Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2003-2004)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 104ème jour de séance, 256ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 15 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

PROJET DE CONSTITUTION EUROPEENNE 2

CONSÉQUENCES POLITIQUES
DES ÉLECTIONS RÉGIONALES 2

POLITIQUE DE LA VILLE 3

PROJETS DE LOI SUR EDF-GDF
ET SUR L'ASSURANCE MALADIE 4

CESSIONS DE FONDS DE COMMERCE 5

PUBLICATION DU GUIDE RÉPUBLICAIN 5

RETRAITE DES FONCTIONNAIRES 6

FILIÈRE LAIT 6

BTP 7

ASSURANCE MALADIE 8

VIOLENCE SCOLAIRE 9

LOGEMENT SOCIAL 9

RAPPEL AU RÈGLEMENT 10

DROITS DES PERSONNES HANDICAPEES (suite) 10

SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ
ET DU GAZ 13

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 23

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

PROJET DE CONSTITUTION EUROPEENNE

M. Pierre Lequiller - Quelques jours après les élections de dimanche dernier, le 17 juin, le Conseil européen débattra - et, nous l'espérons, adoptera (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) - le projet de traité constitutionnel européen. Pour avoir travaillé pendant plus d'un an au sein de la convention sur l'avenir de l'Europe, présidée par le président Giscard d'Estaing, je puis témoigner de la contribution du couple franco-allemand au bon avancement de cet excellent projet. L'abstention massive des électeurs européens exige un sursaut. Il n'est que temps, après avoir réalisé l'union économique et monétaire, d'accomplir l'union politique de notre continent.

La position courageuse du Président de la République et du gouvernement français sur l'Irak a convaincu tous les citoyens européens de la nécessité que l'Europe parle d'une voix forte sur la scène mondiale.

Monsieur le Premier ministre, quelles conséquences entendez-vous tirer des résultats du 13 juin à l'approche du Conseil européen, tout à fait capital, du 17 juin prochain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - La faible participation des citoyens des Vingt-Cinq aux élections européennes est à l'évidence une déception. Tout le monde y a sa part de responsabilité (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), et j'assume la mienne ! Nous avions tous un devoir de mobilisation (« Vous n'avez rien fait ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Aujourd'hui, la poursuite de la réforme des institutions européennes s'impose plus que jamais. Il est essentiel de clarifier les pouvoirs et les responsabilités, et notamment de mieux identifier le rôle du Parlement dans l'architecture institutionnelle communautaire. Le sursaut que vous appelez de vos v_ux peut avoir lieu lors du Conseil des 17 et 18 juin prochains, dont nous souhaitons qu'il puisse déboucher sur un accord sur le projet de traité constitutionnel.

Le Gouvernement français est à l'écoute des électeurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Son action repose sur la confiance du Président de la République et sur celle de la majorité parlementaire. Nous poursuivrons l'action de réforme dont le pays a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

CONSÉQUENCES POLITIQUES DES ÉLECTIONS RÉGIONALES

M. Jean-Marc Ayrault - Monsieur le Premier ministre, après les élections régionales, votre gouvernement vient d'être désavoué pour la deuxième fois consécutive par le peuple français (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Vous avez été doublement censuré, et ce de la plus éclatante des manières !

Un député UMP - Et vos amis Schröder et Blair ?

M. Jean-Marc Ayrault - Si la responsabilité de votre Gouvernement n'est pas juridiquement engagée, sa légitimité s'est désormais enfuie, et vous n'avez plus la confiance nécessaire pour mener l'action de redressement dont le pays a besoin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Votre abnégation personnelle n'est pas en cause et nous savons bien que vous avez cru agir pour le bien du pays, mais votre politique a échoué (Mêmes mouvements) : vous avez été impuissant à remettre la France sur le chemin de la reprise économique, à endiguer le reflux du chômage et à réduire les inégalités. Pis, vous avez amplifié la crise civique du 21 avril dont votre gouvernement est issu.

Dans ces conditions, pourquoi vous accrocher aux signes apparents d'un pouvoir qui vous échappe et à une politique qui va droit dans le mur ? S'il y a de la noblesse à braver l'impopularité, c'est faire preuve de faiblesse que de gouverner un peuple contre lui-même (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin remettre la démission de votre gouvernement au Président de la République ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Huées sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Monsieur le député (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), Monsieur le Président du groupe socialiste et Maire de Nantes, je m'attache à respecter scrupuleusement les institutions de la Ve République, et je ne puis que vous inviter à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je constate qu'à défaut d'idées, de projet et de programme, vous avez choisi la stratégie de la chasse à l'homme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany - N'importe quoi !

M. le Premier ministre - Je sais que vos rangs comptent nombre de présidentiables, mais, à ma connaissance, aucun n'a encore la capacité d'exercer les prérogatives qui appartiennent en propre au Président de la République. Dès lors, que chacun reste dans son rôle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés socialistes - Au Sénat !

POLITIQUE DE LA VILLE

M. Gilles Artigues -Le 3 août dernier, la loi portant création de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, et garantissant aux quartiers les plus en difficulté de nos villes des moyens de revitalisation sans précédent, a été promulguée. Las, près d'un an après, et bien que nous mesurions les contraintes budgétaires de la période présente, nous devons appeler l'attention du Gouvernement sur l'impatience des habitants des quartiers intéressés. Nombre d'entre eux, et notamment à Saint-Etienne, se sont beaucoup investis dans l'élaboration des dossiers de développement urbain, et leur impatience est à la mesure de leur engagement.

Madame la Secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, pouvez-vous préciser à la représentation nationale votre calendrier d'action pour ce qui concerne les actions relevant de la politique de la ville ? Quand fleuriront dans nos quartiers les grues tant attendues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances - En déplacement à Reims avec l'équipe de l'ANRU, j'ai pu mesurer les impatiences que vous évoquez. Croyez bien que nous nous efforçons quotidiennement, avec Jean-Louis Borloo, de les satisfaire au plus vite, en installant les outils techniques et financiers que nous donne la loi d'août 2003. Dix mois après, nous pouvons déjà mesurer l'effet de levier qu'elle a créé et tout le dispositif est en ordre de marche. (« Baratin ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Le décret d'application a été pris en février dernier - soit six mois seulement après la promulgation du texte -, et 465 millions ont été attribués à l'ANRU, cependant que ses délégués territoriaux étaient désignés, son président nommé et son conseil d'administration installé.

