet n'était pas une solution. Il y a une certaine contradiction à vouloir maintenant inscrire tous les allocataires à l'ANPE.

Les amendements 107 et 210, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 19 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 20

Mme Hélène Mignon - L'amendement 121 de suppression est défendu.

L'amendement 121, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 201 est de coordination.

Mme Nadine Morano - L'amendement 66 a le même objet.

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 201, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

En conséquence, l'amendement 66 tombe.

Mme la Rapporteure - L'amendement 18 supprime l'article L. 262-38-2 du code de l'action sociale et des familles, le dispositif d'attestation trimestrielle de suivi des actions d'insertion constituant une formalité inutile dès lors qu'un dispositif d'alerte immédiate du référent social serait instauré.

Mme Nadine Morano - L'amendement 67 est identique.

Les amendements 18 et 67, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

L'amendement 52 tombe.

L'article 20 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 21

Mme Martine Billard - Notre commission avait adopté un amendement visant à rendre suspensif tout recours introduit par un allocataire du RMI frappé par une décision de suspension du versement des droits. Las, l'article 40 de la Constitution lui a été opposé. J'engage le ministre à le reprendre au nom du Gouvernement car il importe que les personnes concernées - qui bénéficient souvent d'un rétablissement de leurs droits à l'issue de l'examen de leur recours - ne soient pas privées de toute ressource au cours du délai d'instruction. Lorsque tel est le cas, elles accumulent les dettes et s'enfoncent dans l'exclusion.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 122 tend à supprimer cet article.

L'amendement 122, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 195 permet aux associations d'insertion d'agir en lieu et place des allocataires, une action en justice impliquant des débours et un suivi de la procédure qui peuvent poser problème à ces derniers.

M. le Ministre - S'agissant des recours, toutes les précautions utiles ont été prises et la nouvelle composition de la CDAS - présidée par un magistrat - donne des garanties suffisantes.

Sur l'amendement 195, je m'en remets à la sagesse de votre assemblée.

L'amendement 195, mis aux voix, est adopté, et l'article 21 est ainsi rédigé.

ART. 22

Mme Hélène Mignon - L'amendement 123 est de suppression.

L'amendement 123, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 22, mis aux voix, est adopté.

ART. 23

M. le Président - Les amendements 108 et 124, respectivement de Mmes Billard et Mignon, sont de suppression.

Les amendements 108 et 124, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Nadine Morano - L'amendement 51 récrit l'article 23.

L'article 18 dispose que le président du conseil général désigne, dès la mise en paiement de l'allocation, un référent chargé de la coordination des aspects économiques, sociaux, éducatifs et sanitaires. Le texte modifie également la rédaction de l'article L. 262-44 du code de l'action sociale et des familles, pour permettre au président du conseil général de demander à l'organisme payeur un mandatement du versement de l'allocation à un organisme agréé à cet effet, sous réserve de l'accord du bénéficiaire. Il s'agit là de l'une des nombreuses innovations du texte.

Dans le souci de recentrer les CLI sur l'action en faveur de l'insertion, l'article 23 supprime la référence à leur avis préalable à toute demande de mandatement. Plutôt que de laisser les services départementaux décider seuls de l'opportunité de demander un mandatement, il semble plus judicieux de substituer l'avis du référent à celui de la CLI. Le président du conseil général pourra ainsi bénéficier du conseil éclairé de personnes compétentes en matière sociale.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable de la commission.

M. le Ministre - Avis favorable du Gouvernement.

L'amendement 51, mis aux voix, est adopté et l'article 23 est ainsi rédigé.

APRÈS L'ART. 23

M. le Ministre - L'amendement 253 organise le transfert au département des frais de tutelle portant sur l'allocation du RMI. Ces frais sont inclus dans la compensation financière prévue.

L'amendement 253, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

ART. 24

M. Christian Estrosi - En raison de l'inefficacité maintes fois dénoncée du copilotage des allocataires du RMI, cet article place l'ensemble du dispositif d'insertion sous la responsabilité pleine et entière du président du conseil général. Demain, l'Etat ne nous apportera plus en la matière que son concours. Certains se croient autorisés à en conclure que cette approche tend à faire du président du conseil général un décideur omnipotent. En réalité, la fin du copilotage ne signifie nullement que le département se retrouve seul pour gérer le problème. Il faut rassurer sur ce point les décideurs locaux et les travailleurs sociaux. Les liens de partenariat tissés au cours des années ne se distendront pas.

Il serait absurde d'imaginer que l'inexorable montée en puissance des collectivités - à laquelle je suis du reste favorable - provoquera l'extinction du partenariat conventionnel. Oui, le leader de l'insertion sera demain le département, mais il assumera son rôle avec le concours de l'Etat, des autres collectivités territoriales et des organismes chargés de l'emploi ou de la formation professionnelle.

L'article 24, mis aux voix, est adopté.

ART. 25

Mme Martine Billard - A l'instar des CLI, le texte tend à vider le plan départemental d'insertion de tout contenu. D'accord pour « responsabiliser » les élus, mais les associations de terrain connaissent le public visé mieux que n'importe quel élu. Or on tend à les réduire à un rôle purement consultatif alors qu'elles ont vocation à co-élaborer la politique d'insertion. Il est légitime, en démocratie, que les élus décident en dernier ressort mais ils doivent s'entourer de professionnels aguerris dans les différents domaines de l'intervention sociale. Je déplore que les associations soient cantonnées à un rôle secondaire.

M. Christian Estrosi - Il n'est pas question de cela Madame Billard. Responsabiliser les élus locaux, c'est leur donner un objectif de résultats, qui les amènera naturellement à faire appel aux associations les plus performantes.

Pour avoir réalisé des audits dans mon département, je sais que certaines associations, bien que coûtant très cher, obtiennent peu de résultats quand d'autres, avec très peu de moyens, en obtiennent d'excellents. Je me félicite donc de la possibilité donnée aux présidents de conseils généraux de pouvoir enfin faire le tri entre les associations performantes en matière d'insertion et celles qui le sont moins. C'est une incitation à faire appel aux meilleures d'entre elles.

Mme Martine Billard - Dans toutes sortes de domaines, il est fréquent que les intéressés au premier chef ne soient pas associés à la prise de décision les concernant. L'amendement 109 vise précisément à ce que les associations de chômeurs et de travailleurs précaires soient représentés dans les conseils départementaux d'insertion.

Mme la Rapporteure - La commission a repoussé cet amendement.

Juste un mot sur ce que j'ai entendu tout à l'heure. Quand le travail d'une association en matière d'insertion est-il rentable ? Qu'est-ce que la performance en ce domaine ? Pour ma part, je m'interroge.

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Gaëtan Gorce - Je suis moi aussi surpris des termes employés par M. Estrosi. On ne peut pas mesurer l'efficacité, ni la performance d'une association intermédiaire ou d'une entreprise d'insertion. Il ne faudrait en tout cas pas que l'exigence de rentabilité fasse oublier celle de solidarité. Notre souci est que le maximum de partenaires, parmi lesquelles les associations, soient associés à l'élaboration de la politique d'insertion. Il n'appartient à personne de déterminer ex cathedra qui est « performant » et qui ne l'est pas en ce domaine. L'important, c'est la mobilisation de tous sur le terrain.

L'amendement 109, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Hélène Mignon - Le conseil départemental d'insertion est le mieux à même d'élaborer le programme départemental d'insertion. C'est l'organisme le plus compétent et le mieux informé pour y travailler avec le président du conseil général. Tel est l'objet de l'amendement 211.

Mme Martine Billard - L'amendement 110 a le même objet, à savoir donner toute sa place au conseil départemental d'insertion dans l'élaboration du PDI.

Mme la Rapporteure - La commission a repoussé ces deux amendements.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 211, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 110.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 125 est défendu.

L'amendement 125, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 25, mis aux voix, est adopté.

ART. 26

Mme Martine Billard - L'amendement 111 de suppression est défendu.

L'amendement 111, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - L'amendement 112 est défendu.

L'amendement 112, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 26, mis aux voix, est adopté.

