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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 67ème jour de séance, 170ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 27 FÉVRIER 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ 2

RESPONSABILITÉS LOCALES (suite) 2

APRÈS L'ART. 14 3

ART. 15 4

ART. 16 5

ART. 18 8

ART. 19 10

DÉPÔT D'UNE MOTION DE CENSURE 13

RESPONSABILITÉS LOCALES (suite) 14

ART. 20 16

APRÈS L'ART. 21 18

La séance est ouverte à neuf heures trente.

FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

M. le Président - Par lettre du 16 février 2004, M. le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire précédemment confiée à M. Francis Hillmeyer, député du Haut-Rhin, avait pris fin le 26 février 2004.

RESPONSABILITÉS LOCALES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales.

M. René Dosière - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58, alinéa premier.

Suite à un amendement déposé en cours de séance par le président de la commission des lois, l'Assemblée nationale a décidé hier de ne pas autoriser les péages sur les routes express. Ce faisant, le président de la commission opérait un changement radical de position puisque, quelques jours plus tôt, alors que nous soutenions un amendement similaire du groupe communiste et républicain, il nous rétorquait que les péages étaient indispensables pour financer les routes.

C'est vrai, l'approche des élections cantonales et régionales ne permet pas d'afficher une telle position...

Si nous nous réjouissons d'un tel revirement, encore faut-il que le principe du péage ne soit pas rétabli en seconde lecture, après les élections !

Pour autant, nous continuerons de nous battre pour améliorer ce texte.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République - Bref, vous êtes contrit d'être satisfait !

M. Philippe Vuilque - On vous empêche simplement de commettre de graves erreurs !

M. le Rapporteur - M. le ministre l'a dit, le projet initial ne comprenait pas les péages sur les voies express.

Plusieurs députés socialistes - Si !

M. le Rapporteur - Les péages étaient limités aux autoroutes et aux ouvrages d'art. Les sénateurs ont déposé plusieurs amendements sur lesquels le Gouvernement, dans un esprit d'ouverture, s'en est remis à leur sagesse. Ainsi est né le texte.

Pour ce qui est de votre rapporteur, il a toujours été cohérent.

M. René Dosière - Je ne vous ai pas mis en cause !

M. le Rapporteur - Nous avons réécrit le I de l'article 14 pour préciser qu'en toute hypothèse un péage éventuel ne pourrait concerner qu'une voie nouvelle - j'ai du reste déposé un amendement en ce sens hier après-midi.

Puis le président de la commission des lois, constatant une opposition très majoritaire à cette disposition - alors qu'elle avait été adoptée par le Sénat, dans un silence assourdissant - a déposé un amendement, que la commission n'a pas examiné, mais auquel j'ai dit être favorable à titre personnel. Nous verrons ce que les sénateurs décideront au cours de la navette.

Mais sans doute regrettez-vous d'être ainsi privés de la possibilité de nous faire un procès d'intention.

M. René Dosière - Vous affirmez que les sénateurs ont institué le péage. Je vous renvoie à la page 67 du tome 2 du rapport : son institution figure dans le texte du projet. Le Sénat n'a fait qu'en modifier les modalités d'application.

M. le Rapporteur - Je vous confirme en effet que l'essentiel des modalités d'application du péage ont été rajoutées par les sénateurs. Vous avez raison de vous montrer rigoureux.

APRÈS L'ART. 14

M. Christian Philip - L'amendement 974 permet aux collectivités territoriales ou aux groupements responsables des transports urbains d'instituer une forme de tarification des déplacements, le péage urbain n'étant qu'une modalité possible.

Des expériences en ce sens ont été menées à l'étranger. Une telle tarification n'est pas nécessairement discriminatoire pour les habitants des banlieues dès lors qu'elle touche également les habitants des centres-villes et que les ressources dégagées permettent d'améliorer les liaisons banlieues-centres-villes et interbanlieues.

Pour ma part, je considère que le péage urbain n'est pas adapté à nos villes. Je lui préfère le système de la carte multimodale.

Je regrette que le débat sur les déplacements urbains ait été dénaturé à des fins électoralistes. Je rappelle qu'au cours de ma mission sur le financement des déplacements urbains, plusieurs députés socialistes m'ont dit être favorables à cette initiative, tout comme le GART dont le président est de vos amis.

Au Sénat, M. Gérard Collomb a, de plus, défendu un amendement quasi identique le 8 janvier 2002. M. Gayssot lui avait dit alors tout l'intérêt qu'il portait à ce système, même si un approfondissement juridique lui semblait nécessaire.

Enfin, les tarifications appliquées dans les villes scandinaves ou à Londres l'ont été par des maires appartenant à la famille politique socialiste.

Cela dit, soucieux d'avoir ce débat, auquel nous n'échapperons pas, dans des conditions plus sereines, je retire mon amendement.

L'amendement 974 est retiré.

M. Christophe Caresche - Je constate que la commission des lois et son rapporteur ont donné un accord de principe à cet amendement. Quelle est la position du Gouvernement ?

Est-ce nous qui avons une attitude électoraliste, Monsieur Philip, lorsque vous retirez votre amendement ? J'ai, du reste, le sentiment que vous le proposerez à nouveau après les élections.

Je suis élu de Paris. Ce type de péage serait extrêmement pénalisant pour les habitants des banlieues en instaurant une sélection par l'argent. Le péage, c'est un peu le deuxième impôt Raffarin.

M. le Rapporteur - C'est terrible comme la période électorale pousse certains à une agitation politicienne déplacée !

La commission a repoussé cet amendement, vous le savez. J'ai moi-même exposé des réserves sur un texte qui soulève quantité de problèmes juridiques. Vous avez en revanche des positions à géométrie variable selon les périodes. M. Destot, président du GART et député socialiste de Grenoble, évoque l'idée d'une tarification depuis des années. M. Gérard Collomb a une position très proche.

En région parisienne, un péage serait discriminatoire et aggraverait les inégalités.

Nous ne serons favorables à ce type de dispositif à aucun stade de la discussion de ce projet, pas plus aujourd'hui qu'en deuxième lecture ou au cours de la navette.

Sans doute la question du péage se posera-t-elle dans le cadre d'une loi sur les transports, mais sur le moment, nous ne sommes ni juridiquement, ni politiquement prêts (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales - Le Gouvernement a toujours exprimé son hostilité à ce type de dispositif.

En région parisienne, les transports en commun sont saturés. C'est tout le problème. Paris concentre un nombre considérable d'emplois et le coût des logements a augmenté...

M. Christophe Caresche - Ce n'est pas le cas dans les Hauts-de-Seine ?

M. le Ministre délégué - Moins. Une commune comme Châtenay-Malabry compte 70 % de logements sociaux.

Il n'est donc pas possible d'encourager le développement des transports en commun. Or, la politique de Paris consiste à dissuader les automobilistes qui viennent de banlieue d'entrer dans la ville.

M. Christophe Caresche - Afin d'améliorer le service des transports en commun.

M. le Ministre délégué - C'est bien ce que je vous dis, mais les transports en commun sont à saturation : vous organisez des bouchons.

M. René Dosière - Qui a contrôlé Paris, depuis 1977 ?

M. le Ministre délégué - C'est la politique menée aujourd'hui qui est en cause. Finalement, la Mairie de Paris attend l'instauration d'un péage.

M. Christophe Caresche - Pas du tout, c'est faux !

M. le Ministre délégué - Le péage serait un impôt discriminatoire, qui toucherait les banlieusards et pas les parisiens.

M. Christophe Caresche - Nous sommes tout à fait d'accord là-dessus.

M. le Ministre délégué - Alors permettez aux banlieusards d'accéder normalement à Paris ! Vous tenez un discours de circonstance, mais les verts et nombre de vos amis, en France et en Europe, ont très souvent défendu le péage urbain ! Vous seriez plus crédible si votre politique ne laissait pas des malheureux bloqués des heures dans les transports tous les jours et n'allongeait pas systématiquement le temps des trajets par des obstacles divers...

