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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 77ème jour de séance, 195ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 13 AVRIL 2004

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Sommaire

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2

DIVORCE (suite) 2

ART. 3 2

ART. 4 2

ART. 5 5

APRÈS L'ART. 5 7

ART. 7 8

ART. 8 8

ART. 9 8

ART. 10 10

ART. 11 11

ART. 12 11

ART. 13 12

ART. 16 12

ART. 15 13

ART. 16 13

ART. 17 14

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 14 AVRIL 2004 15

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Mme la Présidente - M. le Président du Conseil constitutionnel informe l'Assemblée que, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

DIVORCE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif au divorce.

ART. 3

M. Emile Blessig - Le divorce peut s'accompagner de pressions, man_uvres dolosives ou abus de droit. Le fait que l'accord imposé ou extorqué ne puisse être remis en question est une injustice. Il est fondé sur une fausse efficacité, puisque le divorce ainsi obtenu va à l'encontre de la pacification recherchée : il crée un risque de contentieux sur des questions connexes, comme les enfants ou le partage. En cas de vice de consentement, le droit général doit s'appliquer et la rétractation de l'accord doit être possible.

M. Patrick Delnatte, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République - Avis défavorable. La rétractation ne concerne que l'accord. En outre, toutes les man_uvres que vous évoquez peuvent faire l'objet d'un appel.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Même avis. Dans les cas de violence ou de dol, le droit commun du vice de consentement s'applique, pouvant aboutir à la nullité.

L'amendement 78 est retiré.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

Mme Muguette Jacquaint - Le divorce pour altération définitive du lien conjugal vient remplacer l'actuel divorce pour rupture de la vie commune, qui est prononcé après une séparation d'au moins six ans. Le juge pourra le prononcer dès lors qu'il constatera que la communauté de vie, tant affective que matérielle, a cessé depuis au moins deux ans, soit avant le dépôt de la requête initiale en divorce, soit entre le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation et l'introduction de l'instance.

Si cela peut apparaître comme une innovation majeure, nous voulons exprimer quelques réserves. Certes, le raccourcissement du délai permet de faciliter le travail de deuil accompagnant la séparation et de liquider plus rapidement la situation financière du couple. Mais la plupart des femmes concernées par ce type de divorce ont atteint un certain âge, et leur reconversion professionnelle sera d'autant plus difficile que le délai sera court pour s'y préparer. Par ailleurs, le délai étant susceptible de courir à partir du moment où l'ordonnance de non-conciliation est rendue, certaines femmes pourraient ressentir cette procédure comme une véritable répudiation. Cet argument a d'ailleurs été très souvent avancé lors des auditions de la délégation aux droits des femmes.

Cette procédure pourrait d'autant plus apparaître comme une répudiation institutionnalisée que le devoir de secours est supprimé du texte initial, ainsi que la clause d'exceptionnelle dureté. La totalité des frais n'est plus à la charge du demandeur. La procédure ne permet pas à la femme, car c'est elle qui est le plus souvent le défendeur dans ce type de divorce, de soulever des difficultés particulières pour elles ou ses enfants, et le devoir de secours ne se traduira donc que par le versement d'une prestation compensatoire en capital. C'est pourquoi la « répudiation » a si souvent été évoquée et constitue un risque sérieux.

Il ne faudrait pas laisser croire que cette possibilité, en évitant la procédure lourde du divorce pour faute, vise à permettre de divorcer avec une grande facilité, ni l'autre conjoint ni le juge ne pouvant s'y opposer. Il ne faudrait pas non plus laisser entendre que le conjoint souhaitant divorcer peut, par ce biais, se décharger totalement de ses obligations. Mais le projet est ambigu, du fait de la suppression du devoir de secours et du renvoi vers la prestation compensatoire. Nous attendons donc du ministre et du rapporteur des apaisements, et ne déterminerons notre vote qu'au terme de la discussion de l'article.

M. le Rapporteur - L'amendement 17 vise à améliorer la définition de l'altération définitive du lien conjugal. Le texte actuel la définit par la cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle. L'expression est ambiguë et pourrait donner lieu à une jurisprudence abondante. L'amendement, en la liant à la séparation des époux, s'inspire directement de l'article 237 du code civil, mais il l'adapte en tenant compte du fait que la séparation pourra être juridiquement organisée par le juge aux affaires familiales. Cette rédaction est plus simple et plus claire.

Mme Christine Boutin - L'amendement 150 a pour objet de protéger celui qui ne désire pas la fin de son mariage. Une séparation de six ans est nécessaire aujourd'hui pour constater l'altération définitive du lien conjugal. Le projet de loi propose de la ramener à deux ans. Pour les personnes concernées, qui sont souvent des femmes dans la cinquantaine, c'est une véritable provocation. Dans un souci de consensus, je propose donc d'instaurer un délai de trois ans.