ART. 27

Mme la Rapporteure - Je laisse le soin à M. Thomas de présenter l'amendement 20 corrigé, qu'il a cosigné.

M. Rodolphe Thomas - Les collectivités et les structures intercommunales sont devenues progressivement compétentes en matière d'emploi, d'insertion et de développement local. Il importe donc que soit reconnu dans ce texte le rôle, notamment financier, qu'elles jouent, en partenariat avec l'Etat, le conseil général et le conseil régional, au travers des plans locaux d'insertion et d'emploi. Tel est l'objet de cet amendement.

Mme la Rapporteure - Avis favorable.

M. le Ministre - Cet amendement ne me paraît pas relever vraiment du domaine de la loi. J'y suis néanmoins favorable. Il va de soi que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale doivent être associés.

Mme Martine Billard - Mon amendement 113 avait le même objet. Je le retire au profit du 20 corrigé.

L'amendement 20 corrigé, mis aux voix, est adopté.

l'article 27 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 28

M. Christian Estrosi - La loi de 1988 relative au RMI avait fait obligation aux départements d'inscrire chaque année à leur budget des crédits d'insertion d'un montant au moins égal à 20 % du montant des allocations de RMI servies l'année précédente sur leur territoire - obligation ramenée à 17 % par la loi de 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Chacun s'accorde à reconnaître que le faible niveau de consommation de ces crédits d'insertion, - il ne dépasse pas 50 % en moyenne - a considérablement réduit la portée de cette obligation. La Cour des comptes relevait elle-même dans son rapport de 2001 que cette sous-consommation tenait certes à une offre insuffisante d'actions d'insertion mais aussi à un manque de souplesse dans l'engagement de ces crédits. Le Sénat a donc supprimé cette obligation légale, après que vous en vous en êtes remis à sa sagesse, Monsieur le ministre. Notre rapporteure souhaite la rétablir. Je lui ai fait connaître publiquement ma position sur ce point...

Mme la Rapporteure - Médiatiquement !

M. Christian Estrosi - Je trouve infantilisant pour les conseils généraux d'être ainsi contraints par la loi. Soyez assuré que, dans un département comme le mien, nous maintiendrons le cap et continuerons à proposer des contrats d'insertion à 75 % des érémistes, quand la moyenne nationale n'est que de 48 %. Point n'est besoin que la loi nous y oblige. Je demande donc à notre rapporteure de bien vouloir retirer son amendement liberticide sur le sujet. Ne vous défiez pas des présidents de conseils généraux, Madame Boutin, vous leur feriez de la peine !

M. le Président - Mme Boutin est premier vice-président du conseil général des Yvelines.

M. Christian Estrosi - Précisément, M. Borotra est inquiet. Les présidents de conseils généraux savent ce qu'ils ont à faire. Laissons-les libres ! Ne le encadrons pas ! C'est l'esprit même de la décentralisation qui, sinon, serait dénaturé.

Mme Muguette Jacquaint - Malgré le rappel à l'ordre de M. Estrosi, je soutiendrai la rapporteure. Permettez-moi un bref rappel historique. L'avant-projet de loi prévoyait l'abrogation du principe de l'inscription obligatoire de ces 17 %. Cette obligation faite aux départements, qui garantit leur engagement dans les actions d'insertion et une certaine égalité de traitement sur l'ensemble du territoire, a été réintroduite in extremis dans le projet. Pour nous, comme pour les associations, c'est un point important : en quelque lieu qu'elles résident, les personnes les plus fragiles sont en droit d'attendre des pouvoirs publics la même solidarité nationale.

Vous avez confirmé au Sénat, Monsieur le ministre, que le Gouvernement ne maintenait cette obligation que pour donner des gages aux associations, par ailleurs très critiques envers ce projet, et vous avez considéré qu'il ne fallait pas, au moins dans un premier temps, prendre le risque de provoquer une baisse des crédits d'insertion. Mais un amendement de la commission des finances du Sénat a supprimé cette garantie sans réelle opposition de votre part, Monsieur le ministre. A nouveau la majorité parlementaire et le Gouvernement ont su se répartir savamment les rôles.

Ceux qui veulent supprimer cette obligation invoquent la logique de la décentralisation et la responsabilité des départements. La situation actuelle est certes imparfaite : tous les crédits d'insertion « fléchés » ne sont pas consommés. Mais le risque est grand que ce texte n'aggrave les inégalités entre départements et n'affaiblisse l'effort d'insertion.

Chers collègues, soyez bien conscients que, si vous maintenez cette disposition, vous voterez une réduction des crédits d'insertion pour les plus démunis.

La décentralisation ne vaut que si elle garantit les droits du citoyen, et que si les collectivités ne se trouvent pas, demain, dans l'impossibilité d'agir comme elles le souhaiteraient. Être décentralisateur, ce n'est pas déléguer les devoirs de l'Etat sans garantir le transfert des moyens correspondants. Ce n'est pas, au simple motif qu'une compétence s'exerce localement, renoncer à inscrire dans la loi le détail des règles de la République. Il n'est donc pas désobligeant d'imposer aux départements de consacrer un financement minimal aux actions d'insertion. La démocratie se porte mieux quand les règles l'encadrent.

Pour ces raisons, nous avons déposé un amendement tendant à rétablir les crédits départementaux d'insertion. Et nous nous félicitons que la rapporteure de la commission l'ait approuvé. J'ai défendu par la même occasion notre amendement 77.

Mme Hélène Mignon - Je retire l'amendement 126 au profit du 21 de la commission cosigné par Mme Hoffman-Rispal. En effet, même si nous n'approuvons pas ce projet, il va provoquer une relance de l'insertion. Les conseils généraux, qui n'ont pas fait le minimum qu'ils auraient dû faire, vont être conduits à le faire. Il importe donc de maintenir l'obligation des 17 %. Nous n'avons porté sur les conseils généraux, Monsieur Estrosi, aucun diagnostic d'infantilisme : nous sommes simplement pragmatiques.

Mme la Rapporteure - L'amendement 21 de la commission tend à rétablir, après sa suppression par le Sénat, l'obligation pour les départements d'inscrire à leur budget 17 % des sommes consacrées l'année précédente au financement de l'allocation du RMI et de les utiliser pour financer des actions d'insertion en faveur des allocataires.

Avant tout, je demande à mes collègues d'admettre que mon expérience d'élue départementale me permet de traiter aussi sérieusement que d'autres de ce problème. Je ne crois pas que, parce que nous sommes responsables d'un département, nous devrions ici transposer nos réalisations locales pour dégager une loi générale. Le département des Yvelines, dont je suis première vice-présidente, est irréprochable en matière d'insertion, et il marche très bien, sous la houlette de Franck Borotra. Mais je vous demande d'accepter la sincérité de mes remarques, fondées, au-delà de nos expériences locales, sur la nécessité de regarder l'application de la loi sur tout le territoire.

Pour en revenir à l'amendement, il repose sur trois considérations. Tout d'abord, l'obligation des 17 % n'est pas une nouveauté : c'est la reconduction d'une obligation existante, issue du transfert à l'Etat du fait de l'institution du RMI, des dépenses d'aide sociale obligatoires précédemment assumées par les départements. Elle répond à l'idée que la décentralisation doit garantir le niveau et l'efficacité des politiques menées.

D'autre part, il s'agit, non pas d'une obligation quantifiée de versement de fonds au titre du RMI, mais d'assurer la cohérence entre le versement du RMI et les actions d'insertion : c'est, en réalité, une garantie pour les départements, qui ne pourront être réduits au rôle de guichetiers du RMI et se doteront ainsi des moyens nécessaires à une réelle insertion des bénéficiaires à leur sortie du dispositif et donc à terme à une économie sur les dépenses d'allocation. Cette mesure serait enfin un signal fort en faveur des acteurs de l'insertion - parfois inquiets de la décentralisation - de la volonté des départements de maintenir leur engagement à leur niveau actuel. Les acteurs de l'insertion demandent que le RMI conserve une dimension nationale et ne devienne pas le seul résultat de décisions locales. Le projet satisfait cette préoccupation, puisqu'il maintient une garantie nationale. Les acteurs de l'insertion s'inquiètent cependant de savoir si les départements garderont les moyens nécessaires à leur action.

