Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 90ème jour de séance, 223ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 18 MAI 2004

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Sommaire

      SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2

      ÉNERGIE (suite) 2

      QUESTION PRÉALABLE 2

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 19 MAI 2004 33

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Mme la Présidente - Le président du Conseil constitutionnel informe l'Assemblée qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante sénateurs ont saisi le Conseil d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi pour la confiance dans l'économie numérique.

ÉNERGIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

QUESTION PRÉALABLE

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. André Gerin - Le groupe communiste a toujours été favorable à une politique prospective de l'énergie. Je veux donc vous dire notre déception à la lecture de ce projet de loi d'orientation. Au lieu de tracer le cadre de la politique énergétique pour plusieurs décennies, vous avez encore privilégié un raisonnement à court terme, basé sur la libéralisation des marchés, la déréglementation de l'énergie et la privatisation des entreprises publiques. La vision à court terme est focalisée sur le nucléaire. Certes, l'abandon du nucléaire n'est pas envisageable, mais il ne fallait pas pour autant négliger la question des énergies propres ni les économies d'énergie ! Nous sommes favorables au lancement de l'EPR, mais il faut un effort financier équivalent en faveur des énergies nouvelles ! Or, c'est là que le bât blesse. Le projet laisse curieusement de côté des secteurs entiers qui pourtant consomment du pétrole, polluent et contribuent au réchauffement climatique. Il ne contient aucun programme de rénovation thermique de l'habitat ancien, ni rien de précis sur les transports ou le ferroutage. Il ne met aucun frein aux transports aériens à bas prix, malgré leurs conséquences sur la pollution. La politique énergétique de la France est donc totalement déphasée par rapport aux enjeux. Où sont nos engagements envers les peuples du sud ?

Le débat d'aujourd'hui a été préparé avec le livre blanc sur les énergies, le rapport Besson et ceux des trois sages - Pierre Castillon, Marc Lesggy et Edgar Morin. Ni la population, ni les spécialistes de cette question pourtant cruciale n'ont donc pu participer au débat. Les inégalités planétaires non seulement n'ont pas été prises en compte, mais pourraient être accentuées par vos orientations. Les échéances ne correspondent pas à la réalité, notamment en ce qui concerne le renouvellement du parc nucléaire. Des thèmes connexes sont ignorés, comme les implications sur la santé ou sur la démocratie. Des sujets sont évoqués sans donner lieu à aucune proposition, comme l'épuisement du pétrole ou le réchauffement de la planète.

La coopération mondiale doit dorénavant être prioritaire. Or, si beaucoup d'intentions sont affichées, vous n'avez élaboré aucune stratégie à long terme. Pourtant, le contexte est difficile : à un système écologique déréglé s'ajoutent une situation économique problématique et un contexte géopolitique incertain, où s'exaspèrent les antagonismes, les nouveaux besoins et les problèmes démographiques. Les menaces sur la biosphère, qui sont autant de menaces pour l'humanité elle-même, s'aggravent. Les conférences de Rio, de Kyoto ou de Johannesburg ont confirmé des diagnostics alarmants. Au niveau européen, où sont les confrontations et les échanges d'expériences qui, tout en définissant une politique commune, assurent l'indépendance et l'identité de la France ? La politique énergétique pour l'avenir doit être pensée à plus longue échéance et envisager les grands progrès possibles en même temps que les grands dangers éventuels. Il faut combiner le principe de précaution dans la sécurité et celui de l'autonomie dans la recherche et l'innovation. Des investissements massifs sont nécessaires dans les secteurs négligés. Or, vous escamotez jusqu'au problème des déchets. C'est un comble !

Indirectement, la question de l'énergie touche à l'habitat, à la production, aux conditions de vie, aux transports et à la communication dans les villes. La modification de nos comportements énergétiques entraîne un changement dans nos modes de vie. Il faut donc s'orienter vers une politique de société et de civilisation. Donner un sens politique à la qualité de la vie, en mettant au centre l'épanouissement de l'humain, ouvrirait un nouvel avenir à notre société. Utilisons ce qu'il y a de meilleur dans notre civilisation pour réduire les maux et pour combattre la barbarie et le terrorisme. Orientons-nous vers une culture de la qualité, et au premier chef de la qualité de la vie, reconquérons les valeurs civiques et morales ! Le recul des solidarités, l'individualisme, la logique du profit nourrissent la surconsommation et le gaspillage et provoquent le déclin de la civilité et du civisme.

L'épanouissement humain est le défi du XXIe siècle. Or, la voie suivie jusqu'à présent conduit à l'aggravation des périls. Toutes les études démographiques montrent qu'avant 2050, la Terre comptera trois milliards d'habitants supplémentaires, pour l'essentiel dans le Tiers Monde et les pays du sud. La demande en énergie va donc exploser, surtout dans ces derniers, les niveaux de consommation étant aujourd'hui très disparates. Mais en France aussi, la consommation d'énergie est le reflet des inégalités. Il existe bien une fracture énergétique. L'augmentation de notre population, la croissance économique et la réduction des inégalités, indispensable si nous voulons une société solidaire, auront des répercussions sur la consommation.

Le 8 janvier 2004, le Haut Commissariat à l'énergie atomique notait : « il est hautement probable que les conditions de production et de consommation d'énergie vont connaître, au cours de cette première moitié de siècle, des bouleversements majeurs, induits par des contraintes environnementales, géopolitiques et physiques nouvelles, telles que l'épuisement progressif des réserves d'hydrocarbures ou les effets du doublement du taux de dioxine de carbone dans l'atmosphère. » Comment répondre à cette demande dans le cadre du développement durable, en préservant les équilibres environnementaux et en instituant un véritable droit à l'énergie pour tous ? L'énergie doit devenir un bien public universel, au bénéfice de l'épanouissement de l'homme.

Aujourd'hui, la consommation d'énergie est assurée à 80 % par des ressources fossiles en voie d'épuisement - d'ici quarante ans pour le pétrole. Nous allons donc devoir bousculer nos comportements, d'autant que les zones de production et de réserves sont souvent instables. L'odeur du pétrole a ainsi exercé une forte influence sur l'attitude impérialiste des dirigeants américains en Irak.

Le risque environnemental est également important : le charbon, le pétrole, le gaz naturel produisent des gaz à effet de serre, dont les émissions risquent de croître, en dépit des accords de Kyoto.

Dans ce contexte, les députés communistes considèrent qu'une politique énergétique doit s'appuyer d'abord sur une diversification des sources d'énergie autour des énergies renouvelables, de l'atome, de l'efficacité énergétique. Actuellement en France, 76 % de l'énergie produite est d'origine nucléaire, 14 % d'origine hydraulique, et 0,7 % seulement d'origine solaire et éolienne.

L'eau et l'atome nous permettent d'être indépendants énergétiquement à près de 50 %. Grâce à l'atome, les émissions de gaz carbonique sont moins élevées que dans de très nombreux pays comme l'Allemagne. Pour maintenir ces atouts, la France doit accentuer sa recherche en faveur des réacteurs de quatrième génération et maintenir son potentiel industriel nucléaire. Elle doit, dès maintenant, travailler au renouvellement de son parc nucléaire et à la réalisation d'un prototype EPR. De ce point de vue, la fermeture de Superphénix a été un contresens économique et écologique.

Le développement du service public de l'énergie nucléaire passe aussi par un renforcement des droits des salariés et de la population, que le principe de sécurité ne saurait étouffer, et par une démocratisation du savoir sur ce sujet. Le secret est le principal obstacle au développement de cette énergie. La transparence, l'information, la maîtrise démocratique sont des exigences sociales. La sécurité nucléaire civile ne saurait être liée à la rentabilité à tout prix, ce qui doit conduire à exclure la sous-traitance.

Il convient par ailleurs de lancer une nouvelle génération de centrales thermiques propres au charbon. La fermeture des sites de Loire-sur-Rhône et de Gardanne est donc une aberration !

S'agissant des énergies renouvelables, Le développement de l'énergie hydraulique est possible notamment grâce aux marées. L'énergie éolienne paraît également séduisante, mais elle ne peut en l'état répondre aux besoins. La directive qui préconise 22,1 % d'électricité renouvelable consommée en Europe en 2010 est fortement orientée vers l'éolien. Or, cette forme d'énergie est peu efficace en période anticyclonique où la demande est forte. En outre, son coût de rachat, prévu par la loi, est plus élevé que la production classique. C'est une charge pour EDF. Pourtant, selon le « Livre vert » de la Commission européenne, l'énergie éolienne n'est qu'« un combustible de substitution ».

La filière biomasse est aussi à développer. Désormais, les techniques sont fiables et les possibilités de développement grandes, notamment en Rhône-Alpes.

La maîtrise de la demande d'énergie est tout aussi fondamentale. Des progrès d'efficacité énergétique peuvent être accomplis dans l'industrie, dans les transports et dans l'habitat. Or, les articles consacrés à l'habitat dans le projet de loi d'orientation sont marginaux.

Une réglementation portant sur la réduction des consommations des appareils ménagers, sur l'amélioration thermique des logements, sur la consommation des véhicules collectifs est nécessaire. Hélas, le Gouvernement, non content de ne pas financer de nouvelles infrastructures, réduit les crédits de certains investissements comme le tramway.

Au-delà du TGV, le développement des lignes régionales et du fret ferroviaire sont indispensables. Pourtant, l'abandon du fret ferroviaire est programmé, le récent mouvement social à la SNCF l'a montré. L'offre de transport ferroviaire est trop faible par rapport à l'offre de transport routier, secteur où la flexibilité est la règle et où le Gouvernement doit s'attacher à améliorer les normes sociales.

L'actualité récente montre l'importance stratégique du pétrole pour un pays. Depuis les privatisations, le champ est libre pour les « majors » du pétrole, pour les pays de l'OPEP, pour l'Arabie Saoudite, qui joue avec le feu. Un pôle public du pétrole permettrait donc de maîtriser réellement l'approvisionnement, les coûts et la recherche.

Il conviendrait également de bâtir un pôle minier national.

En 1946, en réponse à la faillite des trusts électriques, la production, le transport, la distribution, l'importation et l'exportation d'électricité et de gaz ont été nationalisés, et Marcel Paul, ministre de la production, déclarait : « II faut créer les conditions d'un équipement énergétique du pays conforme aux besoins de la Nation, adapté à ses besoins tant dans le domaine de l'industrie que dans celui des usages domestiques. Il s'agit, je veux le dire avec beaucoup de force, d'un problème de vie pour le pays. »

Cette orientation sociale et économique a été celle de toute la dernière partie du XXè siècle. On ne peut débattre de la politique énergétique sans parler d'entreprise publique, de bien universel, de service public, permettant l'accès de tous à une énergie bon marché, l'aménagement équilibré du territoire, la continuité de l'approvisionnement, le développement durable.

La maîtrise de l'ensemble du processus industriel et commercial a permis la stabilité indispensable. Le potentiel de recherche et d'ingénierie des établissements publics a été mobilisé au profit exclusif du service public.

Tout cela est incompatible avec la libéralisation que soutient votre gouvernement. Les tenants de la déréglementation veulent faire croire que la grande coupure de 2001 en Californie était d'origine locale, que l'écroulement de ENRON n'a tenu qu'à l'absence de contrôle, que la libéralisation, le sous-investissement, le manque de maintenance ne sont pour rien dans la faillite de British Energy ou dans les coupures en Espagne, en Suède, en Italie... EDF fait la fierté et la force de la France, pourquoi vouloir casser ce qui marche ? Ne faudrait-il pas plutôt encourager une nouvelle vague de nationalisations et une démocratisation de la gestion d'EDF-GDF ?

Vous avez beau faire patte de velours avec une privatisation qui ne dit pas son nom, vous ne trompez personne. Nous combattons l'intégrisme de la privatisation comme nous combattons le collectivisme. Faisons de l'énergie un bien universel au service de l'homme. Disposer d'un grand pôle industriel public et de PME/PMI diversifiées, c'est notre chance ! La concurrence dans la production d'électricité est donc un contresens économique et social. En revanche, un rapprochement d'EDF et de GDF permettrait d'optimiser leurs moyens et d'aller vers un cycle plus économe de l'énergie.

Les contrats à long terme, la coopération et la recherche sont des atouts indéniables d'une politique énergétique efficace que la Commission européenne veut casser, sous prétexte de concurrence. EDF-GDF doivent rester publics, sans que soit changé un statut qui permet de réduire les inégalités sociales et territoriales grâce à la péréquation.

L'exemple du pétrole en Arabie Saoudite est caricatural. Le pétrole est saoudien par accident, et l'usage qui est fait de ce pactole va à l'encontre du bien public. L'Arabie Saoudite est foyer du prosélytisme islamiste, de l'antisémitisme, c'est une tirelire du terrorisme.

Ce constat inquiétant doit faire réfléchir, pour que l'énergie soit considérée comme un bien public et universel, à l'égal de l'eau, de l'air ou du soleil.

Une politique énergétique d'avenir consisterait, pour commencer, à préserver l'établissement public EDF-GDF. Ce n'est pas votre choix, et la discussion qui aura lieu demain au Conseil des ministres est plus qu'une coïncidence. Changer le statut d'EDF au motif des récentes directives européennes revient à soumettre notre politique énergétique aux aléas du profit financier, dans un contexte international lourd de périls. Comme le déclarent, sous le nom collectif de « Jean-Marcel Moulin », plusieurs hauts cadres d'EDF, vous vous engagez dans une privatisation larvée qui précède une spoliation de la collectivité nationale.

De plus, la France refuse de contribuer au combat contre la fracture énergétique, qui devient une menace. Votre vision à court terme prive notre pays d'atouts dans la coopération internationale. De nouvelles directives européennes en cours d'élaboration confirment que, pour vous, en dehors du capitalisme, du marché, du libéralisme, point de salut !

Favorables à une loi sur l'énergie à l'horizon de 2050, soutenant des orientations qui vont dans le bon sens, comme l'EPR, nous regrettons d'autant plus que vous rompiez avec les atouts et les acquis issus du Conseil national de la Résistance. C'est pourquoi je demande à l'Assemblée de voter la question préalable.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Le Gouvernement remercie M. Gerin d'avoir compris l'essentiel qui est la nécessité de conserver la filière nucléaire et de développer l'EPR (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). La privatisation, je le lui répète en dépit de son scepticisme, n'est pas l'objectif du Gouvernement qui veut faire d'EDF un grand champion européen. Sur le marché français, à cause de la concurrence, le périmètre d'EDF va quelque peu rétrécir. L'entreprise ne peut gagner des parts de marché qu'en Europe et pour y parvenir, elle doit devenir une entreprise de droit commun. Pour le reste, le Gouvernement est disposé, dans le projet de loi à venir, à donner au Parlement la garantie que l'Etat conservera une majorité significative de capital. Pour le Gouvernement, la privatisation n'est ni pour aujourd'hui ni pour demain (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Cela dit, le Parlement est souverain et peut tout faire à tout moment. Je ne peux me porter fort que de la volonté du Gouvernement.

Mme Claude Darciaux - Les moyens d'assurer à la France son autonomie énergétique appellent un débat plus approfondi. Nous avons besoin de davantage d'explications sur le contenu de votre projet, qui doit structurer la politique énergétique de la France pour les prochaines décennies. Nous devons réfléchir encore à une diversification plus large de nos ressources énergétiques, mais, Monsieur Gerin, nous nous distinguons de vous sur la question de l'EPR. Nous ne pouvons pas être aujourd'hui...

