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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 69ème jour de séance, 174ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 2 MARS 2004

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Sommaire

      LUTTE CONTRE LES DÉLOCALISATIONS 2

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 30

      FIN DES MISSIONS DE DEUX DÉPUTÉS 30

      A N N E X E ORDRE DU JOUR 31

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LUTTE CONTRE LES DÉLOCALISATIONS

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Maxime Gremetz et plusieurs de ses collègues tendant à instaurer des mesures d'urgence pour lutter contre les délocalisations.

M. Maxime Gremetz, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Je ne peux pas commencer, le président de la commission n'est pas là !

Mme la Présidente - Sa présence n'est pas une obligation ! Je suspends la séance quelques minutes.

La séance, suspendue, est reprise à 9 heures 40.

M. le Rapporteur - Le Président de la République a appelé le Gouvernement à faire de l'année 2004 celle de la lutte pour l'emploi. Pourtant, alors que chaque exigence du Medef est satisfaite, le Gouvernement est d'une stupéfiante passivité devant les délocalisations. Ce qu'attendent les salariés menacés dans leur emploi, ce n'est pas de la compassion, ce sont des mesures courageuses !

Or de plus en plus souvent, de grands groupes ferment leurs usines françaises pour les implanter à l'étranger, de préférence dans des pays à bas salaires, et réimporter ensuite leur production.

Cette violence faite aux salariés et aux territoires a conduit certains observateurs à parler de « patrons voyous ». Le Président de la République s'en est ému, mais rien n'a été fait.

Il est trop facile d'invoquer une prétendue fatalité économique. Les députés communistes et républicains, eux, proposent par ce texte de prendre des mesures d'urgence pour lutter contre les délocalisations, puis défendront le 4 mars une proposition de loi combattant l'emploi précaire.

Premier constat : la déréglementation planétaire des économies a amplifié le mouvement de délocalisation vers les pays en développement, ce qui se traduit chez nous par des licenciements massifs - près de 1 500 « plans sociaux » en 2003 contre 1 086 en 2002 ! -, mais aussi par une dégradation de notre balance commerciale.

Ne nous y trompons pas : si des sociétés préfèrent implanter leurs usines à l'étranger, ce n'est pas parce qu'elles peinent à vendre et sont en crise, mais parce qu'elles sont engagées dans une course à la rentabilité à l'échelle mondiale. La libéralisation sauvage des échanges leur permet d'investir à l'étranger sans contrôle : les flux d'investissement sortant de France représentent désormais 10 % de notre PIB et, au cours des années 1996-2000, ont représenté plus du double des flux entrants. Or l'INSEE avait déjà constaté que « les entreprises constamment internationalisées entre 1986 et 1992 perdent plus d'emplois, ou en créent moins, que celles qui ne le sont pas ».

Deuxième constat : les délocalisations menacent également notre potentiel productif. Les groupes qui délocalisent invoquent le « différentiel social » existant entre la France et d'autres pays : produire français reviendrait trop cher... Mais cet écart résulte de conditions de travail indignes dans les pays en développement. Il faut donc améliorer celles-ci plutôt qu'affaiblir celles des travailleurs français. Le coût horaire de la main-d'_uvre en France, d'ailleurs nettement moins élevé qu'au Japon ou en Allemagne, ne pourra de toute façon jamais rivaliser avec celui d'un pays en développement, la différence étant souvent de 1 à 10 - et quelquefois de 1 à 60 !

Les délocalisations contribuent également à faire disparaître progressivement nos grandes industries. Ainsi, depuis deux ans et demi, la production manufacturière a reculé chaque trimestre dans le secteur de l'habillement, du cuir et des chaussures : la chute approche de 20 % sur une seule année ! Entre l'automne 2002 et l'automne 2003, la baisse atteint 9,8 % pour les produits textiles, 6,1 % pour la sidérurgie et la métallurgie et 21,3 % pour le matériel ferroviaire.

Les gouvernements successifs se sont révélés incapables d'enrayer cette évolution et le secteur de l'habillement a perdu près de 40 % de ses entreprises et le tiers de ses effectifs depuis 1995, le secteur textile perdant plus de 10 % de ses emplois et la sidérurgie près de 15 %.

Et, contrairement à ce qu'on affirme ici ou là, des industries de pointe sont également affectées par les délocalisations, comme le démontrent les nombreux plans de licenciement touchant l'aérospatiale, l'informatique, les télécommunications et même, plus récemment, les centres d'appel, qu'on nous présentait pourtant comme l'avenir de la France.

Troisième constat : les délocalisations favorisent le chômage de masse en France et l'exploitation des travailleurs dans les pays en développement. Pour la première fois depuis dix ans, les effectifs employés dans l'industrie française ont diminué en 2003 d'environ 30 000 unités, ce qui ajoute encore aux effets des crises sectorielles plus anciennes, comme celle du secteur de l'habillement et de la chaussure qui a perdu plus de la moitié de ses effectifs en quinze ans. Or, la réinsertion des salariés ainsi licenciés est particulièrement difficile, en raison de l'âge de ces ouvriers et parce que les plans se concentrent sur les mêmes bassins d'emplois.

Les délocalisations portent aussi atteinte à l'aménagement équilibré du territoire national. En effet, les régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Ile-de-France, Rhône-Alpes, Centre et Pays de la Loire concentrent à elles seules plus de la moitié des 3 millions de salariés employés par des établissements industriels d'au moins vingt salariés. Une vague de délocalisations conduisant à des licenciements qu'il faudrait qualifier de « boursiers » plutôt que d'économiques peut déstabiliser durablement l'économie de ces régions et aggraver la « fracture territoriale ». Dans la région Picardie, plus de 1 100 emplois ont ainsi été perdus du fait de la délocalisation de Honeywell aux Etats-Unis, de Whirlpool en Slovaquie, ou encore, dans des conditions scandaleuses, de Magnetti Marelli et de Flodor.

Par ailleurs, les études montrent que les pays industrialisés importent de plus en plus des pays à faible coût de main-d'_uvre. Dans les secteurs du textile et de l'habillement, la part de ces importations est passée, entre 1985 et 1996, de 41 % à plus de 65 %.

Une approche arithmétique conduit naturellement les groupes dont les actionnaires réclament toujours plus de bénéfices, à transférer leurs usines dans des pays émergents presque dépourvus de protection sociale - tels que le Bangladesh, le Sri Lanka, le Cambodge ou l'Indonésie. Et ils n'hésitent pas à faire travailler dans des conditions inhumaines de jeunes enfants ainsi que des femmes. Je vous recommande à ce propos la lecture du récent rapport d'une ONG sur les conditions de travail sur les chaînes d'approvisionnement au Honduras : ces femmes n'ont pas de contrat de travail ni de couverture sociale, et elles ne sont pas payées de leurs heures supplémentaires.

Les conséquences dramatiques des délocalisations ont conduit à une prise de conscience au sein des organisations professionnelles. La présente proposition de loi, fruit d'une longue concertation, vise à réagir à ce phénomène, d'abord en rappelant avec fermeté les entreprises à leurs responsabilités sociales. Pour ce faire, elle prévoit un moratoire sur les délocalisations et la suspension des licenciements économiques liés à des investissements à l'étranger. Nous nous ménageons ainsi un délai pour élaborer des solutions permettant de poursuivre l'activité et de préserver l'emploi, au sein de commissions locales regroupant élus locaux, partenaires sociaux et acteurs économiques sous l'autorité des pouvoirs publics.

Il faut aussi en finir avec le versement d'aides publiques à des entreprises dont aucun effort n'est exigé en retour : cela n'a jamais d'autre effet que d'accroître les bénéfices distribués aux actionnaires. Nous proposons donc de n'accorder ces aides qu'aux groupes qui n'auront pas délocalisé l'une de leurs filiales. Il est en effet illusoire d'espérer une implantation durable d'un groupe qui a déjà montré son peu d'attachement à l'emploi en France.

La proposition prévoit ensuite, pour limiter le « dumping social » des pays en développement, de taxer les échanges liés aux délocalisations. Cela consiste d'abord à rendre moins rentables les investissements directs à l'étranger qui correspondent à des délocalisations. Grâce à la vigilance des organisations syndicales, on peut obliger les grands groupes à informer l'administration de tout projet de ce genre s'accompagnant d'un affaiblissement de l'activité en France. Ces investissements feraient alors l'objet d'une taxe spécifique, qui contribuerait à dissuader les entreprises ou à compenser le coût des délocalisations pour les finances publiques.

Pour agir sur les flux de marchandises entrants, la proposition tend à instituer une taxe sur les importations de biens produits dans des conditions socialement inacceptables, ce qui permettra de compenser le « différentiel social » et tendra par là même à réduire l'intérêt des délocalisations.

Il m'a été opposé en commission que ces taxes pourraient nuire au développement des pays d'origine de ces produits : étrange conception du développement que celle qui s'accommode de salaires de misère et du travail des enfants ! Est-ce aider ces peuples que d'accepter que les salaires soient divisés par 3, que les horaires soient flexibles, que le travail la nuit et le dimanche soit la règle ?

Mme la Présidente - Je vous invite à conclure !

M. le Rapporteur - Ce n'est pas de ma faute si nous avons pris du retard : le président de la commission s'est fait attendre...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Mon absence ne vous interdisait en rien de commencer à présenter votre proposition de loi !

M. le Rapporteur - Au contraire, l'affectation du produit de la taxe à un fonds de développement favoriserait un compromis commercial et un progrès perceptible dans ces pays.

La proposition vise enfin à mettre la politique d'aménagement du territoire au service de la relance de l'industrie dans les régions sinistrées, en mobilisant les moyens financiers de l'Union européenne et de l'Etat pour une réimplantation durable des industries les plus touchées par les délocalisations, au premier rang desquelles l'industrie textile et celle de l'habillement.

Ainsi conçue, cette proposition répond à l'appel des salariés victimes des délocalisations. Ceux qui, en commission, ont tenté de relativiser le constat devraient bien parcourir les régions sinistrées. Quant à ceux qui ont jugé ces mesures irréalistes, après les avoir caricaturées, je constate qu'ils n'ont proposé aucune solution nouvelle, si ce n'est de réduire toujours un peu plus la responsabilité sociale des entreprises !

Je regrette dans ces conditions que la commission ait « courageusement » préféré ne pas procéder à l'examen des articles et, en conséquence, ne pas formuler de conclusions. Cependant, l'Assemblée est souveraine et peut en décider autrement. En effet, cette proposition utile et nécessaire ouvre plusieurs pistes audacieuses. Elle peut être amendée et constitue avant tout un appel à l'action. En raison de la gravité des menaces pesant sur notre industrie et nos emplois, je ne peux que vous inviter à adopter ce texte qui est, non démagogique comme l'ont dit certains, mais bien réaliste, et qui a été élaboré en concertation avec les organisations syndicales. Nous l'avons présenté dans le Nord, en Picardie et dans d'autres régions et, à l'issue de la discussion, nous ne manquerons pas de rendre compte...

M. André Gerin - Démocratiquement !

M. le Rapporteur - ...démocratiquement en effet, des positions des uns et des autres. Il en va de l'emploi et de l'avenir industriel et technologique de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président de la commission - Monsieur Gremetz, je regrette la manière dont vous m'avez mis en cause. Si j'avais dix minutes de retard, c'est que j'étais en train de chercher un intérêt à votre proposition (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Rapporteur - Vous aviez eu tout le temps !

M. le Président de la commission - Sans doute m'aurait-il fallu bien plus longtemps.

M. André Gerin - Quel irrespect pour la représentation nationale !

M. le Président de la commission - Je regrette aussi que vous n'ayez pas fait part de manière objective de la discussion fort intéressante qui a eu lieu en commission.

Il y a bien un problème,...

Mme Muguette Jacquaint - S'il n'y en avait qu'un !

M. le Président de la commission - ...Et vos intentions sont bonnes. Qui pourrait être favorable aux délocalisations ? Certainement pas la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Muguette Jacquaint - Alors prouvez-le !

M. le Président de la commission - Mais un moment de bravoure parlementaire ne suffit pas à définir une politique.

D'abord, s'il suffisait de décréter l'interdiction des délocalisations pour régler le problème, nous le saurions, et vous aussi.

M. François-Michel Gonnot - Jospin l'aurait réglé !

M. le Président de la commission - Vous avez été très actifs lors de la discussion du projet de loi sur la modernisation sociale le 17 janvier 2002 et vous avez obtenu des avancées. Mais pourquoi n'avez-vous pas fait alors la proposition que vous faites aujourd'hui, puisque vous étiez dans la majorité ?

M. Alain Bocquet - On l'a faite !

M. le Président de la commission - Est-ce, alors, que le groupe communiste n'avait pas assez d'influence sur la majorité à laquelle il participait ?

Plusieurs députés communistes et républicains - Oui.

M. le Président de la commission - C'est un aveu. Je regrette que vous ayez souffert cinq ans sous cette majorité dont vous ne partagiez pas les objectifs.

M. le Rapporteur - Les objectifs, si...

M. le Président de la commission - Dans ce projet de loi, vous avez fait inscrire simplement une meilleure information sociale des syndicats sur les plans sociaux et des réunions locales sous l'égide du préfet pour faire des propositions. Voilà ce qui vous suffisait il y a deux ans (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) et aujourd'hui, vous voulez démontrer que c'est notre majorité qui n'aurait pas fait son travail.

M. Jean-Claude Lenoir - C'est dérisoire !

M. le Président de la commission - En second lieu, nous ne sommes pas seuls au monde.

M. le Rapporteur - Je l'ai dit.

M. le Président de la commission - Nous souhaitons que la majorité s'investisse dans deux directions, la première étant l'aide au développement. Ce n'est pas en décrétant une impossible interdiction qu'on résoudra les problèmes dans des pays dont les salaires de misère font des rivaux dangereux pour nos entreprises. Cette situation est scandaleuse, mais, pour notre part, nous n'avons pas diminué de moitié l'aide au développement comme l'a fait le gouvernement auquel vous participiez.

M. Jean-Claude Lenoir - Un scandale !

M. le Président de la commission - Comment, après cela, augmenter les minima sociaux dans ces pays ?

Mme Muguette Jacquaint - Augmentez-les d'abord en France !

M. le Président de la commission - Ensuite, s'il est un plaidoyer favorable à l'OMC, c'est bien votre démonstration. C'est l'OMC qui pourra répondre, en partie seulement, à ces problèmes. L'Europe vient d'ailleurs - et je remercie Mme la ministre d'y avoir contribué - de prendre une décision pour rééquilibrer les injustices en instaurant des surtaxes face aux initiatives inacceptables des Etats-Unis.

Enfin, j'ai cherché si au moins votre proposition ne se recommandait pas par son habileté, si elle n'offrait pas un cadre juridique imparable.

M. Alain Bocquet - Vous pouvez toujours l'amender.

M. le Président de la commission - Mieux vaut bien préparer un texte que d'avoir à l'amender en séance.

M. le Rapporteur - Et le travail parlementaire ? Apportez votre pierre.

M. le Président de la commission - C'est tout un mur qu'il faudrait construire, car vous faites surtout de la démagogie.

L'article premier décrète que « sont suspendues les opérations de délocalisation ». Quel texte juridique les définit ?

M. Alain Bocquet - Et les licenciements ?

M. le Président de la commission - De même, que sont les « suppressions d'emplois » mentionnées à l'article 2 ? Quelle loi les définit , dans quel contexte ?

Mme Muguette Jacquaint - Et les créations d'emplois de Raffarin ?

M. le Président de la commission - Tout ce que je vous dis, c'est qu'il aurait fallu travailler plus pour mieux rédiger ce texte. Peut-être qu'alors nous l'aurions accepté (Rires et exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

L'article 3 et l'article 4 sont du même acabit, et l'article 5 propose une procédure qui n'existe pas en droit français.

La commission, intéressée sur le principe, n'a donc pu vous suivre. Je vous suggère de reprendre la proposition, pour mieux la rédiger. En effet, nous ne sommes pas du tout sectaires...

M. François-Michel Gonnot - Mais non.

M. le Président de la commission - Nous sommes très objectifs (M. le rapporteur éclate de rire). Si une proposition traduisant une bonne intention était bonne sur le plan juridique, qui s'y opposerait ?

M. le Rapporteur - Vous n'êtes pas sectaires avec le Medef, c'est sûr !

M. le Président de la commission - Au titre de l'article 94-1 du Règlement, la commission ne présentant pas de conclusion, je vous demande de voter contre le passage à la discussion des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Bocquet - « Je suis fier d'être un patron qui délocalise », a affirmé Guillaume Sarkozy, vice-président du Medef. De tels propos sont à l'opposé des attentes des salariés, et de notre proposition de loi - proposition que, Monsieur le président de la commission, nous avions déjà déposée sous la législature précédente.

M. Jean-Claude Lenoir - Tiens donc.

M. François-Michel Gonnot - Mais elle n'a pas abouti.

M. Alain Bocquet - Vous refusez le débat...

M. le Président de la commission - Nous ne pouvons pas faire mieux que M. Jospin.

M. Alain Bocquet - ...alors que le gouvernement Raffarin propose en urgence un texte sur les délocalisations. Nous l'examinerons. Mais en attendant, JVC, Continental, Alcatel, Microlelectronics, Alstom, Arcelor, Schneider, STM Micro, OCT, SBR-SKF, TI-Groupe, Comilog, Mainetti, Ontex, Jackstadt, Lever, Altadis, tous ces groupes ferment des sites en France...

Mme Muguette Jacquaint - Aventis aussi.

M. Alain Bocquet - ...même s'ils sont rentables, pour délocaliser vers l'Asie où, - comme l'a rappelé le forum social de Bombay, l'exploitation de l'enfance fait leur richesse - et aussi, désormais, l'Europe de l'Est.

Le phénomène, connu depuis une vingtaine d'années, s'accélère, ce qui plonge les salariés français dans la pauvreté et détruit l'équilibre de nos territoires au mépris de l'intérêt collectif. En même temps, les fonds de pension qui se comportent comme en pays conquis reçoivent aides publiques et cadeaux fiscaux avant de partir ailleurs, fortune faite.

Le leitmotiv, c'est la rentabilité financière, au détriment du développement économique, de la législation sociale, d'une vraie politique de l'emploi.

Face aux drames pour les hommes, l'économie, l'environnement que provoquent les délocalisations, l'Assemblée doit examiner des mesures d'urgence. Cette politique d'abandon industriel porte atteinte à notre potentiel au point de mettre en danger des filières complètes comme la chaussure et le textile.

Je tiens à dénoncer très vigoureusement le désastre économique et le drame humain que vivent l'agglomération et la population de Roubaix-Tourcoing. Cette agglomération, qui fut la capitale mondiale du textile, devient, au seul nom du profit, un désert industriel : 2 500 emplois ont disparu en un an, l'équivalent de trois Metaleurop !

Dans l'automobile, de 1992 à 2002, le nombre des salariés est tombé de 310 000 à 270 000. La saturation des marchés n'est qu'un alibi, que contredit la progression des marchés de 5 points en France, de 9 points en Europe et de 61 points en Angleterre. Mais les prétendues surcapacités ont permis au patronat d'externaliser nombre de métiers et de déstructurer l'emploi. A présent, le prétexte du coût du travail conduit les constructeurs français à préciser leurs objectifs de délocalisation et à accroître leurs capacités de production à l'étranger. On a ainsi pu parler de ruée vers l'Europe de l'Est, où les 150 000 véhicules produits par les constructeurs français pourraient quintupler dès 2006, avec le risque, en France, de réimportations de véhicules et de problèmes d'emplois.

Tous les exemples montrent que désindustrialisation et délocalisations frappent de façon d'autant plus impitoyable que l'économie régresse. Certains membres du Gouvernement se prévalent du fait que la France soit la cinquième puissance industrielle du monde. Mais, en vingt ans, sa part dans la richesse intérieure produite a reculé d'un tiers et elle a perdu 1,5 million d'emplois. En une seule année, l'emploi industriel a reculé de 2,4 % et perdu 100 000 salariés.

Laisser se poursuivre les délocalisations, c'est donc prendre la responsabilité de réduire toujours plus la part des emplois industriels dans la population active, déjà tombée de 24 à 15 %. Autre risque : la coexistence d'une industrie faible et de services forts. L'emploi de création ou d'encadrement quitte progressivement le territoire national. Tôt ou tard la fuite généralisée des cerveaux et des compétences accompagnera la délocalisation du tissu industriel. Et les services suivront. Déjà, certains groupes transfèrent en Inde ou au Népal la facturation et d'autres tâches de gestion. On assiste au développement exponentiel de centres d'appel, intervenant sur le marché français depuis l'étranger, par exemple la Tunisie ou le Maroc, où législation et coût du travail sont adaptés aux exigences du patronat et où on a recours à des jeunes bac + 4, pour 380 € par mois, primes comprises. Dans ces conditions, qu'attendez-vous pour préserver nos atouts économiques, nos industries et nos services ?

Qu'attendent la France et votre gouvernement pour prendre des initiatives fortes exigeant un aménagement des législations mondiales et européennes, d'autant plus indispensable à l'heure de l'élargissement de l'Union et de la mondialisation ? Les députés communistes européens ont fait à ce propos une proposition intéressante en vue de la maîtrise des délocalisations en Europe par les représentants des salariés. Qu'attendez-vous pour peser sur les décisions et orientations de l'OMC ? Qu'attendez-vous pour engager l'autorité et le poids de la France dans des initiatives contribuant à harmoniser par le haut les réglementations du travail ?

Le capitalisme mondialisé achète ou détruit, vend, rétrocède ou développe les activités, les productions industrielles, les productions agricoles et agro-alimentaires, les productions de services uniquement en fonction de ses opportunités et de ses choix. C'est cela qu'il convient de stopper. L'homme n'est entre ses mains, qu'un moyen supplémentaire de parvenir à ses fins de rentabilité. Et les délocalisations que l'inertie complice de votre gouvernement laisse se développer nourrissent ces formes de mise en concurrence des peuples et des territoires entre eux, l'exploitation du monde du travail, les gâchis économiques et sociaux.

Promettre des mesures de revitalisation des bassins d'emplois, poser des emplâtres sociaux sur le cancer du chômage n'a strictement aucun sens, quand on laisse comme vous le faites, éclater des entreprises modernes dotées de personnels jeunes et qualifiés. Il faut prendre le problème à bras-le-corps en imposant d'autres choix.

Mme la Présidente - Veuillez conclure

M. Alain Bocquet - Nous ne disposons que trop rarement de niches nous permettant d'aborder ici les vrais sujets...

Agir est d'autant plus urgent que les régions frappées sont souvent celles qui subissaient déjà les difficultés économiques et sociales les plus graves. Ainsi l'écart se creuse un peu plus encore, pour les populations de ces zones en déclin. Et la décentralisation que vous projetez ne fera que renforcer l'inégalité entre les régions et entre les droits des habitants.

Devant l'ampleur du phénomène, nous proposons un moratoire immédiat sur les délocalisations afin de suspendre tout licenciement et toute fermeture décidés sans concertation avec les salariés. Cette suspension permettrait de réunir des comités d'urgence afin de dégager les solutions pour maintenir l'emploi sur le territoire et aider à la poursuite de l'activité. Enfin, les entreprises qui procèdent à ces délocalisations à des fins de profit maximum, devraient être tenues, non seulement de s'acquitter de leurs obligations légales, mais de rembourser toutes les aides publiques perçues.

Cette proposition répond à une situation d'urgence. Le monde du travail attend des pouvoirs publics qu'ils réagissent face aux agissements du patronat et face aux drames que vivent les salariés. Ces derniers exigent des actes concrets. Ne pas agir, ce serait cultiver le renoncement, encourager la poursuite de choix économiques décidés dans le secret des conseils d'administration, auxquels il faudrait se résigner, tantôt au nom de la mondialisation, tantôt au nom de la compétitivité des entreprises. C'est un discours d'un autre âge, uniquement soucieux de faire avaler au monde du travail la pilule du profit boursier, et qui ne produit que davantage de chômage et de précarité.

La vraie modernité, c'est investir pour produire et créer en France. C'est aussi mobiliser les ressources politiques, législatives et budgétaires de l'Etat pour renverser la vapeur, pour donner le signal d'un redéploiement en France de l'investissement économique et industriel, créateur d'activités et de services, d'emplois pour la jeunesse, les chômeurs et les salariés de ce pays. Tel est le sens de cette proposition et, plus que jamais, de notre combat pour l'économie et pour l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Lenoir - La radio nous le disait ce matin, ce mardi est consacré par l'opposition à la contestation. Avant la motion de censure cet après-midi, nous avons donc cette proposition en hors-d'_uvre... (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Alain Bocquet - Merci pour les chômeurs !

M. Jean-Claude Lenoir - Il y a, derrière ce sujet, des licenciements, des drames humains. Elu d'une circonscription durement touchée par la disparition de Moulinex, je n'ai pas le souvenir que cela avait beaucoup ému le gouvernement Jospin...

M. le Président de la commission et M. Rodolphe Thomas - C'est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir - Sur ce sujet, le discours des économistes est difficilement audible par ceux qui sont persuadés d'avoir perdu leur emploi parce que l'entreprise a délocalisé. Il ne faut pourtant pas céder à la démagogie et, surtout quand on réclame des « mesures courageuses », avoir soi-même le courage de dire la vérité.

M. le Rapporteur - Vous me traitez de menteur ?

M. Jean-Claude Lenoir - Vous reconnaissez vous-même que nous parlons d'un phénomène qui n'est pas vraiment quantifié. Peut-être pourrions-nous au moins nous mettre d'accord sur une définition économiquement correcte : une délocalisation est le transfert de tout ou partie de l'appareil productif afin de réimporter sur le territoire national des biens et produits à moindre coût. On pourrait ajouter qu'il s'agit aussi de se rapprocher du marché international. Certes, nous manquons d'éléments précis, mais les études produites par nos missions économiques à l'étranger en 1999-2000 montrent que 5 % des investissements directs à l'étranger se sont faits sur des marchés proches, essentiellement dans la zone euro-méditerranéenne, 1 % sur les marchés lointains, et que 10 % - soit 4 % du total des investissements français - se sont faits dans les pays en voie de développement.