Enfin le paragraphe II de l'amendement propose un apurement des précédents crédits non consommés. Comme l'a relevé la Cour des comptes, il existe « une grande difficulté des départements, même les plus concernés par les phénomènes d'exclusion, à utiliser les crédits ainsi inscrits à leur budget ». Cette sous-consommation est largement imputable à la montée en charge du dispositif RMI et aux reports cumulés dans les premières années de sa mise en _uvre. L'amendement propose donc un apurement des reports constatés à la fin de l'année 2003 afin que la décentralisation démarre sur des bases saines. Cette mesure devrait rassurer les départements.

Au total, le but de cet amendement est d'assurer sur tout le territoire une certaine égalité dans la politique d'insertion, notamment dans les financements destinés aux acteurs de l'insertion. Et l'apurement permettra un démarrage avec une comptabilité saine.

M. le Ministre - Le Gouvernement avait initialement inscrit dans son projet l'obligation des 17 %. Il l'avait fait essentiellement pour apaiser les inquiétudes de ceux qui redoutaient une baisse de l'effort d'insertion des départements, même si le Gouvernement pour sa part ne craint rien de tel. Le Sénat a souhaité supprimer cette obligation, et je reconnais avoir été convaincu par ses arguments. D'autant que, instruit par mon expérience de président de conseil général, je sais comment sont comptabilisées ces dépenses d'insertion... Notre débat en effet est purement symbolique : la loi précédente n'a jamais réussi à obliger les départements à consacrer réellement ces 17 % à l'insertion ; elle n'a pas davantage permis de contrôler ces dépenses d'insertion.

Il y a en outre une contradiction entre le maintien de cette règle et l'esprit général du texte, notre souci de confier à un acteur local des responsabilités complètes, pour qu'il en assume toutes les conséquences et en réponde devant les citoyens. Les départements, du reste, n'auront pas intérêt à réduire les dépenses d'insertion, surtout quand ils seront responsables financièrement de la mise en place du RMI : moins il y aura d'insertion, plus les gens resteront longtemps au RMI, et plus les dépenses à ce titre seront élevées. Il est donc logique de suivre le Sénat. Je comprends bien les aspects symboliques évoqués par Mme Boutin. Et je note que, parmi les amendements que nous examinerons ensuite, il en est un de Mme Montchamp, qui réalise une sorte de synthèse entre les positions du Sénat et celles de votre commission, en prolongeant d'un an l'obligation des 17 %.

Le projet contient en outre des dispositions qui permettent le suivi de l'évaluation par l'Etat de la mise en _uvre du RMI, ce qui permettra d'établir dans la transparence, année après année, les résultats des départements. Par conséquent, tout en comprenant Mme Boutin, le Gouvernement ne souhaite pas l'adoption de cet amendement, mais sera favorable à celui de Mme Montchamp.

Mme Nadine Morano - Ce problème des 17 % a fait l'objet d'un vrai débat en commission, parmi les présidents de conseils généraux, et au sein de l'Assemblée. Nous sommes à l'acte II, scène I, de la décentralisation. Nous devons faire confiance aux élus locaux et les responsabiliser pour relever le défi de l'insertion. Le groupe UMP n'est donc pas favorable à cet amendement, mais Mme Montchamp nous présentera un bon compromis.

M. Alain Gest - Je comprends parfaitement les arguments présentés par Mme Boutin. Les présidents de conseil général sont trop soucieux qu'on ne leur fasse pas de procès d'intention pour en faire eux-mêmes.

Mme la Rapporteure - Merci.

M. Alain Gest - Mais d'une certaine façon, Madame la rapporteure, vous légitimez la position que Christian Estrosi et moi-même défendons : l'obligation légale des 17 % n'a absolument pas empêché que les crédits, inscrits par force, ne soient pas consommés. Vous proposez un plan d'apurement : c'est bien la démonstration que l'obligation légale n'a pas suffi.

Il me paraît plus cohérent de suivre l'avis du Sénat, en exprimant ainsi notre volonté de faire confiance aux conseils généraux, et, dans le cadre du bilan prévu à l'article 40 bis, d'examiner si les départements se sont montrés responsables et ont inscrit suffisamment de crédits pour leur politique d'insertion ; sans doute faudrait-il aussi retenir votre judicieuse idée d'un plan d'apurement.

M. Rodolphe Thomas - Francis Vercamer et moi-même restons dubitatifs quant à la volonté des départements d'inscrire ces crédits et craignons que les disparités entre départements créent des appels d'air. Nous sommes disposés à nous rallier à l'amendement de Mme Montchamp.

M. Gaëtan Gorce - Le ministre aime se qualifier de libéral-social, mais il nous démontre une fois de plus qu'il est plus libéral que social...

Il y a un paradoxe à confier de nouvelles responsabilités aux départements, tout en présentant leur action comme inefficace pour justifier la suppression de l'obligation des 17 %.

Vous passez, Monsieur le ministre, une sorte de pacte tacite avec les membres de votre majorité qui sont ici davantage en tant que présidents de conseil général qu'en tant qu'élus de la nation : ne pouvant pas assumer la compensation intégrale du nouveau dispositif, vous laissez les départements faire des économies sur les dépenses d'insertion. Nous ne saurions l'accepter, d'autant que supprimer en ce domaine l'obligation légale, c'est organiser l'inégalité entre les départements - avec pour conséquence que ceux qui seront les plus vertueux en matière d'insertion seront ceux qui devront payer le plus. Je vous vois faire des signes de dénégation, Monsieur le ministre, mais j'espère que vous allez garder votre sang-froid et que je ne vais pas m'attirer les mêmes remarques que M. Bonrepaux hier après-midi !

Mme Martine Billard - Le refus de l'amendement de la commission est inquiétant. Nous avons l'expérience de la PSD : parce que sa gestion par les départements introduisait des inégalités entre eux, il a fallu créer l'APA.

Les dépenses sociales à la charge des départements ayant tendance à s'accroître - nous doutons de la réalité d'une compensation intégrale par l'Etat des dépenses transférées -, les départements vont chercher à faire des économies ; ils les feront là où il n'y a pas d'obligation, donc sur les dépenses d'insertion si cet amendement n'est pas adopté. Le maintien des 17 % ne devrait d'ailleurs pas vous inquiéter puisque, si vous parvenez grâce au RMA à réduire le nombre d'allocataires du RMI, ce pourcentage sera appliqué à une somme diminuée d'autant... En revanche, les inégalités entre départements qui résulteront de la suppression de l'obligation créeront un appel d'air en direction des personnes sans domicile fixe, qui ont déjà tendance à aller vers les départements les plus riches : ce sera le même problème qu'avec les demandeurs d'asile, peu de départements disposant de CADA.

M. le Président - Sur l'amendement 21, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. le Ministre - Monsieur Gorce, hocher de la tête n'est pas perdre son sang-froid, mais vous démontrez brillamment tout et son contraire : à la fois qu'il n'y a pas d'égalité entre les départements puisque la règle des 17 % n'est pas respectée, et que la suppression de cette règle va créer l'inégalité.

La séance, suspendue à 22 heures 45 est reprise à 22 heures 50.

A la majorité de 32 voix contre 15, sur 49 votants et 47 suffrages exprimés, l'amendement 21 n'est pas adopté.

M. le Président - J'invite M. Estrosi à présenter le sous-amendement 257 à l'amendement 230.

M. Christian Estrosi - Mon collègue Alain Gest et moi-même préférons très nettement l'amendement 230 à l'amendement 21 qui vient d'être repoussé. Toutefois, cet amendement contenait une disposition intéressante...

Mme la Rapporteure - Ça peut arriver...

M. Christian Estrosi - ...dont nous nous sommes inspirés pour rédiger le sous-amendement 257, qui tend à ce que les crédits inscrits au budget du département pour l'année 2003 n'ayant pas fait l'objet d'un engagement de dépenses constaté au compte administratif puissent être, en tout ou partie, reportés sur les crédits de l'année 2004.