M. Jean-Pierre Balligand - Vous êtes le ministre de la mauvaise foi !

M. le Ministre délégué - Vos cris d'orfraie sur le péage manquent de crédibilité.

Mme Janine Jambu - Nous sommes satisfaits du retrait des dispositions concernant le péage, qui a pour origine un amendement déposé par André Chassaigne. Je m'étais inquiétée de la réponse de M. de Robien aux questions d'actualité, qui avait semblé laisser une possibilité ouverte. M. Daubresse a évacué cette possibilité dans le présent texte. Si ce point revient en discussion dans un autre texte, croyez que nous serons prêts à nous battre pour écarter définitivement l'idée de péage.

ART. 15

Mme Janine Jambu - L'article L. 116-2 du code de la voirie routière détermine les agents habilités à constater les infractions sur le domaine public routier et à établir les procès-verbaux correspondants. L'article 15 du projet de loi y ajoute trois alinéas, concernant les agents de la collectivité territoriale de Corse, ceux des régions d'outre-mer et ceux des départements. Dans ce dernier cas, il s'agirait de remédier à une carence de la législation : le président du conseil général dispose en effet des pouvoirs de police afférents à la conservation du domaine routier départemental, mais aucun texte ne permet aux agents de la collectivité de constater les infractions qui y ont lieu.

On peut se réjouir que cette lacune soit comblée, mais c'est oublier un peu vite que le président du conseil général exerce ses pouvoirs par l'intermédiaire d'agents qui devront obligatoirement être commissionnés et assermentés. Or, on leur confie ces responsabilités sans que leurs représentants aient été consultés. Pourtant, ils ne cessent de dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail et du service rendu ! Comment les services de la DDE pourraient-ils remplir ces nouvelles charges à effectif et à moyens constants ? Cette décision, imposée sans la moindre consultation, est une nouvelle preuve de l'autoritarisme gouvernemental. Certes, le Gouvernement se complait toujours à saluer, lorsque ses déclarations sont dénuées de toute portée concrète, le dévouement de ces agents lors des situations de crise... mais son discours sur le corporatisme des salariés de la fonction publique finit par être insultant !

L'amendement 1035 vise donc à supprimer cet article. Les députés communistes et républicains entendent ainsi manifester leur solidarité avec les agents des directions départementales de l'équipement qui, lorsqu'ils défendent le service public, y compris en faisant grève, nous offrent une belle preuve de leur désintéressement.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Sans cet article, sachant que 135 000 fonctionnaires, dont une bonne partie d'agents de l'équipement, vont être décentralisés, comment assurer le service public ? Le service public n'est pas uniquement national ! Les maires par exemple ont toujours assuré des services publics. Je ne vois pas en quoi un article qui étend le domaine routier porterait atteinte au service public ou au statut du personnel concerné !

L'amendement 1035, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Gest - Le maire dispose de prérogatives de police en cas de publicité illégale le long des routes. L'amendement 100 propose qu'il en soit de même pour le président du conseil général, pour les routes départementales.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis. J'aimerais que cet amendement soit retiré, comme cela a été le cas au Sénat. D'abord, c'est le maire qui arrête la liste des infractions. Il est donc légitime qu'il puisse être autorité poursuivante. Ensuite, le territoire des communes est davantage sous la surveillance du maire que sous celle du président du conseil général. Cette demande, qui émane de nombreux présidents de conseils généraux, est assez mal vécue par les maires, qui ont le sentiment qu'on veut, de manière générale, les déposséder de leurs responsabilités. Enfin, les décisions concernant les infractions au code de l'environnement, sont prises au nom de l'Etat. Le président du conseil général n'a donc pas cette compétence.

M. Alain Gest - Mon amendement visait les portions de routes hors agglomérations. Vous conviendrez que les maires sont peu enclins à s'occuper des problèmes de publicité illégale en pleine campagne ! Mon objectif n'était absolument pas de les déposséder d'une quelconque prérogative, mais, pour vous être agréable, j'accepte de retirer mon amendement.

L'article 15, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

M. Alain Gest - L'amendement 101 prévoit que le transfert des routes aux départements fait l'objet d'un avis conforme de leur part. Contrairement à M. Derosier, nous avons déjà une idée assez précise des routes qui nous seront affectées, mais les collectivités doivent pouvoir donner un avis conforme.

M. René Dosière - Notre amendement 667 est identique. Les présidents de conseils généraux de tous bords soutiennent cette demande, notamment pour défendre les intérêts de leurs contribuables. Les routes classées à grande circulation se multiplient, notamment en période de vacances, avec les itinéraires de délestage. L'Etat peut modifier les attributions de police sur ces routes. Le transfert des routes aux départements ne doit donc pas être imposé, mais doit faire l'objet d'un avis conforme.

Il est trop facile, Monsieur le ministre, de modifier les normes et d'en faire supporter la charge par les collectivités !

M. le Rapporteur - Avis défavorable à l'amendement 101 car il faut bien que l'Etat puisse assurer ses missions : quand on a transporté les éléments d'Airbus à travers la France, il y avait évidemment des exigences à respecter.

En revanche, la commission a émis un avis favorable à l'amendement de suppression du deuxième alinéa, même s'il pose quelques problèmes.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement est évidemment défavorable à l'idée d'avis conforme, qui est la négation même de toute politique nationale : sauf à risquer la paralysie du pays, il faut que l'Etat conserve la responsabilité de déterminer les itinéraires à grande circulation.

M. René Dosière - Compte tenu des explications du ministre, je retire l'amendement 667.

M. Alain Gest - Je suis convaincu que dans quelques semaines, M. le ministre appréciera mieux ce qu'est la gestion d'une collectivité départementale (Sourires) ! Il comprendra que la représentation nationale écoute - aussi - les présidents de conseil général, qui cherchent à faire en sorte que la décentralisation, qu'ils souhaitent, ne soit pas trop pénalisante pour les départements. Cela dit, je retire moi aussi mon amendement.

Les amendements 667 et 101 sont retirés

M. Pierre Albertini - On ne saurait exiger un avis conforme de toutes les collectivités : il existe un intérêt national qui transcende les intérêts locaux. Ce n'est pas de gaieté de c_ur que nous voyons les convois Airbus traverser Rouen...

M. le Président - Je vous ai donné la parole parce que vous l'aviez préalablement demandée, mais à partir de maintenant je ferai appliquer le Règlement : on ne peut intervenir sur un amendement après son retrait.

M. le Rapporteur - L `amendement 324 corrige un oubli.

L'amendement 324, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan - La commission a eu un débat nourri sur le deuxième alinéa. Il y avait d'un côté ceux qui se montraient attachés au respect intégral de la libre administration des départements et considéraient ne pouvoir souffrir aucune forme de tutelle, fût-elle déguisée, et de l'autre ceux qui comme moi reconnaissaient que l'importance stratégique de ces routes justifiait certaines formalités préalables imposées aux départements. Le c_ur de la commission a finalement penché, à quelques voix près, pour l'adoption de l'amendement 207 qui reprend un amendement de M. Bonrepaux, tendant à supprimer le deuxième alinéa.

M. Jean-Pierre Balligand - Je souligne que la commission l'a adopté alors qu'il y avait une majorité de députés UMP en séance. L'amendement 668 de M. Bonrepaux est identique.

Cela n'a rien à voir avec le problème de l'avis conforme sur les routes nationales à grande circulation. Ici, il s'agit des routes transférées. Nous devons être conséquents : s'il y a transfert, il doit être complet. Nous demandons donc la suppression de l'alinéa selon lequel les collectivités sont « tenues de communiquer au représentant de l'Etat dans le département tout projet de modification des caractéristiques techniques » et qui indique que celui-ci peut s'y opposer. Les élus territoriaux ne vont pas empêcher la libre circulation dans leur département ! Simplement, vous ne pouvez pas, après avoir transféré la charge de ces routes, les mettre sous tutelle par le biais de considérations techniques.

