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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 45ème jour de séance, 114ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 7 JANVIER 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

EXCEPTION CULTURELLE 2

PÊCHE 2

PARMALAT 3

ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE DE LA ROUMANIE
ET DE LA BULGARIE 4

AIDE HUMANITAIRE D'URGENCE 4

DÉBAT NATIONAL SUR L'ÉCOLE 5

RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE 6

SITUATION EN HAÏTI 6

ZONES AGRICOLES INTERMÉDIAIRES 7

SITUATION DES FINANCES PUBLIQUES 8

CARTE SCOLAIRE 9

FILIÈRE PORCINE 10

DEUXIÈME PAQUET FERROVIAIRE 11

PROTOCOLE D'ACCORD FRANCE-LUXEMBOURG RELATIF AU RACCORDEMENT DU LUXEMBOURG
AU TGV EST-EUROPÉEN 23

ACCORD FRANCE-BELGIQUE
DE COOPÉRATION POLICIÈRE 26

CONVENTIONS DE L'OIT RELATIVES
AUX GENS DE MER 31

APRÈS L'ARTICLE PREMIER 35

APRÈS L'ART. 5 35

TITRE 35

ÉCONOMIE NUMÉRIQUE
-deuxième lecture- 36

QUESTION PRÉALABLE 41

La séance est ouverte à quinze heures.

    QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président - Les quatre premières questions seront consacrées, je le rappelle, à des sujets européens.

EXCEPTION CULTURELLE

M. Frédéric Dutoit - Monsieur le ministre de la culture, à l'heure où la conférence intergouvernementale est confrontée à une certaine paralysie, le projet de traité de Constitution pour l'Europe esquisse une Europe de la culture à l'accent libéral prononcé. Pourtant, ce texte affirme que l'Union « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel et européen ». Hélas, cette assertion n'est qu'un leurre. En effet, le projet, de pure essence libérale, consacre les dogmes du libre-échange et de la libre concurrence. A l'inverse, le principe de l'exception culturelle permet de respecter la singularité de chacun à travers le maintien du vote à l'unanimité et l'instauration d'un régime dérogatoire pour les biens et services culturels, qui ne sont pas des marchandises ordinaires.

Êtes-vous prêt à défendre cette position au sein de la conférence intergouvernementale ou suivrez-vous la logique gouvernementale dans le domaine de la culture qui a conduit à l'instauration d'un régime indemnitaire des intermittents du spectacle inique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - Vous le savez, la France n'a cessé de combattre en faveur de la diversité et de l'exception culturelles. C'est le combat du Président de la République, du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, du ministre des affaires étrangères, du ministre des affaires européennes, c'est mon propre combat (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

Nous le menons à l'UNESCO, dont la conférence générale a décidé, le 17 octobre dernier, la mise en _uvre d'une convention sur la diversité culturelle. Nous le menons encore dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce, où la France, entraînant toute l'Europe, s'oppose à une nouvelle offre de libéralisation des services culturels et audiovisuels. Nous le menons enfin dans le cadre européen, et chacun sait la part décisive prise par la France dans l'élaboration du projet du futur traité, notamment pour maintenir la règle de l'unanimité à propos de toutes les décisions relatives au commerce des biens et des services culturels et audiovisuels, et pour que soit clairement affirmé, au sein des objectifs de l'Union, le principe de la diversité culturelle.

A l'heure de l'élargissement, il nous appartient de transformer un réflexe défensif en comportement dynamique, aussi ai-je élaboré, avec l'appui du Premier ministre, un mémorandum pour le développement de l'Europe, que je remettrai à la représentation nationale dans les prochains jours (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PÊCHE

M. Christophe Priou - Monsieur ministre de l'agriculture et de la pêche, en décembre 2003, ont eu lieu, au niveau européen, les traditionnelles discussions sur les quotas de pêche et la gestion des ressources. En novembre 2002, outre la négociation de ces quotas, vous aviez obtenu avec le groupe des pays amis de la pêche, un ambitieux plan de modernisation de la flotte de pêche, qui permettra en 2004, 2005, 2006, avec la construction de nouvelles unités de pêche, d'améliorer les conditions de travail à bord, et la sécurité en mer. Votre détermination tranche avec celle du précédent gouvernement, notamment en décembre 1999.

A l'aube de 2004, quelles sont les perspectives pour nos marins pêcheurs français en termes d'exploitation de la ressource halieutique ?

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - C'est vrai, en décembre 2002, nous avons mené un combat difficile à Bruxelles pour poursuivre la modernisation et la sécurisation de notre flotte. Nous avons obtenu gain de cause, et j'ai annoncé, début décembre, le plan de modernisation de la pêche française. Il y a quelques semaines, à Bruxelles, nous avons eu une deuxième discussion sur le plan de restauration du cabillaud et du merlu, et sur les quotas de poisson. Concernant le premier point, nous avons obtenu satisfaction, à savoir l'exclusion de la zone Manche-Ouest, et, s'agissant de la zone Manche-Est, le maintien de l'activité pour les chalutiers et les fileyeurs.

Quant aux quotas de pêche, après une âpre négociation, nous avons obtenu satisfaction, en particulier pour un port qui vous est cher, celui de la Turballe.

La proposition pour l'anchois était de 11 000 tonnes, nous avons obtenu 33 000 tonnes.

Pour la Méditerranée, nous avons obtenu la poursuite de la dérogation pour le gangui.

Nous souhaitons maintenir l'équilibre entre l'activité économique sur nos zones littorales et une gestion durable de la ressource halieutique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PARMALAT

M. Henri Nayrou - J'associerai à ma question le député lorrain, François Dosé.

Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous interpeller sur les conséquences du scandale de Parmalat sur la filière lait en France, et les leçons que l'Europe devra en tirer. Subissent durement cette faillite les producteurs de Franche-Comté, de Lorraine, et surtout de Midi-Pyrénées, où 120 agriculteurs du groupement laitier des Pyrénées sont aujourd'hui spoliés de plus d'un million d'euros.

Le tribunal de commerce de Foix a placé lundi le GLP en redressement judiciaire. Le temps presse. Pour ne pas sombrer avec Parmalat, les producteurs doivent obtenir du Gouvernement français le report des prélèvements fiscaux et sociaux, des prêts bonifiés, et des garanties bancaires adaptées.

Vous pouvez même aller au-delà, Monsieur le Premier ministre, puisque l'Italie a sollicité une dérogation à Bruxelles pour verser des aides directes à ses 120 000 producteurs victimes de Parmalat.

Que fait l'Europe ? La nature des malversations, ses prolongements douloureux vers divers pays, et la disparité des aides doivent convaincre l'Union européenne d'agir face aux agissements sans scrupules des grands groupes financiers.

Pour s'attaquer aux voyous des mers, il aura fallu les naufrages de l'Erika, puis du Prestige, et le drame de Charm el-Cheikh vient de poser à nouveau le problème de la sécurité aérienne.

Faudra-t-il d'autres scandales comme Enron ou Parmalat pour que, enfin, l'Europe se réveille ?

La représentation nationale et les victimes d'hier, d'aujourd'hui et, peut-être, de demain, attendent des réponses fortes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Le scandale de Parmalat a deux dimensions. La première est d'ordre économique et financier, et rappelle les scandales liés à l'audit et à la sécurité financière. Francis Mer prend en charge ce dossier, en liaison avec les autorités européennes. La seconde est d'ordre agricole. Une quinzaine d'entreprises et de coopératives françaises sont touchées, dont quatre n'étaient pas assurées. Cela concerne l'Ariège, le Lot, le Rhône et la Meurthe-et-Moselle. En Ariège, Rieucros, coopérative de 138 sociétaires et 18 salariés, a une créance de 2 millions d'euros, puisque les mensualités de novembre et décembre n'ont pas été versées.

Le tribunal de commerce de Foix, le 5 janvier, a autorisé la poursuite de l'activité pour les six mois prochains, avec un plan de redressement qui sera annoncé le 2 février.

Le Gouvernement a immédiatement réagi : j'ai averti dès le 30 décembre mon homologue italien que la France ne saurait être en deçà des indemnisations et des mesures de solidarité financière mises en place par le gouvernement italien. Je lui transmettrai dès la semaine prochaine l'état des créances que nous sommes en train de dresser.

Tous les mécanismes de solidarité - y compris les aides directes - seront sollicités pour aider les producteurs : solidarité nationale, solidarité interprofessionnelle. Nous sommes tous derrière les producteurs de lait spoliés par le scandale Parmalat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE DE LA ROUMANIE ET DE LA BULGARIE

M. Gilbert Gantier - Le sommet de Bruxelles des 12 et 13 décembre a montré l'incapacité des gouvernements européens à se mettre d'accord sur un projet de Constitution européenne. Ce triste échec a occulté les autres conclusions du sommet et en particulier l'élargissement à la Roumanie et à la Bulgarie, prévu pour janvier 2007. Le traité d'adhésion pourrait d'ailleurs être signé dès 2005.

L'effort demandé à des pays qui ont subi cinquante années durant la régression démocratique et économique du communisme est considérable. C'était vrai pour l'Allemagne de l'Est, cela le reste pour les nouveaux adhérents et le sera encore davantage pour la Roumanie et pour la Bulgarie.

Il y a en outre une inquiétante contradiction entre la volonté de l'élargissement et le souhait - exprimé notamment par la France - de geler le budget européen à 1 % de l'augmentation du PIB à partir de 2007.

Pourquoi l'échéancier fixé pour l'adhésion de ces pays est-il aussi précis ? En quoi estimez-vous que la Roumanie et la Bulgarie seront aptes à intégrer l'Union dès 2007 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes - La France maintient le cap de l'adoption de la Constitution européenne en 2004, sur la base des travaux de la Convention. En tout état de cause, le traité de Nice s'applique jusqu'en 2009 et il prévoyait déjà l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, qui ne contredit pas notre souci de rigueur budgétaire.

Nous avons tout intérêt à encourager ces pays dans la voie de l'adhésion. Nous avons avec eux des liens culturels étroits : un Roumain sur quatre parle le français. Nous sommes les premiers investisseurs en Roumanie, et de nombreux jumelages nous unissent à ces pays. C'est pourquoi nous avons soutenu les conclusions qui fixent l'objectif de janvier 2007 pour leur adhésion.

Nous souhaitons bien sûr que ces pays soient prêts, mais ils n'adhèreront que s'ils ont finalisé leurs négociations d'adhésion - ce qui est à la fois dans l'intérêt de l'Europe et dans l'intérêt bien compris de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF).

AIDE HUMANITAIRE D'URGENCE

M. Jacques Barrot - Dans la nuit du 25 décembre, un tremblement de terre a détruit le centre de la cité iranienne de Bam, faisant plus de 30 000 morts. J'ai découvert, en me rendant sur les lieux, une ville enfouie sous le sable et les pierres, et mesuré les besoins des 100 000 habitants frappés par le sinistre. Certes, des sauveteurs venus de nombreux pays sont sur place, mais leur intervention n'est pas toujours efficace. En revanche, l'hôpital de campagne des équipes françaises a rendu de grands services, très appréciés par les autorités iraniennes. Nous pouvons leur rendre hommage. Les efforts entrepris pour accroître l'efficacité de notre aide humanitaire d'urgence ont porté leurs fruits. Pouvez-vous nous rappeler les progrès de notre logistique de secours sur ces grands sinistres ? Ne peut-on les approfondir en associant encore plus étroitement l'armée et les sapeurs-pompiers ?

Il faut à présent reconstruire. L'Iran compte sur les partenariats avec la France et avec l'Europe pour édifier un nouvel hôpital et si possible reconstruire la cité de Bam, inscrite au patrimoine mondial de l'humanité. Pouvez-vous nous confirmer l'engagement du Gouvernement en ce sens et sa volonté de le faire partager à nos partenaires européens ? Un effort significatif de solidarité encouragera le peuple iranien à coopérer avec la communauté internationale pour lutter contre le terrorisme et construire la paix dans la région (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères - Je vous prie d'excuser M. de Villepin, qui accompagne en Égypte les familles des victimes de la catastrophe de Charm el-Cheikh.

Le Premier ministre m'avait confié la responsabilité d'un comité interministériel sur l'aide humanitaire d'urgence. Nous avons mené cette année près de 39 interventions dans des situations difficiles - Algérie, Liberia, Côte d'Ivoire.

Je salue les ministres qui ont bien voulu faire du ministère des affaires étrangères le « régulateur du SAMU ». Près de 130 millions d'euros ont ainsi été investis.

En ce qui concerne Bam, nous avons apporté une réponse rapide, massive et cohérente. Nous avons établi en moins de 72 heures un hôpital qui fonctionne sans discontinuité. En moins d'une semaine, six avions ont été affrétés et plus de 6 millions d'euros ont été investis sur place.

Une réunion nous a permis d'organiser pour la première fois, avec des collectivités locales, des ONG et des entreprises, un déplacement sur place.

Le gouvernement iranien nous demande notre aide pour reconstruire. Il est important pour la diplomatie française de ne pas décevoir. Le rayonnement de la France dans le monde s'exerce aujourd'hui aussi grâce à l'humanitaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

DÉBAT NATIONAL SUR L'ÉCOLE

Mme Marie-Jo Zimmermann - Le grand débat national sur l'avenir de l'école voulu par le Président de la République a été lancé en novembre à Lille. D'ici le 17 janvier, près de 15 000 réunions publiques auront été organisées sur l'ensemble du territoire pour établir un diagnostic et définir les grands axes de la construction de l'école de demain. Près d'un million de citoyens y ont apporté leur contribution à ce jour et toutes les questions ont pu être abordées.

Nous sommes à quelques jours de la première phase de ce débat dont la commission que vous avez mise en place, Monsieur le ministre de l'éducation nationale, devra tirer une première synthèse. Quels enseignements en tirez-vous ? Dans quel état d'esprit abordez-vous la deuxième phase du débat, qui doit aboutir à une loi d'orientation sur l'école ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche - Le Président de la République et le Premier ministre ont assigné deux priorités à ce débat : parvenir à un diagnostic partagé sur l'état de notre système éducatif et définir dans chaque débat sur le terrain les trois priorités à retenir.

15 000 débats ont déjà réuni plus d'un million de participants (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Ce sont les chiffres de la SOFRES, pas ceux du ministère ! 85 % des participants ont le sentiment d'avoir été entendus et 54 % en attendent beaucoup (Mêmes mouvements).

Le choix des thèmes prioritaires opéré par les participants est significatif. Je les cite dans l'ordre : comment motiver les élèves ? Comment lutter contre la violence dans les établissements scolaires ? Comment lutter contre l'échec scolaire ? Comment diversifier les parcours - c'est la question du collège unique ?

Nous ne sommes pas dans l'anecdotique ou les paillettes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous changeons véritablement de cap ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La commission Thélot va poursuivre son travail. Tous les anciens ministres de l'éducation nationale, sauf un, ont accepté d'y participer.

La loi d'orientation devra opérer ce recentrage sur les fondamentaux et revoir l'approche de la scolarité obligatoire et du collège unique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

M. Augustin Bonrepaux - Le Président de la République a promis, Monsieur le Premier ministre, de supprimer la taxe professionnelle. Il lui aura donc fallu trente ans pour reconnaître une erreur de jeunesse ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Cette erreur, le Gouvernement Jospin avait commencé à la corriger (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en supprimant de l'assiette la part des salaires. Et nous avons fait, lors de l'examen de la loi de finances pour 2004, des propositions visant à continuer la réforme dans un sens favorable à l'emploi. Malheureusement, le Gouvernement s'y est opposé. On nous annonce aujourd'hui une loi de mobilisation pour l'emploi, mais nous ne voyons pas comment elle pourrait être plus efficace que les mesures concrètes que nous proposions pour 2004.

De plus, la promesse présidentielle risque de constituer une nouvelle mystification puisque son impact serait reporté à 2007, voire 2008. La mesure semble de toute façon improvisée, car non financée, et pourrait s'avérer très dangereuse si elle privait les collectivités locales de moyens. Que signifierait dans ces conditions la décentralisation ?

Une hausse de la taxe d'habitation serait alors inévitable.

Faut-il désormais attendre les v_ux présidentiels pour que le Gouvernement découvre les problèmes et se montre attentif aux propositions du Parlement ? Je formule plus simplement ma question : Jacques Chirac est-il en campagne électorale ? (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - La taxe professionnelle est un sujet qui nous occupe tous depuis trente ans, avec des hauts et des bas. Le gouvernement précédent en avait, c'est vrai, réduit l'assiette, mais n'avait pas terminé ce travail, que nous avons continué. Nous sommes donc tous d'accord pour reconnaître que cette taxe a des inconvénients, en particulier pour l'industrie, dont elle renchérit les coûts, ce qui n'est pas sans conséquence pour l'attractivité relative du territoire français.

Une réflexion sur le sujet est donc à l'ordre du jour et nous avons même une obligation de résultat, puisque le Président de la République nous a demandés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), après la phase transitoire des dix-huit prochains mois, d'aboutir à une réforme non seulement de la taxe professionnelle, mais aussi probablement de l'ensemble des assiettes fiscales, pour faire de celles-ci un outil plus adapté à la dynamique économique de demain. Le projet est ambitieux, je ne vous le cache pas, et le ministère des finances a la lourde tâche, je ne le cache pas non plus (Rires sur les bancs du groupe socialiste), de proposer dans les dix-huit prochains mois une solution valable pour tous les prélèvements fiscaux touchant les entreprises. Nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

SITUATION EN HAÏTI

M. Eric Raoult - Ma question concerne un petit mais très beau pays, Haïti, qui fête le bicentenaire de son indépendance. J'y associe mes amis Edouard Landrain et Jean-Louis Bernard, qui se sont rendus à Haïti pour cette occasion.

L'île d'Haïti a des liens étroits avec la France, avec laquelle elle partage une part de son passé. Le bicentenaire de son indépendance a été marqué par des manifestations populaires, qui rappellent que la crise politique que connaît ce pays a déjà fait depuis septembre dernier quarante morts et cent blessés. Ces violences politiques semblent à la fois contester le pouvoir en place et revendiquer l'application d'un réel état de droit et le respect absolu des droits de l'homme. Ces soulèvements marquent une nouvelle crise pour cette île, proche des Antilles françaises et située dans une zone où la France est, plus que tout autre Etat, observée. Crise qui risque de s'aggraver et qui déjà handicape fortement les relations entre l'île et les départements français de la zone Antilles-Guyane : toute coopération est en effet devenue impossible et l'immigration haïtienne s'accroît. La communauté internationale s'inquiète pour cet Etat, qui depuis deux cents ans, semble alterner entre l'espoir du progrès et une certaine fatalité de l'échec.