En liaison avec M. Daubresse, nous avons engagé 307 millions au profit de l'agence et 30 dossiers de rénovation urbaine seront traités avant l'été, leur rythme annuel d'instruction étant évalué à 150. Le dossier relatif aux quartiers stéphanois sera examiné le 5 juillet. Vous voyez, monsieur le député, que le ministère de l'emploi et de la cohésion sociale est résolument engagé dans l'action ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

PROJETS DE LOI SUR EDF-GDF ET SUR L'ASSURANCE MALADIE

M. Jean-Claude Sandrier - Dimanche, à une écrasante majorité, les citoyens européens se sont abstenu, sans doute pour exprimer leur défiance à l'égard d'une Europe écrasée par la marchandisation, par le libéralisme à tout crin et par la privatisation de tous les services auxquels ils sont légitimement attachés. Le vote de ceux qui se sont exprimé a en outre sanctionné les dirigeants de cette Europe ultra-libérale (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Or voici qu'à trois jours de ces événements, le 17 juin prochain, le Conseil européen va se prononcer sur le projet de traité constitutionnel comme si rien ne s'était passé ! Une telle attitude n'est ni juste ni saine.

Monsieur le Premier ministre, pour la deuxième fois en moins de trois mois, votre politique a été sanctionnée (Protestations sur les bancs du groupe UMP), et, pour la deuxième fois, vous faites part de votre volonté de poursuivre votre action comme si vous n'aviez pas reçu le message, au risque d'ajouter à la crise sociale et financière qui frappe le pays une crise politique. Ainsi, vous maintenez votre projet de loi relatif à EDF et à GDF et vous persistez dans l'intention de débattre de celui portant réforme de l'assurance maladie au c_ur de la période des congés estivaux ! Allez-vous enfin tenir compte du verdict des urnes en retirant ces deux textes de l'ordre du jour de nos travaux ? Etes-vous disposé à renoncer à des méthodes qui trahissent un certain mépris à l'égard de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Votre question étant très vaste, je me concentrerai sur un de ses aspects : la situation de cette grande entreprise qu'est EDF. Le Gouvernement le déclare solennellement à la représentation nationale : le statut des agents ne sera modifié ni de près ni de loin...

M. André Gerin - Faux !

M. le Ministre d'Etat - Pas une décision ne viendra modifier ce statut. En second lieu EDF ne sera pas privatisée (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Le Gouvernement ne le souhaite pas, l'Europe ne le demande pas. Enfin l'augmentation du capital de l'entreprise ne sera décidée qu'après étude de ses besoins de financement par une commission où figureront parlementaires et partenaires sociaux. De deux choses l'une : soit l'entreprise n'a pas besoin de financement, et il n'y aura pas d'ouverture du capital ; soit elle en a besoin, et le Gouvernement lui donnera les moyens de son développement. Voilà la politique du Gouvernement .

Reste un point. Les syndicats ont été, à deux exceptions près (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), d'une grande responsabilité, car ils savent qu'il y a un consensus national autour de cette entreprise. Un mot sur les deux exceptions. Tout d'abord le Gouvernement n'accepte pas qu'on cible des élus du peuple, qui doivent pouvoir voter librement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Que deviendrait la République si, quand on n'approuve pas telle décision d'un juge ou d'un médecin, on leur coupait le courant ? (« Très bien ! » sur les mêmes bancs ; Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Les parlementaires doivent être respectés. La deuxième chose inacceptable est d'avoir pris en otage les usagers du service public de la SNCF. Ceci mis à part, chacun a été responsable, et j'invite tous les parlementaires à faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

CESSIONS DE FONDS DE COMMERCE

M. Alfred Trassy-Paillogues - Monsieur le Ministre d'Etat, dans votre conférence de presse du 4 mai, vous indiquiez les grandes orientations de votre politique économique. Vous avez annoncé des mesures tendant à favoriser le redressement des finances publiques, le soutien à l'activité et l'engagement d'une politique industrielle volontariste. Vous avez notamment annoncé votre intention d'exonérer d'impôt sur les plus-values tout commerçant qui cèderait son fonds de commerce à un autre commerçant du même secteur d'activité. Or l'attractivité de cette mesure a eu pour effet malencontreux de bloquer les cessions en cours, et donc de ralentir la redynamisation commerciale des centres-villes, pourtant si nécessaire. Dans quel délai comptez-vous concrétiser cette annonce ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - La question du petit commerce en centre ville préoccupe tous les élus. Que constatons-nous, depuis des années ? Les petits commerçants disparaissent, ne trouvent pas de successeurs, ou alors vendent leurs fonds de commerce à des banques ou à des compagnies d'assurance... Pourquoi ? Parce qu'ils ont travaillé dur, toute leur vie, et qu'ils jouent leur retraite - eux qui ne sont pas dans le secteur protégé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) - sur la valeur de leur fonds. Qui peut leur reprocher de le vendre au plus offrant ?

Le Gouvernement propose donc qu'un petit commerçant qui vend à un autre petit commerçant soit exonéré de droits de mutation ou de taxation sur les plus-values, afin de rééquilibrer l'offre par rapport aux banques et aux assureurs. Cette mesure sera mise en _uvre avant la fin de ce mois de juin ! Contrairement à certains de nos prédécesseurs, au lieu de créer des groupes de travail ou de réflexion, nous prenons des décisions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

PUBLICATION DU GUIDE RÉPUBLICAIN

M. Michel Diefenbacher - Sous l'occupation, au camp d'internement de Rivesaltes, un groupe d'enfants juifs avait réalisé sur un baraquement une fresque qui était un merveilleux paysage dédié à la liberté, à la fraternité et à la vie. Après un long oubli, cette fresque devait être restaurée : elle vient d'être odieusement dégradée. Les actes de vandalisme contre des monuments religieux ou les tombes se multiplient ; hier encore soixante tombes musulmanes ont été profanées à Strasbourg. Ces actes ne peuvent que susciter l'indignation.

