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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 84ème jour de séance, 210ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 5 MAI 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE
      DES PERSONNES ÂGÉES
      ET DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 10

      ARTICLE PREMIER 15

      APRÈS L'ARTICLE PREMIER 19

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 6 MAI 2004 21

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE DES PERSONNES ÂGÉES
ET DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

Mme Nathalie Gautier - Depuis des mois, les personnels, les familles et les bénévoles appelaient l'attention sur l'impérieuse nécessité de répondre aux besoins des personnes âgées et des personnes handicapées. La crise provoquée par la canicule a montré les ravages que peut provoquer une politique de santé publique obnubilée par la maîtrise comptable des dépenses. Démonstration est faite que des mesures préventives sont indispensables pour rompre l'isolement social, et qu'il est impératif de dégager les moyens financiers et humains nécessaires. Il s'agit donc d'un choix politique.

Or, que faites-vous ? En proposant la création d'une caisse de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, vous engagez une partition inacceptable de la prise en charge des soins. La nouvelle branche de la sécurité sociale, telle que vous la proposez, porte en germe la rupture du pacte de solidarité constitutif de la sécurité sociale, car chacun risque de devoir s'assurer lui-même sans être jamais sûr, selon son âge et son état de santé, de le pouvoir.

De plus, le projet ignore l'expérience et les compétences acquises par les organismes de sécurité sociale et il n'améliore en rien la cohérence de la réglementation. De plus, nous craignons que les transferts de compétences relatifs au financement des établissements et des services pour les personnes handicapées ne renforcent les inégalités régionales.

Hormis ce qui a trait au financement, rien n'est dit de la gestion de la nouvelle caisse, rien non plus sur ses missions. Comment le Parlement peut-il se prononcer valablement en l'absence d'un projet complet, cohérent, et établi en concertation ? Quel est le lien entre ce projet et la réforme annoncée de l'assurance maladie ? Comment sera-t-il tenu compte des conclusions du rapport de MM. Briet et Jamet sur la CSA, qui ne seront connus que fin mai ? Comment comprendre que ce plan ne s'articule ni avec la loi de 2002 sur les droits des malades, ni avec la loi de santé publique, ni avec la loi de décentralisation, ni avec l'ordonnance relative à la simplification administrative dans le champ de l'hospitalisation ?

Et vous ne tenez aucun compte de l'avis unanimement négatif des syndicats, du Conseil économique et social, des caisses de sécurité sociale et du Comité national des retraités et des personnes âgées.

On se souvient du discours culpabilisateur que vous avez tenu après la canicule ; mais dois-je vous rappeler que votre gouvernement n'a pas voulu donner suite au plan de Mme Guinchard-Kunstler qui visait à procurer des moyens supplémentaires aux professionnels ?

Pourtant, la situation des maisons de retraite n'est pas enviable, les contrôles sont insuffisants et le manque de personnel flagrant. Un bilan des dispositifs existants était donc nécessaire, que prévoyait la loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie. Il aurait utilement éclairé la réflexion.

Pour notre part, nous sommes favorables à la création d'un fonds national de solidarité pour l'autonomie, chargé de contribuer au financement d'une prestation correspondant à un droit à compensation, de participer à la définition des orientations nationales et de la réglementation, chargé aussi de garantir le respect de l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire.

Il y a urgence, car il faut prendre rapidement en charge les conséquences de l'allongement de la durée de vie autrement que par la réforme injuste des retraites que vous avez imposée.

Nous ne pouvons que signifier notre opposition à un projet lacunaire et appeler de nos v_ux une politique qui ne se limiterait pas à considérer les personnes âgées et dépendantes comme un coût pour la collectivité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Vitel - La collectivité nationale se devait de prendre la pleine mesure des conséquences du vieillissement et de son corollaire fréquent, la dépendance. Le projet qui nous est soumis traduit largement cette préoccupation - l'attention due aux plus fragiles d'entre nous. Il témoigne d'une prise de conscience que la terrible canicule de l'été dernier n'a fait que précipiter. Nul, quelque soit le banc sur lequel il siège, ne peut éluder ses responsabilités, ce que vous avez lucidement souligné devant la commission d'enquête sur la canicule, Monsieur le ministre, en déclarant : « on veut bien vieillir dans ce pays, mais on ne veut pas en parler »...

De fait, depuis des décennies, aucun des gouvernements successifs n'a su anticiper les conséquences de l'évolution démographique, et la commission d'enquête a souligné, dans ses conclusions, à quel point la gestion de la crise avait été empirique, faute de coordination.

Le texte qui nous est proposé remédiera à ces graves lacunes en instituant dans chaque département un dispositif d'alerte géré conjointement par le préfet et par le président du conseil général. Les informations ainsi collectées enrichiront les plans nationaux de prévention. Le plan « canicule » dévoilé ce matin est d'ailleurs un exemple type de cette nouvelle coordination.

Quant au recensement communal des personnes âgées et handicapées isolées, il permettra de mieux repérer les populations à risque. Encore conviendrait-il d'éviter toute ambiguïté quant à l'éventuelle responsabilité pénale des maires au titre de l'imprudence ou de la négligence. Ne pourrait-on, d'autre part, étendre la faculté de signalement à des tiers ?

Ces demandes de précisions mises à part, nous soutiendrons sans réserve ce projet qui va dans le sens d'une plus grande justice sociale, d'une solidarité mieux affirmée et d'une fraternité plus marquée envers les plus fragiles d'entre nous. Le Gouvernement prend ses responsabilités, et c'est notre fierté de nous engager à ses côtés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Valérie Pecresse - Pour toutes les personnes dépendantes, rien n'est plus précieux que l'autonomie, mais nombreux sont ceux qui n'ont pas les moyens nécessaires pour mener une vie normale. Garantir l'autonomie de chaque Français, voici la nouvelle frontière sociale qu'il nous faut franchir. Mais sommes-nous prêts à nous engager à financer collectivement un besoin qui va inéluctablement s'accroître avec le vieillissement de la population et l'augmentation du nombre de personnes touchées par la maladie d'Alzheimer ? L'évolution constatée commande d'agir.

Mais il n'y a pas de véritable avancée sociale sans argent. Max Weber l'a dit : le vrai courage, celui du politique, c'est de faire passer l'éthique de la responsabilité avant l'éthique de conviction. C'est peut-être toute la différence entre la gauche et la droite. En effet, le gouvernement Jospin a fait ce que nous nous refusons catégoriquement : présenter un projet de réforme sociale sans financement. Demain on soigne gratis... En 2003, il manquait 1,2 milliard d'euros pour financer l'allocation personnalisée d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes. C'est l'honneur de la droite de régler rubis sur l'ongle les factures sociales de la gauche et notre action permettra de créer l'APAAA : l'APA avec l'argent !

Dans un contexte de croissance très molle, avec les déficits abyssaux du budget et de l'assurance maladie que nous ont légués nos prédécesseurs, nous ne pouvons augmenter les impôts : ce serait attacher un boulet supplémentaire aux pieds de notre économie et sacrifier l'emploi. Il est donc nécessaire de créer une nouvelle source de richesse pour financer ce progrès social.

M. Denis Jacquat - Que ne faut-il pas entendre !

Mme Valérie Pecresse - Or, il n'y a pas de richesse supplémentaire sans travail. Le choix du Gouvernement a donc été courageux et responsable : il demande aux Français d'offrir une journée de congé aux victimes des aléas de la vie. Cette réforme, qui garantira l'autonomie de chaque Français à tous les âges de la vie, est donc une vraie avancée sociale : elle est financée.

Parce qu'il marque une évolution fondamentale de notre solidarité nationale, j'aurais aimé que ce projet fût soumis aux Français par le Président de la République, par référendum. J'ai confiance en la générosité de nos compatriotes ; je ne doute pas de leur adhésion à ce projet d'une société plus sensible et plus humaine. Mais le Gouvernement a privilégié la rapidité et l'efficacité de la procédure législative. Il est vrai qu'un référendum coûte plusieurs centaines de millions et qu'il n'aurait pas été responsable de gaspiller de l'argent au moment où l'on en manque tellement pour financer nos politiques sociales.

Alors nous devons, en votant ce projet, remercier tous les Français qui contribueront à sa réussite par leur travail ou par leur contribution financière. Qu'il n'oublient pas qu'un jour, eux aussi, bénéficieront peut-être de cette nouvelle protection (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Hélène Mignon - J'aurais aimé avoir plus de temps pour répondre aux propos de Mme Pécresse. Je ne reviendrai pas sur les appréciations portées par mes collègues socialistes sur l'instauration d'une journée supplémentaire de travail, non rémunérée, mais que l'on n'impose pas à toutes les personnes actives de notre pays. M. Morin a lui aussi été très critique à ce propos.