Que compte faire la France pour renouer des liens constructifs avec ce pays et faire respecter les principes universels de l'état de droit, de la démocratie et de respect des droits de l'homme ? Monsieur le ministre de la francophonie, pouvez-vous éclairer à ce sujet l'Assemblée nationale mais aussi tous ceux qui, originaires d'Haïti, vivent aux Antilles ou en métropole ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - La situation en Haïti est en effet très préoccupante, comme ont pu le constater MM. Landrain et Bernard, qui étaient sur place il y a quelques jours.

Ce pays traverse une crise politique aiguë, qui s'est manifestée par des violences et qui dégrade encore les conditions de vie de la population. Cette situation pousse beaucoup d'Haïtiens à quitter leur pays, ce qui fait que la Guadeloupe et la Martinique, notamment, sont confrontées à une forte immigration clandestine.

La France ne peut rester indifférente face à la situation de ce pays francophone, avec lequel elle a des relations très anciennes, pour lequel elle a une grande sympathie et auquel elle apporte depuis des années une aide importante.

En étroite concertation avec les partenaires et amis d'Haïti - je pense aux Américains et aux Canadiens, à l'Organisation des Etats d'Amérique, à l'Union européenne -, nous cherchons activement les moyens de faciliter une issue politique à la crise actuelle. Nous encourageons les forces en présence - à savoir le gouvernement du Président Aristide, les partis d'opposition, les mouvements de la société civile - à accepter un dialogue politique direct sur la médiation que proposent par exemple les Eglises. Seuls ce dialogue peut ramener la paix civile, rétablir les droits et libertés et définir un calendrier qui comprenne des élections libres. Nous souhaitons aussi que tous les partenaires d'Haïti puissent renforcer leur aide.

Le Gouvernement se préoccupe aussi des relations bilatérales : un comité de réflexion et de proposition a été mis en place, sous la direction de Régis Debray, par Dominique de Villepin. Il doit remettre ses conclusions d'ici la fin du mois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

ZONES AGRICOLES INTERMÉDIAIRES

M. Luc-Marie Chatel - Les zones agricoles intermédiaires se caractérisent par une forte proportion d'oléagineux et par la présence de nombreuses exploitations sociétaires de polyculture et d'élevage. Elles se situent dans une vingtaine de nos départements et représentent 26 % de la surface agricole utile et plus de 20 % de nos agriculteurs. Elles sont fortement dépendantes des soutiens directs, les aides y représentant 109 % du revenu, contre 77 % au niveau national. Dans mon département, ce taux atteint même le montant extravagant de 223 % !

Pénalisés par l'absence de culture à forte valeur ajoutée, les agriculteurs de ces régions n'ont qu'un faible revenu et s'inquiètent des conséquences que pourrait avoir sur eux, et en particulier sur les producteurs d'oléagineux, le compromis de Luxembourg. Je voudrais donc savoir quelles dispositions le Gouvernement compte prendre pour les défendre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Vous avez parfaitement décrit la situation particulière de ces zones intermédiaires qui forment une grande diagonale traversant une vingtaine de départements français. C'est d'ailleurs après m'être rendu dans plusieurs de ces départements que j'ai acquis la conviction que la proposition de la Commission européenne de totalement découpler les aides de la production serait catastrophique pour elles. Les simulations que nous avons faites montrent en effet qu'un tel découplage s'y solderait par une déprise agricole maximale.

L'accord de Luxembourg du mois de juin nous donne la possibilité de mettre en place un découplage partiel. J'aurai l'occasion de m'exprimer à ce sujet dans les prochaines semaines, mais je peux d'ores et déjà indiquer que je tiendrai le plus grand compte de la situation de ces zones intermédiaires.

Il faut renforcer un certain nombre de mesures agro-environnementales, je pense notamment aux mesures rotationnelles qui concernent déjà plusieurs régions de France et qui seront étendues à d'autres en 2004.

Enfin, s'agissant des oléoprotéagineux, des dispositifs sont à l'étude qui visent à favoriser leur production et leur utilisation, y compris non alimentaire.

Je vous confirme donc tout l'intérêt du Gouvernement pour la défense et la promotion de l'agriculture dans les zones intermédiaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SITUATION DES FINANCES PUBLIQUES

M. Alain Néri - Je voudrais d'abord saluer la sincérité de M. Mer qui tranche avec le flou artistique des réponses auxquelles nous sommes habitués (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, dont le rôle se réduit de jour en jour à la simple exécution des directives présidentielles (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Avec ses promesses électoralistes répétées, le Président de la République, éternel candidat et dès maintenant en campagne, vous impose un exercice de magicien. Les comptes publics cumulent 65 milliards de déficit pour l'Etat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et 50 milliards de déficits sociaux. Mais, à la veille des élections, vous entonnez un air bien connu : tout va très bien, Madame la marquise... Vous voulez en effet faire croire aux Français que les impôts baissent et qu'ils vont continuer... (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP) Mais ce n'est pas le cas, sauf pour quelques privilégiés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). Au contraire, les taxes augmentent, et ce n'est rien à côté de ce qui nous attend.

Vos annonces alléchantes, mais qui ne sont pas financées, veulent tromper les citoyens qui vous écoutent. Le réveil sera brutal. Quand donc allez-vous annoncer aux Français les nouvelles hausses de prélèvements et les nouvelles réductions des droits sociaux que votre politique rend inéluctables ? Attendrez-vous le lendemain des élections pour présenter l'addition aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Puisque M. Mer s'est montré complet, je ne voudrais pas qu'il ait à se répéter ! Je vais donc répondre à cette question (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Les fêtes ne m'ont, moi, pas rendu agressif. Vous me trouvez aussi serein qu'auparavant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Je voudrais vous faire part de la fierté d'un Premier ministre de travailler dans la ligne tracée par le Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je suis d'ailleurs étonné que vous trouviez cela incongru. Le Président de la République fixe les orientations que j'applique avec confiance et détermination. C'est pour cela que les engagements du Président seront tenus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le Président de la République a, lors des présentations de v_ux, qui sont des occasions de rencontre avec tous les Français, exposé notre programme de travail avec la clarté que vous êtes toujours les premiers à réclamer. La première étape vient d'être franchie : il s'agissait de tout faire pour le retour de la croissance, et pour que notre pays soit un des premiers de la zone euro à en profiter. Nous y sommes parvenus à la fois par les allégements de charges et d'impôts et par les réformes sociales qui n'avaient pas été engagées à des époques de croissance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Aujourd'hui, le défi à relever est que cette croissance profite à tous les Français (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je comprends que cela vous inquiète, car les Français soutiennent cet objectif ! Les fruits de la croissance seront partagés, grâce à la politique de l'emploi qui est au c_ur de notre action. Ainsi, les salariés verront leurs carrières se développer et les revenus du travail seront à la hauteur de leurs aspirations. Quant à ceux que la société a exclus... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Votre bilan ne vous autorise pas à tant d'arrogance ! Au printemps 2002, nous avons trouvé la pauvreté et l'exclusion dans notre pays. Nous aimerions que vous fassiez preuve de quelque attention pour tous ces Français que votre politique a mis dans la difficulté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). C'est pour cela que, ainsi que le Président de la République en a décidé, notre politique de l'emploi sera une priorité et qu'elle sera destinée à tous les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

CARTE SCOLAIRE

M. Jean Auclair - Le gouvernement actuel a déjà montré son attachement à l'aménagement du territoire : là où le gouvernement précédent ne faisait que promettre, celui-ci agit (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP). J'en veux pour preuve qu'à la place du fantomatique POLT, le train Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, le TEOZ est enfin sur les rails sans qu'il en coûte un euro à la région. A quelques jours du vote de la loi sur le développement des territoires ruraux, un sujet me préoccupe toutefois : la carte scolaire. Il est urgent de sortir de la politique voulue par la gauche, et notamment des pôles de compétence profitables peut-être aux zones urbaines, mais certainement pas pour les zones peu peuplées comme la Creuse. Cela aboutit à vider les lycées du sud de la Creuse au profit des établissements plus fréquentés de la préfecture ou de la capitale régionale et à accentuer les inégalités. Le surcoût des internats est par ailleurs bien sûr à la charge des familles. Enfin, l'enseignement professionnel est affaibli.

Il est primordial que l'administration relaye parfaitement, sur le terrain, les intentions gouvernementales - et pas seulement dans l'éducation nationale : j'en parlerai bientôt à M. Mer et à M. Lambert (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Alors que la gauche réclame toujours plus pour l'éducation nationale, la région Limousin, de gauche, vient de réduire ses investissements en faveur des lycées (Huées sur les bancs du groupe UMP). Les autorisations de programme passent de 45 à 25 millions. Pourtant, les lycées sont le lieu de la formation pour tous.

M. le Président - Monsieur Auclair, veuillez poser votre question.

M. Jean Auclair - Ils assurent un enseignement de proximité et de qualité et je tiens à rendre hommage à tous ceux qui y travaillent.

M. le Président - Quelle est votre question ?

M. Jean Auclair - Quelles sont donc les intentions du Gouvernement, notamment dans les zones de revitalisation rurales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire - Une politique d'aménagement du territoire équilibrée et juste est en effet une des priorités du Gouvernement. Les réseaux d'écoles permettent ainsi, sur la base du volontariat des élus, de sauvegarder l'école rurale. Le budget de l'enseignement scolaire augmentera cette année de 2,8 % et permettra de répondre à de nombreux besoins.

Les évolutions démographiques existent, et il ne faut pas les ignorer. Il est bel et bien des endroits où le nombre d'élèves diminue fortement. Nous devons en tenir compte, mais sans nous en tenir à une gestion comptable : la carte scolaire doit permettre d'encourager et de favoriser les régions qui en ont le plus besoin. En ce qui concerne la Creuse, dans l'académie de Limoges, le recul de la démographie scolaire est très sensible. Ainsi, 107 sections de lycée professionnel et 298 sections de langues vivantes ou d'options compteront moins de huit élèves. Il est de leur propre intérêt de les regrouper dans des sections plus importantes. Trois établissements vous préoccupent particulièrement dans la Creuse. Je tiens à vous rassurer. Le lycée du bâtiment de Felletin sera maintenu comme pôle d'excellence, le lycée professionnel d'Aubusson se spécialisera dans le commerce et les services et le lycée Eugène Jamot conservera toutes ses filières. Le Gouvernement ne souhaite pas accentuer le déficit de services publics qu'il a constaté en milieu rural et sa politique sera toujours d'être du côté des élus (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

FILIÈRE PORCINE

M. Gérard Lorgeoux - Marc Le Fur, député des Côtes d'Armor et les parlementaires UMP de Bretagne s'associent à cette question. La filière porcine connaît une situation très préoccupante. Le premier semestre 2003 a vu le cours de la viande descendre en dessous d'un euro par kilo. Depuis la mi-septembre, les prix ont encore chuté : c'est habituel à cette période, mais pas à ce point : les cours sont aux alentours de 0,85 €.

Face à cette crise, vous avez multiplié les démarches. Des mesures ont été prises à Bruxelles - stockage privé, augmentation des restitutions sur les produits transformés - et au niveau national - soutien à la trésorerie, fonds d'allégement des charges, campagne de promotion - mais elles ne sont pas suffisantes. Le 12 décembre, vous avez demandé à la Commission européenne de prendre d'autres mesures et pris contact avec nos partenaires européens. La Commission a-t-elle répondu favorablement ? Quelles seront vos initiatives pour soutenir les éleveurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - Les producteurs de porc sont dans une situation de grande détresse, ainsi que j'ai pu le constater en rencontrant les éleveurs de Bretagne le 23 décembre. Le choix collectif de ne pas organiser le marché du porc a été fait il y a trente ans. La logique est donc purement libérale. Le cycle du porc connaît de bonnes périodes et d'autres moins bonnes. Le problème est que le bas du cycle dure depuis deux ans. Des difficultés structurelles se conjuguent donc aux problèmes conjoncturels.

Depuis dix-huit mois, nous avons pris des mesures conjoncturelles comme la réouverture des marchés coréen et japonais. De même, nous avons mis en place sept millions de mesures d'allégement de charges, nous avons mobilisé sept autres millions pour la restructuration des exploitations, augmenté de 10 % les restitutions sur les produits transformés, et, enfin, nous avons pris deux mesures de stockage privé, obtenues en décembre 2002 et à la fin de l'année dernière. Voilà pour les mesures conjoncturelles acquises. Autre mesure conjoncturelle restant à obtenir, les restitutions aux exportations. Le comité de gestion de décembre les a refusées. J'ai mis ce sujet sur la table au Conseil de l'agriculture le 20 décembre dernier et j'ai bon espoir que l'ensemble des Etats membres prendront les mesures qui s'imposent pour laisser respirer le marché.

Au delà de ces mesures conjoncturelles, la filière porcine a besoin d'un véritable plan structurel. Hier, M. Porry m'a remis, en présence des professionnels, le rapport que je lui avais commandé à ce sujet. Dès la fin du mois de janvier, je serai en mesure d'annoncer un plan d'actions structurelles pour la filière qui abordera sans tabou tous les problèmes en suspens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Rudy Salles.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

      DEUXIÈME PAQUET FERROVIAIRE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Christian Philip sur le deuxième paquet ferroviaire.

M. Dominique Le Mèner, rapporteur de la commission des affaires économiques - Alors que la France a des transports ferroviaires pour voyageur développés et appréciés, le rail accuse un retard persistant sur la route pour le transport des marchandises. En 2001 le transport de marchandises s'effectuait à plus de 70 % par la route contre 18 % pour le rail, alors que la part de ce dernier était d'environ 30 % il y a trente ans. Pourtant le transport ferroviaire est de loin le plus sûr et le moins polluant. Nous devons donc encourager tout ce qui peut accroître sa compétitivité.

La première phase de libéralisation du fret ferroviaire, entrée en vigueur en France le 15 mars 2003, a permis d'ouvrir à la concurrence 50 000 kilomètres de lignes internationales de fret. Les quatre projets de textes communautaires qui composent le « deuxième paquet » poursuivent cette démarche et entendent favoriser l'émergence d'un espace ferroviaire européen unifié.

La France doit, pour éviter tout isolement diplomatique, accepter le principe d'une libéralisation maîtrisée du fret ferroviaire, dont elle peut attendre un surcroît d'activité et de productivité. Toutefois cette ouverture doit s'accompagner de garanties sociales et sécuritaires suffisantes, pour éviter tout nivellement par le bas. Enfin la création d'un véritable espace ferroviaire européen requiert des mécanismes de coordination adaptés, qu'il s'agisse de l'agence ferroviaire européenne ou de l'interopérabilité.

Que peut attendre la France d'une libéralisation maîtrisée du transport de fret ferroviaire ? Développer ce mode de transport est une nécessité évidente, car il est le plus sûr et le plus respectueux de l'environnement. En outre il peut être plus rentable que les autres modes, s'il est bien organisé.

La libéralisation, encadrée par les règles et les contrôles que prévoient nos quatre textes, permettra d'accroître la compétitivité du rail face à la route. En effet, en matière ferroviaire comme ailleurs, la simple menace de l'arrivée d'un nouveau prestataire de service conduira l'opérateur historique à améliorer l'efficience de son offre.

Comme le montre le rapport de la délégation pour l'Union européenne, dans les Etats de l'Union qui ont libéralisé le fret ferroviaire, cette ouverture n'a pas sérieusement entamé la position dominante des opérateurs historiques. Et pourtant les entreprises clientes bénéficieront inévitablement de ce processus qui associe flexibilité, diversification des services proposés et baisses de prix. Même si, en pratique, la SNCF conserve l'essentiel du marché, ce processus jouera à condition que l'entrée de nouveaux opérateurs reste possible sans coût fixe irrécupérable. Les autorités de régulation du marché, et notamment Réseau ferré de France devront veiller à ce bon fonctionnement du marché. Dans ces conditions, la libéralisation du transport de fret ferroviaire devrait permettre de le développer sans remettre sensiblement en cause la position favorable de l'opérateur historique. Ce processus peut donc être accepté, la date du 1er janvier 2006 semblant appropriée pour les services de fret international.

Quant au transport de fret national, l'ouverture semble moins urgente pour l'unification de l'espace ferroviaire européen. La date du 1er janvier 2008, retenue en première lecture par le Conseil des ministres européen semble donc préférable à celle du 1er janvier 2006, que propose le Parlement européen. Ce délai de deux ans permettra à la SNCF d'adapter son équipement et ses méthodes au défi de la concurrence. Il faudra toutefois veiller à une séparation plus stricte entre le régulateur, Réseau ferré de France, qui est aussi le gestionnaire des infrastructures, et la SNCF, aujourd'hui opérateur unique. Sans quoi RFF pourrait être accusé de privilégier la SNCF, ce qui créerait de graves difficultés au plan communautaire.

Nous devons être conscients que l'opposition de la France à la nouvelle étape de libéralisation du transport ferroviaire a trouvé ses limites dans le fonctionnement des institutions communautaires. Notre pays a été isolé lors du vote sur le « deuxième paquet ferroviaire » au conseil des ministres des 27 et 28 mars derniers, l'hostilité de la Belgique et du Luxembourg n'empêchant pas l'adoption des textes à la majorité qualifiée. Face à un processus inéluctable et prometteur, ne faut-il pas désormais rechercher l'efficacité, en influant sur lui de l'intérieur, pour l'améliorer, plutôt que de le subir ? L'opposition frontale et minoritaire a l'inconvénient de « maintenir l'image d'une France fermée », comme le souligne très justement le rapport de la délégation pour l'Union européenne. Ne craignons pas une libéralisation limitée au seul fret ferroviaire, et qui s'accompagnera d'un contrôle fort, fondé sur un organe régulateur et des normes exigeantes. La SNCF, dotée d'une expérience inégalée et de personnels à la compétence reconnue, est largement en mesure de relever ce modeste défi.

Il n'en demeure pas moins que cette libéralisation doit être assortie de garanties sociales et sécuritaires suffisantes. Tout d'abord, l'harmonisation des conditions de sécurité doit être plus exigeante. Un haut niveau de sécurité, limitant le plus possible les risques d'accidents, est un atout du rail, qu'il faut valoriser. Une vigilance insuffisante sur ce point pourrait perturber l'ensemble de la démarche d'ouverture à la concurrence.

Ainsi les dysfonctionnements des chemins de fer britanniques, qu'évoquent habituellement les adversaires de la libéralisation, résultent certes d'une insuffisance durable des investissements sur le réseau, mais surtout de la faiblesse des normes de sécurité et de leur contrôle. En Grande-Bretagne, l'utilité des standards de sécurité est comparée au surinvestissement qu'ils peuvent impliquer. A l'inverse, le modèle français de sécurité ferroviaire se signale par la fixation d'un niveau très élevé pour les coefficients de sécurité, qui reflètent le rapport entre la résistance maximale d'un ouvrage et les forces s'exerçant ordinairement sur lui. Le surinvestissement qui en résulte permet de faire face aux événements exceptionnels, et de minimiser le nombre de victimes d'accidents. Il pourrait toutefois être considéré comme exagéré par la Commission européenne, dans une logique coût-bénéfices. La France doit convaincre dès à présent les instances communautaires de ne pas raisonner en termes de rentabilité financière pour les questions touchant à la sécurité des usagers (Signes d'approbation sur de nombreux bancs).

