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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 77ème jour de séance, 194ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 13 AVRIL 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

EDF-GDF 2

FINANCES PUBLIQUES 2

PRIX DE L'ACIER 3

INTERMITTENTS DU SPECTACLE 4

INSERTION 5

IRAK 5

POLITIQUE SOCIALE DU GOUVERNEMENT 6

AUGMENTATION DU SMIC 7

RÉFORME DU DIVORCE 8

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE 8

PRÉVENTION DES EFFETS DE LA CANICULE
SUR LES PERSONNES ÂGÉES 9

MALTRAITANCE DES FEMMES 9

DIVORCE 10

ARTICLE PREMIER 30

ART 2 30

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

EDF-GDF

M. François-Michel Gonnot - Monsieur le ministre de l'économie, vous avez rappelé, la semaine dernière, les grands principes qui doivent fonder le changement de statut d'EDF et de GDF et, ce matin, vous avez rencontré les syndicats. La France ne peut rater cette réforme, qui doit être comprise par les Français pour ce qu'elle est : le moyen de permettre à ces grandes entreprises d'être les meilleures en Europe et de gagner des marchés, sachant que les changements ne peuvent se faire contre les salariés des entreprises considérées. On sait, par ailleurs, que diverses directives doivent être transposées avant que, le 1er juillet, le marché de l'énergie ne soit ouvert à la concurrence. D'autre part, le Gouvernement prépare un projet de loi d'orientation sur les énergies. Quelle sera la méthode retenue ? Comment s'organisera le nécessaire dialogue social ? Selon quel calendrier le Parlement débattra-t-il du projet industriel des deux entreprises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Patrick Devedjian et moi-même avons longuement reçu les organisations syndicales ce matin, et je rends hommage au sens des responsabilités dont elles ont fait preuve. Le dialogue social a donc repris, et le Gouvernement a fait valoir sa détermination de donner à la France les moyens d'une grande politique énergétique nationale ambitieuse et cohérente. Voilà pourquoi se tiendra le 15 avril, dans votre assemblée, un débat d'orientation sur la politique énergétique. Après quoi, début mai, vous sera soumis le projet de loi sur les énergies.

Mais ces dispositions internes ne suffisent pas : une grande politique européenne de l'énergie est indispensable, car la libéralisation des marchés ne peut tenir lieu de politique énergétique à elle seule... (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) et les bases d'une politique industrielle européenne doivent être définies.

Par ailleurs, le projet industriel d'EDF et de GDF doit s'accompagner d'un projet social mobilisateur, à l'élaboration duquel les salariés doivent participer. C'est pourquoi Patrick Devedjian et moi-même avons demandé aux dirigeants d'EDF et de GDF d'engager les négociations sociales dans les meilleurs délais. Et, début juin, le Gouvernement soumettra au Parlement un projet de loi modifiant l'organisation juridique d'EDF et de GDF,...

M. Jean-Pierre Brard - Après les élections européennes !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - ...entreprises dont la réforme doit rester à l'abri des querelles politiciennes (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) puisque ce dont il s'agit, c'est de préserver les missions de service public et l'avenir de ces champions français, et européens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

FINANCES PUBLIQUES

M. Victorin Lurel - Mercredi dernier, Monsieur le ministre de l'économie, vous avez fait à notre collègue Didier Migaud une réponse erronée, inutilement agressive et condescendante. Vous avez refusé l'audit des finances publiques qu'il vous demandait à juste titre (Protestations et exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Pourquoi ce qui était bon sous Raffarin I ne le serait plus sous Raffarin III ? De fait, le déficit public qui, dans l'hypothèse la plus pessimiste, s'établissait à 2,6 % du PIB lors de votre arrivée aux affaires a, depuis, explosé, pour atteindre 4 % du PIB fin 2003, de par votre gestion supposée être de bon père de famille... (Protestations sur les bancs du groupe UMP). L'audit serait, nous dites-vous, inutile, puisque les finances françaises sont sous le contrôle de la Commission européenne. La belle affaire ! C'est précisément la Commission européenne qui dit sa préoccupation de la dérive de nos déficits, dont elle s'attend qu'ils soient, en 2005, d'un quart supérieur aux prévisions avancées par le Gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Qui a tort ? Qui a raison ? Seul un audit permettrait de le savoir, et nous réitérons donc notre demande.

Vous avez aussi expliqué, Monsieur le ministre, que vous entendiez couper dans les dépenses « inutiles ». Annoncez-vous ainsi un plan d'austérité ? Et dans quelles dépenses comptez-vous alors tailler ? Celles qui concernent l'emploi, la solidarité, le logement ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Tout cela, en maintenant une politique fiscale injuste qui a fait la preuve de son efficacité et que les Français viennent de rejeter massivement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - M. Sarkozy vous a déjà répondu : l'audit des finances publiques n'est pas nécessaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) car nous avons une connaissance exacte des comptes de la nation, qui ont été publiés et soumis au contrôle du Parlement et à celui de la Commission européenne. Faut-il conduire une politique de régulation budgétaire ? Bien sûr, car le Gouvernement a le devoir de ne pas dépenser un euro de plus que le budget voté ; la loi l'y oblige, et c'est très bien ainsi. Quant à la politique fiscale, elle tend à ce que soit utilisé au mieux l'argent des Français (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PRIX DE L'ACIER

M. François Rochebloine - Les prix mondiaux de l'acier et de ses produits dérivés connaissent une augmentation brutale de 50 % due à l'explosion de la demande, et notamment de la demande chinoise. Cette hausse pénalise durement de nombreuses entreprises et particulièrement les entreprises de mécanique, du bâtiment et des travaux publics, qui éprouvent les plus grandes difficultés à répercuter ces hausses exceptionnelles par leur ampleur dans les contrats en cours. Le Gouvernement considère-t-il possible l'application de la théorie de l'imprévision, qui permettrait l'actualisation des prix dans les marchés publics et privés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - La forte augmentation de la demande mondiale d'acier rend effectivement la situation préoccupante même si la France, grâce à Arcelor, est bien placée. Toutefois, il faut relativiser car, aussi hauts soient-ils, les prix actuels n'ont pas atteint le niveau de ce qu'ils étaient en 2000 ni même, pour certains, de 1992. S'agissant de l'imprévision, le Conseil d'Etat en a fixé les critères d'application : l'aléa économique d'une part, le bouleversement économique du contrat d'autre part. On conviendra que ces deux critères peuvent difficilement être retenus en l'espèce. Pour autant, le Gouvernement, très attentif à cette évolution, a saisi les services de la concurrence pour éviter toute spéculation, et il entretient des relations régulières à ce sujet tant avec la fédération française de l'acier qu'avec l'OMC, à laquelle il incombe d'assurer l'équilibre des marchés mondiaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

INTERMITTENTS DU SPECTACLE

M. Frédéric Dutoit - Ma question s'adresse au ministre de la culture ou, accessoirement à M. Borloo, dont on dit qu'il est le ministère de la fracture sociale - pardon, de la cohésion sociale (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Bien que, le 26 juin 2003, un protocole d'accord relatif à l'assurance chômage des intermittents du spectacle ait été validé, rien n'est réglé, et le désaccord demeure. Au lendemain du deuxième tour des élections régionales, le Président de la République a indiqué que le Gouvernement devait « tenir compte du message sorti des urnes ». Qu'en sera-t-il ? Il faut sortir de l'impasse par le dialogue, certes, mais surtout par des actes. Le Gouvernement entend-il suivre les recommandations du comité de suivi, qui rejoignent les propositions de la mission parlementaire et, notamment, revenir sur le mode de calcul des indemnités fixé dans l'accord du 26 juin ?

Voilà bien la question qui se pose à la veille de la journée nationale d'action de lundi prochain et à l'approche de nombreux festivals (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste).

.M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - La situation des artistes et des techniciens exerçant leurs talents dans les domaines du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel constitue une préoccupation majeure du Gouvernement. Conformément aux orientations définies par le Président de la République, j'ai souhaité, dès ma prise de fonctions, établir un dialogue nouveau, je l'espère, fructueux.

Dialogue avec les élus tout d'abord : j'ai reçu dès le 5 avril la mission d'information de l'Assemblée nationale, puis une délégation du Sénat, conduite par le président de la commission des affaires sociales de la Haute Assemblée, Jacques Valade, avant de recevoir prochainement des représentants des élus locaux.

Dialogue également avec les partenaires sociaux. J'ai reçu ce matin même les dirigeants de l'Unedic. J'avais rencontré vendredi dernier les représentants de la fédération du spectacle de la CFDT, ainsi que le comité de suivi où siègent également des représentants de la CGT-spectacle, de la coordination des intermittents, de SUD-culture, de la société des réalisateurs français, du syndicat national des entreprises artistiques et culturelles et des employeurs de l'audiovisuel... Je tiens à saluer la présence à cette réunion constructive de l'ancien ministre Jack Ralite, d'Etienne Pinte et de Patrick Bloche. Il me paraît en effet important sur un tel sujet de chercher à rassembler plutôt que de jeter de l'huile sur le feu. C'est dans cet esprit de concertation que j'ai décidé de maintenir la date et l'ordre du jour de la prochaine réunion du Conseil national des professions du spectacle.

Dialogue enfin avec les professionnels, à travers des rencontres informelles de terrain que j'ai commencées ce week-end, et je me rendrai samedi prochain en Avignon, en étroite concertation avec ma collègue Marie-Josée Roig (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Il importe aujourd'hui de redonner confiance à tous. Le Gouvernement ne fuira pas la responsabilité qui est la sienne vis-à-vis de la création et des pratiques culturelles dans notre pays. Comme y a insisté le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, la culture constitue un lien dans un monde de violence. Nous devons tous, à travers elle, promouvoir les valeurs de liberté, de respect et de pluralisme... (Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Monsieur le ministre, veuillez conclure, je vous prie.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication- Soyez assurés qu'au terme de ce dialogue, en rien dilatoire, viendra le temps des propositions constructives. Votre question me donne l'occasion, Monsieur le député,... (Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), d'assurer à tous les artistes et tous les techniciens qui participent aux événements culturels de notre pays, du plus célèbre au plus modeste d'entre eux, que le Gouvernement est tout à fait conscient des spécificités de leurs métiers et sera particulièrement attentif à leurs conditions de vie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

INSERTION

M. Pierre Méhaignerie - Sur tous ces bancs, beaucoup d'élus se sont engagés à faciliter et à développer l'insertion des bénéficiaires du RMI. Nous sommes convaincus que le revenu minimum d'activité peut, en complément, jouer un rôle-clé pour un retour durable à l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et plusieurs bancs du groupe UDF). Ceux qui ont l'expérience de l'insertion sur le terrain savent les difficultés et le temps d'encadrement nécessaires. Alors, de grâce, cessons de caricaturer les entreprises (Mêmes mouvements). La difficulté sera plutôt de trouver des entreprises acceptant de faire de l'insertion.

Le porte-parole du parti socialiste ayant récemment déclaré que les conseils généraux présidés par les socialistes ne mettront pas en _uvre le RMA. (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP), que pense le Gouvernement de ce refus d'appliquer une loi de la République ? Enfin, ceux d'entre eux qui ont déjà pris des contacts tant avec les bénéficiaires potentiels du dispositif qu'avec des entreprises, aimeraient savoir de quels moyens ils disposeront prochainement pour appliquer le RMA, qui est une chance de nouveau départ pour beaucoup d'hommes et de femmes de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Notre pays compte, outre les chômeurs indemnisés par l'Unedic, 1,7 million de personnes extrêmement éloignées de l'emploi, parmi lesquelles 1 180 000 érémistes, 360 000 bénéficiaires de l'ASS, 340 000 jeunes sans qualification ni emploi..., sans parler de tous ceux qui échappent aux statistiques. Depuis des années, devant cette situation, hélas durable, quantité de dispositifs ont été mis en place : TUC, CES, CEC, CEV, CIE..., ces contrats aidés accueillent en permanence 500 000 personnes qui ne sont pas comptabilisés dans ce 1,7 million de personnes que j'évoquais. François Fillon a enrichi cette panoplie par les contrats jeunes en entreprise...(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), dont 175 000 ont d'ores et déjà été signés, et peut-être y en aura-t-il 250 000 d'ici à la fin de l'année (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Devant la gravité de la situation, il a également décidé d'activer le « I » du RMI, si difficile à mettre en _uvre, et, chaque fois que possible, le transformer en « A », grâce à des emplois dans le secteur marchand et non marchand (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Tous ces dispositifs ont toujours été critiqués, par les uns comme par les autres. Tous étaient sans doute imparfaits, mais tous ont été utiles à leurs bénéficiaires. Le problème aujourd'hui est que ces contrats sont insuffisants - on manque notamment de partenaires - et ne sont pas assez qualifiants. Le futur programme de cohésion sociale devrait y remédier. Quoi qu'il en soit, soyez assurés que dans la pratique, le Gouvernement soutiendra toutes les initiatives en matière d'insertion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

IRAK

M. René André - Monsieur le Premier ministre, ces derniers jours ont marqué un tournant dramatique dans le conflit irakien avec la multiplication des victimes civiles et des prises d'otages. Cela confirme hélas, si besoin était, le bien-fondé de la position de la France exprimée avant même le début du conflit par le Président de la République et le Gouvernement. Après avoir visé à « écraser les terroristes », les forces de la coalition sont aujourd'hui à la recherche d'une voie politique. Le vocabulaire a changé - les Etats-Unis, au plus haut niveau, évoquent désormais des « négociations », un « cessez-le-feu » et admettent l'existence d'une crise profonde -, l'attitude même de certains membres de la coalition a changé également.

Il est de la responsabilité de la France de continuer de faire entendre la voix de la raison et d'inciter la communauté internationale à rechercher une solution politique, acceptable par l'ensemble du peuple irakien, première victime du conflit. Comment notre pays perçoit-il l'évolution de la situation en Irak et quelles initiatives compte prendre le Gouvernement pour faire face à une crise, dont il est à craindre qu'elle alimente le terrorisme international et déstabiliser encore davantage le Moyen-Orient ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Je partage votre extrême préoccupation quant à la situation en Irak et ses conséquences potentielles dans la région et dans le monde. La situation évolue, hélas, comme le Président de la République, votre assemblée et l'ensemble du pays l'avaient craint avant même le début du conflit. Les victimes civiles sont de plus en plus nombreuses et les prises d'otages se multiplient.