Comme d'autres textes, et comme la volonté du ministre de l'économie d'ouvrir les commerces le dimanche, ce projet remet sournoisement en cause la réduction du temps de travail, pour la plus grande joie du Medef.

Les sommes ainsi récupérées alimenteront la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui aura pour ambition de financer le plan dépendance et la perte d'autonomie. La canicule de l'été dernier a motivé ce lancement précipité et, médiatisation oblige, nous parlons davantage des personnes âgées que des personnes handicapées - même si vous en avez traité longuement hier, Madame la ministre -, qui devraient pourtant bénéficier de la moitié de ce nouveau financement. C'est même à leur intention que Madame Boisseau avait évoqué pour la première fois l'idée du jour férié travaillé...

Si la mise en parallèle des personnes âgées avec les personnes handicapées peut avoir du sens, elle présente toutefois des limites. Il est difficilement concevable de résumer les situations de handicap à un problème de dépendance ou de perte d'autonomie.

Le mode de financement de la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est très critiqué par les acteurs sociaux, consternés que le Gouvernement ne trouve pas d'autre solution que la charité forcée. Il ne s'agit pas de solidarité nationale mais bien d'une bonne _uvre obligatoire, et sélective, en rupture avec le pacte de solidarité qui fonde la sécurité sociale. Comment changer le regard de la société sur les personnes handicapées si vous offrez une vision charitable du handicap ?

Nous le verrons avec le projet sur l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, la définition gouvernementale du handicap est conservatrice puisqu'elle impose une vision personnaliste du handicap. En en restant à la désignation des « personnes handicapées », on prend le risque de les enfermer dans une catégorie à part qu'il conviendrait de traiter, comme on l'a fait depuis des siècles, avec charité. Si l'on admet enfin que le handicap est l'interaction entre la déficience de la personne et les facteurs personnels et environnementaux, on parlera plutôt de « personnes en situation de handicap ». L'intérêt d'une telle définition est de rappeler que la priorité de l'action publique doit être de supprimer ou, à défaut, de réduire les situations de handicap, en rendant la société accessible grâce à une programmation régulière et chiffrée.

Ces chantiers doivent s'accompagner de la compensation des situations de handicap. Si tel est l'objectif de la CNSA, avec la nouvelle prestation de compensation, cela ne saurait exempter la société et les pouvoirs publics de leurs responsabilités. La vraie solidarité passe par la redistribution à partir de l'impôt sur le revenu. Tel n'est pas le choix du Gouvernement.

Je m'étonne également du calendrier choisi. Vous nous demandez de nous prononcer sur le mode de financement de cette nouvelle caisse sans que le contenu du droit à compensation soit entièrement défini par la représentation nationale. Vous nous demandez également de faire abstraction du débat à venir sur l'assurance maladie. Vous nous demandez de ne pas tenir compte du rapport non publié de MM. Briet et Jamet sur le champ d'intervention de cette nouvelle caisse. Vous nous demandez d'anticiper sur la réforme de la décentralisation et sur la nouvelle répartition des compétences. Nous insistons pour que, partout sur le territoire, l'égalité des droits soit respectée. Nous ne pourrons accepter qu'il y ait autant de politiques du handicap qu'il y a de conseils généraux.

Par ailleurs, qui a décrété que 850 millions sur plusieurs années suffiraient pour financer la prestation de compensation, dont nous ne savons ce qu'elle sera censée couvrir ? Les gestionnaires des caisses d'assurance maladie n'ont cessé de dénoncer les projets de transferts de dépenses maladie vers le département.

Votre action souffre cruellement d'un manque de vision globale. Le mode de financement n'est pas approprié. Les budgets escomptés seront largement insuffisants pour envisager une politique ambitieuse de suppression ou de réduction des situations de handicap, qui était pourtant un des trois chantiers prioritaires du Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Pierre Decool - L'objectif principal du projet est d'instituer un plan de solidarité en direction des personnes les plus faibles. Le dispositif tire les conséquences de la canicule et du vieillissement de la population, qui obligent les pouvoirs publics à améliorer l'accueil, les soins et la médicalisation des personnes dépendantes.

C'est dans ce sens qu'a été créée, en 2001, l'allocation personnalisée d'autonomie, mais aucun financement n'avait alors été prévu. Devant l'augmentation du nombre de dossiers, il est urgent de trouver les fonds pour la pérenniser.

Le plan « dépendance et solidarité » s'adresse également aux personnes handicapées, dont l'intégration dans notre société est une priorité du Gouvernement. Il convient notamment de faciliter l'accueil en établissements spécialisés. Dans la région Nord-Pas-de-Calais, la pénurie de places est telle que des familles sont dans l'obligation de placer leurs enfants en Belgique.

Le nouveau mode de financement sera pérenne et stable puisque le projet de loi crée une journée de solidarité. Créer des richesses supplémentaires, assurer à toute personne des conditions d'existence minimales, encourager le travail doivent être les objectifs des réformes à venir.

Mais comment, avec un droit du travail aussi complexe que le nôtre, concilier journée de travail supplémentaire et aménagement des conditions de travail ? La journée de solidarité doit être choisie d'un commun accord au sein de chaque structure, et j'approuve donc les assouplissements apportés par le Gouvernement en ce sens. Cependant je suis opposé à la suppression d'un jour férié, quel qu'il soit. Ces jours fériés font en effet partie des traditions de la société française et favorisent une activité économique non négligeable. Ainsi le lundi de la Pentecôte est en général réservé à des fêtes locales, préparées par l'ensemble de la population et contribuant à ce titre au maintien de la solidarité, notamment de la solidarité entre générations. C'est aussi l'occasion de manifestations sportives ou autres, qui permettent de promouvoir l'économie locale et le patrimoine historique et traditionnel.

Ce jour ne devrait donc être choisi comme jour de solidarité par une entreprise qu'avec l'accord de tous ses membres, d'autant que d'autres solutions sont possibles, du fait de l'aménagement des horaires de travail. Ainsi, dans le cadre de l'annualisation, ne pourrait-on se contenter d'augmenter de sept unités le quota d'heures travaillées ? Disposant d'heures de RTT, chaque salarié serait à même de choisir la journée à consacrer à la solidarité.

Un plan d'action en faveur des personnes dépendantes, une source de financement pérenne : autant d'éléments qui feront de ce projet un texte ambitieux et assuré de la durée, pourvu qu'il soit amendé afin de consacrer le libre choix de la journée de solidarité et, donc, de supprimer la référence au lundi de Pentecôte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Bapt - Le drame né de la canicule a montré combien il était difficile pour ce gouvernement d'appréhender la situation des personnes âgées dépendantes. Il a d'abord tenté d'escamoter le problème en culpabilisant familles et généralistes, puis il a invoqué la fatalité. Lorsque ces rideaux de fumée se sont dissipés, est venu enfin le temps de la cacophonie : la ministre déléguée à l'industrie a suggéré de relever le prix du timbre-poste, puis l'on s'est arrêté à la suppression d'un jour férié, dans le cadre d'un plan qu'on voulait ambitieux... mais qui est vite retombé comme un soufflé, la mesure étant contestée au sein même de l'UMP et en commission.

Ce sujet de société, le Gouvernement s'est entêté à le traiter de façon contestable et incomplète, sans la moindre concertation. On ne s'étonnera donc pas que tous les syndicats, toutes les caisses de sécurité sociale et le Conseil national des retraités se soient prononcés contre ce projet - seul le Medef ne s'y est pas opposé - et c'est ainsi que, pour la première fois depuis longtemps, on soumet au Parlement un texte qui fait l'unanimité contre lui, juste après que le Gouvernement a inscrit dans la loi une obligation de dialogue social ! Où est la cohérence ?

Cette méthode s'inscrit en contradiction avec celle que vous prétendez suivre pour la réforme de l'assurance maladie. Entendu par la mission d'information, M. Fragonard, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, a rappelé que cette dernière se fondait, outre sur le principe d'universalité, sur l'existence d'un système unitaire et il s'est donc inquiété d'une éventuelle autonomisation des soins aux personnes âgées, au sein d'une sorte de sécurité sociale autonome. Or, les travaux du Haut Conseil ont abouti à un consensus rare en la matière et le gouvernement ne cesse d'y faire référence. Pourtant, sa première décision est d'aller contre !

L'architecture du projet est également inacceptable. Tout d'abord, ce texte est injuste car le financement reposera, pour l'essentiel, sur les seuls salariés, comme si la solidarité n'était pas l'affaire de tous ! Dans une société où cohabitent désormais quatre générations, il est inacceptable de demander à la seule génération des actifs de financer la dépendance de ses grands-parents, alors qu'elle finance déjà l'éducation de ses enfants et la retraite de ses parents...

