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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 88ème jour de séance, 217ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 13 MAI 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

        CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
        SUR LA DÉGRADATION DES COMPTES PUBLICS
        DEPUIS JUIN 2002 2

La séance est ouverte à neuf heures trente.

CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
SUR LA DÉGRADATION DES COMPTES PUBLICS DEPUIS JUIN 2002

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de MM. Didier Migaud, Augustin Bonrepaux, Jean-Marc Ayrault, François Hollande et plusieurs de leurs collègues, tendant à la création d'une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002.

M. Didier Migaud, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du plan - Je croyais pouvoir parler une demi-heure comme prévu, et non dix minutes. Souhaitons que cette réduction de mon temps de parole ne traduise pas le souci de la majorité de bâillonner, une fois de plus, l'opposition !

M. le Président - Entre dix et trente minutes, on peut trouver un moyen terme...

M. le Rapporteur - A la suite du changement de majorité en 2002, un audit a été demandé par le nouveau gouvernement sur la situation de nos comptes publics. Ses auteurs sont ceux-là mêmes qui avaient effectué celui demandé par le gouvernement Jospin en 1997.

L'audit a fait apparaître un déficit public compris, fin 2002, entre 2,3 et 2,6 % du PIB. Il était de 4,1 % un an plus tard, malgré la contribution exceptionnelle d'EDF ! Comment en est-t'on arrivé là ?

Nous demandons la création d'une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002, pour faire le point sur la situation, la comprendre et apprécier la capacité de notre pays à respecter ses engagements européens. Ce sera l'occasion de comparer les résultats obtenus durant différentes périodes et de revenir sur le prétendu héritage qui plomberait l'économie de la France.

Rappelons que, si le Président de la République avait choisi, en 1997, de dissoudre l'Assemblée nationale, c'était pour répondre à une situation économique budgétaire dégradée qui aurait pu disqualifier la France pour le passage à l'euro. Entre 1993 et 1997, la même politique qui est menée aujourd'hui avait en effet conduit aux mêmes échecs, et si, à l'époque, le déficit budgétaire a été réduit, c'est grâce à la hausse des prélèvements obligatoires et non à la maîtrise des dépenses. La France était alors prise dans un cercle infernal, la faiblesse de la croissance engendrant un déficit public excessif que le Gouvernement tentait de contenir en alourdissant certains prélèvements - TVA, TIPP, CRDS - tout en baissant l'impôt sur le revenu, et cette politique a eu pour effet d'étouffer la croissance !

Alain Juppé, en 1995, a lui-même qualifié de calamiteux le bilan de son prédécesseur, M. Balladur - auquel on peut associer le ministre du budget de l'époque, M. Sarkozy -, et le jugement le plus sévère porté sur la période 1995-1997 fut encore le fait de M. Juppé, lui-même, dans une lettre qu'il adressa à son successeur, M. Jospin...

Le gouvernement Jospin adopte alors une stratégie inverse : favoriser le retour de la croissance avant de réduire le déficit, tout en maîtrisant la dépense publique ; cette politique permit de qualifier notre pays pour l'euro. Nous avons stoppé la baisse de l'impôt sur le revenu, supprimé certaines niches fiscales, soutenu le pouvoir d'achat et demandé une contribution exceptionnelle aux entreprises - PME exclues - au lieu de faire peser l'essentiel de l'effort sur les ménages. La croissance retrouvée a permis la baisse du chômage, l'élévation du niveau de vie et l'assainissement de nos finances publiques. Les chiffres du FMI, de l'OCDE, de la Banque de France en témoignent. Entre 1993 et 1997, la France a connu une croissance de 1,5 % par an contre 2,1 % en moyenne dans la zone euro. A partir de 1997, en revanche, notre pays a fait mieux que le reste de la zone euro : 3 % en moyenne, contre 2,4 %, malgré une situation internationale défavorable, notamment en 1998. Nous avons su heureusement dynamiser la situation intérieure et surmonter ces obstacles.

M. Jean-Pierre Gorges - En six mois ?

M. le Rapporteur - Eh oui, et ce grâce aux mesures que nous avions prises !

Au cours de cette période, la compétitivité de notre économie a été renforcée, ainsi que de nombreux classements en attestent, qui contredisent les propos mensongers tenus, notamment par le Président de la République (Protestations sur les bancs du groupe UMP), au cours de la campagne électorale de 2002. Depuis dix-huit mois, par contre, nombre d'études montrent que la France est en train de perdre des places ! Nous pourrions vous en faire le procès, mais nous sommes au-dessus de ces querelles... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Qu'il s'agisse du pouvoir d'achat ou du niveau de vie, les résultats étaient meilleurs entre 1997 et 2002, sans parler de l'assainissement des comptes publics (Mêmes mouvements).

M. Jean-Marc Roubaud - C'est surréaliste!

M. le Rapporteur - Pas du tout : je me fonde sur des chiffres de l'INSEE, de l'OCDE et du FMI !

M. Henri Emmanuelli - Ils ne savant même pas lire les chiffres des élections !

M. le Rapporteur- Les comptes de la sécurité sociale avaient enfin été rétablis, et pour la première fois depuis vingt ans, la part de la dette publique dans le PIB avait baissé en 1999.

Aujourd'hui, votre politique se traduit par une faible croissance et par l'aggravation des déficits publics et de l'insécurité sociale. Nous sommes malheureusement revenus au cercle infernal d'avant 1997, malgré la reprise mondiale - dont nous ne bénéficierons guère, d'ailleurs, en raison de votre politique.

M. Raffarin affirme qu'il « pilote l'Airbus » : nous ne pouvons qu'avoir peur du crash ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Pourquoi un plan de régulation, alors même que vos hypothèses de croissance semblent se vérifier et que la loi de finances initiale est réputée sincère ? Parce qu'en fait, il faut tenir compte de certains aléas, qui ne sont autres que les promesses démagogiques et électoralistes du Président de la République et du Premier ministre (Protestations sur les bancs du groupe UMP), au profit d'une petite partie seulement de nos concitoyens - je pense à la taxe professionnelle ou à la TVA sur la restauration.

Est-il possible, dans ces conditions, de respecter le programme pluriannuel des finances publiques que le Gouvernement a adressé à Bruxelles ? Nous ne le pensons pas. Il n'est même pas envisageable que l'objectif d'un déficit de 3 % en 2005 soit atteint car cela signifierait une véritable purge pour l'ensemble des Français : augmentation des impôts et des taxes, remise en cause encore plus importante des politiques publiques qui contribuent pourtant à notre pacte social.

Nous vous reprochons une absence de stratégie de croissance, ainsi que des choix purement idéologiques, voire contradictoires : ainsi de la création du PERP et de l'invite faite aux Français à consommer davantage.

Le ministre d'Etat a annoncé un certain nombre de mesurettes...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - Ce n'est pas le mot qui convient !

M. le Rapporteur - Au contraire, puisque le ministre d'Etat, lui-même, a écrit au président de la commission des finances que, si les mesures annoncées sont efficaces, elles seront bénéfiques sans avoir coûté beaucoup, et que si elles n'ont pas d'effets, elles n'auront rien coûté du tout ! Piloter ainsi notre pays, c'est faire preuve, pour le moins, de légèreté !

Il ne sert à rien d'encourager le crédit à la consommation alors même que nos concitoyens manquent de pouvoir d'achat.

M. Jean-Pierre Gorges - Et l'épargne ?

M. le Rapporteur - Vous incitez les Français à épargner pour se protéger - notamment des conséquences de votre réforme des retraites. Nous aurions préféré des mesures plus efficaces, tels le doublement de la prime pour l'emploi, ou la réforme à la TIPP flottante.

M. le Président - Mon cher collègue, vous parlez depuis vingt minutes déjà. Je vous rappelle que le temps des séances d'initiative parlementaire est limité et que vous pourrez intervenir à l'issue des autres interventions.

M. Augustin Bonrepaux - Laissez-le terminer, c'est intéressant !

M. le Président - Les interventions à venir sont elles aussi intéressantes.

M. le Rapporteur - Il conviendrait aussi de revaloriser les allocations familiales et les allocations logement.

Nous avons également proposé l'instauration de règles budgétaires nouvelles, avec des références au solde primaire, au solde structurel.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean-Marc Roubaud - Il n'a rien à dire !

M. le Rapporteur - Une dernière observation : lorsque nous sommes minoritaires à l'Assemblée nationale, l'opposition se trouve dépourvue de tout pouvoir de contrôle et d'investigation sur la situation de nos finances publiques, ce qui n'est pas le cas lorsque nous sommes majoritaires.

M. Louis Giscard d'Estaing - C'est faux !

M. le Rapporteur - Il y a un déficit démocratique. Nous sommes l'un des rares pays au monde où l'opposition dépend du bon vouloir du gouvernement et de la majorité parlementaire pour pouvoir vérifier ce qu'il en est de l'exécution des comptes publics (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Par ailleurs, il serait nécessaire que le Gouvernement, avant de présenter à Bruxelles le programme pluriannuel des finances publiques, vienne en débattre avec l'Assemblée nationale. Nous proposons également de modifier la composition et le rôle de la commission économique ainsi que d'instaurer un audit annuel des comptes publics, effectué par la Cour des comptes.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. le Rapporteur - C'est ce que je fais.

M. le Président - Vous êtes un parlementaire chevronné : vous devez savoir que dix minutes de temps de parole, ce n'est pas vingt-cinq minutes !

M. le Rapporteur - Nous avons, en adoptant la LOLF, contribué à améliorer la transparence et le contrôle, mais il faut aller plus loin, car l'on ne peut se satisfaire du déficit démocratique actuel. C'est pourquoi, nous proposons de créer une commission d'enquête : si la vérité ne lui fait pas peur, la majorité votera avec nous cette proposition de résolution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marc Roubaud - Nous n'avons pas de temps à perdre !

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement ! Vous avez plusieurs fois rappelé à l'ordre notre collègue, Monsieur le Président. Je saisis cette occasion d'appeler l'attention de l'Assemblée sur la gestion des temps de parole sur les propositions de loi ou de résolution.

Nous avons le choix, sur ce sujet, entre préparer un texte ou susciter un simple débat. Ce matin, compte tenu de l'importance du projet de résolution et du travail accompli par M. Migaud, nous escomptions pour ce dernier un temps de parole de trente minutes, comme il est de règle lorsqu'il s'agit d'un débat.

Certes, en théorie, ce n'est pas tout à fait le cas, il y aura un vote sur le passage à la discussion des articles, mais j'observe que la majorité choisit systématiquement d'arrêter nos échanges après le débat général, en s'y opposant.

M. Michel Bouvard - Il en a toujours été ainsi, quelle que soit la majorité.

M. Jean-Marc Ayrault - Raison de plus pour que cela change !

Sur le fond, le rôle même du Parlement est en cause. J'ai ainsi entendu à la radio, ce matin, le ministre d'Etat annoncer un nouveau plan de gel de crédits. Sans doute M. Bussereau pourra-t-il nous éclairer à ce sujet, afin que le Parlement joue son rôle de vérification et de contrôle...

M. Jean-Marc Roubaud - Tout est notifié à la commission des finances !

M. Jean-Marc Ayrault - La question est grave, et elle l'est d'autant plus que nous ne savons rien de ce que prépare le Gouvernement en ce qui concerne l'assurance maladie, élément fondamental de la solidarité nationale. Il faudra attendre que les élections européennes aient eu lieu pour que le Conseil des ministres daigne informer le Parlement et les Français sur ses intentions ! Je déposerai une protestation formelle à ce sujet. Le Gouvernement doit, au plus vite, décrire son projet et dire qu'il sera bien piloté par le ministre de la santé et non, à partir du 13 juin au soir, par le ministre de l'économie (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Vous le savez, Monsieur Ayrault, le temps de parole est limité et la règle commune doit être respectée, d'autant que les orateurs socialistes disposeront de 25 minutes dans la discussion générale et que M. Migaud pourra répondre aux orateurs.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan - Je rappelle à Jean-Marc Ayrault qu'en cinq ans, sous la précédente législature, aucune de nos propositions n'est allée au-delà de la discussion générale... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Henri Emmanuelli et M. Pascal Terrasse - C'est faux ! Il y a eu la loi Bachelot !

M. le Rapporteur général - La présentation faite par Didier Migaud est à la fois partielle et partiale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Partielle parce qu'il limite son propos à la période 2002-2004, alors que si l'on veut porter un jugement équitable et objectif sur la situation des comptes publics, il faut en retracer l'évolution depuis 1980... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux - Seulement ?

M. le Rapporteur - Et pourquoi pas, plus simplement, depuis 1993 ? C'est que cela vous gênerait !

M. le Rapporteur général - Partielle, donc, mais aussi partiale, et traduisant une mauvaise foi qui m'étonne de sa part (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je tracerai donc une perspective d'ensemble, avec une objectivité totale...

M. le Rapporteur - C'est mal parti !

M. le Rapporteur général - L'année 1980 a été la dernière au cours de laquelle le budget de l'Etat a été équilibré car, à partir de 1981, le gouvernement socialiste a installé le déficit dans la maison France : entre 1980 et 1986, les dépenses publiques doublent,...

M. Richard Mallié - Scandaleux !

M. le Rapporteur général - ...la dette publique bondit de 20 à 32 % du PIB, et nous subissons, en 1983, le discrédit et l'humiliation d'une dévaluation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Augustin Bonrepaux - Parce que, sans doute, vous n'avez jamais dû dévaluer ?

M. le Rapporteur général - Il nous a donc fallu redresser les comptes, ce que nous avons fait : les dépenses de 1987 n'ont pas dépassé celles de 1986 et, au changement de majorité, en 1988, les finances étaient assainies, cependant que la croissance internationale repartait. Malgré cela, entre 1988 et 1991, de plan Jospin pour l'éducation en guichets sociaux (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), les dépenses publiques ont augmenté chaque année de 3 % en moyenne, et les fruits de la croissance ont été gaspillés...

M. Henri Emmanuelli - Revenez-en donc à la situation actuelle !

M. le Rapporteur général - Ensuite s'est produit un retournement de conjoncture : les recettes n'étaient plus là, mais les dépenses, elles, demeuraient incompressibles, si bien que 1993 a été l'année de tous les abîmes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), avec un budget d'une insincérité historique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et un déficit total de plus de 6 % du PIB !

M. Jean-Marc Roubaud - Et ils veulent nous donner des leçons !

M. le Rapporteur - Pas du tout !

M. le Rapporteur général - Entre 1993 et 1997,...

M. Henri Emmanuelli - Pourquoi ne pas remonter à Léon Blum, pendant que vous y êtes ?

M. le Président - Laissez M. Carrez s'exprimer !

M. Henri Emmanuelli - A condition qu'il ne dise pas n'importe quoi !

M. le Rapporteur général - ...nous avons entrepris, vous le reconnaîtrez, un inlassable travail de redressement des comptes publics pour qualifier notre pays pour l'euro...

M. Henri Emmanuelli - Et avec quel résultat ! Une dissolution !

M. le Rapporteur général - ...en réduisant notre déficit de 6 à 3,3 % du PIB. Ensuite, à l'été 1997, le plan de relance de M. Jospin - je le reconnais volontiers car, contrairement à vous, je ne suis pas sectaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) -, a accompagné de façon équilibrée le retour de la croissance. Mais, malheureusement, dès 1998, les défauts socialistes sont revenus au galop (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Georges Tron - C'est congénital !

M. le Rapporteur général - A nouveau, les fruits de la croissance ont été gaspillés et les dépenses publiques sont passées de quelque 680 milliards en 1996 à 776 milliards en 2001 - dont 29 milliards supplémentaires pour les seuls frais généraux de l'Etat ! De plus, de 1998 à 2001 est apparu l'éclatant manque de sincérité de la politique budgétaire socialiste, avec la honteuse manipulation qu'a constituée la débudgétisation du FOREC et donc du coût des 35 heures (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP)...

M. le Rapporteur - Grotesque !

M. le Rapporteur général - ...et la non moins honteuse dissimulation de la cagnotte. Sa révélation par le Président de la République, en juillet 1999, vous a conduit, Monsieur Migaud, à enquêter sur pièces et sur place, mais en janvier 2000 seulement...

M. Augustin Bonrepaux - S'il y avait cagnotte, il n'y avait donc pas déficit ! Il faut choisir !

M. le Rapporteur général - Ensuite, comme dix ans plus tôt, la conjoncture s'est à nouveau retournée, les recettes se sont effondrées, le déficit s'est creusé et le budget 2002 a été d'une insincérité totale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Et celui de 2003 ?

M. le Rapporteur général - Que dire de ces primes de Noël non budgétées depuis trois ans ? Que dire de l'aide médicale d'Etat, passée de 80 à plus de 500 millions d'euros ? Que dire des recettes surestimées de manière irréaliste ? (M. Emmanuelli s'exclame) Tout simplement ce qu'en ont dit les magistrats qui ont, à notre demande, contrôlé la situation des comptes publics lorsque nous sommes revenus au pouvoir : que loin de s'établir à 1,4 % du PIB, comme vous le prétendiez, le déficit public était, hélas, de 2,6 %...

M. le Rapporteur - Non ! Compris entre 2,3 et 2,6 % ! Et nous en sommes aujourd'hui à plus de 4 % !

M. le Rapporteur général - Ces rappels étaient indispensables à une appréciation plus sereine de la politique budgétaire menée depuis deux ans...

M. le Rapporteur - ...caractérisée par beaucoup d'injustice et d'inefficacité...

M. le Rapporteur général - Il s'agissait, pour le Gouvernement, de maîtriser la dépense publique, et c'est ce qu'il a fait. Ainsi n'a-t-elle pas augmenté de 2002 à 2003, en euro constant, et les crédits votés ont été respectés à l'euro près (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Cela ne s'était jamais produit sous la précédente législature, mais va se reproduire en 2004 et en 2005.

La régulation budgétaire a joué un rôle particulièrement important : c'est parce que nous avions mis en réserve 7 milliards, début 2003, que nous avons pu faire face à des dépenses imprévues comme celles liées à la canicule. Didier Migaud a critiqué cette régulation, mais il est le père de l'article 14 de la LOLF ! Comme toujours, lorsqu'ils sont dans l'opposition, nos collègues socialistes sont frappés d'amnésie...

M. Richard Mallié - Il faut faire une recherche en paternité !

M. le Rapporteur général - M. Migaud déclarait ainsi le 21 juin 2001, au cours de la deuxième lecture de la LOLF, qu'« une des principales motivations de la régulation est la préservation des équilibres » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilbert Meyer - Il faut assumer !

M. le Rapporteur général - Le gouvernement Raffarin a fait le choix courageux que les dépenses prévues soient exécutées sans dépassement afin de ne pas risquer d'aggraver la crise. Aussi, si le déficit a augmenté de 12 milliards en 2003, cela a tenu exclusivement au déficit de recettes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Dans le budget 2004, nous avions retenu une prévision de croissance de 1,7 %. Or, tout porte à croire que, grâce aux mesures prises par le Gouvernement, elle sera supérieure. C'est exactement le contraire de ce que faisaient les socialistes, qui prévoyaient toujours une croissance supérieure à ce qu'elle était réellement et qui étaient ensuite obligés d'ajuster les recettes à la baisse.

M. le Rapporteur - Ce n'est pas vrai !

M. le Rapporteur général - Si, en 2001 et en 2002.

M. le Rapporteur - Mais pas avant...

M. le Rapporteur général - Je parle de la période récente.

M. le Rapporteur - Surtout de celle qui vous arrange...

M. le Rapporteur général - Ce gouvernement et cette majorité ont le courage de conduire les réformes structurelles qui sont la base de finances publiques saines, et qui avaient été jusque là différées : nous avons fait la réforme des retraites, nous abordons celle de l'assurance maladie et la réforme de l'Etat est largement engagée, notamment avec cette mesure de bonne gestion qu'est l'absence du remplacement automatique des fonctionnaires partant à la retraite. Grâce à ces mesures et à la sincérité budgétaire, on peut envisager avec un certain optimisme l'exécution du budget 2004.

Je veux dire enfin ma déception à Didier Migaud : lui qui a accompli, en compagnie d'Alain Lambert, un travail fondamental auquel nous nous sommes tous associés, s'est laissé entraîner ce matin dans une démarche dépourvue de sens, qui risque d'affaiblir la portée de la loi organique. J'espère donc que cette séance n'aura été qu'une parenthèse dans nos travaux communs constructifs et je propose naturellement de rejeter la création de cette commission d'enquête (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Augustin Bonrepaux - M. Carrez vient de montrer lui-même à quel point la création de cette commission d'enquête est justifiée. Remontant jusqu'en 1981, il a omis de s'arrêter en 1995, quand Alain Juppé jugeait calamiteuse la situation que lui laissait Edouard Balladur et son ministre du budget, Nicolas Sarkozy...

Les audits de 1997 et de 2002 ont été réalisés par les mêmes experts, MM. Bonnet et Nasse, et nul ne les a contestés. Mais les résultats obtenus ensuite par chacun des gouvernements ont été bien différents. En 1997, les perspectives inquiétantes du déficit avaient conduit le Président de la République à dissoudre l'Assemblée. A la fin de l'année 1997, le gouvernement de Lionel Jospin avait ramené le déficit public en dessous de 3 % du PIB. En juin 2002, les auditeurs ont présenté, sans être contredits, une fourchette de déficit comprise entre 2,3 % et 2,6 %. Mais le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a immédiatement chargé la barque en baissant l'impôt sur le revenu, en augmentant les dépenses militaires et en faisant des provisions à reporter sur l'année suivante, portant à la fin de l'année le déficit à 3,1 %.

De deux choses l'une, Monsieur Carrez : soit vous contestez le chiffrage de l'audit et il convient qu'une commission d'enquête rétablisse la vérité, soit vous renoncez à la mauvaise foi...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Vous êtes expert !

M. Augustin Bonrepaux - ...et vous devez avoir le courage d'assumer l'aggravation de 0,5 % du déficit.

Pensez-vous, par ailleurs, que votre caricature de l'action des gouvernements socialistes, en particulier de celui de Lionel Jospin, pourra faire oublier la politique libérale, injuste et inefficace conduite par MM. Balladur et Juppé, à laquelle celle qui est menée depuis deux ans ressemble comme deux gouttes d'eau, les mêmes choix produisant les mêmes effets ?

Les options prises par M. Sarkozy entre 1993 et 1995 avaient beaucoup contribué à la hausse des prélèvements pesant sur les ménages moyens et modestes : CSG augmentée de 1,3 % dès le 1er juillet 1993, TIPP relevée à deux reprises, TVA sur les abonnements EDF-GDF passant de 5,5 % à 18,6 %, redevance audiovisuelle augmentée de 6 %. Dans le même temps, on réduisait les prélèvements sur les plus fortunés : baisse de 2,9 milliards de l'impôt sur le revenu en 1994, relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour emploi à domicile, avantages au profit des propriétaires fonciers, défiscalisation outre-mer, diminution de l'imposition des plus-values sur les résidences secondaires, réduction de l'impôt de bourse, allégements de cotisations sociales sur les bas salaires, sans aucune contrepartie en terme d'emploi...

En 2004 comme en 1995, les mêmes causes produisent les mêmes effets désastreux : au lieu de soutenir l'activité et d'aider les plus modestes à consommer davantage, le Gouvernement préfère distribuer des cadeaux fiscaux aux plus aisés ; au lieu de réduire les inégalités, il fait peser l'effort sur les ménages modestes. Faute de soutien à la consommation et à la croissance, les recettes fiscales et sociales ont été insuffisantes pour réduire le déficit et la dette. Malgré plus de 15,24 milliards d'euros de recettes exceptionnelles de privatisations en 1993 et en 1994, le déficit du budget de l'Etat n'a pas diminué et la dette a explosé, passant de 43,5 à 54,6 % du PIB.

Le nouveau ministre ne peut s'exonérer de toute responsabilité, et le plan qu'il a annoncé la semaine dernière ne fait qu'aviver nos craintes : c'est un ensemble de mesures improvisées qui, à l'évidence, ne pourront redresser la situation.

Le déficit atteint aujourd'hui 4,1 %, et même 4,2 % hors prélèvement exceptionnel sur EDF. L'audit l'avait évalué à 2,6 % : vous avez donc réussi l'exploit de l'accroître de 1,6 point en deux ans !

D'abord, par une augmentation excessive des dépenses militaires. Sous le prétexte que c'est le domaine réservé du Président de la République, on lui passe tous ses caprices et on a même peur de contrôler ! Depuis deux ans, nous demandons en vain que la MEC puisse contrôler les dépenses militaires. Je viens d'adresser au président de la commission des finances des propositions de contrôle qui pourraient faire réaliser des centaines de millions d'économies, mais on nous répond que c'est impossible pour cause de secret défense. Serait-ce violer le secret défense que de comparer la gestion des véhicules civils des trois armes, ou celle des bâtiments militaires ? Pour nous apaiser, on nous donne à contrôler la journée de préparation à la défense, qui représente 200 millions - une goutte d'eau... Pourtant, des économies importantes seraient possibles puisqu'un hebdomadaire satirique, par un simple coup de téléphone, a pu faire annuler une dépense somptuaire de 500 000 € pour l'aménagement d'un bureau...

Ensuite, les cadeaux fiscaux octroyés par clientélisme ont réduit les recettes sans avoir aucun effet sur la consommation. Mais le Gouvernement n'en poursuit pas moins cette politique de réductions d'impôts au profit des privilégiés ! N'aurait-il pas été préférable d'augmenter la prime pour l'emploi, et donc le pouvoir d'achat des huit millions de travailleurs les plus modestes, avec un effet certain sur la croissance ?

Notre inquiétude vient aussi du manque de transparence des comptes publics : la « gestion de bon père de famille » dont s'enorgueillit le Gouvernement est en réalité faite de mensonges budgétaires. En 2003, on a retenu une hypothèse de croissance totalement irréaliste de 2,5 %, d'où découlaient des prévisions de recettes fiscales largement surestimées.

M. Georges Tron - Et le budget 2002 ?

M. Augustin Bonrepaux - En outre, les recettes fiscales, entamées par les cadeaux fiscaux, ont été finalement inférieures de 7,5 milliards aux prévisions.

Du côté des dépenses, le mensonge s'est traduit par des gels et des annulations de crédits, et il en va de même en 2004. Le 30 septembre 2003, le ministre du budget indiquait qu'il proposerait des gels, voire des annulations, envisageables dès le début de l'année. Les gels annoncés aujourd'hui par Nicolas Sarkozy portent sur 7 milliards, soit 1,41 % des crédits initiaux. Ils trouvent leur explication dans les prévisions mensongères de croissance.

Comprenez que nous souhaitions la création d'une commission d'enquête ! Peut-être le président de la commission des finances et le rapporteur général sont-ils destinataires de toutes les informations, mais tel n'est pas notre cas ! Nous avons eu par exemple des révélations surprenantes en interrogeant le directeur général de RFF, qui s'est plaint d'une baisse de l'apport en capital de l'Etat supérieure à ce qu'apporte à l'entreprise l'augmentation de la taxe sur le gazole, laquelle était censée la désendetter...

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Augustin Bonrepaux - L'opposition n'a aucun budget significatif à contrôler, sinon la santé et les affaires européennes, et les questions traitées par la MEC sont de plus en plus limitées.

Depuis six mois, nous nous interrogeons sur le sort des contrats de plan et leur financement.

M. le Président - Votre temps de parole est épuisé.

M. Augustin Bonrepaux - M. Carrez a parlé longuement...

Une commission d'enquête permettrait de nous éclairer sur cette question, ainsi que sur l'utilisation des crédits européens pour l'équipement des territoires ruraux, qui ont été détournés de leur finalité par l'Etat à son propre profit. Alors, votons sa création ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Louis Giscard d'Estaing - Une première remarque : une « niche » parlementaire a principalement pour vocation de permettre le débat autour d'une proposition de loi. Si l'opposition veut revaloriser le rôle du Parlement, il paraît contre-productif de sa part de faire une nouvelle démonstration de son incapacité à faire des propositions (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Nous en faisons !

M. Louis Giscard d'Estaing - Un parti de gouvernement ne peut être crédible qu'en formulant des propositions alternatives. C'est vrai en matière de politique budgétaire, comme pour l'assurance maladie...

Notre collègue Migaud nous demande de nous pencher sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002. Se seraient-ils dégradés, plus précisément, à compter du 16 juin 2002 ? A moins que ce ne soit dès le 21 avril ? La vraie question est : depuis quand les comptes publics se dégradent-ils ? Comme Gilles Carrez l'a démontré tout à l'heure, il eût mieux valu retenir comme point de départ l'année 1981.

M. le Rapporteur - Déposez un amendement !

M. Louis Giscard d'Estaing - Si cette commission venait à être créée, sa première mission serait naturellement de se pencher sur l'exécution de la loi de finances pour 2002. Mais au fait, qui l'avait élaborée ?

M. le Rapporteur - Cela ne nous gêne pas d'en débattre !

M. Louis Giscard d'Estaing - Je ne veux pas croire que ce soit par malice que François Hollande soit coauteur de cette proposition de résolution (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Mais je m'interroge sur les raisons qui ont conduit Laurent Fabius à choisir de ne pas siéger à la commission des finances.

M. Augustin Bonrepaux - Ce sont de pauvres arguments !

M. Louis Giscard d'Estaing - M. Fabius n'a pas participé au moindre débat budgétaire depuis 2002.

M. le Rapporteur - Il vous manque donc tellement ?

M. Louis Giscard d'Estaing - Certainement moins qu'à vous !

A la veille d'une échéance électorale, vous aviez choisi une hypothèse de croissance peu réaliste. Vous avez parlé de l'audit des finances publiques.

M. Augustin Bonrepaux - Gilles Carrez aussi !

M. le Président - Monsieur Bonrepaux, ça suffit ! Vous vous êtes exprimé, laissez parler M. Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing - On nous parle de l'audit commandé en 2002 par le Premier ministre. Les recettes avaient été inférieures aux prévisions, les dépenses étaient étrangement sous-budgétées, comme l'a souligné M. Carrez, et l'on ne peut nous reprocher de ne pas l'avoir dit à l'automne 2001.

Nous aurions pu faire, avec un effort de mémoire, pour M. Migaud, et un effort de responsabilité, pour M. Fabius, mais il a au moins un mérite : en demandant une commission d'enquête, vous nous permettez d'en demander deux autres. Je pense d'abord à une commission d'enquête sur le Crédit lyonnais : plus de 100 milliards de francs d'argent public engloutis en pure perte, sans parler des conséquences pour l'Etat de l'affaire Executive Life.

M. le Rapporteur - Nous y sommes favorables !

M. Louis Giscard d'Estaing - Il en faudrait une autre sur la gestion des entreprises publiques, afin d'évaluer la part de responsabilité du Gouvernement qui a avalisé les investissements désastreux de GDF et de France Télécom : dans cette dernière entreprise, l'Etat a dû réinjecter 8 milliards d'euros ! En revanche, les recettes, pourtant importantes, des privatisations n'ont pas permis de réduire la dette entre 1997 et 2002, malgré des taux de croissance qui avoisinaient 4 %.

Les coauteurs de cette proposition ont ouvert le débat. Qu'ils n'hésitent pas à l'amender de manière à rechercher les causes de nos difficultés depuis 1981, et non depuis 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - D'accord ! Déposez un amendement !

Mme Muguette Jacquaint - Le 27 avril dernier, dans son bilan des comptes de la nation, l'INSEE a confirmé que le déficit public s'élève à 64,3 milliards d'euros, soit 19 milliards de plus que prévu dans la loi de finances initiale pour 2003 et 4,1 % du PIB.

Cette situation catastrophique, sauf pour les créanciers de l'Etat, est la conséquence directe des choix politiques de votre gouvernement. A vous croire, toutes vos difficultés seraient dues au bilan du gouvernement précédent et au ralentissement de l'activité économique mondiale. Il est vain d'invoquer l'argument de l'héritage : jamais un parti politique n'a eu autant de pouvoir sous la Ve République !

Mme Claude Greff - Jalouse !

Mme Muguette Jacquaint - Les faits sont têtus. Sur l'exercice 2003, les recettes sont inférieures de 11 milliards aux hypothèses retenues en loi de finances, ce qui est étroitement lié à l'écart entre la prévision de croissance et la croissance effectivement constatée. Contre l'avis de tous les observateurs, vous aviez parié sur une croissance de 2,5 %. Or, en 2003, on a frôlé la récession : le PIB a augmenté d'à peine 0,5 %. Cet écart de 2 points entre le virtuel et le réel suffit à mettre en évidence l'ampleur de votre responsabilité. Votre souhait de procéder à un transfert massif de richesses vers ceux qui disposent déjà des plus hauts revenus a plongé le pays dans la rigueur.

Pourtant, malgré la lourde sanction électorale des 21 et 28 mars, les orientations du début de législature sont confirmées. L'argument de l'héritage est de nouveau convoqué. Tout est de la faute des 35 heures ! Devant les députés, le 4 mai, M. Sarkozy a ainsi déclaré : « Les ministres des finances du FMI sont dubitatifs devant cette particularité française qui coûte 10 milliards d'euros cette année et environ 16 milliards d'euros en 2006 ». Il a omis de préciser qu'avec 265 000 emplois créés, les 35 heures ont réduit les charges budgétaires et augmenté les ressources de la protection sociale, si bien que leur coût effectif s'élève à environ 1,5 milliard d'euros. Nous sommes loin des 10 milliards annoncés.

Un peu de modestie serait nécessaire. Le chômage n'a cessé d'augmenter et pas moins de 51 700 emplois ont été détruits en 2003.

Aussi cette proposition de résolution est-elle la bienvenue. Créer une commission d'enquête permettrait de faire la part des choses et de montrer en quoi, par exemple, la décision de baisser les impôts dans une situation quasi récessive était une aberration.

L'injustice des choix opérés est manifeste. La baisse des prélèvements obligatoires a porté essentiellement l'impôt sur le revenu et l'impôt de solidarité sur la fortune, soit, respectivement, 17 % et 1 % des recettes de l'Etat. Les 10 % des Français les plus nantis ont capté 73 % de la diminution de l'impôt sur le revenu. Sur les vingt-sept nouvelles dispositions relatives à l'impôt sur le revenu adoptées en 2003, toutes - sauf le relèvement dérisoire de la prime pour l'emploi : 10 € par an et par bénéficiaire - présentent un intérêt immédiat pour les contribuables aisés, tandis qu'à peine la moitié sont susceptibles d'avoir un effet pour les autres. Le constat est accablant !

Au demeurant, 2004 sera l'année de la niche fiscale. La création prochaine de nouvelles niches concernant la donation de parents à enfants, le crédit à la consommation ou encore la transmission des petits fonds de commerce le montre. Pourtant, le rapporteur général a osé affirmer que le mouvement de suppression des dispositifs dérogatoires inefficients était enclenché. C'est oublier la modification du régime d'imposition des plus-values immobilières des particuliers, le relèvement du plafond de réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile ou encore le refus de supprimer la disposition qui exonère d'impôt les indemnités de départ touchées par les dirigeants d'entreprises jusqu'à 360 000 €.

En définitive, cette série de cadeaux fiscaux contribue à la fois au déséquilibre des comptes publics et à l'explosion du taux d'épargne. Je me permets de me référer aux propos tenus par le ministre de la cohésion sociale, le mercredi 28 avril : « Savez-vous que l'inquiétude se mesure au taux d'épargne ? Or celui-ci se situe autour de 18 %, alors qu'il fut un temps, en France, où il n'était que de 11 % ? Un point, c'est 15 milliards d'euros dans le circuit économique. ».

L'inquiétude se mesure au taux d'épargne, lequel est d'autant plus élevé que la richesse nationale est mal répartie. Les attaques portées contre les impôts progressifs ont pour effet d'augmenter encore ce taux, puisque les hauts revenus tendent à épargner la majeure partie des suppléments qui leur sont si généreusement distribués. En revanche, elles n'augmentent pas le pouvoir d'achat de la majorité de la population, qui ne paie pas ces impôts ou n'obtient qu'un supplément de revenus dérisoire.

On nous explique qu'il faut baisser le taux d'épargne. Or, depuis deux ans, il est passé de 16 % à 18 % ! Demain, avec la promotion des fonds de pension, avec le fameux PERP assorti de déductions fiscales importantes, comment le taux d'épargne pourrait-il diminuer ?

M. Sarkozy a dit qu'il ne voulait pas endosser la responsabilité d'une politique « qui ne conduirait le pays à rien d'autre qu'au désastre financier ».

Toutefois, si le Président de la République veut maintenir l'ensemble de ses objectifs contradictoires - baisse de impôts, priorité aux ministères de l'intérieur et de la justice, réduction du déficit, sans oublier le cap social du 1er avril -, il provoquera le désastre tant redouté.

On ne peut pas faire du social en demandant toujours plus à l'immense majorité des salariés et en diminuant la contribution fiscale des plus riches. Dans certaines villes, un Français sur deux ne paie pas d'impôt !

M. Jean-Marc Roubaud - On ne peut pas les leur baisser, alors !

Mme Muguette Jacquaint - Votre politique injuste et inefficace a été lourdement sanctionnée par les urnes, et justifie la création d'une commission d'enquête, aussi les députés communistes et républicains soutiendront-ils cette proposition de résolution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Rochebloine - Il est surprenant de voir nos collègues socialistes se convertir subitement à l'orthodoxie budgétaire et réclamer ainsi une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002. On comprend qu'ils veuillent se limiter à cette législature et s'exonérer de leur responsabilité.

M. le Rapporteur - Nous sommes prêts à élargir la période !

M. François Rochebloine - En effet, lors de votre départ du Gouvernement, nombre de mesures n'étaient pas financées, qu'il s'agisse de la loi Aubry II, de l'APA, des retraites agricoles, des emplois-jeunes, de l'établissement public de financement et de restructuration, de Réseau ferré de France, des Charbonnages de France...

Les chiffres que vous citez doivent être appréciés à l'aune des chiffres d'hier. Pendant les cinq années du gouvernement Jospin, la dette publique n'a fait qu'augmenter, passant de 750 milliards d'euros en 1997 à 850 milliards fin 2001, et vous donnez des leçons de bonne gestion !

Alors que la croissance n'a pas été utilisée pour préparer l'avenir, la situation actuelle est, il est vrai, préoccupante, comme l'UDF n'a cessé de le répéter, sans malheureusement être entendue !

Déjà en 2002, nous avions prévenu le Gouvernement qu'une hypothèse de croissance de 2,5 % pour 2003 n'était pas réaliste. Et nous avions raison ! Il ne faut pas s'étonner, dans ces conditions, d'une perte de confiance des Français.

La dégradation des comptes sociaux a nourri le déficit : 10,2 milliards pour le régime général, 11,1 milliards pour l'assurance maladie, et chaque mois, le déficit se creuse davantage.

Une réforme est indispensable.

En octobre 2002, le ministre de la santé a présenté ce qu'il a lui-même qualifié de texte de transition alors qu'il était urgent d'agir. Nous avions alors regretté l'absence d'un audit, qui aurait permis de dresser un bilan précis de la situation, et nous l'avions invité à s'engager dans une véritable régionalisation, afin de responsabiliser les acteurs, et de promouvoir une politique de santé de proximité.

Car là réside toute l'ambiguïté de la position des socialistes : il ne suffit pas de vouloir examiner les comptes, encore faut-il proposer les réformes à même de réparer le mal !

M. le Rapporteur - Attendez que l'on revienne!

M. François Rochebloine - Si le parti socialiste n'a pas su faire ses preuves, le Gouvernement n'a pas pris assez vite la mesure des problèmes, et nous regrettons que le climat de confiance des six premiers mois n'ait pas été mis à profit pour proposer aux Français un pacte de réforme. Maintenant que l'autorité du Gouvernement est affaiblie (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), il est beaucoup plus difficile d'agir !

Nous échouerons si nous ne travaillons pas ensemble. Nous devons être capables, sans esprit polémique, de bâtir un plan pluriannuel d'assainissement des finances publiques.

M. le Rapporteur - Mais nous n'avons pas les mêmes idées !

M. François Rochebloine - Rejeter sur le gouvernement précédent la responsabilité du déficit public n'est pas à la hauteur des enjeux.

M. le Rapporteur - Dites-le au Premier ministre !

M. François Rochebloine - Si nous n'assainissons pas les finances publiques aujourd'hui, nos enfant et nos petits-enfants devront payer demain.

Cette proposition de résolution nous paraît dérisoire. Soyons assez responsables pour reconnaître la gravité de la situation des finances publiques, et dépasser nos clivages. L'heure n'est plus aux règlements de compte, mais à l'action ! Il en va de l'intérêt de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Pascal Terrasse - Le Gouvernement aurait-il des choses à cacher ? Depuis deux ans, nous assistons à des dégradations structurelles et conjoncturelles.

En 2002, vous avez souhaité bâtir votre propre projet sur la base d'un audit des comptes publics, réalisé par ceux-là même qui avaient en 1997 audité la législature Juppé, et nous pouvons nous interroger sur la sincérité des budgets votés depuis.

En 2002, M. Fabius avait misé sur une croissance de 2,5 %, et à la fin de l'année, après six mois de gestion à gauche et six mois de gestion à droite, la croissance était de 1,7 %

Vous arrivez ensuite aux affaires, et on ne peut vous imputer l'entière responsabilité de la situation de 2002. Il n'en va pas de même pour 2003, et nous vous avions mis en garde contre l'insincérité de votre budget.

Le déficit, dont on sait aujourd'hui qu'il a atteint 64 milliards d'euros, pèse lourdement sur l'action du Gouvernement. Prenons par exemple les comptes sociaux : l'ACOSS tire depuis plusieurs mois la sonnette d'alarme. Jamais cet organisme ne s'est trouvé dans une situation aussi dramatique. Oui, la gestion de nos finances publiques est irresponsable, en particulier pour ce qui concerne la sécurité sociale. Équilibrés en 1999, nos comptes ont été en déficit à partir de 2002.

Certains invoqueront les 35 heures. Or, le protocole hospitalier sur la RTT coûte, selon les hauts fonctionnaires du ministère de la santé et de la sécurité sociale, 1,8 milliard par an. Le déficit étant de 16 milliards, la RTT n'y contribue que pour 10 %, le déficit, pour le reste, s'expliquant par la faiblesse de la croissance - plus faible chez nous, d'ailleurs, que dans la plupart des pays européens.

M. Richard Cazenave - C'est faux. Nous en avons assez de vos mensonges !

M. Pascal Terrasse - Les mesures que vous avez prises en 2002 en faveur de certaines professions médicales ont également beaucoup pesé. Je vous rappelle que l'augmentation des actes médicaux représente près de 680 millions : cette augmentation aurait dû être accompagnée d'une réelle maîtrise des dépenses d'assurance maladie.

M. Richard Cazenave - En cinq ans, qu'avez-vous fait ?

M. Pascal Terrasse - Le glissement des dépenses de l'assurance maladie ne vise-t-il pas en fait à privatiser la sécurité sociale ? Nous attendons de connaître la position du Gouvernement et il ne s'agit pas de savoir, Monsieur Giscard d'Estaing, ce que propose le parti socialiste !

M. Richard Cazenave - Si, justement, on aimerait bien le savoir !

M. Pascal Terrasse - Alors, demandez au Président de la République de dissoudre l'Assemblée, nous prendrons nos responsabilités (Sourires).

M. Richard Cazenave - Nous attendons vos propositions.

M. Pascal Terrasse - C'est vous qui êtes au pouvoir. Nous attendons les vôtres. En fait, nous ne voyons rien venir parce que les élections européennes sont pour bientôt (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Le coup de massue viendra après.

M. Richard Cazenave - Vous avez fait preuve d'une indécision structurelle pendant cinq ans.

M. Pascal Terrasse - Le triptyque « dépenses-recettes-gouvernance », sur lequel nous ferons des propositions en temps voulu (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous montrera que nous avons une solution alternative. M. Goulard, dans le rapport consacré au PLFSS pour 2004, écrivait que l'exercice 2002 s'était déroulé hors de tout système de régulation, aucune loi de finances rectificative n'étant venue en cours d'année adapter les objectifs et les moyens. Voilà pourquoi nous nous trouvons dans cette situation.

Et le Gouvernement annonce la baisse des cotisations sociales, une augmentation de la CRDS... Ce n'est pas sérieux. Je rappelle d'ailleurs que si vous augmentez la CRDS, vous allez créer un « impôt à la naissance ». Ceux qui naissent aujourd'hui seront obligés demain de financer la CRDS.

En outre, les mesures prises pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse creuseront encore le déficit. En 2004, les comptes seront dramatiques.

Nous avons donc besoin d'un audit pour savoir exactement où nous en sommes et ce qu'il est possible de faire. C'est cela, aussi, la nouvelle gouvernance. Ne vous étonnez pas si les électeurs se déplacent de moins en moins : ils ne nous croient plus.

Le Parlement sortira grandi d'organiser une plus grande transparence (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Bouvard - Je ne conteste pas le droit de critique de l'opposition, nécessaire à la démocratie. Mais la formule souhaitée pour ouvrir le débat sur les comptes publics ne me semble pas bonne. C'est même un dévoiement de la procédure parlementaire.

Dévoiement, tout d'abord, dans la manière d'utiliser la séance d'initiative parlementaire, dont le but est plutôt de faire aboutir des propositions législatives.

Dévoiement, ensuite, quant à la demande d'une commission d'enquête. J'aurais pu à la rigueur comprendre qu'on réclame une mission d'information, mais la commission d'enquête n'est pas l'outil adapté pour rechercher et analyser les raisons de la dégradation des comptes publics. Ne risque-t-on pas ainsi de faire douter nos concitoyens de l'honnêteté de ceux qui ont en charge la gestion de la France, élus ou hauts fonctionnaires ?

M. Augustin Bonrepaux - Ils doutent déjà !

M. Michel Bouvard - Ne risque-t-on pas de laisser croire que le Parlement est dépourvu de tout moyen de contrôle...

M. Augustin Bonrepaux - C'est le cas !

M. Michel Bouvard - ...alors même qu'ils existent ? Le but de la loi organique sur les lois de finances est précisément de renforcer les moyens de contrôle et d'information. De plus, certaines dispositions sont d'ores et déjà en _uvre comme la notification à l'ensemble des membres de la commission des finances des régulations et gels de crédits.

Nous avons, en outre, plusieurs rendez-vous réguliers pour débattre des finances publiques : le débat d'orientation budgétaire, celui, éventuel, sur le programme pluriannuel transmis à Bruxelles, le vote du budget et, enfin, au moins un collectif par an.

Est-il dès lors sérieux d'user d'artifice, quand, de plus, les chiffres de l'audit de MM. Bonnet et Nasse sont disponibles, de même que le rapport de la Cour des comptes, la situation mensuelle budgétaire, les travaux de la commission des finances ?

Vous proposez également qu'un membre de l'opposition de l'Assemblée nationale soit investi des pouvoirs de contrôle dont disposent le président et le rapporteur général de la commission des finances. Nous avons nous-mêmes fait cette proposition lors des débats concernant la mise en _uvre de la loi organique et elle n'avait pas été retenue.

Vous proposez ensuite d'assurer un examen contradictoire, suivi d'un débat en séance, du programme pluriannuel des finances publiques transmis à la Commission européenne. Or, M. Sarkozy, alors député de l'opposition, réclamait le 16 novembre 2000 devant la commission spéciale cela même que M. Migaud réclame aujourd'hui et sa proposition avait été rejetée (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP).

Vous proposez de revoir le rôle et la composition de la commission économique de la nation. Pourquoi pas ?

Vous proposez, enfin, l'instauration d'un audit annuel des comptes publics réalisé par la Cour des comptes et publié au mois de mai dans le rapport préliminaire sur l'exécution de l'année n-1. Cette proposition est un peu redondante avec la certification des comptes de l'Etat qui doit intervenir dans le cadre de la mise en _uvre de la LOLF.

Nous sommes évidemment favorables au renforcement du rôle de contrôle du Parlement et à celui de ses outils de travail, mais nous refusons le dévoiement de la procédure parlementaire. Autrement dit, le débat est légitime, mais pas dans le cadre qui nous est proposé. C'est pourquoi la création d'une commission d'enquête ne peut être acceptée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Auberger - Les socialistes, cherchant à meubler le temps qui nous sépare des élections européennes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), et à surfer sur la vague de mécontentement que suscite immanquablement toute politique de réforme audacieuse (Exclamations sur les mêmes bancs), proposent la création d'une commission d'enquête « sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002 », cette date, bien sûr, n'ayant pas été choisie au hasard. Il s'agit en fait d'une grossière opération de diversion (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), la situation de notre économie étant parfaitement connue - singulièrement des membres de la commission des finances. Il serait donc aussi prétentieux qu'inutile de vouloir faire établir ce que nul n'ignore.

De plus, c'est une contrevérité manifeste de prétendre que l'on assisterait à une dérive grave de la situation économique. Certes, la croissance a connu un net ralentissement en 2003, mais il ne s'agit en rien d'une récession comme, dans le même temps, en connaissait l'Allemagne. On feint aussi de croire qu'il s'agirait d'un phénomène récent et spécifiquement français, alors qu'il n'en est rien, bien sûr : non seulement ce ralentissement s'est fait sentir dès 2001, mais il a été observé dans tous les pays développés. Les causes en sont connues : la rupture de la bulle technologique, la chute subséquente des Bourses et la baisse consécutive des investissements, ainsi que les conséquences des attentats du 11 septembre 2001, la crainte du terrorisme, la guerre en Irak, à quoi se sont ajoutés récemment la chute du dollar et la hausse considérable du prix des produits pétroliers. Or, de ce ralentissement mondial, M. Migaud ne dit mot ! Il est facile d'utiliser l'argument des facteurs extérieurs lorsque cela arrange et de refuser d'en tenir compte lorsque l'on est dans l'opposition - mais c'est le strabisme socialiste usuel... (« Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP)

D'ailleurs, la phase de ralentissement de l'économie est maintenant passée, comme le montrent les derniers chiffres publiés par l'INSEE, qui traduisent une reprise de la croissance telle que l'objectif fixé dans la loi de finances pour 2004 pourrait être dépassé.

M. Augustin Bonrepaux - Cela ne rend pas les comptes plus clairs ! Vous vous écartez du sujet !

M. Philippe Auberger - La reprise étant attestée, la mise en cause de la politique économique du Gouvernement apparaît décalée. Si celle-ci était aussi mauvaise que les socialistes le prétendent, on n'assisterait certainement pas à une reprise de cette ampleur.

M. le Rapporteur - Vous ne manquez pas d'humour !

M. Philippe Auberger - C'est une autre contrevérité de soutenir que les comptes seraient insincères. La situation des finances publiques est bien connue et l'augmentation du déficit public est uniquement due au ralentissement de la croissance et à l'affaiblissement consécutif des recettes...

M. le Rapporteur - C'est faux ! C'est vous qui avez provoqué l'effondrement des recettes !

M. Philippe Auberger - Quant aux dépenses de l'Etat, elles ont été parfaitement contenues, comme l'a exposé notre rapporteur général. Certes, le fort déficit de l'assurance maladie grève les comptes, mais l'Assemblée le sait fort bien, qui a porté à 33 milliards le plafond de découvert de trésorerie prévu dans la loi de financement de sécurité sociale. Une mission d'information sur l'avenir de l'assurance maladie ayant été créée, on ne voit pas ce qu'apporterait une commission d'enquête parlementaire ; en revanche, de plus nombreuses suggestions et propositions de nos collègues socialistes, au sein de la mission d'information, nous seraient précieuses, mais ils étaient absents à la réunion d'hier.

La proposition socialiste fait état, pour la dénoncer, de la régulation budgétaire décidée par le ministre de l'économie à hauteur de 7 milliards. Quoi de plus normal, pourtant, que de prendre les précautions nécessaires pour respecter les prévisions initiales ? C'est bien l'absence de souci de régulation qui devrait au contraire être sanctionnée ! Et pourquoi les socialistes demandent-ils au Gouvernement de se priver d'un instrument qu'ils ont créé et consacré dans la loi organique relative aux lois de finances dont ils ont été les initiateurs ? Tout cela est d'une grande incohérence.

M. le Rapporteur - Aucunement.

M. Philippe Auberger - La proposition dénonce enfin un supposé manque de visibilité s'agissant du respect de la programmation pluriannuelle des déficits telle qu'annoncée à Bruxelles. Là encore, la critique est injustifiée : le déficit constaté fin 2003 est conforme, à 0,1 % près, à celui annoncé lors de l'examen de la loi de finances pour 2004, et tout est fait pour le contenir. Le principal risque tient à l'évolution des dépenses de l'assurance maladie, ce dont la mission d'information se préoccupe activement, je l'ai dit. On ne voit donc pas ce qu'une commission d'enquête apporterait de neuf.

On comprend donc que la proposition qui nous est faite est une opération politicienne, une tentative de diversion...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan - C'est vrai.

M. Philippe Auberger - ...voulue pour faire croire à l'opinion publique que les comptes publics sont mal tenus...

M. le Rapporteur - En effet, ils le sont !

M. Philippe Auberger - ...alors que c'est tout le contraire et que la situation financière de notre pays est parfaitement connue et maîtrisée.

M. le Rapporteur - Oh !

M. Philippe Auberger - Cette commission d'enquête est parfaitement inutile, et la proposition a pour unique objet de masquer l'incontestable responsabilité des socialistes dans la situation actuelle, eux qui se sont refusés à utiliser les fruits de la croissance pour réduire les déficits et ont choisi, par une politique inconsidérément dispendieuse, de gaspiller les recettes disponibles...

Un député UMP - Et l'avenir de la France !

M. Philippe Auberger - Et qu'entend-on maintenant ? Qu'il faudrait, pour relancer la croissance, augmenter les minima sociaux - telle est l'unique proposition, de M. Hollande !

M. le Rapporteur - Vous l'avez mal écouté.

M. Philippe Auberger - Et cela, sans que soit précisé au détriment de quelles autres dépenses une telle mesure serait financée. Serait-ce par le déficit, ou en augmentant encore des charges déjà plus lourdes que celles de la plupart des pays voisins, ce qui ralentirait la croissance, aggraverait le chômage et accentuerait le mouvement de délocalisations ?

M. le Rapporteur - Quel histrionisme ! Le festival de Cannes se joue sur une autre estrade !

M. Philippe Auberger - Tout cela est irresponsable et d'une grande inconséquence. Sur le fond comme sur la forme, rien ne justifie la création d'une commission d'enquête, et cette proposition doit être rejetée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Novelli - La proposition de M. Migaud a ceci de choquant qu'elle tend à dénier toute utilité à notre commission des finances, l'estimant incapable de juger objectivement la situation financière de notre pays, alors qu'elle dispose de tous les moyens de contrôle suffisants. Rappelons-nous : à la fin 2003, un amendement de notre collègue Fourgous a été repoussé, qui tendait à renforcer le contrôle des dépenses par le recrutement d'audits extérieurs. Que n'avons-nous entendu, à cette époque ! Le 14 novembre 2003, un éminent parlementaire s'opposait à cet amendement en ces termes : « Il faut que nous exercions les pouvoirs que la Constitution et la loi nous confèrent... »

M. Augustin Bonrepaux - Tout à fait !

M. Hervé Novelli - « ...Je suis tout à fait d'accord avec l'idée qu 'il faut davantage contrôler, davantage évaluer. Mais nous pouvons d'ores et déjà effectuer des contrôles sur pièces et sur place, commander des audits extérieurs - la commission des finances en a la capacité -, demander à la Cour des comptes de nous assister dans un délai limité. La question qui nous est posée est donc la suivante : pourquoi n'en usons-nous pas davantage ? Il faut prendre le temps, travailler, convaincre nos collègues. Plutôt que de laisser accréditer l'idée que nous n 'avons pas de moyens, commençons par exercer nos prérogatives ».

L'auteur de ces paroles, pleines de sens, c'était vous, Monsieur Migaud, ancien rapporteur général du budget et coauteur de la nouvelle loi organique portant organisation des lois de finances, que certains ont appelée la loi Migaud-Lambert.

M. le Rapporteur - Où est la contradiction ?

M. Hervé Novelli - Tout ce travail sérieux, qui marque votre volonté de mieux contrôler, de mieux évaluer la dépense publique, pâtit de ce dévoiement auquel vous vous livrez en étant le premier signataire de la présente proposition.

M. le Rapporteur - Grotesque !

M. Hervé Novelli - Les propositions que vous avez faites en commission des finances concernant le contrôle financier, que vous n'avez pas reprises à cette tribune,...

M. le Rapporteur - Mais si !

M. Hervé Novelli - ...valent mieux que cette diversion politicienne.

Sur le fond, je suis tenté de dire « pas vous, pas ça ! »

Vous faites état de la dégradation des comptes publics depuis juin 2002. Parlons-en ! C'est la date de publication de l'audit sur l'état des comptes publics après votre gestion. Or, entre la loi de finances initiale et la loi de règlement 2002, le déficit des comptes publics a augmenté de près de 60 % ! Ce dérapage était lié principalement, nul ne le conteste, à la non-maîtrise des dépenses publiques. En revanche, le déficit 2003 se caractérise par une baisse de recettes liée à la stagnation économique.

M. le Rapporteur - Pas du tout, vous avez réduit volontairement les recettes !

M. Hervé Novelli - Vous étiez donc pleinement responsables en 2002, tandis qu'en 2003 comme aujourd'hui, notre responsabilité consiste à capter le mieux possible la croissance qui revient. Et c'est toute la différence.

Et s'il y a bien une responsabilité du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en 2002, c'est de ne pas avoir suffisamment pointé la gravité de la situation que vous nous aviez laissée,...

M. le Rapporteur - Vous auriez voulu tenir la plume des auditeurs... Curieuse conception de la démocratie !

M. Hervé Novelli - ...de ne pas avoir assez dénoncé les multiples bombes à retardement, et pas uniquement les 35 heures, qui aujourd'hui brident notre croissance. En ne soulignant pas suffisamment le caractère négatif de votre gestion,...

Mme Claude Greff - Une « gestion » socialiste ? Ça n'existe pas !

M. Hervé Novelli - ...le Gouvernement s'est interdit d'en tirer radicalement les conséquences devant le pays.

Vous êtes des tenants involontaires, biologiques - j'allais dire génétiques... - des déficits publics.

M. le Rapporteur - Monsieur le Président, vous ne pouvez nous laisser traiter de malades !

M. Hervé Novelli - Vous attachez un caractère automatiquement vertueux à la dépense publique. Avec vous, le déficit est condamné à s'accroître puisqu'on ne peut augmenter indéfiniment les impôts. Nous pensons, nous, que la dépense publique peut être parfois vertueuse, mais qu'elle ne l'est plus lorsqu'elle dépasse durablement la moyenne de celles des pays comparables.

Monsieur Migaud, avec cette proposition, vous avez adopté l'attitude du Tartuffe de Molière, prenez garde de ne pas subir son sort...

J'invite mes collègues à repousser cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Monsieur Migaud, je n'ai pas à juger le contenu des interventions mais le respect du temps de parole et le climat général de l'hémicycle.

M. Georges Tron - Pour ma part, je me réjouis de cette occasion qui nous est donnée de parler des comptes publics et de rappeler, à partir des chiffres, un certain nombre de choses claires. Menons donc l'opération vérité que M. Migaud appelle de ses v_ux.

Sa démarche est marquée par l'amnésie et l'incohérence. En 1997, M. Strauss-Kahn indiquait que, de 1993 à 1997, les déficits publics étaient passés de 5,6 à 3,6 %, tandis que la croissance moyenne annuelle atteignait 1,5 %. En juin 2002, le déficit était de 2,6 % pour une croissance de 2,8 %. Vous avez réussi l'exploit de réduire deux fois moins le déficit avec une croissance deux fois supérieure...

M. Jean-Pierre Gorges - Et voilà !

M. Georges Tron - Je comprends que vous vous préoccupiez des comptes publics...

On peut aussi se demander si vous étiez pour quelque chose dans cette croissance, comme vous le prétendez. Là aussi, les chiffres sont éloquents : croissance en 2000 : 4 % ; en 2001 : 2 % ; en 2002 : 1 % ! Quand la croissance a commencé à faiblir comme ailleurs, vous, vous avez injecté des sommes faramineuses dans des opérations comme les 35 heures...

M. Augustin Bonrepaux - Et l'emploi ?

M. Georges Tron - ...sans pour cela obtenir de meilleurs résultats que nos voisins dans la lutte contre le chômage.

Le déficit de 2002 montre bien le dérapage dénoncé par M. Novelli. Sur ce sujet aussi, vous faites preuve d'amnésie.

Vous affirmez vous préoccuper des comptes publics, mais vous ne remettez nullement en cause la politique de la dépense publique qui est au c_ur de vos conceptions. Lorsqu'on a eu la chance de pouvoir disposer d'une cagnotte de près de 200 milliards de francs et de 27 milliards de recettes de privatisations, soit plus que les gouvernements Balladur et Juppé, et qu'on en a dilapidé les deux tiers dans des dépenses de fonctionnement courant, je crois qu'on est bien mal placé pour donner des leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

En 1999, M. Strauss-Kahn, encore lui, considérait qu'un des grands problèmes était la rigidification de la dépense, en particulier de la part de la masse salariale et des pensions - 45 % en 1980, près de 58 % en 2004. C'est sans doute pour cela qu'en 2000, 2001 et 2002 50 000 fonctionnaires ont été recrutés...

Enfin, on a mesuré votre absence totale de courage sur les retraites, l'assurance maladie, mais aussi la réforme de l'Etat, qui vous a conduits encore l'an dernier à vous opposer aux propositions que j'avais faites en tant que rapporteur de la MEC.

Pour toutes ces raisons, s'agissant des comptes publics, je vous dis après M. Novelli : « pas vous, pas ça ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission des finances - Si les travaux de cette commission couvraient la période débutant en 1981 et avaient comme ambition de chercher à remédier à l'attirance de la France pour la dépense publique, je la soutiendrais sans hésiter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). On en est hélas très loin et cette proposition est surtout pour certains l'occasion d'asséner quelques contrevérités.

Vous affirmez aux Français que la dépense publique est vertueuse, mais nous sommes arrivés à un niveau qui porte atteinte non seulement au pouvoir d'achat mais à l'emploi. Tous les pays européens qui sont descendus en dessous de 5 % de taux de chômage ont pris des mesures de redressement de leur dépense.

Je suis prêt à ce qu'on aille plus loin dans la transparence et dans la vérité. Je propose donc à la commission des finances de constituer un observatoire de la dépense publique locale. Car je ne puis accepter que celle-ci augmente en fonction des promesses faites ici ou là et que nous en supportions l'impopularité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux - Vous transférez des charges et vous voudriez bloquer la dépense !

M. le Président de la commission des finances - Les règles fixées dans la Constitution devront être respectées.

Je constate que des promesses sans limites ont été faites, et je n'accepterai pas qu'on rende le Gouvernement responsable de tout. C'est la raison pour laquelle je propose à mes collègues que soit créé cet observatoire des dépenses locales, dont l'évolution serait analysée ville par ville, département par département, région par région, pour que les Français sachent qui est responsable de quoi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - Ce débat a été intéressant, parfois passionné, mais la situation de nos finances publiques ne se prête pas aux petits jeux de la polémique. L'état de nos comptes publics en 2003 et les prévisions pour 2004 étant bien connus, un audit n'apporterait aucune valeur ajoutée. En revanche, il faut s'organiser et agir pour tenir nos objectifs.

La responsabilité que porte l'opposition dans la dégradation des comptes publics rend assez peu recevables ses critiques. Depuis 1981, Messieurs, vous avez installé durablement la France dans le déficit. Le dernier budget préparé par le gouvernement Jospin a dérapé de 50 %. En juin 2002, le déficit budgétaire était plus élevé qu'en 1997. La dette publique a crû de plus de 150 milliards d'euros entre 1997 et 2002. Enfin, les grandes entreprises publiques étaient dans leur quasi-totalité lourdement endettées - à hauteur de 70 milliards pour France Télécom, pour ne prendre que cet exemple.

La cruelle vérité, c'est que le gouvernement Jospin a dégradé de manière structurelle les comptes publics. L'amélioration de la situation entre 1998 et 2001 n'était qu'apparente car elle ne reposait que sur des recettes exceptionnelles ; le déficit structurel s'est dégradé de 0,3 point de PIB en 1999, de 1,3 point en 2000 et de 0,8 point en 2001.

M. le Rapporteur - C'est faux !

M. le Secrétaire d'Etat - Nous ne nions pas que depuis 2002 le déficit public est excessif. Le besoin de financement des administrations publiques s'est établi à 3,1 % du PIB en exécution 2002, donc hélas au-dessus de l'engagement que nous avions pris auprès de nos partenaires européens, et notre déficit public pour 2003 dépasse 4 % : nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire de cette situation.

Nous ne sommes pas les seuls en Europe à connaître des difficultés. Au sein de la zone euro, cinq autres pays auront un déficit supérieur à 3 % du PIB en 2004 : l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas, Le Portugal et la Grèce.

Le ralentissement de la croissance pèse naturellement sur les recettes fiscales. Mais la dégradation de la situation a aussi une origine structurelle : vous avez mené une politique budgétaire procyclique en phase haute du cycle économique, à travers des baisses d'impôts non financées et des dépenses nouvelles, en bénéficiant de plus-values exceptionnelles de recettes ; nous payons aujourd'hui le fait que vous avez dilapidé les fruits de la croissance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). La période de croissance la plus faste depuis les années soixante-dix n'a pas été mise à profit pour restaurer l'équilibre des finances publiques et procéder aux réformes structurelles nécessaires.

Nous nous employons avec détermination à redresser la situation.

Nous avons conduit une politique budgétaire responsable et équilibrée, qui combine le jeu des stabilisateurs automatiques, pour ne pas compromettre la croissance, et un effort de maîtrise des dépenses de l'Etat.

En 2003, le Gouvernement n'a pas dépensé un euro de plus que le montant des crédits votés par le Parlement, soit 273,8 milliards. En 2004, il en sera de même. C'est d'ailleurs le but des réserves de précaution que nous avons constituées.

Comme l'a rappelé Nicolas Sarkozy la semaine dernière, nous rétablirons la confiance par une stratégie claire de finances publiques. Nous voulons doter la France de règles de comportement budgétaire contraignantes et pluriannuelles, à l'instar de la plupart de nos partenaires européens. Nous souhaitons que les dépenses de l'Etat n'augmentent pas en volume, et qu'en cas de recettes supérieures aux prévisions, le partage du surplus entre réduction du déficit et baisse des impôts suive une règle, variable selon le poids de la dette et le niveau du déficit, mais déterminée à l'avance et parfaitement connue, en particulier de la représentation nationale.

Par ailleurs, en réalisant les réformes de structure qui avaient été trop longtemps repoussées, nous renforcerons notre potentiel de croissance et redresserons nos comptes sociaux. C'est la raison pour laquelle, après la réforme des retraites, nous nous attaquons à celle de l'assurance maladie.

Cette ligne de conduite nous permettra en 2005 de respecter l'engagement européen d'un déficit public ne dépassant pas 3 % du PIB. Elle doit aussi nous permettre en 2006 de stabiliser le poids de la dette par rapport à notre richesse nationale.

Enfin, l'exigence de transparence que nous nous assignons rend inutile un audit de nos comptes publics.

Les comptes pour 2003 ont été publiés à la mi-mars, avant les élections régionales. Nous les avons notifiés à la Commission européenne, qui les a validés. Les chiffres ont été confirmés par l'INSEE en avril.

S'agissant de 2004, nous avons fait une prévision de croissance de 1,7 %. L'INSEE vient d'annoncer une croissance au premier trimestre de 0,8 %, ce qui laisse penser que la croissance sur l'année sera plus proche de 2 % : c'est une bonne nouvelle. La croissance française est nettement supérieure à celle de la zone euro depuis le milieu de l'année 2003.

En ce qui concerne le déficit public, le Gouvernement table sur 3,6 %. Bien entendu, il y a des incertitudes ; on ne connaîtra les rentrées fiscales avec un peu de précision, et notamment celles de l'impôt sur les sociétés, qu'en juillet.

Notre exigence de vérité et de transparence est totale ; nous sommes en permanence sous le regard critique de la Commission européenne, ainsi que du Parlement. Le débat d'orientation budgétaire sera l'occasion d'un dialogue ; par ailleurs, nous veillons à informer en temps réel les commissions des finances des deux assemblées. Le jour même de l'envoi des lettres de mises en réserve de crédits, elles en ont été destinataires.

M. le Rapporteur - C'est la loi.

M. le Secrétaire d'Etat - Les commissions des finances sont également destinataires des situations hebdomadaires des recettes et des dépenses. Enfin, à chaque fois qu'elles le souhaiteront, nous nous expliquerons devant elles.

Sur la question de la programmation pluriannuelle des finances publiques, dont vous réclamez un examen contradictoire, je vous avoue ma perplexité : cette programmation est portée à la connaissance des parlementaires puisqu'elle est annexée au rapport économique et financier lui-même annexé au PLF. La représentation nationale est donc parfaitement informée, avant même que le Gouvernement ait transmis à Bruxelles son programme de stabilité. Vous connaissez les objectifs économiques et politiques du Gouvernement qui, Monsieur le président de la commission des finances, suit votre avis de repousser cette proposition inutile (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - J'ai écouté avec attention les orateurs. Je suis surpris qu'on reproche à un groupe de proposer la création d'une commission d'enquête et encore plus surpris que cette demande soit interprétée comme une marque de défiance à l'égard de notre assemblée.

Que je sache, les commissions d'enquête font partie des commissions qui peuvent être crées au sein de notre assemblée. Nous sommes dans notre rôle en proposant d'en créer une. Ce n'est pas non plus une marque de défiance à l'égard de la commission des finances, dont je ne songe pas, compte tenu de mes anciennes fonctions, à réduire la capacité d'intervention. Monsieur Novelli, il faut lire le Règlement jusqu'au bout.

La commission des finances a pour compétence d'examiner les recettes et les dépenses de l'Etat, ainsi que l'exécution du budget. Or c'est l'ensemble des comptes sociaux que nous souhaitons examiner.

Notre proposition de résolution est donc une marque de confiance à l'égard de l'Assemblée. Il est indispensable que nos collègues membres des autres commissions puissent participer à ce débat. Je vous trouve, au contraire, incroyablement méfiants à leur endroit ! Pour ma part, je ne prétends pas que seule la commission des finances doive avoir connaissance des comptes publics. Je ne comprends pas certains arguments, que je trouve déplacés.

Je ne reviendrai pas sur ce qui serait une « maladie génétique », la maladie mentale des socialistes ! D'après M. Novelli, nous aurions besoin d'un examen psychiatrique (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Je relirai avec attention la déclaration de notre collègue, mais nous avons été traités de malades et de fous. Nous pouvons penser différemment de vous sans être des malades !

Je ne comprends pas l'énervement de certains lorsque nous demandons une plus grande transparence. Vous avez vous-mêmes demandé un état des lieux en juin 2002. Or la situation s'est dégradée depuis.

M. Novelli regrettait que les conclusions de l'audit n'aient pas été plus dures. On sentait chez lui l'envie de tenir la plume. Mais les auditeurs étaient indépendants, ils n'étaient pas soumis à votre bon vouloir ! Ils ont formulé un certain nombre de remarques et de critiques. Vous devriez être capables d'en entendre aussi.

La dégradation de nos comptes n'explique-t-elle pas la seule diminution des recettes ? Evidemment, non. Nous ne serions pas dans une telle situation si vous n'aviez pas baissé l'impôt sur le revenu, multiplié les niches fiscales et fait exploser les dépenses militaires.

M. Georges Tron - Que vous aviez scandaleusement réduites !

M. le Rapporteur - Je constate d'ailleurs, avec un certain plaisir, que le ministre d'Etat chargé de l'économie a souhaité le report d'une année de la loi de programmation. Vous ne me paraissez pas très cohérents.

Si nous proposons juin 2002 pour date de départ, c'est parce que vous avez déjà procédé à un audit pour la période antérieure. Mais nous acceptons de remonter non seulement à 1981, mais encore à 1975, quand Jacques Chirac était Premier ministre sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, puisque c'est cette année-là qu'est apparu le déficit.

Je suis prêt à accepter un amendement en ce sens. J'en avais même déposé un, que le service de la séance a refusé par un artifice de procédure. Il aurait été intéressant d'élargir le débat à une période plus longue. Nous sommes capables de reconnaître nos erreurs. Mais vous êtes toujours sûrs de détenir la vérité (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Le secrétaire d'Etat nous appelait à une plus grande humilité. Vous avez osé prétendre que la gauche était responsable de tous les déficits. Quel culot !

M. Georges Tron - De 90 % des déficits !

M. le Rapporteur - C'est faux. Une commission d'enquête est nécessaire. Nous n'avons pas peur de la vérité.

Je regrette que ni M. le secrétaire d'Etat, ni M. le président de la commission n'aient commenté nos propositions visant à améliorer le fonctionnement de notre démocratie parlementaire. Je suis heureux d'avoir contribué, avec Alain Lambert, aux progrès apportés par la LOFT. Mais, Monsieur le secrétaire d'Etat, les informations budgétaires que vous évoquiez ne sont connues que du président de la commission, du rapporteur général, de leurs homologues du Sénat et du Président de la République. C'est d'ailleurs parce qu'il reçoit ce type d'informations qu'en 1999 il avait parlé de « recettes supplémentaires »...

M. Georges Tron - Que vous dissimuliez !

M. le Rapporteur - C'était oublier qu'il y avait un déficit budgétaire. Nous aurions pu prendre davantage de précautions dans la présentation, j'en conviens (Sourires). Si le Président n'a lu que la première page de la note, je m'explique le contresens qu'il a pu commettre. Heureusement, nous ne l'avons pas suivi et, au lieu d'utiliser ces recettes pour diminuer les impôts, nous avons affecté 80 % de ce surplus à la réduction du déficit (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Je souhaite que l'opposition soit davantage associée au contrôle budgétaire. Il est anormal que, dans un pays qui se dit démocratique, aucun membre de l'opposition ne puisse avoir connaissance des recettes.

Vous me demanderez pourquoi nous n'avons pas changé cela quand nous avions la majorité. C'est que, lorsque nous sommes au pouvoir, l'opposition n'est pas privée de ses capacités d'investigation. Le président de la commission des finances du Sénat dispose de toutes les informations.

M. Méhaignerie estime que certaines de nos propositions vont dans le bon sens, mais que le débat de ce jour est trop politique. Légiférons donc la semaine prochaine, pour trouver un mode de fonctionnement analogue à ce qui existe dans tous les autres Etats démocratiques.

Vous m'avez cité de temps en temps. Je ne renie rien de ce que j'ai écrit, y compris sur la régulation budgétaire. Il est heureux que le Gouvernement puisse adapter sa politique budgétaire à la conjoncture économique, par nature évolutive. Nous avons en effet consacré cette mesure de bon sens dans la LOLF, mais vous l'avez complètement détournée, en annonçant, en octobre, que dès le début de l'année suivante, vous pratiqueriez la régulation budgétaire. Cela voulait bien dire que votre budget n'était pas sincère !

Le Parlement doit être informé !

M. le Président - Veuillez conclure.

M. le Rapporteur - Quelques mots encore.

Monsieur le ministre, vous avez répété que nous atteindrions les 3 % de déficit en 2005. Je suis prêt à parier le contraire, compte tenu de la situation dans laquelle vous nous avez entraînés ! Et heureusement, d'ailleurs ! Car à quel prix pourrions-nous atteindre cet objectif ? Une augmentation des impôts - vous allez certainement en faire une - et une remise en cause de nombre de politiques publiques au prix d'une aggravation des inégalités sociales. Il est vrai que vous restez très discret - du moins avant les élections, qui sont un mauvais moment pour vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Georges Tron - Et 2002 ? Quel orgueil !

M. le Rapporteur - Vous qui appelez si souvent à la transparence, ayez le courage de voter notre proposition de commission d'enquête !(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Monsieur Migaud, vous avez été surpris que le service de la séance ne retienne pas votre amendement, mais vous avez laissé en blanc la date par laquelle vous vouliez remplacer "juin 2002" (Rires sur les bancs du groupe UMP).

M. Georges Tron - C'est la transparence !

M. François Loncle - C'est scandaleux !

M. le Président - La commission des finances ayant conclu au rejet de l'article unique de la proposition de résolution, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 2, du Règlement, est appelée à voter sur ses conclusions de rejet. Conformément aux dispositions de ce même article, si ses conclusions sont adoptées, la proposition de résolution sera rejetée.

Sur le vote des conclusions de rejet de la proposition de résolution, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public. Il est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée et nous en venons aux explications de vote.

M. Jérôme Chartier - Monsieur Migaud, personne n'a nié la possibilité pour tout parlementaire de demander la création d'une commission d'enquête, mais nous vous reprochons votre ton polémique.

Vous pensez que la dégradation des comptes publics mérite l'attention, non seulement des parlementaires de la commission des finances, mais de l'ensemble des députés. Permettez-moi de vous citer l'article 38 du Règlement qui dispose que si un député ne peut appartenir qu'à une commission permanente, il peut assister aux réunions de toutes les commissions.

Par ailleurs, vous prétendez que l'opposition parlementaire, surtout quand elle est à gauche, ne dispose pas de réels moyens de contrôler l'évolution des comptes publics. Quelle est la différence entre la gauche et la droite ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Accuseriez-vous le président de la commission des finances d'être partisan et de ne pas vous communiquer les informations nécessaires ? M. Méhaignerie vous a pourtant transmis un courrier du ministre de l'économie et des finances, puisque vous vous y référez dans votre rapport !

Enfin, parce que le Sénat est à droite, vous souhaiteriez avoir un deuxième rapporteur général, choisi dans l'opposition. Ainsi, parce que les Français refusent de vous faire confiance, il faudrait changer la loi!

Je regrette que vous utilisiez une procédure parlementaire à des fins polémiques. Le parti socialiste n'en sort pas grandi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement! J'inviterai d'abord M. Chartier à ne pas s'énerver autant et à se rassurer : le groupe UMP est encore majoritaire...

Quant à l'amendement de M. Migaud, je veux bien accepter, Monsieur le Président, qu'il ne soit pas recevable parce que l'on vote sur les conclusions de la commission, mais vous avez jugé bon de formuler des commentaires sur le contenu de l'amendement qui justifierait son rejet (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Je vous demande donc de retirer vos propos et de choisir, pour la cause du rejet de cet amendement, entre les deux versions qui ont été évoquées.

M. le Président - Je n'ai fait aucun commentaire sur l'amendement de M. Migaud. Je lui ai simplement répondu, non pas en mon nom personnel, mais en tant que président de séance, puisqu'il s'interrogeait sur les motifs du rejet de son amendement.

M. le Rapporteur - Qu'on m'explique que nous ne pouvions déposer un amendement dès lors que l'on votait sur les conclusions de rejet de la commission des finances, soit, même si l'on peut s'interroger sur cet aspect du Règlement. Mais vous avez dit ensuite, Monsieur le Président, que l'amendement ne serait pas discuté parce qu'il n'avait pas été complété. Je m'en étonne, car j'aurais très bien pu le compléter oralement, comme cela se fait fréquemment. Je remercie le président Ayrault de vous avoir repris car vos propos auraient pu laisser croire que nous n'avions pas fait notre travail jusqu'au bout.

M. Georges Tron - C'est la réalité.

M. le Président - M. Ayrault a fait un rappel au Règlement dont la Présidence a tenu compte. Elle a souligné que le contenu de l'amendement n'avait pas été qualifié. Nous devons maintenant poursuivre les explications de vote.

M. Jean-Louis Idiart - Je suis offusqué par les termes utilisés par MM. Tron et Novelli. Comment accepter qu'on qualifie de « génétique » notre habitude supposée de laisser filer les déficits ? C'est inadmissible. Relisez les propos tenus au procès de Riom contre Léon Blum (Protestations sur les bancs du groupe UMP) : c'était la même rhétorique. Chassez donc les vieux démons de vos esprits !

Nous avons voulu moderniser les procédures en donnant des droits supplémentaires à l'opposition, quelle qu'elle soit.

Le président de la commission des finances prétend qu'il faut créer un observatoire pour vérifier et contrôler les collectivités territoriales. Mais où sera alors la fameuse autonomie ? La commission des finances doit d'abord se consacrer à l'évaluation des dépenses publiques.

Nous respectons les conclusions de l'audit qui a été demandé. Nous proposons seulement qu'un nouvel audit puisse avoir lieu et c'est parce que la commission des finances l'a refusé que nous avons demandé la création d'une commission d'enquête. En 2002, le déficit se situait entre 2,3 % et 2,6 % du PIB. Il est aujourd'hui de 4,1 %. C'est qu'après l'audit, vous n'avez pas pris les mesures nécessaires (Protestations sur les bancs du groupe UMP) : vous avez réduit un certain nombre de recettes et compté sur une croissance qui n'a pas été au rendez-vous.

Aujourd'hui, la consommation diminue et l'épargne augmente, et M. Sarkozy a expliqué qu'il fallait relancer la consommation et M. Carrez qu'il faut réformer afin que les Français épargnent encore un peu plus : où est la cohérence ?

Enfin, il est toujours intéressant de vous entendre parler de la « cagnotte » : vous oubliez de dire que le Président de la République avait estimé que cet argent devait être redistribué intégralement aux Français et non servir en partie à réduire le déficit, comme nous l'avons fait.

Je vous souhaite bien du courage pour les années à venir car vous serez pris dans des contradictions. Nous jouerons quant à nous notre rôle d'opposants pour vous rappeler aux réalités (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Rochebloine - Je crains que personne ne sorte grandi de notre débat. Une nouvelle fois nous n'avons pu nous empêcher de nous jeter des chiffres à la figure et je ne parle pas des noms d'oiseaux que nous avons entendus. Nous donnons ainsi une mauvaise image du Parlement.

Reconnaissons ensemble la gravité de la situation des finances publiques, et qu'il est urgent de les assainir. C'est une condition pour que nos concitoyens retrouvent confiance en nous tous.

Néanmoins, ce n'est pas la création d'une commission d'enquête qui permettra de régler le problème. Le groupe UDF suivra donc le rejet proposé par la commission des finances .

A la majorité de 73 voix contre 15 sur 88 votants et 88 suffrages exprimés, l'Assemblée a adopté les conclusions de la commission. En conséquence, la proposition de résolution est rejetée.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

    www.assemblee-nationale.fr


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