Devant cette situation, il faut s'interroger sur le processus politique en cours et sur le rôle de la communauté internationale, des Nations unies en particulier. Sur le premier point, je réaffirme ici, à la suite du Président de la République, que la France appuie totalement l'appel du CICR pour que l'aide humanitaire d'urgence puisse être acheminée sans retard dans les villes théâtres d'affrontements et condamne de la façon la plus ferme les prises d'otages. Notre pays entend participer à la recherche d'une solution durable en Irak. Le ministre des affaires étrangères, Michel Barnier, recevait ce matin même notre représentant à Bagdad, afin de faire le point avec lui sur les quatre objectifs de notre pays en cette affaire : la reconstruction politique et économique de l'Irak - chantier ô combien difficile -, le retour du pays à sa pleine souveraineté - condition essentielle de la solution de la crise -, la défense de son intégrité territoriale et la préservation de son unité. Ce n'est que par le processus politique qu'une solution durable pourra être trouvée.

Notre pays fait également pression auprès de la communauté internationale, laquelle ne reste pas inactive. Ainsi les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne élaboreront en fin de semaine une proposition. L'approche doit être triple. Tout d'abord, nationale : il faut rassembler en Irak toutes les forces politiques prêtes à participer à un gouvernement intérimaire. Ensuite, régionale, car l'Irak a besoin du soutien de tous les pays de la région.

Enfin, il faut une dimension internationale pour apporter un appui politique et surtout économique à toutes les forces qui veulent contribuer à la reconstruction de l'Irak avec le concours de la communauté internationale, au centre de laquelle doivent figurer les Nations unies. La condition indispensable est une concertation internationale. La France n'a pas bougé d'un pouce sur ses positions à ce sujet.

Toutefois, face à la difficile situation d'aujourd'hui, j'appelle les ressortissants français qui sont actuellement en Irak à bien vouloir rentrer en France, et je demande à ceux qui prévoyaient de s'y rendre dans les prochains jours de bien vouloir reporter leur voyage. Il s'agit d'appliquer le principe de précaution : la France ne peut traiter avec légèreté le sort de ses ressortissants. Elle est engagée pour la paix en Irak, elle l'a toujours été et continuera de l'être (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

POLITIQUE SOCIALE DU GOUVERNEMENT

M. Gaétan Gorce - Nous avons été stupéfaits de la réponse de M. Borloo, qui semble découvrir le bilan social catastrophique du gouvernement Raffarin II... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) L'héritage qu'il évoque, mais c'est bien l'héritage de votre précédent gouvernement, celui que vous vous êtes légués à vous-mêmes ! C'est un passif fait de dizaines de milliers d'emplois perdus et de chômeurs en plus. Vous avez été sanctionnés aux élections régionales et cantonales, mais ce n'est pas parce que les Français n'auraient pas compris votre politique : c'est parce qu'ils l'ont trop bien comprise. Ils ont vu que c'était une politique socialement injuste et de plus économiquement inefficace. Comment justifier une réduction de la protection des salariés alors que l'insécurité économique se développe ? Comment justifier la baisse des moyens de la politique de l'emploi alors que le chômage augmente ? Comment justifier l'affaiblissement des droits des chômeurs à l'heure même où le travail se faisait plus rare ? Comment justifier la réduction des moyens affectés aux CES, aux CEC, au programme TRACE et aux chômeurs de longue durée quand s'aggravent les difficultés de tous ?

Allez-vous poursuivre dans la même voie, ou bien renforcer les moyens de la politique de l'emploi, et dans ce cas comment ferez-vous, face aux contraintes sans cesse rappelées par votre ministre des finances ? Allez-vous revenir sur les dispositions du projet de loi de M. Fillon qui tendent à sanctionner encore plus les chômeurs, à l'heure où trouver un travail est devenu un parcours du combattant du fait de votre politique? Allez-vous revenir sur le projet d'ordonnance qui prévoit de simplifier le code du travail contre l'avis des partenaires sociaux, et qui reprend les propositions les plus contestées du rapport de Virville ? En somme, Monsieur le Premier ministre, allez-vous affirmer devant cette assemblée que vous ne tirez d'autre leçon des dernières élections régionales que la poursuite de la réduction des droits des salariés ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Ou bien allez-vous reconnaître les erreurs commises par votre précédent gouvernement et votre précédent ministre du travail, sans doute « à l'insu de votre plein gré » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Où en est aujourd'hui la situation de l'emploi ? Au quatrième trimestre 2003, l'emploi salarié s'est redressé légèrement, de 22 000 emplois dans le secteur marchand (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Depuis l'été dernier, le taux de chômage s'est stabilisé : il est revenu en janvier 2004 à 9,6 %, ce qui bien sûr est encore trop. Mais la reprise commence à se faire sentir (Mêmes mouvements).

M. le Président - Je vous prie d'écouter M. Larcher.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail  - La dernière note de conjoncture de l'INSEE nous fait espérer 2 % de reprise annuelle. Les offres d'emplois déposées à l'ANPE se redressent depuis deux mois.

M. Gorce évoque l'ASS : conformément à la demande du Président de la République, la mise en _uvre de sa réforme a été suspendue, comme je l'ai annoncé la semaine dernière aux directeurs régionaux du travail. Quant à la politique que nous conduisons, c'est autour du dialogue social et de la responsabilité donnée aux partenaires sociaux que nous poursuivrons notre travail. Comme le disait à l'instant Jean-Louis Borloo, la cohésion sociale concerne toute la République. Elle ne consiste pas à se jeter des statistiques au visage, mais à travailler pour ceux qui depuis longtemps sont hors de tous les chiffres (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

AUGMENTATION DU SMIC

M. Jean-Marc Roubaud - Le Président de la République a fixé pour priorité au Gouvernement la croissance et l'emploi. Pour cela les pistes sont nombreuses, et certaines ont déjà été empruntées : mesures en faveur de l'investissement, de la production, ou encore pour encourager les entreprises - car ce sont elles qui investissent et créent des emplois. Ne faut-il pas, Monsieur le ministre de l'emploi, aller plus loin ? Pour accompagner le retour de la croissance, le Gouvernement doit à la fois donner la priorité à l'activité et soutenir le pouvoir d'achat des Français. Ce dernier objectif a été confirmé par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Il est temps, d'ailleurs, que le travail soit récompensé ! M. le Premier ministre a indiqué que le SMIC horaire serait augmenté en 2004 et en 2005. Pouvez-vous préciser le montant et le calendrier de cette hausse ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - La loi du 17 janvier 2003 a prévu la convergence par le haut des multiples SMIC, pour rattraper les inégalités produites par la mise en place des 35 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mais la loi n'avait pas défini les modalités. Il s'agit d'aligner l'ensemble des rémunérations minimales correspondant à la durée légale. Ce qui revient à rétablir le principe : « à travail égal, salaire égal » ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) - et à donner un signal clair d'encouragement à environ un million de salariés. Cette convergence est progressive, avec une première étape déjà accomplie au 1er juillet 2003, et un rendez-vous au 1er juillet 2004 : la revalorisation sera constituée de l'évolution annuelle de l'indice des prix et d'un coup de pouce propre à chacun des minima. Sur trois, il en résultera 11,40 % de hausse du SMIC, un effort sans précédent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RÉFORME DU DIVORCE

M. Jean-Yves Hugon - Monsieur le Garde des Sceaux, notre assemblée examinera aujourd'hui la réforme du divorce. Je vous remercie d'avoir pris en compte ce problème douloureux. Cette réforme doit être à la hauteur de l'attente des Français. Son enjeu est d'éliminer les déséquilibres actuels et de pacifier le plus possible la séparation en simplifiant les procédures et en privilégiant l'intérêt des enfants. Devant le Sénat, vous avez souligné la nécessité d'adapter le droit de la famille à la montée de l'individualisme, au développement du travail féminin et aux nouvelles formes de vie conjugale. Pouvez-vous nous indiquer les principaux apports de cette réforme ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Le texte que vous allez examiner est le fruit d'une très large concertation avec les professionnels du droit comme avec les associations représentant les familles. Il essaie de concilier deux exigences : tenir compte de l'évolution des modes de vie, des choix de vie diversifiés que font nos concitoyens, tout en rappelant le principe de responsabilité, notamment la responsabilité envers les enfants, que doivent conserver tous les pères et toutes les mères, quelles que soient les vicissitudes de leur vie personnelle.

Quels sont les principaux éléments du texte ? C'est un texte concret, qui apporte des réponses immédiates, et d'abord des simplifications : il permettra par exemple au divorce par conciliation de s'opérer plus rapidement, et donc il apaisera certaines situations familiales en évitant de prolonger la période de crise. Le texte tend également à faciliter la liquidation du régime matrimonial, dans le même but de ne pas faire durer les tensions. Il assouplit aussi les règles en matière de prestation compensatoire : nous connaissons tous les difficultés rencontrées dans la mise en _uvre des précédents textes, et celui-ci apporte un certain nombre d'améliorations.

Enfin, le projet renforcera le rôle de la médiation familiale. Mme Roig, après M. Jacob, et moi-même souhaitons accroître le rôle des médiateurs familiaux pour aider les familles dans cette période difficile, et déjà des moyens supplémentaires sont accordés aux associations de médiation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. Alain Claeys - Ma question s'adresse au ministre de la santé. Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a affirmé que le projet de réforme de l'assurance maladie serait discuté à l'été. Vous-même engagez aujourd'hui une série de discussions avec les partenaires sociaux. M. le Président de l'Assemblée nationale a proposé ce matin la création d'une mission d'information sur ce sujet. Le Parlement est le lieu naturel du débat politique, mais pour qu'il soit clair et transparent, plusieurs conditions doivent être réunies.

Tout d'abord, cette mission doit être utile et préfigurer une commission spéciale chargée d'examiner le projet du Gouvernement, sinon cette mission ferait doublon avec le travail du Haut Conseil à l'assurance maladie. Aussi le Gouvernement doit-il présenter immédiatement ses orientations et ses choix à la mission parlementaire, en assurant un niveau élevé de prise en charge des soins, la qualité et l'égalité de l'accès aux soins et un financement solidaire.

Ensuite, le projet doit traiter de tous les aspects du système de santé, qu'il s'agisse de son organisation, de sa gouvernance ou de son financement. Il est absurde que notre assemblée examine dés le 4 mai le projet de loi d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

Monsieur le ministre, quel est le vôtre calendrier ?

Pouvez-vous vous engager à ce que votre projet aborde, avant l'été, tous les aspects que j'ai évoqués ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Douste-Blazy ministre de la santé et de la protection sociale - Au moment où nous parlons, le déficit de l'assurance maladie se creuse de 23 000 € par minute !

Il faut d'abord une meilleure gestion du système de santé. Quelle organisation ? Quelle gestion ? Quel pilotage ? Pour répondre à ces questions, Xavier Bertrand et moi-même avons commencé à recevoir, dès ce matin, tous les partenaires sociaux.

Comment mieux dépenser ? Grâce à la régulation médicalisée des dépenses d'assurance maladie, avec les professionnels de la santé, et non contre eux.

Enfin, il faudra prendre nos responsabilités, sur tous les bancs de cette assemblée, pour définir les meilleures voies de sauvetage financier de l'assurance maladie. C'est la mission qui m'a été confiée, et le calendrier sera fixé dés que l'on aura entendu l'ensemble des partenaires sociaux. Pour nous, le dialogue social veut dire quelque chose, à l'inverse de vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

PRÉVENTION DES EFFETS DE LA CANICULE SUR LES PERSONNES ÂGÉES

Mme Arlette Grosskost - Après les événements tragiques de l'été 2003, les associations d'aides aux personne âgées, et notamment celles du Haut-Rhin, se sont fortement mobilisées pour réfléchir à un accompagnement de qualité. Malheureusement, faute d'anticipation sérieuse au cours des dernières décennies, les besoins sont aujourd'hui criants, surtout au niveau des soins infirmiers à domicile et du nombre de places dans les centres d'accueil spécialisés.

L'inquiétude progresse sur la mise en _uvre de l'allocation personnalisée d'autonomie, sur l'aide à domicile et sur le financement.

Le respect et l'assistance dus à nos aînés nous obligent à davantage de solidarité. La réflexion sur la mise en place de la nouvelle branche de protection sociale, qui couvrira désormais le risque de dépendance, est un progrès, mais en attendant l'entrée en vigueur de cette mesure, que proposez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées - A travers le plan vieillissement-solidarité, nous avons dégagé des moyens exceptionnels pour accompagner la prise en charge des personnes âgées à domicile et en établissement : 470 millions d'euros pour la médicalisation, et 300 millions d'euros ont été notifiés dés janvier 2004. Nous pourrons ainsi signer plus de 2 000 conventions tripartites qui nous permettront d'améliorer l'accueil des personnes âgées en maison de retraite, de créer les conditions du maintien à domicile - 17 000 places supplémentaires d'infirmiers à domicile, davantage d'accueils de jour ou temporaires -, de renforcer la médicalisation, la climatisation, le système de veille et d'alerte.

Le respect de la dignité des personnes âgées est l'affaire de tous. Nous sommes tous mobilisés et nous serons prêts, dés juin 2004, pour faire face à une situation qui peut être aussi difficile que celle de l'année dernière. Nous avons dégagé cette année des moyens sans aucune mesure avec ceux des années précédentes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MALTRAITANCE DES FEMMES

Mme Marcelle Ramonet - Chaque jour en France, de nombreuses femmes sont victimes de violences physiques, ou morales, toutes origines et conditions sociales confondues. L'actualité récente nous le rappelle cruellement, que ce soit à Brest il y a un mois, ou à Belfort ce week-end.

L'enquête nationale sur les violences envers les femmes démontre combien l'action de l'Etat est indispensable en ce domaine.

Madame la ministre, nous allons examiner aujourd'hui le texte portant réforme du divorce, et une disposition essentielle en matière de protection du conjoint et des enfants y figure à l'article 22, celle de l'éloignement du domicile conjugal du conjoint violent.

Au-delà, il reste encore beaucoup à faire pour faire respecter la liberté et l'égalité.

Votre action est déjà considérable, mais qu'allez-vous faire pour éclairer nos consciences sur les valeurs humanistes, sur l'égalité en droit pour tous, sur la reconnaissance de la place des femmes, mais aussi sur le respect de leur intégrité et de leur dignité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle - Toute violence est illégitime, quelle qu'en soit la forme, la nature ou le lieu d'expression. Les exemples que vous avez cités, ceux de Brest et de Belfort, démontrent que la société joue son rôle lorsqu'elle répond à la violence.