M. Thierry Mariani - Vous ne savez pas où vous êtes ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Claude Darciaux - ...d'accord avec vous pour nous prononcer dans l'urgence. Nous avons encore le temps d'y réfléchir. Nous devons tenir compte du contexte européen et international. N'oublions pas les accords de Kyoto, que nous sommes loin de respecter aujourd'hui !

M. le Ministre délégué - C'est le nucléaire qui le permettra !

M. Yves Cochet - Pas du tout !

Mme Claude Darciaux - Il y a d'autres façons d'y parvenir, comme l'a exposé Jean-Yves Le Déaut. En revanche, Monsieur Gerin, nous vous rejoignons pour combattre la privatisation du grand service public d'EDF. En conséquence, nous voterons la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Lenoir - J'éprouve quelques scrupules à intervenir...

M. François Brottes - Ça m'étonnerait !

M. Jean-Claude Lenoir - ...car ce serait laisser penser que je m'oppose aux propos de M. Gerin, alors que ce dernier, toujours conséquent avec lui-même, nous a touchés en défendant des acquis auxquels nous croyons, en particulier la place du nucléaire dans notre pays. Ce n'est donc pas contre vous, cher collègue, que je me prononce, mais contre l'explication de vote du groupe socialiste (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

On voit en effet les socialistes se perdre dans leurs contradictions, s'opposer entre courants, dont certains cherchent à gagner des voix du côté des Verts... Dans ce tohu-bohu, on entend des voix s'exprimer contre tout, et présenter des solutions qui font sourire : il faudrait que, entre 2015 et 2040, nous recourions aux énergies renouvelables, aux éoliennes, à la biomasse...

M. Yves Cochet - C'est ce qu'il faut faire !

M. Jean-Claude Lenoir - ...pour combler l'absence d'énergie d'origine électronucléaire.

M. Gerin a utilisé la question préalable pour augmenter le temps de parole de son groupe. Tant mieux, puisqu'il s'est prononcé pour le nucléaire. Mais, comme adopter la question préalable irait au-delà de son souhait en interrompant un débat qu'il désire en fait poursuivre, nous allons voter contre, ce qui est pour nous une façon de nous opposer avec véhémence et cohérence aux propos tenus par la représentante du groupe socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Janine Jambu - Le principal mérite de cette loi d'orientation est d'exister, mais ce n'est pas suffisant.

Prendre en compte l'effet de serre, l'épuisement des ressources en énergies fossiles et sécuriser les approvisionnements est bienvenu. Cependant, entre omissions significatives et objectifs chiffrés fantaisistes, c'est une suite de déclarations d'intentions qui nous est soumise, dont la valeur juridique fait au demeurant problème.

Ce texte suffit-il à jeter les bases d'une politique énergétique digne de ce nom, dans un contexte de libéralisation accru et de démantèlement programmé des formidables outils que sont EDF et GDF ? Nous en doutons, et nous ne sommes pas les seuls. A preuve la mobilisation des agents d'EDF-GDF, qui donnera lieu demain à de nombreuses manifestations. Selon sa rhétorique habituelle, le Gouvernement pointera le corporatisme de fonctionnaires attachés à leurs prétendus privilèges.

M. le Ministre délégué - Je n'ai jamais dit cela !

Mme Janine Jambu - Nous y voyons, nous, le souci de défendre l'une des plus grandes conquêtes démocratiques et sociales de ces soixante dernières années, le service public du gaz et de l'électricité. Aussi voterons-nous la question préalable.

M. Jean Dionis du Séjour - Le statut d'EDF n'est pas en débat ce soir.

M. André Gerin - La question n'est pas neutre !

M. Jean Dionis du Séjour - Le débat sur le nucléaire, en revanche, est opportun. Les centrales arriveront en fin de vie en 2010, c'est donc maintenant qu'il faut arrêter nos choix. L'UDF ne surestime ni ne diabolise le nucléaire, dont les avantages et les inconvénients sont connus. La nécessité de débattre étant ainsi établie, nous ne voterons pas la question préalable.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Claude Gatignol - Je félicite le Gouvernement d'avoir pris l'initiative d'inscrire à l'ordre du jour un texte nécessaire et attendu, aboutissement d'un processus engagé dès le début de 2003. Je tiens en à souligner le travail remarquable du Gouvernement et de Nicole Fontaine en particulier.

Le rapport des sages, celui de M. Besson, le Livre blanc ont enrichi notre réflexion. Le 15 avril , la déclaration du Gouvernement a fait état des choix en matière énergétique et de calendrier législatif. Le premier texte est déjà là : cette méthode nous change de l'immobilisme du précédent gouvernement et de ses atermoiements avec les Verts.

Ce projet est cohérent. Il définit une politique ambitieuse et réaliste tout en tenant compte des contraintes : ouverture à la concurrence du marché européen, hausse des prix mondiaux du pétrole et du gaz, effet de serre. Il énonce quatre objectifs : garantir la sécurité de l'approvisionnement, mieux préserver l'environnement, permettre l'accès de tous les Français à l'énergie, assurer la compétitivité. Et pour cela, il détaille les moyens nécessaires : maîtriser la dépense en évitant les gaspillages, diversifier les sources énergétiques, développer la recherche. Notre filière nucléaire, enviée par le monde entier, est confirmée.

Le travail en commission a permis d'enrichir le texte initial.

L'article premier et ses articles additionnels réintègrent dans le texte les mesures innovantes concernant les objectifs souhaités. Les quatre axes proposés sont bien identifiés et développés. Il faut dire sans détour de quelle énergie la France a besoin, à quelles conditions elle peut être produite et transportée, quels sont les efforts à faire pour éviter les gaspillages et respecter l'environnement.

La place des collectivités locales et de l'Europe est soulignée, ce qui permet la transcription des directives européennes.

Un des points forts du projet est constitué par la nouvelle approche de la maîtrise de la consommation d'énergie, notamment grâce aux certificats d'économie d'énergie, mécanisme qui vise à mobiliser et à responsabiliser tous les acteurs.

Les missions de l'ADEME me semblent en revanche devoir être redéfinies et précisées.

L'article 6 rappelle l'importance des caractéristiques techniques des bâtiments, axe d'intervention très opportun puisque 25 % des émissions de gaz à effet de serre en proviennent. Des actions volontaristes sont possibles.

L'information du consommateur est ciblée dans l'article 7 traitant de l'affichage des consommations des différents équipements.

Nous avons besoin de toutes les sources d'énergie disponibles. Le nucléaire présente d'immenses avantages économiques et écologiques, mais la directive du 27 septembre 2001 préconise de produire 21 % de l'électricité à partir de sources dites renouvelables. L'hydroélectricité doit donc être développée, de même que le bois et la biomasse, les biocarburants issus du végétal, le solaire, la géothermie et l'éolien.

Les amendements aux articles 8, 9 et 10 ont été nombreux, concernant la garantie d'énergie, le bénéficiaire du certificat, le crédit d'impôt qui passe de 15 % à 50 %, l'abaissement à 5,5 % de la TVA sur les réseaux de chaleur approvisionnés par les énergies renouvelables.

Les dispositions des articles 12 et 13 visent à répondre aux exigences de quantité et de qualité demandées aux gestionnaires de réseaux. Le nécessaire équilibre entre l'offre et la demande est soumis à l'évaluation du gestionnaire dont les missions sont essentielles et doivent assurer la cohérence avec les dispositions de la loi du 10 février 2000.

Les qualités de l'opérateur français sont impressionnantes. Le rôle de RTE doit ainsi être conforté, de même qu'il convient de souligner le rôle important tenu par la commission de régulation de l'énergie.

Une réflexion doit être menée sur les « charges du service public de l'électricité ». Qu'est-ce qui est supportable, qu'est-ce qui est juste ? Le système d'obligation d'achat sans discernement a trouvé ses limites. Le Gouvernement doit donner un signe fort pour limiter des dépenses que supportent les consommateurs.

J'attache une grande importance aux efforts de recherche dans le domaine énergétique. La France a bénéficié de l'excellence du CEA, du CNRS, de l'IFP, de certaines entreprises. Un tournant se dessine avec l'hydrogène, le photovoltaïque, la géothermie, les biocarburants. Donnons-nous les moyens de la recherche publique et privée, concluons des partenariats avec d'autres pays, nous libérerons ainsi les enthousiasmes et les initiatives.

Vous avez proposé un soutien aux équipements, ce qui est une bonne chose, mais je vous propose d'aller plus loin avec la mise en place d'un support spécialisé que l'on pourrait appeler Agence nationale de l'hydrogène. Il s'agit avant tout d'être efficace, pour stimuler la recherche fondamentale et appliquée.

Les amendements portant sur la publication d'une stratégie annuelle de recherche et sur la publication d'un « jaune » sur la politique énergétique me paraissent particulièrement judicieux.

Ce projet dense et cohérent sera encore enrichi par nos débats en séance publique, et nous serons attentifs à la mise en _uvre de toutes les mesures qui concourent à l'élaboration de la politique énergétique de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Tourtelier - Ce projet nous est soumis dans des conditions qui peuvent légitimement faire crier au déni de démocratie : après un an de débat public biaisé par les déclarations des ministres compétents, voici qu'on nous pousse à un vote bâclé ! Néanmoins, des attentes fortes ont pu s'exprimer, qu'il s'agisse d'améliorer l'efficacité énergétique ou de développer les énergies renouvelables. Vous avez su en tenir compte en présentant vos objectifs, mais le court temps qui nous est concédé vous interdit de donner la moindre crédibilité à ces déclarations de principe. Ne venez-vous pas d'ailleurs de déclarer à M. Gerin que l'essentiel consistait en effet en la filière nucléaire et en l'EPR ? Tout cela explique la précipitation, voire la désinvolture, qui vous a conduit à renvoyer dans un premier temps les sujets de fond à une annexe !

Nous n'avons pu travailler comme il convient en commission et, en particulier, nous n'avons pu entendre les ministres concernés. Où est donc, aujourd'hui encore, le ministre de l'écologie ? N'est-il plus concerné ? Nos centrales auraient-elles cessé de produire des déchets ?

Cette précipitation et ce mépris du Parlement, aggravés encore par la déclaration d'urgence, nous interdisent d'approfondir le débat. De nombreuses questions restent pourtant pendantes : ainsi, alors que le Livre blanc manquait déjà d'ambition, vous ne faites que reprendre des engagements déjà souscrits, en particulier dans le cadre de l'Union, et vous vous limitez à l'horizon 2010-2015, c'est-à-dire demain ! Ce n'est que pour le nucléaire que vous vous projetez jusqu'en 2045, mais pour justifier la construction d'un deuxième EPR alors que celui qui sera construit en Finlande suffirait comme démonstrateur, pour assurer la sécurité de la filière.

Prenons malgré tout le temps d'envisager l'avenir jusqu'en 2020-2030. Votre troisième objectif consiste à garder un prix de l'énergie qui soit compétitif mais, dans vingt ans, nous serons dans un marché européen intégré : quel sera alors le prix du baril de pétrole ? On sait que, s'il atteint 40 dollars...

Plusieurs voix socialistes - ...Ce qui est déjà le cas !

M. Philippe Tourtelier - ...toute autre énergie devient compétitive. On pourra calculer le coût du démantèlement d'une centrale nucléaire, des décisions auront été prises quant aux déchets et l'on sera en mesure de comparer les prix de production dans les différentes filières ; les réseaux transfrontaliers seront devenus une réalité. La question de l'intermittence des énergies renouvelables se posera donc en termes nouveaux... à condition, bien sûr, que notre réseau de distribution de l'électricité ait été adapté à la collecte d'une production décentralisée.

De même, dans vingt ou trente ans, les deux objectifs que sont la lutte contre l'effet de serre et la sécurité de l'approvisionnement garderont toute leur actualité. Dans ces deux domaines, les économies d'énergie et le développement des énergies renouvelables sont essentiels - au moins autant que le développement d'un nucléaire sans déchets ! Or nous ne sentons pas de volonté de mobilisation sur le premier de ces thèmes, alors que le succès suppose une approche démocratique : association des citoyens à ce combat, effort de transparence, aide aux associations et aux agences de conseil, analyse des évolutions de la consommation, renforcement du rôle des collectivités qui sont à la fois acteurs et exemples pour la population. C'est dans cet esprit que nous avions proposé de compléter la loi sur les responsabilités locales par un chapitre sur « l'énergie et l'effet de serre », mais vous avez renvoyé le sujet au présent projet. Aujourd'hui, nous n'avons pas le temps d'en discuter... Dans ces conditions, que restera-t-il dans vingt ans de votre grande déclaration sur la maîtrise de l'énergie ? Et le « jaune » budgétaire sera-t-il l'occasion d'un débat approfondi ?

Pour lutter contre l'effet de serre et assurer la sécurité de l'approvisionnement, vous prétendez développer les énergies renouvelables : fort bien, mais que proposez-vous dans ce domaine ? Notre production hydraulique nous permet de faire figure honorable, mais elle cache notre indigence dans les autres domaines : avec le plus fort potentiel éolien d'Europe, nous ne produisons que quelques centaines de mégawatts ! La sensibilité aux paysages de M. Ollier l'honore, mais sait-il qu'à côté de nos 10 000 ou 20 000 éoliennes, nous avons 50 000 châteaux d'eau et 100 000 pylônes à haute tension ? Quant au photovoltaïque, pour lequel nous étions parmi les premiers dans les années quatre-vingt, son développement est entravé par l'absence d'obligation d'achat. Sans politique volontariste, nous n'aurons plus dans ces domaines d'entreprises créatrices d'emplois et ce sont les autres pays qui répondront à une demande croissante !

Enfin quelle part de la recherche allez-vous affecter aux énergies renouvelables, par rapport au nucléaire ? Durant la canicule, nos centrales ont fonctionné dans des conditions limites et nous avons dû recourir à d'autres sources, y compris à des sources renouvelables. Pourquoi n'avoir pas développé des climatiseurs photovoltaïques, particulièrement adaptés en cas de grosses chaleurs ?

Le choix du nucléaire fait il y a trente ans, s'il a satisfait pendant un temps à l'exigence d'indépendance énergétique, a aussi fait obstacle aux économies d'énergie et a phagocyté la recherche au détriment des autres énergies. Aujourd'hui, nous dépendons trop de ce nucléaire et, pour rétablir les conditions d'un véritable choix dans un cadre qui sera européen, il nous faut à la fois une politique très volontariste en faveur des énergies renouvelables et une approche véritablement démocratique. Nous ne trouvons rien de tel dans ce projet ni dans ce débat tronqué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Dionis du Séjour - Ce projet est une première : le Parlement est enfin saisi de la politique énergétique à long terme ! Même des gouvernements à l'écologisme plus démonstratif n'avaient rien fait de tel et il nous faut donc en remercier le ministre, ainsi que Mme Fontaine qui avait pris le risque politique d'ouvrir ce débat.

M. François Brottes - Elle en a été remerciée...

M. Jean Dionis du Séjour - Il nous faut aussi saluer la concertation menée en amont de ce débat, ainsi que la publication du Livre blanc. Toutefois, les choses ont commencé à se gâter lorsque Mme Fontaine a pris prématurément position en faveur de l'EPR (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Cette affaire aura pesé sur l'ensemble du débat, la volonté de donner des assurances aux partisans de ce réacteur avant la discussion sur le statut d'EDF et de GDF ayant conduit à bousculer le calendrier normal.