Ces derniers investissements relèvent souvent de secteurs dynamiques et créateurs d'emplois. Ainsi, de 1997 à 2001, période au cours de laquelle M. Bocquet et M. Gremetz ont soutenu avec un zèle marqué le gouvernement Jospin, les dix secteurs principaux de l'industrie manufacturière, représentant 60 % des flux cumulés et 75 % des emplois, ont investi 37 milliards d'euros à l'étranger et créé 100 000 emplois en France. On voit que l'appréciation sur ce phénomène mérite d'être nuancée.

Avant d'entrer dans l'hémicycle, le rapporteur m'a mis en garde contre l'utilisation des documents produits par le ministère des finances et de l'industrie. Ce sont pourtant des documents officiels, qui font foi et auxquels M. Gremetz se réfère lui-même dans son rapport !

Ce phénomène atteint l'ensemble des pays industrialisés. Ceux qui ont été les premiers à bénéficier des délocalisations, l'Irlande en Europe et la Corée du sud en Asie, commencent eux-mêmes à être concurrencés par les pays à bas salaires ! Les centres de services commencent à quitter l'Irlande pour l'Europe de l'Est ou l'Asie, et Taiwan, premier producteur de micro-ordinateurs et de mobiles, fait fabriquer ses produits en Chine !

Le coût de la main-d'_uvre est loin d'être le seul critère pour assurer la compétitivité à l'exportation. Il y en a beaucoup d'autres : la productivité, le coût des biens intermédiaires, les loyers, le coût des emprunts, les taux de change, l'environnement physique et réglementaire, la qualité de la main-d'_uvre, la fiscalité, la sécurité des approvisionnements par exemple... Ces critères commencent à apparaître comme plus déterminants que le coût des salaires et l'on observe même un phénomène, marginal mais nouveau, de retour des investissements : les entreprises se retirent de certains pays à bas salaires pour des raisons liées à la productivité, à la qualité de la main-d'_uvre et à l'instabilité politique.

Un constat devrait rendre l'auteur de cette proposition plus modeste : la France a perdu beaucoup de terrain pendant la période où le groupe communiste non seulement participait au gouvernement, mais l'appuyait sans faille !

M. le Rapporteur - Il faut dire la vérité, Monsieur Lenoir !

M. Jean-Claude Lenoir - En 1995, la France était troisième pour les flux d'investissements directs à l'étranger, derrière les Etats-Unis et la Chine. En 2000, elle était passée au huitième rang ! Et la CNUCED nous apprend que la France était au 22e rang des investissements internationaux entre 1988 et 1990, et au 29e entre 1998 et 2000... Le rapport ne le contredit d'ailleurs pas. J'ai été surpris, en le lisant dès potron-minet ce matin, de voir le décalage entre la première partie, qui fournit des données objectives, et la seconde, constituée de commentaires et de propositions qui versent dans une démagogie d'un autre siècle.

M. le Rapporteur - Menteur, démagogue, et quoi encore ? Le rapporteur mérite un minimum de respect !

M. Jean-Claude Lenoir - Le rapporteur, qui doit laisser parler l'orateur, relève une accélération de l'internationalisation des grands groupes industriels français entre 1997 et 2002. Selon lui, il s'agit d'un processus ancien, que les gouvernements successifs n'ont pas su maîtriser.

M. le Rapporteur - C'est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir - Le secteur de la chaussure en est un exemple cruel. Entre 1995 et 2002, période où vous étiez au pouvoir, les importations ont augmenté de 76 %. Entre 1990 et 2002, les effectifs ont diminué de 53 %... Que je me souvienne, cela n'a pas donné lieu à des discours semblables à celui que nous avons entendu ce matin !

Quels sont donc les freins à notre attractivité ? Le premier est, bien sûr, les 35 heures.

Plusieurs députés socialistes - Cela faisait longtemps !

M. Jean-Claude Lenoir - En renchérissant le coût du travail, elles ont eu un effet dévastateur !

M. le Président de la commission - Plus 11 % !

M. Jean-Claude Lenoir - Une mission d'information conduite par l'Assemblée est en train de mettre en avant leurs effets ravageurs. J'y ajoute des phénomènes périphériques : une réglementation lourde et tatillonne, et les incertitudes liées aux propositions démagogiques qui fleurissent dans nos assemblées. Un autre frein se trouve dans le niveau des prélèvements obligatoires. La France est le pays où ils sont les plus lourds ! En 1999, ils s'élevaient à 46 % du PIB, contre 43 pour l'Italie, 37 pour l'Allemagne, 29 pour les Etats-Unis et 27 pour le Japon. La moyenne de l'Union européenne était de 41 % et celle de l'OCDE de 37 !

Des solutions sont proposées. Il y a les bonnes et les autres, dont font partie celles de M. Gremetz. Elles avaient d'ailleurs déjà été présentées lors de la précédente législature et n'avaient pas eu l'heur d'intéresser le gouvernement de M. Jospin. Vous avez, Monsieur Gremetz, laissé aller votre imagination jusqu'au mur de l'imaginaire. Votre logique est complètement étrangère au monde qui nous entoure. Vous avez l'audace de parler de mesures d'urgence, mais que n'avez-vous _uvré pendant que vous étiez au pouvoir ? La loi de modernisation sociale vous offrait une excellente occasion de mettre en _uvre vos solutions miracle !

M. le Rapporteur - Miracle ?

M. Jean-Claude Lenoir - Certaines de vos propositions méritent d'être signalées. Vous voulez suspendre les délocalisations dès le vote de la loi. Vous demandez donc aux pouvoirs publics d'intervenir de façon autoritaire et de se substituer au libre choix des entrepreneurs. (« Ah ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Chacun assume la responsabilité de ses propositions... Vous proposez ensuite de taxer les investissements profitables.

M. le Rapporteur - Croyez bien que je prendrai le temps de vous répondre !

M. Jean-Claude Lenoir - Ce sont vos propres termes. Comment définissez-vous les investissements profitables ou non ? Un investisseur doit-il s'engager à ne pas faire de profit pour être autorisé à investir à l'étranger ? (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Rapporteur - C'est extraordinaire !

M. Jean-Claude Lenoir - Une autre proposition relève réellement d'un autre âge : M. Gremetz veut établir des quotas d'importations.

M. le Rapporteur - Où avez-vous vu des quotas ?

M. Jean-Claude Lenoir - Dans votre proposition.

M. le Rapporteur - Il ne sait pas lire !

M. Jean-Claude Lenoir - Vous avez déjà oublié le texte de votre proposition !

Mme la Présidente - Monsieur Gremetz, vous aurez la parole tout à l'heure.

M. Jean-Claude Lenoir - M. Gremetz se propose ensuite de taxer les importations en provenance des pays pauvres. Ceux-ci pourront s'interroger sur l'intérêt que leur porte le groupe communiste ! Vous voulez substituer la logique de l'assistance à celle du développement... Vous demandez enfin de rapatrier en cinq ans le cinquième des travaux effectués à l'étranger. Revoilà enfin le bon vieux rêve de la planification à la soviétique ! Vous avez la nostalgie de ce temps où l'on pouvait décider ce qu'on voulait, même si l'on n'était pas capable de suivre cette décision...

Mme Muguette Jacquaint - Et personne ne décide autoritairement, aujourd'hui ?

M. Jean-Claude Lenoir - Monsieur Gremetz, avez-vous vérifié ce matin d'où venaient votre cravate, votre chemise et votre costume ?

M. le Rapporteur - Made in France !

M. Jean-Claude Lenoir - Moi aussi. Mais pouvez-vous être sûr que ce sera le cas tous les matins ? Avez-vous toujours acheté français ?

A la grande surprise de nombreux membres de la commission, des représentants éminents du groupe socialiste, qui semblent trouver beaucoup de vertus à cette proposition de loi, ont indiqué qu'ils la voteraient, sous réserve de quelques modifications mineures. La démagogie est contagieuse, surtout en cette période électorale ! Vous obéissez à une logique protectionniste d'un autre âge. Malheureusement, la démagogie est le terrain sur lequel se retrouvent souvent les extrêmes.

Reprenons un rapport des services statistiques du ministère de l'industrie sur l'économie picarde, le développement international de ses entreprises y serait insuffisant alors que l'investissement étranger est un axe majeur du développement industriel de cette région. Avec 580 établissements, les groupes français emploient environ 49 000 salariés, alors qu'avec 307 entreprises, les groupes étrangers en font travailler un peu plus de 45 000 ! Est-il cohérent de dénoncer les investissements français à l'étranger quand votre propre région profite des investissements étrangers ?

M. le Rapporteur - Je vais vous l'expliquer.

M. Jean-Claude Lenoir - Quelles seraient les bonnes solutions ? Tout d'abord, concentrer les efforts sur les instances multilatérales qui doivent condamner les comportements les plus contestables, veiller au respect de la réciprocité et de l'équité du commerce.

L'OMC et l'OIT se sont rapprochées. Un accord a ainsi été conclu en 1998 pour garantir les droits fondamentaux des travailleurs. Une convention a été signée en 2000 pour interdire le travail des enfants. En 2001, l'Union européenne a décidé d'accorder une préférence généralisée aux pays en développement qui respectent les droits fondamentaux.

Quant à l'OMC, le sujet majeur de la conférence de Doha était le développement social.

Deuxième axe : améliorer la compétitivité des entreprises sur notre territoire, grâce à un effort de formation, d'innovation, et à la baisse des charges sociales. Mme la ministre nous parlera de la taxe professionnelle. Il faut, par ailleurs, maîtriser la dépense publique, et c'est la première fois, en 2003, depuis plus de vingt ans, que les dépenses publiques n'ont pas excédé les dépenses votées par le Parlement. Il faut, enfin, accompagner les entreprises dans l'internationalisation.

Dernier axe : la lutte contre la contrefaçon et la promotion d'une véritable politique européenne.

Nous savons prendre nos responsabilités pour mener une politique sur le long terme et, surtout, dire la vérité à nos électeurs : c'est là-dessus que nous serons jugés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. David Habib - Il y a quelques semaines, alors que Sony venait de fermer une unité industrielle sur Bayonne, et au moment où Total se retire du Béarn, le président UDF du conseil général des Pyrénées-Atlantiques me soutenait qu'à un emploi industriel supprimé se substituait immédiatement un emploi dans le tertiaire. Comme si l'un valait l'autre ! En réalité, il confessait le rêve secret d'une partie de la droite : un pays sans usines ni ouvriers.

Cette proposition de loi est la bienvenue. Elle fait suite à de nombreux rapports d'après lesquels il n'y aurait pas de désindustrialisation mais une mutation de notre économie, à l'initiative du Président de la République qui nous annonçait que 2004 serait l'année de l'emploi, et surtout à la dégradation de l'emploi depuis deux ans. Un rapport de l'INSEE en témoigne. Ainsi, en 2003, notre industrie a dégagé un excédent de 4 milliards d'euros alors que l'industrie allemande générait un solde positif de 130 milliards d'euros !

Et que dire de la recherche ! Et de la part de l'emploi industriel sous contrôle étranger ! Nos régions vivent douloureusement les fermetures d'unité comme celles du GIAT, d'Alsthom, de Pechiney ou, prochainement, de Total.

Il est urgent de replacer l'industrie au premier rang de nos préoccupations et de lancer un signe fort à ceux qui investissent, créent de la richesse et de l'emploi.

Le groupe socialiste souhaite donc ce débat et a déposé plusieurs amendements pour définir le concept de délocalisation, reprendre des dispositions autrefois contenues dans la loi de modernisation sociale et surtout revenir sur le cadeau fiscal aberrant que vous avez accordé par la loi Dutreil aux industriels qui délocalisent.

Mais il faut aller plus loin, aussi vous demandons-nous d'engager le débat...

M. le Président de la commission - Que ne l'avez-vous fait ?

M. David Habib - ...pour parler des contraintes monétaires, de la politique industrielle européenne, de l'innovation, de la recherche, des aides à l'emploi, de l'obsolescence de notre système bancaire, de ces 30 à 40 milliards d'euros qui quittent chaque année la France pour les Etats-Unis, de l'aménagement du territoire.

M. le Président de la commission - Qu'a fait Mme Voynet ?

M. David Habib - Ce qui se passe dans la chimie est une honte nationale. D'ici trois ans, la France aura perdu son opérateur dans ce domaine et ses unités auront été pratiquement sacrifiées.

Enfin, j'évoquerai la dimension morale et politique de ce débat. Morale car il s'agit du travail de femmes et d'hommes à revenus souvent modestes qui, en perdant leur emploi, perdent confiance dans l'Etat.

Politique car, à ceux qui contestent le progrès économique et technologique, il est temps de rappeler que la France ne s'en sortira qu'en faisant le pari de la croissance et du progrès social. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste souhaite que les articles de cette proposition soient examinés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Rodolphe Thomas - Tous les élus en conviennent : la production industrielle doit être au c_ur des préoccupations françaises. Notre industrie ne traverse pas une période faste : elle a perdu 33 000 emplois salaires au dernier trimestre 2003.

En France, les petites entreprises sont trop souvent rachetées par les grosses structures. Rares sont les PME qui dépassent le cap des trois ans. Face à ces gros groupes, les sous-traitants sont fragilisés, et ils ne sont pas protégés par une réglementation adaptée.

Par ailleurs, nous assistons, impuissants, à des fermetures et délocalisations d'entreprises - Renault-Vilvoorde, Michelin, Uniroyal, Moulinex...- motivées par un ensemble de raisons : coût du travail inférieur, diminution des coûts de transport et de communication, grande disponibilité de la main-d'_uvre liée à une législation sociale quasi inexistante - en France, la loi sur les 35 heures n'a pas amélioré la situation ! -, mesures incitatives prises par les Etats - tarifications douanières privilégiées en Thaïlande, dispositions juridiques facilitant les transferts financiers au Maroc, fiscalité attrayante à Taïwan... Mais si le nombre des délocalisations s'est fortement accru au cours des deux dernières décennies, c'est surtout parce qu'en période de crise, la concurrence se fait essentiellement sur le prix, qui devient le facteur déterminant de la décision d'achat.

Le phénomène des délocalisations se double d'une externalisation des services à l'industrie, toujours dans le but de diminuer les charges et les contraintes salariales. Les chiffres de la DATAR sur l'activité industrielle masquent le déclin de notre industrie car ils résultent de l'addition des emplois industriels purs et des emplois dans les services rendus à l'industrie, qui sont des activités externalisées.

Les économies réalisées sur le coût du travail constituant la motivation essentielle des délocalisations, tous les secteurs ne sont pas touchés de la même manière ; mais par exemple, les deux tiers des chaussures vendues en France sont importées, et la plupart des téléviseurs, magnétoscopes, radios, réveils, micro-ordinateurs sont fabriqués ou assemblés dans des pays d'Asie. En mai dernier, Madame la ministre, je vous ai alertée sur les pressions subies par de nombreuses entreprises sous-traitantes des grands équipementiers automobiles pour qu'elles aillent s'implanter dans les pays d'Europe de l'Est, lesquels ne sont pas en mesure de fournir une production de haut niveau.

Comment faire, donc, pour conserver en France une activité de production ? Les députés communistes et républicains proposent de durcir les contraintes et alourdir les taxations qui pèsent sur les entreprises. L'UDF considère que ce serait contre-productif, surtout au moment où ces contraintes diminuent dans les autres pays.

M. le Président de la commission - Très bien !

M. Rodolphe Thomas - Par ailleurs, la politique de la gauche plurielle pour renchérir le coût des plans sociaux n'a pas eu les résultats escomptés.

Pour notre part, nous proposons d'alléger les contraintes administratives, de soutenir les efforts d'innovation et de diminuer le coût du travail par une baisse des charges, en particulier sur les bas salaires.

M. le Rapporteur - Toujours les vieilles recettes !

M. Rodolphe Thomas - Nous proposons la création d'« emplois francs », sur lesquels les charges sociales seraient réduites à 10 % du salaire brut pendant cinq ans.

Mais la décision d'implantation d'une entreprise ne dépend pas seulement du coût de la main-d'_uvre : il faut renforcer l'attractivité de la France en mettant l'accent sur la formation professionnelle, l'innovation et la recherche-développement.

M. Jean-Claude Lenoir - Très bien !

M. Rodolphe Thomas - Nous en sommes convaincus, le mouvement de délocalisation n'est pas inexorable. Tout dépend de notre inventivité. Bien sûr, nous devons nous concentrer sur les secteurs où nous pouvons être compétitifs.

Nous devons aussi venir en aide aux secteurs et régions touchés par les délocalisations et les plans sociaux. La reconversion des territoires suppose des stratégies innovantes. C'est ainsi que dans ma circonscription, touchée par la dramatique fermeture de Moulinex en 2001, j'étudie avec un groupe de travail un projet de recyclage électroménager.

Mais pour permettre aux salariés de retrouver du travail, des cellules de reclassement efficaces ne suffisent pas : la formation tout au long de la vie est indispensable.

Cette proposition de loi n'apportant pas les bonnes solutions, le groupe UDF ne la votera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Claude Darciaux - Les délocalisations des services ou d'usines vers des pays émergents sont plus que jamais une réalité. Des milliers d'emplois sont menacés, particulièrement au profit de la Chine pour les activités industrielles et de l'Inde pour les services. La demande du Président de la République au Gouvernement de faire de la lutte contre la désindustrialisation une priorité ne serait-elle qu'un v_u pieux ? En 2003, le nombre de plans sociaux a augmenté de 26 % et les défaillances d'entreprises de 11,7 % ! Après avoir cassé tous les outils d'une politique active de l'emploi mise en place par le gouvernement de Lionel Jospin, ce gouvernement s'engage dans une voie qui accentue la fracture sociale et territoriale. La France a-t-elle un avenir industriel ? Telle est aujourd'hui la question.

Elue bourguignonne, je puis témoigner des lourdes menaces qui touchent la Saône-et-Loire, chez Kodak, où il est prévu de supprimer 15 000 emplois sur l'ensemble des sites dans le monde d'ici à 2007 et d'externaliser les services informatique et comptable. En Côte-d'Or, chez Thomson et Schneider, où 130 emplois sont menacés et dans la Nièvre à Imphy. Dans ma circonscription, nous avons déjà connu il y a dix ans la délocalisation de Hoover en Ecosse, puis de Philips. Près de 400 salariés pourraient être licenciés chez Thomson, où l'Etat s'est désengagé du capital. Alain Juppé, en 1996, avait même envisagé de vendre Thomson au coréen Daewoo pour le franc symbolique !

Schneider vient de réaliser la vente de toute l'informatique du groupe à un prestataire de services et s'apprête à supprimer 450 postes.

Je me souviens d'une époque où le patronat contestait vigoureusement les politiques consistant à verser des subventions en contrepartie d'embauches. Cependant, dans l'agglomération dijonnaise, des contrats sont passés avec de grands groupes industriels, le japonais Koyo Seiko et le français Urgo, pour que la participation financière de la communauté d'agglomération se fasse en contrepartie d'un maintien de l'effectif salarié et des investissements réalisés par le groupe. N'attendons pas que la solution au problème des délocalisations vienne du marché ou de la baisse des cotisations sociales : il faut une politique volontariste de l'emploi.

La politique de soutien aux entreprises passe par le développement des infrastructures de communication et le resserrement des liens entre l'industrie et la recherche ainsi qu'entre l'industrie et l'enseignement, afin de développer l'innovation technologique. N'oublions pas aussi la nécessité d'actions en faveur du développement durable.

Par ailleurs, il faut relancer l'harmonisation sociale et fiscale européenne, lutter contre les paradis fiscaux, assurer une meilleure cohérence des politiques au niveau européen et international.

En France, parce que les cotisations chômage payées par les entreprises le sont par le biais d'impôts assis sur la masse salariale, les entreprises qui licencient ne versent pas plus que les autres, malheureusement.

Nous devons exiger que le respect du droit du travail fasse partie intégrante de leur stratégie commerciale et refuser une plus grande flexibilité du travail. Faisons donc prévaloir l'intérêt des salariés contre les logiques comptables et financières ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Bataille - Nos collègues de la majorité défendent décidément des conceptions bien caricaturales ! A entendre M. Lenoir par exemple, après que le gouvernement de gauche a abaissé la France, nous vivrions dans un Eden...

M. Jean-Claude Lenoir - C'est la vérité !

M. Christian Bataille - La vérité est tout autre : le gouvernement Jospin a réussi à réduire le chômage et à créer des emplois alors que vous en êtes réduits à manipuler les statistiques pour masquer une forte augmentation du nombre de demandeurs d'emploi !

On ne peut évacuer le problème des déménagements d'entreprises par des boutades et le rapport de qualité présenté par M. Gremetz est donc une contribution bienvenue à la réflexion qui s'impose.

M. Alain Bocquet - En effet !

M. Christian Bataille - Certes, il convient de s'entendre sur ce que signifie le terme « délocalisation » : nous ne saurions en particulier ranger sous cette rubrique les déplacements d'entreprises à l'intérieur d'une région ni même de notre pays. Le mot ne peut désigner que le transfert d'activités vers des pays où les coûts salariaux sont faibles et la protection de l'environnement déficiente - y compris vers les pays du sud et de l'est de l'Europe. Les entreprises qui délocalisent prennent en « otages » les conquêtes sociales et les contraintes écologiques, c'est-à-dire tout ce qui peut augmenter le coût d'un produit ! Or ce comportement est encouragé, hélas, par une conception libérale de l'Europe et par la juxtaposition, au sein de l'Union, de pays aux niveaux de développement très divers.

Mais cette proposition de loi pose aussi un problème plus vaste : celui du retour à une action volontariste de la puissance publique, en économie...

M. Jean-Claude Lenoir - Du retour à l'étatisme !

M. Christian Bataille - Quand on pourra dresser un bilan dépassionné des nationalisations de 1981, on constatera qu'elles ont sauvé de grandes industries du naufrage.

M. Jean-Claude Lenoir - Non : qu'elles ont été désastreuses !

M. Christian Bataille - Si l'on nous permet de discuter plus avant de la proposition, notre groupe défendra des amendements visant à ajuster ce texte à la réalité économique mais, indiscutablement, ce débat est utile pour commencer à conjurer le risque d'une perte de substance industrielle - et, élu du Nord-Pas-de-Calais, je sais de quoi il retourne !

M. Alain Bocquet - Moi aussi !

M. Christian Bataille - Cette région est celle de Metaleurop et d'une industrie textile qui n'en finit pas de perdre des emplois...

M. Jean-Claude Lenoir - Et Vilvoorde ?

M. Christian Bataille - Les théoriciens de l'ultralibéralisme défendent une certaine division internationale du travail : aux pays moins développés les industries de main-d'_uvre et les industries lourdes ; aux autres, dont la France, les activités tertiaires sophistiquées, confortées par une recherche... qu'on met néanmoins à mal ! Une telle conception est une folie pour notre pays : elle aggraverait le cancer du chômage et laisserait sur le pavé les travailleurs peu qualifiés. C'est bien plutôt à l'ardente obligation du plan, comme on disait autrefois dans ce qui est aujourd'hui l'UMP, c'est bien plutôt à la puissance publique qu'il faut s'en remettre. Il importe donc que cette discussion se poursuive, ce qui permettra à chacun de prendre clairement position, au vu de tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Ducout - La multiplication des fermetures de sites et la brutalité des plans sociaux provoquent des traumatismes chez des milliers de salariés, jetés à la rue sans espoir de reclassement. Ces plans sociaux résultent parfois d'une baisse d'activité ou de l'obsolescence des produits, mais ils sont souvent l'effet de délocalisations vers des pays à bas salaires, décidées par des multinationales à la recherche d'une plus forte rentabilité. Ces comportements sont inacceptables pour les salariés, mais aussi pour notre pays car ils entraînent une situation d'incertitude qui nuit à la confiance et à la consommation, donc à la croissance.

L'idéologie ultra-libérale du laisser-faire, pratiquée à la remorque du Medef, est socialement inacceptable et contre-productive.

Sans aller toujours assez loin, la loi de modernisation sociale adoptée à l'initiative du gouvernement précédent permettait de mieux protéger les salariés confrontés à des plans sociaux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Sous la pression du Medef, le Gouvernement actuel a remis en cause nombre de ces dispositions : il faut les rétablir. Certaines entreprises obligées par la concurrence à se restructurer sont d'ailleurs allées au-delà de ces obligations sans pour autant compromettre leur viabilité.

Il convient par ailleurs de s'entendre sur la définition des délocalisations et de ne pas donner une image manichéenne des propositions de la gauche - n'est-ce pas, Monsieur Lenoir ? Ce n'est pas la même chose que de déménager de nuit des machines vers des pays à bas salaires et que de s'implanter hors de France pour répondre au développement de tel ou tel marché. Nous devons, comme le souhaite l'OIT, travailler à une mondialisation qui profite à tous, ce qui suppose une gouvernance mondiale créant partout des emplois de qualité, dans le cadre d'une économie de marché contrôlée.

Mais, comme le souligne le même rapport de l'OIT, même dans les pays à l'économie florissante, certains travailleurs ou certaines collectivités souffrent de la mondialisation. On ne peut l'accepter sans réagir et il faut donc une politique économique et sociale forte, à l'échelle de l'Europe comme à l'échelle de la France. Cette politique doit s'appuyer sur les régions et, de ce point de vue, la proposition de constituer des cellules de crises, que nous trouvons dans l'article 2 de la proposition, rejoint la pratique des exécutifs régionaux de gauche qui proposent aux entreprises des aides, des interventions économiques, des études de marché, des actions de formation, afin de prévenir les délocalisations. C'est ainsi qu'en Aquitaine, nous avons créé une agence de développement industriel, renforcé les liens entre universités et entreprises, augmenté le budget des centres de recherche et constitué une cellule d'appui aux entreprises en difficulté.

La désindustrialisation n'est pas une fatalité pour l'Europe, mais la politique française actuelle d'abandon de la recherche et d'ultralibéralisme nous met en mauvaise position pour intervenir auprès de nos partenaires.

L'article 4 de la proposition vise à réguler le commerce international en taxant certains formes de dumping social. Il faut en effet des règles multilatérales et des pratiques bilatérales équitables et équilibrés. Par ailleurs, dans le cadre de l'Union européenne élargie, des phases transitoires longues permettront d'adapter structures et productions dans les pays où le coût de la main-d'_uvre est bas, de manière à éviter les délocalisations - en particulier celles qui menaceraient le secteur agro-alimentaire, et je pense ici spécialement à l'usine LU de ma circonscription. En revanche, pour ce qui est de l'électronique, nous ne pouvons faire l'économie d'une action volontariste de l'Etat national, les régions ne pouvant à elles seules prévenir les délocalisations : 400 emplois de ce secteur ont ainsi quitté ma circonscription pour Timisoara, en Roumanie.

Comme le note l'OIT, « l'ouverture aux exportations des pays en développement aura un coût social élevé pour certains travailleurs des pays industrialisés ». Pour y remédier, il faut une politique nationale énergique. Le groupe communiste et républicain a donc raison d'exiger des mesures d'urgence, dont la première devrait être de rétablir dans son intégralité la loi de modernisation sociale. Mais nous proposerons également de prendre en compte le commerce équitable et durable pour traiter en amont les difficultés des entreprises dans nos régions. C'est pourquoi nous voterons pour qu'on délibère sur cette proposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Claude Lenoir - Démagogique ! (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Rapporteur - Et vous, vous êtes en haut !

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Depuis près de vingt mois, la France souffre de vagues de délocalisations et de licenciements. Le nombre de chômeurs s'est accru de 196 000 en 2003, celui des bénéficiaires du RMI a franchi le cap du million et la fréquentation des associations caritatives ne cesse d'augmenter tandis que de plus en plus d'enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Face aux plans sociaux qui s'accumulent, le Gouvernement ne répond plus, pire, il laisse faire et facilite même les licenciements en abandonnant toute politique d'aménagement du territoire, en refusant une action volontariste pour l'industrie, en renonçant aux mécanismes de solidarité. Vous livrez silencieusement les salariés au Medef et à la précarité.

Ainsi, dans la Nièvre, le pôle sidérurgique d'Imphy est en train d'être démantelé. Les parlementaires nivernais ont demandé à maintes reprises audience auprès du Gouvernement pour appliquer un plan emploi qui ne peut se réaliser qu'avec le concours de l'Etat. Nous n'avons eu à ce jour aucune réponse. Ou faut-il considérer que cette réponse, c'est le nouveau plan social qui va être rendu public dans quelques jours ? Faut-il dire à nos concitoyens que l'Etat n'a plus pour mission de les protéger ? C'est la conclusion qu'ils tirent, puisque vous annoncez publiquement que vous laissez faire les délocalisations, que vous les encouragez même comme c'est le cas pour Eramet, dont l'Etat est pourtant actionnaire, et puisque vous avez supprimé la loi de modernisation sociale et abandonné la politique de la recherche.

Privilégier ainsi le profit immédiat est une politique à courte vue. Jamais les salariés, se sentant menacés, n'ont autant épargné, au détriment de la consommation et de la reprise. Et le marché français n'étant plus prometteur, les délocalisations s'accélèrent. Mais vous êtes sourds et aveugles à ce que ressent la France d'en bas, que vous ne croisez pas dans les cabinets ministériels ni dans les couloirs de la Bourse, à ces chômeurs ou futurs chômeurs que nous recevons dans nos permanences, et qui se battent pour ne pas perdre pied. A leurs messages de détresse, faut-il opposer une fin de non-recevoir ?

Je ne peux m'y résoudre. La puissance publique doit agir. En premier lieu, il faut, comme d'autres pays, développer de puissantes politiques technologiques et industrielles, soutenir la recherche, la coopération entre public et privé, et mettre en place des outils de veille et d'anticipation. Ensuite, il faut que la politique industrielle soit au centre de la construction européenne. Enfin, nous devons relancer les mécanismes de solidarité et lutter contre le travail précaire, d'autant qu'un salarié rassuré sur son emploi sera plus productif. D'autres mesures sont possibles. Mais il est urgent d'agir, face aux drames humains que connaît notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Rapporteur - Je ne peux laisser sans réponse des propos caricaturaux.

M. Ollier et M. Lenoir ont demandé pourquoi nous n'avions pas fait cette proposition plus tôt. J'ai ici la proposition de loi 540, déposée sous la précédente législature.

M. Jean-Claude Lenoir - Mais qu'est-elle devenue ?

M. le Rapporteur - En tout cas, elle était déjà prête.

Mme Muguette Jacquaint - Et il ne tient qu'à vous qu'elle devienne une loi !

M. Jean-Claude Lenoir - Le soutien que vous apportent les socialistes est bien tardif.

M. le Rapporteur - Donc ne parlez pas de mensonge, ni de démagogie. La démagogie, c'est le Gouvernement qui la pratique constamment, par exemple dans ses prévisions de croissance. Le débat doit être digne alors qu'il s'agit du sort de centaines de milliers de salariés...

M. Alain Bocquet - Tout à fait !

M. le Rapporteur - ...de notre potentiel économique et du sort de régions entières.

Quelle est la définition de la délocalisation, demandez-vous. Il fallait lire le rapport plus soigneusement. Selon le colloque organisé au Sénat le 14 janvier 2004 avec le Centre d'études prospectives et d'informations internationales, c'est « le transfert du lieu d'implantation d'une activité de production vers l'étranger » pour réimporter ensuite les produits.

M. Jean-Claude Lenoir - C'est exactement ce que j'ai dit !

M. le Rapporteur - Quant au terme de quota, devenu célèbre depuis qu'une ministre a montré lors d'un débat télévisé qu'elle ne savait pas ce dont il s'agissait,...

M. Jean-Claude Lenoir - Madame Cresson ?

M. le Rapporteur - ...c'est un terme que nous n'utilisons pas.

Puis, vous nous accusez d'avoir une vue ringarde de l'économie.

Plusieurs députés communistes et républicains - Les ringards, c'est eux !

M. le Rapporteur - L'économie ne doit jamais prendre le pas sur l'humain et le social. Mais pour la droite, elle se limite au profit financier. Vous reprenez le vieux refrain ultra-libéral : il ne faut pas lutter contre les délocalisations, il faut alléger encore les charges sur le coût du travail,...

M. Jean-Claude Lenoir - Oui !

M. le Rapporteur - ...mais cela n'a jamais créé un emploi.

Plusieurs députés communistes et républicains - Cela ne marche pas !

M. le Rapporteur - Vous avez parlé de la Picardie. Si je suis le premier signataire de cette proposition, c'est bien en raison de la situation dans ma région. Nous y avons un tiers de capitaux étrangers, et des multinationales, car les délocalisations ne sont pas le fait des PME.

M. Jean-Claude Lenoir - Vous voulez les chasser.

M. le Rapporteur - Non, nous nous battons pour qu'elles ne s'en aillent pas. Honeywell, première entreprise installée sur la zone industrielle d'Amiens, en 1956, rapatrie son activité aux Etats-Unis en se moquant des salariés

M. Alain Bocquet - Que fait l'Etat ?

M. le Rapporteur - Les multinationales prennent l'argent de l'Etat, de toutes les collectivités, puis s'en vont. Whirlpool déménage une chaîne à Poprad en Slovaquie, uniquement pour passer de 7 % à 16 % de rentabilité financière ! Vous êtes les partisans d'un capitalisme effréné, mais nous, nous ne pouvons accepter la perte de ces 1 100 emplois. C'est la même chose avec Honeywell, Magneti-Marelli, Flodor, le patron voyou qui matraque les salariés pour emmener les machines. Tous vont exploiter des salariés ailleurs, puis réimportent les produits, et cette concurrence provoque de nouvelles suppressions d'emplois dans d'autres entreprises. Pour nous, qui plaçons l'homme et le développement avant le profit, c'est inacceptable.

On dit aussi qu'on ne peut rien faire, face aux licenciements massifs. Mais le premier qui l'a dit...

M. Rodolphe Thomas - Lionel Jospin !

M. le Rapporteur - ..s'est retrouvé lui-même au chômage.

M. Jean-Claude Lenoir - Mais il faut que les socialistes réagissent !

M. le Rapporteur - Il faut tirer les enseignements du passé. Quand on dit qu'on ne peut rien devant la politique de Michelin....

M. le Président de la commission - M. Gremetz a raison ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - Il a raison, et il vous donne tort, vous qui parlez de bonnes intentions mais ne voulez rien faire contre vos amis du Medef.

M. le Président de la commission - Jospin n'a rien fait, vous avez raison.

M. le Rapporteur - Vous, vous avez fait quelque chose : vous avez supprimé les avancées que nous avions obtenues de haute lutte dans la loi de modernisation sociale...

M. André Gerin - C'est vrai !

M. le Rapporteur - Si notre proposition est mal rédigée, il ne tient qu'à vous de l'améliorer... Mais ce n'est qu'un prétexte fallacieux car le modèle capitaliste vous convient parfaitement, en dépit de ses effets dévastateurs pour le peuple.

Enfin, vous prétendez que les délocalisations aideraient les pays en voie de développement. Bien au contraire, les multinationales surexploitent ces peuples dont nous sommes solidaires. Au lieu de mettre leurs atouts en valeur, elles les détruisent, au détriment de leur développement durable.

Ayez donc le courage de dire que vous êtes, tout simplement, hostiles à cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie - Une fois n'est pas coutume, j'interviendrai longuement tant le sujet dont nous débattons est grave.

Face aux déstabilisations économiques et, d'abord, aux drames humains que provoquent les délocalisations d'entreprises, les approches partisanes doivent céder le pas à une étude objective des faits, afin qu'opposition et majorité tentent de s'accorder sur un certain nombre de constats et d'analyses, et même sur la recherche de mesures efficaces.

Mais je ne peux sans réagir vous laisser accréditer dans l'opinion l'idée que l'opposition aurait le monopole du c_ur dans la lutte contre les délocalisations déstructurantes, que la majorité, donc le Gouvernement, seraient indifférents, inactifs, aux ordres de ce que votre ancien secrétaire général appelait avec emphase « le grand capital » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Vous m'obligez donc à vous rappeler quelques vérités cruelles qui contredisent votre vision du problème. Car ce problème ne date pas d'aujourd'hui (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Vous invoquez vous-même à maintes reprises, Monsieur le rapporteur, l'étude réalisée par le CNRS en 1998, ainsi que celles de Jean-Louis Mucchielli en 1993 et de Daniel Delalande en 1995. Mais c'est contre vous et vos alliés qu'elles se retournent, puisqu'elles montrent que le gouvernement de M. Jospin, qui a géré la France, pendant cinq ans, avec les communistes, était bien averti.

    M. le Président de la commission - Eh oui !

    Mme la Ministre déléguée - Il a disposé de quatre années pleines pour en tirer les conséquences. Il a eu à la fois la durée et les moyens pour agir.

    M. David Habib et M. Pierre Ducout - Et il a agi !

    Mme la Ministre déléguée - II était porté par la vague de la croissance mondiale, il bénéficiait des réformes ingrates d'assainissement que son prédécesseur avait courageusement engagées entre 1995 et 1997. Les privatisations et la vente des licences UMTS lui apportaient des ressources complémentaires, au point que l'on discutait du montant de la « cagnotte » ainsi constituée... Mais qu'avez-vous fait, vous et vos alliés, face à ce problème des délocalisations dont on savait que le mouvement s'amplifierait dangereusement ?

    Quand ce ministère m'a été confié, j'ai été alertée sur la situation catastrophique du textile dans les Vosges. Je me suis rendue sur place et j'ai découvert que plus de 20 millions d'euros de soutien à la revitalisation de cette région, dormaient, faute de projets ou pour des raisons bureaucratiques.

    M. David Habib - C'est que M. Borotra avait fait des bêtises...

Mme la Ministre déléguée - Notre gouvernement n'a pas une vision manichéenne de l'action de ses prédécesseurs. Nous appartenons tous à la France et, dans l'opposition comme dans la majorité, le dévouement à la cause publique et l'intelligence des réalités sont partagées. Mais face à l'évolution de l'activité économique, notamment industrielle, ceux qui exercent des responsabilités gouvernementales savent que ce n'est pas l'Etat qui est l'acteur déterminant.

Le dynamisme industriel repose essentiellement sur la force vitale qui est au c_ur de chaque entreprise, sur l'action offensive de ses dirigeants, sur la cohésion active des salariés, solidaires de projets mobilisateurs. Le rôle essentiel de l'Etat est d'accompagner socialement...

M. Pierre Ducout - Économiquement aussi !

Mme la Ministre déléguée - ...les difficultés transitoires et d'anticiper l'avenir, par des incitations appropriées.

M. Christian Bataille - Mais vous ne voulez rien faire !

Mme la Ministre déléguée - Le bilan global, plutôt positif, de l'industrie française au cours des vingt dernières années, n'échappe pas à cette règle. Ce n'est pas à l'Etat qu'il appartient d'abord. Il a été porté avant tout par l'extraordinaire aventure européenne que des visionnaires ont engagée à Rome, en 1957, et sans laquelle tous les efforts des gouvernements pour éviter le démembrement des secteurs industriels traditionnels, auraient été vains.

Ce que nous reprochons au gouvernement qui nous a précédés, même si des mesures positives ont été prises ici ou là, c'est de ne pas avoir réagi assez vite et de manière appropriée, au nouveau défi gigantesque de la mondialisation des échanges qui, sous la pression des consommateurs allait bouleverser la concurrence, dans un sens certes favorable au plus grand nombre, mais en laissant de nombreuses victimes de sa brutalité. Et les lois que l'opposition d'aujourd'hui a adoptées de 1997 à 2002 sont allées pour l'essentiel à contresens des mesures que cette nouvelle donne mondiale appelait.

M. Jean-Claude Lenoir - Eh oui !

Mme la Ministre déléguée - Ce fut le cas de la loi indûment intitulée de « modernisation sociale » qui a imposé un corset supplémentaire aux entreprises quand il aurait fallu libérer leurs énergies conquérantes.

En obligeant, par dogmatisme idéologique, les grandes entreprises publiques telles que France Télécom, à ne pas ouvrir leur capital, la majorité d'hier les .condamnait à financer leur développement par l'endettement, plutôt que par la cession d'actions. Cette rigidité les a conduites au bord du gouffre.

M. Pierre Ducout - Ça n'a rien à voir !

Mme la Ministre déléguée - Je sais que vous n'aimez pas qu'on vous rappelle la loi dite des 35 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Ducout - Excellente loi...

Mme la Ministre déléguée - A qui fera-t-on croire que les 15 milliards d'euros qui ont été consacrés chaque année à son financement n'auraient pas pu être mieux utilisés pour lutter contre les délocalisations et revivifier les sites menacés par la désindustrialisation ?

M. Christian Bataille - Ayez donc le courage de l'abroger dans ce cas !

Mme la Ministre déléguée - Cette loi a peut-être amélioré le confort de vie des salariés qui avaient déjà un emploi, essentiellement dans les grandes entreprises ou le secteur public. Mais à quel prix ?

M. David Habib - Cela existait déjà dans les grandes entreprises. Vous oubliez la loi de Robien...

Mme la Ministre déléguée - Je pourrais rappeler la déstabilisation de l'hôpital public, qui n'a pas été étrangère aux événements dramatiques de l'été dernier. Je pourrais rappeler la pression accrue qui s'est exercée sur les salariés des très petites entreprises, auxquels on demande les mêmes résultats en moins de temps de travail, faute de pouvoir créer un nouvel emploi plein.

Je ne retiendrai ici que la conséquence directement liée à notre débat sur les délocalisations. Cette loi a très imprudemment placé la France à contre-courant de tous ses voisins et concurrents (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Vouloir gagner plus en travaillant moins est une naïveté dont l'évidence n'échappe à personne.

M. Pierre Ducout - Caricature !

Mme la Ministre déléguée - Cette loi, par son caractère autoritaire et général, ne pouvait qu'alourdir mécaniquement les coûts de production, rendant ainsi les délocalisations plus tentantes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Je sais que j'appuie là où ça fait mal...

Cette loi, dont on ne cessera de dénoncer les effets pervers, n'a produit que des effets en trompe-l'_il. Loin de dissuader les délocalisations, elle en a répandu la semence. Non seulement elle n'a rien apporté à ceux qui n'avaient pas d'emploi ou qui étaient menacés de le perdre, mais elle les a encore plus fragilisés.

M. David Habib - C'est faux !

Mme la Ministre déléguée - La sanction de cette stratégie erronée ne s'est pas fait attendre : elle a plombé les années 2001 à 2003, aggravant la destruction des emplois industriels.

M. David Habib - C'est faux !

Mme la Ministre déléguée - Que vous soyez aujourd'hui l'opposition ne vous exonère pas de votre responsabilité...

M. Jean-Claude Lenoir - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Non, Monsieur Gremetz, vous ne pouvez pas vous approprier la défense des salariés menacés par des délocalisations et vilipender la prétendue indifférence du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Notre gouvernement ne fait pas dans l'autosatisfaction face à ces drames humains, mais il rejette un procès de laisser-faire qui devrait d'abord être intenté à d'autres, qui se trouvaient dans une conjoncture économique autrement plus favorable.

Aujourd'hui, même si nous sommes en désaccord sur les solutions, nous débattons ensemble d'un problème qui préoccupe autant le Gouvernement que l'opposition, et auquel le Président de la République vient lui-même de dire toute l'attention qu'il lui portait.

Le 13 mars 2000, à Lisbonne, le Conseil européen ne bruissait que de l'euphorie boursière et des nouvelles technologies de l'information qui devaient doper l'économie européenne et ses emplois.

Non sans jeter quelque froid, quelqu'un osa dire aux quinze chefs d'Etat et de gouvernement que les fusions sauvages dues au pouvoir capitaliste dominant avaient un effet dévastateur sur la cohésion sociale de l'Union et que les travailleurs qui découvraient un jour qu'ils étaient entièrement à la merci du nouveau propriétaire de leur entreprise ne pouvaient pas comprendre que l'Union européenne tolère cela. Ce quelqu'un présidait alors le Parlement et c'est aussi la ministre qui s'exprime devant vous aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Pierre Ducout - Alors examinons le projet de loi !

Mme la Ministre déléguée - Je n'ai pas changé d'état d'esprit, et la dimension sociale de mes fonctions ne m'échappe pas. J'ai dénoncé la semaine dernière le comportement de la société britannique OCT à Dourdan et j'ai traité ses dirigeants de voyous, ajoutons même que le mot était faible.

M. Maxime Gremetz - Je peux vous en donner d'autres !

Mme la Ministre déléguée - Si, d'aventure, ils mettaient à exécution leur projet de me poursuivre en diffamation, bien que je m'en sois tenue à la définition du dictionnaire et que eux-mêmes semblent bien mal connaître le français, à en juger par les lettres de licenciement adressées aux salariés, j'espère, Monsieur Gremetz, que vous serez mon témoin à décharge ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Rapporteur - Avec plaisir !

Mme la Ministre déléguée - J'en viens au fond du débat. Il faut éviter les amalgames et rappeler quelques données objectives. Tout d'abord, la France reste un grand pays industriel. Elle est au cinquième rang des pays les plus industrialisés. Sa production industrielle est, en volume, en croissance continue depuis vingt ans et progresse aussi rapidement que celle des services. Il est également vrai que les effectifs industriels ont diminué au cours des dix dernières années et que cette réduction a touché principalement les secteurs traditionnels des biens d'équipement de la personne et, dans une moindre mesure, de la chimie. Mais il faut dire que la France s'en sort bien mieux que tous les autres pays industriels. En huit ans, le Royaume-Uni a perdu 14 % de ses emplois industriels, l'Allemagne 9,7 %, les Etats-Unis 10,5 %, le Japon 15,6 %, et la France seulement 2,3 % ! La part directe de l'industrie dans l'économie française se maintient au même niveau qu'il y a vingt ans.

La raison principale de l'évolution de notre tissu industriel est la mondialisation des échanges, car nos coûts de production n'étaient pas compétitifs, dans les secteurs de la chaussure ou du textile par exemple. Mais des efforts de productivité considérables ont été déployés dans tous les secteurs soumis à une forte concurrence mondiale. La baisse de l'emploi industriel productif a été aussi compensée par la création d'emplois dans les services aux entreprises, qui sont de plus en plus externalisés. Cela correspond à 1 200 000 postes. La distinction traditionnelle entre services et industrie devient obsolète et fausse le regard sur la réalité.

Ce qui est nouveau, et inquiétant, c'est que la crise affecte des secteurs relativement épargnés jusqu'à présent, comme l'électronique et les télécommunications ou même la pharmacie, où nous avons pourtant fortement investi en recherche et développement. La nouvelle donne doit intégrer deux facteurs. Le premier est l'élargissement de l'Europe, qui constitue bien sûr une chance pour nos entreprises, en leur facilitant l'accès à un marché de 100 millions de consommateurs aux besoins considérables, mais aussi un défi, car ces pays ont des avantages comparatifs importants, notamment en ce qui concerne le coût de la main-d'_uvre. Le second est la croissance exceptionnelle des pays d'Asie. L'Inde et la Chine nous posent un problème de même nature que le Japon et la Corée il y a 25 ans, mais avec encore plus d'acuité.

Dans ce nouveau contexte, les secteurs industriels traditionnels sont-ils appelés à disparaître progressivement, au profit des services et des activités à forte valeur ajoutés ? Autrement dit, la France peut-elle demeurer une grande puissance de production industrielle, plutôt que se contenter de commercialiser les produits fabriqués dans les nouveaux ateliers du monde ? Le Gouvernement le veut autant que vous, Monsieur Gremetz, et c'est justement pour cela qu'il est en désaccord total avec vos propositions. Elles ne pourraient conduire qu'à l'impasse (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), à la fermeture des frontières (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), à une administration dirigiste de l'économie, au rapatriement des capitaux et à la sanctuarisation des industries non concurrentielles (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Même la Russie, qui a été si longtemps votre référence, a renoncé aux recettes illusoires que vous proposez pour affronter la Chine. Elles n'ont conduit qu'à l'obsolescence des outils de production, à la perte de compétitivité, à l'arriération des modes de production et de gestion, à la destruction de l'environnement et à l'appauvrissement général de la population, bref à la ruine de l'économie.

M. le Rapporteur - Oh la la...

Mme la Ministre déléguée - En amalgamant, sous le terme de délocalisations, toutes les créations de sites industriels de production hors de France, et en voulant les interdire sans prendre en compte les situations particulières, vous mettez d'abord la France en infraction directe avec les traités européens qu'elle a signés. Vous méconnaissez également le fait qu'à côté des délocalisations abusives, contre lesquelles il faut agir, il est des cas où la préservation même des emplois en France impose aux entreprises de s'implanter ailleurs. Si le Parlement votait un texte aussi rigide, quel investisseur étranger implanterait-il de nouvelles usines en France ? Vous tueriez l'attractivité du pays ! L'interdiction des licenciements dus aux délocalisations n'est pas une meilleure idée. Maintenir en survie artificielle des entreprises irrémédiablement non compétitives ne fait que retarder le moment de vérité.

M. le Rapporteur - Voilà un aveu !

M. Pierre Ducout - C'est pourquoi il faut amender ce texte !

Mme la Ministre déléguée - La loi définit déjà les responsabilités des entreprises qui ferment des sites de production, qui doivent tout mettre en _uvre pour créer de nouveaux emplois, et nous veillons fermement à son respect.

Mme Muguette Jacquaint - Mais les salariés sont toujours au chômage !

Mme la Ministre déléguée - C'est ce que nous faisons à Romorantin, par exemple.

M. le Rapporteur - Mais les Whirlpool sont toujours au chômage partiel !

Mme la Ministre déléguée - En 2002, le gouvernement de la gauche plurielle nous a laissés au bord de la ruine, avec des centaines de milliers d'emplois compromis dans les grandes entreprises, publiques ou privées. France Télécom, La Poste et Alstom, c'est notre gouvernement qui les a sauvés ! C'est nous qui avons évité leur démembrement, avec les délocalisations qui l'auraient accompagné ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) En 1984, ce fleuron industriel qu'était Creusot-Loire déposait son bilan. L'opposition d'aujourd'hui était au pouvoir. Que fit-elle ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP). Elles n'eut ni la même détermination, ni le même succès. Rendez-nous justice, Monsieur Gremetz !

M. Rodolphe Thomas - Et Moulinex !

Mme la Ministre déléguée - Vous proposez également d'interdire les mouvements de capitaux. C'est, à l'évidence, aller contre les traités européens et les fondements du marché intérieur. Tous les pays qui s'y sont essayé se sont fermé les portes du développement économique. Empêcher le jeu naturel de la concurrence... (« Ah ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Rapporteur - Naturel !

Mme la Ministre déléguée - ...qui a ses lois protectrices, serait entraîner la France dans une politique de l'autruche. Une industrie qui s'isole ne gagne rien. Elle jouit seulement, et pour très peu de temps, d'un illusoire assurance. Bref, en proposant d'interdire magiquement les délocalisations...

M. le Rapporteur - Ce n'est pas ce que nous proposons !

Mme la Ministre déléguée - ...vous voulez supprimer les effets sans vous intéresser aux causes. Il faut traiter les difficultés de l'économie française, pas interdire le mauvais temps ! Monsieur Gremetz, la méthode qui marche, dans tous les pays du monde, c'est celle de l'innovation, du dynamisme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), du développement des avantages comparatifs, de la création de nouvelles activités et du renouvellement de l'offre industrielle ! C'est le mouvement naturel de l'économie mondiale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). C'est grâce à elle que d'immenses pays autrefois claquemurés dans l'immobilisme sortent aujourd'hui de la misère. Aucun misérabilisme électoral ne peut aller contre ces faits.

La politique que vous proposez serait non seulement illusoire, mais aussi anti-économique et injuste. Elle serait anti-économique parce qu'elle méconnaît les conditions des échanges. Croyez-vous un instant que l'on pourrait vendre des vêtements ou des appareils ménagers produits en France et exportés comme au temps des colonies, alors qu'on peut les produire sur place, et à des coûts bien moindres, adaptés au pouvoir d'achat de la population ?

M. le Rapporteur - Vous savez que ce n'est pas vrai !

Mme la Ministre déléguée - Le monde a changé, Monsieur Gremetz. Votre loi serait également injuste et égoïste, car tous les pays du monde ont le droit de sortir du sous-développement et de la misère. Si nous y contribuons en implantant des activités productives, nous faisons aussi _uvre de solidarité à l'échelle mondiale.

Plusieurs députés socialistes - Arrêtez !

Mme la Ministre déléguée - Tôt ou tard, nous en aurons un retour positif. L'aide au développement des pays les plus pauvres, ce n'est pas seulement l'assistance, mais aussi le partenariat.

Plusieurs députés socialistes - Quelle démagogie !

Mme la Ministre déléguée - Je n'ose penser, Monsieur Gremetz, que cela vous aurait échappé.

M. le Rapporteur - Améliorez le texte !

Mme la Ministre déléguée - Face au problème réel des délocalisations, il n'y a que deux voies : se réfugier dans un enfermement illusoire ou relever le défi.

M. le Rapporteur - Quelle faible argumentation !

Mme la Ministre déléguée - Choisir l'enfermement serait préparer de terribles lendemains pour les Français.

Des exemples inqualifiables de délocalisations nous ont certes été donnés récemment, mais il faut tout de même conserver le sens de la mesure. Les délocalisations représentent moins de 5 % de nos investissements directs à l'étranger dans les pays proches et moins de 1 % dans les pays lointains. Les véritables délocalisations, qui entraînent des fermetures en France pour des produits qui reviennent chez nous pour y être consommés, sont très peu nombreuses. Il ne faut pas les confondre avec l'ouverture de filiales à l'étranger pour satisfaire la demande des marchés locaux.

M. le Rapporteur - Nous sommes d'accord !

Mme la Ministre déléguée - Tous secteurs confondus, les importations issues d'unités délocalisées représentent 3 % des achats et 2 % de la production des entreprises industrielles françaises. Par ailleurs, les secteurs qui investissent le plus à l'étranger sont aussi ceux qui créent le plus d'emplois en France, dans leur domaine ! Cela doit être dit, non pour balayer les difficultés, mais pour interdire les projets suicidaires d'interdiction de mouvements des capitaux. Une entreprise qui ne reçoit plus de commande et qui n'est plus compétitive ne peut être tenue à bout de bras par l'Etat. « Je ne crois pas que l'on puisse administrer l'économie ; il ne faut pas attendre tout de l'Etat ». Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est M. Jospin, alors Premier ministre !

Notre gouvernement récuse autant la démagogie que le fatalisme.

M. Pierre Ducout - Il pratique les deux !

Mme la Ministre déléguée - Face aux délocalisations, il a choisi une voie radicalement différente de celle que vous préconisez : celle du dynamisme. Il s'est appliqué à la fois à prévenir et à réagir. Prévenir, car le seul moyen d'éviter que les entreprises ne soient tentées ou obligées de délocaliser, ce n'est pas de leur imposer des lois excessivement contraignantes, c'est d'alléger les coûts de production, de soutenir l'innovation et d'augmenter l'attractivité internationale de la France. Et c'est ce que nous avons fait, malgré une conjoncture particulièrement défavorable.

Nous avons réduit les charges des entreprises.

M. le Rapporteur - Ça oui !

Mme la Ministre déléguée - Nous avons expurgé la loi sur les 35 heures de ses dispositions les plus contraignantes.

M. le Président de la commission - Ce n'est pas encore assez !

M. André Gerin - Vive le Medef !

M. le Rapporteur - Le baron Seillière est content !

Mme la Ministre déléguée - Grâce à la simplification des procédures, nous avons permis la création de 200 000 entreprises en 2003.

Nous avons relancé l'innovation industrielle en développant l'accès au crédit impôt-recherche.

Nous allons stimuler les investissements productifs en les exonérant transitoirement de la taxe professionnelle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous avons amélioré le statut fiscal des impatriés pour favoriser les investissements extérieurs.

Dans les secteurs les plus fragiles - santé, textile-habillement, chimie -, nous avons constitué en 2003 des groupes de réflexion dont les résultats seront bientôt connus. Un tel groupe sera lancé cet été pour la filière automobile (« Ah ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

En baissant le prix de l'ADSL, l'accès à internet haut débit, secteur fortement créateur d'emplois, a explosé. Nous avons renforcé la lutte contre la contrefaçon qui détruit chaque année plus de 30 000 emplois industriels. Nous avons mobilisé nos partenaires de l'Union européenne pour mener une véritable politique industrielle de l'Union, qui n'entrave pas l'émergence de champions européens et soit réellement compétitive.

Ces mesures sont préférables à la politique malthusienne que vous préconisez.

Et arrêtez de dire, même en période électorale, que le Gouvernement aurait choisi les entreprises contre les salariés !

M. le Rapporteur - Vous avez choisi le Medef !

M. André Gerin - Vous menez une politique à la Thatcher !

Mme la Ministre déléguée - Notre politique n'est pas seulement économique et sociale.

Mme Muguette Jacquaint - Elle n'est pas du tout sociale !

Mme la Ministre déléguée - Elle est sociale parce qu'elle est économique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Ces vingt derniers mois, tant les destructions industrielles que les délocalisations se sont poursuivies. Tous les services de mon ministère, à Paris comme dans les DRIRE, sont mobilisés pour anticiper les crises et nous suivons chaque dossier.

M. le Rapporteur - Mais non !

Mme la Ministre déléguée - Quel dommage, Madame Carrillon, que vous n'ayez pas demandé à rencontrer la ministre de l'industrie !

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Je l'ai fait.

M. Pierre Ducout - Je l'avais demandé en vain pour Selectron !

Mme la Ministre déléguée - Tous ceux qui ont demandé à être reçus l'ont été longuement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Cependant, si l'inéluctable survient, l'Etat sait réagir.

En 2003, 35 millions d'euros ont été consacrés à la reconversion de sites particulièrement sensibles comme Metaleurop ou Matra-Automobile à Romorantin.

Nous avons lancé, en janvier dernier, un plan qualité pour la chaussure à Romans, dans la Drôme, pour y créer 350 emplois sur trois ans.

Toutes les DRIRE sont invitées à penser à une culture du résultat.

Mme Muguette Jacquaint - Vous voyez qu'il fallait un débat !

Mme la Ministre déléguée - A cet effet, je les réunirai toutes à Paris le 25 mars.

Dans le même esprit, nous avons stimulé les missions de réindustrialisation confiées à des cabinets spécialisés dans la recherche d'investisseurs. Ce sont 8 000 emplois par an qui ont été créés depuis 1996 dans des bassins en grande difficulté.

Mme Muguette Jacquaint - Il va y avoir un remaniement ministériel ; c'est le discours de clôture !

Mme la Ministre déléguée - Chaque année, les conventions qui définissent le cahier des charges de ces cabinets de réindustrialisation seront évaluées.

Pour ce qui est des délocalisations scandaleuses - rares, heureusement - telles que celle effectuée à Dourdan, nous poursuivrons les responsables mais votre solution, Monsieur Gremetz, n'est pas la bonne. La prochaine loi en faveur de l'emploi permettra de prévenir de tels agissements, notamment en obligeant les entreprises qui voudraient déménager leurs activités à en informer préalablement le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ou encore en prévoyant des sanctions dissuasives à l'encontre des dirigeants cyniques. Mais l'essentiel est d'encourager au dynamisme et nous attendons beaucoup du plan Innovation I, opérationnel depuis le 1er janvier, et qui vise à relancer l'investissement et le capital risque dans le secteur privé.

M. Pierre Ducout - Avec quels moyens ?

Mme la Ministre déléguée - Nous préparons en 2004 un plan Innovation II pour accorder un droit de préférence aux PME innovantes dans la conclusion de contrats publics de recherche et développement et adapter le cadre juridique communautaire des aides d'Etat, en faveur de l'innovation industrielle.

Deux secteurs sont fortement créateurs d'emplois : la technologie de l'information et de la communication, et les biotechnologies.

La France doit redevenir une terre accueillante pour les investisseurs, français ou étrangers.

A cette fin, nous développons des pôles à vocation mondiale. D'ici à 2007, 3,5 milliards d'euros d'investissements seront consacrés au site grenoblois de Crolles, et plus de 900 millions au site de Rousset, près d'Aix-en-Provence.

D'ici à 2008, 1 milliard d'euros d'investissements sont prévus par ATMEL pour les sites de Rousset et de Nantes.

Mais cette politique déterminée, loin de l'isolement hexagonal, doit revêtir une dimension continentale. Sous l'impulsion de la France, le conseil des ministres de la compétitivité a obtenu de la Commission qu'elle présente, pour le textile, un plan d'action avant le 31 juillet 2004.

Je me rendrai vendredi prochain à Bruxelles...

M. Alain Bocquet - Arrêtez-vous à Roubaix !

Mme la Ministre déléguée - ...pour participer à l'installation du groupe textile-habillement.

Avec nos homologues britanniques et allemands, nous nous battons pour réviser le projet de réglementation de l'industrie chimique, et défendre la compétitivité de notre industrie dans le respect de l'environnement.

Il faut défendre le territoire européen et protéger nos industriels contre une concurrence déloyale des pays tiers.

M. Pierre Ducout - C'est l'objet de la proposition de loi !

Mme la Ministre déléguée - Nous sommes d'accord sur l'analyse, mais il faut agir dans un contexte loyal de concurrence.

Nous avons demandé à l'Union européenne de porter plainte auprès de l'OMC contre le dumping de la Corée en matière de construction navale.

De surcroît, à l'instigation de la France, la commission met en place des droits compensateurs sur certaines importations textiles de l'Inde, et devrait prochainement faire de même avec le Pakistan.

M. le Rapporteur - Vous voyez ! Ce sont les quotas !

Mme la Ministre déléguée - Ces mesures, fondées sur l'équité et la symétrie, sont loin de celles proposées par M. Gremetz.

M. Pierre Ducout - Pas du tout !

Mme la Ministre déléguée - Je le remercie, du reste, de nous rafraîchir la mémoire, en nous rappelant ce que fut le dirigisme communiste dans les années 1970 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) : interdire les mouvements de capitaux, dresser des barrières protectionnistes, laisser se dégrader l'industrie, engloutir des milliards pour sauver à court terme quelques centaines d'emplois, et en détruire ainsi dix fois plus à moyen terme.

M. Pierre Ducout - N'en jetez plus !

Mme la Ministre déléguée - Cette méthode a un nom - le dirigisme désuet - et une réalité - le naufrage des pays de l'est de l'Europe.

Notre politique, au contraire, en renouvelant l'industrie, favorise l'accès de tous à l'emploi. Cela ne se fera pas en arrêtant les pendules de la mondialisation, en calfeutrant la France à l'abri de la concurrence, mais en mettant toutes nos forces dans la modernisation de notre offre industrielle.

Les réalités sont là ; le Gouvernement les affronte et les Français le savent. C'est en prolongeant cet effort que nous redonnerons à la France, qui n'en a jamais perdu l'ambition, les moyens de renouer avec son destin industriel et d'inventer l'avenir.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut que s'opposer à votre proposition de loi, Monsieur Gremetz, mais je veux bien la considérer comme un appel à poursuivre notre action. Peut-être que pendant la campagne électorale, vous irez dire sur les estrades que ce gouvernement est indifférent aux délocalisations ravageuses d'emplois, mais vous saurez bien, au fond de vous-mêmes, que telle n'est pas la vérité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Rapporteur - Je vous remercie, Madame la ministre, d'avoir fait un si long plaidoyer, qui a démontré l'actualité de cette proposition de loi. Vous avez eu beaucoup de mal à expliquer qu'elle n'était pas justifiée...

Je cite dans mon rapport une étude publiée par l'INSEE sur l'internationalisation des entreprises et la demande de travail qui souligne que « les entreprises constamment internationalisées entre 1986 et 1992 perdent plus d'emplois, ou en créent moins que celles qui ne le sont pas ». Ce sont des spécialistes qui le disent ; alors, pourquoi affirmez-vous le contraire ?

On nous répète également souvent que les délocalisations ne toucheraient que les emplois peu qualifiés. Or douze grandes entreprises françaises, parmi lesquelles la SNECMA ou Alcatel, ont créé 4 000 emplois de consultants et d'ingénieurs en Inde au cours de l'année 2003 !

Qu'on ne caricature pas nos propos en prétendant que nous voulons empêcher les échanges internationaux. Nous voulons les développer, mais dans l'intérêt mutuel de tous les peuples : ce que nous n'acceptons pas, c'est que des multinationales ferment des entreprises en France pour aller exploiter ailleurs des femmes et des enfants ! Vous, vous acceptez cela ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Claude Lemoine - C'est scandaleux de dire cela !

M. le Rapporteur - Nous ferons connaître dans les entreprises les positions prises par les uns et les autres dans ce débat, et les salariés jugeront ! Ils constateront que certains ne tiennent pas le même discours dans leurs circonscriptions, lorsqu'ils sont interpellés à propos d'une délocalisation, et dans l'hémicycle, où ils se transforment en porte-parole du Medef !

M. Jean-Claude Lemoine - Quand vous étiez au pouvoir, vous n'avez rien fait !

M. le Président de la commission - Monsieur Gremetz, nous ne pouvons pas accepter ce que vous venez de dire sur le travail des enfants ! C'est le gouvernement de M. Jospin qui a diminué de 50 % en cinq ans l'aide au développement ! Vos propos sont scandaleux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Néanmoins, je vous remercie d'avoir provoqué ce débat car, grâce à vous, nous a été rappelé brutalement le fait que la précédente majorité avait fait preuve d'une carence totale dans la gestion des délocalisations : vous avez vous-même montré du doigt les responsables gouvernementaux pour dénoncer leur inefficacité, et nous vous en savons gré ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Ducout - Nous avons créé des milliers d'emplois !

M. le Président de la commission - Monsieur Ducout, les pyromanes ne doivent pas se parer d'un casque de pompier...

Monsieur Gremetz, vous partez d'une bonne intention, mais en vertu de l'article 94, alinéa premier, de notre Règlement, je demande à mes collègues de voter contre le passage à la discussion des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme la Présidente - La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article, si l'Assemblée vote contre, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

M. Rodolphe Thomas - Je souscris pleinement aux propos de Mme la ministre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP), qui témoignent de la volonté politique de s'adapter avec clairvoyance à l'environnement économique mondial, tandis que d'autres, par une politique conservatrice, ont contraint de nombreuses entreprises à se délocaliser ou à fermer leurs usines. En 2001, dans ma circonscription, 3 000 salariés de Moulinex ont perdu leur emploi. Alors, ne nous faites pas la morale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. David Habib - Si les sujets que nous évoquons exigent de nous tous de l'humilité, nous regrettons, une fois de plus, une occasion manquée. Nous avions la possibilité d'engager ce matin une discussion sur la politique industrielle, et vous vous y refusez. Pourtant, tous les orateurs ont évoqué les difficultés auxquelles leurs régions sont confrontées.

Ce gouvernement n'a pas de politique de l'emploi, il n'a pas non plus de politique industrielle. Il a fait le choix du laisser-faire et de l'acceptation des consignes du Medef.

Toutes les études convergent encore pour dénoncer vos déficits et votre inefficacité dans le domaine de l'emploi ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Si nous renoncions à discuter les articles, ce serait gravissime car cela reviendrait à dire au Medef : « Continuez à délocaliser et à désindustrialiser ! » Il ne saurait donc en être question pour nous, et nous exigerons donc avec le groupe communiste l'examen de ce texte.

Madame la ministre déléguée, j'ai pu constater votre souci de traiter tous les dossiers industriels en souffrance dans nos régions, mais, au nom de mes collègues Tourtelier et Carrillon-Couvreur, je vous rappelle la nécessité d'examiner attentivement ceux des sociétés ST Microélectronique et IMPHY.

Il ne suffit pas de porter un col mao pour parler comme il convient des travailleurs et des délocalisations (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il faut aussi entendre tous ceux qui, ici, demandent instamment à pouvoir débattre de l'emploi et de la politique industrielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Claude Lenoir - A l'issue de ce débat, les rôles sont manifestement inversés et, tandis que M. Gremetz doit regretter son initiative électoraliste et démagogique, nous avons, nous, à nous féliciter : nous avons en effet pu entendre le Gouvernement défendre une politique ambitieuse, volontariste et éclairée, tout entière placée sous le signe de l'Europe, et nous voici maintenant certains que l'avenir est mieux assuré qu'il ne l'était il y a deux ans !

Avec un amusement contenu, nous avons observé les divisions de l'opposition : les uns reprochent aux autres de n'avoir rien fait, et les autres rétorquent aux uns qu'ils ne leur ont pas permis de déployer leurs talents et d'appliquer leurs propositions ! Eh quoi, les socialistes ont donc gouverné pendant cinq ans avec l'appui des communistes et M. Gremetz n'a même pas pu faire discuter la proposition de loi qu'il gardait au réfrigérateur !

Quant à nos collègues socialistes, quelle absence de discernement : toute cette séance durant, ils n'ont cessé de réclamer la discussion des articles ! Nous n'aurons pas la cruauté de les exposer à voter cette proposition, pour autant. Je pense qu'ils n'auront ignoré le peu de sérieux de ce texte que parce que nous sommes en période électorale et qu'ils tiennent à reconstituer artificiellement un front uni, dans l'espoir de séduire les Français... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Les communistes, et cela ne nous surprend pas, sont toujours aussi ringards. Les vieux démons sont toujours là et leur discours nous ramène à des années-lumière en arrière, à l'époque du Gosplan, lorsque Moscou décidait des contingents dans ce pays de rêve où ils passaient leurs vacances. Mais l'URSS n'existe plus ! Vous êtes les derniers sur cette planète à proclamer les vertus du léninisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Pierre Goldberg - Et où sont les gaullistes ?

M. Jean-Claude Lenoir - Puisqu'on a parlé de naufrage, je dirai que nous assistons aujourd'hui au naufrage du communisme. Il y a d'ailleurs, entre celui-ci et le Titanic, un autre point commun : c'est que l'orchestre aura joué jusqu'au bout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Alain Bocquet - Lorsqu'un groupe, quel qu'il soit, a soumis à l'Assemblée une proposition de loi, il est inacceptable qu'on ne passe pas à la discussion des articles. En l'occurrence, c'est d'autant moins admissible que la longueur de certain discours démontre l'intérêt du sujet traité. Mais, Madame la ministre déléguée, peut-être vouliez-vous fournir un argumentaire aux candidats UMP, à moins qu'il ne s'agît de votre testament politique à la veille d'un remaniement ! Je vous remercierai dans ce cas de l'avoir fait à la faveur de notre « niche »...

Je vais quant à moi vous fournir un bon sujet d'école : le groupe ARCELOR, dans lequel a sévi M. Mer, a décidé de fermer ses usines de l'Ardoise, dans le Gard, et d'Isbergues, dans le Pas-de-Calais, alors que ce sont les deux dernières à fabriquer de l'inox en France, mais non pour les installer en Europe de l'Est ou en Chine : pour les réimplanter en Wallonie, et ce avec l'aide de fonds structurels européens ! Que fait l'Etat devant un tel scandale ?

Vous voulez des dossiers concrets ? En voici d'autres ! Vous avez parlé des « patrons voyous ». Ils n'existent pas pour moi, il n'y a que le capitalisme, mais peu importe et je vous pose donc, ainsi qu'à M. Ollier, la question suivante : pourquoi le Gouvernement a-t-il fait enterrer notre demande d'une commission d'enquête sur Metaleurop ? Pourquoi refuse-t-on de créer une commission similaire sur l'affaire COMILOG, ou sur Lever-Bilore-Coventry ? Voilà pourtant trois illustrations éclatantes de la voyoucratie financière !

D'autre part, lorsqu'on est minoritaire, fût-ce au sein de la majorité, on est minoritaire - voyez l'UDF. Mais nous avons su préserver notre indépendance et ce n'était pas nous qui gérions les affaires.

Vous prenez vos références dans le passé mais, a dit Paul Eluard, « le passé est un _uf cassé et l'avenir est un _uf qui couve » ! Je vous invite donc à écouter ce qui suit, qui n'est pas d'un idéologue marxiste, fût-ce de la tendance Groucho, mais d'un Prix Nobel d'économie, ancien conseiller du Président Clinton et vice-président de la Banque mondiale, M. Stiglitz : « A la fin de 1997, tout indiquait que l'Asie du Sud-Est allait s'enfoncer dans la récession et qu'il fallait donc des politiques fiscales expansionnistes. Mais les hommes du FMI n'ont rien voulu entendre : pour eux, seules des mesures d'austérité drastiques pouvaient sauver la situation et surtout assurer le remboursement des dettes extérieures - entre nous, je me suis vite rendu compte que c'est leur principale obsession, car ils défendent avant tout les intérêts des grandes banques privées internationales.

En décembre 1997, à Kuala Lumpur, j'ai dit à Michel Camdessus, à l'époque patron du Fonds, tout le mal que je pensais de ses recommandations. Il m'a répondu que, pour qu'un peuple se redresse économiquement, il fallait « qu'il souffre ». A ma question : « Mais pourquoi imposer cette souffrance si ce n'est pas nécessaire et surtout si c'est contre-productif ? », il a rétorqué : « Si nous découvrons que nous avons eu tort, nous reviendrons en arrière. » « Mais au bout de combien d'années ?, lui ai-je demandé. Ce sera de toute façon trop tard. Quand un enfant est mal nourri ou quitte l'école, le mal est fait ; et quand une entreprise fait faillite, on ne la remet pas sur pied du jour au lendemain. » J'étais terriblement choqué par cette froideur, cette incapacité à prendre en compte la dimension sociale et humaine des problèmes économiques. D'ailleurs, avez-vous remarqué que, parmi les indicateurs du FMI, il y a les réserves de changes ou le taux d'inflation, jamais le nombre de pauvres ?... J'ai perdu cette bataille et l'Asie du Sud-Est a connu la situation dramatique que l'on sait, mais les grandes banques occidentales, elles, ont été remboursées, du moins en partie. Quant à moi, j'ai décidé de démissionner de la Banque mondiale afin de pouvoir m'exprimer publiquement. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Ecoutez cette conclusion encore ! « Il faut des politiques de croissance durable, équitables et démocratiques. Développer, ce n'est pas aider à s'enrichir une poignée d'individus ou d'industries, mais transformer la société, améliorer la vie des plus pauvres et donner à chacun une chance de réussir. » (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Consultée, l'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles.

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

Mme la Présidente - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 5 mars, puis du mardi 6 avril au vendredi 16 avril inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Le Gouvernement a en outre communiqué, en application de l'article 48, alinéa 5, du Règlement, le programme de travail prévisionnel jusqu'à la fin de la session ordinaire.

Ces documents seront annexés au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif aux responsabilités locales et sur le texte de la CMP sur le projet relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie auront lieu mercredi 7 avril, après les questions au Gouvernement.

Enfin, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour 12 projets de ratification de conventions internationales, inscrits à l'ordre du jour du jeudi 8 avril.

FIN DES MISSIONS DE DEUX DÉPUTÉS

Mme la Présidente - Par lettres du 12 et du 13 février 2004, M. le Premier ministre a informé la Présidence que les missions temporaires précédemment confiées à M. Pierre Lang, député de la Moselle, et à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, député de Lozère, avaient pris fin le 1er mars 2004.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 5 mars, puis du mardi 6 avril au vendredi 16 avril inclus a été ainsi fixé ce matin en Conférence des présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

_ Discussion de la motion de censure présentée, en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution, par MM.  Jean-Marc AYRAULT, François HOLLANDE et 129 membres de l'Assemblée, et vote sur cette motion ;

à 21 heures :

_ Suite du projet, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales.

MERCREDI 3 MARS, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Texte de la commission mixte paritaire sur le projet relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ;

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 4 MARS, à 9 heures 30 :

_ Proposition de M. Daniel PAUL et plusieurs de ses collègues, contre la précarité de l'emploi ;

(Séance d'initiative parlementaire).

à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Communication du Médiateur de la République ;

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

VENDREDI 5 MARS, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 h 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille ;

_ Projet, adopté par le Sénat, portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en _uvre certaines dispositions du droit communautaire.

MARDI 6 AVRIL, à 9 heures 30 :

_ Questions orales sans débat ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et éventuellement à 21 heures 30 :

_ Deuxième lecture du projet portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

MERCREDI 7 AVRIL, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales ;

_ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur le texte de la commission mixte paritaire sur le projet relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ;

_ Deuxième lecture du projet relatif à la politique de santé publique.

JEUDI 8 AVRIL, à 9 heures 30 et à 15 heures :

_ Projet autorisant la ratification du protocole relatif à l'adhésion de la Communauté européenne à la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960, telle qu'amendée à plusieurs reprises et coordonnée par le protocole du 27 juin 1997, fait à Bruxelles le 8 octobre 2002 ;

_ Projet autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde (ensemble un avenant sous forme d'échange de lettres) ;

_ Projet autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde en matière d'extradition ;

_ Projet autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Nouvelle-Zélande relative à l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre (ensemble un échange de lettres) ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 29 janvier 1951 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative aux gares internationales de Modane et de Vintimille et aux sections de chemins de fer comprises entre ces gares et les frontières d'Italie et de France ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord entre la République française, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties dans le cadre du traité visant l'interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (ensemble deux protocoles) ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres, signées le 26 novembre et le 30 décembre 2002, complétant le traité du 7 juillet 1998 entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière ;

_ Projet autorisant l'approbation de la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale ;

_ Projet autorisant l'approbation de l'avenant à l'entente fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

_ Projet autorisant l'approbation d'une convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tchèque en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole) ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

_ Sous réserve de son dépôt, projet autorisant la ratification de la décision du Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement du 21 mars 2003 relative à une modification de l'article 10-2 des statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne ;

(Ces 12 textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en application de l'article 107 du Règlement).

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 13 AVRIL, à 9 heures 30 :

_ Séance d'initiative parlementaire ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Projet de loi organique sur l'autonomie financière des collectivités territoriales.

MERCREDI 14 AVRIL, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement.

JEUDI 15 AVRIL, à 9 heures 30 :

_ Séance d'initiative parlementaire ;

à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Éventuellement, texte de la commission mixte paritaire sur le projet pour la confiance dans l'économie numérique ;

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

EVENTUELLEMENT, VENDREDI 16 AVRIL, à 9 heures 30 et à 15 heures :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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