Nous devons tous nous mobiliser contre toute forme d'atteinte à la liberté, à l'égalité, à la dignité et à l'intégrité des femmes, à toutes les pratiques contraires à l'esprit et aux valeurs de notre République.

Quels sont les moyens d'agir ? Tout d'abord, la loi, dont la nouvelle disposition que vous avez citée permettra d'inverser l'ancienne logique. Désormais, l'éviction du conjoint violent permettra de mettre l'auteur de la faute face à ses responsabilités, et de replacer la victime dans son droit.

Ensuite, il faut s'appuyer sur le travail efficace des réseaux associatifs et des services de police, de justice et de gendarmerie, très sensibilisés depuis deux ans.

Enfin, l'école doit rester, surtout pour les jeunes femmes issues de l'immigration, le lieu d'apprentissage du savoir, de l'émancipation et de la responsabilité.

S'agissant de ces jeunes femmes des quartiers que vous avez évoqués, il y a un défi à relever pour toute notre collectivité : donnons-leur l'égalité des chances, l'accès à la citoyenneté. Cela passe par l'accompagnement, la formation, l'accès au droit. Il relève de la responsabilité de tous de progresser vers une société de droit, d'égalité, de respect de la personne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en avons fini avec les questions au gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures , est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Le Garrec.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

DIVORCE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif au divorce.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Ce projet, adopté par le Sénat le 8 janvier, était très attendu. La réflexion sur le droit de la famille a mobilisé sociologues et praticiens. En effet, la famille est plus que jamais perçue comme un refuge, où s'affirme la solidarité ; en même temps, elle n'est plus cette entité dominée par un chef ayant autorité sur ses membres comme le code civil l'envisageait il y a deux siècles. Les droits de l'individu se sont affirmés, et elle est devenue un lieu où chacun doit pouvoir s'épanouir. Le mariage en devient plus authentique ; il en devient aussi plus fragile. Le droit affirme les principes généraux du mariage - inchangés depuis 1804. Sa dissolution ne saurait être une affaire purement privée. Le droit doit garantir le respect des engagements, protéger contre l'arbitraire et faire prévaloir une éthique de responsabilité, tout en tenant compte de la diversité des parcours individuels. Il doit aménager les effets de la rupture et favoriser le maintien des liens entre parents et enfants.

Dans cet esprit, le Gouvernement a abordé la question du divorce dans une démarche plus large visant à adapter le droit de la famille et qui concerne aussi le droit de la filiation et celui de la succession. Sur ces sujets, il a engagé une large concertation. Ainsi, le texte qui vous est soumis est pour l'essentiel le fruit de la réflexion d'un groupe de travail mis en place fin 2002 qui associait universitaires, praticiens et parlementaires. L'accueil favorable réservé à ce projet consensuel prouve que cette méthode est la bonne.

Trois constats se dégagent des travaux. D'abord, la pluralité des procédures de divorce, voulue par le législateur de 1975, n'a pas donné les résultats attendus. Si le divorce sur requête conjointe correspond à la moitié des procédures, le divorce demandé accepté n'en concerne que 13 %, et le divorce pour faute représente toujours 40 % des procédures, alors que le divorce pour rupture de la vie commune est délaissé, avec 1,3 %. Ensuite, la procédure aggrave souvent le conflit, le recours à la faute étant commandé par des considérations juridiques ou financières. On en dénonce à juste titre les conséquences sur les enfants. Enfin, les procédures sont longues et complexes.

Face à ces critiques, le projet vise à adapter les procédures aux réalités de façon pragmatique, à mieux accompagner les époux, et à mieux garantir les équilibres fondamentaux entre les parties.

Le premier point renvoie surtout aux cas d'ouverture de la procédure de divorce. Si le débat est aujourd'hui plus apaisé, des choix restent nécessaires. Ainsi j'ai écarté le prononcé du divorce hors de l'office du juge, qui aurait consacré une conception purement contractuelle du mariage. De même, j'ai refusé la suppression du divorce pour faute. Droits et devoirs font partie inhérente de l'engagement des époux. Leur violation grave affecte donc les fondements de l'union conjugale, ce qui justifie la procédure pour faute.

Il convient de toute façon de préserver une pluralité de procédures car les situations sont très diverses. Distinguons deux grands cas, selon qu'il y a ou non accord. S'il existe un accord amiable entre époux, notre législation doit mieux prendre en compte la volonté des conjoints. Une procédure simplifiée de divorce par consentement mutuel sera donc proposée. Elle suppose que les parties aient établi une convention sur l'ensemble des mesures à mettre en _uvre. Le juge vérifie, lors de la comparution des époux, qu'il y a plein et libre consentement et que l'accord est pertinent. Si c'est le cas, le prononcé du divorce n'a pas à être différé. Mais si je juge refuse d'homologuer la convention, une seconde comparution est organisée. Lorsque les époux sont d'accord sur le principe de la séparation mais non sur ses conséquences, il faut faciliter le recours au divorce accepté. L'esprit de cette procédure sera profondément modifié, la référence à la faute disparaissant au profit de l'accord des époux. Il importe aussi que cet accord puisse intervenir à tout moment de la procédure. Je souhaite que ce cas de divorce devienne un facteur réel de pacification des conflits.

En cas de désaccord des époux sur le principe même, le projet entend rendre leur juste place à deux procédures. D'abord, le divorce pour faute est adapté en cas de comportement grave ou irresponsable d'un époux, même s'il faut le redéfinir. Cette procédure a été utilisée de façon abusive. Aussi les conséquences du divorce doivent-elles être traitées indépendamment de sa cause. A l'avenir le droit à prestation compensatoire sera fondé uniquement sur des considérations économiques et le sort des donations sera indépendant du partage des torts. Pour les autres cas, nous proposons le divorce pour altération définitive de la vie conjugale, qui se substituera au divorce pour rupture de la vie commune. Cette procédure pourra être engagée s'il y a cessation de la communauté de vie pendant les deux années précédent l'assignation. Le Sénat a simplifié le calcul de ce délai, et la commission propose, par amendement, de faire une référence expresse à la séparation des époux. Cette proposition mérite d'être approuvée.

Ce divorce sera également prononcé à la demande d'un époux lorsque la demande principale pour faute de son conjoint aura été rejetée. Ceci permettra à l'époux défendeur de choisir une voie plus apaisée que celle de la procédure contentieuse.

Le projet tend à mieux accompagner les époux tout au long du processus judiciaire. Il s'agit tout d'abord de favoriser le dialogue entre eux. Le Sénat a ainsi salué les mesures en faveur de la médiation familiale, qui peut être l'occasion de bâtir un avenir plus serein, notamment pour les enfants. A cette fin, le Gouvernement a créé un diplôme de médiateur qui donnera lieu à une formation pluridisciplinaire. Les associations bénéficieront par ailleurs d'une aide financière accrue : dès cette année, le budget que mon ministère y consacre a augmenté de 65 % par rapport à 2003.

Il s'agit également de simplifier les procédures : le projet institue ainsi un tronc commun de procédure qui permettra aux époux de saisir le juge sans avoir à indiquer le fondement juridique de leur demande ; il institue par ailleurs un mécanisme simplifié pour prendre en compte les accords des parties. Le juge pourra veiller à ce que les intérêts de chaque époux et des enfants soient préservés.

Il s'agit enfin de mieux traiter l'ensemble des conséquences de la séparation, et notamment la liquidation du régime matrimonial. Le texte introduit des dispositions favorisant une meilleure connaissance du patrimoine des époux et de leurs intentions quant au partage des biens. D'autres mesures sont prévues pour inciter au règlement anticipé de la liquidation : il sera ainsi possible de désigner un notaire dès le stade de la conciliation. A la demande du Sénat, la mission de ce professionnel comprendra non seulement l'élaboration d'un projet de liquidation mais également la formation des lots à partager. De plus, lorsque la liquidation ne portera pas sur des biens soumis à publicité foncière, l'acte notarié ne sera plus obligatoire. Enfin, l'encadrement des délais de règlement de la liquidation après divorce permettra d'accélérer les opérations.

Troisième axe du projet : l'indispensable vigilance qui doit être portée à la protection des intérêts de l'époux fragilisé.

Le Gouvernement s'est engagé à lutter contre les violences conjugales. Le ministère de la justice y prend sa part en mobilisant tous les acteurs concernés afin d'améliorer les dispositifs de prévention. Ces travaux aboutiront à la fin du mois de juin à une charte des bonnes pratiques qui sera diffusée sur l'ensemble du territoire. Le projet offre également la possibilité de saisir le juge en amont de toute demande en divorce pour que soit organisée la séparation du couple, la victime bénéficiant d'un droit préférentiel en faveur du maintien au domicile conjugal. Votre commission a approuvé ces dispositions et suggère de donner expressément au juge la faculté de statuer dans la même décision sur la contribution aux charges du mariage et d'exclure l'application de certaines dispositions relatives à l'expulsion.

Les comportements d'un époux, le fait même du divorce peuvent être traumatisants. Les préjudices subis doivent être reconnus et financièrement réparés. Le projet prévoit deux types de mesure : la réparation du préjudice causé par une faute ; la réparation du préjudice causé par le prononcé du divorce au profit d'un époux dont le conjoint supporte les torts exclusifs de la séparation ou lorsque le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal. Dans cette dernière hypothèse, j'approuve l'amendement proposé par votre commission qui vise à limiter l'octroi de dommages et intérêts à l'époux qui n'a formé aucune demande en divorce et se voit donc imposer la séparation contre sa volonté.

Le traitement des conséquences économiques du divorce est un élément essentiel de la réforme. En effet, si ce projet n'entend pas remettre en cause les principes mis en _uvre par la loi du 30 juin 2000, il contient néanmoins des dispositions importantes. Ainsi, le droit à prestation ne dépendra plus de la répartition des torts entre les époux. La prestation compensatoire sera en outre applicable désormais dans tous les cas de divorce. Enfin, pour protéger les intérêts du créancier le plus fragilisé, les conditions d'octroi d'une rente viagère resteront identiques à celles fixées par le législateur en 2000. Votre commission propose à ce sujet de supprimer la condition tenant à l'absence d'amélioration de la situation financière du créancier.

Un autre cas de révision sera prévu dans l'hypothèse où le maintien de la rente procurerait un avantage excessif au créancier au regard des nouveaux critères posés par la loi. Il s'ajoutera à la révision des prestations compensatoires en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties.

Enfin, des dispositions nouvelles seront instituées concernant le devenir de la prestation en cas de décès du débiteur. Le créancier ne saurait voir ses droits remis en cause, mais la situation des héritiers tenus de régler des années durant la rente est régulièrement dénoncée. Au décès, un capital sera désormais substitué à la rente, après déduction des pensions de réversion, et prélevé sur l'actif successoral. Les héritiers auront toutefois la possibilité de maintenir la prestation sous la forme initiale. Dans ce cas, ils auront le droit de demander sa révision. Votre commission proposant d'ajouter la possibilité de solliciter la substitution d'un capital à la rente, je lui ai communiqué l'avant-projet de décret en conseil d'Etat qui fixe les modalités de cette substitution. Je me prononcerai en faveur de l'amendement de coordination proposé par votre commission sur ces différents points.

Des travaux ont pu être menés afin que le dispositif relatif à la prestation compensatoire soit fiscalement adapté.

Je salue l'exceptionnelle qualité des travaux de la commission sous l'impulsion de son rapporteur, M. Delnatte, et de son président, M. Clément. Je suis convaincu que cette réforme marquera une étape importante de l'histoire de notre droit. L'esprit de modération doit être celui du législateur, rappelait Montesquieu dans L'Esprit des lois. Cette injonction me semble en l'occurrence particulièrement bienvenue.

Ce projet est porteur d'espoir pour ceux qui souhaitent des procédures plus responsables, respectueuses de la dignité des couples et soucieuses de l'avenir des enfants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance - La réforme du droit de la famille que MM. Perben et Jacob ont entreprise s'inscrit dans une volonté politique, celle de doter notre pays d'une législation mieux adaptée aux attentes de nos concitoyens.

La famille est le cadre juridique de l'engagement et de la solidarité entre époux. C'est le modèle social de l'apprentissage des enfants. Ainsi, près de 25 millions de nos compatriotes sont mariés, mais la famille a perdu en longévité ce qu'elle a gagné en intensité puisque 115 000 divorces par an sont prononcés. Il fallait donc réformer les procédures.

Le divorce doit être considéré non comme la sanction d'une union qui ne peut se poursuivre, mais comme un moment de dialogue, destiné à préserver les intérêts des enfants notamment. Telles étaient d'ailleurs les conclusions du groupe de travail constitué par le Garde des Sceaux, et qui a mené une réflexion de grande qualité.

Avec ce projet, le Gouvernement tend vers deux objectifs, comme le ministre de la justice l'a indiqué : d'une part, simplifier des procédures trop complexes et trop longues, d'autre part, privilégier l'esprit de responsabilité des époux sur le point de se séparer et réduire la tentation de l'affrontement par une réforme pacificatrice. De fait, les trois cas de divorce que connaît actuellement notre droit ne suffisent plus à répondre à des situations qui n'ont cessé de se diversifier. C'est pourquoi le Gouvernement propose que le divorce puisse désormais être prononcé dans quatre cas : par consentement mutuel ; par acceptation de la rupture du mariage ; pour altération définitive du lien conjugal ; pour faute. Ainsi, le divorce « sur demande acceptée » est sécurisé et simplifié et la notion d'« accord amiable entre les époux » sur le principe de la séparation est créée. Il ne s'agit pas, j'y insiste, de faciliter le divorce, mais d'éviter que la crise que traversent les couples ne conduise à proférer des accusations contestables. Quant à la rénovation du divorce pour altération définitive du lien conjugal, elle ramène de six à deux ans le délai nécessaire pour assigner en divorce. Dans ce cas encore, il s'agit d'adapter le droit à la pluralité des situations et non de banaliser le divorce.

C'est pourquoi, aussi, le Gouvernement n'a pas souhaité supprimer le divorce pour faute. Autant il n'y a pas lieu de recourir à cette procédure quand elle ne se justifie pas, autant elle doit être maintenue si l'un des époux a porté atteinte aux droits fondamentaux de son conjoint ou des enfants.