En effet, avec le présent texte, le Parlement commence l'examen d'une série de projets majeurs, qui comprend également la Charte de l'environnement et le texte sur le statut d'EDF et de GDF. Cette loi d'orientation se situe en outre à la croisée de deux problématiques, celle de l'environnement et celle de notre stratégie industrielle. Durant toute la phase préparatoire, l'UDF a insisté pour qu'on ne sacrifie pas la première à la seconde et, dans une société parfaite, nous aurions sans doute dû commencer par examiner la Charte de l'environnement, dont les principes devraient commander notre rapport à l'énergie : il y avait là une grille de lecture des plus utiles, et un texte propre à éclairer nos choix à long terme.

En revanche, nous approuvons le choix de débattre de cette loi d'orientation avant d'en venir au projet sur le changement de statut d'EDF et de GDF : le projet industriel de ces entreprises sera mieux identifiable lorsque nous aurons gravé dans le marbre de la loi les orientations de notre politique énergétique pour les quarante ans à venir.

Enfin, nous ne pouvons que déplorer que ce projet n'ait été déposé que six jours avant l'examen en commission et que nous n'ayons pu procéder à aucune audition. Alors que ce texte est déjà inscrit à l'ordre du jour du Sénat les 9 et 10 juin, nous avons demandé solennellement au Gouvernement de s'engager à ne pas déclarer l'urgence, ce qui nous aurait privés d'une seconde lecture tout à fait indispensable. Le ministre nous a garanti qu'il y aurait une vraie navette (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) - c'est du moins ce que j'ai compris - et je l'en remercie !

La discussion de ce soir et de demain prouvera d'ailleurs la nécessité de prendre notre temps pour débattre, car elle ressemblera vraisemblablement à du travail de commission, aucun amendement n'ayant pu être discuté auparavant sur le fond (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Nous allons sous-amender au coup par coup alors que le président Ollier, attaché à la belle _uvre législative, ne nous avait pas habitués à travailler dans de telles conditions ! Mais nous voulons croire que les choses iront en s'améliorant au Sénat et en deuxième lecture.

Nous nous réjouissons que l'annexe ait été intégrée au corps de la loi : cela mettra un terme aux controverses sur la valeur normative de ces dispositions et je remercie donc le rapporteur d'avoir arraché cette modification. Pour notre part, nous ne déposerons qu'un nombre limité d'amendements. L'essentiel est en effet pour nous de faire entendre une position raisonnable sur la filière nucléaire, à laquelle nous devons d'avoir traversé correctement la période 1970-1990. Cette filière ne doit être ni surestimée, ni diabolisée. Ses avantages sont connus : contribution à l'indépendance énergétique, stabilité et compétitivité des prix, absence d'émission de gaz à effet de serre. Mais ses inconvénients le sont également : production de déchets, exposition à des agressions terroristes, inadaptation aux périodes de pointes de consommation. Nous insisterons donc en faveur d'un recentrement sur sa contribution incontestable : la satisfaction des besoins permanents en énergie.

C'est dans cette perspective que doit être appréciée la décision de construire un démonstrateur EPR, avec l'intention implicite de le fabriquer en série. Afin de lever toute ambiguïté, nous proposons de préciser les orientations du nucléaire : oui à la construction d'un démonstrateur EPR ayant vocation à servir de solution de remplacement en cas de dysfonctionnement structurel des centrales les plus anciennes, mais non à un renouvellement à l'identique de notre parc nucléaire, dont la production occupe aujourd'hui 78,2 % de la production brute totale d'électricité. Pour obtenir une réelle diversification du panier énergétique électrique français, il faut se fixer une règle simple : la quantité de production nucléaire doit être adaptée en base, le gaz naturel et les énergies renouvelables doivent monter en puissance en semi-base et en pointe.

Nous regrettons également que des objectifs de santé publique ne figurent pas dans les orientations de notre politique énergétique. Ce texte est rédigé comme si l'article premier de la Charte de l'environnement - lequel dispose que « chacun a le droit de vivre dans un environnement sain et favorable à sa santé » - n'existait pas (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). C'est pourtant là une affirmation que le projet de loi d'orientation sur l'énergie devrait reprendre à son compte, dans la mesure où la pollution atmosphérique trouve ses causes essentielles dans nos habitudes de consommation d'énergie.

Nous proposons par conséquent de fixer un cinquième objectif : assurer la compatibilité de nos choix énergétiques avec la préservation de la santé humaine, ce qui devrait nous inciter à faire preuve de beaucoup plus d'audace dans la définition de nos politiques de transports. Las, le texte reste très discret sur ce point et cela nous a conduit à relancer l'idée des péages urbains pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Ce type d'initiative, laissée à la délibération des conseils municipaux, permettrait de mieux maîtriser l'augmentation du trafic urbain dans les grandes agglomérations, cependant qu'une étude récente de l'AFSSE insiste sur l'impact du phénomène, eu égard notamment au développement préoccupant des cancers du poumon. Ne pas agir sur ce point alors que nos voisins britanniques ont lancé des expériences très concluantes, c'est méconnaître les intérêts des générations futures.

Le levier fiscal nous semble également sous-employé pour atteindre nos légitimes ambitions en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Si nous voulons diviser par quatre nos consommations d'énergies fossiles en cinquante ans, il nous faut arrêter dès à présent une stratégie d'augmentation progressive de leur tarification, fondée sur le principe pollueur-payeur. C'est la seule manière d'agir sur les comportements de millions de consommateur, et sans doute la meilleure façon d'anticiper l'augmentation des prix de l'énergie qui résultera nécessairement de la réduction des réserves de pétrole disponibles.

Nous devons profiter de ce texte pour doter notre pays de véritables outils de gouvernance énergétique. La préoccupation croissante des Français pour l'environnement, bien identifiée par le Président de la République, sera satisfaite à travers l'organisation d'un débat démocratique au Parlement. Ainsi, nous proposons que ce dernier, de même qu'il vote un ONDAM dans le cadre du PLSS, vote chaque année une loi de politique énergétique dressant le bilan énergétique de l'année écoulée et proposant des mesures adaptées à chaque filière pour atteindre les objectifs de la loi d'orientation.

M. Yves Cochet - Ça, c'est une bonne idée !

M. Jean Dionis du Séjour - De cette manière, les parlementaires ne pourront plus « regarder ailleurs » et ils seront placés devant l'ardente obligation d'éteindre, pour reprendre l'expression désormais consacrée, l'incendie qui menace aussi la maison France !

Quelques remarques sur les moyens concrets proposés dans ce texte pour réaliser les objectifs de la politique énergétique française. Les mesures concernant l'habitat sont intéressantes, mais sans doute convient-il de les « muscler ». Notre commission a adopté notre amendement relatif aux certificats de performance énergétique, destiné à permettre à chaque occupant d'identifier le poste budgétaire « dépenses énergétiques » dans le coût de son logement, de manière à tout faire pour le réduire.

Nous nous réjouissons que, sous la pression du groupe d'études sur les biocarburants présidé par notre collègue Stéphane Demilly, la place des biocarburants ait été renforcée dans le panier énergétique des transports par rapport au texte initial. Ainsi, la part des biocarburants dans la teneur énergétique de la quantité totale d'essence et de gazole mise en vente devrait passer de 2 % en 2005 à 5,75 % en 2010, conformément à nos engagements européens. Le Gouvernement semble avoir pris la mesure de l'enjeu, alors que la France dépend à 98 % de ses approvisionnements externes en pétrole, que nos agriculteurs sont en quête de nouveaux débouchés et que le protocole de Kyoto nous engage à réduire drastiquement nos émissions de GES. A l'occasion de chaque loi de finances, notre groupe défendra des amendements tendant à instaurer une forte incitation fiscale à la consommation de biocarburants (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF) Au reste, nous nous réjouissons que nombre de mesures d'ordre fiscal que nous soutenions aient été adoptées par notre commission.

J'en viens à quelques interrogations sur les certificats d'économie d'énergie. Ce dispositif apparemment vertueux devrait avoir pour conséquences d'inciter les grands producteurs d'énergie à réduire la demande qui se porte vers eux, alors que leur métier est précisément de vendre de l'énergie. Il aurait sans doute été préférable de favoriser le développement des acteurs dont la vocation est de vendre des économies d'énergie : ingénieurs conseils thermiciens ou installateurs d'équipements énergétiquement performants. D'autre part, les certificats peuvent être assimilés à un prélèvement obligatoire affecté, dont la distribution sera faite, sous forme d'aides à l'investissement, par les grands offreurs d'énergie. Ce dispositif administré pourra encourager certains investissements, mais il ne permettra pas d'agir sur les comportements, dont dépend pourtant un gisement d'économies considérable à coût faible ou nul.

Nous nous interrogeons aussi sur le bien fondé de certaines propositions émises en commission, et notamment sur celles visant à modifier en profondeur le financement de la contribution aux charges du service public de l'électricité.

M. François Brottes - Improvisation !

M. Jean Dionis du Séjour - Le problème est bien réel, mais nous sommes opposés à un transfert de la moitié de la charge du CSPE sur le seul gaz, et défendrons des amendements répartissant cette charge également entre l'électricité, le fioul et le gaz.

Mettre en place une véritable gouvernance stratégique, affirmer que la santé publique est l'un des objectifs majeurs de notre politique énergétique, poser enfin sérieusement le problème de la voiture en ville, refonder raisonnablement notre politique nucléaire en la recentrant sur la satisfaction de nos besoins permanents et en faisant la part belle au gaz et aux énergies renouvelables pour la gestion de nos besoins ponctuels, continuer à faire évoluer fortement nos tarifs publics et notre système fiscal en étendant le principe pollueur-payeur, développer vigoureusement les biocarburants ; telles sont les principales contributions qu'apporte notre groupe à ce grand débat national. L'UDF, qui a salué l'initiative politique forte que représente l'examen et de ce texte tout en émettant de sérieuses réserves, aussi bien sur les conditions du débat que sur l'état actuel du projet de loi, participera activement à son amélioration et se déterminera, pour son vote final, en fonction des résultats obtenus (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Mme Janine Jambu - Une politique de l'énergie digne de ce nom doit se montrer à la hauteur d'enjeux sociaux, économiques et environnementaux qui dépassent les frontières nationales. A ce titre, elle se doit de satisfaire les objectifs d'aménagement du territoire, de sécurité d'approvisionnement, d'indépendance énergétique et de péréquation tarifaire. Mais on ne saurait atteindre de tels objectifs si l'on se prive des outils de service public dont notre pays s'est doté à la Libération.

La France, à l'unisson du reste du monde, doit tenir compte de contraintes accrues et parfois contradictoires : impératif de réduire les émissions de gaz à effet de serre, obligation de faire face à une consommation d'énergie dont tout porte à croire qu'elle demeurera globalement croissante, nécessité de diversifier ses approvisionnements dans un contexte de tensions géopolitiques et d'épuisement des ressources fossiles... Certes, ces questions sont abordées par le présent projet de loi. Cependant, les réponses envisagées ne s'accompagnent pas d'une obligation de moyens et les trop rares objectifs chiffrés apparaissent comme fantaisistes au regard de l'action politique menée par le gouvernement actuel.

Ainsi, comment serait-il possible de tabler sur un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 3 % par an alors que rien n'est mis en _uvre en matière de transports pour rompre avec la priorité accordée à la route. N'est-ce pas un comble, sachant que le transport est responsable du tiers des émissions de CO2 et que toutes les prévisions tablent sur une augmentation continue du trafic routier ? De même, l'augmentation du prix de gazole s'est accompagnée de mesures de remboursement accordées aux transporteurs routiers. Quid de la protection de l'environnement ?

Yves Cochet - Eh oui !

Mme Janine Jambu - Un tel écart entre le discours et la pratique n'a pas échappé aux agents de la SCNF, qui, le 13 mai dernier, se sont opposés au « plan fret », symbolique à leurs yeux du renoncement à l'ambition de rééquilibrer le transport de marchandises au profit du rail. De toute évidence, la réalisation, au moyen d'un grand emprunt européen, d'un maillage des pays de l'Union pour favoriser le transport combiné - proposition-phare du rapport d'information sur les transports en France et en Europe présenté par André Lajoinie sous la précédente législature - n'est plus à l'ordre du jour !

Par contre, convaincus que l'indépendance énergétique demeure une condition essentielle de la maîtrise par les peuples de leur développement, nous apprécions les intentions affichées par le Gouvernement à ce sujet. En Europe, où les besoins augmentent au rythme d'environ 2 % par an faute d'une utilisation raisonnable des gains d'efficacité énergétique, nous estimons que le bouquet énergétique doit intégrer toutes les options. En misant sur le développement des énergies renouvelables, mais aussi sur le maintien et le renouvellement des centrales thermiques et nucléaires, la politique industrielle qui nous est présentée cadre avec cette exigence.

Chaque source d'énergie présente des avantages et des inconvénients.

M. Yves Cochet - On ne peut pas formuler les choses de cette façon !

Mme Janine Jambu - En l'état actuel des choses, aucune d'entre elles n'est la panacée. Aussi, la diversité du panier énergétique demeure essentielle. Le pétrole et le gaz sont indispensables aux pays industrialisés qui en sont quasiment dépourvus. Malgré tout, ils présentent de sérieux inconvénients au regard de l'ambition de jeter les bases d'un développement durable respectueux de l'environnement. Il en est de même du charbon, même si les pays en voie de développement n'ont souvent pas d'autre choix que d'y recourir. La diffusion des progrès réalisés en matière de rendement et de dépollution est capitale.

La coopération internationale est indispensable. Ainsi, les pays industrialisés doivent utiliser au maximum les formes d'énergie non-productrices de gaz à effet de serre, tout en veillant à renforcer l'efficacité énergétique. A court terme, les énergies renouvelables - malgré les bons résultats obtenus - ne sont pas en mesure de répondre à tous les enjeux. Prétendre le contraire serait irresponsable, mais il serait tout aussi inconséquent de ne pas engager un effort de recherche soutenu en vue d'assurer leur développement.

C'est pourquoi, sous réserve d'obtenir les contreparties nécessaires, nous considérons que l'option nucléaire doit demeurer ouverte et accueillons favorablement la réalisation du réacteur EPR susceptible d'assurer la continuité de la production.

Cependant, le hiatus entre vos projets et les moyens débloqués est d'autant plus préoccupant que de nombreuses études prévoient des difficultés de fourniture d'électricité à partir de 2005 et un déficit de production à l'horizon 2009-2010. La construction de nouvelles unités de production s'avère donc urgente. Il faut de dix à douze ans après la décision de départ pour qu'une centrale nucléaire distribue de l'énergie. La mise en service de l'EPR n'aura donc pas lieu avant 2014 et non pas, comme on le prétend, en 2010 ou 2012. D'ici là, les tranches mises en service avant 1984 auront vieilli, et certaines seront peut-être être arrêtées, alors que la consommation va croître. Quels investissements comptez-vous accomplir pour que des mises en service aient lieu avant 2010 ? Votre texte ne fournit aucune réponse. Ce n'est pas un hasard : en l'état actuel des choses, les technologies susceptibles de nous éviter la pénurie sont les centrales à gaz ou à charbon, qui rejettent des gaz à effet de serre. Compte tenu de vos objectifs de réduction des émissions, vous ne pouviez annoncer y avoir recours. Alors que vous vous inclinez devant le lobby pétrolier, faut-il en conclure que ces objectifs irréalistes visent uniquement à rassurer à bon compte la population ?