Je crains le pire quant à l'explosion de la fiscalité départementale : pour un département comme le mien, l'Aisne, le transfert représente déjà un point de fiscalité supplémentaire... Monsieur Gest, ne faites pas semblant ici de jouer le jeu sous prétexte que vous êtes le représentant de l'UMP, alors que dans les couloirs, vous vous montrez aussi inquiet que moi !

M. le Président - Dans l'hémicycle, Monsieur Balligand, on ne dit jamais ce qui se passe dans les couloirs !

M. Jean-Pierre Balligand - Dans les instances qui réunissent les présidents des conseils généraux, je peux vous assurer que l'inquiétude s'exprime aussi.

M. le Rapporteur - La commission des lois a eu, comme la commission des finances, un long débat qui a transcendé les clivages traditionnels. Elle a donné un avis favorable à ces amendements.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République - C'est une affaire de principe. Si les routes à grande circulation sont d'intérêt national, gardez-les au niveau national, Monsieur le ministre !

Or vous nous dites que vous transférez des routes d'intérêt national aux départements, qui devront demander la permission au préfet pour faire des travaux. Je vous dis non ! Plus de tutelle, s'il vous plaît. C'est incohérent.

M. Christophe Caresche - Très bien !

M. le Ministre délégué - Je remercie la majorité de me faciliter la tâche ! (Rires) Il n'y a plus besoin d'opposition, avec cette majorité...

Hier, c'était M. Balligand qui défendait les prérogatives de l'Etat, tandis que je vous disais ma foi en l'action responsable des élus locaux. Aujourd'hui, c'est l'inverse.

M. le Président de la commission - Ce n'est pas le débat !

M. le Ministre délégué - Je veux revenir au texte. Il ne s'agit pas d'une tutelle : le préfet ne peut rien imposer. Il ne peut mettre à la charge du département une dépense que celui-ci refuserait : il a seulement le droit de s'opposer à une dépense.

M. le Président de la commission - Cela change tout ! (Sourires)

M. le Ministre délégué - Monsieur Clément, vous faites la différence entre imposer une dépense et s'opposer à une dépense.

M. le Président de la commission - C'est l'avers et le revers d'une même médaille. Vous rétablissez la tutelle.

M. le Président - M. le ministre délégué a seul la parole.

M. le Ministre délégué - M. le président de la commission a décidé ce matin de remplacer M. Bouvard (Sourires).

Les routes à grande circulation ont un intérêt national en cas d'évènement exceptionnel. Nous pensons tous qu'il faut les préserver. M. Clément nous dit : « Gardez-les ! ». Mais elles ont un intérêt national secondaire et non prioritaire.

M. Alain Gest - Holà !

M. le Ministre délégué - Il est tout à fait cohérent de laisser l'Etat veiller à ce que ces axes restent des routes à grande circulation. On a vu des « gendarmes couchés » pour limiter la vitesse, ce qui peut présenter un intérêt mais n'est pas sans incidence sur le débit de la circulation. Il faut que le préfet puisse empêcher qu'on dénature ces axes par des travaux intempestifs.

Opposer intérêt national et intérêt départemental me paraît abusif. Les départements ont conscience de l'intérêt national.

M. Alain Gest - Alors acceptez mon amendement !

M. le Ministre délégué - Le projet ne prévoit qu'une sécurité. On ne peut prétendre que les présidents des conseils généraux se désintéressent des questions nationales.

M. le Président de la commission - Je n'ai jamais dit cela !

M. le Ministre délégué - Tout président de conseil général a conscience de l'intérêt national.

M. le Président de la commission - N'utilisons pas d'arguments biaisés. Si on fait confiance aux départementaux, l'alinéa 2 ne sert à rien. Il dénote en effet une véritable méfiance à leur égard.

M. Christophe Caresche - Absolument !

M. le Président de la commission - Le mot « stratégique » est de trop. Qu'est-ce qui est d'intérêt national, sinon les questions stratégiques ? « Je vous fais confiance, mais vous me permettrez de vérifier » : tel est le sens de l'alinéa 2.

Vous me refaites cela, Monsieur le ministre délégué ! (Rires) Ce n'est pas convenable.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement fait naturellement confiance aux élus locaux, mais il se produit parfois des aberrations dans la vie. Des personnalités au tempérament vigoureux peuvent être portées à des actes qui ne sont pas dans leur nature et il peut y avoir des débordements.

M. René Dosière - Des noms !

M. le Ministre délégué - Nous ne faisons que prévoir une sécurité. La confiance n'empêche pas l'observation.

M. Alain Gest - J'ai peur qu'on imagine que les présidents des conseils généraux sont unis par une solidarité indéfectible, mais tant pis. On ne peut conforter une décentralisation qui se caractérise par un contrôle a posteriori d'élus considérés comme responsables et présenter une telle disposition.

Nous sommes un certain nombre à avoir signé l'amendement 102 qui ne vise pas à supprimer le dernier alinéa mais à exiger une délibération motivée si une collectivité est amenée à modifier les caractéristiques d'une route à grande circulation. On respecterait ainsi l'esprit du texte et l'autonomie des collectivités territoriales.

M. Robert Pandraud - Je ne veux pas tirer sur le pianiste. Ce sont les fonctionnaires du ministère de l'équipement qui ont souhaité cet alinéa et le ministre les soutient.

Vous avez fait allusion, Monsieur le ministre, à certaines erreurs, commises par les services techniques de l'équipement des collectivités locales, mais on pourrait faire une bibliothèque des impérities des services de l'équipement de l'Etat ! (M. le président de la commission applaudit)

Si le département leur demande le feu vert pour effectuer des travaux, cela va durer... Le conseil général, de guerre lasse, laissera les services techniques de l'Etat faire les travaux.

Au moment de la décentralisation, on a soupçonné injustement le corps préfectoral de ne pas jouer le jeu. C'est la résistance des services techniques qui a été très forte.

Monsieur le ministre délégué, on vous a obligé à défendre cette disposition. Vous pourrez dire que vous vous êtes battu, mais qu'au petit matin, la quasi-unanimité de cette assemblée ne vous a pas suivi (Applaudissements et rires sur tous les bancs).

M. René Dosière - Le deuxième alinéa est inadmissible. Il témoigne d'une suspicion à l'encontre des collectivités locales. Vous leur transférez des routes d'intérêt national « secondaire », dites-vous, mais vous craignez qu'elles fassent des travaux contraires à l'intérêt national !

Cette rédaction donne des collectivités une image dont nous pensions qu'elle n'avait pas cours au ministère de l'intérieur ! L'alinéa va même à ce point contre le principe de libre administration que sa présence dans ce projet en est étonnante. Mais, ce débat l'a montré, c'est sans doute tout l'article qu'il faudrait supprimer et j'incite donc le président de la commission, qui en a le pouvoir, à déposer un amendement en ce sens, quitte à ce que nous revenions sur ce point en deuxième lecture.

Les amendements 207 et 668, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Les amendements 102 et 325 tombent.

L'article 16 modifié, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 17.

ART. 18

M. le Ministre délégué - Cet article rend éligibles au FCTVA, par dérogation, les fonds de concours versés par des collectivités publiques pour la réalisation de travaux sur le domaine public routier d'une autre collectivité. L'amendement 1580 précise que ne sont visés que les fonds de concours destinés à des dépenses d'investissement et versés à compter du 1er janvier 2005. Il écarte donc toute rétroactivité.

D'autre part, il supprime le second alinéa de l'article voté par le Sénat, les dispositions en cause ayant été inscrites entre-temps dans la loi de finances pour 2004.

M. le Président - Je viens d'être saisi par Mme Jambu d'un sous-amendement 1582.

Mme Janine Jambu - En fait, c'est un de nos amendements que nous transformons en sous-amendement.

