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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 60ème jour de séance, 154ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 5 FÉVRIER 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      ADAPTATION DE LA JUSTICE AUX ÉVOLUTIONS
      DE LA CRIMINALITÉ (CMP) 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 4

      QUESTION PRÉALABLE 11

      ORDRE DU JOUR DU MARDI 10 FÉVRIER 2004 21

La séance est ouverte à vingt-deux heures.

ADAPTATION DE LA JUSTICE AUX ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la CMP - Nous voici au terme d'un long processus parlementaire qui a débuté ici le 21 mai dernier. Je remercie le Gouvernement d'avoir permis à ce débat de se tenir dans la sérénité et d'aller à son terme avec deux lectures dans chacune des deux assemblées.

Sur les 220 articles du texte, 88 restaient en discussion lors de la CMP du 28 janvier. Plusieurs points demeuraient notamment en suspens en matière de lutte contre la criminalité organisée. S'agissant de la surveillance par les officiers de police judiciaire des personnes pour lesquelles il existe des raisons plausibles de penser qu'elles ont commis une infraction relevant de la criminalité organisée, nous avons retenu le principe de l'information préalable du procureur de la République. La position de l'Assemblée nous a paru en effet plus pertinente.

En matière de garde à vue, nous avons tout au long des débats, notamment en première lecture ici, cherché à en simplifier les régimes, dont le nombre a d'ailleurs été ramené de cinq à trois. En CMP, nous sommes parvenus à un accord avec le Sénat pour supprimer le régime particulier prévu par l'article 63, alinéa 4, du code de procédure pénale qui prévoit, pour toute une série d'infractions, la présence d'un avocat à partir de la 36e heure. Ce seuil, legs de dispositifs passés, n'était plus adapté. Pour une partie des infractions concernées - dont certaines, comme la destruction ou la dégradation de biens commises en bande organisée, sont graves -, la présence de l'avocat a été avancée à la première heure. Pour les infractions les plus graves, notamment les atteintes aux personnes - je pense par exemple aux extorsions de fonds avec blessures ou mutilations -, elle a en revanche été reculée à la 48ème heure. Pour les mineurs, c'est le texte du texte du Sénat qui a été retenu. Il autorise, si le magistrat en est d'accord bien sûr, la prolongation de la garde à vue d'un mineur de plus de 16 ans lorsqu'il existe des raisons plausibles qu'il soit mis en cause dans une affaire de criminalité organisée et si parallèlement, dans cette affaire, sont mis en cause des majeurs.

En matière de pollution maritime, la CMP a finalement retenu un texte assez proche de celui de l'Assemblée nationale. Celui-ci aggrave considérablement les amendes encourues. Il distingue entre les pollutions volontaires, pour lesquelles l'amende peut aller jusqu'à quatre fois la valeur de la cargaison, et les pollutions involontaires, pour lesquelles il peut être tenu compte de circonstances aggravantes comme la violation délibérée de la réglementation ou des atteintes graves et irréversibles à l'environnement.

S'agissant des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CMP a également retenu la proposition de l'Assemblée. Une amende égale à 100 % de celle prévue par les textes pourra donc être infligée. Pour ce qui est de la présence d'un avocat, elle a en revanche préféré le texte du Sénat : cette présence sera obligatoire et il ne sera pas possible d'y renoncer. Enfin, pour ce qui est de la publicité, elle a accepté la proposition de l'Assemblée : la sanction sera lue en audience publique. Cette mesure est de nature à lever tout soupçon de vouloir rendre la justice en secret.

Enfin, la CMP a adopté de nombreuses autres dispositions plus ponctuelles dans des domaines comme l'application ou la prescription des peines. Nous avons pu parvenir à un accord concernant le fichier des délinquants sexuels, le Sénat ayant sur ce point adopté en seconde lecture un texte très proche du nôtre.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Lors de l'examen de ce texte ici en deuxième lecture je m'étais félicité de la qualité du dialogue entre le Gouvernement et les deux assemblées, ainsi qu'entre les deux assemblées, dans un domaine aussi sensible que le droit pénal et la justice pénale. Depuis un an, le Parlement a réalisé un travail considérable : je ne peux admettre qu'on le balaie d'un revers de main dédaigneux et qu'on prétende que le Parlement n'aurait pas été étroitement associé à l'élaboration de ce texte.

Après deux lectures devant chaque assemblée, l'accord s'est fait sur plusieurs points. Tout d'abord, mettre notre pays à niveau en matière de lutte contre la criminalité organisée, c'est-à-dire les enlèvements, les trafics de stupéfiants, le terrorisme, la traite des êtres humains, les meurtres ou les braquages en bande organisée, le proxénétisme aggravé, la pédo-pornographie par le biais d'internet...

Notre système pénal doit se donner les moyens de combattre efficacement cette criminalité en améliorant ses outils juridiques et en adaptant son organisation. Seront ainsi créés des pôles spécialisés en matière de criminalité organisée. Des moyens d'enquête nouveaux seront mis en place ou étendus, respectueux de la garantie judiciaire. Cela passe par l'affermissement des compétences du juge des libertés et de la détention, institué par loi du 15 juin 2000. A cet égard, je regrette que ce matin encore, d'éminents spécialistes aient laissé accroire dans la presse que ce texte autoriserait le pose de micros dans des domiciles privés, sans autorisation d'un magistrat. Cela est entièrement faux. Les auteurs de ces allégations auraient mieux fait de lire le texte...

Nous souhaitons ensuite donner une orientation plus réaliste et humaniste à notre système judiciaire pénal. Les magistrats sont les premiers conscients de ce besoin, et il faut leur rendre hommage des efforts qu'ils ont déployés en 2003 : pour la première fois, le taux de réponse pénale a dépassé 70 % et le taux de classement est descendu sous la barre des 30 %. Il faut poursuivre l'effort et donner à l'institution judiciaire les outils nécessaires. Cela suppose bien sûr de renforcer les moyens matériels et humains, mais aussi de diversifier les procédures - institution du plaider-coupable, extension de la composition pénale, organisation de stages de citoyenneté...

Notre système carcéral doit aussi être tourné davantage vers la réinsertion. Le texte a été beaucoup enrichi sur ce point, grâce au travail inlassable du rapporteur, qui s'est attaché, avec mon entier soutien, à concrétiser les propositions du rapport que le Premier ministre et moi-même lui avions demandé sur l'exécution et l'application des peines.

Il n'est en effet nullement contradictoire de dire, d'une part, que, lorsque la justice envoie quelqu'un en prison, c'est qu'il l'a mérité et, d'autre part, que la sortie de prison doit être préparée. Ce projet permet, pour les condamnés qui cherchent à se resocialiser, d'aménager progressivement leur peine.

Dans ce contexte, la CMP est parvenue à des propositions tout à fait satisfaisantes. Un accord a été trouvé sur les conditions dans lesquelles les déclarations d'un agent infiltré pourront servir de fondement à une condamnation pénale. Comme le projet du Gouvernement le prévoyait initialement, la CMP a posé le principe selon lequel ces seules déclarations sont insuffisantes pour fonder une condamnation, sauf lorsque l'agent dépose sous sa véritable identité. J'en suis d'accord.

Un accord a de même été trouvé sur la simplification des régimes de garde à vue. La CMP a fixé à la 48e heure la première intervention de l'avocat dans le cas des infractions de criminalité organisée. Les cas dans lesquels il est prévu qu'un avocat intervienne dès la première heure demeurent inchangés. Je suis favorable à ces propositions.

Sur les points qui restaient en discussion et qui relevaient de la procédure pénale générale, la CMP a abouti à un accord pour fixer à un an au lieu de trois mois le délai de prescription des infractions de racisme prévues par la loi sur la presse. Cet accord, dont je me réjouis, est tout à fait conforme aux orientations du Gouvernement en matière de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Je rappelle que votre assemblée a adopté à l'unanimité, la proposition de loi de Pierre Lellouche visant à aggraver la répression des infractions racistes et antisémites. J'ai depuis lors demandé aux procureurs d'appliquer fermement et systématiquement ces nouvelles dispositions.

Un accord a été trouvé aussi sur l'allongement à vingt ans de la durée de la prescription des crimes et des délits sexuels commis contre les mineurs. Sur la base d'un amendement adopté par votre assemblée, à l'initiative de Gérard Léonard, cette importante question a fait l'objet, devant l'une et l'autre chambre, de discussions très riches qui m'ont convaincu du bien-fondé de cette évolution.

Le droit actuel fixe la prescription à dix ans pour les crimes sexuels et pour les délits sexuels les plus graves commis contre des mineurs, ce délai commençant à courir à la date de la majorité de la victime. Porter ce délai à vingt ans pour l'ensemble de ces infractions me paraît donc un très bon compromis, qui prend en considération tant la situation des victimes que l'évolution des modes de preuve.