Nous vous invitons à lancer la construction de l'EPR et à nous éclairer sur les moyens de faire face à la pénurie annoncée. Nous ne méconnaissons pas les difficultés inhérentes au nucléaire...

M. Yves Cochet - Ah !

Mme Janine Jambu - ...dont la production de déchets radioactifs n'est pas la moindre.

M. Yves Cochet - Et la guerre ?

Mme Janine Jambu - C'est pourquoi l'effort de recherche, aussi bien fondamentale qu'appliquée, mérite d'être accru, pour poursuivre le développement de nouvelles formes d'énergie. C'est pourquoi il faut aussi la transparence la plus totale. Les citoyens doivent être au c_ur de la prise de décision. Mais, et c'est une de nos divergences fondamentales, la poursuite d'une politique énergétique à la hauteur des défis requiert une rupture avec le mouvement de déréglementation et d'ouverture à la concurrence, qui n'aura d'autre conséquence que la soumission aux règles du marché. Dans une interview donnée à l'Humanité, François Roussely a déclaré que le projet de loi comportait quatre principes qui sont quasiment ceux du service public : l'indépendance énergétique, la protection de l'environnement, l'égal accès de tous à l'énergie et les prix les plus bas. Il en a oublié un autre aspect : celui relatif au service public de l'électricité et du gaz, ayant principalement pour objet le changement de statut d'EDF et de GDF. L'ouverture de leur capital et, à terme, leur privatisation ne cadrent assurément pas avec cette volonté de préserver les principes fondamentaux du service public qui est censée vous animer.

La déréglementation, combinée à un sous-investissement chronique, a déjà eu de funestes conséquences aux Etats-Unis, au Canada, en Italie ou en Suède, qui ont montré que les services publics ne peuvent répondre aux besoins des populations dans le cadre de la concurrence. Mais votre stratégie est habile : vous avez pris soin de distinguer les deux textes. Le projet de loi d'orientation pour l'énergie est présenté comme l'aboutissement d'un grand débat ouvert il y a plus d'un an et qui a donné lieu à de nombreuses consultations et négociations. Si la forme est volontiers consensuelle, on dit souvent que le diable est dans le détail. Ce sont effectivement certains détails qui trahissent vos desseins ultra-libéraux. J'en prendrai deux exemples.

Il est d'abord écrit dans l'annexe que l'Etat appuiera la demande d'EDF de construire un EPR. Cette rédaction garantit uniquement le fait qu'EDF sera constructeur. Le silence sur la conception et l'exploitation est lourd de signification. Le Gouvernement manifeste sa piètre conception de la maîtrise publique de la politique énergétique. Pourtant, en matière nucléaire, la perspective d'une gestion confiée au privé et, partant, obéissant à une logique de rentabilité à court terme, suscite de vives inquiétudes. La sûreté est déjà mise en doute avec le développement du recours aux nomades du nucléaire et l'accroissement des menaces pesant sur le statut des agents publics. Qu'en sera-t-il, demain, si toute idée de maîtrise publique est abandonnée ?

Le deuxième exemple, c'est la création d'un marché des certificats d'économie d'énergie, qui est d'inspiration typiquement libérale. Celui qui aura les moyens d'acquérir ces certificats pourra se dispenser de participer effectivement à l'effort d'économie d'énergie. Sans même parler de morale, on est en droit de douter de l'efficacité de ces mécanismes qui renvoient au mythe du marché autorégulateur, d'autant que le secteur des transports, celui qui recourt le plus aux énergies fossiles et contribue le plus à l'effet de serre, n'est pas concerné !

Sur ces deux points, notre désaccord est total. Les critères économiques du marché, dans lequel évoluent les entreprises privées, sont incompatibles avec la réalisation des missions de service public et leur financement. En attendant, si nous apprécions la présentation d'un projet de loi d'orientation sur l'énergie, nous rejetons celui-ci, qui est imprégné d'une vision étroitement libérale (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. François-Michel Gonnot - Je pense qu'il faut éviter de tout mélanger dans cette discussion et ne pas céder à la tentation qui pointe sur certains bancs. Nous n'examinons pas un projet de loi relatif à l'EPR ou au changement de statut d'EDF-GDF, mais au projet industriel qu'il faut donner à ces deux entreprises et au bouquet énergétique français des trente années qui viennent. Cette question est d'ailleurs considérée comme préalable par l'ensemble des partenaires sociaux. Je regrette que nous ne nous soyons pas fixé un horizon précis. Nous allons débattre de ce que sera notre bouquet énergétique - dont je regretterais qu'il devienne un panier - et devons donc savoir, dans une Europe déficitaire en matière énergétique et dans laquelle nous souhaitons qu'EDF et GDF soient des champions, ce que nous voulons pour la France. Devons-nous nous limiter à faire des prévisions sur l'évolution de notre consommation et de notre production, ou déterminer la part que la France doit occuper dans l'activité gazière et la production d'électricité de l'Europe de demain ? Cette question est à la base du débat sur l'avenir des deux entreprises.

Un autre écueil à éviter est d'opposer le nucléaire aux énergies renouvelables.

M. le Ministre délégué - C'est vrai !

M. François-Michel Gonnot - La France et l'Allemagne sont les deux seuls pays d'Europe à être autosuffisants et à avoir une capacité d'exportation. Si nous voulons maintenir cette faculté, nous devons développer un bouquet énergétique important. Il faut conserver le nucléaire. Dans vingt ou trente ans, peut-être nous demanderons-nous même s'il faut en augmenter la capacité ! Il faut également développer les autres sources d'énergie, et notamment renouvelables.

Un large consensus s'est formé pour ne pas barrer l'avenir du nucléaire français, dont nous sommes pour la plupart très fiers.

M. Yves Cochet - Pas moi !

M. François-Michel Gonnot - Le nucléaire a garanti notre indépendance énergétique et il est compatible avec l'avenir environnemental de la planète. Surtout, la France possède la seule filière industrielle capable d'exporter. Les Etats-Unis n'ont plus vendu une centrale depuis trente ans et les Russes ont cessé depuis Tchernobyl. Il ne reste plus que la France, qui doit avoir l'ambition de maintenir ce potentiel industriel et de recherche. L'EPR, qui devrait d'ailleurs être rebaptisé en français REP, est-il la solution unique ? Il doit surtout, aujourd'hui, nous permettre de conserver notre avance technologique.

En ce qui concerne les énergies renouvelables, le débat est loin d'être terminé. La production électrique française est destinée à croître dans les trente ans qui viennent.

M. Yves Cochet - Pourquoi ?

M. François-Michel Gonnot - Nous devons donc, outre la maîtrise de la consommation intérieure, avoir une ambition aussi importante pour les énergies renouvelables que pour le nucléaire. Au-delà des clivages politiques, il faut parvenir à élaborer une réglementation et à imposer l'ensemble des énergies renouvelables. Or, des divergences existent, notamment en matière d'éolien. Certains collègues, qui sont les premiers à s'écrier ici « Vive le vent ! », combattent farouchement l'éolien dans leurs mairies. Nous ferions pourtant une grave erreur en lui barrant l'avenir. Le débat permettra de réduire les divergences, mais il faut être conscients que si nous voulons continuer dans la voie du nucléaire pour les trente ans qui viennent, nous serons contraints, vis-à-vis de l'opinion, de nous montrer généreux en ce qui concerne les énergies renouvelables.

Un mot enfin d'un sujet sur lequel le Gouvernement observe un silence prudent, la contribution au service public de l'électricité. Comment sortir d'un système qui a à ce point dérivé qu'il représente aujourd'hui 1,8 milliard ? Après avoir bricolé en 2003 un dispositif qui a conduit à augmenter la facture d'électricité, on s'apprête à faire de même, sans aucune étude d'impact, en transférant une partie de l'obligation d'achat des énergies renouvelables sur la facture de gaz qui augmentera pour chacun de 8 %. Je pense qu'il serait plus sage de prendre le temps de la réflexion, avec les professionnels et avec le Parlement, et d'attendre un texte ultérieur plutôt que de se lancer dans une nouvelle aventure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Déaut - Il est très critique !

Mme Nathalie Gautier - Après un débat national sur l'énergie au cours duquel vous n'avez réussi ni à intéresser le grand public, ni à mettre les associations en confiance, vous nous soumettez dans la précipitation ce projet essentiel pour l'avenir du pays, alors qu'il aurait fallu remettre à plat notre politique énergétique et réfléchir à nos choix fondamentaux.

Les sources d'énergies renouvelables sont importantes pour tous les scénarios d'avenir, et même si leur contribution à l'approvisionnement énergétique est encore marginale, il importe de fixer des objectifs ambitieux. Nous sommes en effet en retard pour la mise en place d'une politique nationale en faveur des énergies renouvelables, hormis l'énergie hydraulique. Hélas, les prévisions financières et prospectives font défaut dans ce débat.

Les transports routiers d'une part, l'habitat et les bureaux d'autre part, sont responsables de l'essentiel des émissions de CO2. Il faut donc apporter en priorité un soutien aux énergies renouvelables, en particulier à la production renouvelable de chaleur. Comme le relève sans concession M. Poignant, l'utilisation du solaire thermique dans notre pays est proprement ridicule et le fort potentiel des biocarburants reste sous utilisé.

Les moyens de production d'électricité d'origine renouvelable, dont l'éolien, nécessitent un soutien public vigoureux. Les opérateurs de terrain doivent faire preuve de beaucoup de détermination pour faire aboutir leur projet. C'est essentiellement grâce aux programmes financés par la Commission européenne qu'un minimum de compétence a été maintenu en France. Or, vous avez drastiquement réduit l'an dernier les crédits de l'ADEME. En outre, seuls 7 % des crédits de la recherche publique sont consacrés à la maîtrise de l'énergie et aux énergies renouvelables. Ce dernier secteur ne représente que 5 000 emplois en France contre 70 000 en Allemagne et 200 000 en Europe. Notre pays est incapable d'exploiter ce gisement d'emplois.

L'ANVAR a montré que ces enjeux suscitent peu de vocations dans les PME innovantes. L'agence peine à mobiliser les chercheurs et elle n'a soutenu l'an passé que 24 projets consacrés aux énergies renouvelables. Il est nécessaire de sortir de l'attentisme ! Quels moyens l'Etat veut-il pour cela donner aux entreprises, créatrices de richesse ? Comment entend-il favoriser l'emploi dans ce secteur ?

Selon l'Agence internationale de l'énergie, depuis 1971, l'énergie produite par le solaire a augmenté de 32,6 %, celle produite par l'éolien de 52,1 %. Et cette croissance devrait se poursuivre. Nos entreprises doivent en tirer profit, grâce à un soutien des pouvoirs publics.

Cette loi d'orientation manque d'ambition, à tel point qu'à l'automne dernier, un quotidien national a titré « énergies renouvelables : la panne d'idées. La loi d'orientation ne suscite plus d'espoir ». C'est regrettable ! Nous défendrons près de 500 amendements pour enrichir votre texte et bâtir un projet de société innovant en matière énergétique. Acceptez-les et nous pourrons voter en faveur de votre projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Masdeu-Arus - Ce projet vise principalement à définir les objectifs et les orientations de la politique énergétique de la France qui, tirant les conséquences de l'ouverture des marchés, doit s'inscrire dans un contexte européen et mondial.

Deux défis majeurs sont à relever : maîtriser notre production d'énergie et notre consommation d'énergie, afin que puissent être respectés les objectifs de sécurité de l'approvisionnement, de préservation de l'environnement, notamment par la lutte contre l'effet de serre, de préservation de notre compétitivité, de garantie de l'accès de tous à l'énergie.

Premier défi, la maîtrise de notre production d'énergie. La France ne dispose pas de pétrole et de gaz ; la fin de la production de charbon est prévue pour 2005 ; une grande part de nos besoins énergétiques, notamment électriques, est assurée par notre industrie du nucléaire. Ce choix du nucléaire, fait à la suite du choc pétrolier de 1973, s'est révélé décisif, tant pour notre indépendance énergétique, que pour le coût de l'énergie produite et pour l'environnement, puisque le nucléaire, à la différence des combustibles fossiles, n'émet pas de gaz à effet de serre.

Je me félicite donc que ce choix se trouve confirmé par ce texte qui maintient l'option nucléaire ouverte à l'horizon 2020, date des premières mises à l'arrêt définitif de nos centrales nucléaires, les 59 réacteurs actuels devant être remplacés au plus tard en 2025. Or, les réacteurs nucléaires de 4e génération, qui auront l'avantage de ne pas produire de déchets nucléaires, ne pourront être installés qu'à partir de 2050. Pour assurer la continuité du parc, le choix se porte donc logiquement sur le réacteur de 3e génération : l'EPR, beaucoup plus moderne et deux fois plus sûr que les centrales actuelles. Sa productivité est de 10 % supérieure, ce qui permettra de diminuer le prix de l'électricité. Enfin sa production de déchets est réduite de 15 à 30 %. Il n'y a pas d'alternative. Affirmer le contraire relève du mensonge, voire de l'irresponsabilité.

Ainsi la France, continuant à produire par son parc nucléaire, 75 % de son énergie et 80 % du courant électrique consommé, assure son indépendance et se met à l'abri d'une fluctuation des prix, voire d'une pénurie des combustibles qu'elle est dans l'obligation d'importer. C'est aussi grâce à cette prééminence du nucléaire que l'on pourra continuer à garantir aux Français un prix compétitif de l'énergie.

Pour autant, la France ne peut faire le choix du tout nucléaire. Il lui faut diversifier son bouquet énergétique, d'une part parce que le nucléaire ne sait pas répondre aux besoins des transports, gros consommateurs ; ensuite parce qu'il faut préserver notre environnement. Nous devons nous doter de moyens législatifs pour favoriser la production d'énergies primaires, notamment renouvelables, et pour maîtriser notre consommation d'énergie. Tel est l'objet des titres I et II du présent projet.

Second défi, maîtriser notre consommation d'énergie, avant tout pour assurer la sécurité de notre approvisionnement. La canicule de 2003 doit nous faire prendre conscience de la nécessité d'une plus grande efficacité énergétique. De même, la coupure géante d'électricité que l'Italie a connue en septembre 2003 a montré l'importance d'une interconnexion continue des réseaux européens.

La France doit être une force de proposition car elle possède en RTE un gestionnaire indépendant qui remplit parfaitement ses missions de transport et de distribution de l'électricité. L'objectif d'un niveau minimal garanti d'approvisionnement, posé par l'article 12 du présent texte, est un préalable nécessaire mais insuffisant : RTE doit avoir les moyens de remplir ses missions. Il conviendra donc de lui assurer un investissement pérenne, en s'interrogeant notamment sur l'évolution de son capital.

Maîtriser la consommation, c'est aussi faire des économies d'énergie. L'Etat, les collectivités territoriales, les entreprises et chacun d'entre nous dans ses actes quotidiens sommes responsables de la situation énergétique de notre pays. Il s'agit donc de porter l'effort sur la demande en énergie. C'est à quoi tendent les certificats d'économie d'énergie.