Au Sénat, Monsieur le ministre délégué, vous vous étiez engagé sur la bonne voie et nous voudrions vous inciter à persévérer car il nous semble que vous adoptez aujourd'hui une position quelque peu en retrait. Ce sous-amendement 1582 tend à compléter l'amendement du Gouvernement de manière à en étendre les dispositions à l'ensemble des travaux effectués sur le domaine public. Certes, les travaux routiers représentent quelque 90 % des travaux réalisés à l'aide de fonds de concours, mais il arrive aussi aux collectivités d'intervenir sur des monuments historiques, sur des mairies, sur des édifices religieux... Nous souhaitons que, dans ces cas, on applique la même règle de sorte que les collectivités puissent récupérer la TVA, ce qui ne serait que normal.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement du Gouvernement, mais la suppression du deuxième alinéa ainsi que le choix de la date de janvier 2005 répondent à un de ses v_ux. Son adoption ne devrait donc pas faire problème.

En ce qui concerne le sous-amendement, nous avions donné un avis défavorable à l'amendement dont il est issu dans la mesure où il sortait du champ de l'article, qui est strictement limité au domaine routier.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement non plus ne saurait accepter cette extension. D'ailleurs, que ne l'avez-vous demandée à vos amis lorsqu'ils étaient au gouvernement, Madame Jambu ?

M. Jean-Pierre Balligand - Monsieur le Président, notre amendement 670 tomberait-il si l'amendement 1580 était adopté ?

M. le Président - Oui.

M. Jean-Pierre Balligand - Dans ce cas, je tiens à en dire un mot.

Cet amendement concerne un sujet qui a donné lieu à d'intenses discussions en commission comme au sein de notre groupe : il s'agit des travaux « connexes » aux travaux routiers - sécurisation, consolidation, soutènement, protection contre les feux de forêt, etc - que les collectivités de montagne ou du littoral peuvent être obligées de réaliser pour le compte d'autres collectivités. Pour être un homme de la plaine picarde, je ne puis faire abstraction de ces travaux « induits », qui me semblent également devoir être éligibles au FCTVA, d'autant que, contrairement à ceux qu'évoquait Mme Jambu, ils ne sortent pas du domaine routier.

Vous chargez fortement la barque des collectivités et, dans le même temps, par votre amendement 1580, vous restreignez le champ d'intervention du FCTVA ! Vous avez de la chance que M. Michel Bouvard ne soit pas là !

Le sous-amendement 1582, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 1580, mis aux voix, est adopté et l'article est ainsi rédigé.

M. le Président - Les autres amendements à l'article 18 tombent.

M. Philippe Vuilque - Nous attendons la réponse du ministre délégué à la question de M. Balligand !

M. René Dosière - Monsieur le rapporteur, qu'est devenu votre amendement 327, adopté par la commission ?

M. le Rapporteur - Il a été déclaré irrecevable, pour les motifs que M. Méhaignerie nous a exposés hier. Croyez bien que je le regrette autant que vous.

Pour ce qui est de l'amendement 670, Monsieur Balligand, la commission a donné un avis défavorable et j'ai indiqué que nous ne pourrions modifier notre position que si le champ de l'éligibilité était limité aux travaux destinés à remédier aux effets de catastrophes naturelles. Or l'amendement incluait aussi des travaux de prévention. Mais nous pourrons y revenir en deuxième lecture...

ART. 19

M. Jean-Pierre Balligand - Bien que court, cet article mérite quelques éclaircissements de la part du gouvernement - et des éclaircissements plus substantiels que ceux qu'il nous a prodigués à propos de l'amendement 1580 !

Relisez l'article 19 de votre projet de loi : il annonce les prémices d'un désengagement de l'Etat, et nous devons nous en inquiéter !

Sans aller aussi loin que l'amendement de la commission des finances - que nous soutiendrons -, j'ai déposé des amendements pour que l'Etat assume jusqu'à leur réalisation complète les contrats qu'il a signés avec les collectivités territoriales, et cela quel que soit le délai d'exécution. Je le dis avec solennité : si vous ne prenez pas cette précaution, vous alourdirez considérablement la barque des collectivités.

Mme Janine Jambu - Le financement des opérations routières sur le domaine public national non concédé est prévu par les contrats de plan signés entre l'Etat et la région. Les opérations prévues par les contrats de plan représentent un coût de 13 milliards d'euros pour la période 2000-2006, mais le respect par l'Etat de ses engagements ne semble pas acquis, si l'on en croit les déclarations du ministre de l'équipement.

Oui ou non, l'Etat assurera-t-il le financement de ces opérations ? Nous avons déposé un amendement pour garantir le respect par l'Etat de ses engagements, et préserver ainsi l'économie des collectivités territoriales.

Mme Mignon remplace M. Raoult au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

M. le Ministre délégué - L'amendement 1278 tend à préciser les conditions dans lesquelles les opérations routières inscrites au quatrième contrat de plan Etat-région seront provisoires. Le Gouvernement a l'intention de les exécuter jusqu'à leur terme et, le cas échéant, au-delà du 31 décembre 2006, dans la mesure où les travaux auront été engagés, et dans la limite des enveloppes financières prévues par lesdits contrats.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis - Le sous-amendement 211 rectifié, adopté à l'unanimité par la commission des finances, tend à garantir la loyauté des transferts. Dans le domaine routier, à côté d'un terme précis - telle opération doit être achevée avant telle date - un terme latent est souvent sous-entendu. Si un contrat de plan prévoit le passage d'un tronçon de route à deux fois deux voies, il est évident que l'ensemble de la route devra être réaménagé. La collectivité territoriale doit alors en recevoir les moyens ; tel est l'objet de ce sous-amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. le Rapporteur - Avis favorable au sous-amendement 211 rectifié. Quant au 1278, j'y suis favorable, sous réserve de l'adoption des sous-amendements 1583 et 1584. Le premier vise à étendre les dispositions de l'amendement aux groupements des collectivités territoriales. Le second rédige ainsi la dernière phrase : « Toutefois les travaux commencés à cette date continuent d'être financés jusqu'à l'achèvement des opérations, dans les mêmes conditions, dans la limite des enveloppes financières globales fixées pour les volets routiers des contrats ».

M. Alain Gest - Très bien !

M. le Président de la commission - Il ne s'agit pas de faire payer l'Etat, mais d'être cohérent. Reprenons l'exemple de M. Hénart. Si vous estimez que la route transférée doit être mise à deux fois deux voies, il faut financer les travaux.

M. le Ministre délégué - Avis favorable sur les deux sous-amendements. Le sous-amendement 211 de M. Hénart vous semble en revanche inutile : si l'Etat impose une charge nouvelle aux collectivités territoriales, il doit la compensation ; en ce qui concerne la mise à deux fois deux voies, la décision ne relèvera plus de l'Etat après le transfert mais des départements.

M. le Président de la commission - Ce n'est pas tout à fait le cas. Quid des situations transitoires où une décision est prise par l'Etat, mais non encore exécutée ? Il y a un problème de transition. Acceptez l'amendement de M. Le Fur, Monsieur le ministre, puisqu'il permet une clarification.

M. le Ministre délégué - Il ne clarifie rien du tout.

M. le Président de la commission - Il faut être de bonne foi, tout de même ! Il y a un doute.

M. le Ministre délégué - Je ne crois pas qu'il y ait un doute : ou bien la porte est ouverte, ou elle est fermée.

M. le Président de la commission - Elle peut être entrouverte.

M. le Ministre délégué - Une porte entrouverte est ouverte. Et je vous fais confiance pour la pousser (Sourires). La route relèvera de la responsabilité départementale si les travaux de mise à deux fois deux voies n'ont pas commencé. S'ils ont commencé et que c'est l'Etat qui a pris la décision, ce dernier doit la compensation.

M. le Président de la commission - Ce n'est pas ce que dit le texte.

M. René Dosière - Le Gouvernement complique encore notre débat en déposant au dernier moment un amendement qui réécrit l'article. Que va-t-il advenir des amendements déposés en fonction de la rédaction précédente ? Avant de nous prononcer, je demande une clarification, afin que nous sachions bien de quels textes nous parlons.