M. Gérard Léonard - Merci !

M. le Garde des Sceaux - Un accord est également intervenu sur le fonctionnement de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Le texte la CMP précise que l'audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance devra vérifier l'accord de la personne poursuivie et homologuer la procédure suivie devant le procureur de la République se déroulera en chambre du conseil.

J'avais approuvé cette position lorsque votre assemblée l'avait prise. Je me réjouis donc de ce choix de la commission mixte, fondamental pour l'organisation et le bon déroulement de la procédure. Bien sûr, l'ordonnance par laquelle le président du tribunal rendra sa décision devra être lue en audience publique, ce qui satisfait à l'impératif absolu de publicité des décisions juridictionnelles.

Enfin, votre commission a estimé que l'information du parquet par les services de police et de gendarmerie devra se faire sans délai, s'agissant notamment du placement en garde à vue. Cette solution est empreinte de sagesse.

Le travail réalisé par la CMP, qui ne nécessitera de la part du Gouvernement que quelques amendements de coordination, vient ainsi compléter et équilibrer le projet dans des conditions que j'approuve totalement.

Elles me donnent l'occasion de saluer à nouveau le travail considérable de M. Warsmann, ainsi que celui des membres de la commission des lois, de son président, et de ses administrateurs.

Je vous demande donc d'adopter le texte qui vous est soumis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le projet achève ce soir son long et chaotique parcours législatif.

M. Pascal Clément, vice-président de la CMP- Chaotique ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il a dressé contre lui l'ensemble du monde judiciaire et tous ceux que certains, par cynisme ou par ignorance, dénomment imprudemment « les droits de l'hommiste ».

Conçu à l'origine pour combattre « les réseaux mafieux particulièrement violents et dangereux », il bouleverse dans sa rédaction finale l'équilibre de notre procédure pénale et menace les droits et les garanties de chaque justiciable.

Retoqué, amendé, sous-amendé, dégrossi, il est devenu au fil des mois un monstre juridique qui mélange, pêle-mêle, les réseau mafieux et les voitures mises en fourrière, les incendies de forêt et les discriminations raciales, le droit maritime et la réglementation des taxis, voilà pour le code pénal.

Quant au code de procédure pénale, ce n'est pas une amélioration mais une totale recomposition, arc-boutée sur la « bande organisée », notion incertaine, qui ouvre le champ à l'application de règles exorbitantes et sans précédent.

M. Jérôme Rivière - Ça change de votre inaction !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Cette recomposition entraîne une redistribution des tâches entre le parquet et le siège, au profit du premier, désormais placé sous l'autorité du ministre.

Sur les 87 articles que comporte aujourd'hui ce texte, sept seulement sont effectivement consacrés à la lutte contre les réseaux criminels. C'est infime alors qu'il modifie plus de 400 articles dans le code de procédure pénale et dans le code pénal.

L'objectif de lutter contre la criminalité organisée pouvait recevoir un soutien sans équivoque. Mais pour servir de prétexte à un bouleversement improvisé et extrêmement dangereux des règles fondamentales de notre droit, il n'en est pas question !

Devant ce déluge de règles et d'infractions nouvelles, tous ceux qui sont les serviteurs de la justice parce qu'ils en sont les acteurs au quotidien - avocats, magistrats, fonctionnaires des tribunaux, personnels pénitentiaires -, tous ceux qui marquent une vigilance pour le respect des libertés publiques et des droits individuels, vous ont demandé, dans un appel unitaire rendu public le 13 janvier, « d'instaurer un moratoire sur ce projet » qu'ils estiment de nature à menacer gravement les fondements mêmes de notre justice.

Cet appel, comme toutes les tribunes de ces dernières semaines, comme la démarche singulière des avocats et des magistrats qui, ce soir, ont marché vers la représentation nationale non pour la menacer mais pour exprimer leur inquiétude, n'auront pas été entendus par le Gouvernement.

La justice est par cette loi convoquée pour le service de causes qui lui sont étrangères et qui vont lui faire emprunter des chemins à rebours de ceux qui font l'honneur de la démocratie. Où sont les généreuses déclarations sur la présomption d'innocence faites à la quasi-unanimité lors de la précédente législature, y compris par certain qui siège ce soir au banc du Gouvernement ?

Le pouvoir judiciaire, composant du triptyque institutionnel républicain, est désormais sommé par le pouvoir exécutif de devenir le remède brutal et expéditif aux maux prétendus de notre société. Et, pour ce faire, ce projet comporte de nombreuses dispositions contraires aux règles constitutionnelles, ce qui justifie cette motion d'irrecevabilité.

Le premier motif d'inconstitutionnalité tient à la faiblesse de la qualité rédactionnelle du projet. La justice est une matière trop grave pour faire l'objet d'opérations de marketing sur le thème « Plus répressif que moi, tu meurs ! » (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

La faiblesse de la rédaction tient aux définitions extrêmement imprécises de certaines qualifications essentielles de son article premier, dont l'objet est de créer une nouvelle procédure « applicable à la délinquance et à la criminalité organisées ».

Dans sa décision des 19 et 20 janvier 1981 « Sécurité et liberté », le Conseil constitutionnel a déduit du principe de légalité posé par l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme, la « nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ». Pour éviter l'élasticité des incriminations, il exige, d'une part, que la détermination de l'auteur de l'infraction soit certaine, d'autre part, que la détermination des éléments constitutifs de l'infraction soit claire et précise. La notion de « délinquance et de criminalité organisée » et celle de « bande organisée », qui constituent le socle de votre article premier, ne répondent pas à ces exigences.

Pour lors, la seule définition à laquelle nous puissions nous référer pour les caractériser est celle fournie par l'article 132-71 du code pénal, que tous les professionnels de la justice considèrent comme largement insuffisante. Son imprécision pouvait se comprendre quand la notion de « bande organisée » ne constituait qu'une circonstance aggravante laissée à la libre appréciation du juge. Tel n'est plus le cas quand elle est l'objet principal d'une loi. Elle devient franchement inacceptable lorsqu'elle sert de justification à une procédure dérogatoire qui bouleverse la durée de la garde à vue, les prérogatives d'investigation, de surveillance, d'écoutes téléphoniques, de perquisition, par nature attentatoires aux droits et libertés individuels. Cette notion est tellement vague qu'elle sera susceptible d'être utilisée dès lors qu'un prévenu sera suspecté d'avoir bénéficié de la complicité d'une personne.

Non définies de manière claire et précise, la notion de « délinquance et de criminalité organisées » et celle de « bande organisée » s'appuient, en dernier recours, sur l'estimation de la gravité des infractions supposées. En faisant ainsi référence à des critères subjectifs, votre projet ouvre la porte à l'arbitraire et instaure des infractions à géométrie variable. Il viole de la sorte le principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines, reconnu par l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme.

La faiblesse de la rédaction entache également une autre expression. En effet, pour lutter contre « la délinquance et la criminalité organisées », vous créez des juridictions spécialisées, compétentes pour « les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité ». Mais quel est le contenu juridique de cette expression ? Quelle est la portée juridique de cette compétence ? Je rappelle que le Conseil constitutionnel a souligné l'exigence de la « qualité de la rédaction de la loi ».

Le deuxième motif d'inconstitutionnalité de ce projet est qu'il va à l'encontre du principe de la séparation des pouvoirs en réduisant gravement l'autorité de la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire. En effet, l'article premier introduit dans le code de procédure pénale un nouvel article 706-99 qui empêche que soit reconnue une cause de nullité des actes lorsque la circonstance de bande organisée n'est pas caractérisée.

Or, un principe général du droit veut que le détournement de procédure puisse être sanctionné par la nullité des actes accomplis dans un tel cadre. S'appuyant sur son pouvoir de libre appréciation, la Cour de cassation a toujours tenu, dans sa jurisprudence, à faire respecter ce principe qui est une garantie essentielle contre l'utilisation abusive de procédés dérogatoires du droit commun. Or, ce projet interdira à la Cour de faire usage de cette compétence essentielle.

Qui peut, dès lors garantir que la procédure applicable en théorie à la seule criminalité organisée ne sera pas, demain, utilisée contre la délinquance ordinaire ? Cette question est d'autant plus importante que le contrôle des enquêteurs, en amont, sera extrêmement réduit puisque les officiers de police judiciaire pourront étendre à l'ensemble du territoire national la surveillance des personnes soupçonnées d'appartenir à une bande organisée, en ayant pour seule obligation d'informer le procureur. Certes, ce dernier pourra s'opposer à cette initiative, mais cet article indique clairement que l'autorisation de ce magistrat devra être la règle et son opposition l'exception.

Tout concorde donc pour faire d'une procédure dérogatoire l'outil quotidien des enquêteurs en faisant ainsi entrer notre pays parmi les « Etats d'exception permanente ».

