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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 76ème jour de séance, 191ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 8 AVRIL 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE
-deuxième lecture- (suite) 2

APRÈS L'ART. 5 2

ART. 6 A 2

APRÈS L'ART. 6 3

APRÈS L'ART. 7 3

ART. 7 BIS 3

APRÈS L'ART. 7 BIS 4

ART. 10 A 4

ART. 10 5

ART. 12 BIS 5

ART. 13 5

APRÈS L'ART.13 6

ART 13 TER 6

ART. 13 QUATER A 7

ART. 14 A 8

APRÈS L'ART. 14 A 11

ART. 14 B 12

APRÈS L'ART. 14 B 14

ART. 14 ET RAPPORT ANNEXÉ 15

ART. 15 19

APRÈS L'ART. 15 20

ART. 15 BIS 20

APRÈS L'ART. 15 QUATER 20

ART. 16 BIS A 20

ART. 16 BIS B 21

APRÈS L'ART. 16 BIS 21

ART. 17 23

APRÈS L'ART. 17 23

ART. 17 TER 24

La séance est ouverte à quinze heures.

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE -deuxième lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la politique de santé publique.

APRÈS L'ART. 5

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 72 tend à préciser les missions de la politique de prévention. Celle-ci se répartit désormais entre la prévention primaire, dont relèvent les politiques de dépistage, la prévention secondaire, dans le cadre des soins, ou la prévention tertiaire, qui tend à la réadaptation.

On constate une continuité de plus en plus grande entre la politique de santé publique, qui tend à créer un environnement favorable à la santé, et les politiques de santé, qui intègrent toujours davantage la prévention aux soins.

Dans ces conditions, faire de l'Etat le seul acteur légitime de la prévention est dépassé.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Avis défavorable. Outre que ces dispositions relèvent davantage de l'exposé des motifs que du texte de loi, l'article premier fait déjà de la prévention l'un des éléments de la politique de santé publique.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Même avis.

L'amendement 72, mis aux voix, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 6 A

Mme Jacqueline Fraysse - Je tiens beaucoup à l'amendement 180. A l'initiative des députés communistes et républicains, le principe d'une visite médicale annuelle dans le cadre de la scolarité avait été retenu par le rapporteur, et voté par l'Assemblée nationale après avis favorable du ministre. Puis, ce même ministre est revenu sur sa décision au Sénat, qui a supprimé cette disposition, en raison de son coût trop élevé, et du manque de médecins scolaires.

Quand on fait des déclarations de santé publique, il faut faire suivre les moyens! Evidemment, quand on supprime les impôts pour les plus aisés...

Vous avez certes relevé le numerus clausus, mais pas assez ! Que représentent 2170 médecins scolaires face à 12 millions d'élèves ? Il est temps de corriger cette situation! Vous savez l'insuffisance des dépistages en maternelle et en primaire, mais aussi au collège et au lycée, sans parler des universités, où c'est le désert complet.

Cet amendement devrait recueillir l'approbation de tout élu conscient, sérieux, raisonnable.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 73 corrigé, légèrement différent du 180, est défendu.

M. le Rapporteur - Mme Fraysse souhaite une visite annuelle, quand M. Le Guen évoque une visite régulière. Or, en se référant à la pénurie de médecins scolaires, Mme Fraysse a elle-même montré l'inapplicabilité de sa proposition. Je suis, du reste, surpris que la commission n'ait pas opposé l'article 40 à cet amendement. A titre personnel, je suis plutôt favorable à l'amendement 73 corrigé.

M. Jean-Marie Le Guen - Dans l'absolu, Mme Fraysse a raison, trop d'enfants ne voient pas de médecins, et la suppression du service militaire n'a pas arrangé les choses. Le problème n'est pas seulement budgétaire,... il tient aussi au trop faible nombre de médecins scolaires. C'est donc par souci de réalisme que je propose un contrôle médical « régulier », même si, dans le principe, la formulation de Mme Fraysse est meilleure. Mais le nombre de médecins scolaires étant ce qu'il est, le ministre ne pourrait-il prendre l'engagement que certains dépistages seront délégués à des médecins de ville jusqu'à ce que la situation soit rétablie ? L'Etat témoignerait ainsi de l'importance qu'il attache à la santé publique, et notamment à celle des enfants et des adolescents.

M. le Ministre - Je suis, comme votre Rapporteur, défavorable à l'amendement 180 et favorable à l'amendement 73 corrigé, qui me semble plus réaliste. Quant à l'idée formulée par M. Le Guen, elle est excellente, et nous y travaillerons.

Mme Jacqueline Fraysse - Je me félicite que le ministre vienne ainsi d'ouvrir une piste nouvelle. Il est certain que davantage de médecins scolaires doivent être formés, que leur salaire et leur statut doivent être revus...

Mme Maryse Joissains Masini - Que ne l'avez-vous fait ?

Mme Jacqueline Fraysse - ...Entre temps, pourquoi ne pas, en effet, constituer un réseau de médecins de ville habilités à assurer les dépistages nécessaires chez les enfants et les adolescents ? Même si l'amendement 180 me paraît meilleur, je soutiendrai l'amendement 73 corrigé bien qu'il pêche par son imprécision - un contrôle médical « régulier » pourrait en effet avoir lieu « régulièrement » tous les dix ans... Mais il marque la nécessité d'agir et de mobiliser à cette fin des moyens, immédiatement et dans le futur.

L'amendement 180, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 73 corrigé, mis aux voix, est adopté, et l'article 6 A est ainsi rédigé.

APRÈS L'ART. 6

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 136 tend à engager une politique de vaccination des personnes âgées contre le pneumocoque 23, conformément à la demande exprimée de manière répétée par l'Académie de médecine.

M. le Rapporteur - La commission avait rejeté l'amendement en première lecture, estimant la disposition d'ordre réglementaire. Notre collègue Préel ne serait-il pas incité à retirer l'amendement si le ministre s'engageait à promouvoir la vaccination contre le pneumocoque 23 ?

M. le Ministre - Ce que je fais...

M. Jean-Luc Préel - Je vous en remercie car, à ce jour, la demande de l'Académie de médecine à ce sujet n'a jamais été entendue. L'amendement 136 est retiré, comme le sera l'amendement 162. Quant à l'amendement 137, il tend à engager une politique de lutte contre la prématurité, dont on sait les conséquences souvent néfastes - mais pas toujours : l'un de mes propres grands-pères était né prématuré, ce qui ne lui a nui en rien... (Sourires).

M. le Rapporteur - Sans me prononcer sur les antécédents familiaux de notre collègue Préel (Sourires), je l'invite à retirer l'amendement, comme il l'avait fait en première lecture, car la commission a exprimé un avis défavorable.

L'amendement 137, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

APRÈS L'ART. 7

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 162 est retiré.

ART. 7 BIS

M. Jean-Marie Le Guen - Dans sa grande sagesse, le Sénat a considéré que ce qui n'avait pas paru possible en première lecture pouvait l'être, et adopté un amendement du Gouvernement qui donne une base légale à la politique de réduction des risques. C'est bien, mais il convient de réduire aussi les conséquences psychologiques des consommations à risque. Tel est l'objet des amendements 234 et 235.

M. le Ministre - Le Gouvernement propose de substituer à l'amendement 234 l'amendement 368, plus concis.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 234 et n'a pas examiné l'amendement 368 du Gouvernement auquel, à titre personnel, je suis favorable.

M. Jean-Marie Le Guen - Pourquoi le Gouvernement estime-t-il nécessaire de substituer un nouvel amendement à celui que la commission avait adopté à l'unanimité ?

M. le Ministre - Parce qu'il centre la définition sur l'usage des stupéfiants.

L'amendement 234, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 368, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 235 de M. Le Guen a été accepté par la commission, mais à titre personnel, je lui préfère l'amendement 370 du Gouvernement que la commission n'a pas examiné.

M. Jean-Marie Le Guen - Pourtant, cette fois, la concision est de mon côté. Le Gouvernement devrait retirer son amendement au profit de celui qui a été adopté par la commission à l'unanimité !

M. le Ministre - Je suis du même avis que le président de la commission.

M. le Rapporteur - Lequel est favorable à l'amendement du Gouvernement.

L'amendement 235 mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 370, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Si le Gouvernement en est à faire battre des amendements de l'opposition adoptés par la commission simplement pour faire passer les siens, qui disent exactement la même chose et qui ont été déposés après, ce n'est pas la peine de nous parler de consensus, de rassemblement, d'unité nationale !

M. le Ministre - Que M. Le Guen ne croie pas à une mauvaise manière de notre part. Simplement, lui voulait parler de l'ensemble des addictions.

M. le Rapporteur - L'amendement 366 est rédactionnel.

L'amendement 366, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Mon amendement 236 prévoit une consultation de la Commission nationale de réduction des risques.

M. le Rapporteur - Le problème est qu'apparemment, cette commission n'existe pas. Mieux vaudrait retirer cet amendement.

M. le Ministre - Même avis défavorable.

L'amendement 236, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 7 bis, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7 BIS

M. Jean-Marie Le Guen - Mon amendement 233 vise à renforcer la situation juridique des personnes qui interviennent dans la politique de réduction des risques.

M. le Rapporteur - Accepté.

M. le Ministre - Sagesse.

L'amendement 233, mis aux voix, est adopté.

ART. 10 A

M. Patrick Braouezec - Notre amendement 182 tend à ce que l'Institut national de veille sanitaire, dont l'une des missions consiste à centraliser toutes les données concernant les accidents du travail, les maladies professionnelles et les risques sanitaires en milieu professionnel, transmette aux représentants du personnel élus dans les CHSCT les rapports concernant la santé au travail.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Rien n'empêche actuellement l'INVS de transmettre ses rapports aux CHSCT...

M. Patrick Braouezec - Mais rien ne l'y oblige !

M. le Rapporteur - L'amendement risquerait d'introduire une certaine confusion, l'INVS étant avant tout chargé de la surveillance épidémiologique, tandis que les CHSCT s'occupent des conditions de travail.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 182, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 10 A, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 10 B et 10 C .

ART. 10

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 74 est défendu.

L'amendement 74, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - L'amendement 336 rétablit, en y apportant quelques modifications, l'article L. 1311-4, que le deuxième paragraphe de l'article 10 prévoyait initialement d'abroger mais qui, en fait, a son utilité.