M. Jean-Pierre Balligand - M. Dosière a raison. Une suspension de séance me semble nécessaire.

Les sommes en jeu sont considérables, et j'ai trouvé très pertinente l'intervention de M. Clément, je tiens à le souligner. Monsieur le ministre délégué, oubliez les Hauts-de-Seine, et mettez-vous à la place du conseil général de l'Aveyron ou de la Lozère...

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand - Vous comprendrez mieux les problèmes qui se posent.

Je prends un exemple que je connais, celui de la RN 2 Paris-Bruxelles. Nous avons déjà engagé des travaux, à hauteur d'un milliard de francs, partagés entre l'Etat et la région de Picardie. Ils ne sont pas encore terminés. S'il y a transfert, l'Etat va-t-il se désengager ? C'est tout le problème, et c'est tout le sens de l'amendement Le Fur-Hénart.

Mme la Présidente - La suspension de séance est de droit, mais il me semble préférable d'entendre d'abord les différents points de vue.

M. le Président de la commission - Le rapport fait référence, page 133, à l'amendement du Sénat à l'article 88, selon lequel « Les opérations non engagées à la date d'entrée en vigueur de la présente loi et ressortissant à un domaine de compétence transféré, au titre duquel elles bénéficient d'une compensation financière, relèvent des collectivités territoriales nouvellement compétentes qui en assurent le financement ». Comment cela s'articule-t-il avec les propos de M. le ministre ? J'ai besoin qu'on m'explique !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis - En ce qui concerne les routes progressivement transformées en deux fois deux voies, l'image de la porte ouverte ou fermée convient moins bien que celle d'un sas. L'Etat a pris une décision qui s'exécute sur plusieurs contrats de plan. Lorsque le contrat en cours sera achevé, les travaux ne seront pas finis pour autant. On se trouve donc dans un sas. L'amendement qui garantit que les engagements du contrat en cours seront remplis règle le cas de la porte d'entrée, mais il faudra bien ensuite bien sortir du sas ! Le département sera obligé de finir la deux fois deux voies, ainsi que l'Etat s'y était engagé, mais alors celui-ci doit être loyal et remplir ses obligations par le biais d'une majoration de la DGF. Tel est le sens de mon sous-amendement. Vous pensez qu'il est inutile, Monsieur le ministre, mais considérez qu'il a au moins une vertu thérapeutique sur des parlementaires inquiets !

M. Philippe Vuilque - Très bien !

M. le Ministre délégué - M. Clément est très affecté par un amendement adopté au Sénat. Je lui rappelle que le paragraphe qu'il a lu ne s'applique que « sous réserve des dispositions de l'article 19 » !

M. le Président de la commission - Que vous venez de modifier !

M. le Ministre délégué - Cela ne change absolument rien 

M. le Président de la commission - Ce n'est pas clair.

M. le Ministre délégué - Les termes « sous réserve » sont parfaitement clairs.

Selon M. Balligand, si l'Etat avait arrêté un schéma directeur concernant des deux fois deux voies il y a 25 ans et que les travaux aient été commencés, mais non achevés, l'Etat continuerait donc à les devoir jusqu'à la fin ?

M. Pierre Albertini - Nul ne dit cela.

M. Philippe Vuilque - C'est un mauvais exemple ! Nous parlons de contrats, pas de schémas !

M. le Ministre délégué - Dans le cas des contrats, l'Etat paiera, il n'y a aucune ambiguïté ! Cela figure à l'article 19 - et j'en profite pour dire que je suis favorable aux deux sous-amendements de précision de M. Daubresse.

Reste le problème d'un itinéraire qui a vocation à devenir entièrement à deux fois deux voies, dont l'Etat aurait un jour réalisé un tronçon et qui serait maintenant transféré. Si les travaux restant à accomplir sont prévus dans un contrat de plan Etat-région, l'Etat les doit : soit ils sont commencés et l'Etat doit les achever, soit ils ne sont pas commencés et l'Etat doit la compensation financière. Si les travaux restants ne sont pas prévus dans un contrat de plan...

M. le Président de la commission - On l'a dans l'os !

M. le Ministre délégué - Dans ce cas, la décision de continuer les travaux appartient au nouveau propriétaire.

M. Pierre Albertini - La question de fond est l'obligation ou non de l'Etat. Si j'ai bien compris, l'Etat s'engage à poursuivre les opérations engagées dans un contrat de plan mais non terminées. Les opérations prévues dans le contrat mais pas encore commencées seront compensées par un surcroît de dotation.

M. le Rapporteur - Ce n'est pas ce qu'a dit le ministre !

M. Pierre Albertini - C'est ce que j'ai compris. C'est pourquoi il faut s'inquiéter du rythme très faible de consommation des crédits des contrats de plan, sachant que les fonds européens deviendront rares après 2006... Reste la question des travaux qui figurent au schéma routier national, dont le dernier date de 1986. Ces schémas prévoient des opérations sur dix, vingt ou trente ans : on ne peut imaginer que l'Etat en assure le financement !

C'est donc sur les opérations inscrites au contrat de plan mais non commencées que le ministre doit nous répondre clairement. Elles doivent absolument être compensées par une majoration de la dotation.

M. Alain Gest - Si une opération n'a pas été commencée, elle passe sous la responsabilité de la collectivité territoriale. Mais, les travaux ayant été annoncés dans le contrat de plan, il va de soi que la collectivité sera obligée de les accomplir ! Elle doit donc recevoir une compensation financière. C'est le seul point d'achoppement. Si les sous-amendements Hénart et Daubresse sont adoptés, la question sera réglée.

M. Michel Bouvard - M. Balligand a rappelé les enjeux financiers en cause. La rédaction de la commission des finances me paraît régler la question. Elle a en outre le mérite de faire le consensus entre les parlementaires. Il me semble que le Gouvernement devrait l'accepter.

Mais les contrats de plan ne sont pas les seuls engagements contractuels de l'Etat. Il y en a par exemple au titre du programme de sécurisation des routes alpines, qui emportent des montants comparables. L'article mentionne « les aménagements de sécurité », mais qu'est-ce à dire ? S'il s'agit d'un carrefour, je ne vois pas d'inconvénient au transfert, mais s'il s'agit d'aménagements contre les risques naturels, les sommes engagées ne sont pas les mêmes ! Chaque département du massif alpin se verrait transférer plusieurs ouvrages spectaculaires, à 10 ou 15 millions pièce !

M. Jean-Pierre Balligand - Nous faisons tous un effort pour régler la question au mieux. Nous ne cherchons pas à charger la barque de l'Etat, et il est injuste de nous répondre en invoquant tous les schémas en cours : nous n'avons parlé que des engagements contractuels ! Il est indispensable de donner une sécurité aux départements, et les propositions faites ici me paraissent y parvenir.

M. le Ministre délégué - L'Etat respectera sa signature !

M. Jean-Pierre Balligand - Mais j'ai quand même davantage confiance dans la rédaction de la commission des finances, qui résulte d'un travail collectif et reste parfaitement raisonnable, que dans la vôtre, qui ne me semble pas très complète... Je propose une suspension de séance pour que nous puissions nous mettre d'accord.

La séance, suspendue à 11 heures 45, est reprise à 12 heures sous la présidence de M. Raoult.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

DÉPÔT D'UNE MOTION DE CENSURE

M. le Président - M. le Président a reçu à 10 heures 55 une motion de censure déposée par MM. Jean-Marc Ayrault et François Hollande, ainsi que 129 membres de l'Assemblée, en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution.

Je donne lecture de ce document.

« Dans quatre semaines, les Français sont appelés à renouveler leurs assemblées régionales et départementales. Ce doit être un rendez-vous de vérité démocratique.