Cette procédure dérogatoire offre à la police et au parquet des moyens exorbitants qui, troisième motif d'inconstitutionnalité, transgressent le principe du respect des droits de la défense.

Tout comme le Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel a élevé le respect des droits de la défense au rang des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » et c'est à ce titre qu'il l'impose au législateur. Or, plusieurs mesures de l'article premier portent gravement atteinte aux droits de la défense. En matière de perquisition tout d'abord, les nouveaux articles 706-89 et 706-95 du code de procédure pénale ne contiennent aucune disposition prévoyant une limitation dans le temps de l'accès aux locaux alors qu'une décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 1990 exige une telle limitation pour garantir la validité de la perquisition.

Par ailleurs, en n'indiquant pas que l'accès aux locaux doit suivre dans le temps l'autorisation accordée par le procureur de la République ou par le juge d'instruction, ces mêmes articles contreviennent à la décision du 16 juillet 1986.

Quant à la garde à vue, le nouvel article 706-88 permet deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures si « les nécessités de l'enquête ou de l'instruction » l'exigent. Le motif prévu paraît bien faible si l'on se rappelle que, dans une décision du 3 septembre 1986, le Conseil constitutionnel exige une « urgence absolue » et « une menace de particulière gravité pour l'ordre public » pour justifier l'extension de la garde à vue. Il y a là à l'évidence un autre motif d'inconstitutionnalité. Et que dire de la garde à vue du mineur prolongée à 96 heures lorsque sont également mis en cause des majeurs ?

En outre, ce même article prévoit la première intervention de l'avocat à l'issue de la quarante-huitième heure, et dans certains cas, à la soixante-douzième heure. L'assistance d'un avocat relève pourtant de l'essence même des droits de la défense. Ce droit, selon la Cour européenne des droits de l'homme, « naît dès l'instant où une personne est mise en état d'arrestation ». Et le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision des 19 et 20 janvier 1981 qu'il constituait un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Mais votre texte touche également au droit commun en introduisant de nouvelles procédures frappées à nos yeux d'inconstitutionnalité. Ainsi la procédure de jugement par la « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » ouvre, en droit français, un champ inacceptable d'aléas dont nos compatriotes ont mesuré l'injustice à l'occasion de l'aventure américaine de l'un d'entre eux. Dans cette procédure, la personne, en reconnaissant les faits, renonce à un procès, et donc au débat contradictoire, dans l'hypothèse d'une sanction atténuée. Mais celle-ci résultera d'une négociation dont le déroulement écarte toutes les justifications du procès : la détermination des faits, leur imputation, l'appréciation de la responsabilité et la pertinence de la peine, à la lumière du principe qui veut que la justice ne juge pas l'acte mais l'homme qui l'a commis. A rebours du principe de « présomption d'innocence » consacré par l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme, cette procédure instaure un principe de « présomption de culpabilité » dans lequel le prévenu est tenu de s'installer s'il ne veut pas risquer plus.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 juin 1999, a pourtant dégagé des articles 8 et 9 de la déclaration des droits de l'homme un principe selon lequel « nul n'est punissable que de son fait ». A l'inverse, la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité aggrave lourdement le risque de punir une personne pour des faits qu'elle n'a pas commis.

Cette procédure du « plaider-coupable » n'est pourtant que l'illustration la plus manifeste d'un bouleversement radical de la procédure pénale dont nul ne mesure les conséquences. Car les articles de ce projet consacrés au droit commun dessinent une profonde transformation de notre système judiciaire, qu'un connaisseur aussi autorisé que Robert Badinter résume ainsi : « un procureur tout-puissant, un avocat suppléant et un juge contrôleur ».

Ce déséquilibre entre les parties inquiète. Nous n'entendons pas faire le procès des procureurs, mais il faut s'interroger sur la compatibilité entre leurs nouvelles prérogatives et leur fonction reconnue par la Constitution. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 11 août 1993, a rappelé en effet que « l'autorité judiciaire qui, en vertu de l'article 66 de la Constitution, assure le respect de la liberté individuelle, comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet ». Or, l'extension considérable du pouvoir des procureurs les mettra en porte-à-faux avec leur rôle de gardien des libertés lorsqu'ils auront à juger l'opportunité et la nature d'une sanction.

Cette tension entre les prérogatives et la fonction devient intolérable dès lors qu'est instaurée, dans le corps même du code de procédure pénale, l'autorité hiérarchique du Garde des Sceaux sur le parquet. Certains faits font craindre que la justice ne soit l'objet d'une vaste tentative de reprise en main par le pouvoir exécutif.

Ce projet, contestable sur un plan juridique, est également détestable au regard de la cohésion sociale et de la confiance des citoyens à l'égard de la justice. Pour toutes ces raisons, je vous appelle à voter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Je souhaite répondre sur cinq points. J'ai été surpris d'entendre parler d'une procédure parlementaire chaotique. Elle n'a rien eu de chaotique. Elle a duré près d'un an. Chaque chambre a pu se prononcer à deux reprises. Je dirai au contraire que la procédure parlementaire a été exemplaire.

M. Le Bouillonnec estime que le texte part dans tous les sens. Rappelons-nous pourtant les principaux apports des deux assemblées. Pour l'Assemblée, ce fut l'application des peines, en première lecture ; et beaucoup de ces amendements ont été adoptés à l'unanimité. Pour le Sénat, ce fut le mandat d'arrêt européen - là encore un apport apprécié sur tous les bancs. Les pollutions maritimes figureraient dans le texte depuis le début, ainsi que la reconnaissance préalable de culpabilité. Soutenir que ce texte est devenu un fourre-tout est donc contraire à la réalité.

Vous avez voulu démontrer que les nouvelles procédures en matière de criminalité organisée allaient être utilisées sans contrôle. Mais qui va autoriser la procédure d'écoute ? Un policier, seul dans son bureau ? Non : un magistrat, et un magistrat du siège. Qui autorisera la procédure d'infiltration ? Un policier ? Non : un magistrat du siège. Qui autorisera la procédure de sonorisation ? Et les prolongations de garde à vue ? Toujours un magistrat du siège ! Pour chacun de ces dispositifs, les deux assemblées ont veillé à ce que des magistrats du siège en garantissent l'utilisation régulière.

Vous avez parlé de prolongation de la garde à vue à soixante-douze heures. Mais le projet ne change rien sur ce point aux textes existants. A l'inverse, il simplifie les régimes de garde à vue, et, pour toute une série d'infractions, il avance de la trente-sixième à la première heure la venue de l'avocat. Votre présentation du dispositif devrait être plus complète...

Enfin, vous avez évoqué la procédure de comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité. Mais l'Assemblée a voté en première lecture un amendement disposant que le magistrat du siège aura toute compétence : il vérifiera la réalité des faits et leur qualification juridique. Evitons donc les scénarios de mauvais films par lesquels vous tentez un amalgame avec la procédure américaine !

J'ai d'autre part été choqué d'entendre dire que ces dispositions portent atteinte à l'honneur de la démocratie. Je pense que le groupe socialiste est assez rattaché à la démocratie pour que ses représentants soient plus de trois en séance si un jour un projet de loi y portait atteinte ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Après n'avoir jamais été plus de vingt en séance, il est difficile de venir prétendre aujourd'hui, quand on n'est que trois, que la démocratie est menacée ! Ce n'est pas crédible, et c'est triste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Et combien êtes-vous sur les bancs de l'UMP ?

M. le Vice-président de la CMP- Je comprends qu'on s'oppose à une loi. Mais ce qui est bizarre, c'est que vous n'ayez découvert sa nature qu'en troisième lecture... En première lecture à l'Assemblée, rien. En deuxième lecture, l'amendement Garraud : de cela, nous avons parlé toute la nuit. Pour le reste, rien ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et Mme Elisabeth Guigou - C'est faux !

M. le Vice-président de la CMP - Rien, dis-je. Et voici que M. Badinter publie une tribune dans Le Monde, et par miracle les esprits socialistes s'échauffent (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je vois que Mme Guigou sort de ses gonds. C'est le signe d'un malaise. Si ce que je dis était faux, elle se contenterait de sourire, car les évènements lui donneraient raison. Vous reconnaissez de fait un certain retard à la conviction. Tout à coup, vous déclarez que la démocratie est en danger. Mais il a fallu attendre la quatrième lecture au Sénat...

Dans l'intérêt des Français, qui pourraient vous croire, je veux rappeler de quoi il s'agit. D'abord, quant aux dérogations au droit commun, c'est à tort qu'aucun Garde des Sceaux, y compris Mme Guigou, ne les avait encore prévues. S'agissant d'une grande délinquance, organisée, transfrontalière, vous avez considéré que les procédures ordinaires suffiraient. Je veux quand même rappeler de quels crimes il s'agit, car à entendre M. Le Bouillonnec, on pourrait croire que les procédures dérogatoires vont être appliquées aux voleurs de pommes...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Vous verrez, c'est ce qui arrivera.