Dans ce contexte, Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous venez de présenter le Guide républicain, réalisé à l'initiative de votre prédécesseur Luc Ferry. Il est vital pour la démocratie et la dignité de la France que l'Etat réaffirme devant notre jeunesse nos valeurs et nos principes. Il est essentiel qu'il le fasse avec fermeté et sans concession face à tous les comportements de haine et d'intolérance, et que ceux-ci soient fermement sanctionnés quand ils se produisent dans les établissements scolaires. Le Guide républicain sera un ouvrage de référence ; mais il doit surtout être un instrument d'action pour tous les partenaires de la communauté éducative. Que ferez-vous dans ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - La force de notre nation ne se mesure pas seulement à son PIB, mais à la force des liens et des principes qui la rassemblent. Notre devise, c'est la liberté, l'égalité et la fraternité, et non l'individualisme, le communautarisme et l'égoïsme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) La République reste un combat des valeurs. Quand des cimetières, qu'ils soient juifs, musulmans ou chrétiens, sont outragés, quand des actes d'antisémitisme ou de racisme sont perpétrés, quand les doits de la femme sont ignorés, quand le fort impose au faible sa violence, quand l'incivisme l'emporte, il est temps de réaffirmer l'alliance de la République et de l'école.

C'est à l'école en effet que dès le plus jeune âge les valeurs de notre nation doivent être enseignées et partagées. Tel est l'objectif du Guide républicain. C'est un outil de travail destiné aux enseignants ; il propose des références politiques, philosophiques et culturelles pour informer et guider les adolescents sur le chemin de la citoyenneté. Tiré à 250.000 exemplaires, il sera largement diffusé dans tous les établissements scolaires. La République, la citoyenneté, l'amour de la liberté et de la patrie ne sont pas des principes démodés. Plus que jamais ce qui doit nous rassembler doit prévaloir sur ce qui peut nous diviser (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

RETRAITE DES FONCTIONNAIRES

M. Pascal Terrasse - Monsieur le Premier ministre, comme l'an dernier, les agents d'EDF sont aujourd'hui dans la rue, et l'ensemble des organisations syndicales dénonce la privatisation de l'assurance maladie (Huées sur les bancs du groupe UMP). Et aujourd'hui comme hier vous n'écoutez pas les Français. On peut résumer ainsi votre action : « j'y suis, j'y reste »... Nous fêtons aujourd'hui un triste anniversaire : celui d'une réforme des retraites qui restera marquée du sceau de l'inégalité et du déni de solidarité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). La supercherie se dévoile : votre discours sur l'équité entre salariés du public et du privé n'aura servi qu'à remettre en cause les droits de tous, et votre équation, d'ailleurs simple, est : cotiser plus pour toucher moins (Mêmes mouvements). Vous étiez notamment resté sourd à nos appels concernant les femmes fonctionnaires, qui ne bénéficieront pas de bonifications pour enfant : le Conseil d'orientation des retraites vient de vous rappeler cruellement cette erreur. Vous prétendez avoir offert un droit de départ à tous ceux qui ont commencé à travailler tôt : mais les conditions sont très restrictives dans le privé, et la chose est impossible dans le secteur public. Enfin nos concitoyens ont droit à une information claire sur leur retraite. Allez- vous rapidement mettre en _uvre ces exigences ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat - Si les gouvernements que vous avez soutenus sont restés inactifs sur les retraites, ce n'est plus aujourd'hui le cas. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a garanti la pérennité du régime de retraite des fonctionnaires. Pour ce qui est des carrières longues, le Premier ministre a annoncé la mise en _uvre d'un régime similaire à celui du privé. Dès vendredi, je rencontrerai à ce sujet les partenaires sociaux et j'espère un accord avant l'été.

Sur le droit à l'information, nous allons engager une réforme importante pour que les fonctionnaires connaissent exactement leurs droits à pension, ce qui n'était pas le cas auparavant. Enfin, quant à la bonification pour enfant, nous travaillons avec le COR, où sont représentés les partenaires sociaux, pour prendre les quelques mesures qui ne l'ont pas été. Des décrets sont imminents, notamment sur le régime additionnel assis sur les primes, et j'irai dans quelques jours à Bordeaux où sera installé ce nouveau régime (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste). Il apportera des droits nouveaux aux fonctionnaires - car la réforme des retraites, c'est aussi pour eux des droits nouveaux, et ils le savent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

FILIÈRE LAIT

M. Marcel Bonnot - Il est superfétatoire de rappeler que, dans un légendaire moment d'irresponsabilité, votre prédécesseur, Monsieur le ministre de l'agriculture, conduisait notre agriculture aux pires vicissitudes dans le cadre des accords de Berlin de 1999 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Heureusement, la maîtrise dont vous avez fait preuve avec le chef de l'Etat lors des accords de Luxembourg en 2003 a garanti à la France la structure financière de la PAC jusqu'en 2013, soit 10 milliards d'euros par an.

Ce matin, vous avez participé dans notre Assemblée a un débat qui a permis à la représentation nationale d'appréhender les orientations qu'il est souhaitable de privilégier dans la mise en _uvre de la réforme de la PAC.

J'ai cru comprendre que ce débat en a ouvert un autre, plus large, que vous souhaitez conduire dans tout le pays. Cette démarche est d'autant plus nécessaire que dans mon département du Doubs, la production laitière suscite des inquiétudes. D'aucuns souhaitent que, face à la baisse des prix du lait constatée depuis quelques mois, une véritable maîtrise de la production puisse s'instaurer en fonction de l'évolution de la demande.

Quelles mesures comptez-vous mettre en _uvre pour assurer une meilleure gestion de l'offre sur le plan communautaire et garantir l'avenir de la filière lait ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - En effet, depuis trois ans, la filière laitière connaît un certain nombre de difficultés.

Le prix du lait n'est pas fixé par Bruxelles non plus que par le Gouvernement . Il est fixé par le marché, avec un accord national interprofessionnel. Cet accord ayant été dénoncé en décembre dernier, nous sommes dans une période transitoire jusqu'au deuxième semestre. Nous souhaitons que le plus large accord intervienne en vue d'un partage équilibré entre la production et la transformation, de telle manière, en particulier, que les prix ne soient pas calés sur ceux des produits industriels.

De plus, M. le Premier ministre a voulu que soit mis en place un plan d'aide et de soutien à la filière laitière. Nous aidons ainsi les éleveurs à mettre aux normes leurs exploitations.