Ainsi complété, l'amendement 230 deviendrait véritablement excellent !

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances - Mon amendement 230 rétablit donc les 17 %, mais pour un an seulement. Cette disposition devrait suffire à apaiser les craintes, les départements étant ensuite laissés libre d'agir comme bon leur semble. Quant au sous-amendement, c'est une excellente initiative.

Mme la Rapporteure - Je tiens à dire ma satisfaction...

M. le Président - Très bien ! Tout le monde est heureux !

Mme la Rapporteure - ...car, si je n'avais pas présenté l'amendement 21 que l'Assemblée n'a pas voulu adopter, les 17 % n'auraient pas été rétablis, non plus que le report des crédits, par ceux-là mêmes qui contestaient le bien-fondé de l'amendement 21... S'agissant du sous-amendement, la commission ne l'a pas examiné. A titre personnel, j'y suis, bien sûr, favorable.

M. le Ministre - Avis favorable à l'amendement et au sous-amendement. Je précise que les dépenses liées au RMA doivent figurer au nombre des dépenses d'insertion et être comptabilisées comme telles.

Le sous-amendement 257, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 230, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 1 et 77 identiques ont été défendus.

Mme la Rapporteure - La commission les a repoussés.

M. le Ministre - Je suis favorable à ces amendements, car ils s'appliquent désormais au texte tel que modifié par l'amendement 230 sous-amendé.

Mme Muguette Jacquaint - Je tiens à revenir sur l'inégalité entre les départements selon qu'ils comptent, ou non, une forte proportion de personnes en difficulté. C'est le cas dans la Seine-Saint-Denis, et cela nous conduit à de lourds investissements en PMI mais aussi en crèches, pour que les parents puissent d'abord trouver du travail puis faire garder leurs enfants pendant qu'ils travaillent. On le voit, les différences de besoins des populations créent des disparités, et c'est pourquoi nous tenions à ce que les 17 % soient rétablis.

Les amendements 1 et 77, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 28 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 29

Mme la Rapporteure - Pour les raisons que j'ai déjà eu l'occasion d'expliquer, l'amendement 22 tend à ce que l'avis rendu par les CLI dans les procédures de suspension soit un avis conforme.

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Christian Estrosi - Beaucoup d'entre nous sont également très défavorables à l'amendement.

L'amendement 22, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 29, mis aux voix, est adopté.

Les articles 30 et 31, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 32

Mme la Rapporteure - L'amendement 23 de la commission vise lui aussi à demander un avis conforme.

L'amendement 23, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 32, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 32 bis.

ART. 33

Mme la Rapporteure - L'amendement 24 de la commission est devenu sans objet.

Mme la Rapporteure pour avis - Mon amendement 229 est de cohérence.

L'amendement 229, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - Parce que la commission est cohérente, son amendement 25 vise à demander un avis conforme dans les départements d'outre-mer.

M. le Ministre - Défavorable.

M. Maxime Gremetz - Cet amendement avait été adopté en commission, mais le vent tourne et j'en vois qui votent contre après avoir voté pour. C'est la vie !

Les présidents de conseils généraux veulent exercer des pouvoirs absolus, sans contrôle. M. Estrosi est un bon exemple, mais M. Gest n'est pas en reste, puisqu'il voulait même récupérer les caisses d'allocations familiales.

M. Alain Gest - Oui !

M. Maxime Gremetz - Il est anormal qu'on donne autant de pouvoir aux présidents de conseils généraux. Je continue d'approuver cet amendement, car je ne suis pas de ceux qui changent facilement d'avis.

L'amendement 25, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Nadine Morano - Mon amendement 69 vise à substituer aux mots « le président du conseil général » les mots « l'agence d'insertion ». Il s'agit d'un amendement de cohérence. En effet, le 2° du I de l'article 33 dispose que les compétences relatives aux décisions individuelles concernant l'allocation de revenu minimum d'insertion dévolues au département par le chapitre II du titre VI du livre II sont exercées, dans les départements d'outre-mer, par l'agence départementale d'insertion.

La suspension de l'allocation doit aussi relever de l'agence d'insertion. Il est donc nécessaire de modifier en ce sens le IX du même article.

Mme la Rapporteure - La commission avait repoussé cet amendement parce qu'il manquait de cohérence, mais je crois qu'il va être rectifié. Si tel est le cas, j'y suis favorable à titre personnel.

M. le Ministre - Je suis favorable à cet amendement sous réserve, en effet, d'une rectification rédactionnelle : au deuxième aliéna du IX, il faut remplacer les mots « le représentant de l'Etat » par les mots « l'agence d'insertion ».

L'amendement 69 ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - Sauf erreur, je pense que l'amendement 26 ne peut être retiré.

M. le Président - Je propose qu'il soit retiré, quitte à revoir cela en deuxième délibération. L'amendement 27 tombe.

Mme Nadine Morano - Mon amendement 70 vise à rédiger ainsi la première phrase de cet article : « Une convention entre le département et l'agence d'insertion détermine le montant et les modalités de versement de la contribution de celui-ci au budget de l'agence ».

L'article L. 522-15 du code de l'action sociale et des familles dispose que, dans les départements d'outre-mer, le conseil général verse une contribution au budget de l'agence d'insertion pour l'application du programme départemental d'insertion. Cette contribution finance également les dépenses de structure correspondantes.

Pour cela, la convention prévue à l'article L. 522-15 ne doit pas prévoir seulement le montant mais également les modalités de versement de cette contribution à l'agence, afin de protéger les agents.

Par ailleurs, la rédaction actuelle de l'article nécessite une petite modification formelle, en substituant le « département » au « conseil général ».

Mme la Rapporteure - Cet amendement a été repoussé par la commission.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Maxime Gremetz - Je suis opposé à cet amendement. Je trouve formidable qu'on puisse parler de « département » alors qu'il va y avoir un référendum sur l'assemblée unique dans les DOM !

L'amendement 70, mis aux voix, est adopté.

L'article 33 modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 34, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 34

Mme Hélène Mignon - Mon amendement 127 tend à exiger un rapport sur les politiques d'insertion menées dans chaque département, qui serait présenté par le Gouvernement le 1er septembre de chaque année. Ce bilan nous montrerait vers quelles actions s'orienter, ce qui nous permettrait d'engager le débat sur le contrat unique d'insertion.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable. Les articles 40 et 40 bis vous donneront satisfaction.

M. le Ministre - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Hier, M. Estrosi a mis en cause les départements dirigés par des élus communistes, où il y aurait, selon lui, moins de contrats d'insertion que dans les Alpes-Maritimes. Il est étonnant que nous débattions sans connaître, département par département, le nombre de contrats d'insertion.

M. le Ministre - Ce sont des données publiques.

M. Christian Estrosi - M. Gremetz n'est pas un homme très courageux (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Maxime Gremetz - J'ai beaucoup de défauts, mais pas celui-là.

M. le Président - Evitons ce genre d'échanges !

M. Christian Estrosi - Dois-je faire un rappel au Règlement ? M. Gremetz, ce matin, alors que j'étais absent, a dit que je voulais « davantage de pouvoir » pour être « le roitelet de mon département ». Ce soir, il ne cesse de m'attaquer.

Je vous le dis, Monsieur Gremetz : vous et vos amis n'avez pas la fibre sociale et ne menez aucune politique d'insertion ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Je ne vous reconnais pas le droit de mettre en cause ceux qui, dans les départements de droite, travaillent en faveur de l'insertion.

M. le Président - Je vous rappelle que les faits personnels ne donnent lieu à prise de parole qu'en fin de séance.

L'amendement 127, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - L'amendement 158 organise le transfert des personnels de l'Etat participant à l'exercice des compétences relatives au RMI dans l'attente du vote du projet de loi relatif aux responsabilités sociales - l'application effective de ce texte étant prévue à compter du 1er janvier 2005. A titre transitoire, les agents de la DDASS travaillant actuellement au titre du RMI seront mis à la disposition des conseils généraux, de sorte que la continuité du service public soit assurée. Le nombre et la liste des catégories d'agents concernés seront établis par le préfet, après avis du président du conseil général, dans le délai d'un mois après la promulgation du présent texte. L'effectif des agents des DDASS assurant le suivi du RMI est limité mais stable. Ils sont actuellement au travail et resteront affectés à cette tache pour garantir la continuité du service.