Pour favoriser une approche pacifiée, éviter l'affrontement et privilégier une démarche responsable des époux, le Gouvernement a instauré un tronc commun de procédure qui permet aux conjoints de se présenter à l'audience de conciliation sans avoir formulé aucun grief. D'autre part, le texte prévoit que le juge peut proposer aux époux de recourir à la médiation familiale pour préserver ou retrouver une qualité d'échange perdue et pourtant essentielle à une rupture consensuelle.

Consacrée par la loi du 4 mars 2002, la médiation familiale a été largement développée par les caisses d'allocations familiales. Conscient que cette technique devait être mise en _uvre, sur tout le territoire, par des professionnels qualifiés, le Gouvernement a créé, en décembre 2003, un diplôme d'Etat que des centres de formation agréés pourront désormais dispenser. Par ailleurs, les budgets consacrés à ce volet par le ministère de la famille et par la Chancellerie sont respectivement passés de 1,5 million et 0,5 million en 2002 à 2,6 millions et 1,9 million en 2004, cependant que les caisses d'allocation familiales y consacrent désormais 8,4 millions, au lieu de 3,5 millions précédemment. Cet effort considérable devra être poursuivi.

Vous l'aurez compris : la démarche du Gouvernement consiste à apporter, autant que faire se peut, un supplément d'humanité à une procédure toujours douloureuse, à atténuer le sentiment d'échec par des procédures appropriées et à renforcer le dialogue entre les conjoints. En choisissant de pacifier le divorce, vous ne le banaliserez pas, mais vous donnerez une deuxième chance aux familles : celle de se recomposer harmonieusement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Delnatte, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République - La réforme du divorce était très attendue, toutes les auditions de la commission l'ont montré, et elle est plutôt bien accueillie, même si certains points font encore légitimement débat. Légiférer sur le divorce suppose à la fois de conserver les principes qui guident le droit de la famille et d'adapter notre droit aux mutations sociales, sans ajouter aux souffrances d'un moment douloureux par de pénibles obstacles juridiques.

Sous la précédente législature, les rapports remarqués de Mmes Théry et Dekeuwer-Desfossés ont montré l'inadaptation de notre législation. Notaires et avocats ont contribué à la réflexion, tout comme la proposition de loi de M. Colcombet, examinée en octobre 2001 par notre assemblée et remaniée par le Sénat, puis la loi du 30 juin 2000 relative aux prestations compensatoires. Un groupe de travail constitué à l'initiative du Gouvernement a permis de compléter ces travaux pour aboutir à ce projet qui réforme le divorce et remédie à certaines difficultés d'application de la loi du 30 juin 2000 sans réviser l'ensemble du droit de la famille. Mais la question de la garde des enfants suscite encore tant de souffrance, en particulier pour les pères, et l'exécution des créances de pension alimentaire est cause de tant de problèmes qu'il nous faudra retravailler sur l'autorité parentale.

S'agissant du divorce, il fallait simplifier des procédures mal comprises, pacifier un moment douloureux et favoriser les accords entre les conjoints. Les procédures, longues et coûteuses, sont de surcroît souvent détournées de leur sens par les parties qui cherchent à en tirer un avantage personnel.

Le projet de loi établit quatre procédures de divorce, toutes simplifiées. S'il n'est pas possible de « déjudiciariser » totalement le divorce - il importe que le juge vérifie qu'aucune des parties n'est lésée -, le divorce par consentement mutuel est simplifié. Lors d'une comparution unique, le juge prononcera le divorce après s'être assuré du consentement des époux et homologuera la convention si elle préserve efficacement les intérêts des conjoints et des enfants. Les trois divorces contentieux que sont le divorce accepté, le divorce pour altération définitive du lien conjugal et le divorce pour faute, sont également simplifiés par l'instauration d'un tronc procédural commun.

Sans que simplification signifie facilitation, les procédures doivent pacifier autant que possible, et surtout ne pas envenimer, les relations entre conjoints. Le divorce n'est pas un duel dont l'un des conjoints devrait sortir vainqueur. Il est de leur intérêt même de s'accorder le plus possible sur les conséquences du divorce et un accord entre les parents est toujours de nature à mieux protéger les enfants. Il sera désormais possible à tout instant de la procédure de passer à une procédure moins conflictuelle. Dès qu'elle aura été recueillie par le juge, l'acceptation du divorce demandé par l'autre conjoint sera irréversible, même en appel. Le recours à la médiation familiale sera également encouragé : celle-ci ne sera jamais imposée aux époux - elle serait de toute façon vaine sans leur consentement -, mais les juges pourront proposer une rencontre avec des médiateurs familiaux.

Parce que le mariage est un contrat qui suppose un engagement des époux et constitue un acte essentiel de notre organisation sociale républicaine, le divorce ne saurait être une occasion de déresponsabilisation. C'est pourquoi le divorce pour faute a été maintenu. Comme l'écrit le doyen Carbonnier, « les fautes qui font le divorce dessinent en creux les devoirs qui font le mariage ». Que serait le mariage qui apporte une protection demandée par les époux, s'il n'impliquait corollairement des devoirs délimitant le respect que les conjoints se doivent ? Dans le cas de violences conjugales, dont sont, hélas, victimes aujourd'hui une femme sur dix, il ne serait pas compréhensible de supprimer le divorce pour faute. Conséquence du même principe de responsabilité, les dommages et intérêts répondent au besoin de celle ou celui pour qui le divorce a des « conséquences d'une particulière gravité. »

Après avoir auditionné de nombreuses personnes, la commission a adopté plusieurs amendements améliorant le texte. Elle a souhaité, comme la délégation aux droits des femmes, encadrer le divorce par consentement mutuel pour éviter la dérive vers un divorce prononcé trop rapidement, sorte de « divorce à la Las Vegas ». Un délai de réflexion de trois mois entre la requête et l'audience favoriserait des décisions plus réfléchies.

La commission a également adopté un amendement levant toute ambiguïté sur la définition du divorce pour altération du lien conjugal. La notion précédemment retenue de « cessation de communauté de vie tant affective que matérielle » risquait en effet de laisser une certaine marge d'appréciation au juge. L'amendement ne fait plus référence qu'à la « séparation des époux ». Le délai de deux ans de séparation a paru le plus juste compromis afin notamment que le conjoint victime ne s'enferme pas dans une relation qui n'existe plus. Les dommages et intérêts permettent de répondre à sa situation morale, la prestation compensatoire à sa situation matérielle.

Grande innovation du projet de loi, l'article 22, déjà appelé « référé violence », permet au juge de contraindre l'époux violent à quitter le domicile conjugal car il n'était pas normal que la victime, d'ores et déjà autorisée à quitter le domicile conjugal en cas de violences, doive rechercher un nouveau logement. La commission sera très attentive à ce que les décrets d'application mentionnent bien le caractère contradictoire de la procédure, afin qu'elle ne soit pas détournée. Elle a adopté un amendement afin que le juge précise le plus clairement possible l'organisation de la vie familiale lorsqu'un des époux est expulsé. Elle a par ailleurs précisé que l'expulsion prononcée par le juge aux affaires familiales a lieu sans tenir compte de la procédure habituelle, à savoir qu'elle est immédiate, peut avoir lieu en hiver, et ne peut être reportée. La fermeté est nécessaire pour protéger le plus faible.

La réforme de la prestation compensatoire contenue dans la loi du 13 juin 2000 ne suffit pas. La jurisprudence, sans doute par manque de précision du texte mais aussi par manque de volonté de la part des juges, n'en a d'ailleurs pas intégré tous les apports. Le nouvel article 271 du code civil établit une liste claire des critères à prendre en compte par le juge. La commission a souhaité revoir les critères d'attribution d'une prestation compensatoire sous forme de rente viagère et repris sur ce point la rédaction de la loi de juin 2000. Le code civil y gagnera en lisibilité et des contentieux pourront ainsi être évités.

La possibilité de combiner un capital et une rente marque un progrès, car elle tient mieux compte des situations concrètes. La commission a étendu cette possibilité lors de la substitution d'un capital à une rente viagère. Si la substitution est refusée par le juge, celui-ci devra motiver sa décision. Sensible à l'attachement que l'on peut porter à certains biens hérités de sa famille, la commission a adopté un amendement limitant l'abandon de ces biens en pleine propriété au seul cas où l'intéressé y consent. Enfin, pour tenir compte des recompositions familiales, la prestation compensatoire sera désormais prélevée sur l'actif successoral, sauf si les héritiers décident d'en assumer la charge. Dans cette éventualité, un capital pourra être substitué à une rente.

Nous avons tous été saisis au sujet, sensible, des prestations établies sous le régime de la loi de 1975. Afin d'éviter toute disparité, nous avons tout fait pour que celles-ci soient identiques à celles qui seront établies à partir de la présente loi et adopté plusieurs amendements tendant à parfaire les dispositions transitoires.

Par souci de lisibilité pour nos concitoyens comme pour les professions judiciaires, la commission a enfin décidé que le présent projet de loi entrerait en vigueur le 1er janvier 2005.

Je tiens à remercier le Garde des Sceaux pour la collaboration qui a pu s'instaurer avec lui et ses services. Je remercie également la délégation aux droits des femmes de ses recommandations pertinentes qui doivent trouver place dans ce texte et ses décrets d'application.

Ce projet de loi tient compte des évolutions de notre société sans dévaloriser l'institution du mariage, essentielle dans notre République. Si huit personnes sur dix vivant en couple sont mariées, c'est bien parce le mariage offre la stabilité et la continuité recherchées par toute personne souhaitant construire un projet de vie. Pour autant, 38 mariages sur 100 se terminent par un divorce.

Notre société connaît aujourd'hui deux tentations : le repli sur soi et l'éphémère, et trop de personnes n'arrivent pas à gérer leurs conflits. Je ne pense pas qu'il y ait là une fatalité. Comme pour beaucoup d'autres problèmes qui fragilisent le lien social, la réponse réside dans le contenu de l'éducation des jeunes, des valeurs que nous leur transmettons et le renforcement d'une politique familiale qui doit aider les parents à faire face aux difficultés de la vie.

La commission des lois vous demande d'adopter le projet de loi tel qu'elle l'a amendé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation aux droits des femmes - Le divorce est un sujet qui intéresse au premier chef la délégation aux droits des femmes. Je remercie donc le président de la commission des lois et le rapporteur de l'avoir associée à ces travaux.

Parité ne signifie pas nécessairement égalité. La conquête de l'égalité a été longue pour les femmes. Mineure et incapable dans le code civil de 1804, la femme a acquis la capacité civile au XXe siècle, puis la liberté d'exercer une profession, le partage de l'autorité parentale, parallèlement à la conquête de ses droits politiques et sociaux.

Depuis 1975, le divorce, qui a beaucoup progressé, est devenu un fait de société majeur en France, comme dans la plupart des pays européens. C'est aussi une épreuve, souvent douloureuse pour les couples. Bien que la loi ne puisse pénétrer dans l'intimité des couples ni soulager la souffrance de ceux qui se séparent, il incombe au législateur d'atténuer la dureté de l'épreuve et de pacifier le conflit, tout en faisant respecter l'équité et le droit au sein de la famille.

Si le divorce par consentement mutuel connaît un large succès, le régime actuel ne répond pas totalement aux attentes des justiciables dès lorsqu'il y a contentieux. La procédure du divorce pour faute notamment, comme il est demandé de « prouver par tous moyens » la culpabilité de l'autre époux, est souvent détournée.

La réforme du divorce était urgente. La délégation approuve pleinement la réforme proposée qui modernise les quatre procédures de divorce existantes, tout en maintenant le divorce pour faute, désormais limité aux cas les plus graves.

Si l'égalité est respectée en droit, les femmes ne sont pas toujours en situation réelle d'égalité face à la séparation. Davantage impliquées dans le mariage et la vie familiale, elles sont plus sensibles aux échecs et n'hésitent pas, en absence de consentement mutuel, à recourir au divorce pour faute, en dépit de la longueur et de la difficulté des procédures. Malgré l'augmentation considérable de leur taux d'activité, elles sont encore victimes d'inégalités en matière de salaire, de carrière et de retraite, qui les rendent plus vulnérables au moment du divorce. Il nous a semblé que la loi devrait tenir compte de ce contexte. Aussi la délégation a-t-elle adopté des recommandations autour de trois thèmes : l'égalité dans la décision de divorce, l'équité dans ses conséquences, le respect de l'intégrité et de la dignité de l'épouse dans les situations de violence.

Concernant le divorce par consentement mutuel, la délégation a jugé tout à fait positive la simplification de la procédure par l'institution d'une comparution unique. Nous pensons toutefois qu'elle devrait avoir pour corollaire le respect d'un délai minimum de réflexion, pour éviter une décision hâtive et permettre aux avocats de déceler les difficultés imprévues de l'après-divorce. Un délai de trois mois entre la demande en divorce et la comparution devant le juge permettrait une maturation de la décision, et la mise au point de la convention réglant les conséquences du divorce.

Concernant le divorce pour altération définitive du lien conjugal, le problème du délai de séparation a été longuement débattu. La délégation estime raisonnable le délai de deux ans avant l'assignation en divorce, retenu par le Sénat ; il tient compte de l'évolution des modes de vie.

La médiation familiale répond à une attente des justiciables et des magistrats. Pour être efficace, elle devra être ouverte à tous, devant toutes les juridictions, et bénéficier d'un financement public. La délégation souhaite que la première rencontre d'information avec un médiateur soit gratuite. Elle estime par ailleurs que le recours à la médiation n'est pas approprié en cas de violences constatées au sein de la famille.

Pour ce qui est de l'attribution de la prestation compensatoire, les épouses d'un certain âge, divorcées après un long mariage et n'ayant pas eu d'activité professionnelle du fait d'un choix de couple, n'ont aucune chance d'accéder au marché du travail. Elles n'ont pas de droits personnels à la retraite, et, après le versement de la prestation sous forme de capital, elles risquent de se retrouver sans ressources dans l'attente d'une hypothétique pension de réversion. Le juge devra leur prêter une attention particulière, et envisager dans ces cas le versement de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère, en tenant compte notamment du choix de la vie familiale fait par le couple pendant la vie commune.

L'attribution de la prestation compensatoire à la fois sous forme de rente et de capital devrait également être facilitée.