Enfin, il faut maîtriser l'offre sur le plan européen puisque nous avons des excédents. Nous avons prolongé les quotas laitiers jusqu'en 2015. Je vous rappelle qu'avec le précédent gouvernement, la disparition des quotas était prévue pour 2008 et que, compte tenu de l'élargissement, cela aurait été catastrophique pour la filière laitière française (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Mais il faut aller encore au-delà : sur le plan communautaire, les quotas doivent être utilisés comme mode de gestion du marché. La majorité des Etats a suivi la proposition de la France, et la balle est maintenant dans le camp de la Commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

BTP

Mme Pascale Gruny - Le BTP est un secteur dont l'activité dépend fortement de la croissance. La fin de 2003 fut exceptionnelle et les prévisions pour 2004 annoncent une croissance de plus de 2% dans ce secteur. En outre, 20 000 emplois nouveaux devraient être créés, après 18 000 créations nettes en 2003, mais plus de 100 000 emplois restent non pourvus.

Il est du devoir de tout gouvernement d'accompagner et de conforter un tel essor. M. le ministre de l'équipement a annoncé il y a quelques semaines son intention de réunir l'ensemble des professionnels et des administrations concernées par ce secteur. Cette table ronde a-t-elle eu lieu ? Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour conforter l'emploi dans le BTP ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - La situation est paradoxale : en 2003, 18 000 emplois supplémentaires ont été créés dans ce secteur ; en 2004, il y en aura probablement 15 à 20 000. D'autre part, chaque année, les professionnels du BTP auront besoin de recruter 100 000 personnes ; or, trois entreprises sur quatre ont des difficultés pour recruter du personnel. C'est inacceptable dans un pays qui compte plus de deux millions de chômeurs.

Ce matin, avec MM. Daubresse et Hénart, nous avons lancé un plan de mobilisation pour l'emploi dans le BTP. Il est fondé sur quatre points précis : la valorisation de ces métiers - nous y travaillons avec le ministre de l'éducation nationale, avec les recteurs d'académie et les conseillers d'orientation - l'adaptation de la formation aux métiers d'aujourd'hui et de demain, l'accélération du processus d'apprentissage.

Enfin, de plus en plus de femmes travaillent dans le BTP, ce qui constitue une gisement d'emplois considérable. Nous allons multiplier les expériences pilotes.

M. Garcia, ingénieur général au ministère de l'équipement, coordonnera ce plan et tous les six mois, nous évaluerons ensemble les mesures prises pour ce secteur qui est, en effet, particulièrement créateur d'emplois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ASSURANCE MALADIE

M. Alain Claeys - Avant de poser ma question, je tiens à rappeler que ce n'est pas M. Glavany qui se trouvait à Berlin lors des accords de 1999, et que le président de la délégation française s'appelait Jacques Chirac (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Il y a une semaine, M. le ministre de la santé a menti en faisant dire aux partenaires sociaux ce qu'ils n'avaient pas dit (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Le conseil d'administration de la CNAM n'a pas approuvé son projet. Au contraire, il a adopté un avis très critique en indiquant que les propositions formulées ne répondent pas au double enjeu d'organisation du système et de retour à l'équilibre.

En effet, ce projet sanctionne les assurés sociaux (Protestations sur les bancs du groupe UMP) : la franchise d'un euro sur chaque consultation est le premier pas vers une logique de déremboursement (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Plus les Français seront malades, plus ils paieront ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Votre projet est inquiétant car il remet en cause notre système solidaire d'assurance maladie.

En outre, à la fin de 2006, la sécurité sociale aura accumulé une dette de plus de 50 milliards, que vous reportez sur les générations futures (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP).

Vous voulez faire adopter à la va-vite et pendant les vacances d'été des mesures injustes : quand allez-vous reconnaître que votre projet vise à faire payer par les seuls assurés sociaux la politique de fuite en avant menée depuis deux ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Je suis à votre disposition pour relire avec vous l'avis du président de la CNAM ; seule la CGT a voté contre. Je vous donnerai également à lire l'avis rendu par l'ACOSS. Quand on parle d'un sujet, il faut le connaître (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Vous nous reprochez de léguer une dette aux générations futures, mais qu'a fait M. Jospin ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Après une phase d'écoute et de dialogue, nous devons passer à la phase parlementaire, qui sera décisive. Nous saurons faire preuve d'ouverture pour que le Parlement contribue à améliorer le texte.

Le déficit se chiffre à 14 milliards d'euros pour la sécurité sociale et à 13 milliards pour l'assurance maladie. Entre 2000 et 2002, alors que vous étiez au pouvoir, les dépenses d'assurance maladie ont augmenté entre 6 et 6,5%. Nous aurions aimé que vous ayez le courage de faire ces réformes à ce moment-là (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Enfin, après l'adoption de cette réforme, la majorité aura sauvé les deux piliers de notre héritage social : les retraites par répartition et l'assurance maladie. Derrière le Premier ministre, elle aura ainsi mis la France sur le chemin de la croissance, de la confiance et de la modernisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

VIOLENCE SCOLAIRE

M. Lionnel Luca - Depuis la rentrée scolaire, 71 116 incidents ont été signalés, contre 65 034 sur toute l'année scolaire 2002-2003. Les plus fréquents sont les violences physiques sans arme - un quart du total - puis les vols, pour environ 10 %. Dans les violences physiques, on note la progression inquiétante - plus 10 % - de celles à caractère sexuel.

Nous sommes certes loin des chiffres calamiteux de la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) , mais cette recrudescence n'en est pas moins alarmante. Aussi aimerais-je avoir votre sentiment, Monsieur le ministre de l'éducation, sur ces mauvais chiffres et savoir quels moyens vous comptez mettre en _uvre pour que la jeunesse de France soit vraiment en sécurité dans nos établissements scolaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - L'école est victime de vingt-cinq années d'irrésolution de notre société vis-à-vis des repères éthiques et républicains. Quand la question de l'insécurité a été si longtemps éludée, quand le dealer gagne plus que le travailleur, quand certains parents démissionnent, quand certains programmes de télévision font l'apologie des faux héros et des fausses valeurs, quand l'enfant est considéré comme l'égal de l'adulte, il n'est pas étonnant de voir certains adolescents décider de faire leur loi.

Face à la violence scolaire, il faut donc avant tout rétablir certaines valeurs. Celle de l'autorité, qui doit être au c_ur du projet éducatif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ; celle du respect, étant entendu qu'un enseignant n'est pas un animateur mais un professeur ; celle du civisme enfin, la circulaire sur la laïcité étant le symbole d'une éducation citoyenne qui ne peut pas être à la carte.

Mon action se fondera sur la transparence et sur la synergie.

M. Alain Néri - C'est vous qui êtes transparent !

M. le Ministre de l'éducation nationale - Transparence, car on ne pas résoudre le problème de la sécurité en cachant les chiffres. C'est pourquoi j'ai voulu que le ministère publie tous les deux mois les chiffres relatifs à la sécurité. C'est vrai qu'ils augmentent depuis plusieurs années - et de 5 % depuis le début de l'année.

Quant à la recherche de synergie, elle m'a amené à signer avec le ministre de la justice une convention permettant au parquet et à l'académie de Paris de traiter en temps réel les infractions. Je veux que cette expérience soit progressivement généralisée à l'ensemble des académies. Je suis par ailleurs en train de préparer avec le ministre de l'intérieur, Dominique de Villepin, une convention sur la violence à l'école, en particulier pour lutter contre le racket et contre la toxicomanie (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Face à la violence scolaire, ce ne sont pas les hurlements de la gauche qui arrangeront quoi que ce soit, mais la mobilisation de tous, la défense des valeurs, la force du discours !(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

LOGEMENT SOCIAL

M. Céleste Lett - L'accès au logement est au c_ur des préoccupations de nos concitoyens et les plus modestes d'entre eux ne peuvent pas se loger dans des conditions correspondant à leurs besoins et à leurs capacités financières. Face à ce problème majeur, les gouvernements socialistes successifs n'ont pas été capables de provoquer la prise de conscience nécessaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ils n'ont pas su mobiliser les acteurs du secteur pour produire les logements nécessaires. Alors qu'on produisait entre 60 000 et 90 000 logements sociaux par an au milieu des années 1990, ce chiffre est tombé, en 2000, à 42 000 à peine. Et en 2001 puis 2002, la gauche n'a pas réussi à faire mieux que 56 000.

Le Gouvernement vient d'annoncer deux mesures en faveur du logement social. Pouvez-vous, Monsieur le Secrétaire d'Etat, nous en préciser la teneur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc-Philippe Daubresse - Le logement connaît une crise paradoxale, puisque jamais, depuis vingt ans, on n'a construit autant de logements neufs - 327 000 sur les douze derniers mois - mais jamais non plus il n'a été aussi difficile, pour les plus modestes mais aussi pour les classes moyennes, de trouver un logement social adapté au niveau de leurs ressources. La violence, l'échec scolaire et la perte de l'identité parentale sont autant de conséquences du mal-logement. Il est donc nécessaire d'agir vite et fort pour corriger cette fracture sociale. C'est tout l'enjeu du plan de cohésion sociale que présentera prochainement Jean-Louis Borloo.

Pour faire face à cette crise, il faudrait construire 600 000 logements locatifs conventionnés supplémentaires. Comme nous ne pouvons pas attendre, nous avons, en étroite concertation avec le ministre des finances, avec Jean-Louis Borloo et avec la Caisse des dépôts, pris deux mesures qui s'appliqueront dès le 1er juillet.

Premièrement, nous allons financer 10 000 logements de plus qu'il n'était prévu dans les objectifs, déjà très volontaristes, que Gilles de Robien avait fixés l'an dernier. Pour cela, nous mettons en place des prêts locatifs sociaux, produit souple, rapide et souhaité tant par les maires que par les bailleurs sociaux. Ces prêts ont aussi l'avantage de bénéficier à deux catégories qui attendent avec angoisse des logements, les étudiants et les foyers pour personnes âgées. Cela nous permettra de régler bien des problèmes d'ici à la fin de l'année.

Le parc existant se dégrade. Nous avons donc décidé, deuxième mesure, de mettre sur le marché 2 milliards de prêts à taux très bonifié - moins de 3% - de façon à pouvoir réhabiliter non plus 80 000 logements sociaux par an mais 100 000.

Certains ont fait pendant des années des discours. Nous, nous passons aux actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 15.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Alain Bocquet - Tout à l'heure, le ministre de l'économie n'a répondu que partiellement et partialement à la question de notre collègue Sandrier sur l'accumulation des textes divers et variés qui envahissent notre ordre du jour, après que des scrutins majeurs sont venus contester les choix politiques de la majorité et du Gouvernement. Nous assistons ainsi à une sorte de déni de démocratie qui n'est pas acceptable. Vendredi prochain, les gouvernements européens vont se réunir pour décider d'une constitution, alors que l'avis émis majoritairement par les populations n'est pas pris en compte. Où est le droit citoyen, où est la démocratie ? Nous demandons que les projets relatifs à EDF et à la sécurité sociale soient retirés de notre ordre du jour, pour prendre le temps de réfléchir à ces grands sujets de société.

DROITS DES PERSONNES HANDICAPEES (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

M. Yvan Lachaud - Ce projet appelle une seule question : est-il à la hauteur de ses ambitions, répond-il aux attentes des personnes handicapées et de leurs familles ? Le groupe UDF est déterminé à ne pas voter une demi-loi, mais une loi refondatrice. Les travaux des sénateurs avaient été constructifs, les nôtres l'ont été aussi, en dépit de conditions difficiles au début de la discussion.

Au total, ce texte comporte des avancées considérables, en particulier pour la scolarisation des enfants handicapés. A notre initiative, la création d'un enseignant référent a été décidée. Nous sommes heureux que le Gouvernement ait accepté, à notre demande, de supprimer les conditions d'âge et de ressources pour l'attribution de la prestation de compensation, ce qui est aussi reconnaître que les prestations versées aux handicapés ne relèvent pas de l'aide sociale.

Quelques sujets d'insatisfaction demeurent, en particulier la question des ressources, dont les associations demandent que, cumulées, elles atteignent au moins le SMIC. La PAAH en est loin. Puisque l'Etat attribue de nouvelles charges aux collectivités, nous attendons qu'il organise leur financement.

Après avoir ainsi voté d'ambitieuses dispositions, le plus difficile reste à faire : inscrire ces principes et ces droits dans la vie quotidienne. Nous mesurerons à la mise en _uvre des décrets la volonté du Gouvernement de concrétiser son engagement. Nous vous encourageons, Madame la ministre, à agir dans les délais les plus courts. Pensons à présent aux handicapés qui ont suivi nos débats avec espoir, aux parents qui se battent pour l'insertion de leur enfant. C'est en organisant la cohabitation entre enfants handicapés et enfants ordinaires que nous ferons naître chez ces derniers une autre perception du handicap.