M. le Garde des Sceaux - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 17, qui clarifie la rédaction du texte. Il est défavorable, en revanche, au 150. Le délai de deux ans nous a paru adapté à la situation des couples et a suscité un accord assez général au sein du groupe de travail et au Sénat. Il faut garder à l'esprit que ce délai doit être expiré avant l'assignation. S'y ajoute ensuite tout le délai de la procédure, qui sera, dans ces cas, relativement longue et discutée. On arrivera donc au total, à une séparation d'environ trois ans.

Mme Christine Boutin - Compte tenu de ces explications, je suis prête à retirer mon amendement. Mais je souhaite d'abord une précision : confirmez-vous que la procédure ne pourra commencer avant que soient constatées les deux années de rupture de la vie conjugale ?

M. le Garde des Sceaux - En effet. Le Sénat a précisé le texte du Gouvernement sur ce point. Rien ne pourra commencer avant que ces deux ans soient écoulés. La procédure, quant à elle, s'étalera sur une année.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le Garde des Sceaux doit préciser si le délai de deux ans est exigé au moment de la requête ou à celui de l'assignation. L'amendement 17 désigne en effet les époux vivants séparés depuis deux ans « lors de l'introduction de l'instance en divorce ». Qu'est-ce à dire ?

M. le Garde des Sceaux - Mon souhait est de faire référence à l'assignation. Peut-être l'amendement 17 pourra-t-il être rectifié.

M. le Rapporteur - L'expression « introduction de l'instance en divorce » est déjà employée à l'article 257-1 du code civil.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous avons eu ce débat en commission. Ne sera-t-il pas plus simple d'inscrire le mot « assignation » dans le texte ? Nous éviterions ainsi les problèmes d'interprétation.

M. le Rapporteur - Je vous propose, afin de lever toute ambiguïté, de remplacer, dans l'amendement 17, les mots « l'introduction de l'instance en divorce » par « l'assignation en divorce », pour éviter toute ambiguïté.

L'amendement 17, ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 150 tombe.

M. Jean Lassalle - Ce projet qui tend à remplacer le divorce pour rupture de la vie commune par le divorce pour altération définitive du lien conjugal, supprime la pension alimentaire de principe mais aussi la clause de dureté. Cette clause permet actuellement au juge de refuser le divorce si ses conséquences se révèlent d'une exceptionnelle dureté pour celui qui le subit.

Le juge doit toujours prendre en considération la protection du plus faible. C'est pourquoi mon amendement 11 vise à maintenir la pension alimentaire de principe et la clause de dureté. Toutefois, pour cette dernière, la rédaction de l'amendement laisse clairement l'appréciation de la situation au juge.

Mme Christine Boutin - Mon amendement 152 vise à maintenir les moyens de protection dévolus à l'époux défendeur. Il faut maintenir le devoir de secours, sous la forme d'une pension alimentaire, sinon nous risquons d'aboutir à un véritable droit au divorce, ce qui n'est pas souhaitable.

M. le Rapporteur - La commission, défavorable à l'amendement 11, n'a pas examiné les amendements 152 et 153. Leurs auteurs souhaitent maintenir la clause d'exceptionnelle dureté. Notre souhait est au contraire que le divorce pour altération définitive du lien conjugal entre dans le droit commun du divorce. Je précise toutefois que la protection de l'époux défendeur est garantie par la prestation compensatoire et les dommages-intérêts. Mais on ne peut maintenir un lien conjugal envers et contre tout.

M. le Garde des Sceaux - Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Mais le nouvel article 256 du code civil garantit l'équilibre entre les époux. Nous n'introduisons ni le « droit au divorce », ni la répudiation. Il y aura toujours le divorce pour faute, les dommages et intérêts et la prestation compensatoire.

Mme Christine Boutin - Je n'ai pas encore défendu mon amendement 153, visant à protéger l'époux gravement malade ou handicapé, qui ne doit pas être laissé pour compte.

M. le Rapporteur - La prestation compensatoire tient compte de l'âge et de l'état de santé. Le juge, en la fixant, protégera ceux qui ne sont plus en mesure d'assumer l'ensemble de leurs responsabilités.

M. le Garde des Sceaux - Mme Boutin pose une question centrale. Comment répondre à une situation de souffrance ? De deux choses l'une : ou bien on maintient une apparence de couple, avec les tensions que cela suppose, ou bien on prend acte de la situation et on en tire les conséquences au plan matériel. Nous avons choisi la seconde solution car je ne pense pas que le maintien forcé d'une situation matrimoniale soit la bonne réponse : on ne ferait qu'ajouter de la souffrance à la souffrance.

Mme Christine Boutin - Je vous sais gré, Monsieur le Garde des Sceaux, d'avoir pris en considération la question que je soulevais mais, pardonnez-moi de le dire, je trouve que votre réponse manque d'humanité. Vous m'opposez en substance que la maladie peut provoquer une souffrance à ce point insupportable que le couple ne pourrait plus être maintenu qu'artificiellement. Mais rien n'oblige non plus les gens à se marier et, dès lors qu'on fait ce choix, on s'inscrit dans une tradition de solidarité qui faisait que, lorsque la souffrance survenait, on l'assumait à deux.