L'amendement 336, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'article 10 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté

L'article 10 ter, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 11.

ART. 12 BIS

M. Yves Bur - Mon amendement 266 vise deux cas où une information de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé est particulièrement nécessaire : le risque de rupture de stock sur un médicament ou produit pour lequel il n'y a pas d'alternative thérapeutique disponible et le risque de rupture de stock lié - en cas d'épidémie par exemple - à un accroissement brutal de la demande.

M. le Rapporteur - Convaincue par l'argumentation brillante de M. Bur, la commission a accepté cet amendement.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 266, mis aux voix, est adopté et l'article 12 bis est ainsi rédigé.

ART. 13

M. le Ministre - L'amendement 319 tend à supprimer le I de cet article qui fait double emploi avec l'ordonnance du 25 mars 2004.

L'amendement 319, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Il fait tomber votre amendement 75, Monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen - Alors, j'aimerais être sûr qu'il réponde aux préoccupations que cet amendement traduisait.

Autrement dit, sans aller vers une confidentialité qui n'est peut-être pas de mise, il faut au moins que le ministère de la santé garde un _il sur son patrimoine statistique et ne le laisse pas se diluer dans n'importe quelle administration. Si le texte du Gouvernement répond à cette préoccupation, je souhaite qu'il me l'indique ; et si au contraire mon amendement ne tombe que pour des raisons de forme, je souhaite qu'on en réintroduise la teneur, laquelle ne contredit en rien votre projet, mais tend à renforcer la responsabilité et l'autonomie de votre ministère et à mieux protéger les assurés.

M. le Ministre - Comme le précise l'exposé sommaire de l'amendement 319, toutes les mesures particulières visant à encadrer l'usage et à renforcer la confidentialité des données personnelles de santé, introduites dans le texte de loi à la demande de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, du Conseil national de l'ordre des médecins et des associations de patients ont été reprises dans le texte de l'ordonnance du 25 mars 2004, ce qui répond à votre préoccupation.

L'article 13 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART.13

M. Jean-Luc Préel - Les amendements 139 et 140 sont défendus.

Les amendements 139 et 140, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART 13 TER

Mme Jacqueline Fraysse - Les articles 13 ter et 13 quater A permettent la création de sociétés d'économies mixtes locales dédiées à l'investissement sanitaire, et la participation à leur capital d'établissements de santé publics et privés. Ceci fait suite à une première tentative faite au Sénat à l'occasion du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. Il s'agissait alors de permettre aux établissements de santé d'entrer dans des sociétés d'économies mixtes. Le Sénat avait refusé cette idée, estimant qu'elle ferait courir des risques inconsidérés aux établissements publics de santé, dont l'objet social n'est pas de participer au financement d'infrastructure locales.

Pourquoi alors insister sur cette perspective ? S'agit-il de favoriser le dialogue entre public et privé et d'encourager leur coopération ? Peut-on vraiment dire, avec M. le rapporteur, qu'il s'agit de décloisonner ces deux secteurs de l'hospitalisation, nourris à la même source financière, celle de l'assurance maladie ? Cette vision idyllique néglige nombre de réalités. N'oublions pas que cette recherche d'une participation financière des établissements de santé dans les SEM s'inscrit dans un contexte marqué par le plan Hôpital 2007, l'ordonnance du 4 septembre 2003 sur la simplification du système de santé, et le projet de loi sur les responsabilités locales. Or tous ces dispositifs, dont j'ai par ailleurs dénoncé l'esprit et les dangers, ont en commun d'inciter à la généralisation du recours au marché et à ses règles dans le système hospitalier public.

Ainsi le projet Hôpital 2007 vise à créer une ligne d'investissement pour l'hôpital sans peser sur les finances publiques : concrètement, il s'agit de financer des projets par des emprunts bancaires classiques, en ouvrant la durée de remboursement au très long terme. Cette procédure d'endettement des établissements publics va généraliser la pénétration du secteur bancaire privé dans un secteur non marchand où sa présence ne se justifie pas.

De même l'ordonnance de simplification du système de santé va installer la concurrence dans les procédures d'investissement immobilier des établissements publics de santé, puisqu'ils pourront - comme les établissements privés - confier à des acteurs privés leurs missions d'investissement immobilier. Outre le danger que représenterait pour la qualité du système de santé une logique d'appel d'offres au moins-disant, chacun se rappelle les surcoûts de la construction de l'Opéra Bastille et de la Grande Bibliothèque...

M. Yves Bur - A Nanterre, ne faites-vous pas appel au secteur bancaire pour financer vos investissements ?

Mme Jacqueline Fraysse - ...A nouveau cette procédure installe durablement le secteur privé dans le fonctionnement des établissements publics de santé.

Enfin le projet de loi de décentralisation nous a éclairés sur la prétention du Gouvernement en fait d'engagement sanitaire : si engagement public il y a, il devra être le fait des collectivités territoriales, notamment des communes, qui devront alors recourir localement aux investissements privés, fût-ce par le biais des SEML. Ces dernières constitueront un nouveau canal pour l'entrée des investisseurs privés dans la politique d'investissement immobilier des hôpitaux publics. La boucle sera alors bouclée. Singulière vision de notre système de santé, et qui dépasse de loin le cadre gentillet d'une coopération public-privé : il s'agit en réalité de l'arrêt de mort de la structure publique d'offre de soins. Ce choix d'orientation n'aura pas été débattu avec franchise par le Gouvernement. Celui-ci entend introduire une logique marchande dans le système hospitalier. Est-ce la plus efficace pour répondre aux besoins ? A la lumière des comparaisons internationales, il apparaît que non. Quelle est alors la pertinence des propositions du texte en la matière ?

Notre amendement 183 de suppression de l'article est ainsi justifié.

L'amendement 183, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 13 ter, mis aux voix, est adopté.

ART. 13 QUATER A

Mme Jacqueline Fraysse - Alors qu'un prêt à taux zéro suffisait largement aux besoins d'investissement immobilier des établissements de santé, le Gouvernement préfère le recours au marché sous contrôle partiel de l'autorité publique, et fait de leur activité une occasion de gains pour de nombreux acteurs privés. Ce choix idéologique place les établissements dans le rôle d'entrepreneurs du bâtiment, ce qui ne sera pas sans conséquences sur leurs efforts de maîtrise des dépenses de santé.

Face aux perspectives de rentabilité qu'offrent ces nouveaux investissements immobiliers, le risque est grand de voir l'offre hospitalière sur le territoire se recomposer dans le sens d'une réduction globale. On observe déjà plusieurs expériences de projets immobiliers privés coordonnés en général par des multinationales de la santé - comme la Générale de Santé - qui conduisent à des regroupements de cliniques privées ou d'établissements privés et publics, avec pour résultat la baisse du nombre d'établissements de santé dans certaines zones déjà insuffisamment pourvues. Or cette baisse ne s'accompagne pas d'une diminution des coûts pour l'hôpital public. On l'a vu avec l'opération de Saint-Tropez : le partage des activités entre clinique et hôpital laisse à la charge du public les soins les plus coûteux - SMUR, urgences, unité de soins de longue durée, maternité et médecine générale - cependant que la clinique se chargera de la chirurgie et d'une grande partie des consultations spécialisées...

En faisant intervenir établissements de santé et collectivités territoriales dans la sphère marchande, cet article introduit une confusion des genres qui sera contre-productive : rien n'empêchera les établissements de santé de voir dans ces activités d'investissement une source de revenus supplémentaires, et les collectivités territoriales des sources d'emplois. Pour ces raisons nous proposons par l'amendement 184 la suppression de l'article 13 quater A.

L'amendement 184, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 360 est de conséquence, et le 362 rectifié est rédactionnel.

M. le Ministre - Favorable.

M. Claude Evin - L'amendement 360 fait référence à l'article L. 6133-5, dont je ne trouve pas trace dans le code de la santé publique.

M. le Rapporteur - Nous le recherchons.

M. le Président - Adoptons les amendements et voyons ensuite s'il y a quelque chose à rectifier.

Les amendements 360 et 362 rectifié sont successivement adoptés.

L'article 13 quater A modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 14 A

Mme Martine Billard - En introduisant l'article 14 A, le Sénat a posé la question capitale de la lutte contre l'obésité. De fait, la France compte 14,5 millions de personnes en surcharge pondérale, dont 5,3 millions sont obèses ; un enfant sur dix est obèse à l'âge de 10 ans. La catastrophe sanitaire menace. Le problème n'est pas spécialement français. Aux Etats-Unis, la situation est pire.

Autant, chez nous, agir à temps. Le surpoids induit des risques de maladies cardio-vasculaires, de diabète, voire de certains cancers. Les enfants obèses sont généralement perturbés, en butte aux moqueries de leurs camarades. Il ne suffit pas de leur dire de faire de l'exercice physique !

Nous avons besoin d'une politique de prévention active et volontariste, car l'obésité, une fois installée, est difficile à effacer. Les adolescents ont déjà suffisamment de mal à s'assumer pour ne pas en rajouter. Il nous faut agir avec la même détermination que dans la lutte anti-tabac. Les campagnes d'information ne suffisent pas. Nous devons passer à l'acte, réduire la publicité sur les produits à grignoter, supprimer la tentation du grignotage et de la consommation de sodas, par exemple en interdisant les distributeurs de sodas et de friandises dans les établissements scolaires, afin d'aider les familles dans leurs efforts d'éducation alimentaire.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous voici à un moment de vérité, voici une occasion de vérifier votre volonté de mettre en _uvre une politique de santé publique. Tout n'est pas possible, nous le savons, dans le domaine de la santé. Mais ici, nous pouvons, si la volonté politique existe, relever un défi majeur.

L'obésité, on l'a dit, fait peser un grand risque sanitaire, en particulier sur les jeunes. Si nous ne donnons pas un coup d'arrêt à l'évolution en cours, la situation deviendra irrattrapable. Il sera bien temps alors de déplorer l'état de santé de la population, de tenir réunion sur réunion pour chercher comment résorber les déficits de l'assurance maladie, ou assurer un accès convenable aux soins à des gens qui en auront de plus en plus besoin. Voilà ce qui nous attend. Allons-nous, comme la tendance générale nous y pousse, baisser les bras devant ce qui ferait figure de fatalité, et nous retrouver ainsi dans dix ans avec un quart de la population installé dans les maladies chroniques induites par l'obésité ?

Ou allons-nous réagir, en profitant de ce que la France est pour le moment moins atteinte que d'autres pays, en prenant conscience, comme le font des pays comme la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis pourtant très favorables à l'économie de marché, que lutter contre l'obésité requiert d'intervenir dans tous les secteurs, que la seule éducation sanitaire et la seule responsabilité individuelle sont impuissantes à tout régler ?

Nous sommes saisis de propositions qui reprennent les préconisations de l'OMS, par exemple de diminuer la pression publicitaire et commerciale sur les jeunes en faveur de produits dangereux.

Ou bien la France, qui est encore assez peu touchée et qui conserve un rapport relativement sain à la nutrition, sera capable de défendre un modèle qui ne soit pas uniquement celui d'une économie où seule compte la rentabilité immédiate, ou bien nous allons céder, par manque de courage puisque les données du problème sont bien connues désormais de tous les responsables politiques.

En première lecture, nous avons pris position. Le Sénat, qui pourrait sembler moins concerné par un sujet de ce genre, a lui aussi compris l'importance de l'enjeu. Nous allons maintenant voir qui s'engage et qui baisse les bras.

Monsieur le ministre, vous êtes face à un choix. L'amendement du Gouvernement que nous allons examiner procède d'un arbitrage rendu contre le ministre de la santé, par d'autres ministères couvrant d'autres intérêts. Cela se produit dans tous les gouvernements.

Allons-nous adopter des mesures qui ne coûtent rien aux contribuables, qui ne compromettent en rien l'activité économique de tel ou tel secteur, mais qui témoignent que nous n'acceptons pas la domination de l'économie de marché là où elle n'a pas à s'exercer, à savoir la santé des Français ?

Le vote que nous allons émettre sera lourd de signification.

M. Dominique Richard - Comment ne pas partager les intentions exprimées par Mme Billard et M. Le Guen, tant elles sont souhaitables ? Mais la disposition introduite par le Sénat n'est pas, je le crains, à la hauteur de l'enjeu, et restera inefficace. En effet la tranche des 14 ans, qui regarde la télévision en moyenne 2 heures 16 par jour, ne regarde qu'à 18,9 % les programmes destinés à la jeunesse, contre 81 % les programmes généralistes. Aucun des 20 programmes les plus regardés en 2003 n'était destiné à la jeunesse. Circonscrire l'obligation d'avertissement aux programmes pour la jeunesse sera donc sans effet, mais supprimera des ressources publicitaires allant à la production audiovisuelle française, en particulier à notre cinéma d'animation dont on connaît la grande qualité.

Le dispositif se retournera donc contre l'intention de protéger les enfants. Le ministère de la santé a créé un groupe de travail sur les questions qui nous occupent. Attendons ses résultats pour mieux répondre aux intérêts des enfants, plutôt que de nous donner bonne conscience en adoptant une disposition qui ne serait qu'un emplâtre sur une jambe de bois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt - L'obésité est bien un problème majeur de santé publique, désormais urgent. La procédure du groupe de travail ministériel me paraît dépassée. Un plan national nutrition-santé existe depuis plusieurs années, sans produire les résultats escomptés, puisque la prévalence de l'obésité chez les jeunes augmente de façon exponentielle.

Nous préparons aujourd'hui des millions d'enfants à devenir diabétiques, hypertendus, ou à avoir des accidents vasculaires cérébraux, en particulier dans les milieux les moins favorisés, où la tendance à l'obésité est plus forte. J'entendais récemment le PDG d'une grande firme pharmaceutique se réjouir de ses perspectives de profits liées au doublement attendu du nombre de diabétiques en dix ans... Un article publié dans un hebdomadaire le 8 avril explique comment des agences spécialisées, au service de firmes agro-alimentaires, font tout pour généraliser la collation de 10 heures dans les écoles et pour augmenter la consommation de sucres. Il est donc urgent d'agir, et l'amendement de M. Le Fur, fruit sans doute né d'un travail efficace des lobbies, tendant à supprimer l'article introduit par le Sénat est tout simplement scandaleux.

M. Dominique Richard - L'amendement 250 de M. Le Fur est défendu.

M. Jean-Marie Le Guen - « La question de l'augmentation de l'obésité, en particulier chez les enfants, est un sujet de préoccupation que partagent les entreprises du secteur alimentaire », nous dit M. Le Fur au début de l'exposé sommaire de son amendement. C'est touchant... Mais ce n'est que la manifestation explicite des pressions que nous subissons tous pour que nous renoncions à agir. M. Richard conteste l'utilité de réglementer la publicité introduite dans les programmes télévisuels destinés à la jeunesse ; pourtant, elle est faite à 70 % par des firmes agro-alimentaires, qui ne font sans doute pas cela par philanthropie !

Nous avons entendu les mêmes arguments à propos du tabac, nous connaissons l'antienne de l'autorégulation par les industriels ; mais nous savons aussi que le système scolaire américain est en grande partie financé par ces firmes. Allons-nous demain accepter cela pour l'éducation nationale ? La seule question qui vaille est de savoir si la majorité va céder aux lobbies car, s'agissant de l'obésité, il est évident, et l'OMS le confirme, qu'il faut agir.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, considérant que l'initiative du Sénat était bonne et méritait d'être intégrée dans le code de la santé publique.

M. le Ministre - Même avis.

M. Dominique Richard - Monsieur Le Guen, il n'est pas convenable de mettre en cause un collègue absent, en insinuant qu'il serait sous l'influence de lobbies. Par ailleurs, je n'accepte pas qu'on caricature ainsi notre position : refuser une mesurette - car c'est bien de cela qu'il s'agit -, ce n'est pas se mettre sous la coupe de l'industrie agro-alimentaire. Pour ma part, je fais confiance au ministère de la santé pour mener une action globale.

Mme Martine Billard - Non, il ne s'agit pas d'une mesurette, et M. Le Fur explique bien dans son exposé des motifs qu'il faut faire confiance aux industries agro-alimentaires pour mener la bataille contre l'obésité - de même qu'on pourrait faire confiance aux producteurs de tabac pour lutter contre le tabagisme...

Puisque nous sommes ici pour défendre l'intérêt général, et non les intérêts de lobbies, je propose que nous conservions la disposition proposée par le Sénat, quitte à l'affiner en deuxième lecture.

L'amendement 250, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - La prévalence des enfants obèses entre 6 et 12 ans augmente régulièrement depuis 1980. Que faire pour prévenir l'obésité ? Il n'y a pas d'un côté ceux qui seraient dans les mains des industriels, et de l'autre les c_urs purs.

L'amendement 320 tend à autoriser la publicité de produits reconnus par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, dangereux pour la santé des enfants, à condition que les industriels concernés financent la réalisation et la diffusion d'un message d'information nutritionnelle.

M. Gérard Bapt - Ce n'est pas le produit qui est dangereux, mais sa consommation excessive !

M. le Ministre - Un décret en Conseil d'Etat déterminerait, après avis de l'AFSSA, de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, les profils nutritionnels et les catégories d'aliments concernés, les modalités de détermination de la durée et de la fréquence des messages d'information nutritionnelle, ainsi que leur procédure de validation.

Je souhaiterais aller plus loin en deuxième lecture au Sénat pour réglementer les horaires des publicités, afin qu'elles n'interviennent pas juste avant les repas.

M. le Rapporteur - La commission a émis sur cet amendement un avis défavorable, mais, à titre personnel, je le trouve équilibré et de nature à combattre l'obésité, à condition que les industriels et les annonceurs jouent le jeu.

M. Jean-Marie Le Guen - Je tiens à dire que la rédaction de cet amendement a provoqué la stupéfaction de l'ensemble de la commission ! Cet amendement n'a pas été écrit par des personnes appartenant au ministère de la santé ! Il n'existe en fait pas de mauvais produit, il n'y a que des mauvais comportements. Jamais un nutritionniste de l'école française de nutrition ne dira qu'un pot de crème fraîche est mauvais (M. le ministre interrompt). Monsieur le ministre, vous qui êtes médecin, ne tenez pas le langage de Monsieur tout le monde ! Ce sont la déstructuration des repas, l'abus de certains produits, la substitution d'une alimentation déséquilibrée à une alimentation équilibrée qui favorisent l'obésité. Qui d'entre nous a l'intention, ici, d'interdire la commercialisation d'un produit qui corresponde aux règles minimales d'hygiène et de sécurité ?

Monsieur le Ministre, vous avez appelé au consensus, mais si l'affaire est posée en ces termes, ça ne se passera pas comme ça ! Sachez-le ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Voilà l'_uvre d'une majorité à la dérive, qui cède à la pression des lobbies ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - Je pourrais à la rigueur voter la seconde partie de votre amendement, Monsieur le ministre, mais non la première, relative à l'obligation d'information des annonceurs de publicité télévisuelle pour des produits reconnus dangereux pour la santé des enfants. Faut-il accompagner ces produits de la mention « à consommer avec modération » ? Mais surtout, quelle mauvaise pédagogie que d'autoriser la publicité de produits dont la consommation excessive est nocive, au prétexte qu'elle serait suivie d'un message d'information nutritionnelle !

Mieux vaudrait en rester à la rédaction du Sénat, quitte à l'améliorer en seconde lecture, plutôt que de retenir cet amendement.

Ou alors, pourquoi ne pas adopter une semblable disposition pour le tabac ou le cannabis et autoriser leur publicité ?

M. le Ministre - Je préfère le ton de Mme Billard à celui de M. Le Guen....

M. Jean-Marie Le Guen - Vous m'impressionnez beaucoup !

M. le Ministre - Il ne faut pas dire n'importe quoi ! Référez-vous à toutes les publications nutritionnelles depuis une quinzaine d'année sur le rôle de la crème fraîche dans la survenance de maladies cardio-vasculaires !

M. Jean-Marie Le Guen - C'est vous qui dites n'importe quoi !

M. le Ministre - Mme Billard a bien posé la question. Pour moi, un message d'information de même durée que la publicité est une bonne mesure. Quant à étendre ces dispositions au tabac, permettez moi de penser qu'une cigarette n'a rien à voir avec une barre chocolatée !

Nous pourrons aller plus loin au Sénat, mais pour le moment, il me paraît nécessaire de voter cet amendement.

M. Gérard Bapt - C'est un contresens de santé publique!

L'amendement 320 mis aux voix, est adopté.

L'article 14 A est ainsi rédigé.

M. Gérard Bapt - Cette discussion sera envoyée aux nutritionnistes français et européens.

M. Jean-Luc Préel - J'ai entendu certains propos déplacés, et il me paraît souhaitable que chacun se repose cinq minutes ; je vous demande une courte suspension de séance.

La séance, suspendue à 16 heures 40 est reprise à 16 heures 55.

APRÈS L'ART. 14 A

Mme Martine Billard - Lutter contre l'obésité suppose des mesures immédiatement efficaces. Par l'amendement 300, nous en proposons deux : en premier lieu, la suppression des collations matinales systématiques, dont des études récentes ont montré à la fois qu'elles sont superflues et qu'elles habituent les enfants au grignotage. Elles pourraient bien sûr continuer d'être distribuées là où elles sont nécessaires, à condition d'avoir un contenu nutritionnel intéressant. Nous proposons d'autre part d'interdire tout distributeur automatique de confiseries, sodas ou tout autre produit déséquilibré dans les établissements d'enseignement.

M. le Rapporteur - L'amendement 267 de M. Bur est défendu mais, comme l'amendement 300, il a été repoussé par la commission, qui a estimé que les dispositions proposées sont d'ordre réglementaire. J'ajoute que les collations matinales sont utiles à certains enfants. S'agissant de ce qui est offert dans les distributeurs automatiques, encore faudrait-il savoir ce que signifie « produits déséquilibrés », M. Le Guen lui-même nous ayant expliqué qu'il n'y en a pas...

M. Jean-Marie Le Guen - Mais le ministre n'est pas de cet avis !

M. le Rapporteur - A dire vrai, si j'osais, je dirais « Mangez des pommes » ! (Sourires)

Mme Martine Billard et M. Jean-Marie Le Guen - Osez, osez ! (Sourires)

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Avis défavorable, car les dispositions proposées relèvent du domaine réglementaire. De plus, il existe une charte du bon usage des distributeurs automatiques dans les établissements d'enseignement.

M. Jean-Marie Le Guen - Comment incite-t-on les enfants au grignotage ? Par la publicité, notamment à la télévision, et par l'installation de distributeurs automatiques dans les établissements d'enseignement. Que notre collègue Yves Bur ait estimé nécessaire de déposer un amendement qui va dans le même sens que celui de Mme Billard dit la gravité de la situation, et la justesse du propos. Veut-on en arriver, en France, à la situation que connaissent déjà les Etats-Unis ? Qui, parmi ceux qui s'intéressent à la santé publique, n'a pas été saisi par les documentaires récemment diffusés sur l'obésité précoce ? Il est temps de dire les choses comme elles sont, et en particulier que l'argent des distributeurs irrigue une vie scolaire anémiée faute de moyens, au mépris de la santé des enfants. Et ce n'est qu'un début, car l'industrie agro-alimentaire fait tout pour infiltrer l'école, par exemple en diffusant des panneaux sur le rôle du sucre. Ces amendements, mûrement réfléchis, ont une utilité certaine.

M. Gérard Bapt - Je me réjouis que M. Bur ait présenté un amendement sur les distributeurs automatiques dans les établissements scolaires. Ce qui m'a choqué tout à l'heure dans l'explication du ministre, c'est qu'il confondait le produit et le comportement, alors que nous parlons bien ici d'un problème de comportements et qu'il y a quantité d'acteurs sociaux qui se mobilisent pour essayer de les faire changer, y compris en proposant des produits du terroir lors des semaines du goût. Il faut mettre l'accent sur l'éducation à la consommation et promouvoir une nutrition équilibrée. Je pense donc que M. Douste-Blazy fait un grave contresens et j'aimerais que d'ici la prochaine lecture on demande par exemple à M. Basdevent, qui préside l'une des commissions du Plan national de nutrition santé, ce qu'il pense de notre débat.

M. Edouard Landrain - Nous sommes tous d'accord pour lutter contre l'obésité et pour limiter la consommation de sucres, mais de là à intervenir dans le fonctionnement des lycées et des collèges ! Laissons ceux qui sont habilités à faire fonctionner les établissements - chefs d'établissements, mais aussi parents d'élèves, enseignants... - interdire, s'ils le désirent, ces distributeurs, mais ne nous mêlons pas de décider à leur place.

M. Yves Bur - Je pense que la distribution d'une collation relève du choix des familles. Par contre, je ne pense pas que des distributeurs de sodas et de produits chocolatés aient leur place dans des établissements scolaires. Cela fait circuler de l'argent, sans parler d'autres problèmes. Mon amendement 267 vise donc à les interdire. Je crois que les élèves peuvent s'en passer et qu'ils arriveront même très bien à suivre leurs cours sans le secours de ces marques.

M. le Rapporteur - Dans l'état actuel du droit, les établissements peuvent déjà refuser l'installation de tels distributeurs, dont une circulaire du ministre de l'enseignement scolaire recommande d'ailleurs de limiter la présence dans les écoles. J'ajoute que le programme national de nutrition santé devrait permettre de lutter vigoureusement contre l'obésité infantile.

L'amendement 300, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 267, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Bravo, Monsieur Bur !

ART. 14 B

Mme Martine Billard - Cet article prévoit que l'étiquetage des produits alimentaires de la chaîne industrielle indique leur valeur calorique, leur contenu en graisses et leur teneur en sodium, ce qui serait en effet une bonne chose pour lutter contre l'obésité et pour aider les consommateurs dans leur choix. On peut certes regretter le temps où les repas étaient préparés à la maison et étaient de ce fait plus équilibrés, mais on ne reviendra pas en arrière ; et il faut donc tout faire pour améliorer les qualités nutritionnelles de l'alimentation industrielle.

M. Yves Bur - L'amendement 251 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement de suppression.

M. le Ministre - Même avis défavorable.

L'amendement 251, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - La rédaction actuelle de l'article, qui impose de mentionner sur l'emballage le nombre de calories, le contenu en graisses saturées et non saturées ainsi que la teneur en sodium de chaque ration alimentaire, ne me paraît pas satisfaisante, car elle omet certains aspects, par exemple les teneurs en sucres rapides, alors qu'ils jouent un rôle très important dans l'obésité. Je voudrais donc que l'on prépare d'ici la deuxième lecture au Sénat une rédaction plus complète. En attendant, l'amendement 321 du Gouvernement se réfère à la « composition nutritionnelle »

M. Yves Bur - Compte tenu de ce que vient de dire M. le ministre, et dans la perspective d'une nouvelle rédaction plus précise, qui pourrait obtenir l'assentiment de tous, je retire l'amendement 268.

M. le Rapporteur - La commission est favorable à l'amendement 321.

M. Jean-Marie Le Guen - Je m'apprêtais à soutenir l'amendement de M. Bur, qui est tout à fait intéressant. Sur l'obésité, trois dispositifs principaux ont été proposés. Le premier porte sur la publicité télévisée : il a été adopté au Sénat contre l'avis du Gouvernement. Le deuxième concerne les distributeurs : il a été adopté ici contre l'avis du Gouvernement. Le troisième est relatif à l'étiquetage : vais-je pour celui-ci m'en remettre au Gouvernement, alors que par deux fois celui-ci a appelé à repousser des dispositifs de santé publique pour la lutte contre l'obésité ? Certes, nous pourrons y revenir en CMP. Je consens à ne pas reprendre l'amendement de M. Bur, mais les parlementaires présents doivent être bien conscients que c'est contre la volonté du Gouvernement que nous avons adopté des mesures de lutte contre l'obésité. Voilà où en est le débat sur la santé publique aujourd'hui... Comme des commentaires ne manqueront pas d'être faits sur l'intervention des lobbies, je tiens à féliciter les membres des deux assemblées qui ont su, même quand le Gouvernement ne le jugeait pas nécessaire, faire prévaloir des intérêts de santé publique.

M. Edouard Landrain - Au niveau européen, tout ce qui concerne l'hygiène, la sécurité et la santé fait l'objet de directives applicables et qui s'imposent à la réglementation nationale que nous élaborons. Comment devons-nous nous comporter en attendant la future directive, si nous savons que toutes nos décisions peuvent être battues en brèche demain par elle ?

M. Jean-Marie Le Guen - Il est important que le Gouvernement réponde sur ce point, car l'argument européen est souvent invoqué.

M. le Ministre - J'ai été nommé il y a moins d'une semaine. J'ai accepté de présenter ce texte, mais je compte bien profiter de la deuxième lecture au Sénat pour modifier un certain nombre de choses.

M. Jean-Marie Le Guen - Tant mieux !

M. le Ministre - Je ne crois pas possible de passer sous silence la lutte contre l'obésité. Il faut notamment tout faire pour éviter certaines publicités diffusées peu avant les repas et qui profitent de l'hypoglycémie des enfants pour les inciter à grignoter au lieu de dîner vraiment. J'y reviendrai au Sénat avec des textes que j'aurai préparés.

D'autre part, Monsieur Landrain, il est fondamental d'imposer au niveau européen l'obligation d'indiquer dans l'étiquetage le pourcentage de graisses saturées, de graisses insaturées et de sucres rapides. C'est là un combat de santé publique, que nous avons été quelques professionnels de la santé à mener, il y a quinze ans, en nous heurtant aux pires difficultés, notamment sur les margarines. Aujourd'hui, c'est un acquis de santé publique : il ne faut pas que la directive revienne dessus, et au besoin la France se battra pour cela (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP).

L'amendement 268 est retiré.

L'amendement 321, mis aux voix, est adopté.

L'article 14 B est ainsi rédigé.

APRÈS L'ART. 14 B

M. Jean-Marie Le Guen - Mon amendement 76 tombe : il s'inscrivait dans le débat précédent. Je me félicite de la déclaration de M. le ministre. La suspension de séance a été utile. Nous vivons parfois dans ce débat des moments de vérité. Autant je défends mes convictions avec force, parfois avec mauvaise humeur, autant je suis ravi quand il est possible de faire un pas en avant. Si j'ai bien compris, Monsieur le Ministre, vous avez été interpellé par l'amendement de M. Bur et la problématique de l'étiquetage, et vous avez vous-même réfléchi au problème de la publicité dans les programmes pour enfants. Je m'en félicite. Je prends acte du fait que vous reviendrez sur cette question, sur celle des distributeurs, et qu'on avancera sur l'étiquetage. Si nous nous donnons ainsi un dispositif fort, en avance sur l'Europe s'il le faut, cela justifiera pleinement le travail parlementaire. Malgré la pression des lobbies, les deux assemblées ont su trouver des majorités sur ces points.

M. Jean-Luc Préel - Je propose par l'amendement 141 d'insérer un article ainsi rédigé : « Afin de lutter contre la dénutrition, favoriser le maintien à domicile de maladies chroniques - Alzheimer, maladie de Crohn... - il est nécessaire de développer la nutrition orale et entérale ». En effet la dénutrition est un problème majeur chez les personnes âgées. Or de nombreuses maladies digestives peuvent être améliorées par la nutrition orale et entérale à un faible coût et en évitant des complications.

M. le Rapporteur - Défavorable : c'est d'ordre réglementaire.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 141, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 77 renvoie encore au débat précédent : je le retire. L'amendement 78 est défendu.

L'amendement 78, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 81 concerne un sujet dramatique : les effets du Distilbène. La situation des victimes mérite d'être prise en compte dans la politique de santé publique. L'amendement 227 est un amendement de repli par rapport au précédent.

M. le Rapporteur - Défavorable : il s'agit certes d'un vrai problème de santé publique qui, s'il est derrière nous, a encore des conséquences pour un certain nombre de femmes et d'enfants. Mais il nous a paru que l'amendement apportait peu au regard des efforts d'information déjà faits. Avis défavorable également sur l'amendement 227, qui demande encore un rapport de plus.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements 81 et 227, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Marie Le Guen - Les amendements 79 et 226 concernent l'important problème du suicide. Une journée nationale de prévention du suicide a eu lieu, et a eu un impact certain. Je partage avec des collègues comme Mme Boutin l'idée que c'est là un problème de santé publique, insuffisamment pris en compte. C'est que nous n'avons pas les moyens de connaissance qui permettraient d'appréhender le phénomène, donc de définir des politiques. C'est un miracle que mon amendement ait échappé à l'article 40 ; mais je serais heureux que le Gouvernement nous dise s'il entend mettre en place des structures, même très légères, et s'il a la volonté politique de traiter cette question. Nous avons fait des progrès dans le cadre du plan anti-suicide, mais cela reste une cause de mortalité essentielle chez les jeunes. Plus récemment, le taux de suicide a commencé de s'élever chez les gens d'environ cinquante ans, ce qui reflète la crise de notre société.

Faire le point des connaissances et des ressources humaines à mettre en _uvre, tel est le sens des amendements 79 et 226.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le suicide est en effet un grave problème de santé publique. Mais la solution institutionnelle est-elle la plus opportune ? De plus, le suicide figure dans l'un des six plans stratégiques pour 2004-2008.

M. le Ministre - Les suicides sont plus nombreux chez nous qu'ailleurs. Plutôt que de créer un nouvel organisme, nous devrions regarder ce que font nos voisins. Je ne connaissais pas le pic de suicide à 50 ans. En revanche, on le sait, le taux de suicide des adolescents est plus élevé en France que dans les autres pays européens. J'aurai donc des propositions à faire.

M. Jean-Marie Le Guen - On ne pourra pas faire l'économie d'un centre de ressources.

Les amendements 79 et 226, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Marie Le Guen - Nous n'avons rien dit du suicide des personnes très âgées. De façon générale, nous ne mesurons pas suffisamment l'impact du basculement démographique. On le voit avec l'assurance maladie : le problème n'est pas seulement d'ordre financier. Pour pallier le manque de réflexion, dans le domaine sanitaire et social, sur le basculement démographique, nous proposons par l'amendement 80 de créer un lieu, éventuellement immatériel, de ressources et de coordination sur le problème du vieillissement. Puisque nous aurons à agir dans ce domaine dans les prochaines années, mieux vaut nous y préparer.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Encore un rapport, encore un institut, qui ferait double emploi avec d'autres structures !

M. le Ministre - Même avis. Au reste, le professeur Baulieu a déjà créé un institut de la longévité, avec un partenariat public-privé.

M. Jean-Marie Le Guen - Lui, il a la réponse !

L'amendement 80, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 14 ET RAPPORT ANNEXÉ

Mme Jacqueline Fraysse - Les dispositions de l'article 14 structurent la politique de santé publique pour les quatre prochaines années, et énoncent la centaine d'objectifs dont il faudra au moins s'approcher. Le mode d'élaboration de cette liste et l'absence de moyens financiers font perdre à ces objectifs beaucoup de leur crédibilité. Le rapport annexé a de fait été réalisé dans des délais record, entre novembre 2002 et mai 2003. Pour être crédible, il doit assortir ces objectifs de moyens financiers dont je n'ai pas trouvé trace.

Comment articuler ce dispositif avec les multiples plans annoncés en cascade : vieillissement et solidarité, urgence hivernale, hôpital 2007... ? Comme le PLFSS, ce rapport annexé procède d'une technique de législation floue, incertaine et disparate, sans portée normative réelle. Dès lors, on peut prévoir que les objectifs quinquennaux de santé de ce projet connaîtront le même taux de réalisation que les objectifs annuels de l'ONDAM, mais en sens contraire.

De plus, dépourvus de hiérarchisation, ces objectifs trop nombreux ont été établis sans prendre en considération les populations à risque ou victimes de la précarité. Nous avons donc le sentiment regrettable de feuilleter un inventaire de bonnes intentions, établi sans la large concertation préalable qui eut été nécessaire. La rédaction de ce texte a été confiée à 70 experts dont la plupart ignoraient vos orientations stratégiques et n'ont eu que quelques heures pour se prononcer. Nous devons nous interroger sur les critères de choix et de hiérarchisation de ces objectifs, dont le nombre a été arrêté à cent sans que l'on sache trop pourquoi. De plus, comment seront-ils financés ? Nous n'en savons absolument rien.

En première lecture, nous avons émis des réserves sur le caractère démocratique de l'élaboration du rapport, et sur les moyens consacrés à la réalisation des objectifs énoncés. Nous n'avons reçu depuis lors aucune réponse. Je crains bien qu'au total ce projet se révèle beaucoup moins important que ne l'avait proclamé son promoteur. Il s'agit plus d'obtenir un effet d'annonce que de progresser concrètement dans un domaine où nous sommes en retard, celui de la santé publique et de la prévention.

Mme Martine Billard - En effet, pourquoi cent objectifs ? Vous-mêmes, Monsieur le ministre, avez paru vous poser la question. S'agit-il d'un chiffre magique, imposé par une agence de communication ? De fait, l'objectif portant sur la surconsommation de sel a semblé impossible à ajouter pour ne pas modifier ce chiffre. Ce seul détail sent le v_u pieux, d'autant que l'on cherche en vain les moyens correspondants.

Prenons l'exemple de trois grands thèmes. Celui de la précarité et de l'inégalité ne regroupe que deux objectifs, les 33 et 34. Il paraît paradoxal de vouloir réduire les obstacles financiers de l'accès aux soins alors que le nouveau gouvernement ne revient pas sur les décisions du précédent de réduire l'AME à presque rien et de limiter les effets de la CMU, avec le délai d'un mois. S'y ajoute l'idée évoquée dans la préparation de la réforme de la sécurité sociale d'imposer un forfait sur chaque ordonnance ou chaque boîte de médicament. Dans ces conditions, que signifie l'objectif de favoriser l'accès de tous aux soins ?

Sur le thème de la santé au travail, tous les amendements que j'avais présentés en première lecture ont été rejetés sous prétexte qu'il est impossible de toucher au code du travail, alors même que la protection de la santé dans l'entreprise relève du code du travail. Dans ces conditions, les objectifs proposés relèvent du v_u pieux. Ainsi, pour réduire les effets sur la santé des travailleurs des expositions aux effluents cancérigènes, on propose uniquement de diminuer les niveaux d'exposition, sans songer à interdire certains produits dangereux. Déjà on essaie de réduire au minimum l'indemnisation des victimes de l'amiante. Quant au thème santé-environnement, on sait que beaucoup de cancers ont des origines environnementales. Or on propose de diviser par deux d'ici 2008 le pourcentage de la population alimentée par une distribution d'eau publique dont les règles de qualité ne sont pas respectées en permanence pour les paramètres microbiologiques et les pesticides, mais nos amendements, en première lecture, tendant à interdire les pesticides dangereux pour la santé ont été rejetés. Et il n'y a rien dans ce plan de santé publique pour lutter contre le développement de l'utilisation des pesticides.

Pourtant, la meilleure façon de réduire les dépenses de sécurité sociale, c'est d'agir sur les causes des maladies...

M. Jean-Marie Le Guen - Cette énumération ne satisfait personne et ne relève pas d'une politique rationnelle. Il y avait d'autres façons d'organiser la réflexion.

Pour le choix des priorités, on aurait aimé qu'une méthodologie, que des critères soient définis. Tel n'a pas été le cas.

Ensuite, il y a une confusion permanente entre les politiques de santé publique et les politiques publiques de santé. Les premières agissent sur l'environnement, au sens large, de l'homme, à travers la réglementation ou l'éducation ; les secondes réunissent autour de la puissance publique l'ensemble des acteurs de santé afin de mener une action coordonnée tendant à réduire la prévalence ou l'incidence de telle ou telle affection.

Enfin, non seulement on a fixé arbitrairement 100 objectifs, mais on retient pour chacun d'entre eux le même chiffre : une baisse de 20 % ! Pourquoi 20 ? Y a-t-il une raison scientifique ? Est-ce en rapport avec les moyens mis en _uvre ? On ne sait pas...

M. Jean-Luc Préel - La troisième critique majeure que l'UDF fait à ce projet concerne cet article : d'une part, c'est un catalogue incomplet ; d'autre part, il est dangereux de fixer des objectifs quantifiés à cinq ans - pas toujours 20 % , Monsieur Le Guen, parfois 30 -, qui risquent de ne pas être atteints. Le chiffre 100 est très artificiel, et certains problèmes sont insuffisamment pris en compte, voire oubliés - l'alcool, l'audition, la santé mentale.

Le Sénat a ajouté plusieurs objectifs, mais le rapporteur souhaite revenir aux 100 objectifs initiaux. Ce serait pourtant une grave erreur, même si cela fait dépasser ce chiffre fétiche, de renoncer à introduire les problèmes d'audition, qui touchent 6 millions de nos concitoyens, la question de la résistance aux antibiotiques liée à leur consommation excessive, qui est un problème majeur de santé publique, et celle de la prématurité.

Nous aurions préféré la définition de quatre ou cinq priorités, fondées sur la notion de mortalité prématurée évitable, aux premiers rangs desquelles on trouverait le cancer du sein, le cancer du colon et du rectum et les maladies cardio-vasculaires.

Enfin, j'observe qu'il s'agit, comme pour les lois de financement de la sécurité sociale d'un rapport annexé, qui n'a pas de valeur normative...

M. Gérard Bapt - En effet, notre rapporteur semble avoir un fétichisme des chiffres... S'il fallait ne garder qu'un objectif supplémentaire, ce serait sans doute celui concernant le bon usage des antibiotiques, question sur laquelle l'OMS a appelé à plusieurs reprises l'attention.

M. le Rapporteur - Monsieur Préel, vous avez raison, un rapport annexé n'a pas de valeur normative. C'est pourquoi nous avons sans doute mieux à faire que d'y consacrer des heures de discussion...

Ce projet comporte cinq priorités.

M. Jean-Marie Le Guen - Lesquelles ?

M. le Rapporteur - Ce sont la lutte contre le cancer, la limitation de l'impact sur la santé des facteurs environnementaux, la lutte contre les conséquences pour la santé de la violence, une meilleure prise en charge des personnes atteintes d'une maladie chronique, ...et les maladies rares, entre 200 et 300, qui touchent environ 20 000 personnes et qui sont négligées pour les raisons que nous connaissons tous!

Le projet initial comptait 100 objectifs, assortis d'indicateurs précis, définis par un groupe de travail de soixante-dix experts dont les compétences couvrent l'ensemble des champs de la santé. Après concertation avec, notamment, des associations et le collectif inter-associatif sur la santé, le groupe a fourni des éléments parmi lesquels le ministre a fait des choix. Mme Fraysse a estimé que trop d'objectifs avaient été retenus, les associations, les sociétés de scientifiques ont fait pression pour que d'autres soient ajoutés. Spécialiste de la transplantation, j'aurais souhaité la voir figurer dans les objectifs...

M. Jean-Luc Préel - Rajoutez-le!

M. le Rapporteur - Le cancer de la prostate, même s'il est le plus fréquent chez les hommes, n'y figure pas davantage. Les experts ont fait des choix, et je ne suis pas compétent pour les remettre en cause.

J'ai essayé de limiter le nombre d'objectifs pour accorder plus de crédibilité au texte, mais je suis personnellement favorable à ce que d'autres objectifs, considérés comme très importants, puissent être réintroduits. Je remercie à cet égard Mme Billard qui est parvenue astucieusement à réintroduire, en commission, la lutte contre la consommation excessive de sel.

Le problème de la résistance aux antibiotiques est grave, et je serais d'accord pour le rajouter, de même que la prévention de la surdité, surtout chez les enfants.

M. Jean-Luc Préel - C'est dans le texte actuel!

M. le Rapporteur - Il ne faut cependant pas rouvrir le débat, mais se limiter à l'essentiel.

M. le Ministre - Je suis d'accord avec le rapporteur.

M. Jean-Marie Le Guen - Je défends l'amendement 82, même si l'on vient de nous rappeler que l'article 14 n'a pas une grande importance. Il n'y a pas de moyens financiers ni matériels affectés à ces objectifs, ce qui les ramène à des v_ux pieux.

Mon amendement avait pour objectif de combler cette lacune, mais je suppose que le Gouvernement, pas plus que la majorité, n'ont l'intention de s'y rallier.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 82, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Les amendements 83, 84 et 85 sont défendus. J'en profite pour préciser que la commission de réduction des risques se nomme officiellement la commission consultative des traitements de substitution de la toxicomanie, arrêté du 13 avril 2001 modifiant l'arrêté du 7 mars 1994.

L'amendement 83,repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 84 et 85.

Mme Martine Billard - Mon amendement 297 tend à regrouper sous le seul objectif 6 les objectifs précédemment répertoriés 6 et 11, relatifs à la déficience en iode.

Par ailleurs, il faut lire, dans la deuxième colonne du tableau, quantification en cours et non qualification en cours.

M. le Rapporteur - Avis favorable à l'amendement 297 rectifié.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 297 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard - L'amendement 298 est en quelque sorte un amendement désespéré, puisqu'il figure dans le tableau des 100 objectifs (Sourires). Rappelons que les industriels de l'agro-alimentaire n'ont accepté de signer le rapport de l'AFSSA sur la consommation de sel qu'à condition qu'il n'y ait aucune mesure réglementaire sur l'affichage de la teneur en sel des plats préparés.

J'espère que le Gouvernement saura faire pression sur ces industriels!

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Marie Le Guen - Je soutiens cet amendement. Les industriels savent que les consommateurs ont tendance à choisir le plat le plus salé, ce qui les pousse à augmenter la teneur en sel de leurs produits, et à créer ainsi une accoutumance. Il faut agir profession par profession comme cela a été fait auprès des boulangeries qui ont diminué la teneur en sel du pain.

C'est vrai que le ministère de la santé n'a pas pour habitude de faire peur aux industriels, qui ont le plus souvent pour interlocuteur, voire défenseur, le ministère de l'agriculture.

M. le Ministre - C'est un sujet majeur, et c'est pour cela que nous acceptons ces amendements. Tous les médecins connaissent l'incidence du sel dans la survenance des maladies cardio-vasculaires.

L'amendement 298,mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 3 est de cohérence.

L'amendement 3, approuvé par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 4 de la commission dont je suis le co-signataire et qui reprend l'amendement 149, identique, réécrit l'objectif 14 relatif aux accidents routiers liés au travail en insistant sur la nécessaire concertation entre les partenaires sociaux.

Les amendements identiques 4 et 149, acceptés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - L'amendement 164 tombe.

M. le Rapporteur - L'amendement 5 est de cohérence.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Bien qu'ayant expliqué pourquoi j'estime préférable que le projet s'en tienne à cent objectifs, je me ferais une douce violence si, par hasard, le ministre me demandait de retirer l'amendement 6, qui propose de supprimer l'objectif 30 bis ajouté par le Sénat et qui traite de la résistance aux antibiotiques...(Sourires)

M. le Ministre - Eh bien, je vous le demande... (Sourires)

M. le Rapporteur - L'amendement 6 est retiré.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 86 est défendu.

L'amendement 86, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 7 tend à supprimer l'objectif 43 bis introduit par le Sénat.

M. Jean-Luc Préel - Il conviendrait pourtant de le maintenir, d'autant que l'Assemblée venant d'en supprimer un qui figurait dans le texte issu de la première lecture, le total serait toujours de cent...(Sourires)

M. le Rapporteur - Je m'en tiendrai à la position de principe adoptée par la commission.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 7, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 8 tend à la suppression de l'objectif 66 bis introduit par le Sénat.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Jean-Luc Préel - Cet ajout est pourtant d'autant plus fondé qu'il s'appuie sur différents rapports dont certains émanent des services du ministère ! La déficience auditive concerne plus de six millions de nos concitoyens ; qui peut nier l'acuité de ce problème de santé publique ? Il serait très souhaitable de se donner pour objectif de le réduire.

M. le Rapporteur - Dans ce cas, il faudrait à tout le moins rédiger différemment la proposition du Sénat, pour mettre l'accent sur le dépistage des déficiences auditives des enfants. Je suggère de laisser à nos collègues sénateurs le soin de mettre au point une rédaction plus appropriée au cours de la navette.

L'amendement 8, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 207, 87 et 209 tombent.

M. Yves Bur - L'amendement 271 tend à compléter l'objectif 69 relatif à la prévention des maladies cardio-vasculaires.

M. le Rapporteur - La commission a accepté cette nouvelle rédaction. J'indique à mes collègues que le nombre d'objectifs fixé étant désormais supérieur à cent, il y aura lieu de modifier la numérotation, notamment à la page 117 du projet dans la rédaction de notre Assemblée.

L'amendement 271, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 14 et le rapport annexé ainsi modifié, mis aux voix, sont adoptés.

ART. 15

M. le Ministre - L'amendement 323 est de précision.

L'amendement 323, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - L'amendement 322 est de précision.

L'amendement 322, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'article 15, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 15

M. Jean-Marie Le Guen - Les amendements identiques 9 et 92, acceptés par la commission, reprennent une disposition adoptée par l'Assemblée en première lecture et supprimée par le Sénat. En matière de lutte contre le cancer du sein, une attention particulière doit être portée aux femmes les moins sensibles aux politiques de prévention, celles qui passent à travers les mailles du filet. Tel est l'objectif de ces amendements.

Mme Martine Billard - L'amendement 296 corrigé a la même fin. Cette disposition est d'autant plus importante que le projet fait une bien faible place à la population la plus démunie.

M. Bertho Audifax - Mais un projet de loi vaut pour tous !

Les amendements 9, 92 et 296 corrigés, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés à l'unanimité.

M. Jean-Marie Le Guen - Le souci de démocratie sanitaire doit conduire à une concertation permanente avec les associations de malades lors de la définition des politiques de santé publique. C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 93, la création d'un Comité national consultatif du cancer.

M. le Rapporteur - A ce détail près qu'il existe déjà un Comité national du cancer !

Je m'étonne, Monsieur Le Guen, que vous vouliez si souvent rigidifier les choses. En tout cas, la commission a repoussé cet amendement.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Marie Le Guen - Tout le projet a été construit sans faire la moindre place aux associations de malades et d'usagers. Je suis bien obligé de tenter de colmater à chaque fois !

L'amendement 93, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 15 bis A, mis aux voix, est adopté.

ART. 15 BIS

M. le Rapporteur - Le 342 est un amendement de précision.

L'amendement 342, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 15 bis est ainsi rédigé.

APRÈS L'ART. 15 QUATER

M. Jean-Marie Le Guen - Mon amendement 94 serait satisfait si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes et si, comme le disait hier le ministre, les préfets représentaient vraiment le Gouvernement dans son ensemble, le ministre de la santé compris. La réalité est qu'il ne suffit pas que le ministre de la santé décide d'une politique pour que les préfets la mettent en _uvre, sans parler d'autres représentants de l'Etat. J'en veux pour preuve la loi Evin, que les recteurs ne font pas tous appliquer. Et l'on sait bien que les procureurs ont pendant longtemps jugé inutile de poursuivre les infractions à cette même loi ! Mon amendement 94 est donc, hélas, nécessaire.

M. le Rapporteur - L'amendement 94 est satisfait par l'article 15 bis et il serait donc logique de le retirer.

M. le Ministre - Même avis.

M. le Président - S'il est satisfait, Monsieur Le Guen... 

M. Jean-Marie Le Guen - C'est moi qui ne le suis pas !

L'amendement 94, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 16 BIS A

M. Edouard Landrain - L'amendement 175 est défendu.

L'amendement 175, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - Les amendements 324 et 325 mettent en conformité le droit français avec la directive européenne du 26 mai 2003, qui fait référence à la notion de « pays tiers », ce qui comprend les Etats n'appartenant pas à l'Union européenne mais aussi ceux n'appartenant pas à l'espace économique européen.

Les amendements 324 et 325, acceptés par la commission, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 16 bis A, mis aux voix, est adopté.

ART. 16 BIS B

M. Edouard Landrain - L'amendement 176 propose une nouvelle rédaction de cet article, dont l'auteur, le sénateur Gouteyron, avait lui-même reconnu le caractère perfectible.

M. le Rapporteur - La commission l'a accepté.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 176, mis aux voix, est adopté et l'article 16 bis B est ainsi rédigé.

L'article 16 bis C, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 16 bis.

APRÈS L'ART. 16 BIS

M. Jean-Marie Le Guen - Nous en arrivons à une série d'amendements qui tentent modestement de dessiner les contours d'une politique de lutte contre l'alcoolisme, dimension qui manque hélas fortement au présent projet. S'il y a pourtant des domaines où la santé publique a des progrès à faire, c'est bien celui-là tant notre pays détient de tristes records en ce domaine.

L'amendement 97 a donc pour objet d'interdire à l'industrie des boissons alcoolisées d'animer, de parrainer ou de financer des opérations en direction des jeunes. Ce devrait déjà être le cas si la loi Evin était correctement appliquée, mais on sait bien qu'en réalité il s'organise tous les jours, dans tous nos départements, des soirées sponsorisées par des marques de boissons alcoolisées.

M. le Rapporteur - Cette disposition est déjà inscrite dans le code de la santé publique. Cela étant, il est vrai que la loi Evin n'est pas correctement appliquée.

M. le Ministre - Même avis.

M. Claude Evin - Il est intéressant d'entendre le président de la commission reconnaître que la loi n'est pas bien appliquée. Dans ces conditions, Monsieur le Ministre, ne faudrait-il pas saisir le Garde des Sceaux et lui demander d'adresser des instructions aux procureurs pour qu'elle le soit mieux ?

M. le Ministre - Autant il ne me paraît pas nécessaire de répéter quelque chose qui figure déjà dans le code, autant il serait en effet utile de faire le point sur l'application de la loi qui porte votre nom...

M. Claude Evin - Une loi de santé publique, tout simplement.

M. le Ministre - Oui, une loi importante. Je maintiens que les préfets représentent aussi bien le ministre de la santé que le ministre de l'intérieur et qu'ils doivent donc aussi veiller à l'application des lois de santé publique. Je suis tout à fait prêt à écrire au ministre de l'intérieur en ce sens ou, comme vous le souhaitez, au Garde des Sceaux.

L'amendement 97, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - J'aimerais que l'on mesure bien la distance qui existe entre la loi et la réalité. Il arrive qu'une loi ne soit pas exactement appliquée de la même manière en tous points du territoire, mais là, c'est autre chose : il ne se passe pas une fête d'université, pas une soirée en discothèque sans que l'on voie une marque de boisson alcoolisée faire sa publicité. Je ne demande pas que l'on interdise systématiquement toute dégustation de produits locaux, bien sûr, mais que l'on soit capable de mieux combattre ces opérations de marketing qui contournent systématiquement la loi.

L'amendement 210 est défendu.

L'amendement 210, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 95 est dans la ligne des précédents.

M. le Rapporteur - Repoussé.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Marie Le Guen - Je ne prétends pas que nos amendements soient incontournables, mais il faut tout de même réagir et remédier à la faille qui existe entre la loi Evin et la pratique. Je voudrais donc que le Gouvernement s'engage à faire le point, d'ici la deuxième lecture au Sénat, sur l'application de la partie concernant l'alcool de la loi Evin et nous présente un rapport sur le sujet, qui ferait éventuellement les recommandations nécessaires. Je ne veux pas faire de procès d'intention ; je veux bien admettre qu'il y a chez vous la volonté d'une politique rigoureuse et adaptée de lutte contre l'alcoolisme. Mais il y a là, sans nul doute, matière à action de la part du pouvoir exécutif.

M. Edouard Landrain - Rappelez-vous les gendarmes intervenant dans les stades, les juges, le mécontentement général... On a autorisé les buvettes, dans certaines conditions, dans les enceintes sportives. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de lutter contre l'alcoolisme, mais il faut de la mesure. Songez qu'on avait mis au pilori les boissons traditionnelles, les produits régionaux ! Soyons prudents, ne rallumons pas ce brûlot. Vous, socialistes, serez montrés du doigt si vous allez trop loin. Nous avons la loi Evin qui s'est améliorée au fil des ans.

M. Claude Evin - Je ne voudrais pas qu'Edouard Landrain tombe dans l'excès. De quoi s'agit-il dans cet amendement ? Il ne s'agit pas des buvettes, la question a été tranchée. On peut certes trouver peu cohérent de dire qu'il faut vendre de l'alcool à des jeunes qui font du sport, mais ce n'est pas le débat. Il s'agit pour l'instant de l'article 3323-2 du code de la santé publique, relatif à la publicité directe et indirecte. Chacun l'admet, les dispositions de cet article ne sont pas bien respectées. C'est qu'on a omis de préciser dans la loi - en 1991 puis lors des débats suivants - quelles administrations seraient habilitées à contrôler l'application de cet article. Le Sénat a introduit un dispositif qui répond à certaines préoccupations.

J'ai bien entendu vos propos, Monsieur Landrain. La loi telle qu'elle est aujourd'hui n'est pas la loi de 1991. La publicité a été réintroduite, et la vente a été autorisée dans les enceintes sportives. Nous ne sommes plus dans la « loi Evin ». Mais j'approuve M. Landrain quand il demande qu'on ne rallume pas ce brûlot. Ces paroles de sagesse - d'autant plus fortes quand on se souvient des positions défendues par notre collègue en 1994 et 1999 - doivent être suivies et je pense qu'elles le seront, notamment par certains députés de la majorité qui envisageaient de remettre en cause les dispositions sur la publicité.

M. le Ministre - Je rappelle que d'après le texte les agents de la DGCCRF constatent les infractions aux règles relatives à la publicité pour les boissons alcoolisées. Plus généralement, et sans vouloir rouvrir de vieux débats, il me semble souhaitable que le ministre de la Santé demande au Garde des Sceaux, et pourquoi pas à la Mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie, de faire le point sur la mise en _uvre de la loi.

M. Claude Evin - Très bien.

L'amendement 95, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Par l'amendement 219 rectifié je fais au Gouvernement une proposition forte, orientée vers la tenue d'Etats généraux de la lutte contre l'alcoolisme. Dans ce domaine, il faut le dire, nous sommes un peu bloqués. De quoi disposons-nous ? Nous avons la loi Evin, et son application incertaine. Nous avons une réglementation sur la distribution et une fiscalité - insuffisante, nous y reviendrons. Et nous avons une politique de santé publique en matière d'alcoolisme qui est ce qu'elle est, mais qui souffre depuis des années, avant même l'actuel gouvernement, de moyens insuffisants. Mais nous manquons d'un élan politique, d'une réflexion nouvelle. Quand on en parle avec eux, les Français ont pourtant beaucoup de choses à dire sur l'alcoolisme. C'est un non-dit enraciné dans la société française, mais on entrevoit derrière lui toute une terrible réalité humaine, violences conjugales, accidents de la route, désespoir de parents... Il faut mettre au jour tout cela, ne pas s'en tenir à la répression, mais chercher les voies d'une prise de conscience. Ce que je propose, c'est que nous nous mobilisions, et que les Français réfléchissent sur ce grave problème de santé publique, profondément ancré dans beaucoup de nos territoires. Donnons-nous les moyens de réfléchir et de mobiliser les énergies. C'est nécessaire si l'on veut éviter un désastreux affrontement entre la France de la production et la France de la santé publique.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement. Mais les arguments de M. Le Guen sont si convaincants qu'à titre personnel je soutiendrai sa proposition.

M. le Ministre - Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le Président - L'amendement prévoit la remise du rapport pour juin 2004, ce qui est un peu rapide.

M. Jean-Marie Le Guen - En effet, c'est une erreur : écrivons 2005.

L'amendement 219 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

M. Edouard Landrain - J'approuve tout ce qui contribue à lutter contre l'alcoolisme. Mais partout, dans l'Europe qui nous entoure, les règles varient. Nous pouvons voir dans les retransmissions de compétitions sportives, des publicités en faveur de marques de spiritueux ou de bières. Si nous continuons à ignorer ce qui se passe à côté de nous nous risquons, à vouloir trop bien faire, d'y perdre par bien des côtés.

M. le Président - M. Landrain aura ainsi contribué au futur rapport...

ART. 17

M. Jean-Marie Le Guen - L'amendement 98 est défendu.

L'amendement 98, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen - Mon amendement 100 est a minima, puisqu'il n'interdit la vente de boissons alcoolisées que sur les autoroutes hors des zones de production. Seules sont concernées les autoroutes bretonnes, qui au reste n'existent à peu près pas ... (Murmures sur divers bancs) Mais ce serait un signal.

M. le Rapporteur - Rejet.

M. le Ministre - Sagesse.

L'amendement 100, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 17, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 17

M. Jean-Marie Le Guen - Mon amendement 272 tend à taxer les produits industriels alcooliques conçus pour trouver place dans des niches fiscales. La proposition de M. Bur, sans être identique, procède du même esprit : repousser les coucous industriels qui viennent se loger dans les nids aménagés pour les produits traditionnels. Nos collègues attachés à la défense des produits traditionnels seront naturellement d'accord avec moi.

M. Yves Bur - En 1996, nous avons créé une taxation spécifique pour bloquer le développement de nouvelles mixtures appelées premix. Nous pensions tous que la question était définitivement réglée. Or nous constatons que de nouveaux produits ont rencontré un succès considérable auprès d'un jeune public. Ces premix nouvelle formule sont des boissons alcoolisées sucrées, à base de vodka ou de rhum. D'abord vendues dans les bars, elles ont envahi les supermarchés, placées en tête de gondole. Leur consommation a augmenté de 300 % à 400 %. Cent millions de bouteilles se vendent en France chaque année. Le phénomène est international.

Ces boissons « tendance » ont pour perversité de cacher leurs 5 à 7 degrés d'alcool derrière une forte quantité de sucre. Les industriels ont su contourner la législation sur les premix, et ciblent spécifiquement un public très jeune, souvent féminin, même s'ils s'en défendent. Ces boissons font des ravages, plus encore à l'étranger que chez nous. Nos voisins en ont pris conscience. En Allemagne, le nombre de jeunes entre 12 et 16 ans hospitalisés pour ébriété a quadruplé. Aussi le gouvernement allemand a-t-il pris voici un mois une première mesure contre ces boissons, de même que la Suisse. Par ces boissons marketing, on essaie d'accoutumer nos jeunes à la consommation d'alcools forts de manière cachée, et je tenais à dénoncer ce processus.

Par mon amendement 269 rectifié, je propose de revisiter entièrement le dispositif législatif relatif aux premix, en prenant en compte la dose de sucre. Pour éviter que certains apéritifs et vins soient touchés, j'ai abaissé la limite supérieure de teneur en alcool à 12 degrés.

Ce combat est nécessaire. Le profit ne justifie pas toues les opérations de marketing (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - Avis défavorable à l'amendement 272, et favorable au 269 rectifié. Monsieur Bur, vous qui êtes un spécialiste reconnu des lois de financement de la sécurité sociale, votre proposition ne trouverait-elle pas mieux sa place dans le PLFSS ?

M. Jean-Marie Le Guen - Rien n'empêche un projet de loi de procurer des recettes supplémentaires.

M. Yves Bur - Nous aurions pu attendre l'examen du PLFSS. Mais il y a urgence à agir. A peine avions-nous adopté notre amendement en commission que le lobbying s'est mis en branle.

M. le Ministre - Même avis que la commission.

M. Jean-Marie Le Guen - Pourquoi avoir repoussé mon amendement, qui est analogue à celui de M. Bur ? La discrimination procède-t-elle de la différence de degré d'alcool, ou de l'origine politique de l'amendement ?

M. le Président - Pas de provocation !

M. le Ministre - L'amendement de M. Bur a paru mieux rédigé.

M. Jean-Marie Le Guen - Il ne vise pas exactement les mêmes produits.

M. le Ministre - Nous pourrions réunir les deux amendements en un seul, afin de rassembler les produits de M. Bur et ceux de M. Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen - Alors, adoptons les deux amendements, pour les fusionner à l'occasion de la prochaine lecture.

M. le Rapporteur - Quel esprit d'union !

M. Jean-Marie Le Guen - Je vous rappelle que l'union est un combat !

Les amendements 272 et 269 rectifié, mis aux voix, sont adoptés à l'unanimité.

L'article 17 bis modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 17 TER

Mme Jacqueline Fraysse - Mon collègue Chassaigne m'a chargée d'intervenir sur un article qui traite d'une question peu familière à une députée des Hauts-de-Seine, mais très sensible pour un élu du Puy-de-Dôme.

Le privilège des bouilleurs de cru, estime M. Chassaigne, est un droit ancien et un élément non négligeable de la culture rurale en France.

M. Jean-Marie Le Guen - Ah ! Ah !

Mme Jacqueline Fraysse - Les habitants de nos campagnes ne comprennent donc pas pourquoi certains veulent absolument remettre en cause cette tradition.

L'article 17 ter, qui tend à supprimer le privilège des bouilleurs de cru, a été adopté par le Sénat au nom de la lutte contre l'alcoolisme. C'est pour le moins excessif. Pourquoi s'acharner contre les bouilleurs de cru, dont la production représente 0,14 % de la consommation d'alcool en France, et n'a aucune préoccupation mercantile, tout en laissant en même temps les grands groupes de distillation vendre librement leurs productions ?

Les motivations de cet article sont donc au mieux contestables, au pire douteuses.

D'autant que les détenteurs de ces privilèges sont peu nombreux, et que 15 % d'entre eux à peine utilisent leurs droits (Approbations sur les bancs du groupe UMP).

Dans le Puy-de-Dôme, 1 646 bouilleurs de cru seulement l'ont fait durant la campagne 2001-2002. En Auvergne on ne compte plus que 36 distillateurs dont l'activité de bouilleur ambulant constitue un complément de ressources pour ces agriculteurs souvent en difficulté.

M. François Vannson - Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse - C'est pourquoi M. Chassaigne, avec son groupe (Rires sur les bancs du groupe UMP), vous propose de ne pas adopter cet article et soutient l'amendement de suppression déposé par M. Vannson (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Vannson - Vous transmettrez mes remerciements à notre collègue Chassaigne, qui exprime la solidarité existant au sein du groupe montagne, que j'ai l'honneur de présider !

Nos collègues sénateurs ont abrogé le dispositif relatif aux bouilleurs de cru qui avait été voté à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2003 et jugé comme un excellent compromis, permettant à la fois la sauvegarde de nos traditions régionales et la simplification du droit, avec la mise en place d'un régime unique. Dans la discussion générale, Monsieur le ministre, vous avez déclaré à juste titre qu'il ne fallait pas diaboliser les bouilleurs de cru. Il n'est pas convenable d'utiliser l'argument de la lutte contre l'alcoolisme pour le supprimer, alors que ces alcools familiaux représentent à peine 0,14 % de la consommation d'alcool. Il ne l'est pas davantage, au regard de la nécessaire stabilité juridique, de remettre en cause à toute occasion ces dispositions. C'est pourquoi je demande par mon amendement 1 la suppression de cet article (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Les amendements 2 de M. Gatignol et 263 de M. Sauvadet sont identiques. On peut considérer qu'ils sont défendus.

M. Yves Bur - La commission a donné un avis favorable à cet amendement.

M. le Ministre - 0,14 % de la consommation, c'est effectivement pas beaucoup... Par ailleurs, j'ai été ministre de la culture et je sais que certaines traditions méritent d'être respectées. Je devrais normalement dire non, mais je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Reiss - Il est indispensable de supprimer cet article afin de rétablir le dispositif que nous avions adopté à l'automne 2002. Quand on se promène dans nos campagnes, on voit des vergers en friche, des arbres fruitiers vieillissants, des fruits qui pourrissent à terre. De nombreuses associations d'arboriculteurs se mobilisent à longueur d'année pour réhabiliter les vergers. Dans ma circonscription, le parc naturel des Vosges du Nord organise pour la deuxième fois un festival des vergers pour inciter à la replantation d'arbres fruitiers haute tige. C'est une question de sauvegarde des paysages. La possibilité offerte aux propriétaires d'arbres fruitiers de bénéficier d'un abattement fiscal de 50 % sur les dix premiers litres d'alcool est un privilège minime.

La tradition ancestrale qui consiste à planter, entretenir, tailler, récolter, distiller représente des efforts suivis, tout au long de l'année, alors que pour les alcooliques, il suffit d'acheter des bouteilles d'alcool dans les supermarchés ! Les bouilleurs de cru produisent en général à des fins personnelles. Nous disons oui à la lutte contre l'alcoolisme, mais ne nous trompons pas de combat : l'avenir des ceintures vertes autour de nos villes et de nos villages est aussi en jeu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - Je n'ai toujours pas compris pourquoi les fruits des vergers de France devaient forcément se transformer en alcool... (Sourires) Je suis très favorable au développement des vergers, qui sont très beaux au printemps, mais je préfère les fruits crus, en tarte ou en confiture !

Par ailleurs, eu égard à toutes les déclarations qui ont été faites sur la nécessité de s'attaquer aux « niches fiscales », comment nos collègues de l'UMP peuvent-ils justifier leur position ? Il y a sans doute d'autres moyens d'aider les propriétaires de vergers...

Le Sénat a eu beaucoup de courage, et je souhaite que cet article soit maintenu. Le sénateur Chérioux - qui, je pense, me saura gré de le citer- a expliqué que, détenteur lui-même du privilège, il peut dire que l'alcool ainsi fabriqué est un danger public et qu'étendre ce privilège serait une très mauvaise chose...

M. Jean-Marie Le Guen  Je voudrais d'abord m'excuser auprès de ceux de nos collègues qui, du fait du retard pris dans la discussion du projet, ont été obligés de rester aussi tardivement à Paris...(Sourires)

Tout petit, quand j'ai entendu parler de l'Assemblée nationale, il était déjà question des bouilleurs de cru. Certes, le privilège fiscal qui leur est accordé n'est pas considérable, surtout en comparaison des autres privilèges fiscaux que la majorité a coutume de distribuer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Mais pourquoi défendre cette tradition et pas une autre ? La consommation d'absinthe en était une également bien ancrée dans nos terroirs, vantée par des poètes au XIXe siècle : il est quand même dramatique que les lycéens qui les étudient ne sachent plus ce que c'est que l'absinthe ! (Rires)

Le problème du privilège des bouilleurs de cru, c'est la fabrication de mauvais alcool (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Je ne parle pas de son goût, chers collègues, mais de son danger pour la santé ! Chaque année, des paysans sont fortement intoxiqués par ces alcools frelatés. Trop de démagogie peut être dangereux pour la santé publique. Mieux vaudrait des installations contrôlées de petites coopératives.

M. François Vannson - Monsieur Le Guen, j'aimerais vous inviter dans la France profonde...

M. Jean-Marie Le Guen - Il veut ma mort ! (Rires)

M. François Vannson - La distillation est très réglementée, contrôlée par l'administration, et cette disposition permettra d'améliorer encore la qualité des alcools consommés.

M. le Ministre - Suis-je également invité ? (Sourires)

M. François Vannson - Avec plaisir.

Les amendements identiques 1, 2 et 263, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 17 ter est ainsi supprimé.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 35.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE


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