Parce que le groupe UDF veut encourager le Gouvernement quand il élabore de bons textes, parce que nous considérons que ce projet comporte des avancées incontestables, nous le voterons sans ambiguïté (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Ce projet était attendu depuis longtemps (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). De nombreuses personnes concernées ont assisté à nos débats, beaucoup d'associations se sont mobilisées pour infléchir les dispositions d'un texte insuffisamment ambitieux.

Face à cette détermination, il a déçu. En effet, dès les premiers jours, il a infligé à la représentation nationale une méthode de travail inacceptable. En déposant au dernier moment de nombreux amendements, il a montré à quel point il improvisait. Chacun convenait, pourtant, qu'une définition prenant en compte la situation de handicap était un préalable nécessaire. Las vous êtes restée sourde même aux voix de votre majorité, Madame la secrétaire d'Etat. Plus tard, dans un climat plus serein, vous avez accepté de modifier les critères d'âge et de ressources pour la prestation de compensation. Mais nous ne sommes toujours pas dans l'universalité, puisque les frais restant à la charge du bénéficiaire ne pourront excéder 10 % de ses ressources nettes. La création de la prestation de compensation vous a servi d'argument pour ne pas revaloriser l'AAH. Que deviendront les personnes dans l'incapacité totale de travailler ? Vous savez bien qu'il est impossible d'accéder à une entière citoyenneté en restant relégué dans la subsistance. De plus, en faisant adopter la double inscription scolaire, vous avez dévoyé le droit à la scolarisation pour tous en milieu ordinaire. S'agirait-il d'une pirouette pour anticiper la rigueur budgétaire dont va continuer de souffrir l'éducation nationale ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

L'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap aurait mérité un élan nouveau. Or, bien que la commission ait relayé un amendement de l'opposition tendant à porter à 1 500 fois le SMIC horaire la contribution obligatoire des entreprises privées n'employant aucune personne en situation de handicap, vous n'avez accepté de porter ce montant qu'à 800 fois le SMIC, et seulement pour les indélicats n'employant aucun handicapé depuis quatre ans. Enfin le principe de l'accessibilité restera entaché de multiples dérogations.

Les interventions émanant de tous les bancs ont permis d'améliorer le texte, et nous sommes satisfaits de l'adoption d'un nombre appréciable de nos amendements. Reste que ce texte ne permettra aux personnes en situation de handicap ni d'exercer leur droit ni d'assurer leur autonomie, et pas davantage de réaliser leur intégration sociale et professionnelle.

Au nom de ces valeurs fondamentales, et convaincus que ces débats n'ont pas été à la hauteur des besoins exprimés, nous voterons contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Mme Geneviève Levy - Rendre la société française plus humaine, telle est l'ambition de ce projet, qui restera un des textes les plus emblématiques de cette législature. Dans son discours du 3 décembre 2002, prononcé pour l'installation du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le chef de l'Etat a parfaitement expliqué la philosophie de ce texte : « En aidant les personnes handicapées, en leur donnant toutes les chances de réussite, en veillant à leur donner toute leur place dans la vie sociale, en veillant à leur ouvrir le monde du travail, c'est la société tout entière que nous aidons à mieux vivre, à être plus humaine ».

Les personnes handicapées ont dû attendre trente ans qu'un gouvernement se préoccupe de leur sort, depuis la loi de 1975, votée à l'initiative de Jacques Chirac lorsqu'il était Premier ministre.

Le Gouvernement, soucieux d'améliorer son projet initial, s'est montré très ouvert à l'initiative parlementaire. En commission comme en séance publique, de nombreuses rectifications ont pu être introduites, si bien que le texte sur lequel nous avons à nous prononcer est substantiellement différent de celui qui a été présenté en Conseil des ministres le 28 janvier dernier.

La prestation de compensation a un double avantage : la compensation intégrale de toutes les formes de handicap et son universalité. Grâce au travail de concertation réalisé par notre rapporteur, grâce au dialogue constructif entre la majorité et le Gouvernement, cette prestation va couvrir l'ensemble des besoins. De plus, son attribution ne sera pas soumise aux revenus des personnes concernées. Faisant suite à la demande du groupe UMP, le Gouvernement a présenté un amendement qui a redéfini les conditions de prise en charge. Seuls les revenus financiers et patrimoniaux seront examinés.

La création des maisons départementales des personnes handicapées est aussi une grande avancée. Dans ces lieux d'écoute et d'accueil, les personnes handicapées et leur famille trouveront à leur disposition un interlocuteur unique qui accomplira pour elles les démarches complexes qui leur sont imposées.

Au plan scolaire, l'Education nationale aura l'obligation d'accueillir tous les enfants handicapés.

En matière d'emploi, le Gouvernement souhaite faciliter l'accès des personnes handicapées à la fonction publique.

Enfin, l'accessibilité des transports collectifs sera améliorée.

Dès lors, je dois avouer ma perplexité devant l'attitude de certains parlementaires qui ont soutenu des gouvernements dont on peut dire qu'ils ne se sont pas montré particulièrement brillants dans le domaine du handicap (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le groupe UMP, pour sa part, est fier de soutenir un gouvernement qui met en _uvre une grande loi en faveur de nos concitoyens les plus fragiles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF).

Mme Marie-Renée Oget - Ce texte ne peut satisfaire les députés socialistes (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Des désaccords importants subsistent, car nous n'avons pas la même conception de la place que doivent occuper les handicapés dans notre société.

Nous désapprouvons les conditions dans lesquelles s'est tenu ce débat. Le Gouvernement n'a fait qu'ajouter à la confusion de la première lecture. Les reports successifs de ce débat laissaient pourtant espérer que le texte soit mieux préparé.

Aujourd'hui, les associations qui étaient unanimes à demander l'amélioration du texte, sont unanimes à exprimer leur déception. Elles dénoncent un texte à courte vue, alors que le Gouvernement, emboîtant le pas au Président de la République, annonçait un texte fondateur.

Nous rejetons aussi la méthode. Nous aurions préféré que l'examen de ce texte soit précédé par le débat relatif à l'assurance maladie. De même, nous regrettons votre choix, dans un précédent texte, de supprimer un jour férié au détriment des salariés, appelés à supporter seuls l'effort de solidarité.

Le Gouvernement a choisi de réécrire ce projet, en déposant au dernier moment des dizaines d'amendements, mettant l'Assemblée et sa commission des affaires sociales devant le fait accompli. Ce passage en force a eu pour conséquence de faire tomber de nombreux amendements adoptés en commission, certains avec le soutien de l'opposition. Nous déplorons ce choix qui réduit la portée du travail parlementaire.