Mme Martine Billard - Le sous-amendement 227 est défendu.

Mme la Rapporteure pour avis - Le sous-amendement 256 également.

Mme la Rapporteure - La commission est favorable à l'amendement 158. Elle n'a pas examiné le sous-amendement de Mme Montchamp mais j'y suis favorable à titre personnel. Enfin, la commission a repoussé le sous-amendement de Mme Billard, jugeant que la précision apportée était inutile.

M. le Ministre - Même avis favorable sur le sous-amendement 256, et même rejet du sous-amendement 227. J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer à Mme Billard que la rédaction du 158 englobait titulaires et non-titulaires.

M. le Président - Sur le sous-amendement 227, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

M. Christian Estrosi - Je souscris à l'amendement du Gouvernement et je le remercie de prendre la date du 31 décembre 2002 comme point de référence. Notons cependant que, depuis deux ans, les DDASS font disparaître de leur organigramme l'affectation d'agents à la gestion du RMI. Dans ces conditions, il aurait peut-être été plus judicieux de se référer à la situation au 31 décembre 2001. Nous comptons aussi sur vous, Monsieur le ministre, pour donner instruction à vos services déconcentrés de rétablir un certain équilibre. Songez que dans mon département, plus un seul agent de l'Etat n'est officiellement affecté à la gestion du RMI !

M. Rodolphe Thomas - A nos yeux - et nous avions déposé un amendement à ce sujet -, la mise à disposition de personnels ne traduit pas une volonté politique de les affecter durablement à une tâche. Pouvez-vous confirmer de la manière la plus explicite que les agents de la DDASS chargés du RMI seront effectivement transférés aux départements ?

M. le Ministre - Je voudrais dire à M. Estrosi qu'il ne faut pas remonter trop loin dans le temps pour fixer le point de référence car des effectifs des DDASS sont en constante diminution depuis plusieurs années. Il serait tout de même anormal que l'Etat rétrocède aux conseils généraux plus d'effectifs que ceux affectés au suivi du RMI...

Et je redis à M. Thomas qu'il ne peut y avoir de transferts de personnels au sens juridique tant que la loi relative aux responsabilités locales n'est pas promulguée. Il faut donc bien prévoir un régime transitoire de mise à disposition.

A la majorité de 35 voix contre 13, sur 48 votants et 48 suffrages exprimés, le sous-amendement 227 n'est pas adopté.

Le sous-amendement 256, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 158, ainsi modifié.

AVANT L'ART. 35

M. Gaëtan Gorce - Pour la sérénité de nos travaux, il me semble souhaitable que chacun s'abstienne de tout commentaire sur la façon dont tel ou tel collègue exerce son mandat et conçoit sa mission.

Notre amendement 244 vise à associer les représentants du personnel à la mise en place du CIRMA. Le sujet devra être abordé dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire et soumis à la consultation du comité d'entreprise. Il importe que les titulaires de tels contrats bénéficient d'un régime de droit commun pour ce qui concerne l'intervention des institutions représentatives du personnel.

Mme la Rapporteure - La commission ne l'a pas examiné. Avis personnel défavorable.

L'amendement 244, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 28 vise à inclure dans les conventions de branche des dispositions relatives à l'insertion de publics en contrats aidés, et, plus spécifiquement, à celle des bénéficiaires du RMA.

M. le Ministre - Avis défavorable. Le dispositif RMA, facultatif, repose sur des accords conventionnels. Il ne relève pas des obligations de l'entreprise. L'amendement est donc inadapté, même si la qualité de l'orientation et du tutorat des bénéficiaires est une condition de réussite du dispositif.

M. Maxime Gremetz - Nous touchons au c_ur du problème puisque le ministre confirme le refus du Gouvernement de faire du bénéficiaire du RMA un salarié de droit commun, jouissant du niveau de rémunération et de la couverture sociale dus à tout salarié dans ce pays. Au mépris de la Constitution - et nous ne manquerons pas de le faire confirmer par l'autorité adéquate -, vous proposez, dans un élan de créativité assez remarquable, un statut inédit, l'objectif restant - nous l'avons démontré chiffres à l'appui - que le patron paie le moins possible.

Et comment vous croire lorsque vous prétendez que le dispositif tend à ramener les bénéficiaires vers un emploi durable ? Tout porte à croire que des périodes en CIRMA s'enchaîneront, comme on l'a vu dans le passé pour tous les contrats aidés, sans déboucher sur une insertion durable.

Reconnaissez donc que les salariés au RMA n'auront pas les mêmes droits que les autres, en matière de formation par exemple. Ce ne sont pourtant pas des salariés différents.

M. le Ministre - Si, justement.

M. Maxime Gremetz - Ils travailleront sans recevoir le salaire ni bénéficier de la protection sociale et des droits qui devraient normalement être attachés à ce travail. Voilà sans doute le produit de l'imagination au pouvoir ! 33 % du SMIC et pas de droits, pour 20 heures de travail par semaine ! Le RMA est pour le moins un « contrat atypique », comme le qualifie la rapporteure. Nous disons, nous, que c'est un OVNI dérogatoire au droit commun. Il fallait y penser et oser le faire ! Vous l'avez fait. Eh bien, avant de saisir le Conseil constitutionnel, nous allons en débattre longuement ce soir.

Mme la Rapporteure - Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas totalement convaincue tout à l'heure. Je croyais, mais sans doute m'étais-je trompée, que l'amendement 28 était tout à fait cohérent avec l'excellent article 46 de votre futur projet de loi relatif à la formation professionnelle et au dialogue social que vous avez présenté en conseil des ministres. Le dialogue que nous appelons de nos v_ux existe déjà dans certaines branches pour l'embauche et le suivi de personnes handicapées. Pourquoi n'existerait-il pas au profit de nos concitoyens les plus fragiles ?

M. Maxime Gremetz - Je demande un scrutin public.

A la majorité de 33 voix contre 10 sur 45 votants et 43 suffrages exprimés, l'amendement 28 n'est pas adopté.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 245 est défendu.

L'amendement 245, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Je propose de suspendre la séance quelques instants, avant d'attaquer l'article 35.

La séance, suspendue à 23 heures 35, est reprise à 23 heures 50.

ART. 35

Mme Martine Billard - Nous abordons la création du CI-RMA. Son nom seul est significatif : c'est un revenu minimum, rien de plus. Or il existe actuellement des dispositifs d'insertion par le travail en entreprise : le contrat initiative emploi et le contrat de qualification. Les deux pouvaient être améliorés, voire fondus en un système unique. Mais vous avez choisi d'ajouter un nouveau dispositif, qui risque de fragiliser les dispositifs existants.

Le contrat de qualification concernait 174 000 personnes en février 2003. Ces personnes sans qualification pouvaient ainsi en acquérir une dans l'entreprise, avec une garantie de formation sur 25 % du temps payé. Cette obligation de formation est absente du nouveau contrat. Mme la rapporteure et d'autres collègues nous ont dit en commission que ce serait un effet d'aubaine tant pour l'entreprise que pour la personne, et que c'était très bien. En réalité, c'est un « jackpot » pour les entreprises !

On nous a également parlé de contrat durable. Ce n'est guère rassurant sur votre conception de ce qu'est un contrat de travail durable : dix-huit mois au mieux... Vous aviez pourtant beaucoup critiqué les emplois jeunes parce qu'ils ne duraient que cinq ans, sans dispositif de sortie. En quoi le CI-RMA vaut-il mieux, avec dix-huit mois seulement et pas davantage de dispositif de sortie ?

La sortie est d'ailleurs un des problèmes de ce nouveau contrat. Les érémistes qui souhaitent accéder à l'emploi sont parfois fatigués d'aller de stage parking en petit boulot sans perspective. Si l'on constate des refus de CES, ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas travailler, mais parce qu'ils veulent un emploi stable, comme toute personne qui souhaite construire sa vie. D'ailleurs, essayez donc de trouver un logement quand vous êtes employé sur un contrat aidé ! Il en ira de même avec le CI-RMA.