Une protection particulière doit être apportée à l'époux victime de violence conjugale avant la procédure de divorce. La délégation approuve sans réserve la disposition nouvelle qui permet au juge, en cas de violences, d'attribuer le logement familial à l'époux victime et à ses enfants et de prononcer l'éviction du conjoint violent. Pour que cette disposition ne reste pas symbolique, nous souhaitons qu'elle s'assortisse de mesures concrètes d'application : respect de la procédure contradictoire, information du juge des mains courantes du dépôt de plainte et de la procédure pénale éventuellement engagée, astreintes financières contre le conjoint récalcitrant, fixation par le juge des modalités de prise en charge du loyer et de la contribution de l'époux évincé aux charges du ménage.

Dans ces situations de violence, les femmes, fragilisées, ont besoin de temps pour se reprendre et engager les démarches nécessaires. La délégation souhaite donc porter de trois à six mois le délai au terme duquel ces mesures deviennent caduques si une requête en divorce n'a pas été déposée.

La réforme repose sur le respect de la volonté des époux et de leurs choix. Elle fait aussi le pari que les époux en désaccord s'orienteront raisonnablement vers le divorce sur demande acceptée ou pour altération définitive du lien conjugal, plutôt que vers le divorce pour faute.

Cette réforme porte en germe une évolution peut-être considérable des comportements et des procédures. La délégation pense donc qu'une évaluation de l'application de la loi dans un délai de trois ans, faite par le ministère de la justice et transmise au Parlement, serait tout à fait nécessaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Emile Blessig - La précédente réforme du droit du divorce, la loi du 11 juillet 1975, marquait un tournant important : l'introduction du divorce par consentement mutuel, qui reconnaissait pour la première fois l'égalité des conjoints dans la décision. Si le divorce pour faute était maintenu, on a dépénalisé l'adultère. Et le divorce par rupture de la vie commune marquait la naissance d'un divorce par volonté unilatérale d'un des époux.

Le divorce est devenu un fait assez courant, puisqu'il affecte un couple sur trois. C'est là une évolution sociétale : si le mariage reste la forme la plus fréquente de la vie commune, il n'en est plus la forme incontestée, ni privilégiée. La notion de couple, comprise à partir d'un engagement personnel, l'a emporté sur la notion du mariage comme institution, pilier de l'organisation familiale et sociétale.

Dans ce contexte, le présent projet, apparemment modeste, est en réalité très utile. Ses trois objectifs - pacification, simplification, responsabilisation - tiennent compte de l'évolution des modes de vie, sans renier les spécificités du mariage. J'entends dire ici ou là que cette loi est une petite loi, parce qu'elle ne supprime pas le divorce pour faute. D'autres la jugent dangereuse parce qu'elle introduit le divorce pour altération définitive du lien conjugal, que certains assimilent à une répudiation... Je veux montrer que ces deux critiques sont fausses.

Le divorce est moins considéré aujourd'hui comme la sanction d'un manquement aux obligations du mariage, que comme la conséquence de l'échec du couple, sans qu'il soit possible, le plus souvent, de déterminer la responsabilité respective de chaque conjoint. Toutefois le mariage reste un choix de vie librement contracté et qui engage la responsabilité de chaque conjoint. Dans certains cas graves, cette responsabilité peut et doit être mise en cause, pour la réparation d'un préjudice physique, matériel ou moral subi par un conjoint. Supprimer cette notion de faute serait priver la victime de son droit à réparation. Certains ont proposé de recourir dans ce but à la voie pénale, ou à une voie civile spécifique, mais ce serait aléatoire, injuste, et le plus souvent décourageant. Il est donc nécessaire de maintenir dans certains cas bien précis la notion de divorce pour faute - d'autant que ses conséquences pécuniaires et patrimoniales ont été aménagées pour éviter le recours abusif à cette procédure.

Quant au divorce pour altération définitive du lien conjugal, il ne saurait être assimilé à une répudiation. Il se substitue à l'actuel divorce pour rupture de vie commune, qui est prononcé en cas de cessation de la communauté de vie tant affective que matérielle : ces deux aspects sont importants, et vérifiés par le juge. Il y a en outre une notion de durée : la séparation doit précéder de deux ans l'introduction d'une procédure. Ce n'est donc pas un chèque en blanc donné à l'un ou l'autre conjoint en cas de célibat géographique, situation aujourd'hui de plus en plus fréquente.

La préoccupation de l'équité est présente dans les dispositions relatives à la prestation compensatoire, à la liquidation des intérêts patrimoniaux, et dans les dispositions protectrices du conjoint victime de violences. Il s'agit avant tout d'un texte utile : la majorité s'honore de chercher à améliorer la situation des Français, en tenant compte des évolutions sociétales, sans renier le lien conjugal. Telle est à la fois la difficulté et l'ambition de ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Le Bouillonnec - Institué le 20 septembre 1792 en même temps que le mariage civil, aboli en 1816, le divorce a été rétabli le 27 juillet 1884, il y aura bientôt cent vingt ans. Conçu comme une institution fondamentale de la vie collective, unissant la conception judéo-chrétienne du lien sacramentel, celle de la famille légalisée pour structurer l'organisation sociale, et les velléités d'un ordre moral régissant la vie privée, le mariage n'était pas seulement l'affaire de ceux qui, libres ou contraints, s'y étaient engagés. Sa dissolution ne leur appartenait donc pas. La seule voie pour y mettre un terme était la sanction par la justice du comportement fautif d'un des époux. Il aura fallu près de quatre-vingt-dix ans, en 1975, pour reconnaître le principe selon lequel l'intention des époux, étant à l'origine du lien matrimonial, peut aussi commander à son maintien ou à sa rupture.

Rarement l'on a vu, surtout après la Première Guerre mondiale, un cadre légal qui ignore, et même qui contredise à ce point la réalité de la vie. On sait les drames, les malheurs, mais aussi les subterfuges, les contournements et donc les injustices qui en ont résulté.

Pourquoi une telle inadéquation a-t-elle si longtemps perduré ? Crainte de toucher au socle de la vie collective ? Souci de protéger les épouses juridiquement, financièrement et socialement dépendantes de leurs maris ? Culture terrienne du patrimoine, qu'il fallait préserver de la dislocation ? Volonté de préserver les enfants des conséquences des conflits parentaux ? Toutes ces raisons à la fois, sans nul doute. Mais ce qui a pesé tout autant, c'est l'impossibilité de concevoir que la société pouvait très bien construire ses équilibres et préserver les intérêts de ses membres, notamment des plus fragiles et des plus jeunes, en laissant pour autant les individus libres de leurs choix les plus privés, les plus intimes, sans qu'une morale institutionnelle vienne les contraindre. Ces éléments inspirent encore le législateur, au moment où il s'apprête à revisiter la loi du 11 juillet 1975, qui a consacré le principe d'une séparation acceptée librement par les deux époux.

Beaucoup l'ont dit, la rupture du lien matrimonial est toujours un échec et la raison préside rarement quand les sentiments les plus ardents se mêlent et que l'avenir est incertain.

La nouvelle loi a ouvert, aux côtés d'un divorce-sanction, de nouvelles voies aux époux pour pacifier ce temps du conflit et préparer l'avenir. C'est un bel ouvrage de législateur.

Mais la société évolue vite. Il n'y a pas moins d'aspirations à une vie familiale harmonieuse, mais elles s'inscrivent dans une exigence d'égalité entre l'homme et la femme, le respect de leur liberté individuelle et de leurs choix, une vie de couple sans contrainte morale ou sociale, une parentalité décidée et assumée ensemble.

Cette nouvelle manière de vivre peut trouver sa place dans un nouveau contrat social : l'autorité parentale conjointe, son exercice alterné, l'égalité des droits des enfants, quelle que soit la nature de leur filiation, les droits des concubins, de l'époux survivant, le PACS.

Toute ces évolutions ont donné au lien du mariage une autre réalité. La loi de 1975 a pris un sacré coup de vieux. Pourquoi de telles précautions quand les époux s'accordaient pour divorcer ? Pourquoi révéler les motifs en cas de divorce sur demande acceptée ? Pourquoi attendre six ans avant de consacrer une rupture pour vie commune qui allait engager la seule responsabilité de celui qui l'invoquait ? Pourquoi l'allégation d'une faute était-elle la seule issue pour le conjoint que la vie conjugale ne comblait plus ?

Des voix, celles de praticiens du droit comme de sociologues, se sont élevées pour invoquer la nécessité d'une réforme. Je pense en particulier à Mme Ganancia, magistrat, qui réclamait, dans un article paru en avril 1997, un « divorce du XXIe siècle ».

En 2000, la loi relative aux conséquences pécuniaires et patrimoniales du divorce avait déjà révélé la nécessité de réécrire la loi de 1975.

En octobre 2001 ici, en février 2002 au Sénat, une proposition de loi présentée par François Colcombet, et soutenue par la Garde des Sceaux Marylise Lebranchu, consacrait l'abandon du divorce pour faute, et ouvrait aux époux les chemins du consentement mutuel, ou, après une tentative de médiation, le constat par le juge du caractère irrémédiable de la rupture du lien conjugal.

Vous avez repris l'ouvrage, Monsieur le Garde des Sceaux, pour alléger certaines procédures, raccourcir les délais, développer la médiation. Nul ne conteste votre volonté de dédramatiser le divorce, qui nous motive également, mais vous ne proposez que des aménagements techniques, sans aucune mesure avec la réforme qu'appelle le gâchis social, affectif, familial provoqué par le divorce pour faute.

Vous conservez les quatre procédures de divorce, ce qui ne clarifie pas les choses !

Certes, vous simplifiez le divorce par consentement mutuel.

Ce divorce repose sur l'accord des époux tant sur le principe que sur les conséquences de la séparation. Dans ce cadre, le juge doit vérifier la réalité du consentement des époux, l'équilibre de la convention et la préservation de l'intérêt des enfants. Afin de raccourcir la procédure, une seule audience est désormais nécessaire. Si cette mesure est à saluer quand il n'y a pas d'enfants, ou d'intérêts contradictoires, que faire en cas de difficulté ? Vous ouvrez alors la possibilité au juge d'ajourner la décision d'homologation.

Une seule audience impose de préparer au mieux les termes de la séparation : ne serait-il pas alors judicieux d'imposer un avocat à chaque époux ? Une telle disposition limiterait les ajournements. Par ailleurs, il faudrait imposer aux époux de réfléchir aux mesures provisoires qui s'appliqueraient, le cas échéant, durant la période d'ajournement. Nous avons déposé des amendements en ce sens.

S'agissant de la procédure du divorce par acceptation, la suppression des aveux est une bonne chose. En revanche, une difficulté naît à propos des requêtes, dont la procédure est commune aux trois types de divorce, excepté le divorce par consentement mutuel. Celles-ci n'indiqueront pas les motifs du divorce. Or, vous prévoyez que le divorce sur demande acceptée ne pourra être prononcé que si les époux sont assistés chacun par un avocat. Le défendeur, ignorant que c'est ce type de procédure qui est engagé, ne pourra pas l'accepter dans les formes prescrites par la loi. Faut-il imposer l'assistance d'un avocat dès l'audience pour le défendeur ? Ou, comme nous le proposons par un amendement, mentionner dans la requête le type de divorce retenu ?

Quant à l'altération définitive du lien matrimonial, c'est une bonne chose que d'avoir réduit de six à deux ans la période de cessation de la communauté de vie requise ; de surcroît, en décomptant ce délai du jour de l'assignation, vous réduisez encore davantage la durée de la vie commune exigée. Mais le vrai critère de la rupture de la vie commune n'aurait-il pas été à rechercher dans l'attitude des époux ?

Afin de réduire les délais et de préserver les chances de conciliation, vous créez un tronc commun pour les trois procédures de divorce contentieuses, ce qui est une bonne mesure.

Je laisse à Alain Vidalies le soin de traiter des conséquences financières de votre texte.

S'il reprend de nombreuses dispositions de la proposition de loi Colcombet, votre projet manque cruellement d'ambition pour créer un véritable droit au divorce. La pacification et la simplification du divorce passent par la suppression du divorce pour faute.

En 2001, 40 % des divorces prononcés étaient des divorces pour faute, alors que cette procédure n'est pas justifiée dans la grande majorité des cas. Elle sacrifie l'avenir à la recherche d'anciennes responsabilités, elle n'épargne aux époux ni les mensonges, ni les humiliations, et surtout, elle mêle aux conflits les enfants, l'entourage, la famille.

En 1975, le législateur pensait que la nouvelle procédure du divorce sur demande acceptée supplanterait celle pour faute. Il n'en a rien été.

A défaut de supprimer le divorce pour faute, peut-être auriez-vous pu circonscrire la définition de la faute à des actes très graves ? Que peut-on entendre par « faute » aujourd'hui ?

Il y a longtemps que le mariage n'est plus une institution sociale. C'est aujourd'hui la traduction juridique d'un choix partagé ; et il y a d'autres formes de vie en couple. Dès lors, comment justifier que le juge retienne certains comportements comme des manquements à ce choix partagé ? Chaque geste, chaque mot, chaque erreur, chaque faiblesse sont utilisés pour prouver la faute. Le dossier est parfois constitué patiemment, dans la dissimulation. Et que dire des familles, des amis, appelés à attester, démentir, contraints de choisir leur camp ? Et pourquoi se concentrer sur la faute quand l'important est ailleurs, dans la capacité de se reconstruire, dans le maintien des liens entre enfants et parents ? Pourquoi d'ailleurs désigner un fautif, quand on sait que la très grande majorité des divorces pour faute est prononcée aux torts partagés par des juges, submergés de documents et d'attestations toutes plus probantes les unes que les autres ? Mieux encore, beaucoup d'époux qui ont demandé le divorce aux torts et griefs du conjoint finissent par demander au juge, comme la loi le permet, de ne pas les exposer dans le jugement ! Que dire enfin de ces procédures qui s'achèvent après des mois d'appel ?

Pour justifier la timidité de ce projet, vous prétendez que la société n'est pas prête à supprimer ou même à limiter le divorce pour faute. Pourquoi notre pays serait-il différent de tous ceux qui, en Europe, ont parfaitement accepté le constat de l'échec du mariage et de la désunion durable ? Si même c'était le cas, c'est au législateur à anticiper et faire preuve de courage. Nul, aujourd'hui, n'envisage de revenir sur le PACS. Comment croire, comme certains, que c'est le juge qui convaincra les époux de renoncer à la procédure pour faute, si la loi leur en donne la possibilité ?

Faute de pouvoir la supprimer, nous voulons au moins restreindre le champ de la faute aux cas les plus graves. L'article 242 du projet le faisait de façon très insuffisante. Le Sénat a réduit à néant cette modeste avancée. Nous déposerons donc deux amendements, l'un pour remplacer « faute » par « comportement inconciliable avec le maintien du lien conjugal » et l'autre pour caractériser ce comportement par des faits qui mettent en danger l'un des membres de la famille ou les intérêts de la famille.