Dans cette affaire, le Gouvernement s'est en outre arrogé le droit de décider des conditions de travail à la place des partenaires sociaux. Seul le Medef n'a pas protesté, allant dans son obstination à combattre la réduction du temps de travail jusqu'à sacrifier la liberté contractuelle. La suppression d'un jour férié servira en fait de prétexte pour obliger les représentants des salariés à réexaminer les accords et conventions passés dans le cadre des 35 heures : le Medef et une partie de la droite tiennent enfin leur revanche ! Mais les conséquences de cela sont bien difficiles à calculer, comme l'ont montré les interventions de M. Le Garrec et même de M. Morin, qui appartient pourtant à la majorité... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du Gouvernement)

Les entreprises vont certainement y gagner, toutefois, puisque le prélèvement qu'elles subiront sera bien inférieur au gain procuré par une journée de travail supplémentaire non rémunérée : celui-ci pourrait représenter en moyenne 0,15 point de masse salariale par an, différence entre le produit de cette journée - 0,45 point - et le prélèvement de solidarité - 0,3 point. Mais il est vrai que toutes les entreprises ne chôment pas le lundi de la Pentecôte...

Le groupe socialiste s'inquiète donc beaucoup des effets de cette déréglementation et il aurait donc souhaité que, dans un élan de raison, le Premier ministre accepte de reporter cette discussion, quitte à reprendre ces dispositions dans le cadre d'une réforme globale de notre système de sécurité sociale. En dépit de sa volonté de participer de façon constructive au débat sur la protection sociale, il ne pourra par conséquent que voter contre ce projet.

M. Patrice Martin-Lalande - Quoi qu'en disent certains, cette réforme est une réforme fondamentale. C'est la première fois en effet que l'on traite globalement de la perte d'autonomie et que l'on se ménage de façon pérenne les moyens de prendre en charge personnes âgées et personnes handicapées - 9 milliards pour les seules quatre années à venir, le tout gagé sur une journée de travail supplémentaire.

La dépendance est un défi nouveau pour notre société. Douze millions de plus de 60 ans, quatre millions de plus de 75 ans, 800 000 personnes âgées dépendantes : le problème est désormais structurel.

Un deuxième défi est celui de l'intégration des personnes handicapées - et parfois polyhandicapées -, dont le Président de la République a fait l'un des grands chantiers du quinquennat. Nous y reviendrons avec le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances et pour la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui marquera une nouvelle grande étape après les lois de 1975 et de 1987.

Ce projet marque donc une avancée sur ces deux points. Cependant, je souhaiterais revenir sur deux sujets que j'avais déjà abordés dans une question orale de janvier. Le premier a trait aux difficultés que rencontrent les maisons de retraite pour pourvoir les postes de directeur. Ainsi, dans ma commune, le fonctionnement quotidien de la maison de retraite est perturbé pour cette raison depuis trois ans. Vous m'aviez répondu que des mesures étaient prises : je vous en remercie, mais pouvons-nous avoir rapidement le feu vert pour expérimenter des recrutements contractuels ?

D'autre part, les services de soins infirmiers à domicile sont touchés par des difficultés financières, liées notamment à l'application des 35 heures (Mme Hélène Mignon s'exclame). Dans le Loir-et-Cher, 84 places autorisées restent à financer, sur 618 créées. Et de nombreuses personnes attendent toujours d'être prises en charge. J'espère que les moyens mobilisés dans le cadre de ce projet de loi permettront de répondre aux besoins et, ainsi, de concrétiser les engagements pris.

Je souhaiterais maintenant me faire l'écho de deux questions qui m'ont été posées à plusieurs reprises, lors de la concertation préalable à l'examen du texte que j'ai menée dans ma circonscription. Ne serait-il pas opportun de créer aussi des salles « rafraîchies » dans les foyers d'accueil d'adultes et d'enfants handicapés ainsi que dans les foyers occupationnels ? L'institution de la journée de solidarité augmentera mécaniquement la masse salariale des établissements du secteur médico-social. Ne risque-t-on pas de solliciter davantage les départements et autres financeurs ? Je ne doute pas que ces questions trouveront réponse au cours du débat, et qu'une fois de plus, la volonté politique de ce gouvernement nous permettra de franchir un grand pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées - Au terme de ce débat riche et intéressant, je m'efforcerai de répondre à chacun des orateurs.

Oui, Monsieur Leteurtre, le temps presse. Sur les 650 000 places d'accueil en maison de retraite, un tiers seulement est médicalisé. Les mesures proposées nous permettront d'en médicaliser 160 000 dès 2004. Elles nous permettront également de créer 17 000 places de soins infirmiers à domicile, alors qu'il n'en existe aujourd'hui en moyenne qu'une pour sept personnes âgées de plus de 75 ans. L'effort de solidarité demandé aux Français sera équitablement réparti entre salaires et revenus du capital. Les professions indépendantes y participeront également par le biais des salaires qu'elles versent à leurs collaborateurs. Si les aides et les soins liés à la dépendance ont vocation à être pris en charge par la nouvelle caisse, branche non pas d'assurance mais de protection sociale, ceux liés à la maladie continueront bien entendu d'être pris en charge par l'assurance maladie.

Monsieur Gremetz, s'il est un reproche qui peut être indifféremment adressé à la droite comme à la gauche, c'est bien de n'avoir pas durant des décennies anticipé la révolution sociale provoquée par le vieillissement de la population et de n'avoir pas adapté les politiques à l'allongement de l'espérance de vie. Ce gouvernement, enfin, en a pris la mesure et propose des mesures réalistes, et surtout financées. Pour ce qui est de vos remarques concernant la justice sociale, permettez-moi seulement de rappeler que 17 millions de foyers imposables paieront en 2004 un impôt sur le revenu inférieur de 10 % à ce qu'il était en 2002 et que 8,5 millions de salariés modestes bénéficieront de l'augmentation de la prime pour l'emploi, conjuguée à une revalorisation historique du SMIC.

Monsieur Perrut, je vous remercie de votre soutien responsable. Notre pays doit en effet relever le défi de la longévité par le biais d'une politique réaliste et solidaire, et envisager de façon globale la prise en charge de la dépendance. Tirant les leçons de l'imprévision qui avait conduit à la catastrophe de l'été dernier, le Gouvernement a, dès septembre dernier, commencé d'élaborer un projet de solidarité au profit des personnes âgées et handicapées.

Monsieur Le Garrec, après avoir regretté un manque de cohérence du texte, vous avez fait état de divers sondages dont, élu local comme moi depuis longtemps, vous auriez dû apprendre à vous méfier... J'ai toujours reconnu le rôle important joué par les familles dans la prise en charge des personnes âgées. Nul n'a le monopole du c_ur, et vous n'êtes pas les seuls à reconnaître à sa juste valeur l'effort d'autrui.

M. Morin a reçu un soutien marqué de la gauche pendant son intervention et je m'en étonne.

M. Gérard Bapt - Nous l'avons écouté attentivement.

M. le Ministre délégué - L'institution d'une journée de solidarité permet d'éviter une augmentation des prélèvements obligatoires, ce dont il faut se féliciter. Pour ce qui est de « la corvée », je lui rappelle que celle-ci s'effectuait au profit des seigneurs. Or, je ne tiens pas, pour ma part, les personnes âgées ou handicapées pour des seigneurs. Pour le reste, je garderai pour moi mon sentiment personnel...

Monsieur Colombier, j'ai apprécié votre pragmatisme et votre lucidité. J'ai reconnu en vous l'acteur de terrain attaché à la solidarité et à la générosité. Vous avez, à juste titre, mis l'accent sur la maladie d'Alzheimer, qui atteint d'ores et déjà 135 000 personnes dans notre pays et sera comme le cancer de l'avenir. Nous allons créer 8 000 places d'accueil de jour et 4 000 places d'accueil temporaire, mettre en place aussi des gardes de nuit itinérantes, afin de soulager les familles qui accompagnent les malades, car il nous faut aussi penser à elles.

M. Gérard Bapt et M. Patrice Martin-Lalande - Tout à fait !

M. le Ministre délégué - Monsieur Terrasse, je me doutais bien que, discutant d'orientations voulues par le Premier ministre nous aurions du mal à nous entendre ! Voyez-vous, ce qui nous différencie, c'est que nous, nous finançons les mesures que nous annonçons. L'affectation des ressources collectées sera totalement transparente, comme il est normal. Celles-ci iront à un établissement public à caractère administratif, créé spécifiquement, et dont les organes de surveillance associeront des représentants des élus, des partenaires sociaux et des associations. En ce qui concerne les crédits d'investissement destinés à la rénovation des maisons de retraite, ils ont tous été délégués dans les départements. On ne peut donc pas parler, comme vous l'avez fait, de « gel ».