M. le Vice-président de la CMP - Voici les voleurs de pommes : meurtre commis en bande organisée, torture et actes de barbarie commis en bande organisée, trafic de stupéfiants, enlèvements et séquestrations, crimes et délits aggravés de traite des êtres humains, de proxénétisme, vol commis en bande organisée, fausse monnaie, actes de terrorisme, délits en matière d'armes commis en bande organisée, délits d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier d'un étranger commis en bande organisée, blanchiment - M. Montebourg nous en parle depuis des années, mais M. Le Bouillonnec pense que les procédures pour voleurs de pommes sont adaptées au blanchiment -, association de malfaiteurs, etc.

On peut critiquer une loi, mais il faut rester raisonnable. Nous avons à lutter contre un fléau international, avec des ramifications complexes qui exigent une garde à vue plus longue. Je rappelle que les 96 heures sont du reste un plafond. L'investigation terminée, la garde à vue s'arrête. Et le juge exerce son contrôle par tout moyen de preuve, sonore, visuel ou autre, pouvant être retenu à charge. Le champ d'application des nouvelles procédures coïncide donc avec le domaine de cette criminalité mondiale.

Par ailleurs, je ne connais que très peu de magistrats opposés au plaider coupable...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ils étaient dans la rue !

M. le Vice-président de la CMP - Je n'en connais aucun parmi les magistrats ayant de l'expérience. Est-il normal que les justiciables attendent plus de douze mois le moindre jugement civil ? Ne vaut-il pas mieux que le contentieux de masse soit enfin traité ?

Pourquoi les avocats - vous l'êtes comme moi, Monsieur Le Bouillonnec - ne sont pas très favorables au plaider coupable ? Parce que, si dans une plaidoirie, on peut toujours se plaindre de la dureté du président du tribunal et de ses assesseurs, là, on est soi-même négociateur de la peine pour son client. C'est évidemment une conversion culturelle et je reconnais que pour la profession, cela est difficile. Mais partout dans le monde, il apparaît que c'est la meilleure méthode pour accélérer le cours de la justice ; sans oublier le fait, très important, qu'une peine n'est proportionnée que si elle est relativement rapide.

Enfin, ne me faites pas le déshonneur de penser que je ne serais pas attaché aux droits de la défense. Je le suis, à condition qu'une bonne justice soit rendue. Or, il n'y a que les socialistes français pour considérer qu'aucune procédure particulière ne doit viser le crime organisé et le terrorisme international !

M. Gérard Léonard - Très bien !

M. le Vice-président de la CMP - Il n'y a qu'eux pour se donner le ridicule de laisser croire qu'on peut traiter les terroristes comme les voleurs de pommes !

Mme Elisabeth Guigou - Vous dites n'importe quoi !

M. le Président de la commission des lois - Ne m'insultez pas ! Peut-être ferez-vous preuve de plus de rationalité dans votre intervention...

En tout cas, vous les socialistes, vous ne faites pas honneur à la France. Vous refusez de la défendre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP), vous refusez qu'elle se dote des moyens adaptés à la lutte contre la grande criminalité.

M. Christophe Caresche - Parlons de Juppé !

M. le Vice-président de la CMP - Vous préférez vivre dans les rêves qui ont donné les résultats que nous connaissons. Continuez dans vos erreurs et dans vos fantasmes dangereux, mais ne vous posez pas en champions de la liberté.

Soyez tous rassurés : ce texte ne présente aucun risque constitutionnel, et je vous demande de repousser l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Elisabeth Guigou - Lamentable !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Monsieur le Président, je demande une suspension de séance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il n'est pas acceptable en effet que notre rapporteur, dont j'ai à plusieurs reprises salué le travail, engage la polémique sur le nombre des députés présents ce soir dans l'hémicycle. En proportion, l'opposition est mieux représentée que la majorité. Mais je n'en veux pas aux absents car nous engageons cette discussion dans des conditions scandaleuses. A une heure de l'après-midi, nous ne savions toujours pas si nous allons aborder ce débat ce soir, cette nuit à trois heures, ou s'il allait falloir attendre demain matin ou demain après-midi ! Beaucoup de collègues, de la majorité comme de l'opposition, sont de ce fait absents.

Ici, Monsieur le président de la commission, je ne suis pas un avocat, je suis un élu de la nation. Certes, j'ai exercé vingt-huit ans dans des tribunaux de banlieue, et non dans les salons dorés de la République. J'ai appelé la représentation nationale à se méfier des lois dont on ne maîtrisait pas les conséquences.

M. Jérôme Rivière - Vous en savez quelque chose avec les 35 heures !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Par ailleurs, nous ne pouvons accepter qu'on nous accuse de ne pas vouloir lutter contre la grande criminalité. Sept articles, sur les quatre-vingt-sept que comporte le projet, concernent ce sujet. Les autres changent le code de procédure pénale !

A chaque lecture, nous avons défendu une exception d'irrecevabilité et une question préalable, et nous avons proposé la suppression par amendement de plusieurs dispositions. Ne venez pas nous parler d'approbation à l'unanimité !

Je vous demande, Monsieur le Président, une suspension de séance d'une demi-heure, pour nous permettre de reprendre nos esprits.

M. le Président - Nous venons de consacrer trois jours à un débat...

M. le Vice-président de la CMP - Auquel M. Le Bouillonnec n'assistait pas ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je ne vous permets pas de dire cela ! C'est une insulte !

M. le Président - Il n'a pas voulu dire cela !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il l'a dit !

M. le Président - Ce n'était pas ce qu'il voulait dire (Rires).

Après avoir consacré trois jours au débat sur la laïcité, il serait bon que nous débattions dans la sérénité des conclusions de la CMP. Je tiens d'ailleurs à rappeler que le Président Debré va faire parvenir à tous les députés le texte des discours sur la laïcité.

M. le Rapporteur - Nous avons eu des débats où chacun a défendu son opinion. Mais il y a eu tout à l'heure un complet changement de ton : on nous a parlé de l'honneur de la démocratie. J'ai simplement voulu dire, et je le maintiens, que si un jour il était question de cela, l'assiduité serait bien autre. Evitez d'utiliser des arguments auxquels vous-mêmes ne croyez pas ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

S'agissant de l'ordre du jour, la Conférence des présidents du mardi 3 février a inscrit pour ce soir la discussion des conclusions de la CMP.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le président de la commission des lois a dit que je n'étais pas présent au débat sur la laïcité. Cela est faux et je ne l'accepte pas ! Cela sous-entend que je n'assume pas mon mandat, c'est insultant !

Par ailleurs, je maintiens que nous ne pouvons discuter des conclusions de la CMP ce soir qu'en raison du désistement cet après-midi d'orateurs inscrits dans le débat sur la laïcité. A deux heures de l'après-midi, nous ne savions toujours pas si nous aurions cette discussion au milieu de la nuit ou demain matin.

M. le Vice-président de la CMP - Moi non plus !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Monsieur le Président, je vous confirme ma demande de suspension de séance.

M. le Président - Je vous accorde cinq minutes.

La séance, suspendue à 22 heures 55, est reprise à 23 heures 5.

M. Gérard Léonard - Quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage... et quand on veut descendre un projet en flammes, on l'accuse de tous les vices, à commencer par celui d'inconstitutionnalité ! Cependant, l'exercice, auquel vous ne vous livrez certes pas pour la première fois, a ses limites : chaque fois que vous introduisez un recours, le Conseil constitutionnel vous renvoie dans les cordes. Il en a été ainsi à propos de la loi d'orientation et de programmation sur la justice, à propos de la LOPSI et de la loi sur la sécurité intérieure, et il en sera de même pour celle-ci. Chaque fois, vous nous accusez d'être des liberticides échevelés et inconscients et chaque fois vous finissez par vous heurter à la décision du Conseil, qui constate que nous respectons les principes constitutionnels !

Vos arguties de ce soir obtiendront donc la réponse qu'elles méritent - une réponse juridique parfaitement argumentée -, mais je comprends l'indignation du président de la commission et du rapporteur devant ce procès sommaire et caricatural. Je suis certain que, dans un instant, Mme Guigou fera preuve de plus de finesse dans sa démonstration, Monsieur Le Bouillonnec, cela dit sans vouloir vous offenser...

Mme Elisabeth Guigou - Il a été très bon !

M. Gérard Léonard - Mais il s'est livré à un exercice rituel et vain. Et, bien entendu le groupe UMP repoussera cette exception d'irrecevabilité.

M. François Asensi - Je la voterai, moi, au nom du groupe communiste et républicain, car notre opposition à ce projet liberticide ne peut être que radicale - je m'en expliquerai plus longuement dans la discussion générale.

M. le Président - Nous pouvons considérer, je pense, que votre propos valait aussi explication de vote, Monsieur Le Bouillonnec (M. Le Bouillonnec consent).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

Mme Elisabeth Guigou - Vous voici de retour après la CMP, Monsieur le Garde des Sceaux, avec un texte qui nous fait régresser de plus de vingt ans ! En effet, depuis 1980, des réformes successives de la procédure pénale n'ont cessé de rapprocher notre droit du droit européen. Alors que cette procédure, auparavant, n'était guère soucieuse des droits de la défense ni du sort des prévenus, elle s'est trouvée notablement améliorée, au bénéfice des libertés démocratiques et d'un plus juste équilibre entre accusation et défense. Cela s'est traduit, avant le procès, par la présence d'un avocat dès le début de la garde à vue et par une limitation de la détention provisoire ; lors du procès, par le renforcement des droits de la défense et par la reconnaissance de droits aux victimes.

Peu à peu, notre droit est devenu plus conforme à la convention européenne des droits de l'homme et à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Je ne marquerai que deux bornes : le 9 octobre 1981, Rober Badinter a levé la réserve qui interdisait aux citoyens français de saisir la Cour européenne ; et la loi du 15 juin 2000, que j'ai eu l'honneur de défendre, a traité de « la présomption d'innocence et des droits des victimes ». Votée à l'unanimité - les abstentions dans vos rangs ne furent justifiées que par le regret qu'elle n'aille pas plus loin dans les droits accordés à la défense -, elle était le fruit d'un travail de près de trois ans, mené à partir du rapport Truche en concertation étroite avec les professionnels du droit et de la justice et, dans la phase parlementaire, en coopération tout aussi étroite entre le gouvernement et les parlementaires - y compris ceux de l'opposition d'alors.

Par rapport à ce progrès de vingt ans, votre texte représente un virage à 180° et je vous demande donc de ne pas le soumettre au vote.

Tout d'abord, vous dites destiner cette loi à la lutte contre les bandes organisées. Certes, dans ce domaine, on n'est jamais trop sévère mais votre projet souffre à cet égard de deux défauts majeurs. En premier lieu, les procédures exceptionnelles prévues contre les réseaux criminels risquent fort de déteindre sur les procédures visant la délinquance ordinaire. En raison de son flou, la définition de la « bande organisée » relèvera de la seule appréciation de l'officier de police judiciaire, sans qu'il soit possible de rectifier ultérieurement la qualification de la procédure. Tout crime ou délit commis à plus de deux, ou le fait pour une famille d'accueillir l'un des siens, étranger en situation irrégulière, relèveront-ils de ces procédures exceptionnelles ?

Deuxième lacune majeure : alors que la criminalité organisée est quasi toujours alimentée par la délinquance financière ou par la corruption, vous exemptez celles-ci de ces nouvelles procédures.

Ce projet va, d'autre part, introduire un double déséquilibre dans la procédure pénale. D'abord en faveur des pouvoirs de police et au détriment de la défense : vous élargissez largement le recours à des outils d'investigation tels que mises sur écoute téléphonique, infiltrations, surveillance par des caméras ou micros installés dans les domiciles ou perquisitions de nuit, jusqu'ici réservés aux services spéciaux, à titre exceptionnel et sous contrôle judiciaire. Cette extension nous paraît attentatoire aux libertés individuelles. Parallèlement, la durée maximale de garde à vue est accrue et l'avocat ne pourra intervenir que très tardivement.

Il n'est pas illégitime de développer les outils destinés à l'investigation. Encore faut-il préciser le fondement de chaque renforcement des pouvoirs de la police. Or ce n'est pas le cas ici, en raison du flou de la définition de la bande organisée.

Votre texte aggrave aussi le déséquilibre entre le parquet et les magistrats du siège. Le premier se voit confier de nouvelles prérogatives cependant que s'accroît la dépendance des magistrats vis-à-vis du pouvoir politique, jusque dans les affaires individuelles. Le ministre de la justice devient, pour la première fois, un acteur de procédure.

Les magistrats du Parquet seront tout puissants avec la multiplication de procédures non contradictoires, y compris pour des affaires complexes. Vous favorisez le développement des procédures simplifiées de « composition pénale » et de « reconnaissance préalable de culpabilité », alors que ces procédures portent atteinte au principe de séparation des autorités de poursuite et des autorités de jugement. En donnant pouvoir au procureur de prononcer des peines sans passer par l'audience publique et contradictoire, elles éliminent les droits de la défense.

De surcroît, dans la procédure du « plaider coupable », le juge du siège a pour seul pouvoir d'entériner une décision prise par le procureur. Le prévenu aura du mal à refuser la proposition de ce dernier, car sa sanction risque de s'alourdir.

Avec la généralisation de ces procédures, le procureur est à la fois enquêteur et juge. Il est soumis aux instructions du Garde des Sceaux dans une procédure totalement opaque, ce qui ne manquera pas de générer tous les soupçons, y compris celui de favoriser les délinquants en col blanc.

Troisième motif, vous reniez l'esprit de l'ordonnance de 1945. Les mineurs figureront, dans les mêmes conditions que les majeurs sur les fichiers de délinquants sexuels. Un mineur fiché à 13 ans devra ensuite se présenter dix fois par an au commissariat pendant au moins trente ans ! Comment construira-t-il sa vie dans de telles conditions ?

Quatrième point, les victimes. Vous parlez tout le temps des victimes, mais votre texte les oublie. Plus on étend les procédures simplifiées, plus on écarte les victimes du procès. Supprimer l'audience publique revient à priver les victimes de la réparation morale du procès pénal, alors que la loi sur la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes avait considérablement élargi leurs droits.

Cinquième point, l'Europe. Certes, le projet transpose le mandat européen dans le droit français. Mais je rappelle que la décision créant le mandat d'arrêt européen a été adoptée en décembre 2001. J'avais engagé ce travail, que Marylise Lebranchu a fait aboutir. Le gouvernement Jospin s'était engagé à mettre en _uvre ce mandat d'arrêt de manière anticipée, avec cinq autres Etats membres dont l'Espagne, tous les autres s'engageant à le faire avant le 1er janvier 2004. Non seulement vous n'avez pas mis en _uvre ce mandat de manière anticipée, mais vous n'avez même pas respecté la date du 1er janvier 2004. Aujourd'hui, nous sommes à la traîne alors que nous étions partis les premiers. Mais il y a plus grave. La mandat d'arrêt européen est le premier texte pris sur le fondement de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en Europe. Or, celle-ci ne peut se développer que s'il existe entre les Etats membres un climat de parfaite confiance mutuelle.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Exactement.

Mme Elisabeth Guigou - Le juge de Berlin ou de Madrid n'exécutera la décision de son collègue français que s'il a la certitude que cette décision a été prise par une justice qui a les moyens d'assurer le respect des droits fondamentaux. Je crains qu'avec les dispositions de cette loi, la justice française ne soit plus toujours digne de confiance aux yeux de nos partenaires. Je vous rappelle que, si le Royaume-Uni refuse d'extrader Rachid Ramda, c'est en raison du soupçon de mauvais traitement toujours possible.

M. le Rapporteur - C'est scandaleux !

M. le Garde des Sceaux- Vous devriez avoir honte de parler ainsi. Allez tenir ces propos aux personnels de la pénitentiaire.

Mme Elisabeth Guigou - Avec de telles mesures, la justice portugaise aurait-elle accepté d'extrader, dans un délai très bref, Sid Ahmed Rezala ? Déjà, le comité pour la prévention de la torture a tiré la sonnette d'alarme.

M. le Rapporteur - C'est une honte !

Mme Elisabeth Guigou - La situation dans les prisons françaises, où s'entassent 60 000 détenus, relève des traitements inhumains et dégradants. En bradant les libertés individuelles, cette loi s'attaque au fondement de toute la construction européenne en matière de justice.

Cette loi porte ainsi, atteinte à des principes essentiels, sans garantir plus d'efficacité dans les affaires les plus graves. Où sont les moyens ? Avez-vous chiffré le coût de la protection des repentis ? Non. En Italie, il atteint 60 millions d'euros ! Avez-vous augmenté les moyens de la justice ? Ils diminuent depuis 2002 : le nombre de nouveaux postes de magistrats est passé de 320 en 2002 à 180 en 2003 et 150 en 2004 ; quant aux postes de greffiers, on est revenu de 636 en 2002 à 361 en 2003 et 359 en 2004.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Voilà la réalité !

Mme Elisabeth Guigou - Le barreau de Paris demande le retrait de votre projet. Les organisations syndicales de magistrats et d'avocats l'ont toutes sévèrement critiqué. La loi Perben II est mauvaise. Je vous demande de ne pas la voter et d'adopter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Vous avez proféré un certain nombre de contrevérités. Aucune infraction financière ne serait visée ? Nous avons introduit le délit de blanchiment et de recel lié à la criminalité organisée.