L'effort pour imposer des normes sécuritaires exigeantes à toutes les entreprises concernées apparaît donc comme l'un des enjeux centraux de la négociation en cours sur le « deuxième paquet ferroviaire ». La proposition de directive sur la sécurité semble globalement conforme à cette ambition. Ainsi, la nécessité pour chaque entreprise de disposer d'un certificat de sécurité pour accéder au réseau et la faculté de réviser ou retirer ce certificat sont des garanties utiles, tout comme les dispositions relatives à la formation des personnels et les procédures prévues pour les enquêtes et sanctions en cas de dysfonctionnements.

En revanche, certaines modalités prévues pour l'harmonisation des règles de sécurité entre Etats membres ne sont pas entièrement satisfaisantes. Il faudrait améliorer par exemple la rédaction de l'article 5 de la proposition de directive, selon lequel les objectifs de sécurité communs sont élaborés en fonction des « critères d'acceptation des risques » : tous les risques doivent être combattus, sans qu'aucun puisse être considéré par avance comme acceptable. De même, ces objectifs ne doivent pas définir des « niveaux de sécurité minimaux devant être atteints », mais un optimal contraignant : pas question d'aligner les modèles nationaux les plus exigeants sur les plus souples.

Surtout, l'obligation de transmettre préalablement à la Commission européenne tout projet de règle nationale de sécurité, prévue à l'article 8 de la proposition de directive, ne favoriserait pas une amélioration des conditions de sécurité. Elle pourrait conduire la Commission à empêcher un Etat membre de mettre en place des normes de sécurité plus élevées, sous prétexte d'éviter tout protectionnisme. Mieux vaut éviter les procès d'intention et permettre aux Etats de prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires.

Ensuite, il faut engager la réflexion sur les conditions d'activité de personnels. Les personnels chargés de la circulation des trains et de la gestion du réseau ferroviaire bénéficient actuellement d'un statut social variable d'un Etat membre à l'autre. Il est regrettable que le « deuxième paquet ferroviaire » n'aborde pas davantage l'harmonisation des formations et des conditions de travail dans ce secteur.

Les cheminots de la SNCF disposent d'un niveau de formation très élevé puisque la SNCF y consacre chaque année 45 000 € par agent. Or, sans un cadre social commun, l'accélération de l'ouverture du rail à la concurrence pourrait inciter chaque compagnie à délaisser la formation des personnels, cherchant à débaucher ceux-ci chez ses concurrents. Aussi convient-il de soutenir toute initiative tendant à introduire un volet social dans les textes proposés par la Commission européenne.

Ce volet pourrait consister à harmoniser les temps de travail et de repos des conducteurs et personnels de bord effectuant des tâches essentielles à la sécurité du transport ou à instaurer un permis de conducteur de train assurant des services transfrontaliers. Des amendements du Parlement européen chargent à juste titre les Etats membres de veiller à ce que les personnels concernés maîtrisent correctement les moyens - codes, terminologie, langue - requis pour les communications opérationnelles.

Par ailleurs, l'émergence d'un espace ferroviaire européen suppose des mécanismes de coordination adaptés.

A cette fin, il nous est proposé de créer une agence ferroviaire européenne - AFE -. Si la définition de ses objectifs et de ses modalités d'intervention est satisfaisante, on ne peut en dire autant de sa composition, contrôlée par la Commission, qui nomme le directeur, la moitié des membres du conseil d'administration ainsi que les experts indépendants. Par ailleurs, il conviendrait d'accorder aux experts le droit de vote, et ouvrir le conseil d'administration à des représentants du Parlement européen et de l'association européenne pour le développement de l'interopérabilité ferroviaire.

Enfin, l'interopérabilité, requiert un financement européen spécifique, car des travaux importants seront nécessaires pour que les trains circulent sans entrave d'un Etat membre à l'autre et pour que les liaisons transnationales soient améliorées.

Les exigences de l'interopérabilité ont ainsi accru de 7 % le coût total de la construction de la ligne TGV Paris-Strabourg. L'extension du système de commande ERTMS au réseau français coûterait environ 600 millions d'euros.

L'idée, émise par la délégation pour l'Union européenne, de proposer l'émission par l'Union européenne d'un emprunt pour financer les grands projets d'infrastructure ferroviaire, paraît pertinente du fait de la dimension européenne de l'enjeu.

En revanche, « l'instauration d'une taxe sur les poids lourds pour l'utilisation des routes et autoroutes » comme le demande le mémorandum, n'est pas envisageable, car ce nouvel impôt alourdirait les charges pesant sur les entreprises de transport alors que le rail n'est pas encore une solution rentable. L'instauration d'une telle taxe ne saurait donc intervenir sans une amélioration parallèle de l'offre ferroviaire.

Afin d'améliorer cette proposition de résolution, il conviendrait de mieux préciser les conditions sociales et de sécurité dont la libéralisation doit être assortie et de supprimer la référence à l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, dans la mesure où elle est prématurée et absente des textes dont nous sommes saisis. Avant d'envisager, le cas échéant, une nouvelle étape, il faudra s'assurer que l'ouverture à la concurrence pour le fret ferroviaire a été concluante (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne, suppléant M. Christian Philip, rapporteur au nom de cette délégation - Permettez-moi d'excuser l'absence de Christian Philip, malheureusement retenu, mais qui a beaucoup travaillé sur cette question.

Je me félicite que le débat d'hier sur la proposition de résolution relative à la diversité linguistique soit suivi aujourd'hui de cette discussion sur le deuxième paquet ferroviaire. Conformément à l'article 88-4 de la Constitution, l'Europe est ainsi placée au centre de nos débats.

Jusqu'à présent, la France a vu, dans l'ouverture du fret ferroviaire à la concurrence, une menace pour notre conception du service public et un risque de dégradation des normes de sécurité, l'exemple de la Grande-Bretagne ayant été fréquemment cité à ce titre. La France, par une transposition a minima de la directive 91/440, a fait figure de pays protectionniste, alors même que la SNCF profitait de l'ouverture des réseaux d'autres Etats membres.

Le Gouvernement et l'Assemblée nationale se sont finalement départis de ces critiques, et la France fut l'un des premiers Etats à transposer, avant la date limite, le premier paquet ferroviaire par le décret du 7 mars 2003.

Concernant l'Assemblée nationale, la présente proposition de résolution souscrit à l'objectif d'ouverture à la concurrence des services internationaux et nationaux de fret, poursuivi par le deuxième paquet ferroviaire.

Ce changement d'attitude naît du fait que la démarche de la Commission est perçue comme un pas décisif vers une politique commune des transports, compatible avec les intérêts de la France.

C'est bien dans le cadre de la politique commune des transports - dont le principe est consacré à l'article 70 du traité - que s'inscrivent les deux paquets ferroviaires, grâce auxquels la Commission tente d'enrayer la diminution continue des parts de marché du fret ferroviaire dans le transport de marchandises - 14 % en moyenne en 2001, contre 74 % pour la route. La mise en concurrence des réseaux pourrait être de nature à améliorer les prestations du fret ferroviaire et à attirer les opérateurs.

Cet objectif doit d'autant plus être soutenu qu'il concourt à l'achèvement du marché intérieur.

Mais surtout, cette évolution n'est pas incompatible avec les intérêts de la France.

Tout d'abord, le deuxième paquet ferroviaire comporte des volets relatifs à la sécurité et à l'interopérabilité, et je me félicite que la position commune du Conseil du 26 juin 2003 ait souligné que « les efforts visant à une plus grande efficacité du système ferroviaire ne doivent, en aucun cas, compromettre les niveaux de sécurité élevés qui existent ».

En revanche, je regrette que le Parlement européen ait, en seconde lecture, adopté des amendements limitant la faculté pour les Etats membres d'instaurer un niveau de sécurité supérieur à la norme européenne.

En ce qui concerne l'interopérabilité, je me félicite des améliorations apportées par le Parlement européen.

Ensuite, les décisions communautaires récentes renforcent l'idée d'espace ferroviaire européen. Il s'agit tout d'abord de l'accord politique auquel est parvenu le Conseil « Transports » sur le développement du réseau transeuropéen de transport. Les projets prioritaires recensés - dont plusieurs concernent notre pays - sont essentiels pour renforcer la cohésion du marché intérieur, notamment dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne.

Par ailleurs, s'il ne reprend pas l'idée d'un emprunt européen, le Conseil « Ecofin » du 25 novembre 2003 est parvenu à un accord politique qui porte de 10 à 20 % le plafond de la contribution financière de l'Union européenne aux projets transfrontaliers.

En conclusion, les mesures préconisées par la Commission, qu'il s'agisse du deuxième paquet ferroviaire ou du réseau transeuropéen de transport sont nécessaires à la construction de l'espace ferroviaire européen, mais restent insuffisantes. La Commission doit réfléchir à l'élaboration d'un volet social et à l'instauration d'un cadre pour le financement des investissements. En tout état de cause, l'effort de l'Union devra être complété et relayé par les Etats membres.

Bien entendu, nous soutenons cette proposition de résolution (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilbert Biessy - Permettez-moi de souligner le caractère exceptionnel de cette discussion. Alors même que le décret d'application du premier paquet ferroviaire a été publié, pour la France, le 7 mars 2003, la Commission nous impose une modification des principales dispositions des directives européennes de 2001 pour accélérer l'ouverture du fret ferroviaire à la concurrence.

Sans doute afin de faire passer la pilule, le deuxième paquet ferroviaire comprend trois autres projets plus consensuels : deux propositions tendant à améliorer la sécurité et les conditions d'interopérabilité sur les réseaux, et un projet de règlement créant un organisme européen centralisant et coordonnant ces différents dispositifs.

Hormis quelques réserves, toutes les modifications proposées semblent convenir à la délégation pour l'Union européenne et à la commission des affaires économiques.

La proposition de résolution se félicite de cette accélération des procédures de libéralisation, anticipant même sur de futures directives relatives à l'ouverture à la concurrence du transport voyageurs !

Alors que le Gouvernement a maintenu le cap de la position française en refusant d'approuver ces directives lors du conseil des ministres européens des 27 et 28 mars 2003, les parlementaires UMP cèdent, au mépris de la démarche pragmatique qui nous a toujours guidés, aux sirènes de l'ultralibéralisme débridé !

Libéralisons à tour de bras, refusons toute évaluation de l'ouverture progressive à la concurrence, prenons le risque d'une dégradation des réseaux et de la sécurité ! Qu'importe si les infrastructures ne permettent pas encore de consacrer le dogme du tout privé !

Cette position est en totale cohérence avec votre politique : suppression de grands projets d'infrastructure ferroviaire utiles à l'aménagement du territoire au profit du secteur routier (Protestations sur les bancs du groupe UMP), étranglement de la SNCF par l'augmentation des péages...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - Pour désengorger RFF !

M. Gilbert Biessy - ...ou hausse de la TIPP sur le gazole à la seule charge des particuliers.

Alors même que l'instauration d'une taxe sur les poids lourds pour l'utilisation des routes et autoroutes avait été envisagée, vous enterrez cette mesure de bon sens au niveau national pour demander à la Commission de l'examiner. Encore un exemple des contradictions de votre majorité, qui se présente pourtant comme championne du développement durable.

Face à cette casse méthodique du service public de transport, le groupe des députés communistes et républicains se veut force de proposition et refuse toute volte-face. Nous avions déjà émis des réserves sur la politique du précédent gouvernement. Mais l'ouverture à la concurrence totale prônée par la Commission a été freinée grâce au premier paquet ferroviaire, qui permet une libéralisation contrôlée et progressive du fret ferroviaire.

Plutôt qu'une ouverture à la concurrence sauvage, nous préférons conforter les grands opérateurs nationaux du service public ferroviaire. Permettez-moi de citer quelques extraits du débat sur la résolution française qui soutenait le Gouvernement dans sa négociation avec Bruxelles, et qui a permis de modifier puis d'adopter le premier paquet ferroviaire : « Pas plus aujourd'hui qu'hier, notre groupe ne considère que les propositions de la Commission tendant à déréglementer le transport ferroviaire soient une solution d'avenir. Notre préférence va à des accords de réseau à réseau. » Ou encore : « La coopération entre réseaux et opérateurs ferroviaires nous paraît, compte tenu des traditions de chaque Etat, du coût des infrastructures ferroviaires, de la nécessité d'une péréquation des ressources compatibles avec l'aménagement du territoire, la meilleure solution possible ».

Si étonnant que cela puisse paraître aujourd'hui à la lecture de la proposition de résolution qui nous est soumise, cette position était celle du groupe RPR exprimée par notre collègue Michel Bouvard.

Le gouvernement précédent avait été mandaté par tous les députés, exception faite du groupe démocratie libérale, pour signifier à la Commission la position de la France, que vous qualifiez aujourd'hui de « fermée et timorée ». Vous incitez le Gouvernement à montrer que la France « accepte le principe de l'ouverture à la concurrence ». Afin d'influer sur la position de M. de Robien, vous approuvez « l'objectif d'ouverture à la concurrence des services internationaux de fret poursuivi par la proposition de directive ».

Vous allez même plus loin en demandant que la libéralisation aux voyageurs soit lancée en commençant par les TER et les transports périurbains, alors même que tel n'est pas l'objet du deuxième paquet ferroviaire. Votre proposition ne nous étonne certes pas au vu de votre projet de loi de décentralisation. Que faites-vous dans ce cadre de la loi SRU, de la notion même d'égalité et de service public ?

Permettez-moi de citer M. Bussereau, s'exprimant à cette tribune en 1999.

« Si vous bridez la SNCF dans un corset étatique, et dans une notion de service public dépassée, le rail ne se développera pas ».

M. Dominique Le Mèner, rapporteur, et M. le Président de la délégation pour l'Union européenne - Il avait raison !

M. Gilbert Biessy - « Mieux vaut des prix en baisse pour les consommateurs que d'affirmer la notion de service public ». Ou encore : « le service public ferroviaire sur les grandes lignes n'a plus de sens, et pour le fret il est devenu une notion désuète ».

Vous aviez alors eu le courage de rejeter ces déclarations, et de voter unanimement en faveur d'une résolution qui contrecarrait l'intention de la Commission européenne d'ouvrir l'ensemble du réseau ferroviaire à la concurrence sauvage. Comment expliquez-vous aujourd'hui un tel renversement de perspective ? Vous aviez, à l'instar de notre groupe, adopté sur ce dossier une position pragmatique que votre gouvernement semble poursuivre.

Nous souhaitons que la proposition de résolution soit modifiée, en demandant la suppression du projet de directive COM (2002) 25/e 1941, qui modifie à nouveau la directive 91/440. Soyez cohérent : n'acceptez pas en l'état la mise en place de l'Agence européenne ! Vous disiez à l'époque à juste titre que : « L'atomisation des lieux de décision et de gestion du système de la traction, l'exploitation commerciale des sillons, la répartition des sillons et de la tarification, et les instances indépendantes en charge de la sécurité et de l'application des règles d'attribution des sillons paraît très dangereuse. Ce serait une source de complexité et de contentieux, mais aussi une faiblesse par rapport à une gestion optimale des infrastructures, qui suppose que l'on puisse agir au sein d'un même organisme sur les investissements de développement, la tarification et la répartition des capacités. »

Or, l'agence privera les entreprises ferroviaires et les gestionnaires d'infrastructure de cette capacité d'intervention. La SNCF vous a interpellé sur ce sujet et votre seule réponse est d'ironiser sur son manque de confiance en ses capacités. Ce n'est pas sérieux !

Quant aux autres projets qui nous sont soumis, je regrette l'absence de travail de fond de la délégation pour l'Union européenne. Sans remettre en cause la finalité des textes concernant la sécurité ferroviaire et l'interopérabilité des réseaux, vous ne pouvez vous limiter aux préconisations générales contenues dans la résolution.

De nombreux points méritent d'être précisés. Nous avions préparé des amendements en ce sens qui n'ont hélas pu être déposés dans les délais si particuliers qui régissent ce type de débat.

Malgré les quelques avancées des projets de directives E 1932 et 1936, ce deuxième paquet ferroviaire ne répond pas aux enjeux vitaux pour l'avenir du service public ferroviaire, pour la SNCF, pour la sécurité des voyageurs, pour le rééquilibrage du rapport rail/route.

Le développement du fret ferroviaire et une politique nationale et européenne d'investissements massifs en faveur de l'interopérabilité des réseaux sont indispensables.

Si vous demeurez figés dans votre posture idéologique ultralibérale, nous voterons contre cette résolution.

M. François-Michel Gonnot - On pourrait regretter qu'une terminologie européenne quelque peu obscure cache derrière un « paquet » ferroviaire des enjeux importants pour l'économie française, le secteur des transports et la SNCF. Ce débat montre d'abord que la France ne doit pas avoir peur des réformes. Elle gagne quand elle sait faire preuve d'audace et défendre, dans un vrai dialogue avec ses partenaires européens, ses intérêts plutôt que d'adopter des positions fermées qui empêchent les réformes de se faire au mieux de ses intérêts. La libéralisation et l'ouverture à la concurrence doivent être regardées comme une chance pour nos opérateurs « historiques » et pour l'économie française. Les réformes dans les secteurs des télécommunications ou du transport aérien nous montrent que la France a su préserver les intérêts de ses opérateurs - France Télécom et Air France. Gardons-nous donc d'une vision étriquée de la réforme et de la construction européenne.

Sous l'ancienne majorité, la France n'avait pas de politique des transports : les dossiers n'étaient pas des projets, les promesses n'étaient pas des réalisations (Protestations bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Ce débat doit être replacé dans la perspective de l'audit des infrastructures et du débat national qui ont permis de faire émerger une nouvelle politique des transports. Les décisions historiques prises il y a quelques jours lors du CIADT sont la feuille de route du Gouvernement qui va pouvoir relancer les infrastructures ferroviaires.

Cette nouvelle politique est fondée sur le principe simple de la complémentarité entre les modes de transport. Cela appelle des décisions sur l'organisation et le fonctionnement du fret ferroviaire, mais aussi des réformes au sein de la SNCF.

Il faut privilégier le transport ferroviaire, qui est le mode de transport le plus sûr et le moins polluant. La libéralisation et l'ouverture à la concurrence sont une occasion de redresser la situation : le rail assurait 30 % du transport de marchandises il y a trente ans, 18 % aujourd'hui. L'objectif est de maintenir cette part de marché.

La création d'un espace ferroviaire unifié doit être vue comme une chance, au moment où nous avons la volonté de redonner une vraie place au transport ferroviaire de fret. Elle peut être un accélérateur des mutations nécessaires. C'est pourquoi le groupe UMP votera la proposition de résolution, étant entendu que la France ne doit pas transiger sur la sécurité ; que l'ouverture ne doit pas se faire contre le corps social de la SNCF et que la libéralisation doit être accompagnée de garanties sociales, voire d'un volet social ; que le Gouvernement doit être attentif à l'impact qu'aura l'ouverture du fret à la concurrence sur l'ensemble du marché des transports de marchandises - la France avait demandé un bilan sur l'application des mesures contenues dans le premier paquet, nous l'attendons toujours ; étant entendu enfin qu'il faut prendre le temps nécessaire avant d'envisager le troisième wagon de la réforme, à savoir l'ouverture à la concurrence du trafic voyageurs. C'est à ces conditions que la libéralisation du transport ferroviaire sera un succès. Le processus doit être maîtrisé et volontaire et ne négliger ni les spécificités, ni les atouts de la SNCF, non plus que les intérêts de la France. Le groupe UMP espère que le Gouvernement tiendra compte de ses recommandations dans la suite des négociations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Odile Saugues - L'examen de ce projet de résolution était nécessaire et je me félicite que le groupe socialiste ait demandé son inscription à l'ordre du jour de notre assemblée. Il devait être discuté le 21 octobre, jour de l'examen en deuxième lecture du « second paquet ferroviaire » au Parlement européen. Malheureusement, l'ordre du jour de notre assemblée a été modifié et nous n'avons donc pas pu adresser un message politique clair à ce moment précis, ce qui fait que le gouvernement français n'aborde pas dans les meilleures conditions possibles les difficiles négociations à venir.

Depuis les années 1970, nous assistons à un recul inexorable du fret ferroviaire français et européen. En 1974, le fret représentait 46 % du volume des marchandises transportées, contre 18 % aujourd'hui. Cette tendance se constate dans toute l'Europe de l'ouest.

Face aux difficultés actuelles, il est de bon ton de pointer du doigt la SNCF. Certes, sa responsabilité est réelle. Elle a indiscutablement privilégié le transport de voyageurs pour des raisons commerciales, et n'a pas réalisé les investissements suffisants en matière de matériel roulant. Les conséquences de ce choix stratégique apparaissent lors des conflits sociaux mais aussi lors d'événements exceptionnels : je pense aux ravages de la tempête sur la filière bois ou encore aux stocks de fourrages qui attendaient d'être acheminés vers les exploitations agricoles ayant le plus souffert de la sécheresse.

Gardons-nous cependant des effets de manche faciles et de la démagogie qui consisterait à faire porter à la seule SNCF la responsabilité du déclin du fret ferroviaire. L'Etat est également responsable. Le précédent ministre des transports avait fixé pour objectif un doublement du volume de fret ferroviaire en dix ans, et un triplement du trafic pour le transport combiné rail-route. Nous savons que ces objectifs ne seront pas atteints et que les choix budgétaires de 2003 et 2004 n'offrent aucune perspective réelle de développement du fret ferroviaire.

Certains projets, comme la modernisation de la ligne Clermont-Ferrand/Neussargues/Béziers, qui devait faire émerger un axe Nord/Sud consacré au fret, ont été abandonnés et leurs crédits ont été détournés... vers des projets routiers.

M. le Secrétaire d'Etat - Heureusement.

Mme Odile Saugues - Pourtant, Monsieur le ministre, vous nous aviez assuré qu'aucun projet d'infrastructure ne serait remis en cause.

M. le Secrétaire d'Etat - Aucun projet sérieux.

Mme Odile Saugues - Enfin, on ne saurait taire la responsabilité de l'Europe elle-même. Le vent ultra-libéral qui conduit les politiques communautaires a livré le transport routier de marchandises aux pires lois du marché et du dumping social incarnées par quelques gros transporteurs européens. Surtout, cette libéralisation a été engagée avant même de réfléchir à une orientation européenne en matière de fret ferroviaire. L'Europe a fait le choix du tout-camion, au détriment de l'environnement, de la sécurité routière, du progrès social et de l'aménagement équilibré du territoire.

Dans ces conditions, les règles de concurrence posées par ce deuxième paquet ferroviaire sont-elles de nature à dessiner l'Europe des transports que nous voulons ? Chacun sait que le transport de voyageurs et de marchandises en Europe est un élément clé de la croissance économique. La SNCF elle-même l'a bien compris, qui réalise 50 % de son trafic à l'international. Nous devons donc résolument saisir cette opportunité. Mais nous ne pouvons le faire sans règles ni garanties.

A cet égard, certains amendements de la commission des affaires économiques me semblent tout à fait pertinents et de nature à contribuer utilement à l'édification d'une Europe du rail. Je regrette simplement qu'aucun d'eux ne reprenne le discours de notre rapporteur sur la place qu'il conviendrait d'accorder aux organisations syndicales au sein de l'Agence.

Par ailleurs, je redoute l'activisme acharné du rapporteur du Parlement européen sur la proposition de directive visant à accélérer l'accès aux réseaux dans le domaine du fret et à ouvrir les réseaux à des candidats autorisés.

Par ailleurs, je constate que la position commune du Conseil des ministres repose sur un calendrier différent de celui proposé par la Commission européenne et de celui adopté par le Parlement européen en seconde lecture.

De son côté, la commission transports du Parlement européen a adopté un amendement accélérant l'ouverture du fret international et national au 1er janvier 2006 et un autre relatif à l'ouverture du trafic passagers national et international au 1er janvier 2008. Cette dernière proposition se trouvait d'ailleurs dans le projet initial de résolution que nous examinons aujourd'hui, alors qu'en commission transports du Parlement européen, l'UMP s'y était opposé ! Les positions ultralibérales du député européen Jarzembowski ont donc trouvé un écho favorable dans notre assemblée, mettant ainsi le Gouvernement français dans une situation encore plus critique ! Dans un tel contexte, la suppression dans ce « deuxième paquet » de toute référence à l'ouverture du trafic passagers reste pour nous une exigence absolue. Il faudra que sur ce point, la France parle d'une seule voix et résiste à la fièvre libérale qui saisit le Parlement européen.

En ce qui concerne le calendrier, la construction de l'Europe du rail est urgente et nous n'avons que trop tardé à la réaliser. Toutefois, nous devons être en mesure de relever ce défi dans les meilleures conditions possibles. Or, je ne suis pas sûre que l'accélération du calendrier qui est envisagée soit réellement une chance pour la réussite de l'Europe ferroviaire que nous voulons. Et comment ne pas s'inquiéter de l'isolement diplomatique de la France dans les négociations actuelles ?

Votre position serait plus forte, Monsieur le ministre, si vous pouviez dire à nos partenaires européens que le délai supplémentaire que vous réclamez nous permettra de mobiliser les acteurs du transport ferroviaire. Or, cette mobilisation, je ne la perçois ni dans les faits, ni dans les choix opérés par les pouvoirs publics depuis 2002.

Au moment où nous devrions faire preuve d'une détermination à toute épreuve pour aborder les négociations européennes en position de force, la France semble hésiter et vous ne parvenez même pas à obtenir l'appui de votre propre majorité. Pouvait-on se retrouver en posture plus délicate ? Voudrait-on que l'Europe du rail se fasse sur notre dos que l'on ne s'y prendrait pas autrement !

Ce débat est donc l'occasion, pour les députés socialistes, de vous interpeller sur les difficultés majeures que traverse le fret ferroviaire en France, difficultés qui risquent de s'accroître demain, à cause de la faiblesse des moyens financiers qui lui sont alloués et de la remise en cause, sur notre territoire, de projets essentiels pour son essor. Comment ne pas rappeler ici les atermoiements du Gouvernement sur le Lyon-Turin ?

Vous demandez à vos partenaires européens le respect du délai initialement prévu, voire un délai supplémentaire. Soit, mais comment le mettrez-vous à profit pour que le fret ferroviaire ne soit plus le parent pauvre du budget de l'Etat et de votre politique d'aménagement du territoire ?

Le groupe socialiste s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilbert Gantier - Je remercie l'auteur de cette proposition de résolution, M. Christian Philip, qui replace ainsi au c_ur de nos débats les choix communautaires concernant l'avenir du transport ferroviaire. Les enjeux sont de taille tant pour la SNCF, qui a adopté le 19 novembre un plan très attendu de réorganisation et de redressement de son activité fret, que pour notre politique nationale de développement des infrastructures de transport.

Pour des raisons environnementales, aujourd'hui partagées par tous, l'UDF a toujours considéré le ferroutage comme une priorité nationale qui appelle des objectifs volontaristes tels que le « doublement » du fret ferroviaire en dix ans. Malheureusement, le précédent gouvernement, qui comptait pourtant en son sein des ministres Verts, n'a rien fait pour faire décoller le ferroutage. Restant dans le domaine environnemental, je me permettrai une remarque à propos du ferroutage. Alors que la ministre de l'écologie a présenté un plan national de lutte contre le bruit, il serait pour le moins paradoxal que le développement du ferroutage soit à l'origine de nouvelles nuisances sonores !

S'agissant du bassin parisien, il conviendrait donc de détourner sur la Picardie le transit de marchandises entre le port du Havre et les régions de l'Est de la France. Ce respect de l'environnement urbain est essentiel pour que nos concitoyens, déjà excédés par les pollutions des gaz d'échappement, ne soient pas aussi dégoûtés par le bruit des trains de marchandises. Il s'agit aussi de libérer des voies pour le transport de voyageurs.

L'UDF a, d'autre part, toujours été favorable au principe de la libéralisation du transport ferroviaire, seule à même de garantir le développement de ce mode de transport, car si le ferroutage doit être une affaire d'Etat, ce n'est pas seulement l'affaire de l'Etat. Le Gouvernement français aurait donc tout à perdre à refuser une telle évolution et à « maintenir l'image d'une France fermée », comme il est écrit dans le rapport de la Délégation pour l'Union européenne.

Vous comprendrez donc que le groupe UDF ne peut qu'être favorable aux propositions de directives de la Commission européenne. Le développement de la concurrence dans le domaine du fret apparaît comme une bonne chose. Du reste, il s'agit d'une activité par essence concurrentielle et non de service public et cette ouverture est une nécessité pour la SNCF, dont personne ne comprendrait qu'elle prenne des parts de marché en Europe, sans que le marché national soit à son tour ouvert. Elle n'a d'ailleurs pas à être inquiète, étant donné son savoir-faire. Et il serait paradoxal que nos concitoyens soient les seuls à ne pas profiter des efforts et de la compétitivité que la SNCF est capable de déployer pour conquérir des marchés à l'étranger...

Néanmoins, la Commission veut bousculer les échéances prévues dans le premier paquet. C'est sans doute nécessaire, dans la mesure où le transport ferroviaire semble toujours plus menacé par la route, mais il faut alors assurer la cohérence par d'autres mesures réglementaires et financières.

Une exigence de transparence et d'égalité d'accès aux infrastructures ferroviaires françaises pour les candidats autorisés s'impose. Cela est essentiel, car la France ne dispose pas encore de véritable organe régulateur indépendant de la SNCF. Pourquoi, deux ans après l'adoption du premier paquet, la SNCF continue-t-elle à procéder à l'attribution des sillons ? Que comptez-vous faire pour que la France remplisse ses obligations de transparence et de neutralité pour la mise à disposition des réseaux ferroviaires ? La France est-elle vouée à être le mauvais élève de l'Union en matière de libre prestation de services ?

En revanche, si la mise en concurrence du transport de voyageurs peut constituer un projet à terme, elle ne devrait sans doute pas être abordée avant que la concurrence soit parvenue à maturité dans le domaine du fret. Début novembre, le Parlement européen a voté en faveur d'une libéralisation du transport de voyageurs dès 2008. Pourtant, bien des questions se posent. Ainsi, l'utilisation du matériel roulant et la formation des agents de conduite doivent-elles être considérées comme des « facilités essentielles », c'est-à-dire comme des prestations que les entreprises doivent obligatoirement accorder à leurs concurrents ? L'ouverture à la concurrence de ce secteur doit donc être envisagée avec prudence, même si nous souhaitons qu'à terme, les régions puissent lancer des appels d'offre pour choisir leur transporteur. Comme le président de la SNCF, nous demandons davantage de clarté sur cette question.

Vous proposez par ailleurs que les directives européennes définissent des normes sociales élevées pour renforcer la crédibilité de l'espace ferroviaire. C'est aussi souhaitable que nécessaire, mais la même démarche doit absolument être entreprise pour le transport routier, faute de quoi les entreprises continueront à le préférer en raison d'un coût bien moindre. La concurrence entre les deux secteurs ne pourra être équilibrée tant que la réglementation ne sera pas au même niveau d'exigence. Francis Hillmeyer a été missionné pour faire le point sur les problèmes et les demandes du secteur des transports routiers. Ses propositions devront être discutées au niveau européen et aboutir à une harmonisation des réglementations.

Le groupe UDF votera cette proposition de résolution. L'ouverture des marchés européens est une véritable révolution culturelle pour nos entreprises publiques. Au lieu de lutter contre cette évolution inéluctable, elles doivent saisir cette chance et se réorganiser pour mettre leur savoir-faire incontestable au service de leurs clients (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - Je remercie les rapporteurs et la délégation pour la qualité de leur travail, ainsi que les orateurs qui ont apporté leur contribution au débat. L'ensemble de propositions qu'il est convenu d'appeler le deuxième paquet ferroviaire, même si le terme est affreux, a été adopté par la Commission il y a presque deux ans. Le Parlement européen et le Conseil y ont apporté des amendements substantiels, sans parvenir à un accord. Nous en sommes donc maintenant à la fameuse phase de conciliation, qui est toujours difficile, ainsi que le prouve l'échec de cette procédure pour la directive portuaire.

En ce qui concerne la directive sur la sécurité, la France a joué un rôle important pour garantir le niveau existant. Cela a permis d'écarter tout risque de dérive et a ramené à de plus justes proportions le rôle des méthodes et objectifs communs de sécurité, qui n'auront pas un caractère normatif : les Etats membres pourront ainsi fixer des règles nationales supérieures aux objectifs communautaires. Le Gouvernement partage donc pleinement votre analyse sur le caractère contestable et peu utile de l'obligation de notification préalable.

En ce qui concerne le texte sur l'interopérabilité ferroviaire, vos préoccupations relatives au financement sont légitimes. Le livre blanc de la Commission, « La politique européenne des transports à l'horizon 2010 : l'heure des choix » envisage une directive cadre sur les redevances d'infrastructures - la Commission n'a pour l'instant produit qu'une proposition de directive dans ce domaine, concernant les péages routiers pour les poids lourds. Le financement de l'interopérabilité et la réalisation de nouvelles infrastructures peuvent donc parfaitement bénéficier d'un soutien communautaire. Cette participation reste toutefois modeste à ce jour, et une démarche commune est donc indispensable. Nous avons d'ores et déjà obtenu un financement européen pour le TGV est. Dans la grande liste des projets adoptée au CIADT du 5 décembre, nous comptons en obtenir d'autres, à hauteur de 10 % ou même jusqu'à 20 % pour des projets de dimension européenne. Il ne faut pas que Mme Saugues et M. Biessy nous racontent des histoires : ce CIADT a permis au Gouvernement de prendre des décisions réellement historiques en matière ferroviaire ! Nous aurions aimé que le gouvernement précédent fasse de même. Il s'est contenté de s'amuser sur la ligne Béziers-Clermont-Ferrand... Nous avons déterminé des projets d'intérêt national pour l'Aquitaine, les Pays de Loire et la Bretagne, sans compter le TGV Rhin-Rhône qui rassemble tous les élus concernés. Il faudra certes trouver des financements, mais les bénéfices des sociétés d'autoroute sont d'ores et déjà affectés à ces projets. Je voudrais bien connaître un gouvernement qui ait pris autant de décisions favorables au chemin de fer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Quant à l'interopérabilité, elle pose des problèmes de signalisation. Nous avons hérité des guerres et des passions des ingénieurs européens le réseau le plus compliqué du monde ! Les écartements sont différents entre la France, l'Espagne, les pays de l'est et la Russie... Rien qu'en France, nous comptons plusieurs systèmes d'électrification et de signalisation. A l'échelle des 25, le coût d'un matériel polyvalent devient très important. C'est la grande faiblesse du rail. L'Europe a donc pris la décision de l'ERTMS, fondé sur le positionnement par satellite, qui sera expérimenté sur la ligne à grande vitesse Est. Toutes les lignes nouvelles en bénéficieront. Elles pourront donc recevoir des trains allemands par exemple.

S'agissant de l'harmonisation sociale, le Conseil et le Parlement européen ont introduit des références aux conditions de travail. On peut citer la possibilité pour les Etats de faire appliquer par toutes les entreprises, sur son territoire, les règles nationales, les missions confiées à l'Agence ou encore le champ donné aux directives interopérabilité. La France a été à l'origine de plusieurs de ces amendements. Un autre pas important a été franchi par la conférence européenne du rail et les représentants du secteur ferroviaire, qui ont conclu en octobre un accord social qui porte en particulier sur les conditions de travail du personnel employé dans les services transfrontaliers. Les deux parties considèrent qu'il doit désormais être intégré dans le droit communautaire en vertu de l'article 139 du traité.

Lors de la conciliation, la France soutiendra l'essentiel des amendements adoptés en seconde lecture par le Parlement européen sur la directive interopérabilité.

En ce qui concerne le règlement sur l'Agence ferroviaire européenne, bonne nouvelle pour la France - et je l'indique en particulier à M. Blessig qui ne semble pas sur la même longueur de rail que ses collègues communistes du Conseil régional Nord-Pas-de-Calais -, le Conseil européen a décidé que son siège de l'agence serait à Valenciennes, ce qui représente au moins une centaine d'emplois. Il est essentiel que la France, qui est le pays le plus fort sur le plan ferroviaire, accueille sur son territoire le siège de l'agence européenne.

Souhaitée par les parlementaires européens, l'ouverture de droits d'accès pour le transport de voyageurs a focalisé l'attention de nombreux acteurs du monde économique ou politique. Les Etats membres sont unanimes dans leur volonté de ne pas traiter de l'ouverture aux voyageurs dans ce deuxième paquet ferroviaire. Cette nouvelle étape doit faire l'objet d'un troisième paquet ferroviaire, pour lequel la Commission européenne a déjà lancé des consultations et prévu d'adopter des propositions dans le courant du mois de février 2004. La présidence irlandaise vient de confirmer ce calendrier.

Selon les services de la Commission européenne, sa proposition viserait à établir, après la mise en _uvre des étapes du deuxième paquet pour le fret, des droits d'accès pour le transport international de voyageurs, incluant le cabotage. La proposition de la Commission ne couvrirait pas les services régionaux ou locaux, évoqués par M. Gantier, car ils sont visés par le fameux « Règlement sur les obligations de service public » - pour lequel la Commission pourrait faire de nouvelles propositions, pour tenir compte des dernières évolutions de la jurisprudence en matière d'aides d'Etat.

A la différence du gouvernement précédent, nous sommes prêts à participer aux débats, pour l'élaboration d'un tel projet, de façon constructive et dans le but d'aboutir au meilleur texte possible.

Mais sans préjuger des futures propositions de la Commission européenne, c'est, actuellement, pour ce « deuxième paquet ferroviaire » qu'il faut trouver un accord entre le Conseil et le Parlement européen dans les semaines qui viennent.

Le fret ferroviaire se porte assez mal dans l'ensemble de la zone européenne. Les méthodes de production, mal adaptées aux besoins du marché, engendrent des coûts sans commune mesure avec ceux des modes concurrents ; la qualité et la régularité du service sont par trop aléatoires. Mme Sauges a rappelé les grandes déclarations d'intention du précédent gouvernement pour freiner le déclin du fret. Mais, rien n'a pu l'empêcher ! La SNCF n'est pas responsable de cet état de fait. M. Gantier a rappelé à juste titre la différence de coût social pour l'employeur entre un conducteur routier français et un chauffeur lituanien ! Gilles de Robien a confié une mission à votre collègue Francis Hillmeyer : il rendra ses conclusions dans quelques semaines et nous verrons alors comment nous pouvons essayer d'inverser la tendance. L'obligation de ratifier la directive fret d'ici à avril 2005 nous donne l'occasion de discuter avec la profession en vue d'améliorer la condition sociale des acteurs du monde routier.

Du côté français, la SNCF n'est pas restée inactive. M. Gallois a présenté récemment le « plan Véron » visant à relancer le fret ferroviaire. La crise de ce secteur est du reste paradoxale car nos entreprises sont demandeuses de plus de fret ! M. Véron a proposé un plan extrêmement ambitieux et le Gouvernement est en train de l'examiner pour savoir quelle part de financement l'Etat peut consacrer à sa mise en _uvre. Le fret ferroviaire aura d'autant plus d'avenir que l'Europe s'élargit. C'est en effet à l'échelle de grands espaces qu'il trouve toute sa pertinence.

Il peut également subsister des niches, voire des segments entiers, où des entreprises plus petites auront la possibilité de développer des services adaptés.

Depuis le 15 mars 2003, des entreprises autres que la SNCF peuvent intervenir en tant qu'opérateurs de fret sur le réseau international. M. Gantier s'inquiétait de l'attribution des sillons. Nous avons confié cette mission à RFF, de sorte que la SNCF ne soit pas juge et partie. Plusieurs opérateurs sont d'ores et déjà prêts à se positionner. Au reste, la SNCF a adopté une attitude extrêmement intelligente puisqu'elle a compris qu'elle avait besoin de l'aiguillon de la concurrence pour améliorer ses performances dans le domaine du fret.

Le Gouvernement souscrit sans réserve aux propos de vos deux rapporteurs sur ce qui doit être le contenu de cette directive. Dans le cadre des négociations en cours, il agira dans le sens souhaité par la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - J'appelle l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

L'article unique de la proposition de résolution, mis aux voix, est adopté.

PROTOCOLE D'ACCORD FRANCE-LUXEMBOURG
RELATIF AU RACCORDEMENT DU LUXEMBOURG AU TGV EST-EUROPÉEN

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre la France et le Luxembourg relatif au raccordement du Luxembourg au TGV Est-européen.

M. le Président - Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée dans les conditions prévues à l'article 106 du Règlement.

M. Bruno Bourg-Broc, rapporteur de la commission des affaires étrangères - Le protocole d'accord soumis à votre examen a été conclu le 28 janvier 2002 entre la France et le Luxembourg. Il précise les conditions de raccordement du Grand-Duché au TGV Est-européen, détermine la consistance des dessertes qui seront mises en place entre les deux pays et fixe les modalités de la participation financière du Luxembourg à la réalisation du TGV Est-européen.

Déclaré d'utilité publique en mai 1996, le projet de TGV Est-européen consiste à réaliser une ligne nouvelle de 406 kilomètres entre l'Ile-de-France et l'Est de la France, mettant Strasbourg à 1 heure 50 de Paris au lieu de 3 heures 50 actuellement. Il a été décidé de procéder à sa réalisation en deux phases. Les travaux de la première phase, entre Vaires-sur-Marne, en Seine-et-Marne, et Baudrecourt, en Moselle, ont débuté le jour même de la signature du protocole et devraient s'achever au début de l'année 2007. La seconde phase verra le prolongement de cette nouvelle ligne sur une centaine de kilomètres, jusqu'à Vendenheim, dans le Bas-Rhin, à une douzaine de kilomètres au nord de Strasbourg. Trois gares nouvelles seront érigées sur le premier tronçon.

Une inquiétude a surgi récemment au sujet de la réalisation de la seconde phase puisque le « Rapport d'audit sur les grands projets d'infrastructures de transport » de l'inspection générale des finances et du conseil général des ponts et chaussées, de février 2003, est quelque peu critique quant à la poursuite du programme du TGV Est-européen. Ses auteurs ont en effet estimé ne pas être en mesure de retenir comme prioritaire la deuxième phase du TGV-Est et ils ont émis le souhait que les pouvoirs publics en diffèrent la réalisation de tout ou partie. Le rapport recommande comme pour le projet Lyon-Turin, une mise en _uvre progressive en fonction des trafics constatés.

Il conviendra par conséquent d'être très attentif à ce que la deuxième phase du TGV Est-européen ne soit pas remise en cause. Par son caractère international affirmé, ce dernier apparaît comme un projet vital pour l'Est de la France, et pour Strasbourg en particulier, qui, sans cette liaison ferroviaire à grande vitesse, risque de voir se préciser la menace qui pèse régulièrement sur son statut de siège du Parlement européen.

Par ailleurs, serait-il raisonnable de voir la ligne Paris-Strasbourg « coupée en deux » ? Nous aurions alors une première portion à vitesse maximale jusqu'en Moselle, le reste du trajet voyant les TGV utiliser les voies normales et ne pouvant donc exploiter leur pleine capacité.

Nous avons néanmoins été rassurés par les développements intervenus au cours des derniers mois. En premier lieu, lors des consultations entre la France et l'Allemagne qui ont eu lieu à Berlin, les 5 et 6 mai 2003, les deux parties ont réaffirmé le caractère prioritaire de la liaison à grande vitesse entre Paris, l'Est de la France et le Sud-ouest de l'Allemagne. A cette occasion, la France a confirmé que les travaux en cours sur le premier tronçon entre Paris et Baudrecourt seraient terminés mi-2007 et il a été décidé que ceux relatifs à l'ouverture de la ligne entre Baudrecourt, Sarrebruck et Mannheim seraient poursuivis comme prévu. En second lieu, le comité interministériel d'aménagement du territoire, du 18 décembre dernier a décidé que seraient poursuivies les études et les acquisitions foncières en vue de la réalisation de la seconde phase du TGV Est, afin d'en lancer les travaux... en 2010 seulement !

L'année 2003 aura donc vu les partisans du TGV Est partagés entre l'inquiétude et l'espoir.

Aussi, soyez assuré, Monsieur le ministre, que la représentation nationale apportera une attention toute particulière à ce sujet. Une date a été fixée : 2010. Elle et tardive mais elle a le mérite d'exister ! Nous veillerons à ce que le prolongement du TGV Est-européen vers Strasbourg n'ait pas à être décidé par nos petits-enfants !

J'en viens au raccordement du Luxembourg au TGV Est. Ce sont les autorités luxembourgeoises qui l'ont voulu. En effet, au moment où le réseau ferroviaire à grande vitesse se développe en Europe, le Luxembourg ne pouvait rester à l'écart de cette évolution sans mettre en péril ses bonnes performances économiques. Dès 1989, la Chambre des députés votait une motion soulignant l'intérêt vital de ce raccordement, et envisageait la possibilité de participer financièrement à des projets situés hors des frontières luxembourgeoises, en vue, notamment, d'influencer les choix de tracés. Un premier protocole a été signé à Metz, en septembre 1992, entre les deux pays, se fixant comme objectif de conforter le réseau ferroviaire entre la France et le Luxembourg. Le protocole de 2002 est donc la traduction d'objectifs fixés dès 1992. En premier lieu, il détermine les conditions de raccordement du Luxembourg au TGV Est-européen en prévoyant certains aménagements de la ligne Metz-Luxembourg, du côté français comme du côté luxembourgeois. Toutefois, la circulation des TGV entre Metz et Luxembourg se fera sur la ligne existante à vitesse conventionnelle, soit 140 à 150 km/h.

Le protocole précise ensuite les durées de parcours, les fréquences et les horaires des liaisons. Dès la réalisation de la première phase, le temps de parcours pour les quatre allers-retours entre Paris et Luxembourg ne devra pas excéder 2 heures 15, contre 3 heures 35 aujourd'hui.

Les modalités d'exploitation sont évoquées à l'article 4 du protocole. Les relations Paris-Luxembourg et Strasbourg-Luxembourg relèvent de la même politique tarifaire que les autres trajets du TGV Est-européen, comme si le tronçon luxembourgeois faisait partie intégrante du réseau français. La gestion des places sera assurée selon les mêmes règles que pour les relations intérieures françaises. Par ailleurs, le risque commercial de l'exploitation du TGV Est-européen sera supporté intégralement par la partie française, qui assumera également les dommages résultat de l'exploitation des TGV, le Luxembourg prenant en charge les dommages imputables à la gestion de l'infrastructure ferroviaire.

Enfin, le protocole d'accord détermine la participation financière du Grand-Duché à la réalisation du TGV Est-européen. Elle sera de 117,386 millions d'euros, soit 3,76  % du total des investissements nécessaires à la réalisation de la première phase. Cette somme est forfaitaire pour l'ensemble du projet, et la France renonce à demander au Luxembourg une quelconque contribution supplémentaire.

Je ne vous cacherai pas que cette clause a quelque peu intrigué votre rapporteur et les membres de la commission. Pourquoi accorder une telle facilité au Grand-Duché ? N'était-il pas mieux traité que nos collectivités locales ? Vos services, Monsieur le ministre, nous ont quelque peu rassurés. C'est le souci de responsabiliser les maîtres d'ouvrage de l'opération qui a conduit à préciser, comme dans la convention de financement signée entre l'Etat, Réseau ferré de France, la SNCF et les collectivités locales, que les éventuels dépassements de coût seraient à la charge de ces maîtres d'ouvrage.

D'ailleurs, cette clause a vite trouvé à s'appliquer pour les collectivités locales. Des surcoûts sont apparus après le début des travaux de la première phase. Le coût du projet, initialement fixé à 3,125 milliards d'euros, est désormais de 3,405 milliards. La stricte application des conventions passées par RFF pour sa réalisation conduirait à mettre entièrement le surcoût à sa charge, mais des réflexions sont en cours à ce sujet. Je me réjouis que le Premier ministre ait indiqué que ces surcoûts ne relèveraient pas, en tout état de cause, des collectivités locales qui financent déjà le projet, ce qui est une première.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - Mais pas une dernière ! (Sourires)

M. le Rapporteur - Il aurait été peu acceptable que ces collectivités soient moins bien traitées que le Luxembourg.

Ce protocole d'accord concrétise la volonté des gouvernements français et luxembourgeois de favoriser le développement des échanges entre les deux pays. Son entrée en vigueur rapide est nécessaire à l'équilibre financier du projet. Je vous invite donc à adopter le présent projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Schreiner - Le Sénat, dans sa sagesse, a adopté à l'unanimité, le 4 mars 2003, le présent protocole, signé le 28 février 2002. C'est à notre tour de l'approuver, et je suis convaincu que nous devons le faire sans état d'âme. Pour son raccordement au TGV Est-européen, le Luxembourg consent une participation de 117,4 millions d'euros, alors qu'il s'agit d'une ligne à grande vitesse entièrement implantée sur notre territoire. Il faut s'en réjouir, et saluer cette participation généreuse de nos voisins, mais aussi et surtout la vision d'avenir concernant les liaisons à grande vitesse qu'expriment ainsi les autorités luxembourgeoises. Elles ont bien compris l'importance de cette nouvelle ligne, pour laquelle il faut regretter l'engagement tardif des Français.

Le problème en effet n'est pas seulement hexagonal : il s'agit d'une voie de communication fondamentale pour l'Europe que nous construisons, et qui s'élargit cette année vers l'Est. Le raccordement du Grand-Duché mettra la ville de Luxembourg, siège d'importantes institutions européennes, à 2 heures 15 de Paris au lieu de 3 heures 35 aujourd'hui. Et cela dès le début de 2007, date de mise en service de la première phase du TGV Est, qui ira de Paris à Baudrecourt en Moselle, et dont les travaux avancent de façon satisfaisante.

Mais le raccordement du Luxembourg à la ligne à grande vitesse Paris-Strasbourg aura aussi une vocation très européenne, car il se situe sur la future liaison TGV Bruxelles-Luxembourg-Strasbourg. Eh oui ! Strasbourg enfin, la ville où s'est exprimée il y a plus de cinquante ans la volonté de construire une Europe de paix et de progrès, et que nous devons conforter dans son rôle de capitale européenne. C'est la ville où se réunit le Parlement européen. Mais elle est aussi le siège du Conseil de l'Europe, qui regroupe quarante-cinq pays, de l'Atlantique à Vladivostok, du cercle arctique au Caucase et à la Méditerranée... Ce conseil est à Strasbourg, avec son assemblée parlementaire, sa Cour européenne des droits de l'homme, son Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et ses autres institutions.

Alors, oui à l'approbation de ce protocole, mais oui aussi à la réalisation de la deuxième phase du TGV Est-européen ! Elle a été confirmée par le CIADT du 18 décembre 2003. Mais nous demandons sa mise en chantier dès 2007, au lieu de 2010. Cette deuxième phase mettra Paris à 1 heure 50 de Strasbourg, contre quatre heures aujourd'hui, et Strasbourg à 1 heure 25 de Luxembourg contre plus de deux heures.

Déjà des accords pour une liaison à grande vitesse entre la France et l'Allemagne sont en passe d'aboutir. Nous approuverons l'accord sur le raccordement du Luxembourg, Monsieur le ministre, car nous sommes conscients de son importance européenne. Mais nous comptons sur le Gouvernement français pour accélérer la traversée des Vosges jusqu'à Strasbourg. L'Alsace, province au c_ur de l'Europe et qui a l'Europe à c_ur, l'attend impatiemment. N'a-t-elle pas consenti une participation de 282 millions d'euros, la plus importante jamais acceptée par une région française ? Votre gouvernement, Monsieur le ministre, ne saurait nous décevoir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - M. Schreiner et M. Bourg-Broc ont évoqué le financement de ce projet, et c'est en effet une première. Voici un projet de TGV financé par l'Etat, par l'intermédiaire de RFF et avec une participation de la SNCF ; par de nombreuses collectivités territoriales, dont quatre régions, des départements, des villes ; pour la première fois, par l'Europe ; et, pour la première fois également, par le Gouvernement d'un pays voisin. L'accord avec le Luxembourg a été signé le 28 janvier 2002. Un premier protocole avait déjà été signé en 1992. Lors du voyage que j'ai effectué au Luxembourg le 11 juillet, ce projet, très important pour nos voisins, a été évoqué. Et, en septembre, j'ai pu visiter ce magnifique chantier en compagnie de nombreux élus alsaciens, lorrains, champenois et du ministre luxembourgeois de l'économie et des transports.

Le protocole de 1992 avait pour objectif la construction d'une ligne nouvelle et la modernisation des lignes existantes, en vue de réduire la durée des trajets Paris-Luxembourg et Luxembourg-Strasbourg. Ces objectifs trouvent leur traduction dans le protocole de 2002. Rappelons-nous l'importance du projet de TGV Est-européen, avec 406 kilomètres de lignes nouvelles entre la banlieue de Paris et le Bas-Rhin. Depuis un avion qui atterrit à Roissy, on voit d'ailleurs très bien les gigantesques travaux proches de Paris, qui incluent d'ailleurs les raccordements aux TGV Atlantique, Nord et Sud-Est. Le projet inclut en outre trois gares nouvelles. C'est l'un des quatorze projets prioritaires retenus à Essen.

La première phase des travaux est en cours. L'accord confirme la participation financière luxembourgeoise de 117 millions d'euros. Il définit aussi les modalités techniques de raccordement et d'exploitation des lignes Paris-Luxembourg et Luxembourg-Strasbourg.

Le financement luxembourgeois porte sur un projet situé intégralement sur le territoire français, ce qui est assez exceptionnel, mais nous aurons bientôt un autre exemple, car nos amis Suisses sont prêts à participer au financement du projet Rhin-Rhône et à l'aménagement de la desserte pour Genève.

Voilà deux témoignages de la coopération entre des Etats membres de l'Union européenne.

Les travaux suivent leur cours normal, malgré quelques difficultés liées à la qualité du terrain, et l'échéance de la première phase - premier semestre 2007 - sera respectée. A l'issue de la seconde phase, les deux capitales européennes ne seront plus qu'à 1 heure 25 l'une de l'autre.

Conscient de ces enjeux, le CIADT a confirmé le lancement de la seconde phase dès la mise en service de la première, et a décidé, par ailleurs, d'améliorer le lien avec le réseau allemand, car le fait que Strasbourg soit à une heure de l'aéroport de Francfort facilitera la desserte du Parlement européen.

A ce jour, cet accord a fait l'objet d'un examen favorable au Sénat, et le Luxembourg nous a transmis, le 10 octobre 2003, son instrument d'approbation du présent accord. A l'issue du débat d'aujourd'hui, la France pourra procéder de même, ce qui permettra au protocole d'entrer en vigueur.

Ce texte représente une avancée sur le plan de la construction de l'Europe, car un Etat ami participe à un projet français et européen, et un intérêt considérable pour l'Est de la France. Pour ces raisons, je vous propose d'accepter ce protocole d'accord (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'article unique, mis aux voix, est adopté.

ACCORD FRANCE-BELGIQUE DE COOPÉRATION POLICIÈRE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume de Belgique relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière.

M. le Président - Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée dans les conditions prévues à l'article 106 du Règlement.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - La coopération Schengen, lancée le 14 juin 1985 entre cinq membres de la Communauté européenne - France, Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg - en dehors du cadre communautaire, a été progressivement élargie à tous les autres Etats membres, à l'exception du Royaume-Uni et de l'Irlande, puis intégrée par le traité d'Amsterdam dans le cadre institutionnel de l'Union européenne sous la forme d'une « coopération renforcée », devenant ainsi un acquis de l'Union qui devra être intégralement repris par les pays candidats. Aujourd'hui, la liberté de circulation des personnes est effective entre les quinze pays signataires de Schengen, dont l'Islande et la Norvège.