Mme la Présidente - Veuillez conclure !

M. Jacques Masdeu-Arus - Réussir à maîtriser la demande d'énergie nécessite que la France et l'Europe conduisent une véritable politique de recherche-développement, dont les moyens doivent s'inscrire au plus vite dans nos projets de loi de finances. En effet, dans les transports par exemple, les évolutions technologiques ne seront possibles qu'en fonction des résultats de recherches sur l'hydrogène, les véhicules électriques, la pile à combustible, les biocarburants. Ces derniers sont le seul moyen d'améliorer la qualité de l'air. Or, la production française plafonne à 1,1 millions d'hectolitres depuis 1998, et l'Allemagne produit deux fois plus de biodiesel que la France, pourtant pionnière dans ce domaine. Nous avons donc besoin d'un véritable plan stratégique, comportant des mesures de défiscalisation et d'aide à la recherche-développement. C'est en mobilisant des financements pérennes que nous donnerons à notre politique énergétique les moyens de son ambition (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Cochet - Il existe des sources d'énergie à contraintes faibles, et des systèmes énergétiques à contraintes fortes. Une bonne politique de l'énergie consiste à promouvoir les premières et à réduire les seconds. Ces sources d'énergie tiennent en trois mots : la sobriété, qui conduit à réorganiser notre système énergétique pour éviter les gaspillages et à adopter des comportements plus vertueux ; l'efficacité, qui consiste à organiser des services énergétiques identiques mais à moindre consommation ; énergies renouvelables, qui sont dispersées, innombrables, complémentaires, et inépuisables puisqu'elles viennent du soleil.

Certains proposent de faire tout à la fois. Or, on ne peut pas tout faire, et on le sait bien à Bercy. Vous ne pouvez pas renouveler le parc nucléaire, et en même temps réduire la consommation d'énergie et développer les sources renouvelables, car cela demande des investissements considérables sur une longue durée, ceux qu'engagea, à partir de 1974, le gouvernement Messmer - à mon grand dam.

Notre pays possède un potentiel d'économie d'énergie supérieur à 50 %, et davantage encore dans le secteur électrique. Il est donc inutile de relancer le nucléaire, qui est un système énergétique à très fortes contraintes, dépendant par exemple beaucoup des transports. Nous n'avons pas de gisements d'uranium, et nous voyons combustibles et déchets se promener sur l'ensemble des routes de France en raison du choix du retraitement, concentré à La Hague.

Le nucléaire est une industrie nationaliste, une industrie pour la guerre, une industrie qui incite au terrorisme (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP)...

M. Jacques Myard - C'est vous le terroriste !

M. Yves Cochet - C'est très sérieux, ne riez pas !

C'est sur ce potentiel de 50 % d'économie énergétique qu'il faut faire porter l'effort financier, et vous n'y parviendrez pas en développant aussi le nucléaire.

M. Sarkozy m'a paru, cet après-midi, avoir évolué dans sa rhétorique. Après avoir déclaré qu'il fallait lutter contre le réchauffement climatique, ce que nous disons depuis trente ans et que certains paraissent avoir découvert avec la canicule, et qu'il fallait développer la filière nucléaire, ce qui est à nos yeux une impasse, d'autant que l'AIE prévoit une réduction de la part du nucléaire dans le monde, tout comme le Conseil national de l'énergie...

M. Jean-Claude Lenoir - Mais non !

M. Yves Cochet - M. Sarkozy a cependant ajouté qu'il fallait observer l'évolution actuelle des prix des hydrocarbures, et craindre à terme le déclin de la production mondiale de pétrole. Là-dessus, il a raison, le principal problème sera bientôt celui du choc provoqué par un niveau durablement élevé des prix du pétrole et du gaz.

M. Jacques Myard - La réponse est donc dans le nucléaire !

M. Yves Cochet - Le choc ne sera pas analogue aux précédents. Il sera structurel. Or, pour l'amortir, ce choc, vous ne faites rien, en particulier dans les transports. Pourtant, ce matin, Air France a augmenté de trois euros le prix du billet, parce que le baril est à 40 dollars. Mais ce prix va continuer à monter, parce que la source se tarit. Le premier impératif est donc de réduire la consommation réelle, et pas seulement l'intensité énergétique. Pourquoi ne pas se fixer l'objectif d'une diminution de 1 % par an de la consommation réelle d'énergie en France ? Malheureusement, vous n'en prenez pas le chemin, et c'est pourquoi nous défendrons des amendements pour sauver notre pays de vos inconséquences (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Lenoir - Si gouverner c'est anticiper, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin mérite notre considération. En effet, le Gouvernement nous propose un choix clair. C'est la première fois que le Parlement est appelé à se prononcer. Il le fait, à l'issue d'un débat national, à propos d'un projet de loi d'orientation sur l'énergie que complètera dans quelques semaines un texte sur le changement de statut d'EDF et de GDF.

Ayant eu la curiosité de me reporter aux débats précédents, j'ai trouvé un premier débat sur l'énergie en 1974, à l'occasion d'un projet sur les économies d'énergie. Puis il a fallu attendre 1989 pour que la gauche en organise un, et elle l'a placé un vendredi matin, de 9 heures à 13 heures, sans vote.

M. François-Michel Gonnot - Ridicule !

M. Jean-Claude Lenoir - La gauche n'a jamais osé demander un vote, parce qu'elle savait qu'elle était profondément divisée.

M. Christian Bataille - Il y a eu d'autres débats.

M. Jean-Claude Lenoir - Aujourd'hui, le Gouvernement invite à clarifier les positions des représentants du peuple. Nous avons entendu un certain nombre de billevesées, comme si nos collègues se contentaient de regarder voler les coquecigrues.

Ce débat mérite davantage de sérieux. Vous nous proposez, Monsieur le ministre, des choix cohérents. Soyons clairs : il n'y a pas d'alternative au nucléaire.

M. Jacques Myard - Bien entendu !

M. Jean-Claude Lenoir - Nous sommes à quelques minutes du passage au 19 mai. Or, c'est le 19 mai 1974 que fut élu Valéry Giscard d'Estaing, qui avait donné une impulsion décisive au choix du gouvernement de Pierre Messmer en faveur du nucléaire. Où en serions-nous si le Gouvernement, à l'époque, n'avait pas fait ce choix courageux ? Nous devons aujourd'hui faire preuve du même courage en nous prononçant sur la place que doit occuper le nucléaire dans notre paysage énergétique et en choisissant le nouveau réacteur européen.

Au sujet du nucléaire, j'aurais souhaité qu'intervienne avant moi à cette tribune quelqu'un qui aurait exercé des responsabilités dans le gouvernement précédent, qui aurait été ministre de l'environnement et qui aurait rappelé ses propositions du temps qu'il était aux affaires (Sourires) Malheureusement, ce souhait ne sera pas exaucé. Concernant le nucléaire, nous n'avons pas été peccamineux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : c'est lui qui permettra à la France de franchir les caps difficiles qui nous attendent.

Enfin, ce projet ouvre des perspectives européennes et mondiales. J'appelle de mes v_ux une politique européenne de l'énergie parce que les choix industriels doivent être faits en commun. Ils doivent être suffisamment exemplaires pour que les pays en voie de développement puissent se doter d'une énergie qui les mette à l'abris des besoins ainsi que des conséquences néfastes de l'énergie thermique. L'Inde, la Chine, l'Indonésie n'auront d'autres ressources que de se tourner vers le nucléaire.

M. Yves Cochet - Cela m'étonnerait.

M. Jean-Claude Lenoir - Un orateur de l'opposition a souvent parlé de « vertu ». En latin, la vertu, c'est le courage : je vous invite à être suffisamment courageux pour permettre à la France d'avoir les moyens d'assumer ses choix (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Claude Darciaux - Le débat sur l'avenir énergétique de la France et sur les choix stratégiques à faire pour garantir notre autonomie énergétique, protéger l'environnement et répondre aux engagements de Kyoto arrive enfin au Parlement. Nous nous réjouissons, Monsieur le rapporteur, que vous ayez accepté que les orientations initialement prévues dans l'annexe du projet soient désormais réintégrées dans l'article premier.

Ce débat a eu le mérite de faire apparaître l'importance des problèmes liés aux changements climatiques, à l'énergie nucléaire, et la priorité qui doit être donnée à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre ainsi qu' aux économies d'énergie. Ces questions doivent être débattues dans un contexte européen et mondial car il importe de réagir vite et fortement.

Ce projet aurait mérité davantage de concertation et de transparence. Nous sommes réduits à l'examiner dans l'urgence, sans l'appropriation citoyenne indispensable à la réussite de cet enjeu qu'est la maîtrise des économies d'énergie. Définir une politique énergétique, c'est d'abord intégrer les besoins à satisfaire et déterminer ensuite le type d'énergie appropriée.

Vous annoncez comme une priorité la maîtrise de la demande. Or, force est de constater que la consommation d'énergie continuera d'augmenter sous la pression démographique. Les années à venir seront en outre difficiles pour la sécurité de l'approvisionnement et l'évolution du prix du pétrole.

Les enjeux du service public d'aménagement du territoire, tels que le droit à l'énergie, la péréquation tarifaire, les rôles des collectivités territoriales, ne sont pas évoqués. La loi n'apporte aucune réponse à la dépendance pétrolière dans les transports et l'habitat. L'économie de l'après pétrole devrait pourtant être prise en compte. Aucun plan ambitieux n'est prévu pour le développement des biocarburants, non plus que pour le développement de l'inter-modalité ni la mise en place du ferroutage.

M. Jean-Yves Le Déaut - Très bien !

Mme Claude Darciaux - Où sont vos objectifs pour développer le fret ? Pire, vous avez supprimé les aides aux collectivités locales pour le transport en site propre et le développement des transports en commun.

M. Yves Cochet - Eh oui !

Mme Claude Darciaux - Concernant le parc de bâtiments, ce projet ne prévoit ni d'imposer ni de financer des mesures d'économie à l'occasion de la réhabilitation de logements sociaux.

Peu d'incitations sont prévues pour les taux d'isolation thermique dans la réhabilitation des logements anciens. Rien n'est prévu concernant les baisses de charges dans l'habitat avec l'utilisation de la géothermie et de l'énergie solaire. 600 000 chauffe-eau solaires installés en 2003, c'est huit fois moins qu'en Allemagne.

M. Jean-Yves Le Déaut - Très mal !

Mme Claude Darciaux - Enfin, votre politique de recherche n'est pas financièrement à la hauteur. Vous avez même réduit les budgets de l'ADEME concernant la biomasse et les subventions aux collectivités locales pour les transports en site propre. Les objectifs inscrits au contrat de plan Etat-ADEME seront même revus à la baisse.

Il est urgent de prendre des mesures concrètes pour que les économies d'énergie ne soient plus un simple slogan (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet - Avec cette loi d'orientation, nous nous lançons deux défis : moderniser et adapter notre politique énergétique, l'ordonner aux grands objectifs que sont l'intérêt supérieur du pays, la préservation de la qualité de l'environnement, la compétitivité économique, l'aménagement équilibré du territoire.

Ces deux objectifs sont atteints pour l'essentiel grâce à ce projet.

M. Yves Cochet - Vous n'êtes pas très exigeante.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet - La loi repose sur quatre piliers : la lutte contre l'effet de serre, la confirmation de l'option nucléaire avec le lancement de l'EPR, le développement des énergies renouvelables et le renouvellement de la politique de maîtrise de l'énergie.

Je salue particulièrement les mesures prises concernant les économies d'énergie dans les bâtiments. Je regrette en revanche que cette loi n'aille pas plus loin dans le domaine des transports.

M. Yves Cochet - C'est le moins que l'on puisse dire.

M. Jean-Yves Le Déaut - Eh oui !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet - Il s'agit pourtant d'une source majeure de pollution et d'un secteur fortement exposé aux variations des prix des hydrocarbures.

Je regrette également que le projet ne soit pas plus ambitieux sur le plan de la recherche. Je fais partie de ceux qui croient à la nécessité de disposer d'un réacteur de transition, l'EPR, mais notre effort de recherche ne doit pas se relâcher, bien au contraire, pas plus que le choix de l'EPR ne doit nous entraîner au renouvellement de l'ensemble du parc actuel.

Donner plus de sens à notre politique énergétique, c'est également tirer tous les avantages économiques du choix nucléaire, l'électricité nucléaire était en moyenne moins coûteuse que l'électricité thermique. J'ai déposé un amendement afin d'inviter l'opérateur de centrales nucléaires à offrir aux entreprises intéressées des contrats de fourniture de long terme.

Symboliquement, je pense enfin que le sigle du CEA devrait changer de signification et devenir le Commissariat aux énergies de l'avenir ou aux énergies alternatives, puisqu'il développe dans ce domaine différents programmes prometteurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Déaut - Grand projet ! (Sourires)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet - Le projet de charte constitutionnelle de l'environnement, dont nous débattrons à partir de mardi, vient en écho à nombre de préoccupations de ce soir. Ces projets ne sont pas sans cohérence, ce dont nous devons tous nous réjouir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Déaut - M. Gatignol n'a pas applaudi ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Bataille - On l'a dit et redit : notre avenir énergétique est largement conditionné par un réchauffement climatique désormais avéré, alors qu'il y a seulement dix ans, les scientifiques doutaient encore de sa réalité. Or, si l'on parle beaucoup du protocole de Kyoto, unanimement approuvé en Europe, il faut admettre que nos efforts pour donner plein effet à cet instrument ne peuvent avoir que peu de résultats tant que les Américains, principaux responsables de l'émission de gaz à effet de serre, se tiendront à l'écart. Renonçons donc aux déclarations incantatoires et demandons plutôt à nos diplomates de convaincre les Américains de revenir à la table de négociation ! Mais, pour m'être rendu récemment aux Etats-Unis, je mesure combien on y est éloigné de l'état d'esprit qui prévaut en Europe. Un changement de comportement exigera par conséquent de gros efforts de persuasion.

Si l'on veut lutter contre l'effet de serre, il faut s'appuyer simultanément sur les énergies renouvelables et sur l'énergie nucléaire. S'agissant des premières, nous devons amplifier les schémas régionaux d'énergie éolienne, développer les recherches sur le photovoltaïque, le solaire thermique et la géothermie, mais aussi construire des microcentrales hydrauliques car il y a là d'importantes réserves d'énergie renouvelable !

Pour ce qui est du nucléaire, je veux m'associer à ce qu'a dit M. Birraux sur la nécessité de construire l'EPR dans un avenir proche. J'ai mené avec lui une mission de plusieurs mois qui a conduit à un rapport commun de 350 pages, il y a un an, et nos conclusions ont alors été acceptées à l'unanimité par l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. La première était que la durée de vie d'une centrale pouvait être portée à quarante, voire à cinquante ans, sous le contrôle de l'Autorité de sûreté, qui doit remettre un avis tous les dix ans. La deuxième était que la génération IV se révélait très prometteuse. Je sais qu'elle exerce sur certains une séduction d'autant plus forte qu'ils sont réservés à l'égard du nucléaire, car il s'agit d'une perspective lointaine, mais il faut rappeler que la génération IV, c'est aussi du nucléaire ! Or, en ce domaine, nos recherches portent avant tout sur les neutrons rapides alors que la spécialité des Américains est l'hydrogène, les Japonais travaillant encore dans une autre direction. En quelque sorte, en France, la génération IV, c'est un super-Superphénix pour 2045 ! (M. Cochet s'exclame) Il y a donc un trou d'une vingtaine d'années à combler et l'EPR réunit pour cela un certain nombre d'atouts incontestables. En outre, c'est une industrie ! Il faut le rappeler notamment à nos collègues de Chalon-sur-Saône ou à ceux qui sont proches de Belfort et d'Alstom : le nucléaire représente des milliers d'emplois en perspective !