Ce projet est sans doute attendu par beaucoup, mais il est le reflet d'une société qui n'accepte plus, qui ne tolère plus la souffrance - et je le déplore profondément. Je serai sans doute mise en minorité, mais je ne puis me résigner à ce déni de la réalité et à ce refus de la solidarité familiale.

L'amendement 11, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 152 et 153, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous avons déposé l'amendement 101 parce que nous considérons qu'il y a contradiction entre le deuxième alinéa de l'article 238 et les dispositions de l'article 246. Aux termes du premier alinéa de l'article 238, il y a altération définitive du lien conjugal lorsque la séparation dure depuis deux ans. Aux termes de l'alinéa suivant, « nonobstant ces dispositions », le divorce peut être prononcé sur ce fondement « dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 246, dès lors que la demande présentée sur ce fondement est formée à titre reconventionnel. » Or l'article 246 dispose, lui, que, « si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute » et que, « s'il rejette celle-ci », il statue alors sur l'autre demande - ce qui ne signifie pas qu'il prononcera forcément le divorce sur cette base, tandis que l'article 238 impliquait à notre sens que ce divorce était prononcé de plein droit !

C'est en raison de cette contradiction que nous proposons d'ôter du deuxième alinéa de l'article 238 la référence à l'article 246, de sorte qu'il se lirait ainsi : « Nonobstant ces dispositions, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal dès lors qu'une demande est présentée sur ce fondement à titre reconventionnel. »

M. le Rapporteur - Rejet : cela reviendrait à autoriser le prononcé du divorce sur le seul fondement d'une demande présentée à titre reconventionnel, sans que soit examinée la demande présentée à titre principal. Or la philosophie du projet est tout autre : dans le cas de ces deux demandes concurrentes, c'est logiquement la demande pour faute qui doit être examinée en premier, afin de permettre éventuellement la prise en compte de cette faute.

M. le Garde des Sceaux - Même avis.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Est-ce que cela implique que le juge saisi reconventionnellement n'aurait pas à constater qu'il y a rupture de la vie commune depuis plus de deux ans et que le divorce pour altération définitive du lien conjugal serait alors prononcé de plein droit ? Si tel est le cas, la rédaction du deuxième alinéa est inexacte...

M. le Rapporteur - Tel est bien le cas. Si le divorce pour faute est refusé, le divorce pour altération du lien conjugal est prononcé « nonobstant » les dispositions du premier alinéa, c'est-à-dire sans exiger une séparation de deux ans.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C'est dit !

L'amendement 101, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Christine Boutin - L'amendement 151 a été défendu.

M. le Rapporteur - Nous en avons déjà débattu : avis défavorable.

L'amendement 151, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 102 tend à remplacer le terme « faute » par « comportement inconciliable avec le maintien du lien conjugal »...

Mme la Présidente - Compte tenu d'un vote précédent, il tombe.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 103 vise à réintroduire la référence à l'article 243, aux termes duquel certaines condamnations pénales provoquent de plein droit le prononcé du divorce.

M. le Rapporteur - Avis défavorable : les juges pourront toujours tenir compte des condamnations pour violences conjugales mais on ne saurait faire de celles-ci une cause péremptoire de divorce. En ce sens, le projet poursuit l'évolution engagée en 1975.

M. le Garde des Sceaux - Même position.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il est amusant que je soutienne cet amendement et que le rapporteur le refuse, alors qu'il considère que ces violences justifient le divorce pour faute !

Le projet supprime des causes de divorce l'existence de sanctions pénales mais, à notre sens, il ne serait pas inutile de réintroduire cette disposition en y ajoutant précisément les sanctions pour violences conjugales.

L'amendement 103, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - N'ayant pu obtenir qu'on renonce au divorce pour faute, nous essayons par l'amendement 104 de restreindre la définition des « fautes imputables à l'autre époux ». L'article 242 se lirait alors : « Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits imputables à l'autre constituent une mise en danger de l'un des membres de la famille ou mettent en péril les intérêts de la famille ». Cette définition aurait l'avantage de reprendre tous les cas invoqués pour justifier le maintien de la procédure contentieuse tout en écartant les motifs intempestifs cités dans tant de demandes.

M. le Rapporteur - Rejet, par coordination.

L'amendement 104, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 105 est un amendement de repli. Nous y proposons de revenir à la définition de la faute donnée dans le projet initial. Celui-ci ne parlait que de violation « grave » des devoirs et obligations du mariage, mais le Sénat y a ajouté la violation « renouvelée ». Ce faisant, il se conforme à une interprétation jurisprudentielle constante et, si vous acceptiez cette version, vous ne pourriez prétendre faire évoluer la situation. En revanche, vous le pourrez dès lors que ne seront stigmatisés que les faits graves.