Jackpot pour les entreprises, dis-je, avec un coût horaire de 2 €, contre 7,19 pour le SMIC : on atteint là un niveau d'aide aux entreprises sans précédent. Je sais que c'est bientôt Noël, mais quand même ! A cela s'ajoutent des droits sociaux au rabais, puisque les cotisations sociales ne porteront que sur le différentiel. Je vous ai interrogé à ce sujet lors du débat sur les retraites, Monsieur le ministre : vous m'avez dit que deux trimestres de retraite valaient mieux que zéro... Ce genre de conception peut mener loin !

Votre nouveau contrat, comme les dispositifs existants, n'apporte pas de droits sociaux. Des gens vont passer leur vie dans ces dispositifs pour finir avec le minimum vieillesse : au XXIe siècle, on devrait pouvoir offrir d'autres perspectives à nos concitoyens !

Du point de vue de l'insertion, votre projet a été critiqué par l'ensemble des associations. L'insertion suppose en effet des dispositifs d'accompagnement social ou de formation. Ici il n'y a aucune obligation réelle de formation, et l'accompagnement social sera le fait d'un tuteur. Cela pourrait suffire pour ceux qui sont au bord de l'emploi. Mais pour les gens les plus en difficulté, il faut des personnes habituées à ce travail, et qui aient le temps de le faire.

Dans l'artisanat, votre système répondra peut-être au problème de la reprise de certaines entreprises après des départs en retraite ; mais il suffisait pour cela d'une loi sur l'artisanat. On risque en revanche des effets de substitution dans la grande distribution, la restauration et le nettoyage industriel. Ce dernier secteur a signé une convention, excellente d'ailleurs, avec les entreprises d'insertion : il n'y aura sans doute plus recours, le RMA lui revenant moins cher...

M. Francis Vercamer - Pour le groupe UDF, le RMA est une chose importante. Ce fut l'une des propositions de notre président François Bayrou lors de l'élection présidentielle, puis l'objet d'une proposition de loi de Rodolphe Thomas. Nous étions donc impatients d'étudier le projet du Gouvernement.

M. Alain Néri - Et vous êtes déçus !

M. Francis Vercamer - Non, nous espérons améliorer le texte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous sommes dans la majorité, et nous voulons que le Gouvernement réussisse l'insertion des plus démunis. Qu'est-ce que l'insertion ? C'est ramener les exclus au sein de notre société. Il y faut des moyens. Et il faut d'abord que la personne puisse avoir une vision d'avenir, et se sente acceptée par la société.

Nous avons donc déposé des amendements, notamment la pérennisation du contrat de travail, qui ne doit pas s'arrêter à l'issue du contrat d'insertion. C'est indispensable pour que la personne puisse se projeter dans l'avenir, éventuellement fonder un foyer, se réinsérer dans la société. Nous avons fait aussi des propositions destinées à éviter les effets d'aubaine, et à empêcher que les exclus restent trop longtemps dans l'exclusion. J'espère, Monsieur le ministre, que vous étudierez ces amendements d'un _il bienveillant, et que vous en accepterez certains, tout à fait raisonnables. Si d'autres vont peut-être un peu loin, nous pourrons les sous-amender ensemble.

M. Rodolphe Thomas - Très bien !

M. Alain Néri - Ne commencez pas déjà à reculer !

M. Maxime Gremetz - Avec cet article, voici la deuxième mesure centrale du texte. Elle tend à créer, pour les allocataires du RMI, et sous certaines conditions, un revenu minimum d'activité. Sous prétexte de favoriser leur insertion, vous allez obliger les contribuables départementaux à prendre en charge une partie de leur salaire.

Une fois de plus, vous offrez un cadeau royal aux entreprises, en finançant une flexibilité généralisée. Loin de sortir les personnes en grande précarité de leur misère, vous les y installez définitivement, en ignorant jusqu'aux mécanismes des « trappes à chômage » expliqués par vos théoriciens néo-libéraux. De toute évidence, les entreprises préféreront faire occuper leurs emplois par les personnes qui leur coûteront le moins cher... Vous condamnez ainsi à la précarité tant les salariés qui ont un emploi stable et une qualification faible que les bénéficiaires du RMA, auxquels vous ne reconnaissez pas les droits des salariés. Vous êtes un cloneur démoniaque : avec un seul travailleur précaire, vous parvenez à en fabriquer deux !

Je ne reviens pas sur le marché de dupes que vous proposerez aux futurs bénéficiaires du RMA en matière de calcul de la retraite, ni sur les modalités d'obtention d'un RMA après la perte de l'ASS - les chômeurs devant d'abord obtenir le RMI, dont vous raidissez les critères d'attribution.

Au nom d'une conception archaïque et dégradante de la valeur travail, vous conditionnez l'obtention d'un minimum vital à un travail forcé. Les exclus sont implicitement considérés comme responsables de leur propre situation. Quelle philosophie abjecte !

Monsieur le ministre, l'exclusion est une souffrance, le chômage est une souffrance, la précarité est une souffrance ; ceux qui les subissent essaient par tous les moyens de relever la tête, et par votre projet vous achevez de les soumettre !

Aussi proposerons-nous une série d'amendements et soutiendrons-nous ceux de la commission qui vont dans le même sens.

M. le Président - Je suis saisi de trois amendements de suppression de l'article.

M. Maxime Gremetz - Je défends notre amendement 78.

Monsieur le ministre, vous faites comme si le chômage n'augmentait pas, comme si les licenciements collectifs ne jetaient pas des dizaines de milliers de personnes à la rue, comme si le chômage des jeunes n'augmentait pas. Pourtant, d'après l'INSEE, nous en sommes à 2 854 000 chômeurs. Les causes d'entrée à l'ANPE se répartissent de la façon suivante. Fins de CDD : 31,6 % ; fins de mission d'intérim : 7,7 % ; licenciements pour cause économique : 3,3 % ; autres licenciements : 9,2 %. Et le chômage des jeunes atteint 21,4 %.

Toujours d'après l'INSEE, on dénombre 3 100 000 travailleurs précaires. Or que voulez-vous faire en créant le RMA ? Répondre à leur attente ? Non, créer 100 000 contrats encore plus précaires ! C'est machiavélique, d'autant que ce ne sont pas les personnes les plus éloignées de l'emploi qui seront choisies par les patrons : on va créer un turn over permanent de travailleurs précaires.

Mme Martine Billard - L'article 35 précise que dans le secteur non marchand, les conventions passées « sont conclues dans le cadre du développement d'activités répondant à des besoins collectifs non satisfaits » ; elles ne devraient donc pas permettre de remplacer par des contrats RMA des postes de travail existants.

Pourquoi ne donne-t-on pas la même garantie dans le secteur marchand ? Le risque, en effet, est que des salariés soient remplacés par personnes sous contrats RMA - totalement dérogatoires et qu'il sera interdit de rompre sauf pour une embauche sur un CDI ou un CDD d'au moins six mois. Or on constate sur le marché du travail la multiplication des CDD de trois mois. Les personnes vont ainsi se trouver enfermées dans leur RMA.

Prenons l'exemple des intermittents du spectacle qui vont se retrouver au RMI. Au bout d'un an, on pourra proposer aux techniciens du son, par exemple, des contrats RMA dans les entreprises qui les ont précédemment mis à la porte. Comme ils ne pourront pas les rompre pour des CDD inférieurs à six mois, alors que dans ce secteur les CDD sont autorisés même pour quelques jours, il ne pourront plus sortir du système - à moins que vous acceptiez, Monsieur le ministre, l'amendement précisant que toute personne rompant le contrat RMA pour un CDD inférieur à six mois peut, à l'issue de celui-ci, retrouver les droits au RMI.

J'ai ainsi défendu l'amendement 93.