Mme Aurillac a souligné que ce gouvernement avait veillé à assurer le financement des mesures prises, et je l'en remercie, comme je la remercie de la confiance qu'elle nous accorde et de ses analyses particulièrement lucides.

Madame Gautier, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie vient en complément des différentes branches de la sécurité sociale. Elle n'est absolument pas destinée à se substituer à l'une d'entre elles. Attendre la réforme de l'assurance maladie, comme vous le suggérez, aurait été se priver de financement complémentaire jusqu'à 2005, alors que chacun s'accorde à reconnaître l'urgence d'agir. Enfin, vous n'êtes pas les seuls capables de défendre les familles. Nous aussi comprenons les problèmes de nos concitoyens et y apportons des réponses concrètes, en assumant nos responsabilités.

Monsieur Vitel, vous avez bien décrit la situation actuelle et insisté sur l'urgence d'accompagner le vieillissement et le handicap par des mesures nouvelles et des moyens supplémentaires. Vous avez par ailleurs vanté les mérites du plan de veille et d'alerte qui jusqu'ici n'existait pas.

M. Gérard Bapt - C'est vrai !

M. le Ministre délégué - Voici encore une avancée sociale qui aurait peut-être permis, si elle avait été réalisée plus tôt, d'empêcher le drame de l'été dernier.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Vous ne pouvez pas dire cela !

M. le Ministre délégué - S'agissant de la responsabilité des maires, le Gouvernement présentera un amendement pour lever toute ambiguïté. Je vous remercie encore de votre soutien.

Madame Pecresse, c'est vrai, une idée généreuse ne sert à rien, si elle n'est pas financée. Vous avez insisté sur l'urgence de la réforme et la nécessité d'appeler à la solidarité nationale. Nous allons dans ce sens.

Madame Mignon, c'est Mme la secrétaire d'Etat qui vous répondra, car vous avez parlé des handicapés.

Monsieur Decool, vous avez mis l'accent sur les 400 millions d'euros supplémentaires dégagés chaque années pour assurer le financement complémentaire de l'APA, qui se trouve ainsi pérennisée. L'aide à domicile est prise en compte, le jour de solidarité sera librement déterminé dans le privé comme dans le public, et ce n'est qu'en cas de désaccord que le lundi de Pentecôte sera choisi.

Monsieur Bapt, le drame de la canicule nous a tous profondément touchés et personnellement, je n'oublierai pas toutes ces heures passées dans les hôpitaux, et en particulier les journées des 12, 13, 14 et 15 août, où tant de décès furent enregistrés. Ce sont des moments qui vous marquent à vie, et il était urgent de réagir. Le dialogue a été noué dès le mois de septembre pour préparer le plan vieillissement et solidarité. Je m'étonne que personne n'ait songé à interroger les personnes âgées...

Mme Muguette Jacquaint - C'est pourtant l'ABC !

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Nous, on l'a fait !

M. le Ministre délégué - J'ai écouté un radio-trottoir, où une trentaine de personnes âgées étaient interrogées, et toutes approuvaient nos mesures. J'ai également lu le sondage auquel M. Le Garrec faisait référence. Il va dans le même sens.

Monsieur Martin-Lalande, vous soulignez le caractère sans précédent de ce texte réaliste. Concernant les postes non pourvus de directeurs sur 250 établissements, nous envisageons de nommer des contractuels, d'améliorer le statut de directeur, et d'organiser des concours exceptionnels.

M. Patrice Martin-Lalande - Merci !

M. le Ministre délégué - Nous allons poursuivre ce débat fructueux dans l'intérêt des personnes âgées et des personnes handicapées. L'effort demandé aux Français est juste et leur fait honneur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - Aujourd'hui, M. Perrut, M. Colombier, Mme Aurillac, M. Vitel, Mme Pecresse, M. Decool et M. Martin-Lalande ont souligné la gravité du risque de dépendance dans notre pays. Tous ont montré combien le Gouvernement était attaché à dégager des financements nouveaux, compréhensibles de nos concitoyens, parce que fondés sur le don de temps libre. Ils ont rappelé que les Français étaient généreux et capables de répondre à des causes justes, tels le grand âge et le handicap. Merci pour votre clairvoyance et votre sens des responsabilités.

M. Le Garrec, M. Morin, M. Terrasse ont choisi un style flamboyant pour fustiger l'incohérence des textes, agiter le spectre du trouble social, et démontrer l'impossibilité de la négociation collective sur la journée de solidarité. Vous nous avez renvoyés à des doctrines socio-économiques fort éloignées des attentes des personnes dépendantes.

Madame Mignon, merci d'avoir évoqué avec tant de sincérité et de c_ur la situation des personnes âgées dans notre pays. C'est vrai, Mme Boisseau a très tôt imaginé la suppression d'un jour férié comme source de financement. Vous avez également envisagé la vision personnaliste du handicap pour lui opposer celle, plus large, de l'environnement. Gardons nous d'entrer dans un débat trop sémantique et éloigné de nos concitoyens.

Vous m'avez encore interrogée sur l'emploi de ces 850 millions. Ayons quelques chiffres en tête. L'amélioration en aide humaine coûterait 50 millions d'euros, et avec 100 millions d'euros, on pourrait accroître de 20 % l'aide compensatrice de tierce personne. Quant à ce qui reste à charge pour l'aide technique, cela représente 300 millions.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

Mme Muguette Jacquaint - J'ai entendu Mme Pecresse parler d'urgence ; je parlerais plutôt de passage en force. Vous vous appuyez sur l'été meurtrier de l'an dernier, pour travestir les valeurs du pacte républicain. Et vous faites fi de l'hostilité des partenaires sociaux. Après tout, vous étiez déjà restés sourds au message des urnes !

Ce projet est éloigné des intentions que vous lui prêtez. Loin d'être solidaire, il ouvre la voie au démantèlement de notre protection sociale, mais surtout, il esquive le débat sur la prise en charge de la dépendance par notre système solidaire et universel issu de la Résistance. Enfin, vous nous demandez de légiférer sans nous fournir tous les éléments nécessaires. C'est pourquoi nous demandons le renvoi du projet en commission.

D'autre part, cet effort inégal financera un plan dépendance contesté par les principaux responsables d'association. Les morts de cet été ont plongé la France dans un état de choc. Comment une telle tragédie a-t-elle pu se produire dans notre pays ? Les Français ont été bouleversés, parfois révoltés devant les dysfonctionnements et les carences, dues avant tout à l'insuffisance des moyens. Ils ont été souvent sceptiques sur la sincérité des informations. Ils attendaient un bilan exhaustif, et des mesures pour ne pas revivre un tel drame.

Face au nombre de décès, comment ne pas s'interroger sur la pertinence des politiques de santé publique, dont l'objectif premier a été de réduire les dépenses plutôt que de chercher des financements permettant de satisfaire la diversité des besoins ? La taxation des revenus financiers des entreprises au même taux que les salaires dégagerait 15 milliards et la suppression de la taxe sur les salaires acquittée par les hôpitaux permettrait de financer 50 000 emplois. Mais vous poursuivez la démarche de régression du plan Juppé de 1995...

M. François Rochebloine - Ne soyez pas agressive.

Mme Muguette Jacquaint - Je ne suis pas agressive, je constate.

Vous poursuivez dans cette voie malgré toutes les mises en garde du mouvement social, relayées par les députés communistes. Aussi, n'essayez pas de culpabiliser nos concitoyens. Les responsables, ce sont les pouvoirs publics qui ont mené de telles politiques depuis plus de vingt ans. Il n'y avait pas de fatalité, et ce drame n'est pas survenu comme l'éclair dans un ciel serein.

Ce projet est loin d'en tirer toutes les leçons. D'abord, il écorne la notion de solidarité. Les Français sont généreux, certes, mais il ne faut pas toujours demander aux mêmes de l'être, c'est-à-dire aux salariés ! On leur demande pourtant de travailler un jour chômé. Le rapporteur propose que ce jour soit déterminé par la négociation, le Gouvernement envisage un recours aux heures supplémentaires. Mais cela revient au même : la richesse produite sera taxée à 0,3 % pour rapporter 1,2 milliard en année pleine. C'est une vision étroite, partisane, de la solidarité, une conception libérale, puisque les actifs sont seuls à l'assumer, à l'exclusion de deux millions de professionnels libéraux, d'exploitants agricoles, d'artisans sans salarié. S'il s'agit d'un oubli, adoptez un de nos amendements qui rétablit une solidarité universelle. Sinon, c'est du clientélisme. Il y aurait des difficultés techniques de prélèvement. Mais ces personnes payent les cotisations sociales et l'impôt sur le revenu. L'argument ne tient pas. En réalité, la solidarité sera l'affaire de quelques-uns.

De plus, elle répond à une exigence du Medef. Vous poursuivez le dynamitage des 35 heures en supprimant un jour férié. On parle même de faire travailler le dimanche.

M. François Rochebloine - Cela, c'est une erreur.

Mme Muguette Jacquaint - Jamais depuis 1936 un gouvernement n'avait osé allonger la durée du travail. Vous allez le faire au profit des entreprises, car les trois quarts de la richesse créée iront dans les portefeuilles des actionnaires, et l'on pourra remettre en cause les accords déjà conclus. Pour autant, dans certains secteurs les entreprises produiront plus avec le même effectif et accroîtront leur productivité, peut-être au détriment de l'emploi.

Bref, la solidarité sera assumée par quelques-uns, profitera plus aux patronat qu'aux personnes âgées et pénalisera les salariés. Ils perdront un jour chômé, travailleront davantage, paieront la TVA sur la richesse produite en supplément et risquent de supporter une hausse des impôts locaux, car il est prévu un prélèvement sur les ressources des collectivités locales. Ce sont les grands perdants de cette solidarité à la sauce libérale (Murmures sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Ce prélèvement alimentera une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Il est incohérent de nous faire légiférer alors que l'on ne sait pas exactement ce que sera cette caisse, dont deux hauts fonctionnaires, MM. Briet et Jamet, sont chargés de définir le périmètre et les modalités de fonctionnement et de financement. De plus, nous allons cet été débattre de l'assurance maladie. Ne pouvait-on attendre jusque-là ? Entre-temps, nous aurons débattu aussi de la loi sur le handicap. Bref, ce projet vient trop tôt, sans que l'on puisse avoir une vision globale des réformes proposées.

Autrement dit, vous attendez de la représentation nationale qu'elle vous signe un chèque en blanc, au lieu de la laisser légiférer en étant valablement éclairée. Voilà qui, déjà, rend ce projet inopportun, mais à cette raison s'en ajoute une autre : l'accueil que votre proposition a reçu des conseils d'administration de la CNAM, de la CNAV, de la MSA et de l'ACOSS qui, unanimes, l'ont condamnée. Si le Gouvernement daigne appliquer le principe qu'il vient de faire adopter en réformant la négociation collective, il n'a d'autre choix que de retirer sans tarder le plan « dépendance » et ce projet rejeté par quatre caisses de sécurité sociale dans une démarche commune exceptionnelle.

Comment ne pas tenir compte de ces prises de position ? Comment ne pas prendre ce texte et les propos des ministres pour des abus de langage, sinon pour une perversion du discours ? Comment entendre sans réagir le Premier ministre affirmer que le Gouvernement s'apprête à créer « une nouvelle branche de la protection sociale », alors que la CSNA ne fera pas partie de la sécurité sociale, qu'elle sera seulement un organisme collecteur mis au service des départements, lesquels auront désormais la responsabilité de la prise en charge de la dépendance ? Les caisses de sécurité sociale considèrent bien que la dépendance est un risque social à part entière, mais elles estiment aussi que le dispositif proposé n'est pas à la hauteur de l'enjeu et surtout qu'« il porte en germe une rupture du pacte de solidarité constitutif de la sécurité sociale » et qu'il engage « une partition inacceptable dans la prise en charge de la dépendance ». Comment être plus clair ?

Les caisses dénoncent l'absence de concertation et soulignent l'incohérence de la démarche gouvernementale. Nous inviter à légiférer aujourd'hui relève du coup de force, d'autant que ce que l'on sait des premières conclusions du rapport de MM. Briet et Jamet confirme que le Gouvernement n'a pas l'intention de faire entrer le risque dépendance dans le champ de la protection sociale. On peut donc légitimement craindre de voir les crédits de l'assurance maladie captés par la CNSA et d'assister au recul progressif de la couverture, par l'assurance maladie, des soins aux personnes handicapées et aux personnes âgées, qui deviendraient des assurés sociaux de second ordre. La CNSA, financée par la suppression d'un jour férié, est bien un dispositif indépendant de la sécurité sociale, quoi qu'en dise le Premier ministre, et elle servira, contrairement à ce qu'avait affirmé M. Fillon, à couvrir une partie des dépenses de santé des personnes âgées.

C'est une dangereuse première. Non seulement une catégorie de la population sera ainsi stigmatisée, mais le pacte de solidarité entre les générations sera rompu. Tel est le mauvais coup mal caché derrière ce montage pernicieux auquel nous opposons une contre réforme : la création d'une véritable prestation de sécurité sociale, destinée à couvrir ce qui est, on l'a dit, un risque social à part entière.

Ce risque, qui pourrait être rattaché à l'assurance maladie, permettrait, en créant un droit unique, de mettre fin à l'inégalité de traitement constatée selon que le handicap se manifeste avant ou après 60 ans. Il pourrait s'agir d'une prestation universelle, des compléments spécifiques s'ajoutant à un socle commun. Nous présenterons un amendement en ce sens. Un tel dispositif remédierait en outre aux difficultés que connaît l'aide sociale départementale, mise à contribution dans la prise en charge du handicap et de la dépendance, ce qui entraîne des inégalités de traitement régionales tout en perpétuant une image de charité et d'assistance que beaucoup refusent, à juste titre. Or, c'est précisément la voie que suit le Gouvernement, bien qu'il s'en défende.

Certes, la question du financement de ce nouveau risque de se poser dans un contexte de déficit du régime général...

M. François Rochebloine - A qui la faute ?

Mme Muguette Jacquaint - Je vous rappelle que cette situation s'explique par l'échec d'une succession de plans de redressement dont l'unique objectif est de réduire les dépenses bien davantage que par la gourmandise supposée des Français pour les médicaments ! La bataille du déficit de la sécurité sociale se gagnera sur le terrain des recettes, et nous pouvons nous reposer sur les principes qui ont fondé le financement de notre protection sociale à condition de les adapter à l'époque. En bref, l'universalité du financement doit perdurer, de même que la contribution de chacun en fonction de ses moyens. C'est dire que la prise en charge du nouveau risque par la sécurité sociale suppose de prendre pour assiette l'ensemble des revenus de toute nature.

Il faut donc réformer l'assiette des cotisations patronales, car on ne peut accepter que des entreprises gagnent de l'argent en supprimant des emplois et contribuent ainsi de moins en moins au financement de la protection sociale. Les taux de cotisation doivent être modulés pour tenir compte à la fois de la taille de l'entreprise et surtout de sa politique de l'emploi et des salaires : les entreprises qui créent des emplois, relèvent les salaires et adoptent une politique de formation active pourraient bénéficier d'une baisse des taux, alors que celles qui font le choix des profits financiers se verraient appliquer un taux de cotisation majoré. Cette modulation pourrait aussi favoriser l'intervention des salariés dans la gestion de leur entreprise.

Bien sûr, cette réforme devrait s'accompagner de la recherche de nouvelles ressources, comme la mise à contribution des revenus financiers, le remboursement de la dette patronale, la suppression des exonérations de cotisations. Ce débat nous occupera une bonne partie de l'été...

Vous l'avez compris, nous récusons l'idée de la CNSA. D'abord, parce qu'elle nie les compétences et l'expérience des organismes de sécurité sociale, qui seront précieuses pour mettre en _uvre des dispositifs fort complexes. Ensuite, parce que la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale pour le traitement des personnes dépendantes ou handicapées pourrait remettre en cause le caractère universel de l'assurance maladie.

Les besoins de financement du plan dépendance sont estimés à 10 milliards. Avec la suppression d'un jour férié et la contribution de 0,3 %, les recettes sont portées à 1,2 milliard auquel s'ajoute la part des trois fonctions publiques, soit 1,6 milliard ; 300 millions au titre d'une contribution additionnelle à la CSG sur les revenus du patrimoine et des placements ; 900 millions au titre de la CSG ; et 60 millions provenant des caisses de retraite, soit un total de 2,8 milliards en année pleine.

Pour notre part, nous proposons d'autres pistes de financement, davantage fondées sur la justice sociale et la solidarité. Tout d'abord, l'impôt dit de solidarité sur la fortune n'a pas toujours vocation à être baissé, comme vous l'avez fait depuis votre arrivée au pouvoir, au risque d'édulcorer son rôle de solidarité. Or, cet impôt rapporte chaque année 2,5 milliards, soit presque autant que les prélèvements que je viens d'énumérer. Quadruplez-le et vous financerez en un an l'ensemble de votre plan ! Faites preuve de courage politique en instituant cette « journée de solidarité des fortunés »... Cette solution, que nous défendrons par voie d'amendement, éviterait que seuls les salariés soient mis à contribution.

Autre possibilité, qui montre que la suppression d'un jour férié n'avait rien d'inéluctable...

M. Maxime Gremetz - Très bien !

Mme Muguette Jacquaint - ...renoncer aux deux milliards de réduction de l'impôt sur le revenu au profit des deux tranches les plus hautes. Ni cette mesure, ni l'augmentation de l'ISF ne ruineraient ceux qui y sont soumis.

Dernière proposition, supprimer les exonérations de cotisations patronales et exiger le remboursement de la dette patronale.

M. Maxime Gremetz - Voilà !

Mme Muguette Jacquaint - Dans le budget de l'emploi pour 2004, le Gouvernement a accordé 21 milliards d'exonérations de cotisation patronale, dont seulement 18 sont compensées. Pour quel résultat ? Un taux de chômage à 10 %, une croissance économique proche de zéro en 2003, et bien timide en 2004.

J'observe enfin que les 2,5 milliards attendus pour la CNSA correspondent aux 2,5 milliards qui seront consentis aux entrepreneurs par la suppression de la taxe professionnelle. J'observe que le 1,6 milliard escompté du travail gratuit des salariés correspond à ce que vous accordez aux restaurateurs. J'observe que les 400 millions que vous allez prendre sur les budgets des fonctions publiques correspondent à l'abattement de l'ISF pour les plus riches.

Voilà la réalité des chiffres et je regrette que le ministre de l'économie ne soit pas là pour nous dire comment il compte régler les 7,8 milliards de promesses électorales, alors qu'il demande à ses collègues un même montant d'économies. Aux 150 millions de compensations lâchées en décembre aux buralistes, s'ajoutent 1,5 milliard d'allégements de charges accordés mi-mars aux restaurateurs pour les prochains dix-huit mois ; 2,5 milliards d'exonérations de taxe professionnelle promises par Jacques Chirac aux entreprises ; 400 millions qu'il va falloir débourser avant la fin du premier trimestre pour les personnels hospitaliers en échange du rachat des jours de RTT ; 3 milliards d'euros promis aux chercheurs ; sans oublier le coup de pouce de 311 millions que viennent d'obtenir les harkis et les 35 millions d'aides accordés en urgence aux filières laitière et porcine début janvier. Je l'ai dit, l'addition des cadeaux préélectoraux que vient de concéder Jean-Pierre Raffarin s'élève à plus de 7,8 milliards d'euros. C'est impressionnant, d'autant que ne figure pas dans cette liste la promesse du Président de la République de ramener à 5,5 % la TVA dans la restauration, soit 3 milliards dès 2005.

M. Maxime Gremetz - Scandaleux !

M. Denis Jacquat - Devant notre commission des affaires sociales, M. Fillon a déclaré le 3 mars dernier : « Quant au caractère jugé « archaïque » du mode de financement proposé, c'est d'abord aux Français qu'il appartiendra de juger ». Eh ! bien, c'est ce qu'ils ont fait les 21 et 28 mars !

M. Maxime Gremetz - Très bien !

M. Roland Chassain - Et le 21 avril ? Vous avez la mémoire courte !

Mme Muguette Jacquaint - Entendez-les en retirant ce texte !

Au moment ou nous entamons la dernière ligne droite de la réforme de l'assurance maladie, il est inopportun de discuter de la prise en charge de la perte d'autonomie et du handicap. Pour toutes ces raisons, il y a lieu de renvoyer ce texte en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. le Ministre délégué - Nous n'avons, en effet, pas la même vision de la solidarité et je doute que nous parvenions à nous convaincre mutuellement...

Cela étant, je ne puis vous laisser dire que nous n'aurions pas tiré les conséquences du terrible drame de 2003 puisque, dès septembre, le Premier ministre a réuni nombre de partenaires en vue d'élaborer le plan vieillissement solidarité dont vous examinez une partie ce soir.

Je relève aussi un certain nombre de contradictions dans votre propos. Alors que votre collègue intervenant dans la discussion générale assurait que même le Medef était opposé à ce texte, vous nous dites que nous répondons à ses exigences ! Par ailleurs, après nous avoir reproché de ne pas tirer les leçons de la canicule, vous concluez que l'on aurait pu attendre encore un peu. Pour notre part, nous refusons l'immobilisme, parce que nous considérons qu'il y a urgence et qu'il est indispensable de prendre mieux en charge la dépendance.

J'invite donc l'Assemblée à rejeter la motion de renvoi.

M. Philippe Vitel - Peut-être vais-je vous décevoir, Madame Jacquaint, mais vous ne nous avez pas convaincus de renoncer à examiner immédiatement ce projet novateur et indéniablement utile aux personnes dépendantes ! Oui, la solidarité doit être l'affaire de tous, mais rien dans ce texte ne vous autorise à soutenir qu'il n'en sera pas ainsi (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Il est un point toutefois sur lequel nous vous rejoignons : c'est lorsque vous critiquez les choix faits depuis vingt ans, lorsque vous dénoncez l'insuffisance de la politique sanitaire menée pendant cette période et les faiblesses de notre service public de soins. Mais, au cours de ces deux décennies, vous avez été au pouvoir pendant quinze ans. Vous portez donc pour une bonne part la responsabilité de ces lacunes !

M. Maxime Gremetz - Nous n'avons pas voté les lois de financement de la sécurité sociale !

M. Philippe Vitel - Ce projet constitue une immense avancée pour les plus fragiles et il sera certainement encore amélioré par nos amendements. Le groupe UMP n'a par conséquent aucune raison de voter la motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Nathalie Gautier - Nous approuvons, nous, l'essentiel des arguments développés par Mme Jacquaint...

M. François Rochebloine - Mais pas tous, donc !

Mme Nathalie Gautier - ...Et ce sont d'ailleurs ceux que nous avons nous-mêmes exposés au cours de la discussion générale. Il est par exemple inacceptable d'obliger les salariés à travailler un jour chômé sans être rémunérés, et nous ne saurions non plus admettre qu'on remette en cause la durée légale annuelle du travail. La mesure proposée s'appliquera aux seuls salariés actifs, mais non aux professions libérales, aux agriculteurs, aux commerçants et artisans, ni aux retraités. Pourtant, ne sont-ils pas menacés, eux aussi, par la dépendance ?

Ce projet contribuera en outre à alourdir les charges pesant sur les collectivités, ce qui se traduira inévitablement par un nouveau relèvement des impôts locaux.

Du point de vue juridique également, l'institution de ce jour de solidarité est contestable : vous donnez aux employeurs la possibilité de faire travailler les salariés sans les rémunérer !

Proposé sans avoir été précédé d'une réflexion de fond, ce texte remet en cause l'égalité des droits, qui passe par l'unicité de financement des soins et des prestations. A une prestation universelle, à un droit à compensation, vous avez préféré une assurance maladie spécifique aux personnes âgées et handicapées, ouvrant la porte à un démantèlement de la sécurité sociale en passant par-dessus l'opposition unanime des caisses. A cela vous ajoutez l'incohérence en nous demandant d'instituer une Caisse nationale de solidarité aux contours bien flous. Le groupe socialiste votera par conséquent le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

M. Maxime Gremetz - J'ai été, moi, convaincu par le très convaincant exposé de Mme Jacquaint ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Ce qu'elle a dit n'est en effet que la réalité, et le bon sens.

J'ai cru voir que ni le Gouvernement ni mes collègues ne comprenaient ce que je disais tout à l'heure, à propos des deux tiers-un tiers : sans doute n'ont-ils pas fait l'effort nécessaire, mais je leur expliquerai cela dans un moment. Quand nous avançons quelque chose, nous en faisons la démonstration !

Je n'ai pas dit que le Medef était opposé à ce projet, comme l'insinue M. Falco. Je sais bien que c'est tout le contraire. Il ne fait que semblant de s'y opposer, pour alimenter la thèse selon laquelle le patronat devrait s'acquitter de 0,3 point de masse salariale, mais comment n'apprécierait-il pas qu'on remette en cause les 35 heures, par une voie détournée et sans qu'il soit besoin d'une loi spécifique ? Car c'est bien à cette remise en cause qu'aboutira ce projet : il allonge la durée du temps de travail et il permet de revenir sur tous les accords et conventions !

Le Medef est favorable aussi parce que les patrons ne paieront pratiquement rien. Si on avait vraiment voulu se donner les moyens d'aider les personnes âgées et handicapées, on n'aurait pas créé une caisse indépendante alimentée par un jour de solidarité. On aurait institué un cinquième risque ! Mais c'est précisément ce que refusait le Medef, qui proclame que la solidarité et l'assurance maladie ne sont pas son affaire et qui refuse tout ce qui peut conduire à une hausse des cotisations patronales.

Il voit enfin dans ce projet la préfiguration de la réforme de l'assurance maladie, réforme qu'il veut faire reposer sur la fiscalisation. De fait, c'est ce qui s'annonce : au lieu de toucher aux cotisations, le Gouvernement préférera recourir à la CSG, assise pour 88 % sur les revenus des salariés et, pour le reste, sur les revenus financiers... des ménages ! Et il créera une autre caisse, à laquelle participera le privé et qui ne sera pas gérée démocratiquement... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Je vous prie de conclure.

M. Maxime Gremetz - C'est cette caisse que préfigure votre caisse de solidarité ! Vous menacez ainsi les fondations de notre sécurité sociale, à savoir le financement par les cotisations, tandis que les revenus financiers continueront d'être détournés de l'investissement et de l'emploi. C'est pourquoi ce renvoi en commission s'impose, afin de laisser au Gouvernement le temps d'adopter une position plus raisonnable - qui ne peut consister qu'à retirer un projet qui ne tient pas debout !

A la majorité de 35 voix contre 12 sur 47 votants et 47 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.

M. François Rochebloine - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58 ! Je regrette que, sur un sujet qui devrait nous rassembler, on préfère multiplier les critiques réciproques, allant jusqu'à se traiter de noms d'oiseaux. Mais, Dieu merci, nous pouvons encore nous accorder autour du sport et j'annonce à ceux qui l'ignorent encore que l'équipe de Monaco vient de se qualifier pour la finale de la ligue des Champions (Applaudissements sur plusieurs bancs). Il y a plus, cependant : la Principauté vient d'être acceptée comme invitée privilégiée par le Conseil d'Europe, la semaine dernière (Exclamations diverses).

M. le Président - Le propos n'avait que peu à voir, vous en conviendrez, avec l'organisation de nos travaux...

La séance, suspendue à 23 heures 45, est reprise à 23 heures 55.

M. le Président - J'appelle les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

ARTICLE PREMIER

M. Maxime Gremetz - Nous avons, je le crois, assez démontré que ce sont bien des choix politiques qui sont à l'origine de la catastrophe de l'été dernier. Celle-ci n'a pas été un coup de tonnerre dans un ciel serein. Beaucoup de morts auraient pu, auraient dû être évitées, comme y ont d'ailleurs insisté les urgentistes et tous les personnels soignants et médico-sociaux.

Votre acharnement à réduire les moyens de la santé, à supprimer les hôpitaux de proximité, à geler les crédits, au nom d'une maîtrise comptable des dépenses de santé a pesé très lourd dans le drame de l'été dernier, qui a mis en lumière des situations accablantes et l'urgente nécessité de prendre des mesures efficaces accompagnées de moyens suffisants.

Si quelques-uns ont eu le courage, l'an dernier, de reconnaître leurs responsabilités, beaucoup les ont fuies, alors qu'il s'agit bien d'une responsabilité collective, celle du Gouvernement Raffarin III, mais aussi celle des gouvernements précédents qui ont cautionné la rationalité budgétaire.

Les équipements ne sont aujourd'hui toujours pas prêts à affronter une nouvelle canicule. Vous pouvez parler d'urgence, mais comment allez-vous répondre au manque de moyens en personnels ou en établissements d'ici l'été ?

Depuis quelques semaines, le Gouvernement prévoit un gel des crédits de 7 milliards d'euros, il poursuit le plan Hôpital 2007 et la tarification à l'activité, véritable carcan budgétaire. Enfin, s'il prend, comme nous l'avions proposé, un décret pour imposer une salle climatisée dans chaque maison de retraite, il oublie les hôpitaux !

Cet article pose d'autres questions, tel le transfert vers les maires de la responsabilité du recensement des personnes vulnérables. Nous déposerons un amendement à ce sujet.

M. Gérard Bapt - Il faut reconnaître que ce plan canicule, dans son architecture et son ensemble, en ce qu'il tient compte des recommandations du Parlement, de la mission d'information conduite par M. Jacquat, et de la mission d'enquête parlementaire dirigée par M. Evin, est un document complet et sérieux, qui reprend les propositions issues du terrain.

Reste à la mettre en _uvre. Les hôpitaux auront-ils les moyens suffisants pour affronter une nouvelle canicule ? Monsieur le ministre, vous avez affirmé que le plan vermeil serait l'équivalent du plan blanc pour les hôpitaux, permettant ainsi aux directeurs d'établissement de rappeler les personnels en vacances. Pour avoir visité l'été dernier des maisons de retraite, je sais combien ceux qui avaient fait face étaient épuisés, et avaient besoin de repos! Là est la limite de votre dispositif, tant la question des effectifs est cruciale.

Par ailleurs, Le Parisien titrait ce matin : « un brumisateur pour chaque personne de plus de 65 ans ». Or, je n'ai rien trouvé à ce sujet dans votre plan. Qu'en est-il?

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Monsieur le ministre, votre autosatisfaction, cet après-midi, m'a déçue. Tout d'abord, il était normal qu'après le drame de l'été dernier vous mettiez en place un système de veille et d'alerte. Ensuite, et M. le ministre de la santé l'a rappelé ce matin, cet été fut le plus chaud des cinquante dernières années ! C'est donc sur ces cinquante dernières années qu'il faudrait juger des responsabilités !

C'est bien de mettre en place un dispositif d'alerte, mais avec quels moyens ? Comment repérer les personnes isolées ? Comment réussir une véritable prévention sans violer la liberté individuelle ? L'article premier ne répond pas à ces questions.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - En août dernier, j'ai été surprise que tous les responsables des préfectures ne se sentent pas concernés immédiatement, et n'aient attribué les difficultés qu'aux dysfonctionnements de l'organisation sanitaire.

Le rôle des préfets est au c_ur de votre plan, lequel au reste a reçu un bon accueil, et il est important que le risque ne soit pas seulement perçu comme un risque sanitaire, mais comme un risque de sécurité civile. Ainsi pourra-t-on peut-être, mieux sensibiliser l'administration et réussir la mobilisation de tous en faveur des personnes les plus fragiles.

Vous proposez, cela dit, de prendre en charge à 40 % le coût d'installation de salles de rafraîchissement dans les maisons de retraite. Mais sur quels crédits ? Sur ceux de la nouvelle caisse ou, comme l'a envisagé Pascal Terrasse, sur le budget d'action sociale de la CNAV ? Dans ce cas, celle-ci aurait plus de difficulté encore à financer les heures d'aide ménagère.

Je le répète, à l'été 2003, bien peu de gens avaient compris l'ampleur du danger couru par les personnes âgées, et l'expérience de Marseille en 1982 était mal connue. C'est pourquoi il n'aurait pas été possible d'élaborer un plan canicule à l'époque (Assentiment sur plusieurs bancs du groupe UMP). Il l'est aujourd'hui, nous en sommes fiers. Mais évitons, de grâce, toute polémique...

M. Denis Jacquat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Le plan d'alerte et d'urgence ne peut concerner seulement les personnes âgées et handicapées. L'amendement 8 y inclut donc les personnes isolées.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Nous ne savons toujours pas comment seront recensées les « personnes particulièrement vulnérables du fait de leur isolement ». Nous voterons donc contre l'amendement.

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Decool - L'amendement 6 de M. Villain est défendu.

M. le Rapporteur - La commission l'a rejeté. Il est inutile de définir ce que sont les personnes âgées dépendantes : le code de l'action sociale le fait déjà. Il est inutile aussi de définir le handicap, la loi le fera prochainement.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement 6 est retiré.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Il est juste de confier au préfet la responsabilité du plan d'alerte, mais il faut assurer un lien avec l'hôpital. Notre amendement 54 associe donc le directeur de l'ARH à la mise en _uvre du plan.

M. le Rapporteur - Au cours de la mission d'information sur la canicule, il est clairement apparu que ce qui manquait, c'était un responsable unique et identifiable. Nous avons désigné le préfet. Le directeur de l'ARH sera naturellement consulté, mais son rôle n'est pas le même.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Nous avons été hostiles, dès le plan Juppé, à l'institution de ces « préfets des hôpitaux », qui décident seuls. Lorsque nous avons fini par arracher, d'un gouvernement de gauche, 3,5 milliards pour les hôpitaux, qui a décidé, dans chaque région, de l'affectation des crédits ? Les directeurs d'ARH, investis des pleins pouvoirs ! Il faut les supprimer, au profit d'une organisation et d'un fonctionnement plus démocratiques.

M. Gérard Bapt - Sans doute faut-il revoir cette organisation au niveau régional. Pour autant, l'intervention des directeurs d'ARH n'est pas inutile. Ce sont eux qui, sur délégation du ministère, affectent directement des crédits aux services d'urgence par exemple, sans passer par le préfet. Ce sont des interlocuteurs dont il faut tenir compte. Cet amendement le rappelle.

M. le Rapporteur - Le directeur d'ARH est consulté. Mais l'important ici est de désigner le responsable qui déclenche le plan d'alerte, et c'est le préfet.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Tout à fait, mais nous disons qu'il doit le faire « en lien avec l'ARH ».

L'amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Secteur sanitaire et secteur social sont trop cloisonnés. La commission a adopté à l'unanimité l'amendement 9 corrigé, identique à l'amendement 55 du groupe socialiste, qui rapproche ces deux secteurs dans le cadre du plan d'alerte.

M. le Ministre délégué - J'y suis favorable. Il faut mieux articuler, en effet, ces deux secteurs, notamment en période de crise.

Monsieur Bapt m'a interrogé, par ailleurs, sur les brumisateurs. Nous avons beaucoup travaillé aux dispositifs de veille et d'alerte depuis l'été dernier, mais nous n'avons jamais traité des brumisateurs. Quant aux propositions faites à Marseille par le professeur Sanmarco en 1982, elles étaient effectivement très intéressantes, et je déplore qu'aucun des gouvernements successifs ne les ait appliquées depuis lors.

Les amendements 9 corrigé et 55, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 10 corrigé tend à élargir le champ du recueil d'informations.

M. Bernard Perrut - Par le sous-amendement 87, 2e correction, nous proposons d'associer les coordinations gérontologiques, les CLIC et les maisons départementales du handicap, partenaires naturels des mairies, à l'identification des personnes vulnérables.

M. le Rapporteur - Une fois encore, un responsable clairement identifié est nécessaire. Dans ce cas, c'est la commune, laquelle agira évidemment en collaboration avec toutes les structures concernées. Vous pouvez donc considérer le sous-amendement comme satisfait, et c'est pourquoi la commission l'a repoussé.

M. le Ministre délégué - Je partage l'avis de la commission sur ce point, mais je suis défavorable à l'amendement, car ce serait faire peser une charge excessive sur les communes que d'élargir le champ du recueil d'informations.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Je n'ai toujours pas eu de réponse à une question pourtant simple : comment se fera, pratiquement, la collecte des informations, et avec quels moyens ? D'ailleurs, s'il est des structures efficaces dans ce domaine, ce sont bien les coordinations gérontologiques - que, si je comprends bien, l'on ne souhaite pas mentionner dans le texte. Il est vrai que nul ne sait de quels moyens elles disposeront une fois mises sous la tutelle des départements...

M. le Rapporteur - Ayant entendu les précisions apportées par le Gouvernement, je retire l'amendement 10 corrigé.

M. Jean-Pierre Decool - L'amendement 4 de M. Villain est défendu.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. L'amendement 97 du Gouvernement tend à instituer un dispositif de recensement purement déclaratif et totalement objectif, sans aucun pouvoir d'appréciation du maire, et donc non susceptible de recours. Tous les édiles de France seront ainsi protégés.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement 4 et accepté l'amendement 97 qui dissipe une ambiguïté à l'origine de nombreuses préoccupations. S'il est adopté, je retirerai l'amendement 13 corrigé, qui a le même objet.

L'amendement 4, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 97, mis aux voix, est adopté.

Mme Danièle Hoffman-Rispal - Mes questions demeurant sans réponse, je les pose à nouveau : comment les maires, auxquels on demande un recensement, procèderont-ils ? Comment obtiendront-ils que les personnes concernées se déclarent ? Si l'on souhaite que ce dispositif ait quelque efficacité, que l'on donne au moins des directives pratiques à ceux que l'on charge de l'appliquer !

M. le Ministre délégué - Nous avons voulu protéger les maires contre les recours, mais il est évident qu'ils sont, avec les bureaux d'aide sociale, les mieux placés pour identifier et signaler les personnes concernées.

M. le Rapporteur - L'amendement 11 corrigé vise à garantir l'efficacité du dispositif en étendant à certains tiers la possibilité de demander le recueil des informations. Sont en particulier visés, comme plusieurs membres de la commission l'avaient souhaité, les professionnels de santé.

M. Maxime Gremetz - La disposition proposée vise à renforcer les dispositifs de veille et d'alerte en cas de catastrophe climatique, en organisant une meilleure identification des personnes en perte d'autonomie. Est ainsi institué dans chaque département un dispositif d'alerte et d'urgence. Alors que cette responsabilité devrait être assurée par l'Etat, le Gouvernement s'en décharge sur les départements, qui devront dégager des moyens pour ne pas être tenus responsables d'un nombre de décès anormalement élevé.

Il s'agit ensuite de prévoir l'organisation par les communes du recensement des personnes âgées ou handicapées résidant à domicile et dont la situation le justifie, mais uniquement si ces dernières en font la demande. Cette disposition pose le problème de la responsabilité des élus locaux, le recensement relevant de la compétence des communes, donc des maires. Or, il sera difficile de recueillir les consentements de personnes déjà marginalisées.

C'est pourquoi le Conseil d'Etat recommandait, dans le respect du principe du droit à la vie privée, qu'un proche - professionnel de santé, travailleur social ou membre de la famille - puisse procéder à l'inscription. Cette proposition n'a pas été retenue par la commission, qui lui a préféré un amendement du rapporteur laissant entier le problème du consentement. Notre sous-amendement 34 corrigé vise donc à lever toute ambiguïté et à ne laisser aucune personne vulnérable en dehors d'un plan d'urgence, en introduisant la notion de consentement présumé, dans le respect des principes de la CNIL.

M. le Rapporteur - Sur ma proposition, la commission a adopté à l'unanimité ce sous-amendement essentiel.

M. le Ministre délégué - Avis favorable à l'amendement comme au sous-amendement.

Le sous-amendement 34 corrigé, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 11 corrigé ainsi modifié.

M. Jean-Pierre Decool - L'amendement 5 de M. Villain est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car il est difficilement conciliable avec le respect des libertés individuelles...

En revanche, l'amendement 12 rectifié prévoit que le recueil des informations se fait dans le respect de la loi « Informatique et libertés ».

L'amendement 5, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 12 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Pour que les salles réfrigérées dont les spécialistes soulignent l'utilité puissent être réalisées, l'amendement 57 propose un dispositif d'incitation fiscale.

J'aimerais par ailleurs que le ministre nous indique sur quels crédits seront inscrites les sommes nécessaires. La CNAV sera-t-elle mise à contribution ?

M. le Rapporteur - Le dispositif proposé ne vise pas tous les établissements, puisqu'ils ne sont pas tous assujettis à la taxe sur les salaires. C'est pourquoi la commission a rejeté l'amendement.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. Ce sont l'Etat et la CNAV, laquelle en a délibéré cet après-midi, qui subventionneront à hauteur de 40 % les dépenses nécessaires à la réalisation des pièces refroidies dans toutes les maisons de retraite, publiques et privées - mais sans toucher, contrairement à ce qui a été dit, aux crédits destinés aux aides ménagères.

M. Maxime Gremetz - Nous refusons que l'on commette à nouveau les erreurs d'hier en cherchant à résoudre par un crédit d'impôt la question de fond du financement de ce dispositif.

Comment suis-je parvenu à la proportion, que j'ai citée tout à l'heure, d'un tiers pour les personnes âgées et de deux tiers pour les employeurs ? Je vous livre l'explication : la valeur ajoutée brute des entreprises privées non financières s'établit à 5 160 milliards de francs par an, pour 16 millions de salariés travaillant 225 jours. La richesse produite est donc de 220 € environ par jour et par salarié. Fixée à 0,3 % des salaires annuels, la cotisation patronale à la Caisse de solidarité s'élèvera par conséquent à quelque 55 €. Resteront donc 165 € aux employeurs, qui auront ainsi une journée de travail quasiment gratuite ! La proportion est bien d'un tiers pour les vieillards et de deux tiers pour les profits. On comprend mieux les applaudissements du Medef...

Si vous doutez de cette démonstration simple et précise, vérifiez le calcul !

M. le Ministre délégué - Je le ferai.

M. Maxime Gremetz - Mais je doute que vous puissiez aller contre les chiffres, que nous avons minutieusement étudiés. Et c'est pourquoi nous proposerons un amendement exigeant que tout le bénéfice de la corvée - car il s'agit bien d'une corvée, au sens strict du terme - aille à nos aînés en difficulté : la cotisation prélevée doit être égale à la richesse produite, soit 1,2 % des salaires annuels.

Je ne voulais pas que vous restiez sur une énigme, qui vous aurait empêché de vous endormir !

M. le Président - Monsieur le ministre délégué sera certainement sensible à l'intention et je ne doute pas qu'il dormira bien cette nuit... (Sourires)

L'amendement 57, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 6 mai, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 5.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 6 MAI 2004

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.

M. Jean DIONIS du SÉJOUR, rapporteur.

(Rapport n° 1553.)

2. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 1350) relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

M. Denis JACQUAT, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Rapport n° 1540.)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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