Pour justifier le maintien de la faute, vous avancez comme argument le drame vécu par les femmes battues. Une femme sur dix est victime de violences conjugales, et nul ne veut ignorer leur détresse. Pourtant la loi d'amnistie de juillet 2002 a profité à un grand nombre d'auteurs de ces violences. Surtout, il est hypocrite d'assimiler la violence conjugale à un manquement aux devoirs du mariage. Quel époux a juré à sa femme fidélité, assistance et... non-violence ?

Ce n'est pas dans le cadre du mariage - ou du divorce - qu'il faut sanctionner la violence dans les couples. Les violences conjugales ne se distinguent pas de celles faites aux femmes en général. Toutes relèvent du droit pénal. La violence dans le mariage est-elle différente de celle qui s'exerce dans l'union libre ou dans le PACS ?

La lutte contre cette violence dans les couples doit être mise en _uvre par l'action publique dans tous les parquets - certains le font - indépendamment de la volonté des victimes, comme c'est le cas pour les agissements sexuels attentatoires à l'intégrité des membres de la famille.

Il a fallu soixante-dix ans pour que le législateur donne partiellement aux époux le droit de mettre un terme, par leur commune volonté, au lien qu'ils avaient créé. Mais trente ans de plus n'ont pas suffi pour que le divorce-sanction cède le pas à une volonté partagée ou au constat de l'impossibilité de maintenir le lien conjugal. Nous proposons d'amender votre projet, car l'égalité librement assumée exige un autre mariage pour le XXIe siècle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Lassalle - C'est avec beaucoup d'humilité que j'aborde ce sujet. Le mariage est d'abord une histoire d'amour. Son déchirement est souvent comparable par sa fulgurance à la passion des débuts. Le mariage a été un symbole, un refuge aussi contre les difficultés ; dès lors, comment s'étonner que trop de divorces se passent mal ?

Trente ans après la loi de 1975, alors qu'aujourd'hui 38 couples sur 100 divorcent, il était bon de reprendre ce sujet de société. J'ai été sensible à vos propos, Monsieur le ministre, ainsi qu'à ceux de M. le rapporteur et de Mme la rapporteure de la délégation. Ils sont su aborder le sujet avec la hauteur de vues nécessaire.

La législation existante est insatisfaisante du fait de son trop grand formalisme et parce qu'elle dramatise trop les enjeux. La procédure du consentement mutuel accéléré nous paraît protéger suffisamment l'expression du libre consentement des époux. Pour autant, le divorce est toujours un échec, qui conduit certains du cabinet de l'avocat au cabinet du psychiatre.

Nous approuvons l'esprit de ce projet qui s'inscrit dans le cadre plus large de la réforme de la famille. Il repose sur une certaine conception du mariage, modalité essentielle de la formation des familles. Si, sur le long terme, le mariage fait de plus en plus place à la liberté, dans le statut de la femme notamment, il reste le socle de la famille, et l'augmentation du nombre de mariages ces dernières années en témoigne.

Au-delà des aspects juridiques, cette réforme s'inscrit également dans un contexte économique et social dans lequel l'égalité ente hommes et femmes n'est pas encore satisfaisante.

Plusieurs modifications du texte vont dans le bon sens. Dans le divorce par consentement mutuel, la seconde comparution ne sera plus automatique si le juge accepte la convention préparée par les époux. Le divorce par acceptation du principe de la rupture remplace le divorce demandé et accepté, le divorce pour altération définitive du lien conjugal remplace la procédure pour rupture de vie commune. Enfin, une procédure initiale commune facilitera les démarches et le climat de la séparation.

J'insisterai sur les nouvelles modalités d'attribution de la prestation compensatoire. Désormais, des épouses qui ont tout sacrifié à leur famille pendant de longues années seront mieux protégées, surtout quand elles n'ont pas de situation. Cependant il faut avoir conscience de la situation parfois dramatique que vivent les secondes épouses et leurs enfants lorsque la prestation compensatoire pour la première épouse est élevée.

Il s'agit également de la possibilité, pour le conjoint victime de violences conjugales, d'obtenir l'éviction du conjoint violent hors du domicile conjugal. C'est là une bonne mesure, qui assure une meilleure protection aux femmes et aux enfants, une mesure essentielle lorsque l'on sait que le réseau d'écoute « Violence conjugale Femmes Info Service » reçoit environ 40 000 appels par an.

Mme Claude Greff - C'est énorme !

M. Jean Lassalle - Beaucoup de choses vont maintenant dépendre de la façon dont le texte sera appliqué. Le divorce sera pacifié, mais cela ne doit pas se faire au détriment des femmes, ni sans qu'une obligation de secours ne pèse sur leur ancien conjoint.

Nous sommes attachés à la famille, à son rôle dans le maintien du lien social et de la solidarité. Si la famille n'est pas secourue, c'est la société qui supportera les conséquences néfastes des ruptures familiales.

Mme Claude Greff - Tout à fait !

M. Jean Lassalle - Le mariage demeure une valeur importante, mais sa conception a changé depuis le XIXe siècle. Il était donc nécessaire d'adapter les procédures. Le groupe UDF votera ce projet, et j'espère que nous pourrons apporter notre pierre à l'édifice, dans une relation apaisée avec les futurs divorcés... (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Vaxès - La célébration du bicentenaire du code civil me donne l'occasion de rappeler que la décision politique connaît parfois des motivations singulières : c'est ainsi que Napoléon, époux d'une femme stérile et « libérée », comme on ne disait pas encore (Sourires), a satisfait ses ambitions dynastiques en introduisant la reconnaissance du divorce. Depuis, le droit français du divorce s'est certes modifié, mais il fallut attendre 1975 pour revenir sur la loi de 1884, qui considérait le divorce comme un remède très exceptionnel au caractère intolérable acquis par la relation conjugale.

Le législateur a voulu alors mettre en harmonie les lois avec l'évolution des m_urs en dédramatisant le divorce, mais il n'a que très partiellement atteint son but. La proposition de loi de M. Colcombet adoptée en décembre 2001 avait la même ambition, mais elle s'est égarée en chemin...

La dédramatisation de la séparation est indispensable. Ce projet présente un certain nombre de dispositions positives, dont la conservation de la pluralité des formes d'accès au divorce et la simplification de la procédure de divorce par consentement mutuel qui permettra de garantir les droits du conjoint dans l'éventualité où il serait contraint de donner son consentement à une convention qui lui serait défavorable. Le juge aux affaires familiales pourra en effet déterminer si une convention est manifestement déséquilibrée et, dans ce cas, refuser son homologation tout en invitant les époux à en présenter une nouvelle.

Nous approuvons par ailleurs le nouvel article 220-1 du code civil, qui prévoit l'éviction du domicile du conjoint violent. Mais le texte, dans sa rédaction actuelle, sera difficile à mettre en _uvre. Il en sera de même du divorce pour altération définitive du lien conjugal, qui risque de ressembler étrangement à la répudiation. Ainsi, le temps très court qui sépare la constatation de l'altération ou l'assignation peut rendre le recours à cette procédure particulièrement commode à l'époux impatient, à qui il suffit de laisser s'écouler deux années, plutôt que de se lancer dans une procédure qui l'obligerait à constituer un dossier solide et qui prendrait davantage de temps.

En outre, le nouveau dispositif ne prévoit plus que la totalité des frais sera à la charge exclusive du demandeur, ne permet plus à l'épouse de soulever la clause de dureté et ne mentionne pas le devoir de secours. Nous craignons donc qu'à trop vouloir simplifier, on n'ouvre la porte à des injustices. Ainsi, les femmes demeurent les premières victimes du divorce. Engels disait : « Dans la famille, l'homme est le bourgeois, la femme le prolétaire ». Dans le divorce, c'est encore plus vrai. Faut-il rappeler que les divorces sont plus répandus dans les familles à bas ou moyens revenus ? Or le projet ne contient pas de dispositions tendant à réduire ces inégalités, au contraire.

Il comporte, en revanche, des avancées concernant la prestation compensatoire. Toutefois, les débiteurs de prestation compensatoire nous ont fait part des injustices que cela peut engendrer. Nous devons les entendre et trouver un équilibre entre créanciers et débiteurs.

Au-delà, nous devons accorder aux hommes et aux femmes qui traversent ces situations difficiles le temps de l'écoute. La question des moyens dont dispose la justice doit donc être résolue afin, en particulier, que le juge des affaires familiales soit plus disponible et l'accès à l'aide juridictionnelle amélioré.

Vous l'aurez compris, le groupe communiste, qui porte un regard partagé sur ce texte, s'oriente, en l'état, vers l'abstention.

Mme Valérie Pecresse - « Les couples heureux n'ont pas d'histoire », pourrait-on dire en paraphrasant Hegel... Chaque divorce, en revanche, est le fruit d'une histoire singulière, et nous nous trouvons pourtant devoir élaborer une législation unique. Des six mois passés à participer au groupe de travail constitué à l'initiative du Garde des sceaux, j'ai en tout cas retiré la certitude qu'il était temps de moderniser les procédures de divorce, très largement inadaptées à notre temps, et surtout de les pacifier. Sachant que plus de 40 % des assignations sont actuellement fondées sur une « faute », on comprend que tant de divorces se transforment en autant de guerres de tranchées et que l'exposition d'une accumulation de griefs conduise à un déballage qui contribue au traumatisme des enfants.

S'il convenait donc de réduire autant que possible le champ du divorce pour faute, je ne pense pas souhaitable de le supprimer et je me rallie donc à la proposition du Gouvernement plutôt qu'à celle de M. Colcombet, que Mmes Royal et Lebranchu avaient soutenue en son temps. Contrairement à ce que l'on a pu entendre sur les bancs socialistes, les deux membres d'un couple ne sont pas toujours coresponsables de son échec ! On pense évidemment aux femmes battues, mais l'on sait bien qu'il peut exister, au sein d'un couple, d'autres violences, psychologiques celles-là. Il faut donc maintenir le divorce « pour faute », même si le terme pêche par ce qu'il recèle de puritanisme. Encore que... Qui dit « faute » dit « responsabilité » : c'est donc, finalement, le terme le mieux adapté pour dire que le conjoint qui a provoqué l'échec du mariage doit en assumer les conséquences.

Pacifier le divorce, dès lors qu'est maintenu le divorce pour faute, c'est prendre les dispositions qui en limiteront l'usage au strict nécessaire, et les orientations retenues à cette fin par le Gouvernement me paraissent être les bonnes.

On pourrait donc, désormais, divorcer en paix ? Ce ne sera toujours qu'une utopie. Mais l'essentiel est que la procédure de divorce ne soit pas perçue comme si contraignante, si longue, si injuste qu'elle en finisse par éloigner de nombreux couples du mariage. Adapté à la diversité des situations, le texte ne sacrifie pas pour autant la protection de tous les membres de la famille et je serai heureuse de le voter, non sans avoir salué ses dispositions relatives aux violences conjugales. Ainsi, avant toute procédure, le conjoint victime pourra obtenir du juge le départ du conjoint violent du domicile conjugal. Mais, en une telle matière, la politique du « deux poids, deux mesures », selon qu'il s'agit de couples mariés ou de couples qui ne le sont pas, est-elle concevable ? Ce serait une profonde injustice, comme la mort dramatique de Marie Trintignant ne l'a que trop bien montré. C'est pourquoi je défendrai un amendement visant à étendre le champ de l'article 22 aux couples non mariés, dans les cas les plus dramatiques où sont également en cause des enfants mineurs. Je me félicite que cet amendement ait reçu l'appui de la commission malgré son audace juridique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Geveaux - Si un texte était attendu, c'est bien celui-là ! Il était en effet indispensable d'adapter notre droit aux mutations sociales tout en apaisant, autant que faire se peut, le climat de la séparation. Le projet, fruit des travaux d'un groupe auquel j'ai participé, répond en de nombreux points à cet objectif et je m'en réjouis. Le mariage, fondement essentiel de notre société, repose sur le respect de devoirs, et la difficulté qu'il peut y avoir à les respecter ne saurait justifier de fragiliser l'institution en les supprimant ou en banalisant le divorce. Ce n'est pas ce dont il s'agit ici. Sans faciliter le divorce, le projet fixe des règles simples, équitables pour chacun des époux, et qui préservent l'intérêt des enfants.

Je souscris à l'allègement de la procédure de divorce par consentement mutuel et, contrairement à d'autres, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de légiférer pour imposer un avocat à chaque partie. Par ailleurs, j'approuve le recours à la médiation avant et pendant l'instance. Lors de la discussion du texte relatif à l'autorité parentale, j'avais appelé l'attention sur la nécessaire compétence des médiateurs. Je suis donc satisfait qu'un décret du 9 décembre ait porté reconnaissance du diplôme d'Etat de médiateur familial, gage de professionnalisme et de déontologie.

S'agissant du divorce pour altération définitive du lien conjugal, il faut éviter tout glissement vers une sorte de « divorce-répudiation ». A cet égard, un délai de deux ans pour caractériser le rupture définitive me semble un minimum, et je regrette que la clause de dureté n'ait pas été maintenue, car tout ne peut être réparé par l'argent.

J'approuve que l'introduction de la requête ne suppose plus d'indiquer les motifs du divorce, et que « faute » et questions financières ne soient plus liées. Tel qu'il est rédigé, le texte prend en compte toutes les formes de détresse.

Pour ce qui est de la prestation compensatoire, le projet apporte des retouches significatives au mécanisme actuel, en disposant que la prestation pourra désormais s'appliquer dans toutes les formes de divorce et au bénéfice de tous les conjoints.

L'une des grandes innovations du texte réside dans le fait que la transmissibilité aux héritiers de l'obligation de prestation compensatoire est limitée à l'actif successoral. Cette disposition règlera bien des problèmes. S'agissant de la substitution d'un capital à la rente, je me félicite que nos collègues sénateurs aient supprimé la possibilité de prendre en compte les sommes déjà versées dans le calcul du capital, car cela aurait eu pour effet de priver de toute ressource bien des bénéficiaires potentiels.

Ce texte, d'une parfaite opportunité, constitue un progrès significatif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies - Ce texte n'est pas, tant s'en faut, la « grande loi sur la famille » qui nous a été si souvent annoncée ! Pourtant, lors de la précédente législature, la droite, alors dans l'opposition, n'avait pas de mots assez durs pour fustiger notre prétendue « atomisation » de la famille lorsque nous adoptions des textes successifs importants... Force est de constater qu'au bout de deux ans, vous avez renoncé à vos ambitions, et qu'en guise de grande loi sur la famille, voici une petite loi sur le divorce (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Je ne reviens pas sur l'intérêt de simplifier les différentes procédures de divorce et d'en regrouper certaines pour partie. Je me limiterai ici à la question de la prestation compensatoire.

La loi du 30 juin 2000, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, avait profondément modifié le dispositif issu de la loi de 1975, privilégiant le versement de la rente sous forme de capital et précisant les conditions de sa révision et de sa transmission aux héritiers. Votre texte reprend l'économie générale de la loi de juin 2000, qu'il précise même utilement pour combattre des jurisprudences surprenantes, comme celles évoquant le maintien de la disparité d'origine pour refuser la révision d'une rente, nonobstant l'enrichissement de la créancière ou l'appauvrissement du débirentier. Rien dans la loi ni dans les travaux préparatoires ne justifie un tel raisonnement, révélateur de la capacité de résistance au changement d'une partie des magistrats.

Votre texte prétend régler la question des conditions de la transformation de la rente en capital. La fixation d'un barème unique par décret est une fausse bonne solution. Tout barème de capitalisation fondé sur l'espérance de vie de la créancière aboutira inévitablement à un capital considérable, voire exorbitant. Le législateur de 2000 avait délibérément laissé au juge le soin de fixer le capital de substitution. Les décisions prises jusqu'à ce jour sont certes assez disparates : fruit d'une jurisprudence en cours d'élaboration, elles témoignent d'un double souci de tenir compte non seulement des données financières objectives mais aussi de la singularité des situations. L'instauration d'un barème unique, qui paraît certes rationnelle, risque de poser bien des problèmes aux débirentiers et à leurs ayants droit.

La loi de juin 2000 avait abouti, dans la plupart des cas, à la suppression de fait de la rente, du fait de la déduction systématique de la pension de réversion. Or, la réforme des retraites a profondément modifié le statut même de celle-ci, laquelle ne sera plus un droit personnel et définitif du conjoint ou ex-conjoint survivant, mais une allocation différentielle, révisée chaque année. Alors que cette disposition doit entrer en vigueur le 1er juillet 2004, le plafond non plus que la nature des autres revenus venant en déduction de la pension de réversion ne sont d'ailleurs toujours pas connus. Quoi qu'il en soit, votre projet de loi ignore totalement le changement intervenu, lequel aura pourtant des incidences considérables en matière de prestation compensatoire.

Si la pension de réversion de la créancière se trouve réduite - hypothèse qui, jusqu'au 1er juillet 2004, ne pouvait se produire -, les ayants droit du débirentier pourront-ils se voir réclamer la différence par la créancière ? Comment ceux-ci seront-ils informés de la révision de la pension de réversion, désormais susceptible d'intervenir chaque année ? Quelle sera la procédure à suivre en cas de contestation ? De même, comment calculer le montant du capital substituable à la rente, une fois la pension de réversion devenue un droit aléatoire et révisable ?

Autre problème : la suppression de l'article 276-3 risque d'exposer des centaines de milliers de débiteurs à une demande en rétablissement de la rente au niveau initialement fixé par le juge, compte tenu de la réforme des pensions de réversion. Alors que j'ai déjà posé cette question à plusieurs reprises, lors du débat sur les retraites et encore récemment en commission, je n'ai toujours pas obtenu de réponse. Vous ne m'en avez pas apporté non plus, Monsieur le Garde des Sceaux, dans votre propos liminaire. Ce silence alimente donc toutes nos craintes car nous ne pouvons imaginer qu'il s'agisse d'un oubli. M. Blessig lui-même a qualifié tout à l'heure ce texte « d'utile et modeste ». Soit, encore faudrait-il qu'il soit parfaitement clair en tous points, ce qui n'est pas le cas en matière de prestation compensatoire.

MM. Jean-Yves Le Bouillonnec et Emile Zuccarelli - Très bien !

M. Richard Mallié - Qu'on le refuse ou qu'on l'accepte, le divorce est devenu un phénomène de société, et le droit le régissant doit évoluer. La présente réforme, qui vise à le simplifier et à le pacifier pour le dédramatiser, à substituer l'octroi d'un capital au versement d'une rente en cas de décès de l'ex-conjoint, à autoriser un mixage capital-rente ou encore à permettre au débiteur de demander la révision de la rente, va dans le bon sens. Mais pourquoi ne pas aller jusqu'au bout ? Comment pacifier réellement le divorce tant que n'est pas résolue la question centrale, à savoir qu'aujourd'hui le parent qui a la garde habituelle de l'enfant a tout intérêt à nourrir le conflit avec l'autre parent, afin d'éviter toute possibilité d'aménagement de la garde. Que le conflit soit « payant » pour le parent qui a la garde de l'enfant et veut la conserver est source de nombreuses tensions, aux conséquences psychologiques graves pour les enfants qui voient leurs parents se déchirer.

Il est essentiel pour la construction de l'enfant qu'au-delà de la séparation de ses parents, il puisse maintenir un lien avec son père et sa mère, chacun lui apportant quelque chose de différent. Qu'à l'échec du couple ne s'ajoute pas le malheur de l'enfant ! Les lacunes mêmes de la loi font qu'aujourd'hui de nombreuses mères exercent de fait seules l'autorité parentale sur leurs enfants, le père étant réduit au rôle d'accompagnateur à Eurodisney le week-end. Qui y trouve son compte ?

La loi du 4 mars 2002 autorisant la garde alternée constitue un progrès. Il ne s'agit pas de défendre ici tel ou tel mode de garde mais de réduire par la loi les possibilités d'évincer l'un des parents. Dans cet esprit, nous pourrions proposer que, dès lors que l'un des parents demande un aménagement de la garde dans le sens d'un meilleur équilibre, il appartient au parent qui n'y est pas favorable d'expliquer en quoi cela ne sert pas l'intérêt de l'enfant. J'ai déposé un amendement en ce sens.

Il convient également de tirer les enseignements des premières applications de la loi, d'aider les magistrats dans leurs décisions en leur permettant de mieux s'assurer des intentions et d'harmoniser ces décisions, qui doivent être plus facilement applicables et compréhensibles. Il faut en finir avec la prime au conflit, et rechercher l'aménagement de la garde le mieux à même de sauvegarder le lien familial, affectif et éducatif de l'enfant avec ses deux parents. Les magistrats doivent également tenir compte de l'éloignement éventuel de l'enfant par rapport au parent qui n'en a pas la garde. J'ai également déposé un amendement à ce sujet.

Je proposerai aussi de nous mettre en conformité avec la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant. Nous reviendrons sur tous ces points lors de la discussion des amendements. Tout en reconnaissant que M. Vidalies a soulevé un problème réel, je voterai naturellement ce texte (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Mme Christine Boutin - Au risque de rompre avec le satisfecit général entendu jusqu'ici, -que je peux comprendre, lorsqu'il s'agit par exemple d'encourager la médiation familiale -, je souhaite dire que certaines dispositions de ce projet de loi, sur lequel le Gouvernement a décrété l'urgence, sont inacceptables. A vouloir faciliter le divorce au point d'ouvrir un « droit au divorce », la réforme prépare de nombreuses injustices, rendant le divorce encore plus douloureux pour le conjoint abandonné.

Le plus grave est l'institution d'un véritable divorce-répudiation par la réduction de six à deux années de la durée de rupture du lien conjugal ouvrant « droit » au divorce et la suppression de la clause dite d'exceptionnelle dureté. Ce projet amoindrit la protection des époux au nom d'une conception hédoniste et désordonnée de la liberté, réduisant à fort peu de chose la responsabilité des époux et la valeur de l'engagement du mariage civil. Tout cela est d'ailleurs profondément contradictoire avec l'importance proclamée de la famille et de l'égalité des droits, notamment entre hommes et femmes.

Prenons le cas où l'un des deux conjoints est atteint d'une maladie dégénérative grave ou victime d'un accident, l'autre pourra désormais l'abandonner au bout de deux ans sans autre conséquence que le versement d'une indemnité ! Alors même que le rôle de la loi est de protéger le plus faible, ce divorce-répudiation consacre la loi du plus fort. J'ai donc déposé plusieurs amendements afin que le mariage ne se réduise pas à un simple contrat pouvant être rompu unilatéralement.

D'autres amendements tendront à rétablir la clause d'exceptionnelle dureté, qui permet au juge de refuser de prononcer le divorce dans l'intérêt du conjoint et des enfants, et à maintenir le devoir de secours. Ce sont ces dispositions, conservées par la loi de 1975, qui ont permis d'éviter les abandons les plus injustes. En les supprimant, nous changerions totalement de logique.

Je veux dénoncer, pour conclure, une autre disposition grave de ce projet : la distinction opérée entre faute et indemnisation. Ce serait le seul cas dans notre droit où le fautif ne serait pas forcément tenu à indemnisation. Le système retenu dans le texte veut en effet que la faute soit retenue comme motif de divorce, mais que l'indemnisation dépende notamment des patrimoines respectifs. Le fautif pauvre pourrait être indemnisé par sa victime riche...

Prenons garde ! La famille, socle de la société, lieu de tous les apprentissages, est fragilisée au fil des réformes. Il ne s'agit pas ici de répondre aux violences faites aux femmes : il y aura d'autres textes, et cela relève du droit pénal. Il s'agit de se demander ce qu'il faut faire en cas de rupture du contrat qu'est le mariage. On ne cesse de le fragiliser : comment voulez-vous conforter la cohésion sociale ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

    M. Bernard Perrut - Alors que nous célébrons le bicentenaire du code civil, la réforme du divorce apparaît d'autant plus importante qu'elle est liée à l'évolution du droit de la famille. S'il est nécessaire de moderniser le droit du divorce, pour tenir compte de l'évolution de notre société, il faut garder à l'esprit que le mariage est une institution juridique, avec des droits et des devoirs. C'est pourquoi nous souhaitons conserver le divorce pour faute, et refusons l'idée socialiste d'un divorce non judiciaire, d'un divorce « sous péridurale » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Le divorce est une réalité sociale, qui concerne plus d'un mariage sur trois. La procédure est complexe, longue et coûteuse, et laisse des cicatrices, notamment chez les enfants. La situation actuelle a fait l'objet de nombreuses critiques. J'évoquerai la procédure de divorce pour faute - souvent détournée -, le divorce pour rupture de vie commune - dont la procédure est trop longue -, la prestation compensatoire - qui reste un problème aigu, qu'il s'agisse de la formule de la rente, de son impossible révision ou de sa transmissibilité passive.

Ce projet est un bon projet, car il est le fruit de la concertation. Il simplifie les procédures, sans pour autant introduire un divorce au rabais. L'instauration du divorce pour altération définitive du lien conjugal répond à une attente souvent exprimée. Les procédures seront simplifiées et apaisées, mais en évitant que le divorce conduise à des abus, à des répudiations. Je rejoins toutefois ici notre collègue qui a évoqué l'abandon du conjoint malade ou handicapé : soyons vigilants.

Je suis heureux que le projet inscrive, à l'article 12, le recours à la médiation familiale. Désormais, le juge pourra proposer une médiation aux époux. Auteur, sous la précédente législature, d'une proposition de loi qui fit l'objet d'une « niche » parlementaire en avril 2001, j'avais soutenu à cette tribune que la médiation familiale, même si elle n'est pas une solution miracle, est un outil indispensable pour apaiser les conflits et rechercher, dans l'intérêt des enfants, des solutions pérennes pour la réorganisation de la cellule familiale. Elle apporte en outre au juge une aide précieuse car, s'il peut trancher un litige, il ne peut dénouer un conflit familial dont les causes lui échappent. C'est une avancée fondamentale et je suis heureux de la voir aboutir aujourd'hui.

Pour assurer l'accès de tous à la médiation familiale, ma proposition prévoyait, sinon la gratuité des séances, du moins un coût limité. Aussi des moyens financiers accrus doivent-ils accompagner la médiation si l'on veut qu'elle se développe. Il faut aussi assurer la formation des médiateurs, Monsieur le ministre, et vous avez déjà pris des mesures en ce sens ; mais il faut aller plus loin. Ne faudrait-il pas développer la médiation dite conventionnelle, intervenant avant la dégradation des liens ?

Je souhaite aussi souligner certains points sensibles du texte, comme le devoir de secours. La protection de l'époux le plus faible est assurément une préoccupation légitime, et nous devons tenir compte du fait que les femmes sont très défavorisées, notamment quant aux conséquences économiques du divorce. Votre texte prend d'autre part en considération l'ampleur des violences envers les femmes, physiques, mais aussi morales et économiques. Vous proposez une mesure forte : l'éviction du conjoint violent du domicile conjugal. Encore faudra-t-il que la police et la gendarmerie puissent mieux accueillir, voire recueillir les victimes.

Sous ses aspects de simplification et de modernisation, votre projet vise à remettre au goût du jour notre vénérable code civil sans remettre en cause l'égalité des hommes et des femmes dans le divorce, à une époque où le mariage, s'il est plus que jamais l'expression d'un choix libre assumant pleinement sa dimension sociale, reste le meilleur rempart face à la destruction de la cellule familial (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Nadine Morano - Au commencement il y a une histoire d'amour. Mais parfois, ensuite, elle devient un désastre. Chaque année le divorce concerne 113 000 couples ; 38 % des unions sont touchées. En septembre, dans ma circonscription, un maire s'est donné la mort en tuant ses trois enfants : il était en train de vivre un divorce. L'entourage n'avait pas senti venir le drame. Mais j'ai eu connaissance aussi du cas d'un notable qui, malgré la mésentente, a préféré rester marié après avoir calculé ce que le divorce allait lui coûter... Si le divorce est pour beaucoup un drame humain, psychologique et financier, votre projet, Monsieur le Garde des Sceaux, apporte des réponses très importantes en favorisant la médiation familiale, en simplifiant les procédures, en laissant les conjoints le soin de choisir entre les quatre procédures possibles.

Un point en particulier m'importe, et je défendrai un amendement à ce propos. On évoque ces femmes fragilisées qui n'ont pas travaillé parce qu'elles élevaient leurs enfants, et qui se retrouvent sans ressources ni retraite. Mais il y a aussi des femmes qui travaillent, qui s'assument et assument l'éducation de leurs enfants. Pour imaginer le mariage du XXIe siècle, nous devons nous demander comment ne pas hypothéquer l'espérance d'une deuxième vie, d'un nouveau mariage. Or ceci conduit à réfléchir à nouveau sur la prestation compensatoire. Comment ne pas être choqué par le cas de personnes qui versent une prestation compensatoire alors que leur ex-conjoint s'est remarié, vit en concubinage notoire ou a souscrit un PACS ?

Vous avez souhaité protéger les femmes victimes de la violence conjugale, et c'est une avancée très importante : elles ne devront plus fuir leur domicile avec enfants et bagages... Mais sur la prestation compensatoire, il faudra aller plus loin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Etienne Pinte - Près de 130 000 divorces ont été prononcés en France en 2002. Au vu d'un tel chiffre, le divorce pourrait apparaître comme une réalité, certes triste, mais banale. C'est loin d'être le cas. Se séparer de celui ou celle que l'on a aimé est toujours source de souffrances, et ceux qui ont traversé cette épreuve ne le savent que trop bien, d'autant plus qu'au chagrin d'un adulte s'ajoute souvent celui d'un enfant.

Dans ce conflit, la raison est mise à rude épreuve, et les débats peuvent devenir passionnels. Il s'agit alors d'apaiser les tensions. Qui d'autre qu'un avocat pourrait le faire?

Mme Cécile Moreau, juriste, entendue par la délégation aux droits des femmes, a fait valoir qu'en réalité, le consentement commun au divorce est un consentement dans le désaccord - sans quoi il n'y aurait pas divorce - et que ce contentieux est souvent porteur d'inégalité, en particulier au détriment de la femme. Aussi estime-t-elle nécessaire que chacun des époux ait son propre avocat. N'oublions pas qu'un jugement de divorce organise la vie des divorcés et de leurs enfants, et a des conséquences importantes ; la présence d'un avocat pour chaque époux pourrait contribuer à apaiser ces déchirements.

S'agissant du divorce par consentement mutuel, il est d'autant plus indispensable que chaque époux ait son avocat que la procédure ne comptera désormais plus qu'une seule audience. Certes, les honoraires des avocats sont élevés, mais quel est le gain quand un contentieux survient après le prononcé du divorce?

Quant aux autres procédures, la présence d'un avocat pour chaque partie est tout aussi indispensable. S'il est prévu que le demandeur à la procédure soit obligatoirement assisté d'un conseil, une telle obligation ne pèse pas sur le défendeur lors de la phase de conciliation.

Au nom du principe de l'impartialité, ne conduisons pas le juge, saisi d'une procédure de divorce, à devoir rétablir de lui-même l'équité entre les époux (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP) .

La discussion générale est close.

M. le Garde des Sceaux - Vos nombreuses interventions ont souligné la complexité du sujet et la difficulté de choisir entre des intérêts qui peuvent être contradictoires. C'est une bonne chose qu'un débat ait pu s'instaurer au cours de la législature précédente, et le groupe de travail qui s'est mis en place s'en est inspiré.

Face à un sujet si complexe et douloureux, que nous devons faire preuve de prudence et de modestie.

Je réponds au rapporteur, s'agissant de l'autorité parentale, que nous évaluons actuellement la mise en _uvre de la loi de mars 2002, et qu'il n'y a pas lieu, en attendant, de remettre en cause la résidence alternée. Et je réponds à Mme Lévy, que la simplification ne signifie pas, pour moi non plus, la précipitation ; même en cas de divorce par consentement mutuel, le juge peut toujours renvoyer l'affaire avant l'homologation.

Merci, Monsieur Blessig, d'avoir réaffirmé que le divorce pour altération définitive du lien conjugal n'est pas une répudiation, et ce d'autant moins que des garanties protègent les droits des défendeurs : possibilité de demande reconventionnelle, octroi éventuel de dommages et intérêts, sans parler de la prestation compensatoire.

Monsieur Le Bouillonnec, vous réclamez la suppression du divorce pour faute. Pour ma part, depuis mon entrée en fonction, j'ai été bouleversé par l'ampleur - que je ne soupçonnais pas - des violences conjugales et familiales, et je ne veux pas être à la fois le ministre qui, avec les magistrats, les policiers et les associations, combat ces violences, et celui qui supprime le divorce pour faute. Ce serait contradictoire. J'ajoute que le juge conserve, bien entendu, son pouvoir d'appréciation, et surtout que nous ouvrons une procédure alternative pour les cas où la demande de divorce pour faute n'est en fait qu'un outil technique de convenance.

Monsieur Lassalle, nous luttons, par notre politique pénale, contre les violences familiales et conjugales, et je compte développer, avec Mme Guedj, l'aide aux victimes.

Monsieur Vaxès, vous craignez que le divorce pour altération définitive du lien conjugal ne s'apparente à une répudiation, mais, je viens de le dire, le dispositif que nous prévoyons prévoit des garanties satisfaisantes. Vous avez raison de dire que le divorce ne doit pas accentuer les inégalités, et c'est pourquoi la reconnaissance de la prestation compensatoire, dans toutes ses dimensions, est très importante.

Madame Pecresse, vous avez insisté sur les violences conjugales, en soulignant qu'il faut aussi tenir compte des violences hors mariage. Je comprends la motivation de votre amendement, mais son dispositif me paraît complexe, et je crains qu'il ne soit difficile d'application.

Monsieur Geveaux, nous reviendrons longuement sur la prestation compensatoire. Je rappelle simplement que, prolongeant la loi de juin 2000, nous assouplissons les modalités de sa fixation, améliorons les possibilités de révision, proposons un dispositif original en cas de succession et encourageons le versement sous forme de capital.

Monsieur Vidalies, vous avez évoqué, entre autres, les problèmes posés par la réforme des retraites. Je suis favorable à votre amendement 167, qui permet d'articuler de façon satisfaisante la pension de réversion et la prestation compensatoire.

Monsieur Mallié a insisté sur le sujet très délicat de la garde des enfants. La loi de 2002 est encore trop récente d'application : observons d'abord les conditions d'application de la résidence alternée, avant de décider s'il faut modifier le dispositif.

Madame Boutin, vous vous opposez au texte...

Mme Christine Boutin - Non, à certains aspects seulement !

M. le Garde des Sceaux - ...Croyez-moi, il ne s'agit en rien de « divorce-répudiation » sinon je ne le défendrais pas. Nous instituons un dispositif équilibré pour le défendeur, et en ce qui concerne la prestation compensatoire, le juge statuera en équité.

Monsieur Perrut, vous avez défendu la médiation de prévention, à laquelle je suis très favorable. Il est bon qu'un tiers, autre que le juge, aide à préparer le divorce, sinon à l'éviter, en évoquant les conséquences économiques et l'avenir des enfants. Dans le budget de mon ministère pour 2004, les crédits d'aide aux associations de médiation augmentent de 60 %, et M. Jacob a créé une formation et un diplôme de médiateur familial.

Enfin, je dirai à M. Pinte que, dans 90 % des divorces par consentement mutuel, les époux s'entendent pour n'avoir qu'un seul avocat. Il serait paradoxal de vouloir leur en imposer deux - aucun des avocats qui ont participé au groupe de travail ne l'a d'ailleurs demandé. La procédure se passe sous le contrôle du juge, qui reçoit séparément les époux et peut renvoyer l'affaire s'il l'estime nécessaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - J'appelle les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

ARTICLE PREMIER

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le divorce pour faute est maintenu. Or cette notion est inappropriée, y compris dans le nouveau cadre que vous tracez. Par notre amendement 100, nous proposons de la remplacer par les mots « comportement inconciliable avec le maintien du lien conjugal ».

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. L'opinion, qui reste attachée aux notions de faute et de responsabilité, ne comprendrait pas cette substitution. Ce qui compte, c'est que la procédure du divorce pour faute ne soit pas détournée.

M. le Garde des Sceaux - Je suis, je l'ai dit, hostile à la disparition du divorce pour faute. Certes, la notion a une connotation moralisatrice. Mais le mariage crée une responsabilité, et le manquement à l'engagement pris constitue ce qu'on appelle communément une faute. Vous cherchez à remplacer ce terme d'une façon qui n'est d'ailleurs pas très heureuse, car au lieu d'en restreindre le champ, vous l'élargissez plutôt.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - En ce qui me concerne, j'étais pour la suppression du divorce pour faute. Cet amendement que je présente au nom de mon groupe est donc déjà en retrait par rapport à ma conception propre. Dans ce cadre, nous proposons de modifier, d'une part, un libellé qui, vous l'avez vous-même reconnu, est « moralisateur » et, d'autre part, le contenu du manquement tel que le définit l'article 242. Il est faux de dire que le nouveau dispositif va atténuer l'importance de la faute, puisque la commission a retenu la rédaction du Sénat plutôt que la vôtre - mais nous y reviendrons. Pour l'heure, nous ne décrivons pas le contenu de la faute, mais essayons de changer cette appellation.

L'amendement 100, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

ART 2

M. Emile Blessig - Si la procédure de divorce par consentement mutuel est rendue plus rapide par le projet de loi, il ne faut pas que ce soit au détriment de la réflexion des époux. La commission a adopté un amendement qui généralise un délai minimal de trois mois. Ce délai est-il indispensable dans tous les cas ? Ne pourrait-on envisager qu'un délai soit accordé sous forme de seconde comparution à la demande des parties ? C'est ce que je proposerai tout à l'heure par l'amendement 77.

Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation - La simplification de la procédure de divorce par consentement mutuel entraîne la suppression de la seconde comparution devant le juge. Elle devrait avoir pour corollaire le respect d'un temps de réflexion de trois mois. C'est ce que propose l'amendement 6.

M. le Rapporteur - J'y suis favorable. Simplification ne veut pas dire précipitation. S'il n'y a plus qu'une comparution, il faut que la convention soit préparée avec soin.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable. Dans la moitié des tribunaux, aujourd'hui, l'audiencement se fait en moins de trois mois. Adopter ce délai constituerait donc un frein. Mieux vaudrait prévoir que ce délai puisse être fixé à la demande des époux eux-mêmes.

M. Alain Vidalies - Nos concitoyens ne doivent pas se voir imposer un délai minimum qui alourdirait la procédure. Il est des cas, en outre, où le prononcé doit intervenir rapidement, je pense en particulier aux militaires qui doivent partir à l'étranger. La proposition de M. Blessig me paraît préférable.

Mme Christine Boutin - Je soutiens l'amendement de Mme Lévy. Les cas qu'évoque M. Vidalies sont peu nombreux, et un délai trois mois n'est pas bien long. Il faut se donner le temps de la réflexion.

M. Emile Blessig - Un couple qui a pris la décision de divorcer le fait après mûre réflexion. Lui imposer un délai supplémentaire de trois mois ne fera, dans la majorité des cas, que retarder les procédures.

Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation - La proposition de M. Blessig me paraît en définitive préférable. Je retire donc l'amendement 6, et proposerai une nouvelle rédaction à l'article 9.

Mme Christine Boutin - Je le reprends.

L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement de M. Blessig n'a pas sa place dans le dispositif relatif au consentement mutuel et à la comparution unique. Si le juge considère qu'il y a un doute sur le consentement des parties ou sur le caractère équitable de la convention présentée, il peut ordonner de lui-même une seconde comparution.

M. le Garde des Sceaux - Même avis.

Mme Christine Boutin - Le texte dont nous débattons est très important, et notre discussion commence mal. Je pensais qu'à défaut d'adopter l'amendement 6, l'Assemblée adopterait l'amendement 77, et je suis certaine que le vote aurait été différent si l'on avait su que l'amendement 77 serait repoussé.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C'est vrai !

Mme Christine Boutin - On ne peut s'en tenir à une considération de logique juridique quand il s'agit du sort d'hommes, de femmes et d'enfants.

M. Emile Blessig - La question qui se pose est celle du temps donné aux parties. Dans neuf cas sur dix, le délai de trois mois ne s'impose pas. Et puisque le magistrat peut donner un délai supplémentaire aux conjoints en décidant de les convoquer à nouveau, pourquoi ne pourraient-ils pas eux-mêmes demander à ce qu'il en soit ainsi ?

M. Alain Vidalies - Très juste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'unicité de la procédure est une bonne idée, mais même dans le cadre d'un consentement mutuel, l'accord ne va pas de soi, et doit être réétudié inlassablement parfois jusqu'au dernier moment. Il est donc impératif non seulement que le magistrat puisse ajourner l'audience, mais aussi que les parties puissent demander elles-mêmes une deuxième comparution. Je confirme que, si nous avons voté contre l'amendement repris par Mme Boutin, c'est parce que nous considérions opportun d'adopter l'amendement 77 de M. Blessig.

Mme Christine Boutin - Je vous remercie d'avoir précisé les choses.

M. Mansour Kamardine - La rédaction de l'amendement pose problème, car on peut se demander si, dans un cas comme celui-là, les parties s'accorderont sur l'opportunité d'une seconde comparution. Mieux vaudrait écrire « l'une des parties ».

M. le Rapporteur - Je rappelle qu'il s'agit d'un divorce par consentement mutuel. Si le juge, pour quelque raison, l'estime nécessaire, il peut demander cette seconde comparution. Mais si la demande devait être exprimée par l'un des époux ou par les deux, il ne s'agirait plus de consentement mutuel, et les conjoints devraient alors choisir la procédure du divorce accepté. Pourquoi compliquer ce que le texte s'efforce de simplifier ?

M. le Garde des Sceaux - Je partage sans réserve l'avis de votre rapporteur : il n'y a pas lieu de confondre les deux dispositifs. Ici, il s'agit de divorce par consentement mutuel entre deux adultes responsables, et rien ne justifie qu'ils demandent une nouvelle comparution. N'inventons pas des difficultés là où il n'y en a pas.

Mme Christine Boutin - Le divorce a beau être très répandu, il demeure un échec. Pourquoi ne pas donner une nouvelle chance à chaque couple, en lui accordant un délai de réflexion supplémentaire s'il le demande ? C'est d'hommes et de femmes qu'il s'agit, et non d'une question de forme !

M. Etienne Pinte - Si, comme je l'ai proposé tout à l'heure, chaque partie avait son propre avocat, la plus faible - c'est-à-dire l'épouse, le plus souvent - serait dûment conseillée avant la comparution, et la nécessité d'un délai supplémentaire serait moins cruciale.

L'amendement 77, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 55.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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