M. Jean-Claude Lenoir - Très bien !

M. Yves Cochet - Le renouvelable, c'est beaucoup plus !

M. Christian Bataille - Disant cela, je me sens en parfaite cohérence avec les gouvernements de gauche passés, y compris avec le gouvernement Jospin qui a achevé la construction du M4 de Civaux et encouragé les recherches sur l'EPR.

Enfin, cessons de proclamer que le nucléaire serait parfait sans les déchets. Ne cédons pas à l'intoxication : le Parlement s'est penché sur ce dossier en 1991 et a fait des propositions qui sont en cours d'application. Il reste, c'est vrai, à régler le problème des déchets hautement radioactifs (« Tout de même ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste), mais une loi a été votée, un calendrier a été établi sur quinze ans et le CEA mène des recherches fondamentales cependant que des études se poursuivent sur le stockage - nous aurons à en reparler d'ici peu d'années et j'espère que ce gouvernement honorera le rendez-vous fixé sous François Mitterrand. Le nucléaire ne peut en effet être géré que dans la durée, la difficulté étant que la périodicité de vingt-cinq ou cinquante ans qui prévaut en la matière ne coïncide pas avec la périodicité de nos élections !

Mais nous avons su maintenir un consensus pendant des décennies et, rapporteur de la loi du 30 décembre 1991, je ne pouvais savoir si ce serait un gouvernement de droite ou de gauche qui se trouverait au rendez-vous fixé au terme d'un délai de quinze ans. Aujourd'hui, je ne puis qu'espérer que notre pays, après avoir surmonté tant d'obstacles, saura relever ce nouveau défi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Lenoir - Voilà quelqu'un de courageux et de vertueux !

M. Claude Gaillard - Je veux rendre hommage à M. Bataille pour son travail, pour la conviction qu'il déploie quel que soit le gouvernement en place et pour l'esprit de responsabilité qui anime sa réflexion. Je n'ai pas participé aux débats sur l'énergie depuis 1974, pour ma part, mais seulement depuis 1989. Mais nous ne faisions précisément que débattre. Aujourd'hui, nous allons aussi délibérer, conclure et construire.

La France a une responsabilité particulière à assumer au sein de l'Europe et elle doit donc faire profiter ses partenaires de ses atouts : un outil industriel diversifié et un savoir-faire notamment.

Cependant, un rapide état des lieux révèle aussi chez nous une maîtrise insuffisante de la demande d'énergie. Selon une étude de la Direction générale de l'énergie, notre consommation croît de 1,4 % par an : ne nous y résignons pas comme à une fatalité ! Cette évolution ne nous permettrait d'ailleurs pas de respecter le protocole de Kyoto en 2020 ou 2030. Il faut donc agir. Pour nous y aider, il nous faudrait cependant connaître certains éléments : ainsi, dans l'industrie, quelle part des économies constatées s'explique par les efforts de ce secteur et quelle part revient aux délocalisations et à la désindustrialisation ? Par ailleurs, s'agissant des transports, vous avez évoqué le ferroutage mais il conviendrait aussi de noter que la part du transfert modal dans le ferroviaire est passée à 10 % et que, sur la ligne Lyon-Turin, on a expérimenté une technologie Modalor prometteuse.

Les économies d'énergie passent aussi par l'éducation des jeunes : pourquoi ce qui marche avec l'eau ne marcherait-il pas dans ce domaine également ? Mais les collectivités et l'Etat peuvent déjà donner l'exemple, en modernisant leur flotte de transport en commun.

Il y a aussi beaucoup à faire en matière de recherche, en partenariat entre le privé et le public. Sur le « mixte » énergétique et sur le nucléaire, je ne puis que souscrire aux propos de M. Bataille et de Mme Kosciusko-Morizet. Nous ne devons pas oublier qu'en 2006, en application de la loi Bataille, nous aurons à nous prononcer sur la filière technologique du combustible usé : c'est la condition pour que nous progressions.

Pour l'hydraulique, nos efforts sont réellement insuffisants : est-il vrai que, comme on me l'a assuré, ce serait dû à une taxation excessive, parce que d'un montant supérieur à celui des recettes ? Si tel est le cas, il faudrait revoir cette fiscalité.

Par ailleurs, des recherches sont à mener sur les énergies fossiles de manière à réduire au maximum la pollution. Je sais que des contrats ont été conclus en ce sens avec Alstom, à Carlins et à Gardanne. N'abandonnons pas tout effort dans les secteurs de l'énergie classique.

Je regrette également qu'on ait peu parlé de la cogénération, particulièrement avec le bois, alors qu'il y a là un gisement important à exploiter...

Pour terminer, je ne puis que me réjouir à nouveau que cette discussion se solde par le vote d'une loi d'orientation.

Et pour être deux secondes polémique avec l'opposition, je dirais que quelques débats sur l'énergie ont bien été organisés dans la législature précédente. Las, la stabilité de la majorité plurielle a alors primé sur l'intérêt général ! Aussi, nous nous réjouissons, Monsieur le ministre, du travail que vous avez personnellement accompli pour faire évoluer nos outils énergétiques de manière cohérente. Nous vous soutiendrons sans réserve car le pays en a besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Destot - Beaucoup a déjà été dit et j'aurais pu encore insister sur les insuffisances dans le domaine de la recherche amont - laquelle relève notamment du CEA ou de l'IFP - ou sur l'ignorance dans laquelle sont tenues des initiatives locales pourtant riches d'enseignements, mais je m'en tiendrai à la question essentielle des transports. Il y a un mois, j'avais souhaité que l'on arrête à ce sujet des dispositions ambitieuses. Mais rien ne vient, et je le déplore, même si je ne me faisais guère d'illusion, eu égard au désengagement de l'Etat du financement des transports urbains collectifs validé par la loi de finances pour 2004.

Pourtant, comment admettre qu'une loi d'orientation sur l'énergie ne dise quasiment rien des transports, alors que les consommations de ce secteur sont celles qui augmentent le plus vite et que la hausse à moyen terme des cours du pétrole semble inéluctable ? Je rappelle aussi que les politiques de dissémination urbaine qui ont été encouragées au cours des dernières décennies sont pour partie responsables de notre surconsommation de carburant.

Comment pourrait-on se permettre de faire l'impasse sur les transports dans un texte de cet enjeu, alors qu'ils représentent - avec la production d'électricité - 52 % des émissions de CO2 : de 1990 à 1996, celles-ci ont augmenté de 12 % pour les transports et de 14 % pour l'électricité, alors qu'elles demeuraient stables pour tous les autres usages.

Par ailleurs, il y a tout lieu de regretter que certains pays se soient attachés à réduire leurs émissions de CO2 dans le cadre de leur production d'électricité sans prendre à bras le corps le problème des transports. Pour contenir l'effet de serre, certains pays de l'OCDE se sont engagés à réduire leurs émissions de CO2 en passant simplement du charbon au gaz pour produire leur électricité. C'est une solution de facilité puisque ce transfert permet de diviser par deux le CO2 émis par Kwh produit, soit d'obtenir l'équivalent de la moitié du résultat d'un passage du charbon au nucléaire. Ainsi, les pays n'ayant pas opté jusqu'à présent pour le nucléaire peuvent éviter jusqu'en 2010 d'avoir à le faire au risque d'indisposer leur population !

En tant que maire d'une grande ville et président du GART, je suis pourtant convaincu qu'il sera très coûteux à moyen terme de ne pas prendre dès à présent les mesures qui s'imposent pour réduire nos besoins de déplacement. De 1998 à 2000, notre pays a su - notamment grâce au nucléaire - réduire de 18 % ses émissions totales de CO2, mais celles directement imputables aux transports ont augmenté de 53 % et elles représentent aujourd'hui 40 % de l'ensemble. Dès lors, veillons à ce que le débat sur le nucléaire n'occulte pas celui, autrement difficile, qui doit s'ouvrir sur nos modes de transport.

En effet, les transports routiers provoquent de lourdes dépenses pour l'ensemble de la collectivité, qu'il s'agisse des atteintes à l'environnement ou des phénomènes de ségrégation sociale et territoriale qu'ils induisent souvent. En outre, la préférence systématiquement donnée à la route dans les choix d'infrastructures est tout à fait contradictoire avec l'objectif affiché par le Premier ministre - et que nous partageons tous - de diviser par quatre les émissions de GES à l'horizon 2050. Faut-il rappeler que la part du fret ferroviaire est passée de 57,6 % en 1960 à 22,5 % aujourd'hui, alors même que les avantages du rail ne sont pas contestés ? Le défi qui nous est lancé est considérable. Il n'est que temps de promouvoir l'intermodalité, tant pour les voyageurs que pour le fret.

Monsieur le ministre, il est indispensable de favoriser les initiatives individuelles et de tout mettre en _uvre pour réduire la place de la voiture et du camion dans nos déplacements. A cette fin, la politique énergétique doit changer de nature. Il ne s'agit plus, pour l'Etat, d'agir de manière concertée avec une dizaine de grands offreurs d'énergie, mais de mettre tous les consommateurs sur la voie des économies d'énergie. A la lecture du présent texte, je crains fort que le Gouvernement n'ait pas pris la mesure de cet enjeu de société (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Nicolas - Une politique énergétique est plus que jamais indispensable. On pourrait croire que le phénomène mondial de déréglementation rend la définition d'une politique énergétique inutile ou aléatoire et que le marché peut à lui seul faire émerger les grands axes de développement les mieux adaptés à la réalité du temps. Il n'en est rien, car l'énergie n'est pas un bien comme les autres, tant par ses implications sociales, économiques et environnementales que par son impact sur les modes de vie.

Dans ces conditions, la déréglementation du secteur ne doit pas avoir pour conséquence un effacement de l'action de l'Etat, mais, au contraire l'affirmation d'une volonté pour tracer le chemin à partir d'objectifs précis,...

M. Michel Bouvard - Très juste !

M. Jean-Pierre Nicolas - ... tels que la sécurité d'approvisionnement, la préservation de l'environnement, la garantie de prix compétitifs ou encore l'accès de tous nos concitoyens à la ressource, dans un objectif de cohésion sociale.

Concernant la sécurité, l'approvisionnement et les prix, il est essentiel de prendre en considération le fameux « peak oil », c'est-à-dire le moment où l'on aura atteint le point culminant de l'extraction des produits pétroliers. Tous les experts s'inquiètent de l'imminence de ce phénomène et, déjà, certaines compagnies pétrolières sont, à l'instar de la Shell, contraintes de revoir à la baisse leurs réserves pétrolières. Dans le même temps, plusieurs grands pays émergents tels que la Chine et l'Inde consomment de plus en plus d'hydrocarbures, notamment pour leurs transports. Dans les deux premiers mois de l'année, la seule demande chinoise a crû de 17 %, cependant que l'OPEP produit quasiment au maximum de ses capacités et que l'outil mondial de raffinage arrive presque à saturation. Cet effet de ciseau est de nature à précipiter les choses dans un laps de temps que l'on peut craindre assez bref.

Les problèmes d'environnement prennent pour leur part une importance croissante. Toute politique énergétique doit désormais respecter le principe de précaution que nous allons inscrire prochainement dans notre Constitution. A cet égard, les contraintes ne manquent pas et concernent toutes les formes d'énergie : déchets radioactifs à durée de vie longue pour l'énergie nucléaire, émissions de gaz à effet de serre pour les hydrocarbures, pollutions spatiales, esthétiques ou sonores pour certaines énergies renouvelables. Rien n'est sans effet sur l'environnement, et le rôle de l'Etat est de définir les contraintes que l'on peut accepter si l'on veut sauvegarder l'essentiel de nos modes de vie et ce qui, en revanche, pose trop de problèmes pour l'avenir et qu'il faut exclure. Dans ce débat, le rôle de l'Etat est, certes, d'écouter ce que veulent ou non nos concitoyens mais aussi d'éclairer les choix, de tracer les voies possibles de l'avenir, de s'engager et de convaincre.

Aussi, monsieur le ministre, je me réjouis tout particulièrement que le Gouvernement ait décidé de doter la France d'une véritable stratégie énergétique. Il s'agit là d'un acte responsable, qui tranche avec les atermoiements de vos prédécesseurs !

Globalement, le texte qui nous est soumis éclaire le chemin de manière équilibrée, en évitant notamment de mettre tous nos _ufs dans le même panier énergétique ! Chacun le sait, l'énergie la plus abondante c'est d'abord celle que l'on ne consomme pas. Un très gros effort d'économie a été réalisé dans l'industrie à la suite du choc pétrolier de 1974. A l'heure actuelle, c'est sur les transports et le logement que doivent porter nos efforts. Votre projet comporte à cet effet des pistes particulièrement novatrices...

M. Michel Destot - Ah bon ?

M. François Brottes - Bel acte de foi !

M. Jean-Pierre Nicolas - S'agissant des énergies renouvelables, je suis de ceux qui considèrent qu'il faut les développer partout où cela semble possible. La photovoltaïque est prometteuse. Mais là encore, « l'épaisseur » du temps exige de la patience ! L'éolien est sympathique, mais lui aussi est polluant, et il reste somme toute assez marginal. Mais soyons conscients que tout effort dans ces domaines peut être « payant », et que les avancées technologiques réalisées aujourd'hui permettront des actions de plus grande envergure, pourvu que ces énergies renouvelables, ne conduisent pas à un renchérissement du coût de l'électricité qui pénaliserait les ménages et notre industrie et conduirait les consommateurs à choisir des solutions plus polluantes. La promotion des énergies renouvelables dans le secteur électrique, qui répond à des objectifs d'intérêt général, ne doit pas être financée par les seuls consommateurs. L'obligation d'achat participe d'une augmentation des CSPE particulièrement dissuasive. Les amendements discutés en commission en vue d'élargir l'assiette constituent autant de pistes de réflexions intéressantes, mais le plus simple ne serait-il pas de réduire sensiblement les charges ?

Il faut être lucide, le nucléaire est inéluctable, non seulement en France mais également pour l'ensemble du monde développé si l'on veut faire la soudure avec les énergies abondantes mais encore lointaines - fusion ou hydrogène. Nous n'avons pas d'autre solution pour faire fonctionner en base nos centrales électriques.

Certes, le nucléaire ne règle pas tous les problèmes de notre bilan énergétique, et la part du gaz naturel, compte tenu des réserves mondiales, de leur diversification géopolitique et de la dimension de l'opérateur national, ira grandissant. Mais, partout dans le monde et en Europe - voyez les exemples suisse et finlandais -, des frémissements pour intégrer une vraie réflexion sur le nucléaire se font jour, car ce mode semble le mieux à même de préserver notre niveau de vie.