« Vérité, d'abord, sur le projet de loi de décentralisation soumis actuellement à l'examen de notre assemblée et qui usurpe son titre et son objet. La dévolution de nouvelles responsabilités aux collectivités territoriales n'est assortie d'aucune garantie de financement. Derrière le slogan de « la République des proximités », le Gouvernement transfère ses déficits et ses charges et place les collectivités devant le choix impossible d'augmenter les impôts locaux ou de réduire le service jusque-là rendu par l'Etat. Dans toutes les hypothèses, ce sont les Français qui en paieront le prix.

« Le désengagement financier de l'Etat s'accompagne de l'abandon de ses missions de solidarité et d'aménagement du territoire. La dévolution du RMI et du RMA aux départements sans les ressources correspondantes, le non-respect des contrats de plan, le transfert contraint de personnels de l'Education nationale vont aggraver la fracture entre collectivités riches et pauvres et fragiliser la situation de beaucoup de nos concitoyens.

« Les socialistes sont profondément attachés à la décentralisation dont ils ont été les plus ardents bâtisseurs.

« Ils ne peuvent accepter qu'en son nom soit engagée une entreprise pour défaire l'Etat et creuser les inégalités entre les territoires.

« Ce texte, après d'autres, confirme un projet de société que le Gouvernement a engagé sans en faire l'aveu aux Français. En conséquence, depuis deux ans, notre pays connaît une régression sociale de grande ampleur. Chômage, pauvreté et inégalités s'aggravent, comme le confirment tous les rapports des instituts statistiques officiels et les témoignages des organisations humanitaires.

« Les mesures de déréglementation du travail, la paupérisation des services publics, la mise en cause des systèmes de protection sociale ou d'insertion composent une politique d'abandon de notre modèle social et d'alignement de notre pays sur les normes minimales du libéralisme.

« Le Gouvernement a également manqué à l'esprit de solidarité, fondement du pacte républicain, en faisant porter tout l'effort de rigueur sur ceux qui ont le moins pour en dispenser ceux qui ont le plus. Comment tolérer l'amputation des droits des chômeurs quand on allège la taxation fiscale des plus hauts revenus ? Comment accepter les ponctions sur les retraites et le relèvement des taxes et des impôts indirects quand sont subventionnés certains intérêts particuliers ? Le mot même de réforme est devenu source d'inquiétude. Hier vecteur de progrès et de modernisation, il est devenu aujourd'hui synonyme de recul et de sacrifice.

« La politique du Gouvernement n'est pas seulement injuste, elle est profondément inefficace : elle a brisé la croissance, diminué le nombre d'emplois salariés, creusé des déficits records. Elle obère toutes les politiques de l'avenir : la recherche traverse une crise sans précédent, l'éducation n'est plus considérée comme une priorité, la politique industrielle est un slogan sans contenu.

« A rebours de tous les discours officiels, la connaissance mais aussi la création culturelle, éléments constitutifs de notre identité nationale, sont soumises à l'austérité budgétaire et au conformisme moral.

« Dès lors, ce gouvernement a failli au mandat que le peuple souverain lui avait confié le 5 mai 2002. En opposant les Français entre eux, en servant les intérêts particuliers de certaines clientèles au détriment de l'intérêt général, en jetant le discrédit sur la justice, il a contribué à la fragmentation de notre société et accentué son désarroi civique.

« Pour l'ensemble de ces motifs, le groupe socialiste demande à l'Assemblée nationale de censurer le Gouvernement en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. René Dosière - Belle conviction, Monsieur le Président !

M. le Président - La motion de censure va être notifiée au Gouvernement et affichée.

Conformément à l'article 153, alinéa premier, du Règlement, l'Assemblée prend acte de ce dépôt.

Je rappelle qu'en application de l'article 154 du Règlement, la date de la discussion et du vote sur cette motion de censure a été fixée par la Conférence des présidents au mardi 2 mars, après les questions au Gouvernement.

RESPONSABILITÉS LOCALES (suite)

M. le Président de la commission - Nous en revenons à la discussion de l'amendement 211.

Actuellement, quand une région signe un contrat de plan avec l'Etat, elle se retourne immédiatement vers le département pour lui demander de financer la moitié. Pourtant, non seulement les départements ne sont pas signataires des contrats, mais ils ne participent même pas aux décisions sur leur contenu... Il serait choquant que les collectivités territoriales continuent à financer des travaux au profit de l'Etat. Or, si sous le gouvernement de M. Rocard, 60 % ou plus des contrats étaient de leur compétence, l'Etat intervenant pour les aider à financer leurs projets, aujourd'hui la situation est inversée. Dans mon département, dans le contrat de plan que nous sommes en train de réaliser, un seul projet relève de la compétence départementale. Il s'agit de la modernisation d'une maison de retraite, pour laquelle j'aurais pu me passer d'un contrat de plan... Tout le reste relève de la compétence de l'Etat.

Je souhaite donc qu'on dise clairement que les contrats de plan ne sont pas destinés à faire financer par les collectivités territoriales des projets qui relèvent de la compétence de l'Etat.

Par ailleurs, la DGF permettra-t-elle de financer non seulement l'entretien de la voirie nationale qui passe au département, mais aussi les investissements que l'Etat consacrait à celle-ci jusqu'à présent ? Si tel est le cas - même si nous n'avons pas la naïveté de croire que la DGF seule suffira à mettre une route à deux fois deux voies -, la préoccupation exprimée par l'amendement de MM. Le Fur et Hénart est satisfaite.

Lors du dernier contrat de plan, j'avais demandé à l'Etat de m'aider à financer une route départementale à deux fois deux voies mais il avait refusé au motif que c'était une départementale. Vous engagez-vous, Monsieur le ministre, à ce que l'Etat n'emploie plus ce type d'argument ? La clarification doit se faire à tous les niveaux ! Si vous nous apportez les assurances nécessaires, nous ne voterons pas cet amendement.

M. Alain Gest - C'est la crédibilité de la décentralisation qui est en jeu.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis - Je reconnais que les mots « décision de l'Etat », insuffisamment précis, risquent de faire peser sur le budget de l'Etat un risque trop lourd. En revanche, je pense qu'a été compris le fait qu'il y a dans les contrats de plan des choses qui relèvent de la soft law : l'Etat décide de mettre à deux fois deux voies telle route, et on prévoit pendant la durée du plan la réalisation de certains tronçons ; mais le transfert de la route au département entraîne l'obligation au moins morale d'achever la mise à deux fois deux voies. La question est : l'Etat assume-t-il, en termes de compensation, non seulement l'engagement écrit pris sur certains tronçons, mais aussi la réalisation des tronçons complémentaires ?

Nous sommes à la disposition de vos services pour revoir la rédaction de l'article 89 en vue de garantir que le texte s'appliquera à l'ensemble des tronçons prévus dans les contrats de plan.

M. René Dosière - Monsieur Clément, je n'ai pas compris ce que la DGF vient faire dans le financement des routes. Depuis le 1er janvier 2004, son volume s'est modifié, puisque la dotation de voirie, incluse dans la dotation générale de décentralisation, a été fondue dans la DGF. Par ailleurs, les règles de répartition de la DGF demeurent : on nous proposera peut-être une réforme dans quelques semaines, mais c'est une autre affaire.

La crainte des élus, c'est que l'opération coûte cher aux collectivités locales. Nous le disons depuis que ce texte a été présenté en Conseil des ministres et vous nous rejoignez peu à peu...

Maintenant que la dotation de voirie a été intégrée à la DGF, elle ne peut plus être isolée.

M. Jean-Pierre Balligand - Au cours de suspension de séance, les rapporteurs et le président de la commission se sont réunis pour élaborer un dispositif satisfaisant. Il ne s'agit pas de polémiquer (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Dans mon sous-amendement, repris par le rapporteur, je ne demandais que le minimum minimorum : si la parole de l'Etat est engagée, nous allons au terme du projet, quelle que soit la date de réalisation. C'est l'accord que nous avions trouvé avec M. Clément et le rapporteur. Je veux que cet engagement soit réaffirmé.