M. le Rapporteur - Rejet. En droit pur, le mot « renouvelée » n'ajoute rien car toute faute réitérée devient grave, mais le Sénat a eu raison de ne pas changer la définition du divorce pour faute, pour éviter toute modification de la jurisprudence sur ce point et pour permettre de prendre en compte, notamment, le harcèlement moral. Cette définition est adaptée à la diversité des fautes constatées.

Le groupe de travail a considéré qu'il fallait empêcher l'utilisation de la faute prétexte, mais qu'il n'y avait pas lieu de modifier la définition de la faute.

M. le Garde des Sceaux - M. Le Bouillonnec n'a pas peur du paradoxe : il juge mon texte insatisfaisant mais demande à l'Assemblée de le rétablir...

Notre volonté, partagée par beaucoup, de réduire le nombre de divorces pour faute se traduit par le nouveau dispositif d'altération définitive du lien conjugal. La question de la définition a été tranchée par le groupe de travail et le Sénat a voulu réintroduire l'idée de renouvellement pour tenir compte, notamment, du harcèlement moral, par essence répétitif. C'est pour ces raisons que je suis hostile à l'amendement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - N'ayant pas choisi de proposer la suppression du divorce pour faute, nous nous plaçons délibérément dans le champ de votre projet. Mais nous tentons de démontrer qu'il y a contradiction entre l'intention affichée de restreindre l'utilisation de la faute aux cas les plus graves et le maintien d'une définition bétonnée par la jurisprudence et qui permettra, demain, aux époux de continuer à engager des procédures pour faute avec les mêmes éléments factuels qu'aujourd'hui.

Vous pensiez d'ailleurs comme moi, Monsieur le Garde des Sceaux, quand vous avez proposé de supprimer le mot « renouvelée », espérant sans doute que cela contraindrait les magistrats à faire évoluer la jurisprudence.

Mme Valérie Pecresse - Je suis quelque peu ébranlée par l'argumentation de M. Le Bouillonnec, qui rejoint celle du groupe de travail : en supprimant le mot « renouvelée », nous voulions éviter que l'on continue à monter pendant des années des dossiers pour faute. Quant au harcèlement moral, s'il est renouvelé, il constitue une faute grave.

M. le Rapporteur - Les conséquences financières ne seront plus du tout les mêmes, voilà ce qui change...

M. Alain Vidalies - C'est un débat à front renversé... Vous n'avez pas expliqué, Monsieur le Garde des Sceaux, pourquoi le Gouvernement a changé d'avis au profit de la position du Sénat, d'où viennent rarement les progrès du droit de la famille... Vous aviez pourtant raison de vouloir écarter tout ce qui permet une exploitation malsaine de la procédure de divorce, en limitant la faute à des faits graves. A l'inverse, l'idée de renouvellement accrédite l'idée d'une succession de faits sans gravité.

M. le Garde des Sceaux - On ne peut isoler un dispositif des autres aspects du texte : la baisse sensible du pourcentage de divorces pour faute résultera de la nouvelle procédure d'altération définitive du lien conjugal et de la rupture du lien entre la faute et les effets financiers. Ce débat est donc secondaire (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste)

L'amendement 105, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 106 vise un certain nombre de crimes et délits relatifs aux violences conjugales.

M. le Rapporteur - La commission l'a rejeté, pour les raisons précédemment exposées.

L'amendement 106, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 107 vise à éviter que la réconciliation des époux, qui peut résulter d'une stratégie de l'un d'entre eux, n'empêche d'invoquer des faits graves antérieurement constatés. La réconciliation doit être totale et loyale.

A ce propos, je salue tous les procureurs qui, au pénal, ne s'intéressent pas à la plainte déposée par les victimes mais qui poursuivent d'abord les auteurs des faits. C'est une manière efficace de régler les violences conjugales.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement, par cohérence avec le maintien du divorce pour faute.

L'amendement 107, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Dans la construction que nous avons imaginée pour réduire la place du divorce pour faute, nous proposons, par l'amendement 111, que les faits particulièrement graves constatés lors de la procédure puissent recevoir une suite judiciaire et ouvrir droit à réparation, quand bien même ils ne seraient pas retenus comme cause du divorce.

Cette disposition, qui existe déjà dans plusieurs pays de l'Union européenne, entrera un jour, j'en suis sûr, dans notre droit positif.

M. le Rapporteur - Cet amendement, que le maintien du divorce pour faute rend inutile, irait à l'encontre même de l'objectif recherché de pacification.

M. le Garde des Sceaux - Je suis tout à fait hostile à cet amendement qui risquerait d'entraîner de graves confusions et d'envenimer les situations au lieu de les apaiser.

Mme Marylise Lebranchu - Cette disposition avait déjà été préconisée dans deux rapports élaborés à l'occasion des concertations préalables aux lois antérieures. Il n'est en effet pas facile aux victimes de violences ou d'humiliations d'engager une procédure pénale. Qu'elles y renoncent ne doit pas empêcher que la faute soit, à un moment donné de la procédure, stigmatisée, même dans le cas d'un divorce par consentement mutuel. Si cette faute a entraîné des séquelles physiques ou psychologiques, la victime doit pouvoir demander réparation sans être obligée pour cela d'aller au pénal.

L'amendement 111, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 6, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 112 tend à rédiger comme suit l'article 247-2 : « Si dans le cadre d'une instance introduite sur le fondement de l'article 233, le défendeur demande reconventionnellement le divorce sur le fondement de l'article 242, le demandeur peut modifier le fondement de sa demande. »

L'amendement 112, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 18 est de précision.

L'amendement 18, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 7 ainsi modifié.

ART. 8

M. le Rapporteur - L'amendement 19 précise que ce n'est qu'à défaut de conseil de famille que le juge des tutelles est compétent en matière de divorce formée au nom d'un majeur sous tutelle.

L'amendement 19, accepté par le Gouvernement , mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 20 est rédactionnel.

L'amendement 20, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 8 ainsi modifié.

ART. 9

Mme Christine Boutin - L'amendement 155 a pour objectif de rétablir l'égalité entre les deux parties, en imposant la présence de deux avocats.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - La présence d'un seul avocat semble de nature à réduire la longueur et le coût des procédures. Pour autant, elle peut poser problème, surtout que l'unicité de l'audience sera désormais la règle dans les divorces par consentement mutuel. Avec un seul avocat, il est à craindre que dans certains cas l'ensemble de la situation des deux époux n'ait pas été parfaitement pris en compte et que le juge soit amené, par prudence, à décider l'ajournement, auquel on irait à l'encontre même de l'objectif de rapidité recherché. Notre amendement 113 n'a d'autre but que d'ouvrir le débat sur ce sujet.

M. Etienne Pinte - L'amendement 142 est identique. Dans la mesure où il n'y aura plus désormais qu'une seule audience lors d'un divorce par consentement mutuel, il importe que chaque époux puisse être défendu par son propre avocat. Beaucoup de femmes regrettent d'avoir choisi, le plus souvent par souci d'économie, un avocat commun, dont elles ont le sentiment qu'ils les a mal défendues, par exemple dans la fixation du montant de la pension alimentaire. La présence de deux avocats est de l'intérêt même des deux parties.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces trois amendements. D'une part, une deuxième comparution est toujours possible à la demande des parties. D'autre part, il est logique que, dans un divorce par consentement mutuel, les époux puissent choisir d'un commun accord un avocat unique, ce qui est d'ores et déjà la pratique dans 90 % des cas. Le projet de loi laisse toute souplesse, ce qui paraît la meilleure formule. La requête peut être présentée par les avocats respectifs des parties ou par un avocat choisi d'un commun accord - ce qui permet de limiter les frais.

M. le Garde des Sceaux - Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements. Comme l'a dit le rapporteur, neuf fois sur dix déjà, les époux ont pris un avocat unique. Lors des consultations préalables que nous avons menées auprès des professionnels, où les points de vue étaient pourtant très divers, jamais les avocats n'ont demandé la présence obligatoire de deux avocats. Quant aux associations familiales, elles sont très réservées sur la présence de deux avocats, génératrice de coûts importants sans utilité réelle. En effet, si le juge constate quelque anomalie ou ambiguïté dans la convention, il peut parfaitement suggérer à chacune des parties de prendre son propre avocat.

M. Alain Vidalies - Vous faites souvent référence à un groupe de travail qui a joué un rôle important dans l'élaboration du texte mais je tiens à signaler qu'aucun député de l'opposition n'y a participé.

Le fait qu'il y ait un seul avocat - et je suis en désaccord sur ce point avec mon ami Le Bouillonnec - me paraît favoriser des relations pacifiées entre les parties. La présence de deux avocats pourrait déboucher sur des affrontements inattendus.

L'amendement 155, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 113 et 142.

Mme Christine Boutin - Par l'amendement 154, je propose que l'audience devant le juge ait lieu au minimum trois mois après le dépôt de la demande de divorce. Nous revenons ainsi à la discussion de cet après-midi sur l'amendement 6 de Mme Lévy.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais compte tenu de ladite discussion, il me semble qu'il ne peut qu'être repoussé.

L'amendement 154, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 114 est défendu.

L'amendement 114, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Lassalle - L'amendement 12 de M. Baguet est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Il est satisfait par l'amendement de M. Blessig.

L'amendement 12, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Les parties n'ont pas à préjuger de la solution que le juge retiendra à l'issue de l'audience. Il leur appartient donc d'anticiper le refus d'homologation d'une convention dont l'objet est de définir les mesures provisoires prises pour la durée de la procédure - résidence des époux, situation des enfants -, comme c'est d'ailleurs le cas aujourd'hui. Il ne faut pas laisser les époux improviser dans le cabinet du juge. Tel est le sens de l'amendement 116.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le projet tend à simplifier les procédures, je le rappelle. Les époux s'étant mis d'accord sur une convention définitive, ils peuvent donc se mettre rapidement d'accord dans le cadre d'une seconde comparution demandée par le juge.

M. le Garde des Sceaux - Même avis, pour la même raison.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Des sujets tels que la résidence des enfants ou l'exercice de l'autorité parentale pourront se retrouver au c_ur des débats. Peut-on accepter que les époux improvisent ? C'est inconcevable. Il faudrait au moins préciser que lorsqu'une disposition concernant les enfants est prise dans la cadre du projet de convention définitive, elle prendra effet au cas où le juge ajournerait sa décision.

M. Emile Blessig - Dès lors que des conjoints se présentent avec un projet de convention définitive, leur mode de vie, leur séparation sont organisés. Un point de désaccord, d'éventuels litiges relativement modestes n'annulent pas l'ensemble des accords qui ont été conclus. Notre maître mot est : simplification.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'article 250-2 du code civil précise que le juge homologue les mesures provisoires que les parties s'accordent à prendre jusqu'à la date à laquelle le jugement de divorce passe en force de chose jugée, sous réserve qu'elles soient conformes à l'intérêt du ou des enfants. Le juge peut donc ne pas considérer que les mesures provisoires soient conformes à cet intérêt. Le problème reste posé.

L'amendement 116, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 9, mis aux voix, est adopté.

ART. 10

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'article 251 du code civil prévoit que l'époux qui forme une demande en divorce présente par avocat une requête au juge sans indiquer les motifs du divorce. Il s'agit de cette fameuse idée de tronc commun, qui est loin d'être inintéressante. Mais une difficulté se pose : l'acceptation de la demande ne peut se faire qu'avec l'assistance d'un avocat. Il s'agit en effet d'un acte qui engage définitivement celui qui l'accomplit. Or, avec le tronc commun, le défendeur ignore le motif de la demande de divorce. Il comparaît seul devant le juge. Il ne peut donc accepter la demande. L'amendement 117 propose donc de préciser non pas les motifs, mais la procédure du divorce.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Adopter cet amendement bouleverserait toute la logique du dispositif. La pacification serait remise en cause, les procédures rigidifiées. Dans l'hypothèse que vous évoquez, le juge, constatant l'accord des époux sur le divorce, ordonnera le renvoi de l'affaire à une audience à bref délai, pour laquelle le défendeur sera accompagné de son avocat.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable. Le tronc commun est un des points essentiels du projet. Il permettra de beaucoup simplifier. Je ne comprends pas pourquoi vous voulez revenir dessus. Le rapporteur a montré que le cas particulier que vous avez évoqué ne soulevait en fait aucune difficulté.

M. Etienne Pinte - Mon amendement 114 a un objet semblable. Vous ne pouvez prétendre gagner du temps en proposant que le juge renvoie à une audience ultérieure ! Dès la première audience, et par symétrie, étant donné que le demandeur a dû présenter sa requête par l'intermédiaire d'un avocat, le défendeur doit être accompagné de son propre conseil. C'est un simple problème d'équilibre, voire d'équité. J'admets parfaitement que les époux divorçant par consentement mutuel n'aient qu'un conseil, mais ce n'est pas le cas ici. Je rappelle que, dès l'audience de conciliation, sont prises des décisions extrêmement importantes, dont l'attribution du domicile conjugal par exemple ou de la résidence provisoire des enfants.

M. Alain Vidalies - Vos certitudes d'aujourd'hui, Monsieur le ministre, ne sont pas vos convictions d'hier ! Dans votre rédaction initiale, l'indication des motifs du divorce n'était « pas requise ». Elle n'était pas non plus interdite. Cette rédaction plus ouverte permettait de maintenir le tronc commun et de respecter la volonté des parties. La rédaction actuelle, beaucoup plus stricte, résulte de l'examen au Sénat et je regrette que le rapporteur la défende. La difficulté soulevée par M. Le Bouillonnec est réelle. Qui pourrait en effet retenir sérieusement l'explication du rapporteur, sachant que les délais de convocation par le greffe sont parfois, pour ce type d'audiences, de deux ou trois mois ? Pensez-vous bien écrire le droit en rallongeant ainsi la procédure ? Engagez-vous au moins à raccourcir par décret le délai de renvoi en audience !

M. le Rapporteur - L'audience de conciliation n'a pas pour but de débattre des motifs du divorce. Le tronc commun facilite la pacification du divorce. Il permet d'être tourné vers l'avenir, et non de se débattre dans les difficultés du présent. L'assignation permet, ensuite, de discuter des motifs du divorce.

M. le Garde des Sceaux - Je précise qu'en cas de demande acceptée, la convocation précisera clairement la nécessité d'être accompagné d'un avocat.

M. Alain Vidalies - Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Contrairement à ce que prétendait le rapporteur, une difficulté concrète se posait bel et bien. La solution que vous proposez me paraît la meilleure. Je retire donc l'amendement 117.

M. Etienne Pinte - Nous aurons eu du mal à arracher une réponse ! Je retire l'amendement 144.

Mme Christine Boutin - L'amendement 156 est retiré.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Notre amendement 118 prévoit que la requête informe le juge des procédures éventuellement engagées à l'encontre de l'un des époux pour des faits intervenus pendant le mariage. Il s'agit notamment des procédures mises en _uvre par le juge pour enfants, d'enquête ou d'assistance éducative par exemple, qui seraient susceptibles de peser sur la décision du juge concernant l'autorité parentale ou le droit de visite par exemple. Le juge doit être informé également des plaintes en matière pénale.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Nous sommes dans le cadre de la pacification. La cause du divorce ne fait pas l'objet d'une discussion lors de l'audience de conciliation. Aucun élément de preuve n'est d'ailleurs requis à l'appui de la demande, même lorsque la requête est fondée sur la faute du conjoint.

L'amendement 118, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

ART. 11

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'article 11 dispose que le juge cherche à concilier les époux tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences. L'amendement 94, lui, prévoit que le juge cherche à les concilier sur les mesures à prendre.

M. le Rapporteur - Il ne faut pas priver le juge d'une possibilité de conciliation sur le principe même du divorce, même si le taux de conciliation est très faible.

M. le Garde des Sceaux - Le rôle du juge, dans tous les cas, est de revenir sur le principe du divorce avec les parties. Même si le nombre de renoncements au divorce est faible, pourquoi exclure cette hypothèse ? Cette confrontation peut faire émerger quelque chose, donner lieu à une prise de conscience. La loi ne doit pas exclure cette possibilité.

L'amendement 94, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Geneviève Levy, rapporteure de la délégation aux droits des femmes - Je défends l'amendement 16 de M. Bourg-Broc. L'assistance obligatoire d'un avocat ne doit pas être limitée au seul cas du divorce accepté, prévu à l'article 233 du code civil. Il faut l'étendre à tous les cas de divorce.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République - L'amendement 89 est identique.

M. Etienne Pinte - Mon amendement 145 aussi.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La conciliation doit conserver son caractère personnel. A partir de l'assignation, les avocats pourront jouer leur rôle.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

Les amendements 16, 89 et 145, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 11, mis aux voix, est adopté.

ART. 12

M. le Rapporteur - M. Blessig va défendre l'amendement 21 de la commission.

M. Emile Blessig - Pour dresser un inventaire estimatif et faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux, le ministère d'un notaire n'est pas absolument indispensable, surtout en l'absence d'immeuble à partager. L'amendement 21 vise donc à permettre au juge de faire appel à tout professionnel qualifié.

L'amendement 21, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - M. Blessig présentera aussi l'amendement 22 de la commission.

M. Emile Blessig - En cas de liquidation du régime matrimonial, le juge peut désigner un notaire pour l'élaborer. Or, quand il n'y a pas d'immeubles, le ministère du notaire n'est pas indispensable. Ce juge pourrait faire appel à tout professionnel qualifié, dans un souci de simplification.

M. le Président de la commission - Cet amendement n'est pas sans risque. Il ne faudrait pas laisser de pseudo-professionnels intervenir dans des affaires aussi délicates, qui engagent l'avenir des enfants.

M. Emile Blessig - Ces professionnels seraient désignés par le juge, ce qui constitue une garantie.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable. Le risque est trop grand s'agissant de la liquidation du régime matrimonial.

M. Alain Vidalies - Aujourd'hui, en cas de divorce par consentement mutuel, l'intervention du notaire n'est pas nécessaire s'il n'y a pas d'immeuble en jeu. Votre projet va la rendre obligatoire. Pourquoi rendre aussi rigide la procédure ?

M. le Garde des Sceaux - Le juge « peut notamment désigner un notaire », dit le texte. Il le fera quand il aura le sentiment que les parties ne parviendront pas seules à liquider le régime matrimonial, ou s'il y a un immeuble dans la communauté.

L'amendement 22, mis aux voix, est adopté.

L'article 12 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 13

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'article 257-2 nouveau prévoit, à peine d'irrecevabilité, que la requête introductive d'instance comporte une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux. Notre amendement 96 vise à exiger une déclaration sur l'honneur des ressources, du patrimoine et des conditions de vie.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La déclaration sur l'honneur n'a d'intérêt qu'en fin de procédure. Les revenus et le patrimoine peuvent changer après l'assignation.

M. le Garde des Sceaux - Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il n'est pas inintéressant que les époux, au stade de la saisine, déclarent au juge la consistance de leur patrimoine. Cela permettrait d'éviter des difficultés ultérieurement.

M. Emile Blessig - En effet, il est important que le juge ait une idée de la situation. Il arrive trop souvent que le recel d'informations donne lieu à des difficultés extrêmes.

L'amendement 96, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 13, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - En cas de contentieux, il importe de clarifier dans la loi les conditions dans lesquelles il est permis d'invoquer des éléments appartenant personnellement à un des deux époux. Il s'agit de garantir la loyauté dans la détention des pièces. Notre amendement 97 vise à insérer dans le code civil un article 259-1 ainsi rédigé : « L'époux qui verse aux débats les communications échangées entre son conjoint et un tiers ou les écrits personnels appartenant à son conjoint établit, sous peine d'irrecevabilité, qu'il ne les a pas obtenus par fraude ou violence ».

Il est vrai que cette formulation se traduit par un renversement de la charge de la preuve. Mais c'est le seul moyen de donner une certaine rigueur à la communication des pièces.

M. Emile Blessig - L'amendement 23, adopté par la commission, est plus classique. La rédaction de l'article 259-1 proposée par le Sénat est lourde et ne tient pas compte des nouvelles technologies de communication. Je vous suggère la formule suivante : « Un époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu'il aurait obtenu par violence ou fraude. »

Cet amendement est certes moins révolutionnaire que celui de M. Le Bouillonnec, mais il s'applique à tous les types de preuves susceptibles d'être présentées à l'avenir, compte tenu de l'évolution des moyens de communication.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement 97 qui, comme M. Le Bouillonnec lui-même l'a admis, tend à renverser la charge de la preuve. En revanche, elle a accepté l'amendement 23.

M. le Garde des Sceaux - Même position.

L'amendement 97, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 23, mis aux voix, est adopté.

L'article 14 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 15

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - J'ai bien peur que mon amendement 98 ne tombe...

Mme la Présidente - En effet.

M. le Rapporteur - L'amendement 24 tend à supprimer une précision inutile.

L'amendement 24, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Par l'amendement 25, la commission entend laisser au juge la faculté d'apprécier l'opportunité de faire droit à la demande d'un époux, qui tendrait à ce que soient fixés les effets du jugement, s'agissant des biens du ménage, à la date à laquelle ces époux ont cessé de cohabiter et de collaborer.

L'amendement 25, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 15 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

M. le Rapporteur - L'amendement 26 est de précision : il rappelle que, dès lors que la convention de liquidation concerne des biens soumis à la publicité foncière, l'obligation de passer un acte notarié s'impose dans tous les cas de divorce.

L'amendement 26, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 27 réaffirme le caractère irrévocable des donations et avantages maintenus lors du prononcé du divorce. En principe, ces donations et avantages sont révocables entre époux mais, une fois confirmés dans le cadre du divorce, ils participent de l'équilibre organisé entre les deux parties et ils ne doivent donc pas pouvoir être remis en cause. La disposition contribue donc à une certaine sécurité juridique, après divorce.

L'amendement 27, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

L'article 16 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 17

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 99 tend à modifier l'article 266 du code civil, utilisé, de façon d'ailleurs variable selon les époques, pour réparer des préjudices, en concurrence avec l'article 1382. Aux termes de la rédaction proposée par le Gouvernement, « sans préjudice de l'application de l'article 270, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit de la dissolution du mariage soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint. » Nous proposons de séparer clairement recherche et réparation du préjudice en limitant l'application de cet article aux seuls cas où le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal. Dans les cas de divorce pour faute prononcé en application de l'article 242, il appartiendra au juge de retenir l'existence du préjudice et d'évaluer celui-ci sur le fondement de l'article 1382.

Il s'agit donc de tenir compte dans les deux cas du préjudice, mais en l'appréhendant de façon différente selon qu'il résulte des agissements du conjoint ou des modalités de la rupture.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. L'amendement tend à restreindre le champ des dommages et intérêts à un seul type de divorce, ce que la commission refuse.

L'amendement 99, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Il paraît logique que le défendeur dans un divorce pour altération définitive du lien conjugal ne perçoive des dommages et intérêts que s'il n'a lui-même formé aucune demande en divorce. D'où l'amendement 28.

L'amendement 28, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 29 tend à supprimer une possibilité de réparation en nature, la disposition, bonne dans son principe, étant difficilement applicable, notamment dans le cadre des injonctions de faire.

L'amendement 29, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 17 modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui se tiendra demain, mercredi 14 avril, à 15 heures.

La séance est levée à 23 heures 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 14 AVRIL 2004

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1218), relatif aux responsabilités locales.

3. Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n° 1338), relatif au divorce.

M. Patrick DELNATTE, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Rapport n° 1513.)

Mme Geneviève LEVY, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

(Rapport d'information n° 1486.)

4. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1514), autorisant la ratification de la décision du Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat ou de Gouvernement du 21 mars 2003 relative à une modification de l'article 10.2 des statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne.

M. Philippe COCHET, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères.

(Rapport n° 1538.)

5. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 762) relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

M. Francis DELATTRE, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Rapport n°1537.)

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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