L'article 39 de la Convention de Schengen impose aux Etats parties un devoir d'assistance entre leurs services de police afin de prévenir et de rechercher les faits punissables et la France a signé des accords de coopération avec l'Italie le 3 octobre 1997, avec l'Allemagne le 9 octobre 1997 et avec le Luxembourg le 15 octobre 2001.

C'est l'accord avec la Belgique qui est aujourd'hui soumis à votre approbation. Celui-ci a été signé à Tournai, le 5 mars 2001, et complété par un échange de lettres du 10 juin 2002. Il résulte d'une longue tradition de coopération entre les deux Etats ; je pense notamment à la convention du 30 mars 1962 relative aux contrôles à la frontière franco-belge et aux gares communes d'échange.

Il s'agit d'organiser une coopération directe entre tous les services répressifs - police, douane, gendarmerie - opérant dans la zone frontalière, notamment en créant des « centres de coopération policière et douanière » - CCPD -. Est également confirmée la création du CCPD de Tournai, annoncée par les accords d'Ypres du 16 mars 1995 et décidée par les ministres de l'intérieur belge et français lors du Conseil des ministres du 28 septembre 2000.

Ces centres de coopération seront installés à proximité de la frontière commune des deux Etats - ce qui est le cas de Tournai, ville belge de la province du Hainaut - et financés selon des modalités à définir par les deux ministres. Ils ont pour mission de fournir toute information utile aux services compétents de la police et des douanes et de participer à la coordination des mesures de surveillance, en vue notamment d'une lutte plus efficace contre l'immigration irrégulière, la délinquance transfrontalière et les trafics illicites.

Le titre II de l'accord organise la coopération directe dans les zones frontalière qu'il définit. Les unités territoriales compétentes en matière de police et de douane sont la police nationale, la gendarmerie nationale et la douane du côté français, et la police locale, la police fédérale et l'administration des douanes et accises du côté belge. Les missions et la durée du détachement de ces agents sont définies d'un commun accord dans l'acte de détachement. Ils ne sont, en aucun cas, compétents pour exécuter de manière autonome des mesures de police.

Des réunions des responsables des unités territoriales sont prévues pour dresser le bilan de la coopération bilatérale, préparer des interventions et des recherches communes, organiser des patrouilles et des exercices frontaliers communs, s'accorder sur les besoins de coopération prévisibles et échanger des informations statistiques.

L'échange de lettres du 10 juin 2002 entre les deux ministres de l'intérieur précise les conditions de mise en _uvre des patrouilles mixtes dans la zone frontalière. Les agents de l'Etat sur le territoire duquel se déroule la patrouille conjointe peuvent naturellement procéder à des contrôles et interpellations, les agents de l'autre Etat étant présents en qualité d'observateurs et pouvant faire usage de leur arme de service dans le strict respect de la légitime défense. Conformément aux articles 42 et 43 de la Convention de Schengen, ces agents sont soumis aux régimes de responsabilité civile et pénale du territoire sur lequel ils se trouvent.

Telles sont les principales dispositions de l'accord dont il vous est proposé d'autoriser l'approbation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Marc Reymann, suppléant M. André Schneider, rapporteur de la commission des affaires étrangères - Je suppléerai M. Schneider, retenu par un deuil.

L'accord franco-belge dont il s'agit prend place dans une suite d'accords bilatéraux conclus par la France avec les Etats voisins, afin de renforcer la coopération policière et judiciaire dans l'espace Schengen, comme l'exige la suppression des contrôles aux frontières intérieures et leur report aux frontières extérieures.

Cet accord se fonde sur l'article 39 de la Convention de Schengen de 1990, en vertu duquel les services de police des pays parties s'accordent, pour la prévention et la recherche des infractions, toute l'assistance prévue par le droit national, des accords bilatéraux plus complets pouvant être signés entre Etats limitrophes.

La coopération Schengen réunit aujourd'hui treize Etats de l'Union européenne. La France a progressivement conclu des accords de coopération avec la plupart de ses voisins - avec l'Italie et l'Allemagne en 1997, et avec la Suisse, puis avec l'Espagne en 1998.

La coopération bilatérale dans la région frontalière entre la Belgique et la France concerne principalement la lutte contre le trafic de drogues et l'immigration clandestine.

Les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais sont, en effet, une zone « sensible » de transit des produits stupéfiants acheminés en provenance ou à destination des Pays-Bas.

Le rapport annuel de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime publié en juin 2003 indique que les Pays-Bas, la Belgique et la Pologne sont les principaux centres de production de drogues de synthèse - ecstasy, amphétamines et dérivés - qui ont la particularité d'être fabriquées dans les pays de consommation - les pays producteurs n'ont pas, cette fois, l'excuse de la pauvreté. Le trafic, toujours en hausse, s'est fortement structuré dans les années 1990, et le rapporteur a appelé le Gouvernement à faire pression sur nos partenaires européens pour combattre vigoureusement ce phénomène.

La lutte contre le trafic des stupéfiants dans le Nord et le Pas-de-Calais conduit les autorités françaises à entretenir des relations étroites avec les services répressifs belges afin de contrôler les voies d'acheminement terrestres et maritimes.

Du fait de l'augmentation continue de la consommation de stupéfiants dans les pays d'Europe du Nord, la frontière franco-belge est la seule frontière intérieure pour laquelle la France n'a jamais levé les contrôles fixes, en application de la clause de sauvegarde de l'article 2 paragraphe 2 de la convention d'application de l'accord de Schengen.

Par ailleurs, la Belgique est depuis plusieurs années une cible pour les candidats à l'immigration clandestine, parfois avant de gagner le Royaume-Uni.

Or, l'organisation des contrôles dans cette région frontalière est difficile. Outre que la frontière peut être franchie en quelque 200 points de passage carrossables non surveillés, la zone frontalière est dépourvue d'obstacle naturel, et compte quatre autoroutes parmi lesquelles l'A16 construite aux normes Schengen, c'est-à-dire sans infrastructure de contrôle frontalier. Depuis plusieurs années, les douaniers français demandent l'aménagement d'aires pour stopper et contrôler les véhicules.

L'accord bilatéral prévoit la mise en place de centres de coopération policière et douanière. Un premier centre a été inauguré en septembre 2002 à Tournai. Il répond en moyenne à 10 000 interrogations et à 600 demandes par mois. La France a rempli ses engagements et affecté l'ensemble des personnels prévus. La partie belge doit encore compléter ses effectifs, ce qui permettra de disposer au total d'une quarantaine d'agents.

Le centre fonctionne bien, et la coopération entre les services des deux Etats a gagné en efficacité. Le travail des différentes unités au sein d'une même structure permet d'aplanir de nombreuses difficultés. Les obstacles qui subsistent rendent cependant difficile l'accomplissement des missions de police et de douane.

La première question est celle de l'aménagement de points de contrôle pour les douanes.

Une deuxième concerne les procédures de réadmission. La commission des affaires étrangères appelle le Gouvernement à obtenir des autorités belges la pleine application des accords de réadmission. Celles-ci opposent en effet des difficultés à la réadmission des étrangers en provenance de Belgique interpellés sur le territoire français. Elles n'ont réadmis que 96 étrangers en 2002 contre 16 000 pour la France. Il faut souhaiter que les deux pays trouvent une solution.

De leur côté, les autorités belges attendent que le droit français reconnaisse un droit d'interpellation pour les agents de l'autre pays dans le cas de la poursuite transfrontalière, qui est devenue un fait fréquent sinon quotidien.

La plupart des pays voisins admettent déjà ce droit. L'Allemagne l'admet ainsi en faveur des policiers et douaniers français même en l'absence de réciprocité. Notre position est donc mal comprise de nos partenaires, d'autant que l'approfondissement de la coopération au quotidien crée un climat propice à une telle évolution.

Le ministre de l'intérieur a annoncé en septembre une réflexion sur ce sujet, car notre système aboutit à opposer aux policiers une frontière infranchissable dont profitent les malfaiteurs. Le respect de l'interdiction d'interpeller est d'ailleurs difficile à appliquer dans les conurbations de la région frontalière belge, où l'on peut franchir la frontière sans s'en rendre compte.

Les agents français relèvent une dernière difficulté qui aurait pu être résolue par le présent accord. L'accord de Tournai n'a pas prévu la possibilité pour les agents - CRS, PAF, douaniers - qui ont emprunté l'autoroute A16 pour les besoins du service, de faire demi-tour en Belgique pour revenir en France, en dehors des cas de patrouille mixte ou de poursuite. Or, ces agents empruntent quotidiennement une portion belge de l'autoroute pour se rendre sur une aire de repos située en territoire français où les contrôles routiers peuvent être effectués. Une solution semblable à celle qui figure dans l'accord de Mondorf conclu en 1997 avec l'Allemagne doit être mise au point pour éviter que les agents français se trouvent sur le territoire belge avec leur arme de service en situation irrégulière.

Enfin, il importe de maintenir dans la région Nord-Pas-de-Calais des effectifs policiers et douaniers suffisants : comme l'Alsace, cette région reste le lieu de passage de nombreux réseaux criminels en provenance des pays de l'Est et à destination du Royaume-Uni : immigration clandestine, alcools, tabac, stupéfiants. Or, si la police des frontières a été renforcée, les douanes devraient perdre plusieurs centaines d'agents.

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à l'adoption de ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Delnatte - En tant qu'élu d'une circonscription frontalière à la Belgique, et en ma qualité de président du groupe d'amitié France-Belgique, je ne peux que me réjouir de voir notre assemblée examiner enfin cet accord qui répond à une réelle nécessité.

Pour les habitants de Dunkerque à Longwy, la frontière devient chaque jour plus immatérielle. Le Grand Lille représente ainsi un tissu urbain qui s'étend sans rupture de l'agglomération lilloise jusqu'aux régions de Tournai et de Courtrai.

Mais toute médaille a son revers : cette perméabilité a favorisé le développement d'une certaine délinquance transfrontalière, en particulier dans la métropole lilloise où l'intensité des échanges est la plus forte.

La lutte contre les trafics illicites et l'immigration clandestine figure parmi les principaux domaines de coopération bilatérale, du fait de la proximité géographique avec les Pays-Bas et le Royaume-Uni. J'insiste cependant sur l'importance de la lutte contre la délinquance transfrontalière au quotidien : c'est cette délinquance qui nourrit pour l'essentiel le sentiment d'insécurité.

Davantage de délits sont commis en France qu'en Belgique, et la part des Français délinquants qui sévissent en Belgique est plus importante. Or la présence de la frontière a trop longtemps servi de protection aux délinquants. Il faut mettre fin à cette situation et cet accord va le permettre.

Mais il y a des situations spécifiques au Nord. Je pense à l'insécurité provoquée par la concentration en Belgique de nombreux « méga-dancings », ouverts sans interruption pendant tout le week-end et fréquentés majoritairement par de jeunes Français. Ces établissements induisent parfois des phénomènes de consommation addictive, des trafics de stupéfiants ou de la violence, comportements qui trouvent malheureusement des prolongements dramatiques en termes de sécurité routière.

La coopération est donc une nécessité. Elle avait besoin des nouvelles possibilités que lui ouvre l'accord de Tournai.

Des patrouilles mixtes transfrontalières sont mises en place. Elles ont vocation à être généralisées, comme l'a annoncé le ministre de l'intérieur.

Les centres de coopération policière et douanière sont une autre innovation, qui fonctionne bien. C'est un outil qui facilite la tâche des unités de terrain. Ces centres disposent d'un certain recul qui leur permet de pointer les difficultés.

Le problème du port d'armes est enfin résolu. En ratifiant cet accord, nous levons toute incertitude : jusqu'à présent, il n'était accordé que pour un temps déterminé, souvent pour une opération donnée.

D'autres problèmes restent en revanche à régler, en particulier en matière de droit de poursuite et d'interpellation.

A ce jour, le droit de poursuite d'un délinquant au-delà de la frontière ne s'applique pas à tous les actes de délinquance, ce qui pose problème dans la lutte contre la petite délinquance.

De même, la France n'accepte pas qu'un policier poursuivant un étranger procède à une interpellation sur son territoire. D'autres pays s'accordent mutuellement ce droit et la Belgique est prête à le faire. Mais tant que nous maintiendrons l'interdiction, elle n'acceptera pas, par réciprocité, d'accorder ce droit aux policiers français. Cette situation est mal vécue par les forces de l'ordre, mal comprise par nos voisins, et reste un obstacle important à la coopération.

En réponse à une question d'actualité que je lui posais à ce sujet, le ministre de l'intérieur avait eu le 5 novembre cette formule qui résume bien le problème « les frontières n'arrêtent plus aujourd'hui que la police ».

Le Gouvernement a interrogé le Conseil d'Etat sur la possibilité juridique d'un droit d'interpellation réciproque. Il est hautement souhaitable que des avancées puissent être obtenues dans ce domaine.

Je ne doute pas que la volonté politique qui anime nos deux pays permettra d'aplanir ces difficultés pour rendre notre coopération policière et douanière toujours plus efficace.

Le Premier ministre a affirmé la volonté d'inscrire dans les lois de décentralisation la possibilité d'expérimentation pour les collectivités territoriales en citant l'exemple de la coopération transfrontalière entre la France et la Belgique. Après la visite du roi des Belges à Paris et à Lille et la décision du dernier CIADT de mettre en place une mission parlementaire franco-belge pour lever les obstacles juridiques, le groupe UMP se félicite de ces avancées et approuve ce projet de loi.

Le Sénat ayant ratifié hier la convention de coopération transfrontalière pour les collectivités territoriales, je souhaite que le Gouvernement l'inscrive rapidement à l'ordre du jour de notre assemblée. C'est un complément indispensable pour améliorer la vie des habitants frontaliers. Le Nord et les autres départements frontaliers en ont bien besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

L'article unique du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

CONVENTIONS DE L'OIT RELATIVES AUX GENS DE MER

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de six conventions de l'OIT relatives aux gens de mer.

M. le Président - Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, dans les conditions prévues à l'article 106 du Règlement.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - Le Gouvernement a la volonté de mieux assurer la sécurité maritime, et pour cela de prendre en compte l'élément humain et la nécessité de promouvoir de meilleures règles sociales au profit des gens de mer.

80 % des accidents maritimes dans le monde sont imputables au facteur humain - mauvaises conditions de vie et de travail des marins - et trop de navires sont encore abandonnés dans les ports avec des conséquences sociales et humaines souvent désastreuses pour les équipages.

Compte tenu du caractère international des activités de commerce maritime, ces préoccupations n'ont de sens que si elles trouvent une dimension internationale et si elles sont partagées par les instances compétentes, notamment l'Union européenne ou l'Organisation internationale du travail.

L'OIT, particulièrement intéressée par le domaine maritime, y a consacré environ 45 % de son activité normative. Sous son égide, des séries de conventions ont été adoptées depuis 1926 et notre pays est de ceux qui en ont ratifié le plus.

Elaborées en assemblée tripartite réunissant armateurs, gens de mer et gouvernements, ces conventions fixent les normes minimales que les pays employeurs et fournisseurs de main-d'_uvre maritime s'engagent à respecter.

Les six instruments juridiques internationaux que je vous présente ont pour objectif de renforcer la promotion d'un travail décent dans le transport maritime.

La convention 163 vise à favoriser la mise à disposition des gens de mer des moyens ou services de bien-être en mer et dans les ports dans le domaine de la culture, des loisirs et de l'information. Elle interdit toute discrimination, notamment en fonction de la race ou de la nationalité, dans l'accès à ces moyens et à ces services et prévoit que leur adaptation fera l'objet d'un examen périodique.

La convention 166 organise le rapatriement des marins, notamment ceux qui sont abandonnés dans les ports, et règle la prise en charge des frais afférents. Elle fixe le principe de la responsabilité de l'armateur pour le rapatriement, obligation qui incombe par défaut à l'Etat d'immatriculation du navire. La ratification de ce texte par la France contribuera à la prévention et au règlement de situations dramatiques et constituera un signal fort pour le secteur maritime dans la perspective des travaux menés sous présidence française, à l'OMI et à l'OIT sur l'abandon des marins.

La convention 178 traite de l'organisation et des conditions d'intervention de l'inspection des conditions de travail et de vie des gens de mer. Elle remplace la recommandation de 1926. Désormais, les Etats membres veillent à ce que les navires immatriculés sur leur territoire soient inspectés à des intervalles n'excédant pas trois ans et le soient en cas de plainte ou de preuve qu'ils ne se conforment pas à la législation nationale.

La convention 179 fixe les normes encadrant le fonctionnement des sociétés qui assurent les services de recrutement et de placement des gens de mer. Elle a pour objet de moraliser le recours aux prestataires de main-d'_uvre maritime et de sensibiliser les pays fournisseurs de main-d'_uvre maritime à la nécessité de mieux contrôler les recrutements.

La convention 180, obtenue à l'initiative de la France, pose les règles applicables en matière de temps de travail des marins, précise les limites des durées quotidienne et hebdomadaire de travail ainsi que le nombre minimal d'heures de repos. Elle impose un effectif embarqué suffisant, en nombre comme en qualité, pour garantir la sécurité de l'expédition maritime et prévoit à cet égard la responsabilité de l'armateur et du capitaine.

Le protocole à la convention 147 est un instrument d'une construction complexe. Il complète la convention 147, qui prévoyait déjà l'adhésion à onze conventions antérieures et permettait ainsi de faire respecter des normes sociales minimales aux navires marchands faisant escale dans les ports, par six nouvelles conventions, dont deux obligatoires - la 133 sur le logement des équipages et la 180 et quatre facultatives - la 108 sur les pièces d'identité des gens de mer, la 135 relative aux représentants des travailleurs, la 164 sur la protection de la santé et les soins médicaux des gens de mer, et la 166.

Toutes ces conventions sont généralement conformes au droit français existant. Toutefois, certaines modifications de notre droit interne seront nécessaires. Il faudra notamment adopter le décret pris en application de l'article 25 du code du travail maritime. Ce même code devra faire l'objet de modifications législatives touchant à la durée du travail, aux conditions de rapatriement des marins, aux dispositions sur le placement des marins, à l'étendue des missions de l'inspection du travail maritime... La mise en _uvre de la convention sur le bien-être des marins en mer et dans les ports amènera la modification du décret du 17 janvier 1977.

La ratification de cet ensemble de textes répond au souci fortement affirmé par notre pays de prendre en compte l'élément humain dans la sécurité maritime et se double d'une volonté de l'Union européenne de faire progresser par le haut l'harmonisation sociale. Elle permettra également à notre pays de contribuer à la modernisation du droit social international et lui donnera l'occasion, au sein de l'OIT, de conforter sa position en faveur d'une convention unique sur le travail décent dans l'industrie maritime, convention dont l'actualité montre l'urgence et la nécessité. Il me semble utile de souligner que ces travaux sont soutenus financièrement par la France, qui assume la présidence du groupe de travail constitué à cet effet.

Telles sont les principales dispositions qui font l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Lengagne, rapporteur de la commission des affaires étrangères - Mme la ministre ayant très précisément présenté les conventions soumises à ratification, je ne reviens pas sur leur contenu. Il était normalement prévu que nous les examinions en mars, mais nous avions demandé que cet examen soit ajourné car, le Règlement de notre assemblée interdisant que l'on amende un projet de loi de ratification, nous devions nous prononcer en bloc sur six conventions, sans la moindre possibilité de modification et sans pouvoir en retenir une et pas une autre. Lors de la réunion de la commission des affaires étrangères, j'avais dit que je trouvais cela d'autant plus anormal que le Sénat, lui, avait eu le privilège de procéder autrement. Fort heureusement, le président de la commission des affaires étrangères et celui de la commission des lois ont proposé une modification du Règlement de notre assemblée, ce qui fait que, petite révolution de palais, nous avons désormais la possibilité d'amender les projets de ratification. Cela nous permettra notamment d'ajouter un petit morceau de texte, qui avait été oublié.

Sur le fond, nous n'avons jamais contesté l'utilité des conventions de l'OIT soumises à notre examen.

Les chocs pétroliers et la crise économique des années 70 ont réduit le besoin de transport maritime durant une quinzaine d'années. Il en est résulté une surcapacité de la flotte mondiale, une chute des rémunérations, une prolifération des pavillons de complaisance, un vieillissement et un mauvais entretien des navires, l'apparition d'équipages composites parfois sous qualifiés.

Les organisations internationales concernées - OMI et OIT - ont réagi en élevant les standards, mais ont ensuite été confrontées à la question du contrôle de l'application de ces derniers. Le but de l'OIT était en l'occurrence d'assurer aux marins du monde entier un minimum de protection et de droits sociaux et de limiter le dumping social, qui favorise les flottes sous pavillon de complaisance et qui pose des problèmes de sécurité.

Les conventions que nous examinons aujourd'hui imposent donc des règles minimales dans un certain nombre de domaines. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour leur description détaillée. Je signale simplement que la législation française va en général au-delà de ces règles minimales et qu'il n'est évidemment pas question pour la France d'abaisser ses exigences et son niveau de protection des gens de mer.

La commission des affaires étrangères a adopté cet après-midi deux amendements qui nous permettront de ratifier également les conventions 164 et 185.

J'aimerais savoir, Madame la ministre, si les conventions de l'OIT s'appliqueront bien à tous les marins travaillant sur des navires inscrits à un éventuel Registre international français, registre dont le sénateur Henri de Richemont a proposé la création dans une proposition de loi adoptée récemment par le Sénat et dont nous devons bientôt débattre ici. Je souhaite pour ma part que tous les armateurs soient bien tenus au respect des obligations posées par les conventions.

La commission des affaires étrangères a donné un avis favorable au projet de loi, complété par les trois amendements que je vous présenterai.

M. Daniel Paul - Les conventions qu'il s'agit aujourd'hui de ratifier traduisent, selon le Gouvernement, l'adaptation de la législation internationale aux nouvelle méthodes de gestion et à l'évolution des techniques maritimes et portuaires. Elles sont également censées prendre en compte les évolutions des conditions d'emploi, de la qualification exigée et de la composition des équipages. La ratification de cet ensemble de textes permettrait donc à notre pays de contribuer à la modernisation du droit social maritime international et d'_uvrer en faveur de conditions de travail décentes. Mais cette ratification vient sept à treize ans après la négociation des textes...

La question est ambiguë. Sur le plan international, la ratification, même tardive, constitue une avancée. Elle crée des minima. En revanche, les traités fondateurs de la Communauté européenne ne font aucunement référence aux conventions élaborées au niveau de l'OIT. Il existe donc un risque que ces textes servent de prétexte pour tirer vers le bas le statut des marins français. Est-ce un hasard de calendrier ? Il n'y a que quelques jours que le Gouvernement a officiellement présenté son projet de registre international français, qui constitue en fait un pavillon de complaisance... On argue d'un retour massif de navires sous pavillon français, mais les acteurs sociaux, à qui l'on a déjà promis la même chose, balayent cet argument... Ce projet de RIF nous inquiète sur de nombreux points : un capitaine et un suppléant de nationalité française suffiraient, toute contrainte de navigants communautaires serait abandonnée, sans compter l'exonération des charges sociales patronales...

Les conventions 163 et 166 n'amènent pas de remarque particulière. Cette dernière a même le mérite de régler la situation des marins abandonnés dans les ports nationaux. Pour être élu du Havre, je sais les souffrances que ces cas entraînent. La convention 178 sur l'inspection du travail des gens de mer édicte des règles minimales. En France, la mise en place des inspecteurs maritimes du travail a été prévue par un décret du 7 juin 1999, mais elle n'a été commencée, faute de moyens financiers, que début 2003. L'essentiel semble être dans la convention 179, qui « fixe les normes encadrant le fonctionnement des sociétés assurant les services de recrutement et de placement des gens de mer ». Le verbe est abondant, mais on cherche en vain des contraintes concrètes ! L'objectif est pourtant de limiter le démembrement de la fonction d'armateur, qui rend opaque la chaîne du transport maritime et dilue les responsabilités.

A l'origine, en 1920, les sociétés de main d'_uvre étaient interdites. En 1996, à Genève, les syndicats du nord de l'Europe, constatant que, dans les faits, les marchands d'hommes s'en donnaient à c_ur joie, ont proposé de tolérer cette pratique en l'encadrant. Les sociétés devront ainsi bénéficier d'un agrément de l'Etat. Cela mène directement à la question des pavillons de complaisance, mais nous ne pouvons nous faire trop d'illusions : le texte mentionne seulement que la « prolifération excessive » de ces services ne devra « pas être encouragée » et qu'ils devront s'assurer, « dans la mesure où cela est réalisable », que l'employeur a les moyens d'éviter l'abandon des gens de mer dans un port étranger...

M. le Président - Monsieur Paul, il faut conclure.

M. Daniel Paul - La convention 180, obtenue à l'initiative de la France, porte sur la durée du travail et les effectifs des navires. Elle révise une convention de 1958 qui portait, en outre, sur les salaires. Mais à ce propos, le silence aujourd'hui est total ! Depuis la fin des années 1990, le syndicat patronal s'en tient à de simples recommandations, renvoyant les accords sur les salaires au niveau des entreprises...

Le projet de création du registre international français suscite des inquiétudes légitimes. Il s'agit d'un véritable registre de non-droit pour le pavillon français. Seuls les ferries de passagers demeureront au premier registre. Pour répondre à leurs objectifs de rentabilité, les armateurs font fi de toute préoccupation de sécurité ou d'environnement et rêvent de n'être soumis qu'aux normes minimales internationales ! Ce qui constitue une avancée souhaitable pour les marins des pays en voie de développement représente un recul sans précédent pour notre pays. On pouvait s'attendre à ce que les règles communautaires se bâtissent sur le mieux-disant social, mais votre Europe veut aligner les conditions de vie des gens de mer sur les plus bas niveaux. Le RIF est dans la même lignée, et nous nous opposons à cette logique libérale.

Nous voterons donc contre la ratification de ces conventions, qui représentent un progrès pour les marins étrangers, mais un risque pour les marins européens, notamment au moment où vous vous entêtez, contre l'avis unanime de la communauté maritime, à attaquer le pavillon français (M Frédéric Dutoit applaudit).

M. Jean-Yves Besselat - Nous sommes invités à autoriser la ratification de six conventions de l'OIT relatives aux conditions de travail et de vie des gens de mer et à la marine marchande. Ces conventions ont toutes pour objectif de consacrer des normes minimales pour favoriser le développement de règles sociales. La France souligne en effet l'importance de l'élément humain dans la sécurité maritime et l'Union a montré sa volonté de faire progresser l'harmonisation sociale. Je partage le souci exprimé par M. Lengagne que la France conserve une réglementation supérieure aux minima européens.

Ces ratifications n'entraîneront dans la législation française que des modifications marginales. La convention 163 sur le bien-être des gens de mer prévoit la mise à la disposition des marins de moyens d'hébergements, de restauration ou de biens culturels, par exemple. Deux associations remplissent déjà ce rôle en France. La convention 166 organise le rapatriement des marins employés sur des navires sous pavillon français. La convention 178, l'une des plus importantes, concerne l'inspection du travail. Il existe depuis 1996 une inspection du travail spécifique, qui compte actuellement quinze agents qui traitent notamment des conséquences de la crise que traverse le secteur de la pêche. La convention 179 encadre le fonctionnement des sociétés de recrutement et de placement. Certains trouvent ces règles insuffisantes, mais elles sont tout de même positives. La convention 180, obtenue à l'initiative de la France, établit la durée quotidienne et hebdomadaire de travail des marins et les obligations de repos. Quoi de plus naturel que de protéger les marins sur ce plan ? Enfin, le protocole additif à la convention 147 de 1976 contient des dispositions de sécurité et de formation.

Sans doute ces conventions n'apportent-elles pas de réelle nouveauté dans notre législation. Il est néanmoins important de les ratifier, pour que la France conserve sa position dans les travaux menés au sein du Bureau international du travail. Le groupe UMP votera donc le projet de loi. En ce qui concerne le registre international français, qui vient d'être évoqué, il faut rappeler que la flotte française comportait il y a 25 ans 900 navires, et 214 aujourd'hui. Nous étions la quatrième nation pour le nombre de navires et le tonnage et nous sommes maintenant la vingt-huitième. La France, cinquième exportateur mondial, n'avait jusqu'à présent aucune stratégie de développement de la marine marchande. Sous l'impulsion de ce Gouvernement, elle en élabore une. Le projet reste certes à discuter, mais il est salvateur. Je m'inscris donc en faux contre ce qui a été dit sur certains bancs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Président - Conformément à l'article 106 du Règlement, je n'appellerai pas les articles qui ne font l'objet d'aucun amendement.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - Nous inaugurons une nouvelle disposition de notre Règlement : c'est en effet la première fois qu'il est proposé d'amender un projet de loi de ratification. L'amendement 1 vise à autoriser la ratification d'une convention supplémentaire : la convention 164, relative à la santé et aux soins médicaux des gens de mer. Cette convention, signée il y a seize ans, est difficilement séparable des autres. Le protocole à la convention 147 qui est visé par ce projet de loi y fait d'ailleurs référence. Nous proposons donc de l'inclure dans le projet de loi de ratification. La France pourra ainsi mieux combler son retard dans la ratification des conventions de l'OIT. Je précise que cet amendement a été adopté à l'unanimité par la commission.

Mme la Ministre déléguée - D'une façon générale, le Gouvernement n'est pas favorable à l'usage de la procédure d'amendement pour approuver un accord international. Toutefois, compte tenu des excellentes relations entretenues avec la commission des affaires étrangères, du fait que les partenaires sociaux se sont prononcés le 23 septembre dernier en faveur de l'approbation de ces deux conventions et de l'existence d'un lien logique entre l'objet des six conventions initiales et celui des conventions 164 et 185, je puis accepter les trois amendements de la commission défendus par M. Lengagne.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5

M. le Rapporteur - L'amendement 2 vise à autoriser la ratification de la convention 185 de l'OIT relative aux pièces d'identité des gens de mer. Cela permettra à la France d'être le premier pays à ratifier un accord conclu le 19 juin dernier et montrera notre détermination à adopter des normes sociales exigeantes dans le domaine de la marine marchande.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

TITRE

M. le Rapporteur - L'amendement 3 est de coordination.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre déléguée - Un mot pour répondre à la question posée par votre rapporteur et par M. Daniel Paul sur la portée de ces ratifications. Bien entendu, les conventions de l'OIT ainsi ratifiées s'appliqueront de plein droit aux navires inscrits au premier registre et à ceux qui le seront au futur registre international français. S'agissant des navires contrôlés par des armements français mais battant pavillon étranger, c'est bien sûr la loi du pavillon qui s'applique. Dès lors, ces conventions ne s'appliquent que si l'Etat considéré les a ratifiées. Notre objectif est de promouvoir les normes sociales du BIT en soutenant son programme pour un travail décent dans l'industrie maritime.

M. le Rapporteur - Merci de ces précisions.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - A l'unanimité !

ÉCONOMIE NUMÉRIQUE -deuxième lecture-

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - Après une première lecture devant votre assemblée en février dernier et au Sénat, en juin, nous entamons aujourd'hui l'examen en deuxième lecture du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique. Vous savez l'importance que le Gouvernement accorde aux nouvelles technologies et à leurs usages. En présentant dès novembre 2002 le plan « RE/SO 2007 », le Premier ministre a lancé la France dans la dynamique du numérique. Cette impulsion était salutaire. Nous vivons en effet une véritable révolution et, chaque jour, nous en voyons de nouvelles manifestations.

L'explosion de la bulle financière de l'internet ne doit pas occulter le développement fulgurant des usages effectifs du numérique. Or, dans ce contexte, la France accusait un retard certain. Selon l'étude annuelle de l'Union internationale des télécommunications de décembre 2003, notre pays figure seulement au vingtième rang mondial des pays les plus avancés sur le plan de la diffusion des NTIC.

Dès lors, il convenait de dégager le plus rapidement possible les leviers économiques et technologiques propres à mobiliser l'investissement et la consommation dans ce secteur d'activité. Toute une série d'initiatives ont déjà porté leurs fruits. Dès l'été 2002, j'ai ainsi suscité une baisse des tarifs de revente en gros de l'ADSL. Cette initiative a marqué un tournant majeur dans le développement du marché français, en permettant d'abaisser le tarif de l'abonnement mensuel grand public à 30 € dès la fin de l'année dernière. Les résultats sont là : la France connaît depuis la croissance la plus forte d'Europe en matière d'accès au haut débit. Le marché français croît de 150 % en rythme annuel. Les décisions prises en vue d'une nouvelle baisse des tarifs - applicables à compter du 1er janvier 2004 - conforteront cette tendance.

En 2002, le montant des transactions sur internet a connu un développement de 61 %. Ce rythme a atteint 70 % en 2003 et des secteurs entiers - tels la vente à distance ou la réservation de voyages - en ont été bouleversés. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas en reste. C'est ainsi qu'en 2003, 600 000 contribuables ont transmis leur déclaration d'impôt par internet, ce qui représente un quintuplement des « télé déclarants » par rapport à l'année précédente. En outre, vous venez d'adopter dans la LFR pour 2003 une réduction d'IR de 10 €, à compter de 2005, pour tous les télé déclarants. Cette mesure contribuera à accroître le succès de ce service.

La France est bel et bien engagée dans une dynamique associant équipement et services. Le développement rapide des infrastructures ADSL a incité certains acteurs à proposer dès décembre dernier, une offre de services audiovisuelle, telle que la télévision ADSL. Dans les domaines de la promotion des NTIC et du développement de l'économie numérique, le Gouvernement a choisi de sortir de la logique des grands plans et des grandes lois qui mettent tellement de temps à être votées qu'ils sont parfois en décalage avec la pratique lorsqu'ils entrent en vigueur.

Le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique est le premier texte français d'ensemble sur internet. Son adoption est nécessaire pour créer un climat favorable, résultant de la fixation de règles du jeu claires pour les fournisseurs et d'un renforcement du degré de protection des utilisateurs. Je suis convaincue que ce texte permettra de renforcer la confiance des usagers dans le réseau internet, en luttant mieux contre la publicité électronique intrusive dite « Spam » et en protégeant les mineurs de manière plus efficace.

Plusieurs dispositions concernant les télécommunications ont été intégrées à ce texte. Elles sont à analyser en complément de deux autres textes, celui que j'aurai l'honneur de vous présenter à la fin de ce mois relatif à la transposition des directives sur les communications électroniques - le « paquet télécom » -, et celui adopté récemment par le Parlement sur les obligations de service public des télécommunications et sur France Télécom. Je rappelle en outre que la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique eût dû être transposée avant le 17 janvier 2002. Le projet de loi qui vous est soumis mettra fin à ce retard pour lequel la France a reçu un avis motivé de la Commission européenne.

Avant d'entrer dans le détail du projet de loi, j'adresse mes remerciements au président de votre commission, M. Patrick Ollier, et à votre rapporteur, M. Jean Dionis du Séjour qui s'est particulièrement investi dans ce dossier.

Conformément aux orientations du Conseil d'Etat dans son rapport de 1998 sur internet, le projet de loi n'a pas cherché à créer un droit spécifique pour l'économie numérique mais bien plutôt à l'insérer dans les textes existants. C'est ainsi qu'il modifie plusieurs codes et traite de nombre de sujets essentiels, allant de la cybercriminalité à la régulation. Il définit pour la première fois la communication publique en ligne. Cette notion était utilisée - mais non définie - dans la loi du 1er août 2000 relative à la liberté de la communication. Les dispositions la concernant s'inséraient sous les chapitres relatifs à l'audiovisuel, ce qui rendait de fait le CSA compétent en matière d'internet. Lors du passage au Sénat de juin dernier, il a donc été décidé de conserver en l'état la définition de la communication publique en ligne mais de limiter le pouvoir de régulation du CSA au champ des services de radio et de télévision. Ainsi, le Gouvernement, guidé par la philosophie de ne pas bouleverser l'architecture actuelle, a choisi de conserver ce rattachement à la communication audiovisuelle en en précisant les limites. Ce point avait donné lieu à des débats passionnés devant votre assemblée. Sans préjuger de la discussion d'aujourd'hui, je gage que l'amendement de la commission des affaires économiques tendant à redéfinir la communication publique en ligne en créant un droit spécifique pour celle-ci retiendra toute notre attention ! (Sourires sur les bancs de la commission)

Depuis la sanction partielle par le Conseil constitutionnel de la loi du 1er août 2000, une incertitude persistait sur la responsabilité des opérateurs de l'internet. La directive sur le commerce électronique intègre aussi des dispositions sur leur régime de responsabilité. La solution proposée se devait d'être conforme à la fois aux exigences de la directive et à celles de la décision du Conseil constitutionnel. A cet égard, le projet de loi pose un principe général de limitation des responsabilités civile et pénale des prestataires de l'économie numérique du fait des contenus qu'ils hébergent, stockent ou transmettent. S'agissant des prestataires d'hébergement ou de stockage, la mise en cause de leur responsabilité est limitée au seul cas où ayant effectivement connaissance d'activités ou d'informations illicites hébergées, ils n'auraient pas agi promptement pour en rendre l'accès impossible. Le dispositif qui vous est soumis est donc conforme au code pénal, qui renvoie la responsabilité du contenu sur celui qui, en le créant, doit être prêt à en assumer toutes les conséquences. Mais les intermédiaires, hébergeant ou transmettant un contenu, ne doivent pas être complices de la diffusion d'un contenu illicite : leur responsabilité aussi pourrait être engagée. Pour lutter contre la diffusion de contenus illicites, notamment en cas de piratage, le projet autorise le juge des référés à prendre toutes mesures, y compris en ordonnant le filtrage aux fournisseurs d'accès, pour faire cesser l'accès à ces contenus.

Le commerce électronique a augmenté de 60 % en 2002, et semble avoir progressé en 2003 de 70 %. Pourtant il ne représente encore qu'une faible part du commerce. Il ne pourra se développer massivement que si les consommateurs ont toute confiance dans les procédures. Le projet définit donc le cadre juridique qui lui sera appliqué. Faut-il créer pour le commerce électronique un régime spécifique de responsabilité ? C'est une question, d'autant que la définition communautaire inclut aussi les activités effectuées à titre gratuit. Nous devrons en traiter, à l'occasion de l'amendement de votre commission. Pour l'essentiel, le projet renforce la protection des consommateurs, qui doivent pouvoir connaître facilement et à tout instant l'identité des marchands.

Un des problèmes épineux que rencontrent les internautes est le « spam » : il s'agit de ces millions de courriers électroniques publicitaires non sollicités. C'est un phénomène de grande ampleur, objet de nombreuses plaintes auprès de la CNIL.

Le Congrès américain vient d'ailleurs de voter une loi visant à le réprimer. Cependant la publicité électronique est essentielle au commerce électronique. Il fallait donc élaborer un régime équilibré.

Le projet instaure des règles de transparence et de protection du consommateur. L'envoi de courriers électroniques ayant pour but la prospection commerciale directe est désormais interdit sans l'accord préalable des consommateurs. Ceux-ci doivent en outre pouvoir identifier facilement les émetteurs de ces courriers et s'opposer à tout moment à des envois ultérieurs. En revanche, conformément à la directive, la publicité électronique sans consentement préalable est autorisée en direction des entreprises, sauf par fax. La question reste posée de savoir s'il faut étendre cette autorisation aux professionnels. Enfin, le projet modifiant le régime applicable aux publicités par voie électronique, le mode d'utilisation des bases de données existantes des commerçants reste à définir.

Pour renforcer la confiance des consommateurs, les transactions et les contrats de commerce électronique utilisent des outils cryptographiques de signature électronique et de confidentialité des échanges. Le projet rend libre l'usage de tout moyen de cryptologie, ainsi que la fourniture, l'importation et l'exportation des moyens de cryptologie n'assurant que des fonctions de signature. Pour ceux qui assurent des fonctions de confidentialité, la fourniture et l'importation sont désormais soumises à simple déclaration ; leur exportation est soumise à autorisation, conformément au règlement européen de juin 2000.

Le développement de l'économie numérique va de pair avec le souci de la sécurité des citoyens. C'est pourquoi le projet renforce les moyens qu'ont les pouvoirs publics pour lutter contre la cybercriminalité. Les sanctions pénales sont doublées en cas d'accès frauduleux à un système informatique ou de modification de ces données. Un délit est instauré en cas de diffusion intentionnelle de virus.

Ce projet modifie aussi de façon substantielle le droit des télécommunications. L'objectif du Gouvernement est ici de stimuler l'innovation et la concurrence entre les opérateurs, pour qu'ils apportent plus de services, au meilleur prix. Nos débats porteront surtout sur deux points essentiels. Le premier est le rôle des collectivités territoriales. En première lecture, je vous ai proposé un amendement autorisant les collectivités à devenir opérateurs de télécommunications selon un champ et des modalités à préciser. Le Sénat a souhaité que les collectivités soient des aiguillons de la concurrence, et non ses perturbateurs. Il a donc modifié certaines de ces modalités. Le dispositif repose sur la distinction entre l'établissement de réseaux et l'activité propre de l'opérateur, c'est-à-dire l'exploitation d'un réseau ouvert ou public, ou la fourniture de services de communication.

En l'état actuel du texte, la collectivité est libre d'établir un réseau. Mais elle devra, pour se faire opérateur, constater une insuffisance de l'initiative privée, et en informer l'ART. Les annonces récentes de France Télécom changent toutefois les données du problème, et nous pourrons avoir sur ce point un débat très ouvert.

Il existe un large consensus sur l'objectif de rendre au plus vite le haut débit accessible à tous. Reste à savoir quelle part faire à l'initiative publique et privée pour atteindre ce but. Lors du débat sur le changement de statut de France Télécom, M. Mer a pris l'engagement que cette question serait traitée lors du présent débat. A cette occasion votre commission souhaite faire passer le dispositif français de régulation d'un mode a priori à un mode a posteriori. Trois raisons justifient cette évolution. C'est d'abord la cohérence européenne, car la directive prévoit ce changement. C'est ensuite la nécessité de diffuser très vite l'innovation. C'est enfin que beaucoup de propositions tarifaires concernant France Télécom ne soulèvent pas de difficulté, de sorte qu'une procédure a posteriori suffit.

Il peut cependant se présenter des cas où la mise en _uvre immédiate d'offres tarifaires peut perturber irréversiblement le marché et le jeu de la concurrence : dans de tels cas un pouvoir d'opposition conserve son sens, pour prévenir d'éventuels comportements prédateurs de l'opérateur dominant. De même l'innovation, dès qu'elle a créé son marché, doit relever d'une régulation spécifique, adaptée à ces marchés émergents. Je précise que l'orientation favorable à donner à ces amendements ne doit pas être interprétée comme un recul de la régulation, qui doit garder une place importante. L'ART fait un très bon travail, et le Gouvernement a d'excellentes relations avec elle. Cette confiance sera confirmée dans le projet de loi sur la régulation postale, où nous vous proposerons d'étendre à ce domaine les compétences de l'ART. Nos débats sur cette loi et sur le « paquet télécoms » nous permettront, je le crois, de refonder le mode de régulation des télécommunications pour une concurrence saine et loyale.

L'enjeu de ce débat est de construire le droit français de l'internet. Nous y aborderons des questions majeures pour le développement de l'économie numérique. Je suis convaincue que nous saurons construire ensemble un texte équilibré, adapté, porteur d'avenir et de croissance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Mes chers collègues, nous pouvons êtres fiers d'avoir eu un vrai débat de parlementaires, où ceux-ci tiennent toute leur place de législateurs. Je remercie d'abord mes collègues de la commission, de toutes les familles politiques, pour la qualité de leur travail, et pour leur audace et leur indépendance d'esprit. Je veux saluer personnellement le président Patrick Ollier pour l'esprit très parlementaire qu'il insuffle à notre commission. Et je salue nos collègues de la commission des lois, en particulier Mme Tabarot, avec qui j'ai eu le plaisir de partager en première lecture la fonction de rapporteur. Je veux enfin vous remercier, Madame la ministre, pour votre écoute, même si je regrette que notre commission n'ait pu vous convaincre encore sur certains points fondamentaux. Mais nous aurons tout à l'heure un débat libre et vigoureux pour promouvoir le point de vue de la commission.

Ce texte est, en effet, d'une grande importance, car il a une dimension fondatrice : il va fonder, nous l'espérons, dans la législation française à la fois l'internet et le commerce électronique, ce qui lui donne une grande portée symbolique. Nos choix vont orienter l'évolution de l'économie numérique pour l'avenir.

Nous n'en sommes plus à l'étonnement qu'a provoqué l'irruption d'internet au milieu des années quatre-vingt dix. Nous savons aujourd'hui qu'il est un outil puissant, en passe de devenir omniprésent. A nous d'écrire un droit français adapté à ses caractéristiques, donc réactif, rapide et efficace. Bien sûr, nous devons tenir compte à la fois des directives communautaires, et de la nécessaire cohérence avec le cadre juridique français. Mais surtout nous devons nous rappeler que l'enjeu fondamental de ce texte est de renforcer la confiance des Français dans l'économie numérique, pour en faire un des moteurs de la croissance du XXIe siècle. Si nous restons frileux et immobiles, l'économie numérique française le restera aussi. Si nous savons être audacieux et ambitieux, elle connaîtra des taux de croissance « asiatiques » ! C'est dans cette logique d'audace et d'ambition que la commission des affaires économiques a inscrit son travail d'amélioration du projet.

Outre des modifications de fond, la première préoccupation de la commission a été de restructurer le texte, afin de lui rendre force et lisibilité. En effet, le champ du projet de loi a évolué à l'occasion de sa première lecture par les deux assemblées. Il comprend désormais des dispositions relatives à l'intervention des collectivités dans le secteur des télécommunications. Ces questions sont importantes, mais ne sont pas pour nous au c_ur du projet, dont l'objet central reste la définition d'un cadre juridique sécurisant l'économie numérique pour favoriser son développement. Notre commission vous proposera donc de commencer notre débat par un choix fondamental : l'affirmation de l'autonomie et de la liberté de la communication publique en ligne, support de l'économie numérique, par rapport à la communication audiovisuelle.

Nous devons nous prononcer aujourd'hui sur le cadre juridique de rattachement de la législation des activités de l'internet. Comme en première lecture, la commission souhaite que cette législation ne soit pas placée dans la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, mais qu'elle figure dans une loi issue du présent projet, qui est appelé à devenir un texte fondateur.

Osons être à la hauteur de l'enjeu ce soir ! Osons affirmer que la communication publique en ligne est libre et qu'elle relève d'un droit moderne et adapté ! Je fais confiance à notre assemblée pour produire de bonnes lois dans l'intérêt général de notre pays.

Du fait de l'évolution du droit des télécommunications, les autres enjeux majeurs du projet de loi sont modifiés par rapport à la première lecture.

Ce texte permet d'abord d'insister sur l'importance du contrôle des comportements illicites dans l'espace de l'internet.

Deuxièmement, en vue d'instaurer un climat de confiance pour le développement de l'économie numérique, il convient de revenir au texte adopté en première lecture à l'Assemblée nationale sur le commerce électronique. Outre que la rédaction du Sénat ne donne pas une définition précise de cette activité, elle ne prévoit pas d'instituer une responsabilité globale du marchand en ligne sur toute la prestation.

Troisièmement, la commission vous propose, pour lutter contre les messages non sollicités - le « spamming » ou le « pollupostage » - de préciser l'équilibre entre la protection des personnes et la liberté commerciale des entreprises.

Dans cet esprit, la commission propose de rendre plus efficace la répression des infractions en permettant à la CNIL de transmettre au parquet les plaintes dont elle sera saisie et en permettant aux opérateurs de service de communication électronique dont les équipements ont été utilisés à l'occasion d'une infraction d'exercer les droits reconnus à la partie civile, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.

Quatrièmement, cette seconde lecture doit permettre de déterminer les outils juridiques de l'intervention des collectivités locales au service de la réduction de la fracture numérique, notamment grâce à l'insertion d'un nouvel article L. 1425-1 dans le code général des collectivités territoriales.

A cette fin, nous vous proposons un texte permettant aux collectivités locales d'étendre leurs interventions aux infrastructures « actives » - les équipements électroniques - en plus des infrastructures « passives » déjà autorisées par l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales.

Par ailleurs, le projet de loi introduit un outil juridique d'intervention des collectivités locales sur la couverture des « zones blanches » de téléphonie mobile. Chacun des intervenants - Etat, collectivités locales, opérateurs de téléphonie mobile - seront ainsi encouragés à mettre rapidement en _uvre les décisions des derniers CIADT.

De surcroît, il faut rendre pérenne l'instrument de couverture des « zones blanches ». En effet, après l'achèvement du programme de couverture organisé sur la base de la convention du 15 juillet 2003, de nouvelles étapes dans la résorption des « zones blanches » pourront être entreprises en liaison avec les évolutions démographiques, et les modifications des réseaux de transport terrestre.

Cinquièmement, nous débattrons d'amendements relatifs à l'organisation de la liberté concurrentielle dans le secteur des télécommunications, et notamment au relâchement du carcan tarifaire qui pèse sur l'opérateur national. Deux amendements visent à instituer un allégement différencié selon que les tarifs s'appliquent dans le champ du service universel ou en dehors. J'insiste sur la volonté déterminée de notre commission derrière son président d'assouplir le carcan tarifaire dès ce soir, comme le ministre des finances s'y était engagé lors du débat France Télécom.

Sixièmement, il convient de clarifier la tarification de la téléphonie mobile, et, à cette fin, d'introduire le principe de la tarification à la seconde dans la téléphonie mobile. Il est inadmissible que des millions d'utilisateurs des cartes prépayées achètent une carte vendue pour trente minutes et ne disposent que d'un peu plus de vingt minutes !

Je pressens que ce soir nous aurons un bon débat, libre et constructif.

Je savais en entrant dans cet hémicycle que chacun avait bien fait son travail, le Gouvernement comme la commission. Je sais aussi que nous avons des opinions différentes, mais j'ai l'intuition que chacun saura écouter et décider en conscience pour faire de la France le champion incontesté de l'économie numérique. Notre commission espère vous faire partager à cet égard sa vision d'avenir, ambitieuse et moderne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l'article 91 alinéa 4 du Règlement.

M. Christian Paul - Notre groupe désire alerter le Parlement et l'opinion publique sur les risques majeurs que ferait courir l'adoption d'un texte initialement consacré à l'économie numérique, mais aujourd'hui ouvert à bien d'autres sujets, qui excèdent largement votre champ ministériel, Madame la ministre, puisqu'il concerne la liberté de communication, la liberté d'expression, l'aménagement du territoire. Nous souhaitons que les principes républicains soient rappelés ce soir, et que le Gouvernement ne courbe pas l'échine sous la force d'autres intérêts.

Je suis de ceux, avec Patrick Bloche, et d'autres, y compris au sein de la majorité, qui, depuis 1997, invitent régulièrement le Parlement à exercer toute sa responsabilité face au passage à la société de l'information et au développement des technologies de la communication.

Pour autant, l'élaboration de la loi sur l'économie numérique mijote dans l'improvisation la plus totale.

Trois questions sensibles doivent être évoquées. Tout d'abord, la régulation de l'internet. L'internet n'est pas une zone de non-droit, même si l'application du droit, sans le contrôle de l'autorité judiciaire n'est pas aisée. Il n'est pas nécessaire de créer un droit spécial. En revanche, des dispositions spécifiques s'imposent, en particulier pour répondre à des pratiques particulières, comme le spamming.

Il est nécessaire de rappeler - le rapporteur l'a fait - l'autonomie de la régulation d'internet par le juge, par rapport à la régulation de l'audiovisuel par le CSA. Depuis la première lecture, tout indique que le Gouvernement, comme nombre de sénateurs, tentent de faire prévaloir une autre image de l'internet. Il ne faut pas confondre communication audiovisuelle et communication en ligne.

Comment accepter que l'on veuille transposer à l'occasion d'une loi sur le commerce électronique, la régulation exercée par le CSA, dont la mission a été conçue pour l'univers audiovisuel alors qu'il était marqué par la rareté des fréquences et qu'il fallait bien prévaloir des principes tels le pluralisme ou la diversité culturelle ? Nous ne sommes plus dans le même univers.

Outre qu'une telle régulation ne serait ni crédible ni opératoire, on peut se demander si vous ne cherchez pas à traiter subrepticement un problème majeur, celui de la musique en ligne.

Résistons à la tentation de bâtir, à la va-vite, une régulation contre-nature.

Second point, la responsabilité des acteurs de l'internet. Il s'agit de respecter les équilibres qui fondent notre état de droit. Prenons garde qu'à force de nous éloigner du rôle naturel du juge, nous ne tombions dans des dérives qui mènent à une justice privée !

Sans exonérer de leur responsabilité les acteurs techniques du net, il faut confirmer le juge dans son rôle. La justice française n'est pas saturée par les plaintes en ce domaine, et surtout le juge a appris à surfer : il procède à des suppressions « chirurgicales » là où on lui demande souvent des suppressions totales - je pense au boycott de Danone.

N'en doutez pas : les positions que vous prendrez seront déterminantes pour la liberté d'expression sur l'internet.

Le même danger nous guette quand on envisage de réclamer aux fournisseurs d'accès le filtrage du contenu. Cette tentation de corseter l'internet est irréaliste, dangereuse et politiquement détestable. Là aussi, on construit des lignes Maginot numériques, ce qui dispense d'affronter des problèmes qui touchent notamment à la propriété intellectuelle et au droit d'auteur. Nous aurons l'occasion d'en débattre, si toutefois il ne prend pas l'envie au Gouvernement de transposer par ordonnance la directive européenne sur les droits d'auteur et les droits voisins...

D'autres questions relèvent davantage de la coopération policière et judiciaire internationale. Je vois dans tout cela une fébrilité répressive qui masque mal votre impuissance publique.

Je voudrais enfin alerter nos collègues sur le financement des réseaux à haut débit. Nous soutiendrons le principe de l'intervention des collectivités locales au profit des réseaux à haut débit. Il s'agit de créer un nouveau service public local qui permette à tous les Français d'accéder à l'internet à haut débit. Nous reviendrons sur les modalités juridiques de cette intervention, en particulier sur la frontière à tracer entre les fonctions d'opérateur de réseau et la fourniture directe de services de télécommunications.

En revanche, nous voulons dès à présent alerter nos collègues sur la dramatique absence d'engagement de l'Etat - et de votre gouvernement, Madame la ministre - dans le financement du haut débit...

M. Patrick Bloche - Dramatique !

M. Christian Paul - ...et sur l'absence de péréquation nationale. Dans le monde que vous nous proposez, ce sont les départements les plus pauvres qui financeront le haut débit des territoires ruraux.

Les promesses du Gouvernement sont pathétiques. Je pense aux 100 millions d'euros de fonds européens que vous envisagez de mobiliser, alors qu'il faudrait 45 millions d'euros pour financer la seule boucle départementale de mon département de la Nièvre !

M. Alain Joyandet - Vous auriez dû commencer il y a cinq ans !

M. Christian Paul - Nous y avons _uvré pendant cinq ans. Un certain nombre de dossiers arrivent à maturité, il vous appartient de les prendre en charge. Or vous ne le faites pas : c'est ce que nous dénonçons. C'est un choix politique que nous combattons : il est injuste et incompatible avec toute recherche d'égalité entre les territoires. Il fallait donc que s'exprime notre opposition à des choix dangereux, à une politique improvisée qui ne servira ni l'internet, ni la France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Le premier point soulevé touche à la question de l'autonomie. Je remercie notre collègue d'avoir pris le parti de l'audace.

M. Christian Paul - Ce n'est pas la première fois !

M. le Rapporteur - En revanche, nous avons sur le deuxième point - le régime de responsabilité - une vraie divergence. Le régime de responsabilité européen, rapide et efficace, a fait ses preuves dans de nombreux pays. Nous vous proposons donc de le transposer.

Enfin, vous avez évoqué la péréquation. La contribution de l'Etat est certes toujours bienvenue, mais nous voici au pied du mur. Je vous invite donc à rejeter cette question préalable.

La question préalable, mis aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 50.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE


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