Nous introduirions de nouveaux moyens procéduraux sans garantie ? Le recours à chacun de ces moyens est conditionné par l'acceptation d'un magistrat du siège.

La nouvelle procédure dite du « plaider coupable » méconnaîtrait les droits de la défense ? Nous avons prévu qu'un avocat serait obligatoirement présent quand un procureur aurait recours à cette procédure.

Les droits de la victime seraient négligés ? Je vous renvoie à l'article 495-13 qui prévoit la comparution de la victime en même temps que l'auteur des faits.

Les procédures seraient opaques ? C'est notre assemblée qui a voté un amendement prévoyant que chaque décision sera lue en audience publique.

Enfin, de nombreux pays européens ont revu leur législation pénale afin de mieux lutter contre la criminalité organisée. Nous faisons de même.

M. le Vice-président de la CMP - Bien sûr !

M. le Rapporteur - J'ai été choqué de la réflexion de Mme Guigou concernant le Royaume-Uni et le refus d'extrader Rachid Ramda.

On n'a pas le droit de prétendre de telles choses dans un débat démocratique, comme on n'a pas le droit d'accuser les personnels pénitentiaires, ainsi que vous l'avez fait (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ce sont leurs conditions de travail qui sont en cause.

M. le Garde des Sceaux- C'est la situation que nous connaissons qui a rendu ce projet de loi nécessaire : vous savez bien que les juges doivent traiter 70 dossiers par audience. Trouvez-vous cela normal ? Voulez-vous pérenniser les longues attentes ?

Le plaider coupable peut améliorer le traitement des affaires pénales.

Quant à la criminalité organisée, la traite des êtres humains n'est-elle pas une réalité ?

Mme Elisabeth Guigou - Personne ne dit le contraire.

M. le Garde des Sceaux - 70 % des prostituées, en France, sont d'origine étrangère. Elles sont exploitées dans des réseaux, qui sont de véritables entreprises internationales. Nous en avons parlé avec nos collègues des autres pays démocratiques, ils ont tous mis en place de nouveaux moyens de lutte. Il ne sert à rien de prétendre que la situation n'a pas changé.

Mme Elisabeth Guigou - Qui a dit cela ?

M. le Garde des Sceaux - Quant aux prisons françaises, je les ai trouvées dans l'état où vous les avez laissées. Qui était ministre quand fut refusée l'extradition de Rachid Ramda ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Ayez un peu de mémoire. Quand le premier refus d'extradition a-t-il eu lieu ? Et qu'avez-vous fait pour les prisons de notre pays ?

Plusieurs députés UMP - Rien !

M. le Garde des Sceaux - Les personnels pénitentiaires aussi bien que les associations de victimes d'attentats terroristes apprécieront vos positions !

Vous avez critiqué la définition de la criminalité organisée. Celle-ci ne fait que regrouper une série d'infractions et de délits déjà prévus par le code pénal. Quant au concept de bande organisée, que vous avez décrié, le jugeant flou et pouvant conduire à toutes les dérives, ce n'est pas nous qui l'avons introduit dans le code pénal, c'est un gouvernement socialiste ! L'acte commis en bande organisée est précisément défini par le code pénal et la jurisprudence a toujours été claire à ce sujet : il doit y avoir préméditation, hiérarchie, organisation et répétition des tâches.

S'agissant de la délinquance financière, je dirais qu'enfin elle pourra être réprimée efficacement grâce à la création de juridictions spécialisées pouvant intervenir sur l'ensemble du territoire.

Pour ce qui est du contrôle systématique du juge à tous les stades de la procédure, nous y sommes très attachés, comme l'ensemble des parlementaires de la majorité. Je suis très surpris de tout ce que l'on peut lire en ce moment dans la presse, sous la plume de personnes qui, à l'évidence, n'ont pas lu le texte.

En ce qui concerne les droits des victimes, il faut là encore n'avoir pas lu le texte pour prétendre qu'ils ne sont pas renforcés (Exclamations de Mme Guigou). Je ne dis pas, Madame, que rien n'avait été fait auparavant. Mais dans ce texte, l'intérêt des victimes sera mieux pris en compte dans les décisions de mise en liberté, de libération conditionnelle, et les frais, de déplacement notamment, seront mieux indemnisés.

Pour ce qui est du mandat d'arrêt européen, dois-je vous rappeler que sa mise en _uvre a exigé préalablement une réforme constitutionnelle et que le calendrier parlementaire n'a pas permis de faire autrement que de le « raccrocher » à ce texte ?

Je demande bien sûr à l'Assemblée de ne pas voter la question préalable.

M. Gérard Léonard - Au fond, Mme Guigou, tout en paraissant se livrer à un réquisitoire impitoyable, a prononcé un plaidoyer pro domo quelque peu pathétique et dérisoire. Elle a défendu sa politique passée pour mieux condamner la vôtre, Monsieur le Garde des Sceaux.

Permettez-moi, Madame, de vous rappeler cette phrase de la Bible : « On juge un arbre à ses fruits ». Les fruits de votre politique au ministère de la justice, on les connaît : une justice délabrée, encombrée, ralentie... Les Français ont d'ailleurs dit ce qu'ils en pensaient. Ils nous ont clairement demandé de lutter plus efficacement contre l'insécurité, laquelle a connu une explosion sans précédent sous le gouvernement auquel vous apparteniez. Ils nous ont demandé une justice plus juste, plus rapide, plus efficace (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Ce gouvernement a dégagé, au travers de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, des moyens sans précédent.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Pour notre part, nous la voterons sans hésitation. Mme Guigou a décrit votre texte et prévu ses conséquences. Vous nous objectez que les autres pays européens ont déjà pris des mesures similaires pour lutter contre la criminalité organisée. Mais aucun, je dis bien aucun, n'a institué, comme vous le faites, une procédure exorbitante du droit commun, pouvant conduire à de très dangereuses assimilations.

S'agissant des prisons, je ne peux pas laisser dire que Mme Guigou a mis en cause les personnels. Chacun sait ici leurs conditions de travail particulièrement difficiles, qu'ils sont les premiers à dénoncer.

En ce qui concerne l'application des peines, le rapporteur a en effet produit un travail remarquable, au demeurant devenu indispensable pour ralentir le rythme des incarcérations car sur la pente où l'on se trouvait, leur nombre allait atteindre 65 000 par an quand nos prisons ne comptent pas plus de quelque 40 000 places.

Personne ici ne conteste la nécessité de lutter de la façon la plus ferme contre la criminalité organisée.

Mme Elisabeth Guigou - Bien évidemment !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Mais quelques articles seulement de ce texte traitent de ce sujet. Pour le reste, il y est question de délinquance ordinaire. Avec les outils que vous avez mis en place, il sera extrêmement difficile, sinon impossible, de distinguer entre ce qui relève de la criminalité organisée, et donc de procédures spécifiques, et ce qui relève du droit commun.

S'agissant des victimes, tout particulièrement de celles du terrorisme, comment pouvez-vous prétendre que nous n'aurions pas pris en compte leurs intérêts ? Je ne pense pas que l'institution du plaider coupable est la meilleure façon de leur permettre d'être présentes lors du jugement. Il n'est que de voir aujourd'hui en comparution immédiate le nombre d'audiences renvoyées du seul fait de l'absence des victimes.

Enfin, il est vrai que la justice manque de moyens : mais cela ne saurait justifier une réforme de fond en comble de notre procédure pénale ! Je dois enfin à la vérité de dire que jamais un effort aussi important en faveur de la justice n'aura été consenti que sous le précédent gouvernement...(Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Regardez les chiffres de 2004 : on recrutera moins de magistrats, moins de greffiers... (Mêmes mouvements)

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. François Asensi - Ce texte répondait à un souci louable. Qui refuserait en effet de s'attaquer aux bandes criminelles et aux organisations mafieuses ? Qui pourrait contester à chacun le droit à la sécurité ? Mais, ce projet a été profondément transformé par de nombreux amendements. Limitant les droits du justiciable et de la défense, il inquiète légitimement les professionnels et les associations de défense des droits de l'homme. Robert Badinter, ancien président du Conseil constitutionnel, parle même de « répression administrée ». Ce projet porte un coup d'arrêt au processus démocratique engagé depuis deux décennies visant à instaurer un véritable pouvoir judiciaire, indépendant et garant des libertés individuelles. Il représente une régression considérable par rapport à la loi sur la présomption d'innocence du 15 juin 2000 adoptée à l'initiative du Président de la République, le même qui défend aujourd'hui ce nouveau projet...

Il laisse volontairement floue la notion même de « crime organisé », qui pourra dès lors s'appliquer à un grand nombre de délits à partir du moment où ils sont commis en bande, c'est-à-dire à partir de deux personnes. Vous créez un état d'exception permanent puisque si une affaire ne relève finalement pas de la criminalité organisée, cette erreur de qualification ne constituera pas une cause de nullité de la procédure.

Vous accroissez grandement les pouvoirs de police, avec une garde à vue pouvant être portée à quatre jours, une intervention tardive de l'avocat, l'infiltration de policiers dans les réseaux, l'autorisation des perquisitions de nuit ou d'écoutes téléphoniques plus larges... L'enquête de flagrance, très coercitive, voit, quant à elle, sa durée passer de huit à quinze jours.

Vous renforcez le pouvoir du parquet et de l'accusation au détriment de la défense, et des juges du siège. C'est tout le sens des procédures simplifiées, qui permettent de proposer à une personne une amende ou une peine allégée, sans procès public et contradictoire, à travers le plaider coupable.

En renforçant le poids des parquets, vous rompez la séparation et l'équilibre des pouvoirs, au fondement même de notre démocratie. Vous tournez le dos à l'héritage philosophique des Lumières, de L'esprit des lois.

Les débats qui ont agité la classe politique ces derniers jours traduisent bien la tentation permanente des pouvoirs politiques, quels qu'ils soient, en France et ailleurs, de s'immiscer dans les affaires judiciaires. Les propos tenus, remettant en question la chose jugée, ont créé un climat malsain, indigne d'une démocratie. Il convient de rappeler ici le respect dû aux magistrats qui, dans leurs fonctions, dans des circonstances difficiles, soumis à des pressions politiques et médiatiques, tâchent de faire avancer le droit et la justice dans notre pays.

Redoublons de vigilance afin de ne pas tomber dans les écarts de M. Berlusconi qui use sans retenue du pouvoir politique pour se soustraire au judiciaire.

En France, le climat est délétère. Les magistrats et les avocats sont très inquiets. Ils l'ont dit aujourd'hui ici même.

N'en déplaisent à certains, le pouvoir judiciaire doit être indépendant. Remettre en cause cette indépendance, c'est remettre en cause la démocratie.

Il s'agit, paraît-il de « hausser notre droit pénal au niveau de vigilance des grandes démocraties en matière de criminalité organisée ». En fait, vous voulez copier le système judiciaire américain, avec le plaider coupable et les « repentis ».

Mais, cette référence est loin d'être la meilleure. Les Etats-Unis tiennent la tête des pays avancés pour leur taux de détenus par habitants : en 2002, on y comptait 702 détenus pour 100 000 habitants aux Etats-Unis contre 85 en France. La population carcérale américaine a quadruplé en trente ans.

En 1998, la Californie, jadis réputée pour son système éducatif, comptait déjà plus de 200 000 détenus pour 33 millions d'habitants, c'est-à-dire quatre fois le niveau d'incarcération français pour près de deux fois moins d'habitants ! Le budget de l'administration pénitentiaire y a été multiplié par 22 entre 1975 et 1999. Depuis 1994, il dépasse celui qui est alloué aux universités publiques.

La phrase de Victor Hugo, « Ouvrir une école, c'est fermer une prison », ne rencontre-t-elle donc pas d'écho dans vos rangs ?

En France, en 1998, la moitié des détenus avaient un niveau d'éducation primaire et 3 % seulement avaient fait des études supérieures. Même si le déterminisme social n'exclut, ni n'excuse la responsabilité individuelle, n'est-ce pas la question sociale, et non pénale, qui devrait être au c_ur de nos débats ? Vous avez choisi de criminaliser la pauvreté plutôt que de la combattre et nous glissons « de l'Etat providence à l'Etat pénitence » comme le note Loïc Wacquant, sociologue des systèmes pénaux.

Dans son livre Les prisons de la misère, il affirme que depuis 1975, la courbe du chômage et celle des effectifs pénitentiaires suivent une évolution rigoureusement parallèle et, s'appuyant sur une quarantaine d'études, qu'il existe une corrélation étroite entre la détérioration du marché du travail et la montée des effectifs alors qu'il n'existe aucun lien avéré entre taux de criminalité et taux d'incarcération. On le voit avec la politique de la « tolérance zéro », qui a été sans aucun effet sur la criminalité aux Etats-Unis, si ce n'est sur le remplissage des prisons : 15 980 meurtres y ont été recensés en 2001, contre 1 046 en France. La violence de la société américaine n'est que le prolongement de la violence économique de ce pays. Car le rêve américain, qui fait l'apologie de la réussite individuelle, n'est qu'un mythe, qu'avait si bien dénoncé en son temps Horace Mac Coy dans le bouleversant On achève bien les chevaux. Une société ultra-libérale, qui promeut la loi du plus fort, qui ne voit dans l'individu qu'une force de travail, anonyme et interchangeable, qui lui ôte sa dignité d'être humain, est intrinsèquement criminogène, sans même parler des effets déplorables de la libre circulation des armes à feu. En quoi ce pays est-il un modèle ?

L'instauration de primes à la productivité pour les magistrats, mais aussi pour les policiers, aura des effets pervers car on risque de bâcler les enquêtes. Dans le même temps, malgré nos propositions, vous épargnez une fois de plus la grande criminalité financière contre laquelle les procédures sont longues et difficiles. A la fracture sociale, souhaitez-vous ajouter la fracture judiciaire ?

Le renforcement des pouvoirs de la police et du parquet, corollaire de la réduction de ceux des juges et des avocats, porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs, ciment de notre démocratie. « Il n'y a point de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice », écrivait Montesquieu. La France ne doit pas renoncer aux Lumières du XVIIIe siècle, qui fondèrent la République, et continuent de la guider. Votre texte marque une régression démocratique à laquelle nous ne pouvons que nous opposer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gérard Léonard - C'est une réforme courageuse et particulièrement ambitieuse que nous abordons à nouveau ce soir, ce projet n'ayant cessé de s'enrichir au cours des navettes.

Ce texte ne se limite pas à tel ou tel aspect de notre système pénal, il n'est pas l'alibi de la transposition d'une directive ; il n'a pas été rédigé en une journée sous la plume liberticide d'un technicien zélé. C'est un texte de procédure pénale qui a mis plus d'un an à mûrir, ce qui était nécessaire au regard de ses enjeux. Il est le fruit d'une large concertation engagée en décembre 2002. Il a pris corps au Parlement.

Il présente une vision d'ensemble des adaptations que nécessite notre système pénal pour être efficace. C'est dans cet objectif qu'il traite aussi bien de la criminalité organisée que des discriminations, de la pollution maritime que des infractions économiques et financières, qu'il rénove en profondeur le code de procédure pénale.

Est-ce un tort de vouloir se doter d'outils performants pour lutter contre les formes le plus retorses de délinquance et de criminalité ?

Est-il condamnable de gommer les imperfections de notre système pénal ? Aurions-nous dû nous contenter de mesurettes pour ne pas heurter la sensibilité de quelques-uns ?

Fourre-tout ? Non, ce texte s'attache à trouver une solution législative à chacun des problèmes de procédure pénale de notre société. La nécessité d'une réforme aussi ambitieuse ne saurait être remise en cause. Chaque disposition est fondamentale : juridictions spécialisées, moyens d'enquête supplémentaires, répartition de compétences complémentaires entre le parquet, le juge des libertés et de la détention et le juge d'instruction. Toutes ces mesures participent du souci de lutter efficacement contre les évolutions de la criminalité, notamment contre la criminalité organisée. La criminalité organisée, ce sont les enlèvements, les trafics de stupéfiants, le terrorisme, la traite des êtres humains, les meurtres et les braquages commis en bande organisée. Il ne s'agit pas de simples vols à l'étalage mais d'organisations qui peuvent déstabiliser notre société.

Les procédures et les moyens d'enquête seront en permanence contrôlés par le juge - je le répète après le Garde des Sceaux car il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre - et les droits de la défense feront l'objet de toutes les garanties. La procédure du « plaider coupable », largement décriée, tout en permettant à l'auteur d'une infraction de reconnaître et d'assumer sa responsabilité, est une réponse adaptée à l'engorgement des tribunaux. Elle a été strictement encadrée afin de préserver au mieux les droits de la défense - possibilité de faire appel, présence de l'avocat tout au long de la procédure. C'est donc d'un véritable renforcement du rôle de l'avocat qu'il s'agit, d'autant que la personne poursuivie ne pourra pas renoncer à son droit d'être assistée (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

C'est dans ce même souci de garantie des droits de la défense que le texte de la CMP interdit de condamner une personne sur le seul fondement de déclarations de policiers infiltrés, sauf s'ils acceptent de témoigner sous leur identité réelle.

Quant à l'allongement du délai de la garde à vue, il a seulement pour objet de permettre aux enquêteurs de ficeler des dossiers de plus en plus complexes et il se justifie par la gravité des faits présumés.

Il est donc totalement infondé de qualifier ce texte de « liberticide » et de « tout-répressif ».