Connaissant votre ouverture d'esprit et votre farouche volonté, Monsieur le ministre, de doter la France d'un secteur énergétique performant, je suis persuadé que notre discussion permettra d'enrichir ce projet de loi et de lui donner toute sa force afin qu'il réponde aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux de notre avenir. Vous avez toute ma confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Je voudrais d'abord déplorer les conditions d'examen de ce projet de loi. L'esprit de notre institution a été malmené ; la représentation nationale a examiné à la hussarde une copie bâclée. Nous nous serons royalement donné deux semaines pour élaborer notre politique énergétique pour trente ans ! Et ce n'est pas le fait d'avoir finalement consenti à réintégrer son annexe dans le projet qui lui donnera la rigueur minimale qu'exige le travail parlementaire.

Quant au fond, il pèche par un manque de prise de conscience, une absence d'objectifs et un défaut d'ambition, qui sont patents lorsqu'on voit les moyens qui sont débloqués. Ce ne sont pas les gels budgétaires qui enrayeront le réchauffement climatique ! Et si ce projet de manque pas de réacteurs, il manque singulièrement de réactivité. Le constat du réchauffement climatique, dû aux émissions de gaz à effet de serre, aurait dû mener à des mesures d'urgence. Restée stable depuis l'an 1000, la concentration en CO2 a augmenté après la Révolution française de 1 % par an. La température moyenne a augmenté parallèlement. Si rien n'est fait, d'ici 2100, elle croîtra de quatre degrés. Rappelons que sous l'ère glacière, la température moyenne était de 10 degrés. Elle est aujourd'hui de 15 degrés et pourrait atteindre demain 19 degrés ! Les bouleversements de la vie sur terre seront extrêmes.

Nous avons été sensibles à l'initiative du ministre de l'écologie, qui est malheureusement absent pour ce débat, de créer une fondation climat, mais elle reste anecdotique tant la volonté manque partout ailleurs. Nous allons droit dans le mur. Au lieu d'un changement brutal de cap, on envisage de tenter d'infléchir notre vitesse ! Le fait que les stocks de pétrole s'épuisent et que la situation géopolitique pèse sur l'approvisionnement pousse-t-il les auteurs du projet à l'innovation et au volontariat ? Même pas ! Selon un absolu monothéisme énergétique, le développement des alternatives de production est sacrifié à l'option unique du tout nucléaire, au moment précis, pour l'anecdote, où deux incidents sérieux viennent de se produire...

M. le Ministre délégué - De niveau 1 !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - ...et où la COGEMA doit répondre d'une pollution radioactive dans différents cours d'eau ! Faut-il, outre les risques qu'il comporte, rappeler que le bilan du nucléaire français dégage des aspects négatifs importants, du fait de la sur-nucléarisation de la France ? (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard - Vous passez le mur du çon !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Notre pays est le seul à exporter un volume d'électricité équivalent à la production de dix centrales. Cette surcapacité a des inconvénients peu visibles, mais redoutables : risques d'accidents bien sûr, mais aussi augmentation des déchets d'une électricité vendue à l'étranger. Vous prétendez favoriser l'essor des énergies renouvelables - l'objectif étant qu'elles atteignent 21 % de notre production totale d'ici six ans. Comment vous y prendrez-vous ? Il est vrai qu'à Johannesburg, le nucléaire a failli acquérir le statut d'énergie renouvelable...

C'est un Français, M. Becquerel, qui a découvert la conversion photovoltaïque de la lumière solaire.

M. Jacques Myard - Qui va répondre à tous nos besoins ! 

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Il faudrait que le Gouvernement en comprenne enfin les effets ! On sait que l'énergie solaire peut être captée pour produire directement de la chaleur. Selon que l'on habite au nord ou au sud du territoire, l'économie atteint de 30 à 70 % de la facture. L'éolien, lui aussi, est presque absent de ce projet. Les conditions de création d'un parc significatif ne sont pas posées. Nos voisins danois ont démontré la grande efficacité de cette production, face à une dimension paysagère très subjective. Quand exploiterons-nous ses atouts ?

Les deux sources les plus importantes de nos émissions de gaz à effet de serre sont les transports et les bâtiments. Le projet de loi est quasiment muet en ces domaines. On sait que le maintien dans les logements sociaux de leurs locataires est souvent hypothéqué par les factures d'électricité. Il faut donc en priorité en faire des habitats durables, utilisant des systèmes de chauffage et d'éclairage économiques et écologiques. De nombreux logements sont vacants en France pour cause d'insalubrité. La politique énergétique de la France sur 30 ans aurait dû programmer la réhabilitation de plusieurs centaines de milliers d'entre eux. Rien de tout cela ne figure dans votre projet. Ce texte appelle donc un jugement sévère. Je crains que les améliorations indispensables ne soient pas amenées dans le cours de la discussion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Michel Bouvard - Il y a presque un mois se tenait ici le débat sur la politique énergétique de notre pays, qui était attendu depuis plusieurs législatures - ce qui a d'ailleurs laissé à chacun le temps de s'y préparer. Plusieurs de mes questions étaient alors restées sans réponses de la part du Gouvernement.

M. le Ministre délégué - C'est vrai !

M. Michel Bouvard - Grâce notamment au choix du nucléaire, la France assure 50 % de son indépendance énergétique, contre 15 à 20 % pour ses voisins. Elle dispose ainsi d'une électricité très compétitive - 10 % moins chère que la moyenne européenne - et qu'elle est amenée à exporter. Malheureusement, cet avantage compétitif est remis en cause par la nouvelle organisation du marché de l'énergie. L'ouverture voulue par Bruxelles conduit à une hausse des prix, le marché étant globalement déficitaire au niveau européen. Il peut aussi être remis en question si nous tardons à renouveler notre parc électronucléaire.

    J'ai eu à me battre, en son temps, contre le projet de création, par le gouvernement Jospin, d'une TGAP énergie qui condamnait des pans entiers de l'industrie française, par la taxation record des secteurs les plus consommateurs - qui avaient d'ailleurs fait de gros efforts pour réduire leur consommation : l'électrométallurgie, la chimie ou les industries cartonnières et papetières par exemple. Des centaines de milliers d'emplois étaient menacés, et le Conseil constitutionnel a annulé cette disposition. Je m'honore d'avoir rédigé ce recours. Aujourd'hui, ces mêmes emplois sont menacés de délocalisation par la flambée des prix de l'électricité. On ne peut se contenter de faire des colloques sur la désindustrialisation sans prendre en compte ses facteurs ! Ni Mme Fontaine, ni le ministre, il y a un mois, n'ont répondu à mes interrogations. J'appelle donc solennellement l'attention du Gouvernement sur ce grave problème. Ces industries sont confrontées à une concurrence étrangère très vive, notamment de la part des pays asiatiques et d'Europe centrale. Elles travaillent sur des cycles économiques longs, avec des investissements très capitalistiques. Elles ont donc besoin d'une vision à long terme des politiques engagées.

De fortes hausses de la facture électrique globale des industriels ont été enregistrées depuis 2001. Les principaux consommateurs reprochent au système d'avoir évolué d'un monopole de droit, agissant dans un cadre figé, vers un oligopole de fait avec des perspectives illisibles. Au déficit de la production électrique au niveau européen s'ajoute le problème de l'organisation du marché, qui bénéficie principalement, voire exclusivement, aux électriciens. Le marché a vu l'arrivée de producteurs-traders, des pseudo-commerçants qui ont contribué à une hausse des prix considérable et pour partie artificielle. Cette incertitude sur les prix entraîne un doute quant à l'évolution des marges de chaque site industriel, et freine donc les investissements.

La situation est d'une extrême urgence. Il y a un risque d'accélération de la désindustrialisation, puisque ces hausses touchent les industriels au fur et à mesure du renouvellement de leurs contrats. Dans ma circonscription, la société Metaltemple - 400 emplois - a vu sa facture d'électricité, confiée dorénavant à la CNR, s'accroître de 25 %. La proposition d'EDF était encore supérieure. Les négociateurs ont d'ailleurs clairement évoqué l'intérêt d'EDF de vendre à l'étranger et à meilleur prix.

Je ne peux me résoudre à ce que l'exportation d'énergie, sans doute profitable, puisse se traduire demain par une importation du chômage dans le secteur industriel. Le même problème se pose pour la SNCF. Je suis un ardent et ancien défenseur du ferroutage. Mais lorsque la facture d'électricité de la SNCF croît de plus de 25 %, comment proposer des tarifs compétitifs pour le transport du fret ? Des amendements ont été proposés, qui permettraient une économie de 40 millions sur les comptes de la SNCF, ce qui est loin d'être négligeable lorsqu'on sait que c'est le contribuable qui comble ses déficits.

Il est également indispensable, ce qui n'est pas contradictoire avec la volonté de développer les énergies renouvelables, de prendre des décisions concernant le renouvellement de notre parc nucléaire et donc de lancer l'EPR.

Je souhaite que le Gouvernement fixe un cadre adapté au maintien des capacités industrielles de notre pays dans un secteur irremplaçable, qui représente des milliers d'emplois et qui contribue largement à nos capacités exportatrices (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Armand Jung - Je souhaite tout d'abord insister sur l'avenir des centrales nucléaires vieillissantes. Celle de Fessenheim a été implantée en 1977. Ayant été témoin de son installation, j'en mesure aujourd'hui les dangers. Au delà de ses vices de fabrication et de son implantation en dessous du grand canal du Rhin et dans une zone à forte sismicité, elle est désormais obsolète et les incidents s'y multiplient. Depuis le début de l'année, 12 agents ont été contaminés. Chacun a en mémoire les images des arrosages de l'été dernier, en raison du fort risque de surchauffe.

Aucun spécialiste ne pouvant exclure qu'un accident majeur survienne, j'en déduis que cette centrale serait plus utile à l'arrêt, comme centre de recherches, qu'en fonctionnement. Le Gouvernement a décidé de prolonger sa durée de vie jusqu'à 40 ans, mais la décision de l'arrêter doit être prise sans tarder. Ce serait un signe fort, à la veille de faire du principe de précaution un principe constitutionnel, car la question n'est plus de savoir si un incident majeur se produira, mais quand...

Ma seconde remarque a trait à la place du vélo dans notre politique des transports. A l'heure où l'on parle beaucoup de lutte contre l'effet de serre, d'économies d'énergie, ce mode de déplacement interactif non polluant, qui n'utilise que l'énergie humaine, doit être encouragé.

Comme récemment notre collègue, Mme Le Brethon, en 2002, dans un document adressé à M. Cochet, j'avais fait un certain nombre de propositions en ce sens. Elles sont restées lettre morte, en particulier celle de créer une mission interministérielle vélo.

M. Jacques Myard - Pour remplacer les 40 tonnes...

M. Armand Jung - Sur ces deux sujets, je vous invite, Monsieur le ministre, à prendre au plus vite les mesures qui s'imposent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Myard - Depuis vingt ans, grâce à une politique industrielle déterminée et d'avant-garde en faveur de la production d'énergie nucléaire, la France, jadis totalement dépendante de ses approvisionnements pétroliers, a garanti son indépendance énergétique à hauteur de 50 % de ses besoins. Certains voudraient aujourd'hui remettre ce choix en cause, au nom d'un romantisme écologiste qui mêle l'utopie du retour pour tous à la bicyclette et les craintes que suscite le spectre nucléaire.

Soyons sérieux ! Nos besoins iront croissant, même si des économies sont possibles et si les gaspillages doivent être combattus. A ce titre, les certificats d'économie d'énergie joueront un rôle stimulant pour ceux qui commercialisent l'énergie.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Jacques Myard - Mais c'est surtout sur la consommation de pétrole qu'il faut agir et le système devrait être étendu aux constructeurs automobiles et aux transporteurs routiers.

Certains voient dans les énergies renouvelables une alternative au nucléaire. Mais ils se font plaisir avec des idées à la mode qui ne résistent pas à la réalité des faits : c'est une idée d'avenir qui le restera longtemps... L'ensemble de ces énergies ne couvre que 7 % de nos besoins, contre 38 % pour le nucléaire ! Cela ne changera guère, même si certains imaginent qu'on captera bientôt l'énergie des éclairs... Il n'y a donc pas de salut hors de l'énergie nucléaire, le reste n'est que littérature pour adolescents attardés.

Mais ce texte, qui ne mentionne que dans son annexe les avantages du nucléaire me paraît trop pusillanime. On y parle de diversifier la production d'électricité, peut-être, mais seulement à la marge, pas pour faire face à nos besoins. Libérez-vous donc du terrorisme intellectuel des écolos attardés et de la Commission de Bruxelles, dont les textes sur l'obligation d'acheter une part croissante d'énergie renouvelable aura pour seule conséquence de faire payer l'électricité plus cher, quel progrès !

La loi doit donc mentionner clairement que la France doit continuer à développer son énergie d'origine nucléaire afin de garantir son indépendance. C'est le sens d'un amendement que je défendrai.

La France doit aussi conserver la maîtrise publique des outils qui lui a donné la capacité nucléaire que le monde lui envie. Les idéologies bruxelloises doivent céder devant l'intérêt national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Eric Besson - Sur les objectifs affichés par le ministre - indépendance énergétique, limitation des gaz à effet de serre, diversification des sources de production, préparation du remplacement des centrales nucléaires actuelles, économies d'énergie -, nous pourrions tous nous retrouver. C'est sans doute ce qui a dépassionné ce débat, du moins jusqu'à l'intervention précédente...

Nous sommes toutefois déçus par le hiatus entre l'ambition affichée et le manque de souffle de ce texte. Je ne m'attarderai pas sur les conditions choquantes de son examen, sur le fait que les objectifs ne figurent qu'en annexe, sur son incompatibilité avec d'autres pans de l'action du Gouvernement, sur l'oubli de l'isolation des logements sociaux, sur la contradiction entre vos déclarations en matière de transports et vos choix budgétaires, sur vos certificats blancs, sans aucune garantie d'efficacité.

Nous aurions mauvaise grâce à vous reprocher de continuer à faire du nucléaire une priorité, alors que la doctrine Jospin-Pierret en faisait la « clé de voûte » de notre politique énergétique, en l'accompagnant d'un programme ambitieux de diversification et de lutte contre les gaspillages. Nous aurions d'autant plus de mal à le faire que, contrairement à ce qu'on dit ici ou là, le Parti socialiste continue de considérer que la filière nucléaire est un atout pour la France. Nous ne contestons pas non plus la nécessité de préparer le renouvellement des centrales, même si l'allongement de leur durée de vie et un effort accru de recherche auraient permis de réaliser un saut qualitatif en passant directement aux réacteurs de quatrième génération. Puisque vous avez fait le choix de l'EPR, nous vous demandons d'amplifier la recherche sur les trois voies de traitement des déchets, afin que nous puissions, comme le prévoit la loi Bataille, en débattre dès 2006.

Sur l'éolien, M. Sarkozy a affirmé en avril et cet après-midi, vouloir poursuivre le programme déjà engagé, tout en ironisant sur les projets d'implantation d'éoliennes et en suggérant que, personnellement, il serait plutôt favorable à l'éolien « off shore ». Il vous faut sortir de l'ambiguïté. Que doivent dire les parlementaires et les préfets aux maires démarchés par d'éventuels producteurs ? Dans la Drôme, les projets se multiplient et les élus ne savent pas ce que veut le Gouvernement.