M. Gaëtan Gorce - Je défends l'amendement 128. On ne peut certes se résigner à l'idée qu'une fraction de nos concitoyens serait condamnée à l'exclusion du monde du travail mais le contrat RMA, bien éloigné d'un véritable contrat de travail, apporte fort peu de garanties. En outre, s'il est destiné aux personnes les plus en difficulté, la marche risque d'être un peu haute ; si en revanche il s'adresse à des personnes ayant une vraie capacité à reprendre un emploi, la marche est au contraire un peu basse car les garanties sont bien inférieures à celles que leur apporterait un vrai contrat de travail. Sans le dire, on organise un nouveau statut précaire et non un statut d'insertion.

Pourquoi cette précipitation ? Il aurait été plus sage d'organiser une concertation avec les associations et d'impliquer les partenaires sociaux.

Tous autant que nous sommes, nous avons tenté, pour remédier à l'exclusion, de définir des contrats atypiques. N'est-il pas temps de demander aux partenaires sociaux de négocier des dispositions plus classiques ? Ce serait la garantie que sont pris en compte tant les besoins d'insertion que les exigences des entreprises.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l'article. Nous sommes d'accord sur le principe d'une action renforcée contre l'exclusion, mais nous ne pouvons donner un blanc-seing alors que le dispositif envisagé suscite de si grandes craintes, tant sont faibles les garanties qu'il contient.

Mme la Rapporteure - La commission a rejeté les amendements.

M. le Ministre - Ces amendements de suppression nous ramènent à la discussion générale. L'avis du Gouvernement est évidemment défavorable.

M. Patrick Roy - Mais l'article et le projet sont très mauvais ! En premier lieu, le RMA n'est pas un vrai contrat. Ainsi, un salarié qui a un contrat normal et qui travaille un an acquiert une année de droits sociaux. Avec un RMA, ces droits seront limités à un trimestre.

Ensuite, les entreprises qui emploient des salariés qualifiés ne vont certainement pas se précipiter pour proposer des RMA, parce qu'elles considèreront que l'effort de formation nécessaire sera trop élevé. Au contraire, les entreprises de main-d'_uvre non qualifiée - les entreprises de nettoyage, par exemple - verront dans le RMA un merveilleux cadeau, qui les dispensera d'embaucher des salariés en CDD. Tel sera l'effet pervers du dispositif ! Il empêchera la création de nouveaux vrais emplois.

Enfin, que se passera-t-il au bout de dix-huit mois ? Retour à la case départ ?

M. le Ministre - Et pourquoi ?

M. Patrick Roy - Voilà ce que vous préparez à ceux qui auront signé un contrat aidé, après avoir tant critiqué les emplois jeunes, qui se caractériseraient par un SMIC complet pendant cinq ans !

Mme Nadine Morano - Vous n'avez pas bien compris l'esprit de ce texte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Maxime Gremetz - C'est que nous manquons d'intelligence, et que ces choses-là nous dépassent !

Mme Nadine Morano - ...puisque vous avez affirmé que les gens seront obligés de passer au RMA, alors que ce n'est pas le cas. Les questions sociales sont très importantes pour le groupe UMP (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), la réussite d'une politique sociale se mesure non pas au nombre de personnes aidées, mais au nombre de personnes qui n'ont pas besoin d'être aidées !

Nous avons fait le choix d'un vrai contrat accompagné, et tout mis en _uvre pour tenter de faire que tant de gens ne restent pas au bord de la route, enfermés dans un dispositif qui ne fonctionne pas. Et pourquoi n'y aurait-il pas d'issue après dix-huit mois ? Nous espérons bien, au contraire, que le défi aura été relevé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Voilà pourquoi les amendements de suppression n'ont pas lieu d'être.

Les amendements 78, 93 et 128, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Rodolphe Thomas - L'amendement 190 est de précision. Il tend à insérer l'abréviation « CIRMA » dans la première phrase de l'article.

Mme la Rapporteure - La commission a rejeté l'amendement dont l'utilité ne lui est pas apparue nettement.

M. le Ministre - Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée, qui aura sans doute à c_ur de tenir compte de l'avis de sa commission...

M. Gaëtan Gorce - Cet amendement, dont chacun aura mesuré l'intérêt, montre ce dont parle le groupe UDF lorsqu'il clame avoir la fibre sociale. Lorsqu'il s'agit de revenir sur les 35 heures ou de réduire l'ISF, le groupe UDF est en première ligne, mais lorsqu'il s'agit pour lui de démontrer sa conscience sociale, il se borne à compléter un texte par l'adjonction des initiales « CIRMA » (M. Rodolphe Thomas proteste)

L'amendement 190, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 29 est de précision

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Maxime Gremetz - C'est bien plus qu'un amendement de précision (Mme la rapporteure acquiesce). La question se posait de savoir si ceux qui signeraient ces contrats d'insertion bénéficieraient, comme les autres salariés, des dispositions de l'accord historique sur la formation, et vous nous aviez rassurés à ce sujet, en commission, en précisant qu'il s'agissait de contrats individuels.

Mme la Rapporteure - Je remercie M. Gremetz de me permettre de préciser qu'en effet cet amendement n'est pas neutre, en ce qu'il indique expressément que le conseil général ne signera que des conventions individuelles, ce qui est indispensable si l'on souhaite assurer le succès des CIRMA.

Pour rassurer M. Gremetz, l'amendement de la commission qui vise à reconnaître au RMA la qualité de salaire va venir en discussion. Sans préjuger de son vote, je veux préciser que le droit à la formation est indépendant du type de rémunération perçu.

M. le Ministre - Nous parlons d'un contrat d'insertion qui a pour objet d'aider des personnes en difficulté à retrouver le chemin de l'emploi. Ces personnes ont encore plus besoin de formation qu'un salarié. Leur droit à la formation ne sera donc pas seulement égal, il sera supérieur ! L'article L. 322-4-15-2 du code de l'action sociale, qui décrit la convention entre le département et l'employeur, prévoit l'orientation professionnelle, le tutorat, un suivi individuel, la validation des acquis de l'expérience... C'est une des raisons pour lesquelles je me suis opposé à l'amendement présenté par Mme Boutin. Nous sommes dans le cadre d'une convention spécifique et non du droit commun.

L'amendement 29, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Néri - Le contrat d'insertion RMA étant un contrat aidé visant à offrir à des personnes en difficulté le soutien de la collectivité nationale, il n'est pas cohérent d'en ouvrir le recours à des personnes privées agissant dans un but lucratif.

Mon amendement 246 vise donc à exclure du champ d'application du dispositif « les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public ».

Mme la Rapporteure - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'y suis défavorable. Je ne comprends pas l'intention de ses auteurs, le RMA étant justement ouvert au secteur marchand.

L'amendement 246, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Rodolphe Thomas - L'amendement 164 vise à mentionner dans l'article les associations d'insertion, qui jouent un rôle essentiel. Nous travaillons tous avec ces associations : il est important de faire référence à leur rôle. Je défendrai plus tard un amendement 165, qui vise à rendre le même hommage aux entreprises d'insertion.

Mme la Rapporteure - Cet amendement a été accepté par la commission.

M. le Ministre - Le Gouvernement considère cet amendement comme inutile, le texte faisant déjà mention de ces structures.

L'amendement 164, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Néri - Notre amendement 247 est défendu.

Nous ne sommes pas hostiles à l'insertion par l'entreprise, mais vous allez un peu loin, car ce texte se traduira par d'importants effets d'aubaine. Nous approchons des fêtes, et le Père Noël est un amateur auprès du Père Fillon... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Grâce au RMA, une entreprise pourra embaucher pour vingt heures hebdomadaires en n'ayant à sa charge que le tiers d'un demi-SMIC. Tout le reste sera payé par la collectivité ! Ainsi, pour le coût d'un SMIC, l'entreprise pourra faire travailler six employés. C'est un cadeau royal ! Nous ne pouvons accepter une telle utilisation des aides publiques.

Mme la Rapporteure - La commission n'a pas examiné cet amendement, mais il va contre le principe même du RMA.

L'amendement 247, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Rodolphe Thomas - L'amendement 165 est semblable à notre précédent amendement. Il tend à reconnaître le travail accompli par les entreprises d'insertion.

