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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 54ème jour de séance, 138ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 27 JANVIER 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CÔTE D'IVOIRE 2

RECOURS AUX ORDONNANCES 2

PROCÉDURE DE RÉTABLISSEMENT PERSONNEL 3

RISQUE DE GÉNÉRALISATION
DE L'EMPLOI PRÉCAIRE 4

SÉCURITÉ DANS LES QUARTIERS DIFFICILES 5

ASSURANCE MALADIE 5

LÉGIONELLOSE 6

TOURISME ET VOYAGES 7

LUTTE CONTRE LE DOPAGE 7

SOINS POST-OPÉRATOIRES 8

FORUM SOCIAL DE BOMBAY 9

NUISANCES AÉRIENNES 9

DÉVELOPPEMENT
DES TERRITOIRES RURAUX (suite) 10

AVANT L'ART. 38 10

ART. 38 11

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

CÔTE D'IVOIRE

Mme Martine Aurillac - Depuis deux mois, la situation en Côte d'Ivoire semble évoluer favorablement. Les ministres d'opposition ont réintégré le Gouvernement, les projets de loi prévus par les accords de Marcoussis ont été adoptés, les points de contrôle entre le nord et le sud ont été levés, un voyage - hautement symbolique - du chef de l'Etat est prévu à Bouaké et l'agitation autour du procès du meurtrier de Jean Hélène n'a pas empêché la justice d'_uvrer sereinement. Restent, et ce n'est pas une mince affaire, l'application intégrale des accords et le retour à la normale car la réconciliation reste fragile.

Pouvez-vous, Monsieur le ministre des affaires étrangères, faire le point sur l'évolution de la situation un an après la signature des accords de Marcoussis, sur la contribution de la France au processus de paix et sur le rôle que peut y jouer l'ONU ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères - Un an après les accords de Marcoussis et la réunion de Kléber, des progrès ont été accomplis dans la voie de la réconciliation nationale. Une nouvelle impulsion a été donnée après la rencontre de Libreville sous l'égide du président Bongo et je tiens à saluer la détermination du président Gbagbo et de l'ensemble des responsables politiques ivoiriens à sortir le pays de la crise.

Nous entrons aujourd'hui dans une nouvelle phase qui comporte une double dimension. Intérieure, d'abord, puisqu'il s'agit de conduire à la tenue d'élections libres d'ici la fin de 2005 ; internationale, ensuite, car il faut obtenir le retour des bailleurs de fonds et la mise en place d'une opération de maintien de la paix, laquelle permettra le désarmement et la démobilisation des ex-forces militaires et des milices.

Dans ces domaines, les Nations unies sont irremplaçables. Il faut donc soutenir l'initiative de M. Kofi Annan pour la mise en place dès que possible d'une force de maintien de la paix. Cette opération contribuera en outre à la stabilisation d'une région déjà très éprouvée et elle établira un dispositif cohérent avec les actions en cours, au Sierra Leone et au Libéria. C'est dans le cadre de cette concertation collective que je participerai en février prochain à New York à une réunion présidée par le secrétaire général de l'ONU sur la reconstruction au Libéria (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RECOURS AUX ORDONNANCES

M. Bruno Le Roux - Monsieur le Premier ministre, vous-même et le président du groupe UMP avez annoncé ces jours derniers que vous envisagiez de dessaisir le Parlement sur des sujets majeurs pour légiférer par ordonnances... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Oui, dans le Journal du dimanche, le Premier ministre n'exclut pas de recourir à cette procédure pour réformer l'assurance maladie après les élections régionales.

Par ailleurs, le rapport Virville suggère au Gouvernement de modifier le code du travail par ordonnances... (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste). Depuis deux ans, les Français ont appris à connaître votre méthode, caractérisée par sa brutalité... (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Quel mauvais coup préparez-vous pour avoir à ce point peur du débat parlementaire ? Pourquoi, sur de tels sujets, redouter le débat public ? Rappelez-vous que les ordonnances de 1967 et de 1975 ont laissé de mauvais souvenirs aux Français... et aussi aux gouvernements de l'époque !

Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons solennellement de renoncer à légiférer par ordonnances sur de tels sujets (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Permettez-moi de vous dire que votre question est polémique et qu'elle n'a pas lieu d'être posée (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Le Gouvernement n'a pas fait son choix entre le recours aux ordonnances ou à la loi « classique ». Ne mettez pas la charrue avant les b_ufs. La deuxième étape de la concertation va être entamée et nous prendrons notre décision le moment venu... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Au reste, la discussion d'une loi d'habilitation permet toujours au Parlement de s'exprimer,...

M. François Hollande - Il avoue !

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé - ...d'autant que rarement une décision n'aura été aussi concertée ! Enfin, nous débattrons à la fois d'une loi sur la réforme institutionnelle et fonctionnelle, d'une loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale et, à l'automne prochain, du PLFSS, pour 2005. C'est dire si le débat parlementaire sur ces questions sera nourri ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

PROCÉDURE DE RÉTABLISSEMENT PERSONNEL

M. Gilles Artigues - Monsieur le ministre délégué à la ville, le groupe UDF a participé activement à la discussion de la loi qui porte votre nom et l'a saluée comme une avancée significative dans l'amélioration des conditions de vie des habitants de nos quartiers (Rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Investir dans le béton, c'est bien, mais il ne faut pas négliger l'humain et notre question porte sur la procédure de rétablissement personnel, véritable révolution qui a mis en difficulté socialistes et communistes car ils n'ont jamais osé aller aussi loin ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) Il s'agit en effet de donner une deuxième chance à ceux qui se trouvent endettés du fait d'un accident de la vie - chômage (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), veuvage ou autre.

Monsieur le ministre, votre loi a été votée en août 2003. Nous attendons les décrets d'application. Nous sommes en effet très sollicités dans nos permanences pour savoir qui portera les dossiers et qui les suivra. Nous attendons une réponse à la hauteur des espérances que votre loi a fait naître ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine - 700 000 familles françaises passent en commission de surendettement et ne disposent que d'un « reste à vivre » de 400 € par mois tant elles sont prises dans la spirale des expulsions et des saisies arrêts. Leurs chances de s'en sortir semblent quasi nulles. La loi à laquelle vous vous référez a été publiée au Journal officiel le 3 août dernier. Son décret d'application, très attendu, a été présenté au Conseil d'Etat qui a émis un avis favorable. Il sera donc publié à la fin de cette semaine ou au début de la prochaine. S'agissant du portage des dossiers, un comité de pilotage a été constitué en liaison avec la Banque de France, de façon à ce que les procédures soient rapides et ne donnent lieu à aucune difficulté d'interprétation.

Les centaines de familles de bonne foi - seules visées - qui l'attendent pourront donc bénéficier de la procédure de rétablissement personnel dès la première semaine du mois de février. A compter de cette date, la loi de la deuxième chance sera pleinement applicable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

RISQUE DE GÉNÉRALISATION DE L'EMPLOI PRÉCAIRE

M. André Chassaigne - Monsieur le Premier ministre, vous avez lancé, à grand renfort de communication, une mobilisation en faveur de l'emploi. Mais que cache ce nouvel engouement ? Votre base de discussion semble être le rapport sur la réforme du droit du travail commis par M. Virville. Ce « docteur en innovation sociale », directeur des ressources humaines chez Renault, a pourtant vu sa gestion récemment condamnée par la justice, pour recours abusif à l'emploi précaire et à l'intérim. Or, voilà qu'il propose à présent - sous les applaudissements du Medef (Murmures sur les bancs du groupe UMP) - de créer des « super-CDD » et des emplois jetables pour les cadres. En transformant techniciens supérieurs et cadres en intermittents, vous tendez à faire sauter toutes les garanties collectives existantes et à diminuer les salaires. M. Virville préconise aussi de légaliser les prêts de main d'_uvre entre patrons et de réduire les prérogatives des institutions représentatives des salariés, en particulier les comités d'entreprise. Personne au Gouvernement n'a condamné ce rapport et c'est certainement aussi au nom de la revalorisation de la valeur travail que le Gouvernement a accueilli favorablement l'OPA-OPE lancée par Sanofi-Synthélabo sur Aventis, alors que le risque de destruction de 12 000 nouveaux emplois est déjà avancé ! Nul ne doute que de nouvelles fermetures de sites seront au menu de ce nouveau Monopoly géant orchestré par les marchés financiers.

Ainsi, en quelques jours, entre le rapport Virville et l'annonce de cette OPA, nous voyons défiler toute l'absurdité des logiques capitalistes à l'_uvre dans notre société dominée par la mondialisation financière (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Monsieur le premier ministre, quand allez-vous enfin accepter de revenir sur votre projet d'ouvrir dans notre pays une ère de précarité généralisée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Depuis près de vingt ans, notre pays enregistre de mauvais résultats en matière d'emploi... (« Non » ! sur les bancs du groupe socialiste) Quels qu'aient été les taux de croissance, les politiques de l'emploi ou les politiques économiques, le taux de chômage français est resté supérieur de 1,5 point à la moyenne européenne...

M. Bernard Roman - Mensonge !

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - ...et supérieur de 3 à 4 points à celui des meilleurs des Quinze !

Les causes de cet écart sont bien connues. Il y a d'abord les insuffisances de notre système de formation et nous avons commencé à y répondre en traduisant dans la loi l'accord interprofessionnel sur la formation tout au long de la vie. Il y a aussi toute la complexité et les rigidités de notre code du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Il est vrai que pendant de très longues années où la gauche a gouverné, elle a largement contribué à rigidifier le code, augmentant de ce fait la précarité et l'insécurité aux marges du droit du travail. C'est notamment ces dernières années que le recours à l'intérim et aux CDD a explosé dans notre pays !

Nous avons décidé pour notre part de lever ces freins à la création d'emplois. A cette fin, nous avons engagé une concertation avec les partenaires sociaux, organisée en trois groupes de travail respectivement consacrés à l'emploi des jeunes, à la modernisation du code du travail et à celle du service public de l'emploi.

Dans ce cadre prend place en effet le contrat de projet, qui n'a rien à voir avec ce que vous en avez dit, comme vous le verriez dans le rapport que je pourrais vous remettre en sortant (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Ce contrat concerne des missions d'expertise, dévolues à des cadres de haut niveau, et le dispositif est encadré par des accords de branche désormais majoritaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ce contrat de projet figurait d'ailleurs dans un accord entre partenaires sociaux conclu en 2000, qui n'a pas paru beaucoup vous émouvoir à l'époque.

Pour le reste, nous jugerons chaque proposition, y compris les vôtres, à l'aune d'un seul critère : son efficacité pour l'emploi. Les Français verront alors l'abîme qui sépare les outrances de la gauche de l'ouverture d'esprit des partenaires sociaux (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SÉCURITÉ DANS LES QUARTIERS DIFFICILES

M. Jean-Claude Abrioux - Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez dressé voilà quelques jours le bilan de votre action dans le domaine de la sécurité. Les résultats sont très encourageants. La baisse de la délinquance est là, ce qui tranche avec les cinq années précédentes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Preuve que le choix de la fermeté et d'un cap clair se révèle positif pour nos concitoyens. Pour continuer dans cette voie, vous avez réuni hier les préfets qui ont la charge des quartiers les plus difficiles. Quels éléments de prévention et de sécurité avez-vous présenté à cette occasion ? Quelle est votre méthode pour restaurer le calme dans les quartiers sensibles ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Il n'y a aucune raison pour que certains de nos compatriotes soient obligés de vivre dans des quartiers où l'insécurité est telle que leur existence devient impossible.

Nous avons sélectionné (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) vingt-trois quartiers, sans tenir compte, bien entendu, de la couleur politique de leurs élus. Ainsi quatre maires socialistes ont indiqué dès ce matin qu'ils attendaient cette décision depuis longtemps et qu'ils s'y associeraient (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le 15 février, nous publierons des objectifs chiffrés pour chacun de ces quartiers, et nous nous engagerons à obtenir des résultats avant la fin de l'année. Voilà trop longtemps que des Français sont condamnés à vivre dans des zones de non-droit.

Nous allons mettre des effectifs, nous allons associer tous les élus à notre action et nous allons expérimenter de nouvelles méthodes. Nous ne voulons pas attendre dix ans des résultats, mais montrer, d'ici la fin de l'année, qu'aucun centimètre carré de la République n'est abandonné aux délinquants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

ASSURANCE MALADIE

M. François Goulard - Monsieur le ministre de la santé, vous venez de recevoir le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, qui a été approuvé par la totalité de ses membres, c'est-à-dire les représentants des partenaires sociaux et des professions de santé. La qualité de ce rapport est partout reconnue. Il fait apparaître les difficultés financières du régime d'assurance maladie, et surtout les dysfonctionnements graves, qui appellent des réformes profondes. Le Gouvernement, nous le savons, y est prêt.

Quelles conclusions tirez-vous de ce rapport, quelle sera votre méthode pour réformer l'assurance maladie... (« Les ordonnances ! » sur les bancs du groupe socialiste) et quelles sont les grandes orientations envisagées par le Gouvernement sur ce sujet fondamental ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Je salue la qualité des travaux qui ont donné lieu à ce rapport. C'est la première fois que se sont réunis les partenaires sociaux et tous les acteurs du monde de la santé pour élaborer un diagnostic sur notre système de soins et la prise en charge de notre santé.

Le Haut conseil est parvenu à des conclusions unanimes, et le rapport est équilibré et juste. Il fait apparaître que le problème n'est pas principalement financier, mais d'abord fonctionnel et structurel. Le Gouvernement peut désormais engager une deuxième étape, qui est celle du dialogue et de la concertation. Dès le 9 février, je recevrai l'ensemble des acteurs afin de définir une méthode de travail. J'espère que là encore nous trouverons des solutions consensuelles, avant que le Gouvernement prenne ses décisions avant l'été.

Je remercie à nouveau le président Fragonard et les membres du haut-conseil, à commencer par les trois représentants de votre assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

LÉGIONELLOSE

Mme Odette Duriez - Le 9 novembre le premier cas de légionellose a été déclaré dans le Pas-de-Calais. quatre-vingt-deux personnes ont été atteintes, dont dix sont mortes. Malgré la fermeture d'usines et d'entreprises, l'épidémie progresse. Face à ce fléau, on peut s'étonner de l'absence de réactivité du Gouvernement (Interruptions sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Il a fallu attendre le 31 décembre pour que le ministre de la santé nomme cinq experts. Quatre nouveaux cas ont été enregistrés à la fin de la semaine dernière, un autre a été déclaré hier. La population, très digne, est très inquiète.

Quel est l'état d'avancement des travaux des experts ? Le Gouvernement va-t-il rétablir la dotation supplémentaire de rattrapage créée par le gouvernement de Lionel Jospin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) pour corriger les inégalités de fonctionnement des hôpitaux de la région Nord-Pas-de-Calais ?

Sur le plan épidémiologique, alors que les mesures préconisées voilà plus de quinze mois par le directeur de l'institut de veille sanitaire n'ont pas été prises, quelles sont les données qui commandent l'application du principe de précaution ?

Alors que notre territoire est durement touché par les licenciements et les plans sociaux, quand le Gouvernement prendra-t-il les mesures propres à réparer les dégâts économiques et sociaux subis par les usines, mais aussi les petites entreprises comme les stations de lavage, qui ont dû cesser leur activité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Bernard Roman - Rendez les 30 millions !

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - L'épidémie de légionellose est la plus importante qu'ait jamais subie l'Union européenne. Elle s'étend dans un rayon de 12 km, elle se produit, fait exceptionnel, en hiver, et a frappé 81 personnes, dont dix sont mortes. Le Gouvernement exprime sa solidarité envers les familles éprouvées.

Le préfet du Pas-de-Calais a pris appui sur la DDASS, sur la DRIRE, sur des renforts envoyés par les ministères de l'écologie et de la santé, sur l'institut de veille sanitaire et sur des experts nationaux. Le préfet, très vigilant, poursuit les investigations sur les sources possibles de contamination. Même si les derniers cas semblent plus rares, il est trop tôt pour présenter aujourd'hui une conclusion définitive. La légionellose, dont nous avons relancé la déclaration obligatoire en 1997, se caractérise par le fait que le nombre de cas est passé de 100 en 1996 à 1 021 en 2002. Nous devons donc adapter notre stratégie. Les épidémies de Montpellier et de Poitiers, cet été, nous ont conduits à travailler pour renforcer les règles de surveillance sanitaire. J'ai ainsi présenté il y a dix jours au Sénat un amendement relatif aux tours aéro réfrigérantes, qui ne sont pas des établissements classés, et Mme Bachelot va prendre toutes les mesures pour renforcer la déclaration et l'entretien de ces tours (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Ce sujet grave ne se prête pas à la polémique. Le Gouvernement et les services de l'Etat ont agi du mieux qu'ils ont pu, et ont trouvé auprès des élus de la région un appui précieux. Ils ont su nous faire part des inquiétudes si légitimes des populations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

TOURISME ET VOYAGES

M. Jean-Jacques Descamps - Avec ma collègue Arlette Franco, nous avons participé la semaine dernière au Congrès du syndicat national des agents de voyages et tour-opérators. Nous avons rencontré une profession traumatisée par le drame de Charm el-Cheikh. Tous cherchent avec anxiété à en connaître les causes. Les boîtes noires ont-elles livré leur secret ?

Au-delà, il importe d'éviter que de telles catastrophes puissent se reproduire. L'ensemble des professionnels, bien conscients de leur responsabilité globale en matière de sécurité, sont toutefois préoccupés par l'ampleur de cette question. En effet, outre celui de l'organisation des contrôles physiques, indispensable, de la sécurité des appareils, se pose le problème de la responsabilité et du coût de ces contrôles dans les pays et pour les compagnies à risque. Se pose aussi celui de l'information des consommateurs, qui ont leur propre perception des risques, et du droit qui leur sera donné ou non de refuser les changements de dernière minute dans l'organisation de leurs voyages.

Comment le Gouvernement compte-il organiser le dialogue avec les professionnels, mais aussi l'ensemble de la communauté internationale et le Parlement pour résoudre ce qui est devenu un véritable problème de société à l'échelle du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme - Un travail minutieux est en cours sur la catastrophe de Charm-el-Cheikh, sous l'égide de la commission d'enquête égyptienne, avec l'aide des inspecteurs du BEA et du MSTB. Il s'agit tout d'abord de décrypter les boîtes noires pour retracer le fil des événements qui ont conduit à la catastrophe, avant d'interpréter ces éléments. Il est encore trop tôt pour tirer quelque conclusion que ce soit du décryptage des enregistreurs de voix et de données techniques. Le président égyptien de la commission d'enquête donnera toutes les informations dès que possible.

Par ailleurs, Gilles de Robien et moi-même, en étroite concertation avec les tour-opérateurs, les voyagistes et le syndicat national des agents de voyages, avons proposé de délivrer des labels aux compagnies offrant les meilleures garanties de professionnalisme et de sécurité. Ce label sera octroyé après la réalisation d'audits par des sociétés extérieures, financés bien sûr par les compagnies elles-mêmes.

S'agissant de l'obligation d'information, le client devra connaître, dès l'achat de son billet, le nom de la compagnie aérienne qui le transportera. En cas de modification de dernière minute, tout sera mis en _uvre pour qu'il en soit informé ainsi que du nom de la nouvelle compagnie. Un groupe de travail associant la DGAC, la direction du tourisme et les professionnels, doit préciser les modalités de cette mesure, destinée à permettre au consommateur de faire des choix sur la base d'informations fiables.

Pour éviter que la France ne soit isolée en ce domaine et que nos professionnels ne soient pénalisés en matière de concurrence, Gilles de Robien s'est entretenu avec la commissaire européenne Loyola de Palacio. A la suite de cet entretien, la Commission a assuré qu'elle ferait avant l'été une proposition législative visant à améliorer la sécurité des passagers aériens. Enfin, nous restons à la disposition de la mission d'information parlementaire mise en place sur le sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

LUTTE CONTRE LE DOPAGE

M. Bernard Depierre - La semaine dernière, une nouvelle affaire de dopage a, hélas, éclaboussé le monde du cyclisme. Encore une fois, des soigneurs et des coureurs d'une équipe sont soupçonnés d'usage et de trafic de produits dopants. En dépit des efforts engagés jusqu'à présent, notamment en matière de prévention, cette actualité nous montre que la lutte contre le dopage doit demeurer une affaire de tous les instants. Pour lutter efficacement contre le dopage, il faut impérativement renforcer le contrôle, notamment de la qualification, de l'encadrement médical des sportifs, et, parallèlement, lutter contre les trafics. Il y va de la vie même des sportifs.

Monsieur le ministre des sports, vous avez réuni vendredi dernier les principaux dirigeants du cyclisme pour faire le point sur cette affaire et leur avez, à cette occasion, présenté une liste de mesures. Quelles sont-elles et quand seront-elles mises en _uvre ? Il y va de l'intérêt du sport français en général (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-François Lamour, ministre des sports - Je ne souhaite bien sûr pas commenter une affaire judiciaire en cours. J'ai toutefois souhaité tirer les conséquences d'une nouvelle affaire, navrante, de dopage dans le milieu cycliste, mêlant à la fois des irresponsables et des criminels (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). En parfaite continuité avec la réflexion engagée depuis six mois déjà, nous avons décidé, avec la Fédération française de cyclisme, de lier systématiquement l'obtention de la licence sportive au suivi longitudinal des coureurs ; de porter à neuf mille par an le nombre de contrôles anti-dopage, lesquels deviendront en majorité inopinés, pratiqués sur les lieux d'entraînement ; enfin, de renforcer la lutte contre le trafic de produits dopants au niveau international. Je dois rencontrer le 2 février prochain le secrétaire général d'Interpol à ce sujet. Un groupe technique national sera également mis en place, aux côtés des commissions régionales, afin de faciliter la transmission des informations entre régions. J'ai par ailleurs demandé la plus grande transparence dans l'organigramme de l'encadrement médical et paramédical des équipes. Enfin, j'ai demandé, à titre conservatoire, à la Fédération de ne pas sélectionner pour les Jeux Olympiques les coureurs mis en examen car si ces athlètes ramenaient une médaille tout en ayant été condamnés, nous n'aurions aucun pouvoir de la leur retirer, ce qui serait inacceptable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

SOINS POST-OPÉRATOIRES

Mme Martine David - Comme de nombreux Français, assurés sociaux, professionnels de santé ou responsables mutualistes, je m'inquiète des conséquences de votre décision brutale et scandaleuse de réduire le remboursement des soins post-opératoires. Cette mesure, inopportune et inefficace, a été, une fois de plus, arrêtée en catimini, ce qui en dit long du mépris dans lequel vous tenez nos concitoyens et les professionnels de santé. Après l'augmentation du forfait hospitalier, après le déremboursement de nombreux médicaments, après la mise en accusation de l'homéopathie, voilà que vous pénalisez encore les Français les plus modestes, en particulier ceux qui n'ont pas de couverture complémentaire, et opérez un nouveau transfert de charge vers les mutuelles, qui dénoncent fermement vos méthodes. Le moindre remboursement des soins post-opératoires débouchera à terme sur des complications ou des guérisons imparfaites, donc des séjours plus longs à l'hôpital et une augmentation du déficit de l'assurance maladie. Mais n'est-ce pas là un élément de votre stratégie, inavouée, pour justifier ensuite devant nos concitoyens le démantèlement de la sécurité sociale ?

Monsieur le Premier ministre, il n'est pas acceptable de servir les intérêts de quelques-uns au détriment de la santé du plus grand nombre. Nous vous demandons donc solennellement de retirer cette décision injuste, dangereuse et cynique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et de nombreux bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - La mesure concernant les actes dont la cotation est supérieure à K 50 vise à clarifier l'exonération de ticket modérateur, fort ancienne mais inégalement appliquée puisque les caisses primaires l'appliquaient de manière différente (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Personne n'a à s'inquiéter (Mêmes mouvements). Cette mesure n'a aucune incidence pour les 93 % de la population qui possèdent une couverture complémentaire ou bénéficient de la CMU.

Plusieurs députés socialistes - Et les autres ?

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé - J'ajoute, mais vous devriez le savoir, que l'assurance maladie a décidé elle-même d'une aide à la mutualisation pour les 7 % restants de la population. Il se trouve que ce dispositif, dont nous allons encore remonter le plafond cette année, n'est pas assez sollicité. Soyez donc assurés que personne ne sera privé des soins dont il a besoin. Enfin, puisque vous m'avez interrogé de manière polémique, je me permets de vous rappeler que nous avons longuement débattu de cette question lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et que le Gouvernement a agi en totale transparence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

FORUM SOCIAL DE BOMBAY

Mme Béatrice Vernaudon - Ma question s'adresse à la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Du 16 au 21 janvier dernier, s'est tenu à Bombay le quatrième Forum social mondial, dans la ligne des trois premiers organisés à Porto Alegre. Le mouvement altermondialiste est souvent présenté comme une entrave au capitalisme mondial, alors qu'il faudrait au contraire prendre en considération l'élan dont il est porteur, l'énergie qu'il donne à ses tenants qui, lors de ces forums sociaux, expriment leurs aspirations à une véritable gouvernance mondiale en matière de développement, de lutte contre la pauvreté et pour l'égalité, de préservation de l'environnement. Madame la ministre, vous représentiez, avec Mme Saïfi, la France à ce forum. Quel intérêt avez-vous trouvé à cette participation ? Quelles propositions y avez-vous faites ? Quelles avancées stratégiques ont pu être obtenues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle - Vous avez raison, ces forums permettent d'abord à des dizaines de milliers d'hommes et de femmes d'exprimer leurs inquiétudes et leurs souhaits d'être mieux entendus. Les démocraties ont le devoir d'entendre ce message afin que ne s'accentuent pas la fracture entre sociétés civiles et gouvernements, mais aussi de concilier le jeu de la concurrence, force de progrès économique et de croissance (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), avec la solidarité due aux plus faibles. Telle est la vision européenne de la mondialisation, tel est aussi le message de la France que Tokia Saïfi et moi avons porté à Bombay ((Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Les femmes étaient nombreuses à Bombay - j'aimerais que mon propos intéresse aussi ce côté de l'hémicycle -, notamment parce qu'en Inde, outre d'interdictions légales, les femmes sont victimes de violences d'un extrême gravité. Nous avons rappelé notre attachement à l'application des acquis de la convention de Pékin.

Il y a aussi l'Inde moderne. A l'occasion d'une courte visite à Bangalore, j'ai vu les femmes qui réussissent, qui sont dans les biotechnologies ou dans la bioinformatique, et qui démontrent que les femmes peuvent être les vecteurs du progrès social et du développement durable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

NUISANCES AÉRIENNES

M. Jacques Myard - Dimanche dernier, des milliers de Parisiens ont manifesté dans la rue contre les nuisances aériennes. Parmi les manifestants se trouvaient nombre d'élus locaux et nationaux de la majorité. Chacun connaît l'importance du transport aérien pour l'économie nationale, mais force est de reconnaître que ces dernières années la situation s'est dégradée.

Elle vous a conduit, Monsieur le ministre de l'équipement et des transports, à annoncer récemment diverses mesures, notamment la réduction des vols de nuit, l'interdiction de vol d'aéronefs bruyants et le développement des aéroports de province, mais elles ne sont pas à la hauteur des enjeux.

MM. Roger-Gérard Schwartzenberg et Jean-Pierre Blazy - Très bien !

M. Jacques Myard - Quant à l'annonce de l'abandon du troisième aéroport, elle a été reçue avec un certain scepticisme par de nombreux élus qui vous soutiennent par ailleurs.

Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour véritablement réduire les nuisances aériennes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - C'est une excellente question...

M. le Président - M. Myard pose toujours d'excellentes questions...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - ...Elle traduit une préoccupation réelle des Franciliens.

Conformément à la demande d'un grand nombre de parlementaires, nous avons, avec Gilles de Robien, pris plusieurs mesures : diminution des vols de nuit entre 0 heure et 5 heures - ce qui se traduit d'ailleurs pour les députés non parisiens par la diminution des prestations de La Poste, dont certains vols ont été supprimés ; plafonnement du nombre de créneaux horaires ; plafonnement de la gêne sonore, à travers les indicateurs de bruit ; interdiction pour les avions les plus bruyants de se poser la nuit. Par ailleurs, nous avons avec Mme Bachelot, institué une modulation de la taxe sur les nuisances sonores, afin de dissuader les avions les plus bruyants.

Mais vous avez raison, il faut faire encore plus. Je vous propose trois mesures importantes, sur lesquelles M. Copé s'est également prononcé récemment (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Premièrement, nous confirmons qu'il n'y aura pas de cinquième piste à Roissy : c'était la demande des députés de la majorité. Deuxièmement, il n'y aura pas de troisième aéroport, mais il y aura un réseau autour des grands aéroports de région - de Vatry, de Châteauroux -, afin que le trafic ne soit plus centralisé à Paris mais réparti sur l'ensemble des régions.

Enfin, l'Assemblée nationale se prononcera en février, après le Sénat, sur un projet de communauté aéroportuaire, pour mieux associer les élus et la population au développement des aéroports - qui, ne l'oublions pas, apportent des dizaines de milliers d'emplois (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 15 heures 50, est reprise à 18 heures sous la présidence de M. Baroin.

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

M. le Président - Je rappelle que l'article 37 a été réservé et qu'il sera examiné ce soir.

Nous en arrivons donc aux amendements portant article additionnel avant l'article 38.

AVANT L'ART. 38

M. François Brottes - L'égal accès à l'offre de soins n'est plus garanti. C'est pourquoi chacun avance ses suggestions pour inciter les professionnels de santé à s'installer en zone rurale. L'heure est grave et il faut se montrer offensif, voire coercitif.

Mon amendement 1341 vise aussi à intégrer l'implantation des professionnels libéraux de santé dans le schéma d'organisation sanitaire.

M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques - La commission a jugé cet amendement inconciliable avec la liberté d'installation garantie à ces professionnels de santé. Le débat, en son sein, a opposé les tenants d'une médecine administrée à ceux qui souhaitent préserver son caractère libéral. La commission a préféré s'en tenir à des dispositifs incitatifs : exonération de taxe professionnelle, indemnités pour les étudiants effectuant des remplacements...

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - En effet, il n'appartient pas à l'Etat de déterminer le lieu d'implantation des professionnels de santé. L'amendement, en outre, ne précise pas quels sont les professionnels concernés. Si une régulation administrative était jugée nécessaire, une telle réforme nécessiterait une large concertation, dans le cadre d'une réflexion globale sur l'offre de soins. Ce problème relève d'ailleurs de la concertation en cours sur la réforme de l'assurance maladie. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.

M. François Brottes - Ce n'est pas une surprise. Je note toutefois que vous évoquez une simple « régulation administrative » quand le rapporteur parle lui, de « médecine administrée »... il existe déjà une telle régulation administrative pour l'implantation des pharmacies, et le numerus clausus des médecins est aussi une forme de régulation. S'agissant de l'assurance maladie, le souhait des pouvoirs publics est encore de réguler.

Notre souci est de garantir l'égal accès aux soins et de réguler l'ensemble des dépenses de santé. Il est indispensable, pour cela, de légiférer. Notre amendement, du reste, n'est pas très offensif : nous faisons référence au schéma d'organisation sanitaire, dont l'élaboration fait suite à une concertation.

Vous me demandez quels sont les professionnels visés. L'amendement est clair : l'ensemble des professionnels de santé libéraux.

Le débat n'est pas clos. Vous nous renvoyez à une large concertation, mais le problème reste entier. Je souhaite que l'Assemblée adopte cet amendement, le Gouvernement pouvant toujours nous proposer d'autres solutions avant le vote définitif du projet.

Je note, enfin, l'emploi par le ministre des termes « régulation administrative », qui révèle que sa pensée n'est pas très éloignée de la nôtre.

L'amendement 1341, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 38

M. Jean-Claude Lemoine - Cet article prévoit une série de dispositions tendant à maintenir ou à attirer les professionnels de santé en zone rurale. Elles nous permettront, dans un avenir plus ou moins lointain, de remédier aux difficultés actuelles. Mais, en attendant, les professionnels de santé resteront en nombre insuffisant, ce qui les obligera à travailler beaucoup. Ils exercent en effet plus de 70 heures par semaine, alors que leurs confrères fonctionnaires ne font que 35 heures (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), et leurs impôts sont importants. Ils n'assurent plus de permanence, si bien que les patients doivent appeler le 15.

Les médecins libéraux établis en zone rurale ne trouvent plus de remplaçants : les étudiants en médecine ont aujourd'hui peu de temps pour cela, et préfèrent rester dans les villes universitaires. Il faut prendre des mesures pour assurer les remplacements dans les zones défavorisées et inciter les médecins à organiser des permanences.

En zone rurale, le temps de trajet du SAMU peut atteindre une heure. Dans mon département, il y a eu des accidents, à cause de la durée du transport.

J'ai donc déposé des amendements prévoyant des mécanismes incitatifs. Je vous proposerai notamment de supprimer toute imposition des revenus tirés des visites de nuit ou des remplacements.

M. Patrice Martin-Lalande - Permettez-moi de vous lire ce que m'écrit un médecin de ma circonscription, le docteur Sicard, que j'avais invité à une réunion de concertation.

« J'ai parcouru le projet de loi sur le développement des territoires ruraux. Première impression à chaud : on se moque de nous. Deux fois dix lignes pour les problèmes de santé, une douzaine de pages pour la chasse. Sommes-nous revenus aux temps des seigneurs, plus préoccupés par leurs loisirs personnels que par la santé de leurs concitoyens ? ».

M. François Brottes - Je ne l'aurais pas osé !

M. Patrice Martin-Lalande - « Que nous propose-t-on ? Une aide financière à l'installation de cabinets secondaires. Les médecins travaillent déjà 60 heures par semaine. Comment vont-ils trouver le temps d'ouvrir un cabinet secondaire ?

« Des aides pour un exercice de groupe ? Cela ne va rien changer au manque grandissant de professionnels, qui vont devoir répondre à une demande de plus en plus forte. Depuis 1973, on ferme régulièrement le robinet du numerus clausus. La responsabilité est donc largement partagée. Ce n'est pas la récente ouverture qui va régler le problème.

« Les médecins sont fatigués par une qualité de vie qui se dégrade jour après jour. Les médecins, dont une grande majorité ont plus de 50 ans, sont fatigués par des journées interminables auxquelles s'ajoutent parfois des gardes de nuit ou de week-end. Ils sont fatigués d'être sans arrêt montrés du doigt ; ils prescriraient trop d'antidépresseurs - peut-être ferait-on mieux de se demander pourquoi - ils seraient responsables des morts pendant la canicule et de la surcharge des hôpitaux pendant le week-end...

Je regrette de ne pouvoir venir lundi, mais je serai en vacances. Faute de remplaçant, je n'ai pas pu profiter des fêtes de Noël, comme la plupart des Français, pour passer quelques jours avec mes enfants. J'aurais pu fermer mon cabinet et laisser les patients se débrouiller, mais il me reste encore quelques scrupules, sûrement plus pour très longtemps. Pour résoudre le problème du remplacement, la solution a été trouvée. Auparavant, les étudiants pouvaient remplacer dès la fin de la sixième année ; maintenant, ils doivent attendre la troisième année d'internat, soit en moyenne 28 ans, âge auquel on aspire à s'installer.

« Quelles solutions pour favoriser l'installation de jeunes confrères en milieu rural ? Sûrement pas une prime à l'installation. Une enquête de La Revue du praticien avait recensé les motifs de leur désaffection : les revenus venaient en dernière position. Les motifs principaux étaient la surcharge de travail, les gardes, les déplacements, les difficultés d'accès aux loisirs et à l'éducation pour leurs enfants... Pourtant, des problèmes ont déjà été résolus. On a fait disparaître les visites en touchant le porte-monnaie. Il faut résoudre celui des gardes. La majorité des appels de nuit et des dimanches sont injustifiés, les quelques vraies urgences pourraient très bien être gérées par le service public.

« Quel avenir pour la médecine en milieu rural ? Malheureusement nous allons bientôt payer très cher les erreurs passées en matière de démographie médicale. Dans certaines régions, la catastrophe est déjà là. Dans le Loir-et-Cher, vu l'âge des praticiens, la situation va être rapidement difficile à gérer. Ce n'est pas par des sanctions qu'on résoudra ces problèmes.

« Vivement que je dévisse ma plaque ! Meilleurs v_ux ! »

Pour ma part, je voterai cet article, qui comporte de bonnes mesures, mais le « ras-le-bol » des médecins ruraux est réel.

M. Marc Bernier - L'accès aux services de santé est un enjeu fondamental dans les territoires ruraux. C'est le principe de l'égalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire national qui est en jeu. Il nous est proposé des mesures adéquates pour remédier à une désertification sanitaire qui risque d'être encore amplifiée par le départ à la retraite de nombreux praticiens au cours des dix prochaines années. Il est néanmoins insuffisant de se contenter d'aides à l'installation et au maintien des professionnels de santé, car une telle mesure interviendrait trop tardivement, dans le cursus, pour attirer les jeunes médecins.

Aussi ai-je déposé deux amendements : l'un tend à instituer un stage obligatoire de médecine ambulatoire, d'une durée de six mois, auprès d'un médecin dans une zone démographiquement déficitaire, l'autre à créer un fonds de régulation de la démographie médicale ayant pour but l'octroi de bourses aux étudiants en médecine en contrepartie d'un engagement à travailler dans ces zones.

M. Jean Lassalle - Très bien !

M. Marc Bernier - J'ai constaté avec bonheur que le Gouvernement a repris cette dernière disposition, légèrement modifiée, et que plusieurs de mes collègues ont fait des propositions novatrices : exonération de la taxe professionnelle pour les médecins nouvellement installés, création d'un statut d'assistant, aide à la création de cabinets secondaires. Je salue toutes ces initiatives, mais il ne faudrait pas que leur adoption fasse oublier les difficultés identiques des zones de montagne périurbaines.

M. Michel Bouvard - Leur situation est encore plus compliquée !

M. Marc Bernier - C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi relative au maintien et à l'installation des médecins dans les zones déficitaires en matière de soins, qui a recueilli à l'heure actuelle les signatures de 150 de nos collègues.

Je voterai cet article, comme je voterai l'ensemble du projet.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - J'ai récemment organisé une réunion avec l'ensemble des médecins libéraux de la Lozère. Il en ressort que la situation est alarmante, et qu'il est urgent d'agir.

L'article 38 propose des avancées intéressantes, mais je vous en conjure, il faut vraiment agir, et agir vite !

M. Jean Lassalle - Bravo !

M. Jean-Claude Viollet - Cet article se propose d'assurer un égal accès aux soins sur tout le territoire, en maintenant les professionnels qui exercent en milieu rural et en y favorisant l'installation de jeunes médecins.

Tel était bien le but de notre amendement intégrant l'implantation des professionnels de santé libéraux dans le schéma d'organisation sanitaire.

Mais, pour avoir récemment, en Charente, travaillé sur ce sujet avec des élus et des professionnels de santé, je suis convaincu que si nous devions nous limiter à cette action, ces derniers continueraient à déserter nos campagnes.

Nous devons donc engager une politique de rationalisation et d'optimisation de notre système de soins, inscrite dans un projet d'aménagement du territoire cohérent et s'appuyant sur les acteurs de proximité.

Il s'agit d'identifier les besoins des populations, de se fixer des objectifs sanitaires raisonnables, de préciser le rôle de chaque professionnel dans la chaîne de soins, de responsabiliser nos concitoyens. Nous avons commencé à travailler en ce sens en Charente, notamment sur la permanence des soins en dehors des heures d'ouverture des cabinets médicaux. L'expérience en cours sur quatre cantons, avec une régulation par le centre 15, une maison médicale avec un médecin de garde, liée à un hôpital de proximité, et trois médecins d'astreinte nous paraît intéressante. Cette organisation permet en effet d'améliorer la prise en charge de l'urgence vitale, de limiter les visites à domicile des médecins d'astreinte et d'assurer une permanence des soins, avec une moindre fréquence des gardes pour les vingt-cinq médecins libéraux des secteurs concernés.

D'autres mesures pourraient être encore prises pour faciliter l'installation de nouveaux professionnels de santé. Les praticiens pourraient ainsi déléguer la gestion de tâches administratives, et les systèmes d'aides pourraient évoluer vers un forfait annuel lié à la logistique du cabinet et à sa situation géographique, en échange d'un contrat de bonnes pratiques et d'un engagement à travailler un certain temps dans un secteur géographique déficitaire. De même, on pourrait envisager une plus grande implication de l'Etat, des organismes d'assurance maladie et des collectivités pour la mise à disposition de structures immobilières, la facilitation de regroupements professionnels et du travail en réseau, l'organisation du transport au cabinet médical des patients sans moyens de locomotion, l'ouverture de cabinets secondaires.

Cette démarche devrait permettre la mise en place de réseaux de soins sur chacun de nos territoires de santé. Il ne faut pas non plus exclure des dispositions plus contraignantes comme le refus de conventionnement en cas d'installation dans des zones reconnues comme fortement excédentaires.

Nous ne pouvons accepter que plus de 100 communes, sur les 404 que compte la Charente, soient en situation critique quant à la permanence des soins.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Très bien !

M. Richard Mallié - Vous auriez pu y penser plus tôt !

M. Robert Lecou - S'il est essentiel de disposer de centres hospitaliers pourvus de plateaux techniques de grande qualité, il est tout aussi essentiel de mailler les territoires ruraux avec des établissements de santé plus modestes et des lits de suites.

A Lodève, dont je m'honore d'être le maire, nous avons réussi à maintenir un bon plateau technique dans le cadre d'une clinique privée, mais le service public se doit d'être également très présent, au besoin grâce à des mises en réseau.

Le service public est en effet structurant quant à l'aménagement du territoire.

M. Jean Lassalle - Très bien !

M. Jean-Luc Préel - La démographie médicale est un problème majeur. Les témoignages que l'on vient d'entendre, en particulier celui dont a fait part M. Martin-Lalande, le montrent.

Pour remédier à cette situation, le groupe UDF propose de fixer un numerus clausus régional par spécialités, de manière notamment à adapter la formation des futurs médecins aux besoins locaux. Il préconise aussi de modifier le statut des praticiens, de sorte que la pénibilité de l'exercice en milieu isolé soit prise en compte dans la rémunération. Nous plaidons également pour la création de maisons médicales cantonales - à ne pas confondre avec les maisons de gardes, dont la vocation est autre - destinées à permettre aux professionnels de santé de mettre en commun leurs moyens de fonctionnement et à lutter contre le sentiment d'isolement qui décourage certains de s'installer à la campagne. Les collectivités pourraient participer à leur financement. Enfin, il nous semble indispensable de conforter les hôpitaux locaux car ils ont un rôle majeur à jouer pour garantir partout sur le territoire l'accès de tous à des soins de qualité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Daniel Garrigue - On ne peut ignorer le caractère novateur des dispositions qui nous sont proposées. C'est en effet la première fois qu'un gouvernement tente d'apporter une solution à la chute de la démographie médicale en milieu rural. On peut cependant douter qu'elles suffisent à enrayer un phénomène déjà ancien car, quoi que l'on fasse, être le médecin généraliste d'un territoire isolé, c'est d'abord répondre à une vocation et être prêt à exercer dans des conditions très particulières. Au reste, certaines régions plutôt favorisées, y compris dans le sud de la France, sont confrontées à une chute du nombre de généralistes : je connais, dans ma circonscription, un canton qui a vu ce nombre passer en quelques années de sept à trois et il en est bien d'autres où ils se comptent désormais à l'unité...

M. Jean Lassalle - Absolument !

M. Daniel Garrigue - Si plusieurs raisons expliquent le phénomène, la disparition des établissements de soins locaux de proximité orchestrée par les ARH me semble devoir être mise en avant. Beaucoup de généralistes s'appuyaient en effet sur leur présence, qu'il s'agisse d'hôpitaux ruraux, de maisons de soins de suites, de maisons de retraite médicalisées... Pour autant, je ne remets nullement en cause l'utilité des ARH et je proposerai même un amendement visant à leur confier la mission de veiller au maintien d'une présence médicale en milieu rural. Faire disparaître certains petits établissements peut obéir à une certaine logique mais cela n'est pas sans risque pour la couverture du territoire en médecins de proximité (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Augustin Bonrepaux - Il est inacceptable qu'un gouvernement de la République ait le front de nous soumettre un tel article ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Son adoption serait en effet contraire au premier principe républicain, qui est l'égalité des citoyens partout sur le territoire. A vous suivre, la santé ne relèverait plus des missions régaliennes de l'Etat et il incomberait désormais aux collectivités locales de veiller à ce que chaque citoyen y ait normalement accès ! Incitées à contractualiser avec les professionnels de santé, les collectivités choisiront demain comment doit être garanti l'accès de tous à des soins de qualité. Certes, le Gouvernement est coutumier du subterfuge qui consiste à faire passer ses désengagements pour un appel à la responsabilité des élus locaux... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Auclair - Caricature !

M. Augustin Bonrepaux - ...mais ne soyons pas dupes ! En l'espèce cela signifie qu'à terme, les collectivités les moins bien pourvues n'auront plus de système de santé ! Et ne comptons pas sur le semblant de péréquation qui le Gouvernement avait évoqué... Refusée dans son principe par les élus de la majorité qui représentent les collectivités les plus riches, la péréquation est renvoyée aux calendes grecques !

Cet article - comme du reste l'ensemble du projet - tend à instaurer la loi de la jungle : que chacun se débrouille avec ses propres moyens - ou avec son absence de moyens -, telle est votre philosophie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Alain Néri - Nous vous savons très attachés - et du reste nous le sommes tous - à la sécurité de nos concitoyens mais s'il est une forme de sécurité qui semble échapper à vos réflexions, c'est celle qui consiste à maintenir un réseau de soins de qualité sur l'ensemble du territoire ! J'ose espérer que M. Mattei répondra sans ambiguïté à M. Bonrepaux que la santé est toujours l'affaire de l'Etat, mais je suis tout de même inquiet. N'a-t-on pas vu en effet le Gouvernement et notre rapporteur - pourtant élu du Cantal ! - repousser l'amendement de bon sens de M. Brottes au motif qu'ils étaient opposés à toute forme de régulation ?

Si tel est le cas, il faut aller au bout en supprimant les quotas d'installation des pharmaciens... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) A quoi bon maintenir des médecins si l'on peine à se procurer les médicaments qu'ils prescrivent ? Il est bien des territoires où il reste difficile de se procurer rapidement des médicaments, surtout les dimanches et les jours fériés...

Plusieurs députés UMP - C'est faux !

M. Alain Néri - Votre propre logique devrait vous pousser à favoriser la présence de pharmacies dans les zones les plus défavorisées mais il est vrai qu'on touche là à des intérêts qui ne vous sont pas indifférents... (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Préoccupons-nous sans plus tarder d'un plan d'aide à l'installation des pharmaciens dans les territoires les plus isolés ! (Mêmes mouvements)

M. Michel Bouvard - C'est un sujet intéressant.

M. Alain Néri - Laissons les pharmaciens s'installer là où ils le veulent ! Certains ne sont pas motivés que par l'appât du gain ! Pourquoi ne pas envisager de lever les quotas d'installation des pharmaciens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Auclair - N'importe quoi ! Vous, vous n'avez rien fait en cinq ans !

Mme Marylise Lebranchu - « Vous n'avez rien fait ! », nous crie-t-on à droite. Vous verrez, chers collègues, qu'après cinq ans vous aurez envie d'être réélus pour achever votre travail...

Augustin Bonrepaux a raison : il est difficile pour des élus ruraux de s'entendre dire qu'il faudra mettre à contribution le produit des impôts locaux pour assurer les soins aux populations.

M'adressant à M. Mattei, j'en profite pour dire que la crise liée à la canicule de l'été dernier n'était pas seulement de caractère sanitaire, relevant de sa seule responsabilité, mais une crise sociale, bien plus large.

M'efforçant de défendre l'existence d'un service de réanimation dans une petite ville de province, j'observe que l'image de la médecine est devenue celle d'un métier de haute technicité. Les jeunes gens qui ont réussi de difficiles études de médecine ont le sentiment que, pour être un « grand » médecin, il faut exercer dans un grand hôpital, dans un grand service, ou dans une grande ville. On a vu se construire ainsi une image pyramidale, et se destiner à être généraliste en milieu rural apparaît comme une bizarrerie.

Nous n'avons pas fait grand-chose, je l'admets, pour valoriser le médecin généraliste, qu'il soit installé à la campagne ou dans les quartiers en difficulté. Pourtant, sa consultation permet d'éviter le recours, parfois excessif, aux spécialistes et aux urgences hospitalières. Attachons-nous donc à revaloriser cette image, qui n'est pas seulement affaire de rémunération. Nous le savons, le généraliste qui s'installe à la campagne va bien gagner sa vie, mais il n'est pas soutenu par une image sociale valorisante, il n'est pas à la mode.

Je n'ai pas déposé d'amendements sur ce sujet, mais il importe de travailler à réhabiliter le généraliste, comme d'ailleurs l'instituteur, d'autant qu'il est au moins aussi difficile de réussir les concours de médecine que d'entrer dans les grandes écoles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF).

M. Richard Mallié - La démographie des professions de santé est un problème qui se pose avec acuité, à cause des prochains et nombreux départs à la retraite, et aussi de la féminisation, puisque, c'est un fait, les femmes consacrent moins de temps que les hommes à leur travail. Le Gouvernement a répondu à cette évolution en relevant le numerus clausus. J'espère que cette mesure quantitative tiendra compte aussi d'une répartition territoriale équilibrée des professions de santé. Peut-être convient-il d'augmenter le nombre d'étudiants dans les universités proches des zones où vont manquer les professionnels. Je vous ai écrit dans ce sens, Monsieur le ministre.

De plus, il est du devoir de l'Etat, et aussi des collectivités locales, que nos concitoyens aient accès aux meilleurs soins possibles. Or dans certains cantons l'offre de soins est insuffisante. Nous devons donc inciter les professionnels de santé à s'y installer. C'est pourquoi l'article 38 tend à ce que les collectivités locales puissent agir dans ce sens. J'espère que les amendements qui le complètent seront retenus (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Jean-François Mattei, ministre - Nous traitons d'un sujet grave, et qui me remet en mémoire le rapport que m'avaient confié Hervé Gaymard et Jacques Barrot en 1996 sur la réorganisation, la formation et la spécialisation des professionnels de santé. Peu à peu, les choses se mettent en place, quoi qu'on dise.

Le médecin fait partie de l'environnement de toute collectivité humaine. Il ne doit pas se trouver trop éloigné de ceux qui ont besoin de lui. La présence médicale est donc liée à l'aménagement du territoire. Aussi, Monsieur Bonrepaux, à côté du respect de l'égalité d'accès aux soins, qui est de la responsabilité de l'Etat, on peut espérer qu'accès aux soins et aménagement du territoire puissent se combiner, avec l'intervention principale de l'Etat, et celles aussi des collectivités locales et des caisses d'assurance maladie. Compenser des handicaps et rétablir des équilibres, tel est notre objectif.

Oui, les professionnels de santé sont gagnés par la lassitude, comme l'a montré la lettre du docteur Sicard, lue par M. Martin-Lalande. Les élus, de leur côté, ont la volonté d'agir, et je pense là au rapport de Marc Bernier, dans lequel nous avons puisé de bonnes idées.

Quel est aujourd'hui le problème ?

La pénurie de professionnels de santé et aussi, Madame Lebranchu l'a bien dit, le manque de considération dont souffre le médecin de campagne. Nous avons, le 18 janvier, apporté par décret un début de solution, avec la création d'une spécialité de médecine générale. Il n'y aura donc plus, « en haut », les spécialistes effectuant des tâches nobles et, « en bas », les soutiers de la médecine parant au plus pressé. Nous avons supprimé cette séparation : il existera désormais des spécialistes en médecine générale. Il n'y aura plus non plus ceux qui ont réussi l'internat et ceux qui, recalés, resteront généralistes par nécessité. C'en est fini de cette sélection par l'échec.

Ce qui détourne les jeunes médecins de s'installer à la campagne, a bien dit M. Garrigue, c'est souvent l'absence d'un établissement hospitalier de référence pour le généraliste.

Au total, nous avons élaboré une véritable politique démographique pour les professions de santé. Pendant vingt ans, nous avons appliqué, les uns comme les autres, cette idée absurde qu'on pouvait réduire le nombre de prescriptions en réduisant celui des prescripteurs - en oubliant qu'il y avait, au milieu, les malades !

Nous sommes revenus sur cette politique en relevant les numerus clausus : de 4 007 à 5 006 pour les médecins, de 801 à 930 pour les dentistes, de 2 250 à 2 600 pour les pharmaciens, de 26 400 à 30 000 pour les infirmières, et de 900 à 975 pour les sages-femmes. Les premiers effets de ces mesures se feront sentir dans deux ans.

Mais agir sur la quantité ne suffit pas. Nous devons mener aussi une action qualitative, en commençant par de l'incitation. Celle-ci peut concerner les modalités de l'exercice professionnel. Il est possible, par exemple, de faciliter les remplacements - nous l'avons fait - et d'envisager l'ouverture de cabinets secondaires. Certains d'entre vous ont fait valoir que les médecins n'avaient pas de temps pour cela ; ce n'est pas ce qu'ils m'ont dit, ni ce que pense le Conseil de l'Ordre, lequel autorise désormais l'exercice multi-sites. Si cinq médecins ouvrent un cabinet secondaire dans un bourg qui n'avait jusqu'alors pas de médecin et y travaillent chacun un jour par semaine, une présence médicale se trouve assurée là où il n'y en avait pas ! C'est donc bien une solution. Enfin, je suis bien évidemment d'accord pour reconnaître le statut d'assistant ou de collaborateur. Je ne sais si l'amendement déposé à ce sujet pourra être adopté dès ce soir, car la concertation n'a peut-être pas été suffisante, mais l'idée mérite d'être retenue.

Il est un autre levier sur lequel il est possible d'agir. Nous expérimentons cette année, à l'initiative du doyen Berland, l'extension du champ de compétences dans quatorze domaines. Il faut aujourd'hui parfois attendre de trois à six mois pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologiste alors même que celui-ci passe la moitié de son temps de travail à prescrire des lunettes. Est-il impossible d'imaginer qu'un orthoptiste s'acquitte de cette tâche dans une pièce adjacente, sous la responsabilité de l'ophtalmologiste, comme cela se fait déjà dans certains pays ? De même, des infirmières, qui ont parfois suivi des études complémentaires de spécialisation, pourraient se voir confier des tâches plus larges qu'aujourd'hui, comme c'est le cas au Québec. Il est paradoxal que dans notre système de santé n'existe aucune qualification entre « bac + 3 », niveau de recrutement des infirmières ou des kinésithérapeutes, et « bac + 10 », niveau de recrutement des médecins ! Il faut que les titulaires d'un diplôme « bac + 3 » puissent se spécialiser jusqu'à « bac + 5 », mais aussi créer des professions de niveau intermédiaire, qui seraient exercées sous le contrôle de médecins.

Le troisième levier d'action réside dans les hôpitaux locaux. L'opposition tout à fait artificielle entre proximité et technicité n'a pas lieu d'être. Si des plateaux capables d'assurer 24 heures sur 24 des gestes d'une grande technicité sont indispensables, les hôpitaux locaux, au nombre aujourd'hui de 350, le sont tout autant. Ces hôpitaux, qui accueillent des lits de médecine polyvalente, des lits de suite et de réadaptation, des lits de moyen et de long séjour, accueillent également, souvent au rez-de-chaussée, des cabinets où des généralistes ou des spécialistes assurent, par des vacations, la permanence médicale nécessaire dans un territoire. La superposition de la carte des zones sous-médicalisées et de celle des zones disposant d'un hôpital local illustre la nécessité de construire de nouveaux hôpitaux locaux, animés par des médecins libéraux. Le coût n'en sera pas considérable : entre 5 et 10 millions d'euros. Ces hôpitaux seront de surcroît en mesure de répondre aux urgences de première intention.

Nous sommes en train de remettre en place les outils indispensables à la permanence des soins dans notre pays. Tout d'abord, par le biais des astreintes, avec une redéfinition des secteurs et une indemnisation. Ensuite, une co-régulation des centres 15 par les urgentistes et les médecins libéraux. Enfin, les maisons médicales de garde, qui fonctionnent très bien lorsque praticiens et collectivités s'engagent côte à côte. Je suis tout prêt à vous en donner des exemples, desquels ceux d'entre vous qui le souhaitent pourraient s'inspirer.

Les incitations peuvent également reposer sur des aides, de l'Etat, des collectivités ou des caisses primaires d'assurance maladie. Certains ont tout à l'heure dénoncé un prétendu désengagement de l'Etat, mais n'est-ce pas l'Etat qui finance l'aide à l'installation, d'un montant de 10 000 € par an pendant cinq ans, prévue dans certains périmètres définis ? Les collectivités peuvent - certaines le font déjà sans y être obligées - accorder une aide supplémentaire comme l'exonération de taxe professionnelle. Qu'elles financent les locaux d'une maison médicale de garde ou d'un cabinet secondaire ne me paraît pas non plus anormal, dans la mesure où la présence d'un médecin et la permanence des soins participent de l'aménagement du territoire, contribuant au maintien de la population. Les caisses d'assurance maladie doivent également apporter leur contribution.

Certains, je l'ai bien senti, souhaiteraient que l'on aille au-delà de l'incitation et que l'on recoure à la contrainte. Je n'ai pas totalement éliminé cette idée, mais je regretterais d'être obligé d'en arriver là. On ne peut pas remettre en question le principe de la liberté d'installation sans une large concertation préalable, ni une évaluation des dispositifs d'incitation. Pour l'heure, je ne suis donc pas favorable à la contrainte.

S'agissant des données quantitatives, nous avons mis en place un observatoire national de la démographie des professions de santé. Celui-ci est au travail, assisté de 26 comités régionaux où sont représentés l'ensemble des acteurs. Ce sont ces structures qui vont évaluer combien de praticiens de toutes spécialités sont nécessaires pour une population donnée.

Nous sommes entrés dans une période de réorganisation. Tous les problèmes ne seront pas réglés d'un coup, d'autant qu'il faut trois ans pour former une infirmière et dix un médecin. Mais en anticipant les mesures comme nous le faisons aujourd'hui, nous oeuvrons à un rééquilibrage sanitaire entre les territoires, au bénéfice des territoires ruraux mais aussi de certaines banlieues déshéritées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF).

M. François Brottes - La potion du bon docteur Mattei a en effet du mal à passer ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Je ne peux pas laisser dire que vous _uvrez au rééquilibrage sanitaire des territoires. Trois hôpitaux de ma circonscription vont être délocalisés, dont l'un - d'ailleurs le seul à n'être pas situé dans un couloir d'avalanche - va l'être dans le cadre du plan Hôpital 2007, et vous ne m'avez jamais répondu sur la raison de cette décision ! De grâce, que l'on cesse de nous parler ici d'aménagement du territoire en matière sanitaire, et que l'on ne dise pas ici l'inverse de ce qui se passe sur le terrain !

Par ailleurs, les maires des communes rurales rendront-ils la justice sous un chêne et pourront-ils enrôler leur armée, puisqu'il faut désormais qu'ils aient un adjoint à la santé ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Cette décentralisation qui vise seulement à faire payer par les communes, fussent-elles les plus pauvres, le prix du désengagement de l'Etat, est inacceptable.

M. Jean-François Mattei, ministre - L'amendement 1438 permet aux communes et à leurs groupements d'attribuer des aides pour financer des structures participant à la permanence des soins, notamment les maisons médicales. Certaines l'ont déjà fait, sans y être obligées, et cela s'est révélé fort utile.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis favorable. Je souhaiterais toutefois présenter un sous-amendement 1492, que la commission n'a pas non plus examiné, tendant simplement à remplacer « collectivités locales » par « collectivités territoriales », terme consacré par notre Constitution.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 1044 va dans le même sens que celui du Gouvernement, précisant seulement que ces maisons médicales peuvent être créées en zone rurale ou en zone urbaine difficile, où se rencontrent bien souvent les mêmes difficultés. L'important est que ces maisons médicales, qui réuniront médecins, infirmières, kinésithérapeutes et autres professionnels de santé, sur la base du volontariat et avec un secrétariat commun, soient créées à une échelle assez petite pour être facilement accessibles à la population.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission a repoussé cet amendement qui, de par sa rédaction, créerait une obligation aux collectivités, ce qui est contraire au principe constitutionnel de leur libre administration.

M. Jean-François Mattei, ministre - Même avis.

M. François Brottes - On donne beaucoup de nouveaux droits aux collectivités locales - maintenant celui de financer des structures médicales - mais sans leur donner de nouveaux moyens ! M. Delevoye nous a magistralement expliqué, en s'appuyant sur le principe d'autonomie des collectivités locales, que dès l'instant où les collectivités locales prenaient des initiatives, l'Etat n'avait pas à verser de compensation. Au nom de la solidarité nationale, nous voterons contre ces amendements.

Le sous-amendement 1492, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 1438, ainsi modifié. L'amendement 1044 tombe.

M. Jean-François Mattei, ministre - L'amendement 853 vise à favoriser l'installation future de jeunes médecins dans les territoires ruraux, en permettant aux collectivités territoriales et à leurs groupements d'accorder des indemnités de logement et de déplacement aux étudiants de troisième cycle de médecine générale.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis favorable. Ces stages seront l'occasion pour ces futurs médecins de découvrir qu'on est bien à la campagne !

M. Augustin Bonrepaux - Il faudrait vraiment que le Gouvernement nous précise sa conception de l'aménagement du territoire... Que fait-il de l'égalité républicaine ? En ville, les installations se font naturellement.

M. Jean Auclair - Ce n'est pas vrai !

M. Augustin Bonrepaux - Pourquoi faudrait-il qu'en zone rurale, les collectivités paient ?

Bien plus, le Gouvernement encourage les agglomérations dans leur développement, en prenant sur les crédits du FEDER au détriment des zones rurales. A elles, on dit qu'elles ont le droit d'agir mais on ne dit pas avec quels moyens ! C'est le « déménagement du territoire » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Brottes - Je note au passage que vous proposez là une forme de médecine administrée, Monsieur le ministre. J'observe aussi, même si vous n'êtes pas responsable des incohérences de ce texte, que le Gouvernement a refusé la semaine dernière que les logements dont on va aider le financement pour les employés agricoles saisonniers soient ouverts aux jeunes apprentis - qui souvent couchent dans leur voiture. Malheureusement, ce ne sont pas des apprentis médecins... Il y a deux poids, deux mesures ! Ce texte est vraiment un ramassis de dispositions inégalitaires ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Pour une fois qu'on s'occupe de la ruralité, Messieurs Brottes et Bonrepaux, un peu de pudeur ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur le ministre, votre amendement, en n'évoquant que des indemnités de logement, n'est-il pas un peu restrictif pour des petites communes qui ont des logements libres et qui pourraient les affecter directement ?

M. Jean-Claude Lemoine - Je vais, bien sûr, voter cet amendement fort utile. Lorsque les gouvernements passés ont mené des politiques de la ville, nous les avons acceptées parce qu'il y avait des problèmes urgents à régler ; mais je suis ravi que maintenant et pour la première fois, on veuille répondre aux problèmes des zones rurales, qui sont eux aussi aigus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Door - A entendre cette discussion, je me demande si tout le monde ici sait ce qu'est un médecin généraliste de campagne. S'il y en a moins, c'est notamment parce qu'il n'y a plus personne pour les remplacer lorsqu'ils sont malades ou en vacances. Qu'est-ce que va coûter à une communauté de communes d'indemniser un stagiaire en fin d'études ? Il y a quelques années, les étudiants en médecine venaient faire des remplacements dans des petits villages, et souvent ils restaient ensuite sur place. Maintenant ils n'y vont plus. Alors, attirons-les ! Votre amendement, Monsieur le ministre, est excellent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 853, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-François Mattei, ministre - L'amendement 852 rectifié permet aux collectivités territoriales et leurs groupements d'attribuer une indemnité d'étude et de projet professionnel à tout étudiant en médecine, à partir de la première année du troisième cycle, s'il s'engage à exercer comme médecin généraliste au moins cinq années dans une zone déficitaire. Pour bénéficier de cette aide, l'étudiant devra signer un contrat avec la collectivité. Cette idée avait été développée par Marc Bernier dans son rapport (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis favorable, et je suis persuadé que notre collègue Brottes ne sera pas contre, puisque l'idée figurait également dans notre rapport commun sur la montagne...

Mme Marylise Lebranchu - Nous avons déjà la possibilité de donner des bourses d'études, et nous le faisons, parfois en cofinancement avec les conseils généraux. Mais, je ne vois pas, en droit, comment le contrat sera opposable à l'étudiant. Les « prêts d'honneur » étaient accordés sans contrepartie d'installation (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. François Brottes - Je retire le mot « ramassis » : j'aurais dû dire : « chapelet d'inégalités », mais c'était plus ostensible (Sourires).

Certes j'ai approuvé l'idée d'un système incitatif pour les étudiants, mais c'est à l'Etat d'en assumer la charge financière !

M. Gérard Charasse - Bien sûr !

M. Jean Lassalle - Il faut savoir reconnaître que le Gouvernement précédent n'a pas été bon sur tous ces problèmes ruraux. Mais aussi, chers amis, qu'il a été sanctionné très durement, et ce n'est pas parce que la majorité précédente a été mauvaise que l'actuelle doit l'être aussi ! Il n'est pas possible que les territoires les plus fragiles, ceux qui ont le moins de revenus, soient ceux à qui l'on demande le plus d'efforts (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste). Il nous faut faire face à une situation gravissime, qui exige un remède de cheval.

Or, Monsieur le ministre, vous êtes plein de bonnes intentions, mais les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux et nous allons être sanctionnés comme l'ont été les socialistes (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Lemoine - L'Etat doit certes prendre ses responsabilités, mais les indemnités doivent être payées par les collectivité locales (« Pourquoi ? » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Dans mon département, nous procédons déjà de la sorte. Ce n'est pas une commune ou une communauté de communes qui doit payer, mais le département (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Si, pour une raison quelconque, le bénéficiaire de l'indemnité ne veut plus remplir son contrat, nous appliquerons la règle qui vaut déjà en matière d'enseignement : on fait le nombre d'années prévu ou on rembourse !

M. Gérard Charasse - Dans les cas que vous évoquez, c'est l'Etat qui paie !

M. André Chassaigne - Je suis effaré ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Il y a parmi vous des élus ruraux, des maires de petites communes, des conseillers généraux. Or, en fait de « remède de cheval », vous nous proposez de charger le baudet ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Il est incroyable de tromper la population à ce point ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Comme M. Lassalle, je refuse de telles solutions. Faire payer les collectivités territoriales ? Mais c'est abandonner toute idée de solidarité nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) La solidarité nationale, ce ne sont pas seulement des mots qu'on prononce devant ses électeurs (Protestations sur les bancs du groupe UMP) : c'est une valeur que nous devons défendre concrètement !

M. Jean Auclair - Il fallait le faire quand vous aviez la majorité !

M. André Chassaigne - Vous faites payer la morphine à ceux qui sont en train de mourir ! Quand un département a besoin d'instituteurs, ce n'est pas lui qui prend en charge leur formation, c'est l'Etat. Je suis écoeuré et abasourdi par ce type de propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - L'Etat, toujours l'Etat : c'est une obsession chez vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) L'Etat ne peut tout payer ! Maire d'une petite commune, j'ai fait venir des étudiants en médecine, qui ont d'ailleurs eu du mal à trouver l'endroit... « Il n'y a pas grand monde », m'ont-ils dit !

Si les collectivités locales peuvent accompagner des jeunes qui ont peur de la ruralité, parce qu'ils ne la connaissent pas, on aura fait un grand pas en avant ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Henriette Martinez - Ce qu'on nous propose a son intérêt, et je ne doute pas que certaines communes ou communautés de communes joueront le jeu. Il y a , dans le monde rural, des communes qui ne sont pas pauvres : je pense aux stations de sports d'hiver, qui ont parfois du mal à trouver des médecins.

Néanmoins, je ne sous-estime pas la pertinence de certains arguments avancés par l'opposition : il est des communes ou communautés de communes qui ne pourront jouer le jeu, faute de moyens. J'en connais. Ma propre communauté de communes doit déjà payer pour le maintien des services postaux, pour l'enseignement de la natation à l'école, pour le transport scolaire des internes... Il en résulte un sentiment d'irritation. Je le dis en termes modérés, car je me réjouis que ce gouvernement se préoccupe de la ruralité, trop longtemps oubliée, mais l'on peut toujours rêver - et imaginer que les efforts des collectivités soient compensés par une augmentation de la DGF...

Il y a des besoins insatisfaits. Nous allons résoudre certains problèmes, mais pas tous (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP, sur les bancs des groupes UDF, sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Michel Bouvard - Je partage l'avis de Mme Martinez. Nous sommes des acteurs de terrains, capables de régler des problèmes qui ne relèvent pas de l'Etat. Mais il ne faut pas oublier qu'entre les communes rurales ou de montagne, il existe des différences de revenus significatives. On ne peut considérer que toutes les communes pourront user des facultés qu'on leur offre. Nous devons donc prendre rendez-vous dans quelques semaines, quand nous examinerons l'évolution de la DGF et de la dotation de solidarité rurale.

Monsieur le ministre, il faut tenir compte des réalités. Si nous ouvrons des possibilités nouvelles aux collectivités locales, nos concitoyens voudront qu'elles s'en saisissent, et elles ne pourront les financer qu'en se tournant vers le contribuable local ! Le plus choquant, c'est que le revenu moyen, dans les territoires concernés, est nettement inférieur à la moyenne nationale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF).

Je connais même des départements de montagne qu'on dépouille au nom de la solidarité nationale alors que le contribuable local moyen y gagne moins que celui des zones urbaines.

Les mesures proposées ont leur intérêt, mais elles ne seront pleinement efficaces que si nous nous préoccupons de solidarité financière. La décentralisation est certes nécessaire pour rapprocher le citoyen de l'administration, mais elle ne doit pas s'accompagner d'un désengagement de l'Etat, garant des équilibres nationaux (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Philippe Folliot - Nous sommes tous d'accord sur le constat comme sur la solution. Nous divergeons sur le financement de la mesure. Il est difficile de demander à des collectivités généralement pauvres de financer le maintien de l'activité sur leur territoire.

On nous parle de l'Etat, mais si celui-ci n'est pas en mesure d'assumer tout son rôle, c'est parce qu'il se trouve dans une situation financière difficile et permettez-moi de vous dire, Messieurs de l'opposition, que vous avez une certaine responsabilité à cet égard (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Nous nous apprêtons aujourd'hui à prendre des mesures purement incitatives. Nous verrons bien quel sera leur effet. Cela dit, je souhaite qu'au moins une réflexion s'engage sur une profession partout présente en France, la pharmacie. Ne devrions-nous pas, à terme, transposer à la démographie médicale le système applicable aux pharmaciens ?

Il existe des inégalités interrégionales et infrarégionales très fortes. Le paradoxe est que nous trouvons en ville des médecins qui ont du mal à joindre les deux bouts, qui sont trop nombreux, qui sont obligés de multiplier les actes et qui coûtent cher à la collectivité, alors que ceux qui sont établis en zone rurale ont - au prix, c'est vrai, de conditions de travail difficiles - des revenus confortables. Or, sans présence médicale, nous perdons toute perspective de développement.

M. le Président - Sur le vote de l'amendement 852 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Marc Bernier - De nombreux médecins vont partir à la retraite, et il faut s'attendre, dans les années qui viennent, à un déficit de 50 000 praticiens. Nous devons donc prendre des mesures immédiates, et les collectivités locales sont prêtes à mettre la main à la poche.

A ce que je viens d'entendre, je me demande si nous sommes tous élus des mêmes territoires ruraux ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Néri - Nous n'avons pas la même vision des choses : j'aime bien que l'on me fasse la leçon, mais je préfère choisir mes maîtres...

Je vous rappelle que vous étiez, à droite, les plus fervents opposants, en 1981-1982, à la décentralisation (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Les collectivités sont prêtes à accepter de nouvelles compétences, mais elles refusent le désengagement de l'Etat, qui aboutit à un insupportable transfert de charges. Vous demandez aux plus pauvres de faire des efforts qu'elles ne pourront financer. Ainsi, dans quelques années, ce sont des communautés de communes qui devront prendre la responsabilité de fermer des bureaux de poste, alors que c'est vous qui êtes en train de les assassiner ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Auclair - Et la loi Voynet ? Vous avez la mémoire courte !

M. Alain Néri - L'aménagement du territoire relève-t-il encore des compétences de l'Etat ? Le Gouvernement envisage-t-il de présenter une loi de péréquation entre territoires riches et pauvres ?

M. Augustin Bonrepaux - La santé, Monsieur le ministre, est-elle, oui ou non, une compétence de l'Etat ? Je rappelle que l'égalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire est garantie par la Constitution. Vous dévoyez l'esprit de la décentralisation ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Il n'y aura pas de grande loi sur la péréquation, ou, s'il y en a une, ce sera une coquille vide. Nous, nous avons fait la péréquation : prendre à la Savoie pour donner à la Lozère, voilà ce qu'est la péréquation (M. Michel Bouvard proteste vivement) ou encore prendre à l'Alsace pour donner au Languedoc-Roussillon ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Bouvard - Vous n'avez pas pris à la Seine-Saint-Denis !

M. Augustin Bonrepaux - Mme Martinez a raison : certains départements auront les moyens, d'autres non. Cet amendement ne contribue pas à l'égalité dans l'accès aux soins. Nous voterons contre.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques - Il ne faut pas se tromper de débat, même si M. Bonrepaux a essayé, avec sa longue habitude, de semer la confusion. Si, pendant cinq ans, la gauche avait fait son travail, nous ne serions pas en train de voter ces dispositions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Je vous conseillerais, quant à moi, Monsieur Néri, de mieux choisir vos maîtresses... d'école ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) C'est Mme Voynet, en effet, qui a fait abroger la loi de 1995 sur l'aménagement du territoire.

M. Jean Auclair - Parfaitement !

M. le Président de la commission - Vous avez raison, Monsieur le ministre, de proposer des mesures d'incitation, et non un texte fondateur, définissant une stratégie générale, dont il sera question plus tard (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

La commission des affaires économiques a amélioré le projet, avec l'accord du Gouvernement, que la majorité suivra.

M. Augustin Bonrepaux - Le résultat n'est pas brillant !

M. le Président de la commission - Le propos de M. Bouvard est fondé, mais le débat qu'il a soulevé sera abordé avec M. Devedjian dans un texte à venir. Ne mélangeons pas les genres !

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Augustin Bonrepaux - Ne dites pas n'importe quoi ! Il n'y a rien, dans ce texte, sur la péréquation !

M. le Président de la commission - Ne vous fatiguez pas, Monsieur Bonrepaux, nous avons encore trois jours de débats devant nous !

Le Gouvernement propose des dispositifs qui sont de nature à compenser les handicaps territoriaux. Les collectivités sont libres d'y recourir ou non ! Il s'agit d'une faculté, qui peut permettre de rétablir un certain nombre d'équilibres. Elle est bienvenue, et nous la voterons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - J'ai donné la parole à douze de nos collègues sur cet amendement, bien que notre Règlement ne prévoie que deux interventions en réponse à la commission et au Gouvernement. Par courtoisie, je redonne néanmoins la parole à Mme Lebranchu, qui me l'a demandée - et à condition qu'elle n'en abuse pas.

Mme Marylise Lebranchu - Comme l'ont démontré Mme Martinez et M. Bouvard, cette « faculté » va pousser les communes à verser leur écot de toute façon, même si elles sont en grande difficulté, et donc à augmenter les impôts locaux. Il n'y a donc aucune forme de péréquation et c'est très dangereux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

A la majorité de 78 voix contre 25 sur 107 votants et 103 suffrages exprimés, l'amendement 852 rectifié est adopté.

L'article 38 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement ! Il est inacceptable qu'un président de commission raconte n'importe quoi ! Il est faux de prétendre que nous allons débattre prochainement d'un texte abordant la question de la péréquation...

M. le Président - Je vous interromps, mais, rassurez-vous, vous aurez toute la nuit pour débattre ! Nos travaux reprendront ce soir avec l'examen des articles 13, 37 et 62 à 65, ainsi que des articles additionnels en relation avec ces articles.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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