Puis est venu le sous-amendement 221 rectifié de M. Le Fur, adopté par la commission des finances. Il est beaucoup plus lourd de conséquences et pose un vrai problème. C'est pourquoi le président de la commission des lois s'est lancé dans son explication sur la DGF. Mais ce qu'a dit mon collègue Dosière est important. Le Gouvernement doit nous dire clairement ce qu'il retient du sous-amendement 211 rectifié. Ce sera utile en cas de litige.

M. le Rapporteur - M. Balligand a résumé parfaitement nos préoccupations sur tous ces bancs. Les sous-amendements 1584 et 1583 répondaient à une partie de celles-ci. Quant au sous-amendement 211 rectifié, dont la portée est trop large, nous sommes prêts à y renoncer si le Gouvernement prend l'engagement de revoir la rédaction de l'article 89 pour répondre aux préoccupations de MM. Balligand et Hénart.

M. Jacques Barrot - Très bien !

M. le Ministre délégué - La position du Gouvernement est simple : tout le contrat de plan, y compris les annexes, mais rien que le contrat de plan. Toutes le signatures de l'Etat doivent être honorées, sous réserve bien entendu que le Parlement vote les crédits correspondants.

Je suis d'accord avec M. Clément, chacun doit rester sur son domaine : ce gouvernement ne sollicitera plus les départements pour financer des voies qui relèvent de son domaine propre.

M. le Président de la commission - Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand - « Utinam ! » comme on dit en latin... Fasse le ciel qu'il en soit ainsi !

M. le Président de la commission - C'est à graver en lettres d'or !

M. le Ministre délégué - L'Etat financera au titre de la DGF les dépenses de fonctionnement. S'agissant de l'investissement, M. Dosière a raison, ce n'est pas à la DGF qu'il faudra faire appel mais à une dotation fiscale, à partir de la TIPP ou de la taxe sur les conventions d'assurance.

M. le Président de la commission des lois - Sera-t-elle repérable ?

M. le Ministre délégué - Elle sera non seulement repérable, mais quantifiée, et examinée par la commission d'évaluation des charges transférées.

Je suis convaincu que le décroisement, les dotations, l'achèvement des projets engagés au titre des contrats de plan et la fin du recours par l'Etat aux financements départementaux donneront aux conseils généraux les moyens d'assumer leurs nouvelles compétences.

M. Hénart a compris que son amendement, trop large, donne le tournis à Bercy.

M. Michel Bouvard - Il est subversif !

M. le Ministre délégué - Je lui demande de le retirer, le Gouvernement acceptant quant à lui d'ouvrir la discussion sur l'article 89.

M. Jacques Barrot - Très bien !

Le sous-amendement 211 rectifié est retiré.

Le sous-amendement 1583, mis aux voix, est adopté, de même que le sous-amendement 1584.

L'amendement 1278 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté et l'article est ainsi rédigé.

ART. 20

M. Christophe Caresche - Cet article est important pour Paris, où il y a de nombreux ouvrages d'art. Nous sommes favorables à l'abrogation des décrets impériaux de 1866, car elle permettra de transférer à la ville ce qu'on appelle « le pavé parisien » ainsi que les ponts. Mais nous retrouvons le problème de la compensation financière, et nous souhaitons des prévisions. La compensation prévue englobe-t-elle l'ensemble des dépenses actuelles de l'Etat, qu'il s'agisse du pavé ou des ponts ? Je souhaiterais des assurances de la part du Gouvernement, la rédaction apparaissant un peu trop générale.

M. le Ministre délégué - Nous en avons déjà parlé ensemble, mais je comprends que vous désiriez une garantie quelque peu solennelle. Je vous confirme donc que le « pavé » et les ponts sont compris et que la mesure sera financièrement neutre. Et je m'étonne dès lors que le groupe communiste souhaite la suppression de cet article - mais peut-être est-ce parce que ce décret est contemporain de Karl Marx...

Mme Janine Jambu - L'article tend à abroger le décret impérial du 23 juin 1866, qui a fixé la part que devait prendre l'Etat dans les dépenses d'entretien des chaussées, rues, quais, ponts, boulevards et places publiques de la Ville de Paris. Ce système de répartition des charges repose sur un classement préalable des voies : ainsi l'Etat supporte la dépense relative aux voies classées comme traverses et annexes de traverses des routes impériales, cependant que les frais d'entretien des autres voies incombent à la ville. Bien que ce classement n'ait jamais vu le jour, ce décret en Conseil d'Etat a été appliqué jusqu'à nos jours.

Le Gouvernement nous explique que le maintien de ces dispositions serait source de difficultés, en particulier parce que la contribution annuelle versée par l'Etat n'est pas une dotation globalisée, ce qui serait contraire aux règles régissant les finances locales. Mais que n'a-t-on eu le même souci d'orthodoxie financière à propos de la CSG, impôt parfaitement injuste et qui viole la sacro-sainte règle de la non-affectation des ressources budgétaires ? Il est vrai que les canons de la finance importent peu lorsqu'il s'agit d'instituer un impôt contre-révolutionnaire, car contraire à l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 !

M. le Président - De Marx, nous remontons à Gracchus Babeuf !

Mme Janine Jambu - Pour en revenir à l'article 20, le choix d'intégrer à la dotation générale de décentralisation la contribution versée par l'Etat à la Ville de Paris laisse d'autant plus perplexe que les montants en jeu n'ont rien d'anodin : 132 millions d'euros en 2003 ! Rien dans cette opération ne garantit le maintien de ces versements à un niveau suffisant, comme ont pu l'éprouver tous les élus locaux, de droite comme de gauche. Ici comme dans le reste du titre II, la question est donc de savoir comment l'Etat revalorisera la part de la dotation correspondante si les dépenses d'entretien croissent - ce qui est inévitable.

Enfin, abroger le décret impérial, c'est préparer une décentralisation des routes nationales traversant Paris, politique déstructurante, autoritaire et technocratique à laquelle nous sommes résolument opposés comme nous l'avons amplement montré. D'où notre amendement 1038 de suppression de l'article.

M. le Rapporteur - Mme Jambu se veut plus impérialiste que l'Empereur ! Elle a également réussi la prouesse de dénoncer un impôt contre-révolutionnaire en partant d'un décret impérial dont la Cour des comptes a maintes fois critiqué les implications. Je préfère de loin la position de M. Caresche, qui accepte l'article, quitte à présenter un amendement de précision en deuxième lecture.

Il faut supprimer cette relique du Second Empire, dont chacun sait qu'il n'a pas toujours été « leu génie » ! (« Oh ! » sur plusieurs bancs)

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. La DGD est indexée sur la DGF, ce qui vaut garantie de progression.

L'amendement 1038, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 20, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 21.

APRÈS L'ART. 21

M. Christian Philip - La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a donné aux communes la possibilité de délivrer des autorisations de stationnement aux titulaires de la carte « station debout pénible », autorisations qui vaudraient droit d'user d'emplacements réservés. Il était prévu qu'un décret en Conseil d'Etat fixerait les conditions d'application de la disposition. Or, ce décret n'a jamais été publié... Par l'amendement 1180, je souhaite mettre à profit un projet destiné à accroître les libertés locales pour permettre l'application effective de la mesure : il suffirait pour cela de supprimer le renvoi au décret en Conseil d'Etat, la disposition pouvant être mise en _uvre sans autre précision.

M. le Rapporteur - La commission a rendu un avis défavorable.

M. le Ministre délégué - J'avoue mon hésitation... L'Etat ne peut se sentir à l'aise : il n'a pas pris les mesures d'application exigées par une loi qui remonte tout de même à deux ans et qui devait bénéficier aux handicapés, mais d'un autre côté, se posent ici des problèmes techniques que l'on ne réglera pas si l'on rend le texte applicable de plano. J'inclinerais donc à m'engager plutôt à prendre au plus vite le décret - en tout cas avant la réforme de la loi sur le handicap...