Mme la Rapporteure - La commission avait, de même, accepté cet amendement.

M. le Ministre - Même avis que précédemment.

L'amendement 165, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Nous entrons dans le vif du sujet.

Le ministre peut-il nous indiquer combien de personnes sont au RMI depuis plus de trois ans ? Cette information nous serait utile.

Votre conception du RMA est très large, ce qui permettra aux entreprises de recourir massivement à ce sous-salariat.

Nous sommes passés d'un dispositif censé venir en aide aux personnes les plus éloignées de l'emploi à un dispositif qui offre sur un plateau de la main-d'_uvre bon marché aux patrons.

Le recours au RMA sera illimité. Les patrons pourront passer d'un RMA à un autre sans avoir à embaucher de salariés à temps complet.

Vous fixez à dix-huit mois la durée maximum du contrat d'insertion, mais comme par hasard, vous n'indiquez pas la durée minimale. Pouvez-vous assurer à la représentation nationale qu'elle sera bien de six mois ? Si vous ne le faites pas, le contrat d'insertion ne sera que le prototype du contrat de mission demandé par le Medef.

Vous précisez par ailleurs qu'un employeur ne pourra pas recourir au RMA s'il y a eu des licenciements pour motif économique dans les six derniers mois. Je vous propose de porter ce délai à une année, puisque le droit du travail considère que les salariés licenciés sont prioritaires pendant un an si l'entreprise réembauche.

Mon amendement 79 corrigé vise à empêcher que les RMA remplacent les salariés licenciés.

Mme la Rapporteure - Cet amendement a été repoussé. S'il y a eu, en commission, des moments de convergences, certaines nuances continuent à nous séparer et, pour ma part, je trouve normal qu'une aide soit donnée à l'employeur qui recrute des personnes fragiles. Il faut trouver un équilibre entre l'intérêt de l'allocataire et l'avantage accordé. Le RMA ne réussira qu'à cette condition. La commission a repoussé l'amendement 79 corrigé, considérant que le délai de référence ordinaire était bien de six mois et non d'un an (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. le Ministre - Monsieur Gremetz, 31 % des allocataires du RMI le sont depuis plus de trois ans, dont 10 % depuis plus de dix ans. Le Gouvernement n'est pas favorable à votre amendement, le délai de six mois ayant été choisi pour toutes les aides à l'emploi réservées aux entreprises.

M. Maxime Gremetz - Je crains, Madame la rapporteure, que vous ne fassiez une légère confusion ! S'il y a eu licenciement économique, le droit du travail prévoit que les salariés de l'entreprise sont prioritaires pendant un an pour être réembauchés...

Plusieurs députés socialistes et M. Francis Vercamer - C'est vrai !

M. Maxime Gremetz - La cible du dispositif, ce sont les quelque 300 000 allocataires du RMI qui le sont depuis plus de trois ans. Si l'on permet aux érémistes de moins d'un an d'accéder au RMA, on manquera la cible car ce sont vers eux que les employeurs se tourneront en priorité. Il faut absolument prévenir cette dérive.

M. le Président - L'amendement 248 de Mme Mignon est identique.

Les amendements 79 corrigé et 248, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard - Pour prévenir tout effet d'aubaines, notre amendement 114 vise à rendre impossible la conclusion d'un CIRMA sur un poste de travail précédemment occupé par un salarié en CDD.

L'amendement 114, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 249 vise à interdire toute conclusion d'un CIRMA faisant suite au licenciement d'un salarié en CDD.

Mme la Rapporteure - Défavorable, car cet amendement me semble sans fondement. Soit le salarié en CDD est licencié et la rupture du contrat coûtant plus cher à l'employeur que l'avantage lié au RMA, il ne peut y avoir aucun effet d'aubaine ; soit le CDD arrive à échéance et rien ne s'oppose à ce que l'on conclut un CIRMA, sur le poste ; soit le CDD est rompu à l'initiative du salarié, et, là encore, il n'y a pas lieu de s'opposer à ce qu'un CIRMA prenne la suite.

M. le Ministre - Même avis, et je salue la brillante démonstration de votre rapporteure.

Mme Martine Billard - Brillante, mais très révélatrice de tout un état d'esprit ! Mme Boutin ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas embaucher en CIRMA sur un poste précédemment occupé par un salarié en CDD pour faire le même travail. Pour nous, une telle proximité ouvre la voie à l'embauche au rabais : si le poste occupé est identique, pourquoi ne pas faire bénéficier le salarié du régime de droit commun ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Alain Néri - C'est encourager le travail au rabais !

M. Francis Vercamer - Mme Billard fait mouche mais elle décrit une situation que nous avons bien connue : celle des emplois jeunes dans les collectivités, recrutés sur des postes précédemment occupés par des salariés en CDD !

L'amendement 249, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Le patronat l'a voulu, le Gouvernement l'a fait. Vous allez lui fournir une main-d'_uvre à 4 € de l'heure ! On n'est pas au niveau d'un salaire mexicain ou indonésien mais on s'en rapproche. Encore un effort !

Mme Claude Greff - N'importe quoi !

M. Maxime Gremetz - Parler de dignité, alors qu'on va livrer des érémistes à l'exploitation patronale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). La vérité, est que leur dignité sera bafouée. Et gageons que si l'expérience réussit, elle sera étendue aux autres catégories de chômeurs. C'est le retour au temps de Zola !

Non content d'exploiter cette main d'_uvre, l'employeur en sera aussi le tuteur. Ainsi, il pourra demander au roitelet local - le président du conseil général - de mettre fin au CIRMA s'il estime que le contrat d'insertion n'est pas respecté. Cela revient à couper les vivres à des demandeurs d'emploi que le patronat lui-même a précipité dans le chômage.

Mais au-delà de la bonne manière faite au patronat, votre projet est d'abord idéologique. Il s'agit de faire croire que tous les érémistes sont des incompétents et des paresseux (Protestations sur les bancs du groupe UMP). La vérité, c'est qu'ils ne demandent qu'à travailler et que c'est votre politique - inspirée par le patronat - qui entretient le chômage de masse. pour disposer d'une main-d'_uvre docile et bon marché. Les siècles passent, le discours des patrons, hélas, ne change pas.

Mme Claude Greff - Le vôtre non plus !

M. Maxime Gremetz - Nous proposons, par notre amendement 80, d'interdire l'embauche d'un salarié au RMA pour occuper un poste vacant à la suite de la rupture d'un CDD. S'il n'est pas adopté, ce sera la preuve que le Gouvernement cherche bien à créer un effet d'aubaine pour les employeurs. Peu de salariés, d'ailleurs, en doutent.

Mme la Rapporteure - Je ne peux laisser M. Gremetz prétendre qu'il serait le seul à se préoccuper du sort des bénéficiaires du RMI et du RMA (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nos travaux en commission ont au contraire montré que nous avions tous cette préoccupation.

M. Maxime Gremetz - Tous, c'est à voir !

Mme la Rapporteure - Mais au nom de quoi pourrait-on interdire à un chef d'entreprise d'embaucher un salarié au RMA sur un poste vacant à l'expiration d'un CDD ? L'économie, c'est aussi la liberté. Avis défavorable donc à cet amendement.

Mme Nadine Morano - Très bien !

M. le Ministre - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Il y a d'un côté la liberté d'entreprendre, mais aussi, d'un autre côté, la législation sociale. Trois quarts des embauches ont lieu aujourd'hui en CDD et la plupart des titulaires de CDD occupent des postes permanents, et ce en toute illégalité puisque l'on ne peut normalement embaucher en CDD que dans des conditions bien précises. Où va-t-on si l'on encourage les chefs d'entreprise dans leur tendance à ne pas respecter la loi ?

L'amendement 80, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce matin, vendredi 21 novembre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 5.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU VENDREDI 21 NOVEMBRE 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 884), portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

Mme Christine BOUTIN, rapporteure au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Rapport n° 1216).

Mme Marie-Anne MONTCHAMP, rapporteure pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

(Avis n° 1211).

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


© Assemblée nationale