Je me félicite par ailleurs du compromis intervenu en CMP sur l'amendement que j'avais déposé pour allonger le délai de prescription en matière de délits et de crimes sexuels. Porter à vingt ans le délai de prescription de l'action publique pour les infractions sexuelles les plus graves est une solution parfaitement équilibrée. Je sais la part que le rapporteur et le Garde des Sceaux y ont pris. De nombreuses familles les remercient du fond du c_ur.

M. Badinter considérait pour sa part que bousculer les délais de prescription serait un crime. Quant aux députés socialistes, je constate qu'après avoir voté cette disposition à l'Assemblée, où elle fut adoptée à l'unanimité, ils ont paru la découvrir en CMP et ils ont voté contre...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous avons voté contre.

M. Gérard Léonard - J'assistais à la réunion de la CMP : vous avez bien donné le sentiment que vous découvriez ce texte !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Si ça vous fait du bien de dire cela...

M. Gérard Léonard - En dépit du nombre considérable de ses articles, ce texte conserve sa cohérence et dote notre justice d'outils précieux. Il réforme en profondeur notre procédure pénale avec le double impératif de protéger les droits de la défense et d'adapter réellement notre justice aux évolutions de la criminalité. Nous le voterons donc avec détermination et avec le sentiment de bien servir notre pays.

M. le Vice-président de la CMP - Très bien !

M. Christophe Caresche - Tout au long du processus législatif qui s'achève, le groupe socialiste a dénoncé fortement, ici comme au Sénat - car M. Clément semble oublier que M. Badinter est sénateur...

M. Gérard Léonard - On ne le sait que trop...

M. Christophe Caresche - ...les oublis et les errements de ce texte.

Nous avons exprimé haut et fort notre réprobation devant ce bouleversement de la procédure pénale et nous n'avons pas attendu aujourd'hui pour le faire. Depuis la première lecture, nombreux sont ceux qui se sont élevés contre ce projet, et certains sénateurs de la majorité ont fait part de leurs réserves. Un profond mouvement de contestation s'est affirmé contre ce texte, en particulier chez ceux qui auront à l'appliquer : magistrats, avocats, professionnels de la justice, qui ont exprimé leur refus aujourd'hui dans la rue.

J'ai ici une lettre adressée au Président de la République. Elle commence ainsi : « Depuis des siècles, le barreau de Paris est l'un des gardiens les plus vigilants des libertés publiques et des droits de la défense. Il faillirait à sa mission s'il n'élevait une mise en garde solennelle sur les graves dangers que présente le vote de cette loi ». Cela n'émane pas du groupe socialiste, ni de M. Badinter, mais du bâtonnier des avocats à la Cour de Paris !

Votre seule réponse consiste à évoquer un malentendu, et à suggérer que ceux qui s'expriment n'ont pas lu votre loi. C'est un peu court. Il est encore temps de les écouter, et de revenir sur des dispositions qui heurtent profondément le monde judiciaire.

A cela s'ajoute - force est d'en parler - le climat créé par la condamnation de M. Juppé. Les plus hautes autorités de l'Etat ont donné le sentiment de contester ce jugement, de ne pas respecter l'indépendance des juges. Elles ont donné le sentiment de ne pas respecter les institutions, en les dépossédant de leurs prérogatives de contrôle de la justice. Elles exercent d'intolérables pressions sur la justice en souhaitant qu'un jugement en appel désavoue le jugement en première instance. Cette attitude inacceptable choque beaucoup de professionnels de la justice.

Votre projet ne peut qu'aggraver leur inquiétude, car il traduit une véritable défiance envers les magistrats. Le plus sage serait de le retirer pour prendre le temps de la réflexion. C'est ce que vous demandent les professionnels. Pour nous, ce texte marque une véritable régression. Il ruine les efforts accomplis ces dernières années pour un meilleur équilibre entre l'accusation et la défense. Il y a peu, la loi sur la présomption d'innocence était votée ici à l'unanimité - par vous, Monsieur le ministre, à moins que vous ne vous soyez abstenu ; et par M. Warsmann, qui pensait alors que nous n'allions pas assez loin dans le sens des droits de la défense... Cette loi n'est plus aujourd'hui qu'un souvenir. Et votre projet renforce systématiquement les pouvoirs de police au détriment de la défense. Il introduit des notions confuses et dangereuses, comme celle de bande organisée, ou choquantes, comme celle du plaider coupable. Cette dernière procédure est étrangère à notre culture et à notre conception de la justice. Nos concitoyens, effarés, en voient les effets par l'exemple de ces Français contraints de plaider coupables aux Etats-Unis alors qu'ils sont innocents. Ils les voient revenir profondément perturbés. Ces cas, dont le Gouvernement ne semble guère se préoccuper, choquent profondément nos concitoyens. C'est cette procédure que vous importez, sans même les garanties qui existent aux Etats-Unis. Je suis persuadé que vous aurez du mal à la mettre en _uvre. Les Français la rejetteront. En France, on ne négocie pas son innocence.

Votre projet, Monsieur le ministre, traduit enfin une véritable défiance à l'égard des juges. Il est loin, le temps où le Président de la République souhaitait une justice plus indépendante. Le projet apporte une reprise en main de la justice. Les procureurs sont placés sous la tutelle des procureurs généraux, qui dépendent directement de vous. Les juges, notamment le juge d'instruction, se voient dépossédés ou contournés au profit des procureurs.

Vous voulez une justice aux ordres, pour les puissants, et une justice expéditive, pour les autres - ce que M. Clément appelle le contentieux de masse. Nous refusons l'une et l'autre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Président - Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l'article 113, alinéa 3 du Règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.

M. le Garde des Sceaux - Les douze amendements du Gouvernement n'ont qu'un but de coordination ou de clarification, qui ne remettent évidemment pas en cause les solutions retenues par la CMP.

Les amendements 1 et 2 corrigé concernent la douane judiciaire, le premier supprimant une redondance, le second corrigeant des erreurs de référence ou des imprécisions.

L'amendement 3 est de coordination. Le 4 tend à maintenir le droit actuel pour ce qui est du champ d'application du fichier national des empreintes génétiques, tel qu'il résulte de la loi de 1998. Les amendements 5 et 10 corrigé corrigent des erreurs de référence. Le 6 corrigé précise l'article qui supprime l'obligation de notification par huissier des arrêts de mise en accusation. Le 7 précise les règles applicables en cas de mandat d'arrêt délivré par une juridiction ayant condamné un prévenu par défaut. L'amendement 8 supprime une disposition inutile concernant l'ordonnance pénale en matière délictuelle. Le 11 regroupe deux dispositions du projet qui modifient le même article du code pénal, pour permettre le prononcé à l'audience avec exécution provisoire de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur. L'amendement 9 corrigé prend en compte le remplacement de la juridiction régionale de libération conditionnelle par le tribunal d'application des peines. Le 12 corrige enfin des erreurs ou des oublis de référence concernant l'entrée en vigueur de la loi.

Je précise que ces amendements réparent des incorrections relevées par les administrateurs des deux assemblées, qui ont fait un travail remarquable auquel il convient de rendre hommage.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné ces amendements. Avis favorable à titre personnel.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous voici devant beaucoup d'amendements non examinés par la commission - effet obligé de la CMP. Je souhaite une explication sur l'amendement 8 à l'article 60. Peut-on nous confirmer qu'il s'agit de supprimer une disposition qui exonérait les délits de presse, et les homicides involontaires, de la procédure d'ordonnance pénale, parce que la CMP a supprimé cette procédure pour les délits passibles d'un emprisonnement allant jusqu'à cinq ans ?

M. le Garde des Sceaux - Je le confirme.

M. le Rapporteur - Il est normal que des amendements de ce type ne passent pas en commission. Certains d'entre eux sont liés au fait que les rédactions retenues en CMP ont parfois un effet sur d'autres articles, votés en l'état par les deux chambres. D'où la nécessité d'opérer certaines coordinations.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ce n'est pas le chaos, mais cela y ressemble.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 2 corrigé, 3, 4, 5, 6 corrigé, 7, 8, 9 corrigé, 10 corrigé, 11 et 12.

M. le Président - Conformément à la décision de la Conférence des présidents, les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur le texte de la commission mixte paritaire auront lieu le mercredi 11 février, après l'éloge funèbre de Marcel Cabiddu.

Prochaine séance mardi 10 février, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 10 le vendredi 6 février.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 10 FÉVRIER 2004

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Débat sur les perspectives de l'intégration et de l'égalité des chances.

2. Fixation de l'ordre du jour.

A QUINZE HEURES : 2ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi (n° 1378) relatif à l'application du principe de laïcité dans les écoles, collèges et lycées publics.

3. Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat (n° 1286), portant création des communautés aéroportuaires.

M. François-Michel GONNOT, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Rapport n° 1380)

4. Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 1055) relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

M. Alfred TRASSY-PAILLOGUES, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

(Rapport n° 1413)

M. Emmanuel HAMELIN, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Avis n° 1412)

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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