Si vous pensez que l'éolien est une erreur ou une atteinte à nos paysages, dites-le. Sinon, rédigez une circulaire définissant clairement les conditions d'implantation des éoliennes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Rouault - Toute politique énergétique doit avoir pour ambitions de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, et de garantir à tous l'accès à l'énergie tout en maîtrisant les ressources planétaires.

Pour y parvenir nous devons nous préoccuper avant tout de notre indépendance énergétique, dont le taux est aujourd'hui supérieur à 50 % contre 23,9 % en 1973. Ne balayons donc pas d'un revers de main l'option nucléaire, qui demeure incontournable, même si elle ne peut constituer la seule réponse. La poursuite de cette filière, qui nous permet de produire 80 % de notre électricité, doit s'accompagner d'une sécurisation accrue des installations et d'un stockage sécurisé des déchets radioactifs.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Philippe Rouault - L'utilisation rationnelle de l'énergie doit être intensifiée, avec en particulier, l'affichage conventionnel des dépenses d'énergie des bâtiments bientôt obligatoire lors de toute transaction. Ne cessons pas de prodiguer partout des conseils dans ce sens, soutenons les entreprises souhaitant engager une réflexion sur la performance énergétique de leurs installations, et montrons que la chasse aux pertes d'énergie n'est pas toujours synonyme d'investissements lourds et de technologies complexes.

Les énergies renouvelables représentent environ 10 % de la consommation d'énergie finale en France. Les contraintes d'environnement et d'indépendance énergétique, l'épuisement des réserves fossiles et les progrès considérables accomplis dans les filières renouvelables invitent à accroître rapidement ces 10 %. L'hydroélectricité est la plus importante des énergies renouvelables que l'on peut mobiliser à moindre coût. Elle constitue la seconde source de production d'électricité avec près de 15 %.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Philippe Rouault - Il faut augmenter les capacités de production des centrales en activité, équiper des barrages existants, réfléchir à de nouveaux projets. L'hydroélectricité a le plus faible impact sur l'environnement, et il n'est pas irréversible.

Explorons d'autre part la voie des biocarburants en mobilisant les acteurs des filiales agro-industrielles pour permettre à la France de rattraper son retard, et rendre obligatoire, à l'échéance du 31 décembre 2010, l'incorporation minimale de 5,75 % d'éthanol dans les essences et d'ester d'huile végétale dans le gazole. Ainsi, les émissions de dioxyde de carbone évitées en 2010 pourraient atteindre 7 millions de tonnes, et les emplois créés s'élever à 30 000. Les biocarburants ont l'avantage de mobiliser des surfaces agricoles de l'ordre de 350 000 ha et de créer des unités industrielles de transformation en zones rurales. Le développement des biocarburants est donc bien cohérent avec les objectifs de la Politique agricole commune.

« A force de sacrifier l'essentiel pour l'urgent, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel. » écrit Edgar Morin. Alors réfléchissons aujourd'hui à l'énergie de demain et n'attendons pas 30 ans. Nous le pouvons avec ce projet de loi d'orientation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Léonce Deprez - Pour répondre aux graves problèmes posés par le réchauffement de la planète, il est urgent de débattre de la question de l'énergie et de donner à la France des ambitions dans le domaine des énergies renouvelables. Vous voyez qu'au groupe UMP nous ne parlons pas tous le même langage que Jacques Myard... Cosignataire d'amendements relatifs au développement des biocarburants, je me réjouis que l'Etat s'engage à respecter les objectifs d'incorporation des biocarburants dans l'essence et le gazole fixés par la directive européenne de mai 2003, même s'il ne s'agit que de 2 % en 2005 et de 5,75 % en 2010.

La production de cette énergie verte représente une victoire contre les émissions de gaz à effet de serre et offre une perspective de développement des biocarburants de synthèse, notamment par la gazéification de la biomasse lignocellulosique. De même ce projet doit offrir l'occasion de développer la recherche sur les véhicules hybrides, la pile à combustible et l'utilisation de l'hydrogène.

Ayant vécu intensément la reconversion économique de mon département minier du Pas-de-Calais, je considère que le combat pour les énergies nouvelles doit nous rassembler au lieu de nous diviser. Me rendant aux Etats-Unis avec André Lajoinie, alors président de la commission de la production...

M. Pierre Cohen - Très bon président !

M. Léonce Deprez - ...pour évaluer l'efficacité des technologies françaises de traitement des déchets nucléaires, j'éprouvais déjà le sentiment d'un combat commun pour assurer notre avenir énergétique.

J'apprécie que le Gouvernement, attaché à faire entrer la France dans le nouveau siècle, s'emploie à faire sortir les Français du conflit déjà passéiste entre partisans et adversaires de l'énergie nucléaire. En écoutant Christian Bataille, j'ai pu constater l'existence d'une sorte de programme commun de l'énergie, dans lequel le bon sens et le juste milieu l'emportent. On ne songe pas plus aujourd'hui à défendre le tout-nucléaire qu'à s'opposer aux éoliennes. Comme le relève à juste titre Dominique Maillard, directeur général de l'énergie, les joutes verbales sur ces sujets semblent appartenir à un autre temps.

L'énergie est appelée à réconcilier les peuples, de mieux en mieux conscients de leur interdépendance. A fortiori doit-elle rassembler les Français. Notre débat de ce jour apparaît plus comme une discussion entre experts cherchant des solutions communes que comme un affrontement entre adversaires.

Il est également urgent d'expliquer aux Français ce que sont et doivent être les sources d'énergie et de leur faire comprendre la nécessité de concilier économie et écologie. Ils doivent savoir que les centrales nucléaires assurent plus de 75 % de notre production électrique ; qu'en 1989, la France offrait le KWh le moins cher d'Europe, de 35 % inférieur au prix allemand ; que de 1989 à 2004, EDF était très heureuse que les Allemands soient obligés d'augmenter leurs prix à la production puisqu'elle a pu ainsi augmenter les siens. De plus, c'est par les profits liés à la vente de l'énergie nucléaire qu'EDF a pu soutenir des dépenses sociales généreuses ainsi que le coût d'achat obligé de kilowatts heures éoliens.

Enfin, si l'on doit développer les sources d'énergie éolienne et verte, le maintien des capacités d'investissement d'EDF dépend désormais de l'ouverture de son capital et de la décision gouvernementale de maintenir en activité pendant trente à quarante ans nos centrales nucléaires. Les réacteurs de nouvelle génération, en effet, n'apparaîtront que dans les années 2040 et 2050. D'ici là, nous devons mobiliser nos forces pour que eau, soleil, végétaux se transforment de plus en plus en énergie.

C'est parce que ce projet donne à notre pays les chances d'un développement durable que nous devons être nombreux à l'approuver (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Cohen - Je suis indigné face à la pratique méprisante du Gouvernement à l'endroit de notre assemblée. On ne peut en effet accepter que l'on nous impose un débat à la va-vite sur un projet de loi mal préparé, qui se résume en fait à son article premier, lequel renvoie à une annexe en fixant les grandes lignes. Le rapporteur en a proposé une nouvelle version par voie d'amendements, pour finir par redécouper l'annexe en plusieurs articles additionnels réincorporés dans le corps même du texte. Et, pour couronner le tout, l'urgence a été déclarée aujourd'hui même ! La question de l'énergie méritait mieux.

Sur le fond, le Gouvernement ne se donne pas les moyens d'atteindre les objectifs qu'il dit se fixer. Il se contente de déclarations d'intention sur la maîtrise de l'énergie, sans formuler de propositions concrètes et même en diminuant les budgets. Mais comment parler d'environnement et d'héritage pour nos enfants lorsque son unique réponse se limite au nucléaire ? Comment avoir une ambition de diversification avec pour objectif, en 2010, de porter la production intérieure d'électricité d'origine renouvelable de 16 % à 21 % ? Quel crédit porter à ses incantations sur l'effort de recherche, alors que depuis deux ans les crédits du CEA diminuent ?

Ce texte prépare en fait la remise en cause de la puissance publique, la libéralisation du secteur de l'énergie, le démantèlement du service public. EDF est en voie de privatisation et l'ouverture totale du marché en 2007 fait peser de gros risques sur les usagers.

Or, le service public a fait ses preuves. L'entreprise publique réalise régulièrement des investissements pour le développement et l'entretien des réseaux ou pour la recherche. Comment les opérateurs s'acquitteront-ils de cette mission de service public si le projet ne l'inscrit pas clairement ?

Ce texte manque d'ambition et de crédibilité. Que le Gouvernement refasse sa copie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Pascale Gruny - Notre pays doit faire face à des défis majeurs : réchauffement de la planète, hausse du coût de certaines énergies, volonté de développer des énergies plus respectueuses de notre environnement. Ce débat est donc primordial, et sera suivi avec attention par nombre de nos concitoyens, notamment agriculteurs ou industriels.

Depuis les années soixante, la France a su investir dans l'énergie nucléaire, ce qui garantit une électricité non polluante à faible coût. Nous devons poursuivre dans cette voie. La valorisation des productions agricoles à des fins non alimentaires, autre source d'énergie, doit également être encouragée. Les biocarburants, diester ou éthanol, présentent d'indéniables avantages, notamment écologiques, mais aussi stratégiques puisque nous importons 98 % du pétrole que nous consommons, économiques et sociaux enfin - puisque plusieurs études ont quantifié l'impact des biocarburants sur l'emploi.

Le développement des biocarburants donnera par ailleurs des débouchés nouveaux à notre agriculture, mais son impact sera surtout industriel : 14 millions d'hectolitres d'éthanol devront être produits en 2010 selon la directive européenne de mai 2003, ce qui impliquera la construction de nouvelles distilleries.

Hors d'Europe, des géants agricoles et industriels soutiennent déjà fortement ces biocarburants ; en Europe même, nous accumulons un retard important, alors que nous étions en tête il n'y a pas si longtemps. L'amendement de la commission faisant clairement référence aux biocarburants contribuera à relever le défi. C'est un pas supplémentaire à franchir, avant d'aller plus loin encore (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Ducout - Après un simulacre de débat national et une présentation cavalière de ce projet par le Gouvernement, les derniers événements internationaux nous obligent à nous situer dans une démarche responsable.

Suivant de près les problématiques liées à l'énergie, je tiens à souligner plusieurs points. En premier lieu, tous les citoyens du monde ont droit au développement et à l'énergie. Or, le changement climatique est dû en grande partie à l'activité humaine et aux gaz à effet de serre, et l'application stricte du protocole de Kyoto est de ce point de vue une ardente obligation.

Le marché et le libéralisme ne fonctionnent pas bien en matière d'énergie. Le prix actuel du baril, s'il s'explique par la situation au Moyen-Orient, s'explique également par la spéculation, par des sous-investissements aux Etats-Unis et par l'augmentation de la consommation chinoise. Le problème californien et le black-out dans le nord-est des Etats-Unis et en Italie notamment s'expliquent, quant à eux, par des sous-investissements dans la production et dans le transport.

D'autre part, en France comme en Europe, l'ouverture du marché pour 70 % de la consommation sera effective dès juillet et, jointe à l'ouverture prochaine du capital d'EDF et de GDF, laisse présager une remise en cause du service public.

A partir de ces constats, comment ne pas déplorer l'absence de toute dimension européenne dans ce projet ? Mais celui-ci n'est pas seulement insuffisant pour ce qui est du rôle de l'Union européenne : il l'est également en ce qui concerne la lutte contre l'effet de serre et le « mix » énergétique, et il ne dit rien d'un service public européen de l'énergie, pourtant indispensable.

L'ouverture du marché à provoqué une forte hausse des prix. Il faut une Europe puissante, dotée d'une forte politique industrielle, d'une politique de recherche et capable d'édicter des normes pour la maîtrise de l'énergie. Nous avons aussi besoin d'un grand programme de recherche européen, visant à permettre aux sociétés pétrolières de récupérer un maximum de pétrole et de gaz, à développer des techniques de production telles que les techniques « gas to liquid » ou « coal to liquid », à réduire la consommation des véhicules, à étudier la capture et la séquestration du CO2... De ce point de vue, je veux souligner l'intérêt du programme AFTUR visant à utiliser la biomasse dans les turbines à gaz et à gazéifier les déchets ménagers.

La France doit, s'agissant de la maîtrise de l'énergie, appuyer l'élaboration de normes européennes. L'objectif, dans ce domaine, devrait être de réduire le transport routier, grâce à un plan européen en faveur du ferroutage et du cabotage - et, pourquoi pas, à une interdiction faite aux poids lourds de parcourir plus de 600 km -, mais aussi d'accélérer les recherches sur les piles à combustibles, de mettre au point une fiscalité incitant à utiliser des véhicules économes en énergie et, surtout, de développer les transports en commun.

Pour l'habitat, déjà grand consommateur d'énergie et qui le sera encore davantage avec le développement de la climatisation, la recherche de l'efficacité énergétique doit également être menée au niveau européen : incitations à recourir au thermique solaire, généralisation des diagnostics thermiques lors des ventes ou successions, subventions en faveur de l'isolation...

La lutte contre l'effet de serre passe aussi par la promotion des énergies renouvelables : éolien, biomasse, photovoltaïque. En matière de mix énergétique, la gravité de la situation doit nous inciter à mobiliser toutes les énergies dans un esprit de complémentarité. Le gaz doit ainsi devenir un complément de l'éolien et permettre le renouvellement d'un parc compétitif pour l'électricité en semi-base. Il convient en outre d'évaluer aussi correctement que possible le potentiel de chaque source d'énergie, ainsi que les nuisances et risques liés à leur utilisation. Ainsi, si la filière nucléaire est pour nous un atout qui a permis à la France d'assurer partiellement son indépendance énergétique à des prix compétitifs, la réalisation d'un EPR - que je n'exclus pas pour ma part - appelle un débat très large, après que la Commission du débat public aura établi un dossier très complet, le Parlement devant ensuite formuler un avis. D'autre part, le règlement du problème des déchets doit être le préalable à la poursuite du programme nucléaire.

Pour ce qui est des carburants, l'utilisation des schistes bitumineux ou des sables asphaltiques devrait, parallèlement à la capture et la séquestration du CO2, permettre à terme d'en produire à de prix compétitifs.

Il faut convaincre l'Europe d'instaurer un véritable service public de l'énergie, assurant la continuité du service, l'égalité entre les citoyens et les territoires, la péréquation tarifaire et la fourniture aux plus démunis. La France doit être le moteur de cette entreprise.

Enfin, pour mieux faire accepter les grands équipements, une indemnisation très large doit être prévue pour les riverains, comme dans le cas des grands aéroports, en prenant en compte la perte de valeur du patrimoine due au bruit ou la dégradation du paysage : cela devrait valoir pour les grandes infrastructures ferroviaires et routières comme pour les éoliennes et les lignes à haute tension. Nous pourrions nous inspirer des accords conclus pour l'interconnexion France-Espagne au Val Louron, accords qui ont malheureusement été bloqués pour des raisons politiciennes par M. Juppé et Mme Lepage avec des conséquences désastreuses en termes financiers comme pour l'appui qu'aurait pu nous fournir l'Espagne dans notre action pour un service européen de l'énergie.

Nous suivrons attentivement toute éventuelle avancée dans cette direction (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 19 mai, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 19 MAI 2004

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au gouvernement.

2. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 1586) d'orientation sur l'énergie.

Rapport (n° 1597) de M. Serge POIGNANT, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale