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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 75ème jour de séance, 189ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 7 AVRIL 2004

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

Sommaire

      POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE
      - deuxième lecture - (suite) 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 2

      QUESTION PRÉALABLE 7

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 22

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 8 AVRIL 2004 23

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE - deuxième lecture - (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la politique de santé publique.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Marie Le Guen - Je voudrais tout d'abord féliciter M. le ministre pour sa nomination à un poste qui, en matière d'honneurs et de facilités, n'est pas le plus enviable!

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Ça commence très bien.

M. Jean-Marie Le Guen - Vous avez insisté sur la valeur courage, et nous pourrons vérifier ce soir et demain la réalité de votre engagement.

Vous avez énoncé tout à l'heure des principes politiques de santé sur lesquels nous nous retrouvons tous, mais M. Mattei ne les avait-il pas lui-même faits siens il y a quelques mois ? Je tiens du reste à saluer l'homme, à lui exprimer mon respect et ma sympathie, même si j'ai critiqué sa politique.

Entre les principes et la réalité, il y a un décalage qui n'est pas pour rien dans le cours des évènements récents. Certains ont parlé d'échec, non d'un homme, mais d'une équipe gouvernementale, à un point tel que nombreux sont ceux qui doutent, y compris au sein de la majorité, de la capacité du Gouvernement à affronter la réforme de l'assurance maladie.

Vous dites que vous serez volontaire. L'opposition le sera aussi, en défendant ses convictions avec rigueur, mais aussi humilité car elle sait la difficulté de la tâche.

Revenons au texte.

Vous avez pu penser qu'il s'agissait d'un texte clarifié et consensuel. Il n'en est rien.

De consensus, il n'y en a aucun ! Non seulement l'opposition l'a critiqué, mais l'UDF a voté contre, sans parler de l'ensemble des partenaires sociaux, des organisations syndicales à des institutions comme la CNAM. Au moment où vous appelez à l'union nationale, nous examinons en seconde lecture un texte soutenu par la seule UMP.

Clarifié ? Ce texte, et je m'en félicite, a été largement restructuré par le travail des deux assemblées, mais au point de l'écarter de son inspiration première, la santé publique, pour devenir une sorte de DMOS, traitant notamment des professions médicales. Or, on sait à quel point le Conseil constitutionnel tient à ce que le titre d'un texte corresponde à son contenu.

Mais surtout, votre texte anticipe largement sur le débat relatif à la gouvernance de notre système de santé, en participant à son étatisation, ce qu'ont dénoncé avec force l'ensemble des partenaires sociaux. De surcroît, il vient après d'autres. Il y a quelques semaines, lors du débat sur la décentralisation, nous discutions des responsabilités respectives des organismes de l'Etat - déconcentrés ou décentralisés - et des partenaires sociaux en matière de pilotage des systèmes de santé.

Or, que voit-on dans le présent texte comme dans la loi de décentralisation et dans la future loi sur les personnes âgées dépendantes ? Avant même que la concertation annoncée ait pu avoir lieu, vous faites, à propos du cinquième risque un choix qui n'est ni le nôtre, ni celui des partenaires sociaux, ni celui des gestionnaires de l'assurance maladie, ni celui de la plupart des intervenants dans ce secteur. On est bien loin de la clarté et de l'autonomie des partenaires sociaux dont vous prétendez faire votre règle.

Le débat en première lecture a été marqué par la retenue car nous sortions de ce drame majeur, de cet échec de santé publique qu'a été la canicule. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une autre crise très grave, celle de l'assurance maladie. A propos de la canicule, j'observe qu'en dépit de quelques circulaires et de notre décision de faire remonter les données épidémiologiques post-mortem vers l'INVS, rien n'a été fait pour doter toutes les maisons de retraite d'une salle offrant un minimum de protection thermique. Aujourd'hui, les crédits nécessaires ne sont pas encore mobilisés. S'agissant de l'assurance maladie, nul ne peut ignorer que le soin participe aussi de la santé publique. Or, pour des raisons financières et démographiques, et à cause des désordres de notre système de soins, on observe une dégradation de la qualité de ce système.

Ce projet traite de l'organisation de notre système de santé publique, des politiques de santé, mais de façon très lacunaire et sans ce courage qui permettrait de vaincre les lobbies. C'est aussi une sorte de DMOS, qui cumule maladresses et prises en compte des intérêts corporatistes.

C'est un texte très étatiste, auquel nos travaux ont donné un caractère baroque, sans que nous parvenions à corriger la mauvaise orientation de départ. Il est, en fait, parfaitement inapplicable,...

M. le rapporteur - Mais non !

M. Jean-Marie Le Guen - ...d'autant qu'il sera remis en cause dès que nous serons amenés à parler de gouvernance.

L'Etat, l'Etat, l'Etat, telle est votre credo, mais un Etat exalté dans son centralisme,...

M. le rapporteur - Non, un Etat garant de la santé publique...

M. Jean-Marie Le Guen - ...un Etat pyramidal, où tout va du haut vers le bas, de ceux qui savent vers ceux qui sont chargés d'appliquer la politique de santé publique.

Votre vision est aussi éminemment épidémiologiste, orientée vers les pathologies. Elle rejette, de façon caricaturale, les politiques populationnelles et les approches communautaires. Nous lui préférons une vision d'un Etat non pas décideur mais animateur, avec des pratiques effectivement décentralisées. Quel paradoxe : notre approche semble plus libérale que la vôtre...

Vous êtes par ailleurs incapables de dégager des priorités. Faut-il comprendre « cent » ou « sans » priorités ? Même parmi vos cinq priorités plus prioritaires (Sourires), aucune, hormis le cancer, n'est concrétisée dans ce texte : la santé environnementale n'est pas plus présente que la santé au travail ou que les maladies rares... Auriez-vous choisi ces thèmes simplement parce que c'était ceux qui revenaient le plus souvent dans les sondages ? Vos cent objectifs sont destinés à satisfaire tout le monde, ce qui est évidemment impossible. En outre, votre projet ne reprend en rien les préconisations de l'Académie de médecine sur la façon de définir des priorités de santé publique.

Cette loi n'est ni la loi de programmation annoncée, car les moyens nécessaires ne sont pas engagés, ni même une loi d'orientation. Faute de moyens humains et matériels, les directions de votre ministère ne sont plus à même de piloter la santé publique. Il en va de même pour les DRIRE dans les régions, on l'a vu avec la légionellose.

Quelle autorité avez-vous, Monsieur le ministre, sur ces outils de la politique de santé que sont les agences ? Dans l'affaire du gaucho, on constate que c'est le ministre de l'agriculture qui exerce la tutelle la plus importante sur les directions chargées de travailler avec l'AFFSA... Alors que votre prédécesseur avait annoncé un plan pour restructurer les agences, ce texte n'en dit mot. Quand donc aurons-nous ce débat ?

Il est étonnant que l'INVS ait été chargé du suivi de la politique de veille sanitaire alors qu'il s'agit plutôt d'un organisme voué à la recherche appliquée et au dépistage. La DGS a d'ailleurs décidé, à juste titre, de se doter d'une cellule permanente de veille et d'action opérationnelle.

Au passage, j'espère que vous disposerez des moyens nécessaires. Mais je me demande surtout à quoi a servi le débat en première lecture, au terme duquel nous avons chargé des mêmes missions l'Institut de veille sanitaire.

En région, l'assurance maladie sera le banquier requis. Les professions de santé seront fonctionnarisées. Il y a des acquis dans les régions, même s'il faut déplorer des inégalités. En Poitou-Charente, dans le Nord-Pas-de-Calais, ont été mis en place des réseaux qui fonctionnent correctement.

Personne ne dénie à l'Etat son rôle d'impulsion, mais une certaine entente existe. On est en train de caporaliser l'ensemble des acteurs. Les partenaires sociaux sont ignorés. Il a fallu l'intervention des parlementaires pour que soient maintenues les conférences régionales de santé, qui sont des embryons de démocratie sanitaire. On prononce la dissolution de toutes les structures associatives en annonçant que tout va sortir de la casquette du préfet.

Monsieur le ministre, ce projet est loin d'être un texte qui rassemble. J'aurai l'occasion de revenir à la tribune pour parler du contenu de votre politique de santé. Mais l'absence de tout élément significatif est préoccupante.

Pour toutes ces raisons, nous sommes en mesure de prouver l'irrecevabilité de ce texte. J'ai entendu M. Mattei tenir un discours de rassemblement et de dialogue. Le problème, c'est le décalage entre vos intentions et la réalité.

Vos intentions sont très bonnes, mais il serait bon qu'au moins, le texte sur la gouvernance de l'assurance maladie devant être voté avant l'été, les trois premiers articles du projet que nous examinons ce soir soient réservés pour plus tard. En effet, une discussion doit avoir lieu avec les partenaires sociaux et l'opposition, qui souhaite débattre le plus en amont possible.

Si vous voulez donner du crédit à votre appel au dialogue, rattachez ces articles au projet sur la gouvernance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Je suis d'accord sur un point avec M. Le Guen, qui connaît le sujet, on ne peut pas aborder la gouvernance de l'assurance maladie sans évoquer les problèmes de santé publique. On ne peut dessiner les contours d'une nouvelle gestion sans qu'il y ait, au plus haut niveau, la définition d'objectifs de santé publique.

En revanche, je suis étonné de ce que vous avez dit au sujet de l'Etat. Nous débattons à contre-emploi. Je ne vous savais pas si libéral !

Dans notre pays, nous avons besoin de l'Etat pour les missions régaliennes. Que les Aéroports de Paris dépendent de l'Etat, je trouve cela étonnant. Mais que l'Etat ne s'intéresse pas à la santé publique, je trouve cela choquant.

La culture de la santé publique reste à mettre en place. Pas un maire de grande ville n'a un médecin de santé publique dans son équipe. Ils ont des architectes, mais un spécialiste de la santé publique, jamais ! D'où vient la bronchiolite du nourrisson ? De la pollution des grandes villes. Mais ni le maire de Paris, ni le maire de Toulouse, ni celui de Bordeaux n'ont à leurs côtés un spécialiste de la santé publique.

Vous dites que l'opposition fera preuve de volonté et de courage. De la volonté, je sais que vous en avez. Du courage, on verra. J'attends vos propositions et ce que vous direz de celles que nous ferons.

M. Jean-Marie Le Guen - Celles que vous ferez, en effet, car il n'y en a pas actuellement.

M. le Ministre - Il s'agit de l'intérêt général. Vous dites que les partenaires sociaux sont contre ce texte : l'association des accidentés de la vie sera heureuse de l'apprendre, elle qui s'est dite favorable au projet. Vous parlez d'étatisation, or j'estime qu'entre les partenaires sociaux et l'Etat il y a une complémentarité : aux partenaires sociaux de gérer, à l'Etat de fixer les objectifs de santé publique.

Vous m'interrogez sur la gestion de la prochaine canicule. Je souhaite qu'il n'y ait pas de canicule, mais je ferai prochainement un point très précis sur ce problème que vous avez eu raison d'évoquer.

L'Etat n'est pas « exalté » », Monsieur Le Guen, mais il doit être présent s'agissant d'une mission régalienne.

M. Bapt va parler de moyens. Je sais qu'ils sont trop faibles, mais ce n'est pas nouveau. Vous ne parviendrez pas à faire croire que ce gouvernement est responsable de cette situation.

Vous nous dites que certaines régions ont des réseaux. C'est très bien. En France, nous sommes très bons en matière curative.

M. Jean-Marie Le Guen - Non.

M. le Ministre - On est plutôt bien soigné en France, si on compare avec les autres pays. Mais nous sommes mauvais en matière de prévention, ce qui crée des inégalités entre les catégories socioprofessionnelles. Une ouvrière, une femme d'ouvrier, est moins protégée du cancer du sein qu'une femme d'une catégorie socioprofessionnelle supérieure : ce n'est pas normal. Il existe en outre des disparités régionales. Entre le Nord-Pas-de-Calais et la région Midi-Pyrénées, l'écart d'espérance de vie est de 2,5 ans pour les femmes et de 4 ans pour les hommes. J'estime que l'Etat, les préfets ont des responsabilités à cet égard.

Les partenaires dont vous avez parlé font du bon travail, mais ils sont dispersés dans les régions. Ce n'est pas parce que l'Etat n'a pas agi dans ce domaine qu'il faut renoncer à lui demander de jouer son rôle en matière d'éducation à la santé.

Enfin, ce projet est positif parce qu'il est le premier qui porte sur la santé publique. Je sais que vous l'avez amélioré, sur tous ces bans, et je vous en remercie. Nous aurons l'occasion de reparler de santé publique quand nous examinerons le texte sur la gouvernance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Morange - Comme l'a bien souligné notre président-rapporteur, ce projet de loi de santé publique, le premier depuis celui de 1902, est réellement fondateur. Notre pays avait en effet un système de soins, mais pas de politique de santé !

Ce texte réaffirme la responsabilité régalienne de l'Etat en matière de santé publique, clarifie les rôles et donne la priorité à la prévention. Il définit clairement des objectifs sanitaires - à ce sujet, je m'étonne que l'opposition critique la multiplicité, l'éclatement dit-elle, de ces objectifs, dont l'atteinte ne peut pourtant être laissée à la seule initiative des régions, au risque de laisser perdurer, voire d'accentuer les disparités régionales. Il est du devoir de l'Etat de garantir l'équité en matière de santé partout sur le territoire : les différences d'espérance de vie entre régions ou entre catégories socio-professionnelles, citées par le ministre, ne sont pas acceptables ; elles minent notre pacte républicain lui-même. Le texte pose également le principe d'une organisation régionale, échelon jugé le plus pertinent en ce qu'il allie proximité et éloignement suffisant pour avoir une vue synthétique des problèmes. Enfin, ce texte vise à mieux coordonner les interventions, la multiplicité des acteurs pouvant nuire à l'efficacité.

Alors qu'il était censé défendre une exception d'irrecevabilité, notre collègue n'a guère évoqué la conformité du texte à la Constitution. Bref, je ne lui ferai pas de procès d'intention sur ce point. Il faut débattre sans plus tarder de ce grand texte sur la santé publique, dont l'examen arrive aujourd'hui à point nommé, après le passage de témoin entre M. Mattei et M. Douste-Blazy et avant le texte relatif à la gouvernance de l'assurance maladie qui doit être voté cet été. Des outils existent d'ores et déjà. Dans le domaine de la médecine ambulatoire, ce sont par exemple les accords de bon usage des soins ou les protocoles de prise en charge des affections de longue durée. Pour le médicament, alors que nombre de décrets étaient toujours en attente de publication depuis 1999, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a beaucoup progressé, qu'il s'agisse du service médical rendu ou du développement des génériques. Dans le secteur hospitalier enfin, a été instituée la tarification à l'activité.

Pour toutes les raisons évoquées, nous voterons contre cette exception d'irrecevabilité.

M. Jean-Luc Préel - Notre collègue Le Guen n'a en rien démontré l'inconstitutionnalité du texte, mais nul n'en est dupe, sachant pertinemment que le but des motions de procédure est d'abord d'obtenir du temps de parole. Défendant ce soir trois motions, M. Le Guen va pouvoir, en une heure et demie, nous détailler les propositions du parti socialiste en matière de santé, de santé publique plus particulièrement, et bien sûr de gouvernance de l'assurance maladie. Tout devrait pouvoir être ainsi réglé ce soir... (Sourires ironiques sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

Notre système de santé est plutôt bon dans le domaine curatif, mais médiocre dans le domaine de l'éducation à la santé et de la prévention. D'où l'importance de ce texte relatif à la santé publique. Nous avons essayé en première lecture de l'améliorer, hélas sans grand succès, si bien que nous avons été amenés à voter contre. Des améliorations lui ont été apportées au Sénat et j'espère que, dans un esprit de dialogue retrouvé, nous pourrons encore l'améliorer ici.

L'Etat a bien sûr un rôle essentiel en matière de santé publique. Mais c'est une erreur que de confier aux préfets de région la présidence des groupements prévus au niveau régional. Quand on connaît les rivalités qui existent entre acteurs au niveau régional, notamment entre ARH et DRASS, je vois mal comment celle-ci pourrait imposer à celle-là des décisions qu'elle n'approuverait pas. La réforme prochaine de la gouvernance de l'assurance maladie devrait, en toute logique, conduire à confier les missions de prévention, d'éducation à la santé et, pourquoi pas, de formation à des agences régionales de santé.

Pour ce qui est des objectifs, je comprends bien la valeur d'affichage d'en avoir retenu cent, ce qui peut toutefois rendre difficile de discerner les priorités. Le Sénat en a ajouté d'autres, des pans entiers ayant été oubliés en première lecture, comme celui de l'audition. Notre rapporteur souhaite revenir à cent objectifs. Il serait pourtant dommage d'éliminer certains objectifs, importants, proposés par le Sénat.

Enfin, ce me semble une erreur que de ne pas s'appuyer davantage sur les acteurs de terrain en matière de prévention et d'éducation à la santé.

Sur tous ces sujets, nous proposerons des amendements dont je ne doute pas que quelques-uns soient acceptés. Si tel est bien le cas, nous ne serons pas conduits à voter demain contre ce texte.

M. Gérard Bapt - Chacun aura bien compris que M. Le Guen n'a pas essayé de démontrer l'inconstitutionnalité de ce texte (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais simplement que l'examen devait en être reporté, le chantier méritant d'être rouvert après les importants changements intervenus dans la composition du Gouvernement, et ce d'autant plus que le ministre a assuré souhaiter une large concertation, y compris avec l'opposition, en vue de la future réforme de l'assurance maladie.

Un grand espoir était né quand M. Mattei avait annoncé une grande loi de santé publique, s'éloignant des considérations strictement comptables pour s'intéresser à la prévention et à l'éducation pour la santé. Mais plus de temps aurait été nécessaire. Preuve en est par exemple que jamais les conséquences sanitaires d'une canicule n'ont été abordées lors des concertations préalables à l'élaboration du texte - on sait ce qu'il en a coûté. Le professeur San Marco, habitué à diffuser des messages d'alerte à Marseille, depuis la terrible canicule de 1983, m'a confié n'avoir jamais été sollicité sur le sujet... Les leçons tirées à la va-vite de la tragédie de l'été dernier sont à la fois prématurées et insuffisantes, du fait d'un manque de concertation. Il faudrait de toute urgence relancer cette concertation, mais aussi rompre avec certaines orientations chères à M. Mattei. Alors que vous-même, Monsieur le ministre, avez rendu hommage à la loi Kouchner sur les droits des malades, votre prédécesseur était des plus méfiants à l'égard des associations d'usagers, sans lesquelles aucun progrès n'est pourtant possible en matière de prévention et d'éducation à la santé.

Si vous souhaitez, Monsieur le ministre, que cette loi d'orientation soit véritablement une loi Douste-Blazy, il faudrait la remettre sur le métier et en ôter tout ce qui concerne la gouvernance et la démocratie sanitaire. C'est sans doute aussi l'avis de notre collègue Préel qui appelle par exemple de ses v_ux des agences régionales de santé, que le projet écarte. Il faudrait revenir sur tous ces points.

Si notre collègue Le Guen n'a pas démontré que ce texte était contraire à la Constitution, il a démontré combien il serait important de prendre le temps nécessaire pour faire de ce texte ce qu'il devrait être. Ce serait vous rendre service, Monsieur le ministre.

Mme Muguette Jacquaint - Comme votre prédécesseur, Monsieur le ministre, vous dites que l'Etat attache une grande importance aux questions de santé publique. On va jusqu'à fixer cent objectifs à atteindre - tant d'objectifs, en fait, qu'on ne discerne plus les priorités. Créer une culture de santé publique, oui, c'est nécessaire. Mais où en sommes-nous en matière de santé scolaire, de santé au travail ? Et où en sont les campagnes de sensibilisation ? Il y a bien eu le cancer du sein, l'alcoolisme, mais bien d'autres questions se posent. Et surtout, quelles sont les mesures concrètes ? Nous ne pouvons qu'être inquiets en pensant aux coupes sombres dont va s'accompagner la réforme de la sécurité sociale. Nous voterons l'exception d'irrecevabilité pour affirmer notre désaccord avec le texte tel qu'il nous est présenté. Le Sénat a supprimé l'amendement que nous avions réussi à faire adopter instituant une visite médicale annuelle dans les écoles ! Dans ces conditions, vous comprendrez notre scepticisme quand nous entendons dire que l'Etat va faire de cette question une priorité et notre refus de ce texte.

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - M. Ayrault et les membres du groupe socialiste déposent une question préalable en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Marie Le Guen - Les honorables parlementaires présents, dont je veux croire qu'ils ne sont pas là parce qu'ils ont été réquisitionnés, mais par intérêt pour la santé publique, ne devraient donc pas être gênés d'en entendre parler, et pourraient même trouver intéressant de savoir ce qui a changé entre la première et la deuxième lecture, et ce qui s'est passé dans cet intervalle. Nous avons entendu le Président de la République déclarer qu'il avait compris le message et qu'il fallait plus de social, plus de dialogue. Et ce qui était hier stupide et irresponsable est aujourd'hui reconnu, quand il s'agit des chercheurs par exemple - question qui n'est pas sans toucher à la santé publique, si l'on songe à ce qui se passe à l'INSERM. Mais j'aimerais être sûr que l'autosatisfaction qui prévalait avant le 28 mars ne se perpétue pas. Or je n'en suis pas certain. Ainsi le présent texte est totalement isolé dans notre société : parmi tous les interlocuteurs, on m'a cité une seule association qui le soutient...

C'est clair, nous n'avons pas la même conception de l'Etat et de la société. Pour vous, il y a d'un côté un Etat régalien, qui existe d'autant plus qu'il donne plus de coups de menton, et de l'autre le marché. Pour nous, il y a entre les deux une société civile, des formes de régulation sociale. C'est là le c_ur du modèle social européen, et particulièrement de notre modèle de santé publique.

Peut-être, Monsieur le ministre, n'avez-vous pas bien assimilé tous les éléments du texte. Ainsi il est évident que l'Etat doit jouer un rôle d'impulsion. Mais à travers qui ? Est-ce M. de Villepin qui va impulser la politique de santé publique, ou est-ce le ministre de la santé ? Et le préfet de région, ne se réunira-t-il qu'avec d'autres fonctionnaires, ou avec des partenaires sociaux, des responsables d'institutions ? La politique de la région sera-t-elle la simple déclinaison de décisions nationales ou une véritable adaptation au plan local des impulsions données nationalement ? Enfin, vous dites que l'Etat sera garant, non gérant. Mais ce n'est pas ce que dit le projet, puisqu'il prévoit un GIP autour de l'Etat, qui mènera pour l'essentiel la politique de santé publique. Là est le problème ! Il n'est pas dans le fait que l'Etat soit à l'origine de l'impulsion politique. Mais il sera bel et bien gérant par l'intermédiaire de ce GIP régional. Nous assistons bien à une étatisation de la politique de santé publique.

D'autre part et surtout, ce ne sont ni un texte de loi, ni des incantations sur le rôle régalien de l'Etat qui pourront se substituer au contenu des politiques. Les politiques de santé publique ne sont pas des conceptions abstraites. Nous connaissons tous les variations de la mortalité selon les régions, les classes d'âge, les couches sociales, les professions, l'environnement... Mais qu'y a-t-il dans le texte ? Considérons le tabac. Il y a eu sur ce point une avancée de l'actuelle majorité et nous l'avons soutenue, y compris quand elle reculait, notamment sur le prix du tabac. Mais ce texte arrive malheureusement à un moment où la volonté du Gouvernement commence à faiblir. Que va-t-il faire sur le prix du tabac, Monsieur le ministre ? On n'entend plus parler de nouvelles hausses, mais de politiques en direction des buralistes. Allez-vous poursuivre ce qu'avait initialement prévu M. Mattei en matière de prix du tabac ? Telle est la question, celle de la volonté et du rôle de l'Etat.

Quand à l'alcool, il n'y a rien. C'est pourtant là un problème spécifique de la santé publique dans notre pays. La majorité précédente avait fait voter la loi Evin, ce qui n'était pas si mal. Mais depuis lors, et dans ce texte, rien ! Je vous ai bien entendu sur les bouilleurs de cru, ce qui constitue un aspect symbolique. Pas de chance, sur ce point nous nous sommes fait battre en commission... C'est pourquoi je vous ai dit, Monsieur le ministre, qu'il vous faudrait compter sur l'opposition. Parmi les amendements proposés, quelques-uns sont significatifs d'une volonté politique, comme celui de M. Bur sur les premix. J'évoquerai aussi l'un des miens, qui vise les actions de promotion de l'alcool conduites nuitamment dans des lieux où se réunissent les jeunes. Bien sûr tout cela ne suffit pas, et nous ne prétendons pas tout résoudre. Nous vous proposons d'organiser des états généraux de la lutte contre l'alcoolisme. Il n'y a pas de solution miracle. La mesure symbolique sur les bouilleurs de cru est faite pour frapper les esprits. Mais nous devrions peut-être reprendre l'idée, émise au Sénat par une collègue de la majorité, d'un affichage sur les bouteilles d'alcool mettant en garde les femmes enceintes contre le risque particulier que comporte l'alcool pour elles et surtout pour leurs enfants. Cette vérité n'est pas du tout admise dans l'esprit public de notre pays - mon propre nom vous l'indique, je viens d'une région qui connaît bien ces problèmes. Il n'y a rien à ce sujet dans le texte : il faut avancer ! Vous parlez d'un Etat volontaire, décideur en matière de santé publique : allez-y !

J'ai évoqué M. de Villepin. Or, sur la toxicomanie, c'est bien le ministre de l'intérieur qui, à ce jour, est chargé de nous présenter un texte. Il n'y a rien dans le présent projet sur un problème pourtant bien réel et qui agite les préaux.

L'environnement ? Les rapports sur les risques environnementaux se multiplient, mais votre projet est muet sur ce sujet. La médecine du travail et la médecine scolaire ? Rien non plus. On ne peut pourtant nier qu'elles aient un rôle à jouer dans la santé publique !

Et que dire de l'obésité ? Je suis un de ceux qui ont attiré l'attention des pouvoirs publics sur le drame sanitaire qui se prépare et sur la nécessité de passer à la vitesse supérieure pour l'empêcher. L'Académie de médecine nous annonce en effet que, d'ici à quinze ans, 25 % des jeunes de ce pays seront obèses et que 70 à 80 % d'entre eux le resteront toute leur vie, s'installant du même coup dans le diabète. Un cinquième de la population ! Ce fléau est même capable de faire reculer l'espérance de vie moyenne, ce qui serait la marque d'un incroyable recul social.

M. Yves Bur - Nous sommes bien d'accord.

M. Jean-Marie Le Guen - Alors, passons aux actes ! Le Sénat a retenu un des quatre amendements que j'avais proposés sur ce sujet, M.Mattei ne s'y étant pas opposé. Mais voici maintenant qu'un amendement gouvernemental, résultat d'arbitrages antérieurs aux 21 et 28 mars, tend à revenir en arrière. Heureusement, notre commission l'a repoussé. Mais je vous le demande, Monsieur le ministre, retirez cet amendement et refusez un arbitrage qui s'est fait hors de votre présence et qui est contraire aux intérêts de la santé publique ! Montrez votre courage politique !

En vérité, chaque fois que l'on parle de santé publique, on se heurte aux lobbies...

M. Serge Blisko - Eh oui !

M. Jean-Marie Le Guen - Moi qui ai été rapporteur de la loi Evin, je me rappelle que certains prétendaient alors qu'elle allait nuire à l'économie. Mais enfin quelle honte pour nous si nous ne l'avions pas votée ! En l'adoptant, nous nous sommes montrés pionniers et nous avons été capables ensuite de faire partager notre point de vue à nos partenaires européens. La France a cependant toujours un trop fort taux de consommation de tabac et nous savons que des dizaines de milliers de nos concitoyens en mourront...

M. Serge Blisko - En particulier des femmes.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous avons naguère été capables d'infléchir une tendance et je dirais que les médias se sont eux aussi « désintoxiqués » du tabac. S'ils ne parlaient guère, avant, des méfaits du tabac, c'est qu'ils tenaient aux recettes publicitaires que le tabac leur apportait. Et si aujourd'hui beaucoup de médias ne dénoncent guère l'alcool ou la progression de l'obésité, c'est parce que leurs annonceurs font la loi !

Il faut donc dans ces domaines une forte volonté politique, il faut savoir prendre les décisions qui s'imposent. Ce sont celles que prône l'OMS et que des pays comme le Québec ou la Grande-Bretagne ont déjà su prendre. Nous avons aujourd'hui l'occasion d'affirmer une volonté politique, saisissons-la ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Bur - Nous avons su agir contre le tabac, contre la vitesse...

M. Jean-Marie Le Guen - J'ai soutenu ces mesures.

M. le ministre - La santé publique constitue une des missions régaliennes de l'Etat. Quand vous dites que M. de Villepin dirige les préfets, c'est vrai, mais un préfet représente l'Etat tout entier et applique la politique de santé publique décidée par le ministre de la protection sociale autant que la politique de sécurité décidée par le ministère de l'intérieur.

Vous avez par ailleurs tenu un discours courageux sur certains sujets, Monsieur Le Guen. Pour ma part, je pense que l'éducation à la santé est plus importante et plus efficace que la répression. Cela vaut notamment pour le tabac, sujet sur lequel vous reconnaîtrez que le Gouvernement est allé assez loin...

M. Jean-Marie Le Guen - Je l'ai souligné.

M. le Ministre - Cela nous a peut-être d'ailleurs coûté cher lors des dernières élections, comme naguère la loi Evin vous avait coûté cher... Mais ce n'est pas la question. L'important est de dissuader les jeunes d'adopter des conduites addictives. L'éducation à la santé peut y parvenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée

M. Bertho Audifax - A l'occasion de l'examen en deuxième lecture de ce projet, nous allons débattre des 102 articles restant en discussion et de plus de 250 amendements. Au cours de cet exercice, nous ferons _uvre utile si nous respectons l'ambition initiale de ce texte : donner à l'Etat les moyens de jouer son rôle de garant de la protection de la santé publique.

Cette ambition correspond en effet à une attente forte de nos concitoyens, qui demandent aux pouvoirs publics de protéger collectivement la population contre les risques susceptibles de menacer la santé. Chaque fois que leur santé ou celle de leurs proches est menacée, c'est vers l'Etat et ses agents qu'ils se tournent pour exiger une protection efficace.

L'actualité le confirme régulièrement, que ce soit à l'occasion de l'apparition ou de la propagation d'épidémies telles que le SRAS, les méningites, le sida ou l'hépatite B, ou face à des menaces telles que le bioterrorisme ou les catastrophes écologiques. Alors que l'histoire contemporaine est marquée une réduction du rôle de l'Etat, force est de constater que la santé publique va constituer l'une des rares extensions du domaine régalien.

Or, aujourd'hui notre système de santé n'est pas en mesure de satisfaire pleinement cette demande nouvelle de la société française. J'en vois l'une des preuves dans la mortalité prématurée - celle qui survient avant l'âge de 65 ans - qui reste en France à un niveau anormalement élevé, alors que les causes en sont connues et que d'autres pays développés comme l'Allemagne ou l'Italie ont su la faire baisser. C'est pour mettre fin à de telles contre-performances que ce projet de loi a été conçu.

Son titre premier définit le périmètre de la politique de santé publique, clarifie les responsabilités et simplifie les instances impliquées. Quant au titre II, il porte sur les outils d'intervention de l'Etat.

Ces deux titres me semblent être les plus importants, car ils modifient l'architecture du système actuel, qui n'a jamais consacré la santé publique comme une responsabilité de l'Etat, ni comme un domaine prioritaire d'action des pouvoirs publics. Ils retouchent profondément une organisation qui, en l'absence de politique d'ensemble, est le résultat de réformes successives, s'imbriquant les unes dans les autres sans vision globale et dont la prévention était le parent pauvre.

A l'échelon national, le paysage institutionnel est réorganisé en trois niveaux. D'abord, un niveau de concertation, d'expertise et de coordination, avec la Conférence nationale de santé et le Haut Conseil de la santé publique. Puis vient le Comité national de la santé publique, instance de coordination interministérielle et de gestion politique.Au niveau politique, le Gouvernement soumettra tous les cinq ans au Parlement un projet de loi fixant les priorités de la politique de santé publique, et le ministre de la santé publique en arrêtera les plans nationaux. Enfin, un troisième niveau de mise en _uvre par les agences sanitaires, les organismes de recherche, les associations et l'assurance maladie.

Un schéma similaire est déployé à l'échelon régional en tenant compte des spécificités locales. Il est vrai que certaines régions menaient déjà des politiques de santé publique efficace. Mais tel n'était pas le cas à la Réunion malgré des problèmes propres à cette région tels que l'alcoolémie ou la toxicomanie.

Un nouveau titre 2 bis tire les conséquences de la canicule de l'été 2003.

Aujourd'hui où l'actualité est parfois menaçante, il faut s'accorder sur l'obligation de signalement de menaces imminentes pour la santé de la population, l'extension des pouvoirs de l'administration en matière de police sanitaire en cas de menace grave, la sécurisation juridique du "plan blanc", ou encore les dispositions du plan "biotox".

Le titre III traite des cinq plans de santé publique nationaux - la lutte contre le cancer, la santé environnementale incluant la santé au travail, la violence et les comportements à risque, les maladies rares et la qualité de vie des personnes atteintes de maladie chronique.

Il est louable que les objectifs dans le domaine sanitaire ne se résument plus au seul objectif comptable de l'ONDAM, qui, malgré les efforts du Gouvernement, ne nous permet pas de mesurer l'impact des fonds consacrés à la santé.

Le titre IV concerne la recherche et la formation médicale continue. Une école des hautes études en santé publique est créée, et le dispositif d'encadrement des recherches biomédicales, issu de la loi dite Huriet-Sérusclat de 1998, est actualisé.

Un tel projet de loi ne peut que se traduire par des résultats encourageants. Voyez la politique de lutte contre le tabagisme : grâce aux dispositions courageuses de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, et de la loi de juillet 2003, le tabagisme a diminué surtout chez les jeunes et les femmes.

De même, s'agissant du dépistage du cancer du sein, la pratique de la mammographie tous les deux ans chez les femmes de 50 à 74 ans a été généralisée.

Parce qu'une véritable politique de santé publique se traduit par de nouvelles vies sauvées, le groupe UMP souhaite que ce texte soit adopté par notre assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Luc Préel - Monsieur le ministre, vous prenez en charge un secteur extrêmement important dans une période cruciale, et je vous souhaite bonne chance.

Les Français placent la santé au premier rang de leurs préoccupations, mais notre système de soins traverse une crise morale, organisationnelle et financière.

L'UDF sera à vos côtés pour sauver notre dispositif, si vous souhaitez nous écouter et nous associer aux décisions.

Si notre système de soins est bon pour le curatif, il pèche en matière de prévention et d'éducation à la santé, sans doute en raison d'un déficit de coordination et d'une confusion des responsabilités.

Malheureusement, ce projet de loi, tant attendu, nous a déçus.

Tout d'abord, il opère une distinction entre le soin et la prévention, alors qu'il aurait fallu désigner un responsable régional unique de la santé, chargé à la fois du soin, de la prévention, de l'éducation et de la formation. Pour avoir été cardiologue, vous savez, Monsieur le ministre, qu'un médecin soigne, éduque et prévient.

Ensuite, vous prévoyez que l'INPESS puisse disposer de correspondants régionaux alors qu'il faudrait s'appuyer sur les hommes et les femmes de terrain. Aussi l'UDF souhaite-t-elle un renforcement du rôle des CODES et des CRES.

Par ailleurs, vous présentez cent objectifs quantifiés, en cinq ans. Outre un aspect catalogue, cette présentation ignore nombre de problèmes de santé marginalisés, dont l'alcoolisme, les problèmes d'audition, la santé mentale.

L'UDF aurait préféré identifier trois ou quatre priorités en se basant sur la mortalité prématurée évitable - cancer du sein, cancer du colon et du rectum, maladies cardiovasculaires, alcool et tabac.

Enfin, vous ne faites pas apparaître les moyens humains et financiers dégagés pour mener votre politique.

Et je n'ai pas parlé du rejet de tous nos amendements, le plus souvent sans explication... mais au vu de l'attention que me prête le rapporteur, je suis sûr qu'il en ira différemment en seconde lecture (Sourires sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Le Sénat a amélioré le texte - en reprenant notamment certains de mes amendements rejetés à l'Assemblée.

Les temps ont changé, et c'est avec espoir que nous entamons cette discussion avec un nouveau gouvernement.

La réforme de la gouvernance est urgente, avec un déficit cumulé sur trois ans de 33 milliards, et un déficit prévu pour 2004 de 14 milliards. Le traitement sera certainement douloureux, mais il importe de ne pas reporter ce déficit sur nos enfants. Une fois le déficit résorbé, une maîtrise médicalisée s'imposera, en concertation avec les acteurs du terrain.

L'UDF propose, après avoir crée des caisses autonomes gérées paritairement pour les maladies professionnelles et les accidents du travail, une régionalisation de la santé fondée sur les conseils régionaux de santé élus par les collèges.

La volonté du Gouvernement en la matière n'est pas lisible, même si plusieurs lois apportent leur pierre au nouvel édifice. Tel est le cas des ordonnances du 4 septembre 2003, de celles adoptées en Conseil des ministres le 17 mars, de la loi sur les territoires ruraux, de la loi de décentralisation, du plan Hôpital 2007 et, bien entendu, de cette loi de santé publique.

Une mise en perspective paraît indispensable. Souhaitez-vous un responsable régional unique pour la santé ou plusieurs responsables de secteurs aux limites floues, comme le propose ce texte ? Allez-vous demain proposer des ARS contrôlées démocratiquement chargées du soin, de la prescription, de l'éducation à la santé et de la prévention ? Une réponse claire permettrait d'avoir une première idée der vos orientations.

Je n'ai pas abordé tous les volets variés de ce texte, qui lui donnent plus l'aspect d'un DMOS que d'un vrai texte de santé publique. Mais nous aurons au cours des débats, que j'aborde avec confiance et espoir, tout loisir de parler de la psychothérapie, de l'Institut national du cancer, de l'école de santé publique, du saturnisme, etc. Merci pour votre écoute et pour l'attention que vous porterez aux amendements du groupe UDF (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Mme Jacqueline Fraysse - Au moment de la première lecture, nous sortions d'une tragédie sanitaire où 15 000 personnes avaient trouvé la mort. Les rapports ont souligné les défaillances de notre système d'information sanitaire, mais surtout la faiblesse de notre système de santé publique, ainsi que les effets d'une restriction de l'offre de soins.

Arguant à juste titre de la nécessité de définir des objectifs clairs de santé publique posés par l'Etat et d'encourager la régionalisation de la conduite de cette politique, vous avez proposé de créer une nouvelle institution, le groupement régional de santé publique et vous avez fait un certain nombre de propositions pour valoriser la prévention, parent pauvre de la politique publique de santé. Nous sommes favorables à de tels principes, mais nous nourrissons quelques doutes quant leur application.

Quel crédit accorder aux intentions du Gouvernement si les financements ne suivent pas ? Comment interpréter une centaine d'objectifs non hiérarchisés, dont certains définissent des buts sanitaires quantitatifs voire qualitatifs, et d'autres des indicateurs d'évaluation sanitaire ?

Ces interrogations étaient d'autant plus légitimes que le texte présente des faiblesses sur au moins deux axes essentiels : la prévention et les risques liés à la création des groupements régionaux de santé publique.

La santé au travail ne fait l'objet que d'un seul article, de portée très limitée. La santé scolaire est tout bonnement oubliée, alors que la scolarité est le moment privilégié pour toucher l'ensemble de la population jeune et y déceler des difficultés particulières.

Les objectifs des GRSP paraissent douteux, notamment en raison de la composition de son exécutif, dont les membres sont essentiellement des financeurs et d'où sont exclus les usagers du système de santé et les élus.

M. le Rapporteur - C'est faux : les élus y sont et les usagers sont dans la conférence régionale de santé.

Mme Jacqueline Fraysse - Précisément, nous pensons que les usagers doivent être aussi dans les GRSP pour y parler des besoins.

Il est vrai que nous ne disposions pas alors de données financières précises, que le contenu de la loi de décentralisation n'avait pas été révélé et que l'on ignorait encore le vrai visage du plan Hôpital 2007. C'est aujourd'hui chose faite et toutes nos craintes sont hélas confirmées.

Ce texte ne vise nullement à mettre en _uvre une véritable politique nationale et régionale de santé publique ! Il aggrave la politique de réduction de la prise en charge sanitaire collective. Ainsi, nos débats sur les enjeux d'une prévention de la santé au travail ne nous ont pas permis de repousser les limites du texte. En dépit des exemples récents de légionellose, des rapports alarmants sur l'évolution des cancers professionnels, des troubles musculo-squelettiques, des maladies chroniques, des pathologies psychiques résultants des conditions de travail, malgré les cris d'alarme des médecins du travail, vous vous êtes opposés à toute modification substantielle de cet article. Vous avez refusé d'élargir les pouvoirs des médecins du travail, de revenir sur la constitution d'une fiche d'aptitude du salarié à son poste de travail, disposition totalement contraire au code du travail. Vous avez aussi refusé d'élargir le rôle des représentants des salariés dans le contrôle sanitaire de l'entreprise, d'améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles et des accidents du travail. En dépit de l'ampleur des besoins de santé au travail, vous vous êtes cantonnés à installer un système de veille épidémiologique dans l'entreprise.

S'agissant de la santé scolaire, en première lecture, l'Assemblée avait adopté un amendement de notre groupe instituant une visite médicale régulière pour les enfants durant leur scolarité. Au Sénat, votre prédécesseur a fait supprimer cette disposition. C'est indigne sur la forme mais aussi sur le fond car les besoins sont immenses. Dans les Hauts-de-Seine, la visite médicale avant l'entrée en 6e n'est plus assurée systématiquement, faute de médecins scolaires !

Quant à l'acte II de la loi de décentralisation, qui devait dégager les moyens nécessaires à ces interventions régionalisées en matière de santé public, chacun constatera qu'elle n'a consisté qu'en un vaste délestage financier de l'Etat au détriment des collectivités locales. Voilà qui montre clairement le rôle et la fonction des fameux GRSP : organiser le financement des actions de santé publique sans que cela coûte un sou au budget de l'Etat, Bruxelles oblige !

De même, le plan Hôpital 2007, qui devait être l'occasion d'une reconfiguration régionale de l'offre de soins dans le cadre d'une nouvelle et meilleure relation ville-hôpital, afin d'accentuer la logique de prévention sanitaire, est en réalité l'outil d'une privatisation progressive de l'hôpital public et le vecteur d'une marchandisation de la santé en France.

M. Yves Bur - Intox !

Mme Jacqueline Fraysse - La région n'est encore là que pour subvenir aux besoins d'investissement pour le bâti hospitalier, auparavant supportés par le budget de l'Etat.

Enfin, vous affirmez la nécessité de rééquilibrer le préventif et le curatif, de contribuer à un effort financier particulier en faveur de la prévention, mais les moyens ne sont inscrits ni dans la loi de finances, ni dans la loi de financement. Seule une ligne budgétaire « plan cancer » donne l'illusion d'un investissement supplémentaire, chantier présidentiel oblige...

Cette nouvelle répartition des crédits d'Etat destinés à la santé publique montre que les régions et les collectivités locales devront compenser les désengagements de l'Etat pour mener à bien leur politique de santé publique. Le risque est donc immense de voir se creuser les disparités régionales et les inégalités déjà marquées devant la santé et la mort. Elle illustre de surcroît, la volonté arbitraire d'un recentrage des dotations d'Etat sur certains dispositifs sanitaires, au détriment d'autres. Ainsi, alors que la lutte contre le cancer est proclamée priorité nationale, l'Institut Gustave Roussy, plus grand centre anticancéreux d'Europe, qui avait réussi à engager un programme d'investissement et de recherche ambitieux se voit confronté à un plan d'économie de 10 millions, soit l'équivalent de 250 emplois !

Tel est l'esprit de ce projet, qui s'inscrit dans une stratégie de réduction des dépenses publiques, que la pléthore d'articles ajoutés par le Sénat ne peut masquer.

Le 28 mars, les électeurs ont marqué leur refus de votre politique libérale, qui s'ingénie à mettre à sac toutes les constructions sociales, solidaires et collectives pour y substituer une logique marchande et individualiste.

M. le Président - Veuillez conclure !

Mme Jacqueline Fraysse - Systématiquement, vous désossez notre système de sécurité sociale, pour le jeter en pâture aux appétits sans borne des marchés financiers.

M. Bernard Accoyer - Vous exagérez !

M. Yves Bur - Intox !

Mme Jacqueline Fraysse - Cette politique, la majorité du pays n'en veut pas et vous l'a fait savoir. Je vous invite très sérieusement à en tenir compte et à cesser cette espèce de fanatisme libéral (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Terminez !

Mme Jacqueline Fraysse - Le Premier ministre dit qu'il faut poursuivre sur le chemin des réformes. Mais quelles réformes, avec quel contenu, au service de qui ? Il est urgent de répondre à ces questions avec l'ensemble de nos concitoyens, avec les professionnels, avec les usagers et avec les élus, afin que l'intérêt général prévale.

Ce n'est pas cette démarche qui sous-tend ce texte.

M. le Président - C'est terminé !

Mme Jacqueline Fraysse - Mais je veux croire que la parole démocratique qui vient de s'exprimer, permettra que cette seconde lecture soit l'occasion d'un changement... (Mme Fraysse achève son intervention sans micro)

Mme Muguette Jacquaint - C'est un scandale !

M. le Président - Chacun est tenu de respecter son temps de parole ; je ne puis accepter qu'on le dépasse d'un tiers ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Yves Bur - Une politique de santé publique, beaucoup en parlaient, certains en rêvaient, mais c'est l'honneur de Jean-François Mattei de lui avoir donné un contenu concret et c'est à vous, Monsieur le ministre, de la conduire.

En plaçant pour la première fois la santé publique au coeur de la problématique, en définissant des priorités et des objectifs pour améliorer l'état sanitaire de notre population, nous engageons notre pays à s'approprier enfin une culture de la santé publique. Nous nous dotons enfin de repères réels et mesurables qui donneront un sens au débat sur la réforme de notre système de soins.

Ce texte constitue la première étape dans la clarification des responsabilités. La politique de santé publique doit servir d'assise à la réforme. Dans ce cadre, il revient à la représentation nationale de définir les priorités et les objectifs de santé publique, mais aussi d'allouer les moyens financiers nécessaires.

Le pilotage relève évidemment de la responsabilité de l'Etat, qui doit veiller à la mise en _uvre des priorités. Il devra prendre en compte les risques induits par l'environnement et par les conditions de travail, sans négliger de réduire les inégalités en matière de santé.

Parce que je reste un partisan convaincu de la décentralisation, j'estime que l'Etat ne peut jouer son rôle que si sa mission est redéfinie et son mode de fonctionnement revu. Nous en prenons acte, les conférences régionales de santé doivent être transformées en structures permanentes de concertation et de débat au sein desquelles l'ensemble des acteurs de la santé apprendront à se connaître. Un tel lieu de débat est indispensable pour réussir les réformes structurelles que nous allons proposer aux Français.

Je voudrais réaffirmer certaines priorités, qui ne peuvent dépendre des aléas électoraux, car il y va de la santé de nos concitoyens.

Oui, une politique de prévention ambitieuse peut heurter certains de nos compatriotes, car corriger les habitudes de vie n'est jamais chose aisée.

Oui, malgré le mécontentement des fumeurs, piégés par une vraie dépendance, nous devons amplifier les campagnes de prévention, pour épargner à notre jeunesse de tomber dans le piège mortel que leur tendent avec cynisme les fabricants de mort en différé.

Oui, l'alcoolisme reste un fléau, même si notre pays hésite encore à renforcer la prévention. Aujourd'hui, ce sont les jeunes et même les très jeunes, à partir de 14 ans, qui sont la cible des fabricants. Avec le même cynisme que les fabricants de cigarettes, ils leurs vendent de nouvelles boissons très tendance, des mélanges à base de vodka ou de gin, qui dissimulent la présence d'alcool par un taux de sucre très élevé. Ces boissons contournent la taxation des prémix que nous avions imposée en 1997. La consommation de ces mixtures explose dans tous les pays européens et je vous proposerai une nouvelle définition, plus globale, fondée sur le taux de sucre. Déjà la Suisse et l'Allemagne ont engagé la lutte afin de casser la progression de ces produits et de rappeler aux industriels que leurs profits ne justifient pas toutes les démarches de marketing.

Notre objectif, à travers ce projet, n'est pas de nous limiter à une refonte organisationnelle, mais d'améliorer l'état de santé de nos concitoyens. Cette démarche est cohérente avec notre volonté de rendre plus efficace notre système de soins. Définir des objectifs de santé publique, amplifier les efforts d'éducation et développer la culture de la prévention permettront de concentrer les moyens collectifs sur le traitement des pathologies les plus graves et d'optimiser ainsi les chances de guérison.

En engageant notre pays, les acteurs de santé et l'ensemble de la population, dans la voie de la santé publique, nous leur proposons une démarche gagnant-gagnant. C'est la raison pour laquelle nous soutenons votre projet, ainsi que les efforts de modernisation de notre système de santé que vous allez engager. Ce qui est en jeu, c'est la solidarité face à la maladie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt - Je souhaite vous saluer, Monsieur le ministre, dans vos nouvelles fonctions. Le groupe socialiste tâchera de vous aider par une opposition constructive et positive (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP).

Mon groupe avait aussi salué l'annonce d'une loi de santé publique, qui avait suscité beaucoup d'espoirs. Nous avions participé de manière constructive à la première lecture du texte présenté par votre prédécesseur, profitant des qualités d'écoute du rapporteur. Nous avons d'ailleurs obtenu des avancées : je pense à la réduction des inégalités en matière de santé. J'ai noté, Monsieur le ministre, que vous insistiez sur ce point. Je souhaite que vous vous saisissiez aussi de l'aide médicale d'Etat, ce que n'avait pas fait votre prédécesseur.

Vous avez obtenu le maintien de l'IMPES.

Le texte initial de M. Mattei revenait sur la loi Kouchner de mars 2002 - dont j'ai noté que vous la jugiez positive, s'agissant des droits des malades. Comment une politique de santé publique pourrait-elle se passer des associations ? Le groupe socialiste souhaite le retour à la loi Kouchner.

Le maintien de la conférence nationale et des conférences régionales de santé évitera à l'Etat de s'enfermer dans un splendide isolement.

L'examen du projet a été troublé par deux événements. Il y eut d'abord la catastrophe sanitaire causée par la canicule. On n'a pu intégrer dans ce texte les propositions formulées de manière unanime par la commission d'enquête présidée par M. Evin et dont M. d'Aubert était le rapporteur. Je souhaite que vous nous indiquiez vos intentions concernant ces propositions.

L'autre événement était politique, je veux parler de l'amendement Accoyer, visant à encadrer de manière autoritaire les psychothérapeutes.

M. Bernard Accoyer - Seulement les charlatans !

M. Gérard Bapt - Il subsiste par ailleurs des incertitudes sur vos grands plans d'action.

Faire du plan de lutte contre le cancer une priorité était légitime. Mais la lutte contre le cancer passe aussi par la lutte contre les inégalités sociales. L'étude du développement des cancers dans la population française montre en effet l'importance des modes de vie, des risques professionnels ou de la prévention. J'avais écrit, en ma qualité de rapporteur du budget, aux ARH, qui m'ont toutes répondu. Dans la région Nord-Pas-de-Calais, le cancer dispute la première place, dans les causes de mortalité, aux maladies cardio-vasculaires et la région bat des records internationaux pour les cancers des voies aérodigestives supérieures ou le cancer du sein. Des efforts importants sont donc à réaliser, mais l'ARH m'écrit que les réseaux en cancérologie sont dans l'impasse : les protocoles ont été revus trois fois et sont diffusés, mais les dossiers communs ne sont pas remplis, leur utilité est remise en cause, les audits sont prévus mais non financés...

On oublie donc d'évaluer les dispositifs. Nous ne disposons même pas d'une comptabilité des dépenses engagées dans la lutte contre le cancer. Le financement de certains dépistages a été confié à des structures trop peu professionnelles. De la même façon, la chirurgie, en matière de cancer, ne devrait être effectuée que dans des structures ayant obtenu un agrément préalable.

Dans la région Midi-Pyrénées, le réseau « cancer » a été créé par l'ARH en 1999. Le rapport d'étape fait état d'un bilan décevant : le développement du réseau est entravé par des résistances. A Toulouse, deux médecins ont démissionné et ils n'ont pas été remplacés. A ces difficultés s'ajoute la complexité des financements.

On ne peut faire litière de ce qui existe déjà. Vous êtes attaché à la lutte contre le cancer et vous souhaitez la construction d'un cancéropôle à Toulouse, mais il ne peut y avoir d'avancée significative sans évaluation de l'ensemble des acteurs, y compris l'assurance maladie.

Nous allons, sur tous ces points, voir votre volonté d'ouverture. Si votre prédécesseur a dû céder sa place, c'est qu'il avait failli en quelque chose (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Comme il ne peut être tenu pour responsable du trou de la sécurité sociale, il doit s'agir de santé publique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre-Louis Fagniez - Monsieur Bapt, un peu d'élégance !

M. Paul-Henri Cugnenc - Si nous devons faire mieux en matière de prévention et de culture de santé publique, la qualité de notre système de soins dans le domaine curatif est unanimement reconnue, avez-vous dit, Monsieur le ministre. Pour autant, cet acquis n'est pas inaltérable. Nous devons l'efficacité de notre système de soins à tous ceux qui interviennent auprès des malades. Or, ces « soignants », déjà confrontés à une grave crise démographique, doivent absorber le choc provoqué par les 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nos hôpitaux, publics et privés, ne parviennent pas à retrouver leur équilibre de fonctionnement depuis cette loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - Abrogez-la !

M. Paul-Henri Cugnenc - Ce contexte est profondément démobilisant pour les personnels soignants.

La lutte contre le cancer, dont le Président de la République a fait l'une des priorités du quinquennat, constitue l'un des axes majeurs de la future politique de santé publique, avec notamment la création d'un Institut national du cancer. Vous n'êtes pas étranger à ces choix, Monsieur le ministre, qui aviez proposé la création d'un groupe d'études sur la santé publique, et en aviez assumé la présidence. Le cancéropôle que vous avez réussi à faire constituer à Toulouse doit également être cité en exemple. Des chercheurs du public et du privé collaborent de manière tout à fait originale sur un même site, pour la plus grande efficacité.

S'agissant de la prévention, je souhaiterais aborder, de façon peut-être originale, mais scientifique, le thème de la lutte contre l'alcoolisme (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il faut en finir avec les amalgames abusifs. Il y a loin de prôner une consommation modérée - nous en sommes tous d'accord - à imposer le dogme d'une alcoolémie zéro ! Il faut également en finir avec l'amalgame entre le vin et les autres boissons alcoolisées, non parce que le vin fait partie de notre patrimoine, mais parce que le vin est le seul alcool dont la consommation à dose modérée a un effet bénéfique scientifiquement reconnu. Prévenir en matière d'alcoolisme, c'est éduquer à la modération et non pas interdire (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Mme Martine Billard - Comme pour le cannabis ?

M. Paul-Henri Cugnenc - La prévention routière, ce n'est pas interdire la circulation des véhicules ! (Sourires) Il faudrait aussi savoir quels alcools sont responsables des taux d'alcoolémie les plus élevés. Aucune réponse scientifique n'a jamais été apportée sur ce point.

Soyez assuré, Monsieur le ministre, du soutien de nos collègues de l'UMP pour voter ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Blisko - Je traiterai de l'article 18 quater du texte relatif aux psychothérapies. Nous espérons, Monsieur le ministre, vous qui avez la chance d'être innocent en cette affaire, que vous porterez un regard neuf sur le débat né de l'amendement Accoyer. Notre collègue, qui pensait seulement donner des garanties aux patients, a sans doute été lui-même surpris des vagues que sa proposition a soulevées... Son amendement reposait sur les conclusions du rapport Cléry-Melin et visait à réserver l'exercice de la psychothérapie aux psychiatres et aux psychologues, à l'exclusion de tous autres professionnels.

De quoi s'agit-il exactement ? D'un côté, des psychiatres, auxquels leur diplôme de médecin confère le droit de soigner les troubles mentaux et de prescrire des médicaments, dont certains ne peuvent d'ailleurs être prescrits qu'à l'hôpital. De l'autre, des psychothérapeutes, formés pour la plupart par des écoles et des instituts privés, fort chers, - jamais à l'université, dont il est tout de même curieux qu'elle ne soit pas associée à ces formations - et qui réalisent un travail essentiel de soutien et d'accompagnement. Ces derniers méritent assurément de voir leurs compétences ainsi que leur titre reconnus dans les mêmes conditions que les personnels qui, comme les éducateurs spécialisés, les orthophonistes ou les psychomotriciens, peuvent avoir une démarche psychothérapeutique (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Gardons-nous de toute vision simpliste de la réalité. Il n'y a pas d'un côté un champ clair, sans problèmes, qui serait celui de la psychiatrie, soumise au contrôle habituel de l'exercice médical, et de l'autre celui, flou, sans contrôle, porteur de tous les dangers et de toutes les dérives, notamment sectaires ou mercantiles. Le danger sectaire existe partout, et ce n'est pas un diplôme ou une inscription à l'Ordre qui en protège les patients ! La loi permet d'ores et déjà de poursuivre les responsables de tels agissements. Les sanctions peuvent être, si besoin est, renforcées, le conseil de l'Ordre y est prêt.

Y avait-il dont urgence à légiférer, sous le coup de l'émotion ? A mon sens, non, et la vivacité des réactions le confirme. Beaucoup de psychiatres et de psychologues observent, à juste titre, que le débat a été trop rapide, de surcroît marqué par des changements de cap successifs de la part du Gouvernement. En effet, après l'amendement Accoyer, très restrictif, est venu l'amendement du sénateur Gouteyron, qui ne manquait pas d'intérêt mais conduisait à une usine à gaz, puis, pour finir, l'amendement Mattei, repris aujourd'hui par le président de la commission, censé tout résoudre, alors qu'il soulève plus de questions qu'il n'apporte de réponses !

La création d'un registre national de psychothérapeutes tenu par les DDASS, sur lequel tous les psychothérapeutes seraient obligés de s'inscrire, ne résout rien. Tout d'abord, on ignore comment sera établie la liste. Ensuite, de nombreux praticiens seront exemptés de cette inscription : ainsi les médecins, quelle que soit leur spécialité...

Plusieurs députés UMP - Vous n'avez pas lu le texte.

M. Serge Blisko - ...si bien qu'un gastro-entérologue ou un ORL pourrait pratiquer la psychothérapie sans avoir reçu aucune formation spécifique. Seraient également exemptés les psychologues « titulaires d'un diplôme d'Etat », alors qu'il n'existe pas de diplôme d'Etat de psychologue, mais seulement des diplômes, des certificats ou des titres sanctionnant une formation universitaire. Mais depuis la loi du 4 mars 2002, les psychologues sont tenus de se faire inscrire sur une liste dans leur département d'exercice. Comprenne donc qui pourra ! En outre - les psychologues et leurs associations en conviennent -, la pratique des psychothérapies n'est pas enseignée dans le cycle d'études d'un psychologue, même clinicien, ce qui pose un problème.

Viennent enfin les psychanalystes « régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations », écrit M. Dubernard. Mais par qui et comment seront définies les associations qui peuvent enregistrer les psychanalystes « régulièrement », et que signifie ce terme ? Quelles garanties seront demandées à ces associations ? La référence à Freud dans les statuts d'une association suffit-elle à en garantir le sérieux ? De plus il y a en France des psychanalystes qui ne sont pas membres d'une association. Certains seront donc exemptés de l'inscription sur un registre, alors que d'autres devront s'y soumettre, alors qu'ils sont dans la même situation, ni médecins, ni psychologues : cela n'a pas de sens.

On a été beaucoup trop vite : il faut une réflexion plus approfondie sur ce que peut signifier cet annuaire qui prendrait force légale et deviendrait un moyen de contrôle administratif. Ceci est contraire à la tradition de la psychanalyse française depuis un siècle, qui fait de la reconnaissance par les pairs le fondement du travail des psychanalystes.

M. le Rapporteur - Lisez mieux l'amendement.

M. Serge Blisko - La psychanalyse a été persécutée en Europe et, sans vouloir faire de comparaisons déplacées, ce fut l'Allemagne des années trente qui, après avoir expulsé ses psychanalystes, recréa une association psychanalytique. La psychanalyse ne se développe que dans un climat de liberté ; ce n'est qu'après 1990 qu'elle a reparu dans les pays de l'Est, où la psychiatrie avait été mise au service de la police politique. On cite comme indice de santé démocratique l'existence d'élections libres et d'un Parlement régulièrement élu ; plus modestement, la liberté d'exercer la psychanalyse en est un autre indice. Les guerres picrocholines entre les écoles psychanalytiques, souvent moquées, sont la preuve de sa vitalité. Je vous demande donc, Monsieur le ministre, de retirer provisoirement cet article, et d'accepter la mise en place d'une mission parlementaire d'information sur un problème qui ne saurait être traité au détour d'un amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Christiane Taubira - Dans votre propos introductif, Monsieur le ministre, vous avez gratifié l'outre-mer d'une demi-phrase, dont je ne suis pas sûre de devoir vous remercier. D'autant que nous avons noté lundi le silence absolu sur l'outre-mer du Premier ministre dans son discours de politique générale. Il est impossible de croire pourtant que le Premier ministre ignore les particularités de l'outre-mer - et ce disant je pense non seulement à ce qu'on appelle ses handicaps, mais à ses atouts, la qualité de ses hommes et de ses femmes, ses ressources naturelles, ses positions géostratégiques. Il est impossible de croire que le seul principe d'identité législative a pu servir de trompe-l'_il à un Premier ministre qui a inscrit dans la Constitution en 2003 la nécessité d'aménagements législatifs adaptés à ces particularités.

Les rapports Berland et Descours sur la démographie des professions de santé sont également muets sur l'outre-mer. Quelles que soient les raisons de ce silence, il est urgent de rappeler un certain nombre de données, qui justifient des dispositions spécifiques - d'autant plus urgentes que, selon M. le rapporteur, ce projet pose la base de la politique de santé publique pour les cinq années à venir.

En Guyane, 85 % de la population sont concentrés sur le littoral, 15 % dispersés dans l'hinterland. On trouve sur ce littoral trois établissements de soins relevant du service public, auxquels s'ajoutent trois cliniques privées et des centres de santé dans les communes isolées. Les pathologies observées sont liées au mode de vie des sociétés de consommation - diabète, maladies cardio-vasculaires - mais aussi à l'environnement tropical - paludisme, fièvre jaune, tuberculose... - ainsi qu'à certaines activités industrielles - pollution par le mercure notamment. La mortalité infantile est trois fois plus élevée que la moyenne nationale, la mortalité maternelle huit fois. La couverture vaccinale est la plus mauvaise de France : 21 % pour la coqueluche, 45 % pour le BCG par exemple. L'espérance de vie est inférieure de quatre ans à la moyenne nationale et la surmortalité des personnes âgées atteint 40 % Quant aux décès précoces dus aux accidents de la circulation, aux maladies infectieuses, etc, on a pu en évaluer l'effet à 42 000 années de vie potentielle perdues.

Outre le sida, deux sujets exigent une grande attention : l'alcoolisme et la toxicomanie. L'accès à l'eau potable n'est pas satisfaisant, puisque 15 % des ménages ne sont pas raccordés, avec des effets sanitaires désastreux, notamment des cas de typhoïde et des maladies entériques. L'Etat a d'autre part délégué au département la lutte contre les moustiques, mais ne rembourse au conseil général que 10 % des frais qu'engage ce dernier.

L'offre de soins est notoirement insuffisante. Cinquante postes hospitaliers sont vacants. Quant à la médecine de ville, sa densité est trois fois inférieure à la moyenne nationale. Certaines spécialités sont totalement absentes : cancérologie, chirurgie pédiatrique, chirurgie cardiaque, neurochirurgie. D'autres comme la psychiatrie ou la diabétologie, sont très peu pourvues. D'autres encore, comme la médecine périnatale, souffrent d'une mauvaise organisation.

J'attends toujours une réponse du Gouvernement à une question écrite que j'ai posée il y a plus de cinq mois sur l'hôpital de Cayenne. Celui-ci est en cessation de paiement en raison des charges qu'il supporte, y compris le coût des évacuations par hélicoptère qu'exige la taille du territoire, charges liées également à la situation sociale, marquée notamment par un nombre élevé de bénéficiaires de la CMU. Je souhaite savoir si des réponses structurelles et durables seront apportées au déficit de cet hôpital et à son sous-équipement. J'espère, Monsieur le ministre, que vous y serez attentif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine Billard - Ce projet reste au milieu du gué, même après une première navette, de peur de heurter des lobbies économiques et malgré les pieux objectifs énumérés en annexe. Le professeur Belpomme, cancérologue, chargé de mission pour la mise en _uvre du plan cancer, déclare que « le cancer est une maladie que notre société fabrique de toutes pièces et qu'il est en grande partie induit par la pollution de notre environnement. On soigne, poursuit-il, les malades atteints du cancer, mais non l'environnement qui est lui-même malade. Aujourd'hui 80 à 90 % des cancers sont causés par la dégradation de notre environnement ».

Mais quelle politique de lutte contre le cancer, ou contre les troubles musculo-squelettiques, est possible si la politique de santé s'arrête aux portes de l'entreprise et si vous refusez de renforcer ces dispositifs du code du travail qui déplaisent tant au patronat ? Quelle leçon avons-nous retirée du drame de l'amiante, si nous ne renforçons pas les dispositifs de la santé au travail et son indépendance envers les employeurs ? Il faudrait renforcer le rôle des comités d'hygiène et de sécurité, celui des délégués du personnel et des représentants syndicaux, associer, dans les services de santé au travail, les associations des victimes de maladies professionnelles. Mais la majorité refuse de faire évoluer le code du travail sur cette question, alors que se multiplient les licenciements de délégués syndicaux.

En 1998, une enquête du ministère de l'emploi a montré que 8,5 % des salariés étaient exposés sur le lieu de travail à des produits cancérigènes, comme le plomb, les éthers de glycol, le chrome et les solvants. Il faut appliquer le principe de précaution et mettre en _uvre des mesures de protection plus efficaces tout en interdisant l'usage de ces substances dangereuses. De même, les pesticides sont un problème majeur de santé publique, facteur non seulement de cancers, mais de malformations et de stérilité : il faut un meilleur contrôle et une interdiction de certaines molécules actuellement autorisées. Mais votre projet ne comporte aucune mesure concrète de prévention et, en première lecture, tous les amendements sur ces questions ont été repoussés.

Quelle politique de prévention de l'obésité est possible si notre assemblée refuse toute mesure concrète en direction des jeunes scolarisés afin de limiter les incitations à boire des boissons sucrées et à grignoter des friandises ? Les dispositifs limitant les messages publicitaires qui incitent les jeunes à grignoter, adoptés au Sénat après avoir été refusés en première lecture à l'Assemblée, seront-il maintenus à l'issue de la seconde lecture ? Malheureusement certains amendements du Gouvernement et de la majorité les remettent en question.

Quelle politique de prévention de l'hypertension artérielle et des risques cardio-vasculaires est possible si nous ne nous attaquons pas aux surconsommations de sel imposées par les industries agroalimentaires, notamment dans les plats pré-cuisinés, le pain et la charcuterie ? Le traitement de l'hypertension est le premier poste de dépenses de la sécurité sociale en ce qui concerne les médicaments.

Quelle politique de santé publique, enfin si nous cédons au lobby de l'alcool ? J'entends dire qu'il y a une différence fondamentale entre le vin et l'alcool, mais, que je sache, le vin contient bien de l'alcool... Je crains bien que les conséquences de cette deuxième lecture ne soient pas plus brillantes que celles de la première, et que la lutte contre l'alcoolisme se réduise à peu de choses.

Les rapports d'expertise sanitaire se multiplient pour prôner le développement des actions de prévention, de santé environnementale et de santé au travail : Agence sanitaire des aliments, de l'environnement, des médicaments, rapport de l'IGAS, de l'Académie de médecine, etc. A quoi servent tous ces rapports si les pouvoirs publics reculent à chaque fois face à tel ou tel lobby économique ?

J'ai bien écouté votre discours d'introduction, Monsieur le ministre, et je vous ai donc entendu fixer un certain nombre d'objectifs, qui ne pouvaient, disiez-vous, être absents d'une loi de santé publique. J'espère donc que vous confirmerez ces intentions lors de la discussion des amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre-Louis Fagniez - Je centrerai mon propos sur le titre IV, qui devrait pouvoir être voté à l'unanimité, une fois adoptées les modifications auxquelles nous avons travaillé.

Elles concernent tout d'abord le fonctionnement des comités de protection des personnes. Leur rôle est désormais renforcé puisqu'une recherche ne peut être envisagée, donc commencée, sans un avis favorable de leur part. Ils constituent une étape incontournable dans le processus d'autorisation d'une recherche biomédicale, et ce même pour l'autorité qui donne in fine l'autorisation, à savoir le ministre. Dans ces conditions, il n'était pas concevable que leur avis ne puisse faire l'objet d'un appel. Nous proposons donc, dans un amendement accepté par la commission, que les intéressés puissent demander au ministre, en cas d'avis défavorable du CPP, de soumettre le projet de recherche à l'avis d'un comité compétent pour une autre région.

Elles concernent ensuite l'autorisation de recherche biomédicale chez les personnes majeures hors d'état d'exprimer leur consentement et ne faisant pas l'objet d'une mesure de protection légale. Le projet initial distinguait deux types de situation : celles où l'autorisation peut être donnée par la personne de confiance, la famille ou un proche ; celles où l'avis du juge des tutelles doit être recueilli, la recherche étant susceptible de porter atteinte au respect de la vie humaine ou à l'intégrité du corps humain.

Considérant que toute recherche, par nature, peut comporter un risque d'atteinte à l'intégrité du corps humain et que le juge des tutelles n'a pas à prendre de décision pour une personne dont il n'a pas prononcé la mesure de protection, nous avions souhaité supprimer cette clause. Et ce d'autant plus que le juge des tutelles prend essentiellement des décisions concernant le patrimoine ou la vie sociale des personnes protégées. Le faire intervenir pour des actes concernant la santé aurait constitué une nouveauté en France et une exception dans le monde. De plus, cette clause serait considérée par les médecins comme une remise en cause du processus de décision collégiale famille-médecin, éprouvé depuis longtemps dans les unités de réanimation et de gérontologie.

Un compromis avait été trouvé en première lecture, limitant le recours au juge des tutelles aux cas où la recherche comporte un risque sérieux d'atteinte à la vie privée ou à l'intégrité du corps humain. Mais les mots « risque sérieux » méritaient d'être précisés en deuxième lecture. Aussi proposons-nous un amendement confiant au CPP l'appréciation du risque, à partir de la description précise du protocole de recherche.

Les modifications proposées concernent enfin l'évaluation des soins courants. Les dispositions de la loi du 20 décembre 1988, dite loi Huriet-Sérusclat, s'appliquent à l'ensemble des recherches biomédicales, mais elles ont au départ été provoquées par les recherches médicamenteuses, auxquelles elles sont, de fait, parfaitement adaptées, ce qui n'est pas le cas pour les recherches sur l'évaluation des soins courants. Nous avions donc proposé de recourir à une procédure simplifiée, dans laquelle l'investigateur pouvait être le promoteur. Mais après avoir beaucoup consulté sur le sujet, nous pensons en définitive préférable de ne pas créer de régime simplifié, qui pourrait faire croire à l'existence d'un système à deux vitesses.

Nous proposons donc que les dispositions prévues pour les recherches biomédicales ne s'appliquent pas aux recherches sur l'évaluation des soins courants dès lors que tous les actes sont pratiqués de manière habituelle, sans aucune procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic, et qu'un protocole, obligatoirement soumis à l'avis consultatif du CPP, définit les modalités particulières d'information et de surveillance des personnes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Rapporteur - M. Blisko ayant évoqué l'article 18 quater, j'aimerais lui répondre. Je voudrais tout d'abord que personne ne dénature la démarche de Bernard Accoyer, qui a toujours été guidée par un seul objectif : protéger les personnes, souvent fragiles, qui veulent suivre une psychothérapie. Son amendement a, on le sait, provoqué des passions.

Se pencher plutôt sur l'usage du titre, comme l'a fait le Sénat au terme d'un travail remarquable et de très nombreuses auditions, me semble être un très bon angle d'approche.

Mais mon homologue au Sénat et le ministre ont reconnu que la rédaction retenue était perfectible. J'ai donc proposé à la commission une nouvelle rédaction, qu'elle a acceptée.

Il nous fallait en tout état de cause agir sans attendre. D'autres pays, qui ne sont pas des dictatures absolues, ont réglementé la psychothérapie sans provoquer les levées de boucliers auxquelles nous avons assisté. Il nous fallait agir, car de nombreuses dérives existent. Nous devions donc garantir aux personnes qui se tournent vers les psychothérapeutes que ceux-ci disposeraient de la formation - théorique et pratique - requise. J'en profite pour dire que la formation à la psychanalyse, qu'elle soit freudienne ou lacanienne, est solide, longue et comporte de nombreux contrôles.

Je crois donc que ce serait une erreur de supprimer l'article 18 quater (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Je voudrais dire à M. Audifax que je partage sa vision. Nous avons besoin, c'est vrai, d'émettre un signe politique fort dans le domaine de la santé publique, qui a trop attendu. Des progrès ont certes été réalisés, mais la culture de santé publique reste encore trop faible. Il fallait donc un projet comme celui-ci.

Il est bon, en effet, que l'Etat fixe des objectifs et que l'on voie tous les cinq ans s'ils sont atteints.

M. Préel a raison de dire que l'on ne pourra pas continuer à parler de nouvelle gouvernance de l'assurance maladie si l'on ne discute pas avec les médecins d'une régulation médicalisée. Les ayatollahs du budget de l'assurance maladie prétendent que ce n'est pas sérieux, mais l'expérience des références médicales opposables a montré que si, puisqu'elles ont permis, en 1995, un arrêt dans la progression des dépenses de maladie. Aujourd'hui, nous avons les conférences de consensus, qui permettent, dans 80 % des monopathologies, de dire quelles sont les conduites à tenir pour les médecins. Arrêtons de prendre les médecins pour des irresponsables ! (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP)

Concernant les ARS, l'ARH est un début et il faudrait aller vers une deuxième étape, en regroupant autour des ARH l'hôpital et l'ambulatoire. Vous voudriez y ajouter la prévention et l'éducation à la santé, c'est une idée à creuser.

Madame Fraysse, le texte de loi prévoit un dispositif général de consultation périodique de prévention, qui s'applique aussi aux enfants. Cependant, une visite annuelle pose problème en ce que les enfants n'ont pas tous les mêmes besoins en fonction du contexte socioprofessionnel, ou des antécédents familiaux.

Monsieur Bur, bravo pour votre courageux discours sur la prévention !

Monsieur Bapt, j'aimerais aussi disposer de plus de moyens financiers pour développer le plan cancer, mais puisque vous parlez de l'époque Kouchner, je ne suis pas certain qu'il disposait de plus d'argent.

Sur la canicule, le texte contient diverses propositions, dont la possibilité, pour l'INPESS d'intervenir en situation d'urgence. Un plan canicule devrait être annoncé dans quelques semaines, et j'aimerais en débattre au préalable avec les parlementaires.

Monsieur Cugnenc, nous avons travaillé ensemble, en effet, au sein du groupe d'études pour la lutte contre le cancer. Merci d'avoir reconnu, comme M. Bapt, l'intérêt de ce grand projet midi-pyrénéen de cancéropôle qui regroupe plus de 2 000 chercheurs, secteurs public et privé confondus, sur le terrain AZF. Il est aujourd'hui crucial de pouvoir développer sur un même site la recherche fondamentale, la recherche appliquée et la recherche au lit du malade.

Vous m'expliquerez la différence entre le vin et l'alcool... (Sourires sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur Blisko, le président de la commission vous a répondu et j'ai compris son message.

Madame Taubira, pardonnez-moi de n'avoir pas parlé davantage de l'outre-mer, mais j'ignorais les chiffres que vous avez rapportés et qui dénotent une situation alarmante, notamment pour la mortalité maternelle. Une étude approfondie sera nécessaire.

Madame Billard, on verra bien ce qui ressortira du débat parlementaire au fil des amendements.

Monsieur Fagniez, merci de permettre un consensus sur le titre IV.

Même si le texte est encore imparfait, le travail de l'Assemblée nationale, sur tous ses bancs, a permis de l'améliorer et nous disposons aujourd'hui d'un beau texte sur la santé publique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Jean-Marie Le Guen - Je serai bref. Tout d'abord, je vous invite à relever les propos du ministre sur les agences régionales de santé. Pour le reste, je ne vais pas répéter les lacunes que nous avons déjà dénoncées. Je souhaite que la commission puisse se réunir à nouveau, mais si la motion n'est pas votée, j'espère que le Gouvernement aura à c_ur de tenir compte de nos amendements.

M. le Ministre - Les dispositions relatives à l'ARH et l'ARS ne présagent en rien de l'avenir de la gouvernance de l'assurance maladie !

Je ne formulerai qu'un v_u, celui que nous retrouvions l'esprit de 1945 qui présida à la création de la sécurité sociale, et qui me guide aujourd'hui.

M. le Rapporteur - Ce texte a déjà fait l'objet d'un large débat en première lecture : 27 heures de débat en séance publique, deux motions de procédure, 575 amendements examinés, dont 225 adoptés.

En deuxième lecture, la commission des affaires culturelles a consacré deux heures trente à l'étude des 116 amendements déposés lors de l'examen du rapport. De surcroît, ce matin, elle a examiné près de 200 amendements au titre de l'article 88 - dont la moitié avaient déjà été examinés en première lecture !

Le travail en commission a bien eu lieu, et chacun a pu s'exprimer, aussi vous demanderai-je de rejeter cette motion.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 45.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 8 AVRIL 2004

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Projet de loi (n° 1015) autorisant la ratification du protocole relatif à l'adhésion de la Communauté européenne à la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960, telle qu'amendée à plusieurs reprises et coordonnée par le protocole du 27 juin 1997, fait à Bruxelles le 8 octobre 2002.

M. Paul QUILÈS, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères.

(Rapport n° 1425.)

(Procédure d'examen simplifiée ;

art. 107 du Règlement)

2. Projet de loi (n° 1197) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde (ensemble un avenant sous forme d'échange de lettres). 

M. Jacques REMILLER, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères.

(Rapport n° 1426.)

(Procédure d'examen simplifiée ;

art. 107 du Règlement)

3. Projet de loi (n° 1198) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde en matière d'extradition. 

M. Jacques REMILLER, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères.

(Rapport n° 1426.)

(Procédure d'examen simplifiée ;

art. 107 du Règlement)

4. Projet de loi (n° 1207) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Nouvelle-Zélande relative à l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre (ensemble un échange de lettres). 

M. René ROUQUET, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères.

(Rapport n° 1427.)

(Procédure d'examen simplifiée ;

art. 107 du Règlement)

5. Projet de loi (n° 1208) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 29 janvier 1951 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative aux gares internationales de Modane et de Vintimille et aux sections de chemins de fer comprises entre ces gares et les frontières d'Italie et de France. 

M. Jean-Claude GUIBAL, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères.

(Rapport n° 1428.)

(Procédure d'examen simplifiée ;

art. 107 du Règlement)

6. Projet de loi adopté par le Sénat (n° 1329) autorisant la ratification de l'accord entre la République française, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties dans le cadre du traité visant l'interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (ensemble deux protocoles). 

M. Jean-Jacques GUILLET, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères.

(Rapport n° 1472.)

(Procédure d'examen simplifiée ;

art. 107 du Règlement)

7. Projet de loi (n° 1328) autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres, signées le 26 novembre et le 30 décembre 2002, complétant le traité du 7 juillet 1998 entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière. 

M. Jacques REMILLER, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères.

(Rapport n° 1471.)

(Procédure d'examen simplifiée ;

art. 107 du Règlement)

8. Projet de loi (n° 1334) autorisant l'approbation de la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale. 

Mme Danielle BOUSQUET, rapporteure au nom de la commission des affaires étrangères.

(Rapport n° 1470.)

(Procédure d'examen simplifiée ;

art. 107 du Règlement)

9. Projet de loi (n° 1280) autorisant l'approbation de l'avenant à l'entente fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu. 

Mme Martine AURILLAC, rapporteure au nom de la commission des affaires étrangères.

(Rapport n° 1468.)

(Procédure d'examen simplifiée ;

art. 107 du Règlement)

10. Projet de loi (n° 1327) autorisant l'approbation d'une convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tchèque en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole). 

M. François LONCLE, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères.

(Rapport n° 1467.)

(Procédure d'examen simplifiée ;

art. 107 du Règlement)

11. Projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1330), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune. 

M. François LONCLE, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères.

(Rapport n° 1469.)

(Procédure d'examen simplifiée ;

art. 107 du Règlement)

12. Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 1364) relatif à la politique de santé publique.

M. Jean-Michel DUBERNARD, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Rapport n° 1473.)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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