Mme Mignon prend place au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

M. Christophe Caresche - Je découvre l'amendement, mais ce que dit M. Philip me paraît sensé. Si la question peut être réglée en allant dans le sens de la décentralisation, je ne vois pas pourquoi le Gouvernement s'y oppose.

M. le Ministre délégué - Il faut des mesures techniques.

M. Christophe Caresche - Lesquelles précisément ?

M. Christian Philip - Je comprends la position du Gouvernement. Je n'ai pas examiné le détail technique mais je ne vois pas, a priori, ce qui s'oppose à une application directe de la disposition. Faisons confiance aux maires et envoyons un signe aux handicapés. Ou bien, s'il faut un décret, qu'il soit publié avant que nous examinions la loi sur le handicap, de sorte que nous n'ayons pas à re-présenter cet amendement !

M. le Ministre délégué - Je viens de me reporter au texte en cause et je constate qu'il est très détaillé. Je crois donc que vous avez raison et je vous donne un avis favorable.

M. Pierre Albertini - Je m'en réjouis. La loi s'applique en principe directement, sauf lorsqu'un décret est nécessaire. Ne tombons pas dans la perversité en considérant que toute disposition législative exige un texte d'application ! Il faut faire confiance aux maires, d'autant qu'en l'occurrence sont concernés les handicapés, envers qui nous avons un « retard » de solidarité. Les collectivités sauront trouver les emplacements nécessaires et la ville en sera plus conviviale.

M. le Rapporteur - La commission a examiné cet amendement un peu rapidement et la discussion qui vient d'avoir lieu me convainc de soutenir l'amendement, à titre personnel. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

L'amendement 1180, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - A l'unanimité !

M. Christophe Caresche - L'amendement 958 corrigé, inspiré du travail réalisé par M. Philip dans le cadre d'une mission que lui avait confiée le Premier ministre, vise à dépénaliser le stationnement et à confier aux communes la responsabilité d'organiser celui-ci, ainsi que de fixer le niveau de la redevance et, en cas d'infraction, de la sur-redevance demandées aux automobilistes.

Cet amendement permettrait aux communes de mener une véritable politique du stationnement. La sanction, uniforme sur l'ensemble de notre territoire, est aujourd'hui trop importante pour certaines communes, mais pas assez pour d'autres, notamment à Paris, où elle ne remplit plus son rôle de dissuasion.

En revanche, je n'approuve pas M. Philip qui, par une nouvelle exception en faveur de l'Ile-de-France, prévoit de reverser la moitié de la redevance au STIF, plutôt que d'en laisser la détermination aux communes et au syndicat.

M. Christian Philip - Le stationnement payant sur voirie est actuellement une compétence de la commune, mais la fixation du montant de l'amende pour défaut de paiement et son recouvrement relèvent de l'Etat. Dans la logique de la décentralisation, l'adoption de l'amendement 1428 permettrait de clarifier les compétences.

Par ailleurs, nous proposons de dépénaliser le système, en remplaçant l'amende par une redevance domaniale, dont le montant serait fixé par la commune. Le produit de ces redevances pourrait être affecté au plan de déplacement urbain, en vue notamment d'améliorer les transports collectifs.

Loin d'être une porte ouverte à l'augmentation des amendes de stationnement, l'adoption de cet amendement pourrait inciter les communes à limiter le montant d'une redevance dont elles assureraient effectivement le recouvrement. Cette mesure vise à sortir le stationnement d'une logique de sanction, de surcroît inefficace au vu du faible nombre d'amendes recouvrées.

Pour ce qui est du STIF, je ne fais que reprendre le système actuel. Si l'on veut favoriser le développement du transport collectif, ne lui ôtons pas cette ressource !

Enfin, cet amendement m'a été inspiré par mon travail sur le financement des déplacements urbains, en concertation avec des associations d'élus. Il a été, en outre, cosigné par nombre de députés que je remercie.

M. Christophe Caresche - Actuellement, le STIF touche la moitié du produit des amendes, le produit des redevances étant perçu par les communes. Vous proposez dans cet amendement de lui attribuer la moitié de l'ensemble des redevances ! C'est une très bonne opération pour le STIF, mais qui pénalisera les communes. Aussi le sous-amendement 1565 propose-t-il de renvoyer cela à une convention entre les parties.

M. le Rapporteur - La commission a rendu un avis favorable à l'amendement 1428. Il est vrai que l'exposé en est complexe, mais on touche au domaine des libertés publiques et de la dépénalisation. Je regrette cependant que nous n'ayons pas eu à ce sujet un débat de fond.

M. le Ministre délégué - Je salue le travail de M. Philip sur ce sujet important. Mais il mérite un vrai débat, non une simple discussion d'amendement. Une telle réforme exige une étude complémentaire sur ses conséquences techniques et juridiques. Une redevance est la contrepartie d'un service, et la reverser au STIF qui ne rend aucun service pose un problème constitutionnel.

Quant à la privatisation de la répression, elle porterait atteinte au « principe de légalité des peines ».

M. Pierre Albertini - Et à la proportionnalité !

M. le Ministre délégué - Et que dire de l'égalité des citoyens ?

M. Christophe Caresche - Veut-on décentraliser, oui ou non ?

M. le Ministre délégué - Tel qu'ils sont rédigés, ces amendements ne franchiraient certainement pas la barrière du Conseil constitutionnel.

Au passage, vous considérez, Monsieur Caresche, que cette réforme permettrait aux communes d'augmenter les redevances, quand M. Philip pense qu'elle les baisserait.

Pour Paris, je constate que vous voulez augmenter le montant des amendes.

M. Christophe Caresche - En effet !

M. le Ministre délégué - Je suis heureux de vous savoir une volonté décentralisatrice aussi audacieuse, mais nous devons respecter le cadre constitutionnel. Le sujet mérite un état complémentaire, et je souhaiterais le retrait des amendements.

M. Pierre Albertini - Les amendements proposent une mini-révolution juridique avec cette dépénalisation et la liberté tarifaire accordée aux communes. Est-il plus ou moins grave de ne pas respecter les règles du stationnement à Paris, à Carcassonne ou à Rouen. Il ne faut pas affaiblir la notion du respect absolu dû aux règles sur tout le territoire.

Ce sujet mérite d'être traité spécifiquement, peut-être sous la forme d'une proposition de loi. Le texte dont nous discutons est déjà un peu fourre-tout, ne le rendons pas illisible.

M. Christophe Caresche - Il n'y a pas d'improvisation. M. Philip a déjà accompli un travail approfondi, à la demande du Premier ministre. Nous ne partons pas de rien. Je crois que s'il n'a pu déposer son amendement plus tôt, c'est en raison des réticences de Bercy.

Non, on ne peut avoir la même politique de stationnement à Paris et à Carpentras. Se réfugier derrière la rupture d'égalité, c'est s'interdire d'avoir une politique de stationnement adaptée.

En outre, à Paris, l'amende pour stationnement illicite est de 11 €, alors qu'elle est de 183 € pour les déjections canines. Où est la logique ? Laissez les maires fixer librement le montant de la redevance. Aucun n'appliquera de tarifs excessifs. Je maintiens donc mon amendement.

M. Christian Philip - J'ai conscience que, sur le plan juridique, ce serait une évolution profonde, Monsieur Albertini.

Je comprends également les propos de M. le ministre. Néanmoins, il est nécessaire de faire évoluer la politique de stationnement dans nos agglomérations car le système actuel représente une incitation à ne pas payer.

M. Christophe Caresche - Absolument.

M. Christian Philip - Si vous acceptez, Monsieur le ministre, que le problème soit reposé en deuxième lecture, je suis prêt à retirer l'amendement et à poursuivre la discussion avec vos services.

M. le Ministre délégué - Je suis d'accord.

L'amendement 1428 est retiré.

L'amendement 958 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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