L'expression « situations de handicap » a fait apparaître un clivage qui n'était pas seulement terminologique. Le Gouvernement et sa majorité, en refusant de reconnaître que le handicap est toujours une situation, se trouve dans l'incapacité de le compenser et de combattre ses causes.

Le droit à compensation était défini dans la loi de modernisation sociale adoptée sous la précédente législature. Il s'agissait de reconnaître un droit universel, sans distinction d'âge ni de handicap. Le projet, dans sa version initiale, ignorait cette définition. Si nous constatons une évolution du texte sur ce point, nous nous interrogeons sur les modalités de financement, le dispositif fondé sur la suppression d'un jour férié ne nous semblant ni adapté ni suffisant.

En matière d'accessibilité, de trop nombreuses dérogations ont été consenties aux constructeurs.

Le nouveau mode de comptabilisation des travailleurs handicapés dans les entreprises constitue un recul.

Nous regrettons la modestie des engagements pris concernant l'obligation de sous-titrage faite aux chaînes de télévision.

Les coupes auxquelles vous procédez dans le budget de l'Education nationale ne favoriseront pas le droit à la scolarisation des enfants handicapés.

Vous ne prenez pas vraiment en compte la problématique du polyhandicap, même si le Gouvernement a réalisé en cours de débat qu'il avait fait l'impasse sur ce sujet.

En l'absence de mesures concrètes en faveur de la vie citoyenne des personnes handicapées, vous en restez au stade de l'affichage.

Enfin, la mise en _uvre des principes posés dans ce texte n'est aucunement garantie : vous renvoyez l'application de la loi à de nombreux décrets et des incertitudes demeurent en matière de financement. Vos choix budgétaires passés n'incitent guère à l'optimisme. Dans ces conditions, les députés socialistes ne peuvent soutenir un tel texte (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP). Ce projet, trop flou, ignore le monde associatif. Le groupe socialiste votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 365 voix contre 159 sur 526 votants et 524 suffrages exprimés, l'ensemble du projet est adopté

La séance, suspendue à 16 heures 45, est reprise à 16 heures 55.

SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - En 1950, à la Bourse du travail de Paris, s'exprimant devant une assemblée de militants de la toute nouvelle entreprise EDF, Marcel Paul prononçait cette phrase: « Je vous demande à vous, collègues et camarades, de ne jamais oublier qu'avec EDF, vous avez en charge un instrument fondamental de la vie du pays ».

Mme Marie-George Buffet - C'est bien pourquoi il faut le sauvegarder !

M. le Ministre d'Etat - Nous sommes aujourd'hui en 2004, et je vous demande, avec la même conviction, de ne jamais oublier, lors de ce débat, que nous avons en charge, avec EDF, un instrument fondamental de la vie de notre pays. Il en va de notre responsabilité devant l'histoire de l'énergie française, qui comptera désormais trois dates fondamentales: 1946, 1973, et 2004.

1946: c'est le formidable défi de la reconstruction, c'est le choix visionnaire d'un champion national. A l'époque, le secteur électrique était exsangue, épuisé par six années de guerre, qui succédaient à cinquante années de concurrence et de développement hétéroclite de toutes petites entreprises. Rendons hommage au général de Gaulle, mais aussi au parti communiste pour avoir, ensemble, compris la nécessité de nationaliser ce secteur pour permettre l'électrification du pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

M. André Gerin - Et vous, vous allez tout bazarder !

M. le Ministre d'Etat - Rendons hommage à ceux qui ont su prendre les bonnes décisions !

M. André Gerin - Ils vont se retourner dans leurs tombes ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre d'Etat - Autre date historique, 1973 et le premier choc pétrolier avec sa répercussion sur les prix de l'énergie. C'est à cette époque que fut fait un autre choix visionnaire, celui de construire cinquante huit centrales nucléaires, afin d'assurer notre indépendance. Nous voici, en 2004, héritiers de ces choix et confrontés à un double défi. Celui, d'abord, de l'effet de serre, que nous avons déjà partiellement relevé avec Patrick Devedjian en soumettant au Parlement qui l'a adoptée à une large majorité la loi d'orientation sur l'énergie, laquelle valide le lancement du réacteur à eau pressurisée, l'EPR...

M. Yves Cochet - Très mauvais choix !

M. le Ministre d'Etat - Deuxième défi, la constitution d'un marché de l'énergie ouvert à la concurrence. Dans quinze jours, à compter du 1er juillet 2004, le marché sera ouvert à 70 %. C'est un fait, et cet acte fondamental ne relève pas d'une décision du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin mais de la décision prise au Sommet de Barcelone en mars 2002...

M. André Gerin - Une décision commune de MM. Chirac et Jospin !

M. le Ministre d'Etat - La décision a donc été prise à Barcelone sous le gouvernement de M. Jospin et elle s'applique dans quinze jours. Notre devoir, c'est de prendre en compte la réalité telle qu'elle est et de donner suite aux décisions qui ont été prises. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF). Au reste, la décision de Barcelone, moi, je ne la récuse pas , car je suis convaincu que la concurrence est une bonne chose en ce qu'elle oblige à innover et à se dépasser. Elle force aussi à la transparence et interdit de dissimuler ce qu'on n'a pas envie de rendre public !

Mais la concurrence n'est pas une fin en soi, ne serait-ce que parce que l'énergie n'est pas un bien comme les autres...

Plusieurs députés socialistes - Enfin un peu de lucidité !

M. le Ministre d'Etat - Il faut concilier la concurrence et le service public auquel nous sommes tous attachés. Et il faut renoncer à l'hypocrisie. On ne peut pas dire oui à l'Europe et refuser d'en tirer les conséquences pour nos entreprises ! Qu'il s'agisse de ce dossier, des retraites ou de l'assurance maladie, c'est l'immobilisme qui est coupable (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF).

C'est l'immobilisme qui condamnerait nos entreprises, en les laissant prisonnières du principe de spécialité, à perdre leurs clients et à ne pas en conquérir de nouveaux sur les marchés extérieurs... (« Faux ! » sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). C'est lui qui nous exposerait à une mise en cause de la Commission européenne, le statut d'EPIC constituant par lui même une forme d'entrave à la concurrence. Songez que nous avons acheté en Espagne, cher, des parts que le statut d'EPIC nous empêche de faire fructifier ! MM. Jospin et Strauss-Kahn ne l'avaient-ils pas eux-mêmes déploré ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

C'est bien l'immobilisme qui contraindrait EDF à ne continuer de financer son développement que par l'endettement, lequel atteint aujourd'hui 24 milliards, compte non tenu des engagements de retraite et des provisions nucléaires, pour 19 milliards de fonds propres. On ne peut pas accepter le principe de la concurrence à Barcelone et en refuser les règles une fois de retour à Paris ! (mêmes mouvements)

C'est encore l'immobilisme qui condamnerait le régime spécial des agents des entreprises. Comment imaginer qu'elles pourraient verser leurs pensions à des retraités toujours plus nombreux tout en perdant des parts de marché ? Comment a-t-on pu accepter d'appliquer les normes IAS aux EPIC dès 2007 sans rien faire pour les retraites, sachant qu'EDF et Gaz de France auraient à provisionner 60 milliards alors qu'elles ne disposent que de 30 milliards de fonds propres ?

Et c'est toujours l'immobilisme qui condamnerait nos entreprises à réduire leur ambition, leur activité, et finalement l'emploi. Je l'affirme, nous ne serons pas les fossoyeurs d'EDF, de Gaz de France, du nucléaire et du service public... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Plusieurs députés socialistes - Mensonges !

M. le Ministre d'Etat - Notre projet est un projet pour les entreprises et pour leurs agents. Il change l'accessoire - le statut juridique - pour préserver l'essentiel : la bonne santé des entreprises, leur caractère intégré, les valeurs de service public, le régime spécial de retraites, le statut des agents. Nos entreprises sont des champions nationaux. Elle doivent désormais pouvoir lutter à armes égales avec tous leurs concurrents. A cet effet, l'évolution du statut d'EPIC en SA lève le handicap du principe de spécialité (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Cette transformation est la seule chose prévue par la loi. Elle signifie concrètement qu'au lendemain de son adoption, EDF et Gaz de France seront des sociétés, mais des sociétés détenues à 100 % par l'Etat... (« Et après ? » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Votre bilan, messieurs les députés de l'opposition, devrait vous inviter à plus de modestie ! C'est du sort de 140 000 salariés et de 300 000 retraités dont nous parlons ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF - Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Cette transformation étant intervenue, le Gouvernement aura la capacité de vendre des actions EDF. Puisque des inquiétudes se sont exprimées à ce sujet, je le redis avec force : conformément aux engagements du Président de la République et du Gouvernement, EDF et Gaz de France ne seront pas privatisées. Mieux, le Gouvernement acceptera l'amendement du rapporteur portant de 50 % à 70 % le taux de détention minimum du capital des entreprises. Alors, vous me direz : « qu'est-ce qui garantit que la loi ne permettra pas de privatiser plus tard ? » La réponse est simple : il n'y aura pas de privatisation parce qu'EDF, c'est le nucléaire, et qu'une centrale nucléaire, ce n'est pas un central téléphonique ! Un gouvernement ne prendra jamais le risque de privatiser l'opérateur des centrales nucléaires.

La question que nous devons par contre nous poser, c'et celle de la meilleure manière d'accompagner et de financer les projets de développement d'EDF. Il n'y aura pas d'ouverture du capital par idéologie. La seule question qui vaille, c'est : EDF a-t-elle les moyens de se développer, et, sinon, comment les dégager ? Les dirigeants de la CGT de l'entreprise ont demandé au Président de la République un audit sur les finances de l'entreprise. Ils sont donc bien conscients de son besoin de financement. Il faut dire qu'EDF n'a pas été recapitalisée depuis vingt-deux ans, et que ceux qui lui adressent aujourd'hui de grandes déclarations d'amour ne lui ont pas versé un centime lorsqu'ils étaient aux responsabilités, et notamment entre 1997 et 2002 ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Cette entreprise que vous aimiez tant, vous ne lui avez pas donné un centime, tout en prélevant année après année sur ses résultats... Et aujourd'hui vous nous dites : "faites ce que nous n'avons pas fait" ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Alors, oui, il faudra des moyens supplémentaires pour financer le développement de l'entreprise, et parmi ces moyens un renforcement de son capital. Je dis bien : renforcement. Avec cette réforme, le Gouvernement n'a pas pour but de réaliser un gain budgétaire, mais de donner à EDF les moyens de mettre en _uvre un projet énergétique pour la France. Par suite, si l'entreprise a besoin d'argent, il n'y aura pas de vente d'actions EDF, mais la possibilité de créer des actions nouvelles pour financer les projets d'EDF, au premier rang desquels l'EPR.

Qui pourraient être ces nouveaux investisseurs ? Sur ce point le Gouvernement a une vision très claire. Il y a tout d'abord les agents d'EDF et GDF. Il est contradictoire d'interdire aux agents, qui ont fait l'entreprise et lui sont attachés, de participer à son capital et de bénéficier des fruits de leur dévouement. Le projet du Gouvernement prévoyait de réserver aux agents 10% de toute augmentation éventuelle de capital, mais j'accepte l'amendement de votre rapporteur qui porte ce taux à 15% - ce qui permettra aux agents actionnaires d'être représentés au conseil d'administration. Cela, c'est de l'actionnariat populaire ! Et c'est notre politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) N'est-il pas incohérent, parce que les agents ont fait l'entreprise, d'en conclure qu'il faut les empêcher d'en devenir propriétaires ?

M. André Gerin - Démagogie !

M. le Ministre d'Etat - Il y a aussi les Français, qui sont les clients d'EDF et de GDF, et qui pourront ainsi marquer leur attachement à leurs entreprises préférées. Ici encore, n'est-il pas contradictoire de dire qu'EDF et GDF, c'est la nation, et d'en conclure qu'il faut interdire aux Français d'en devenir propriétaires ? Cela aussi, c'est de l'actionnariat populaire, et c'est notre politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Autres actionnaires possibles, les collectivités locales qui seraient intéressées, en tant que concédantes du service public, à la réussite d'EDF et de Gaz de France et qui souhaiteraient participer à leur développement.

Comment se préparera cette augmentation de capital ? Après le changement de statut, l'entreprise réalisera, en s'appuyant sur ses conseils, les travaux nécessaires pour connaître ses besoins financiers. Par souci de transparence, avant de prendre sa décision, le Gouvernement saisira pour avis une commission consultative composée de parlementaires, de personnalités qualifiées et de représentants du personnel - car cela fait trop d'années qu'on leur cache la vérité... Et dans cette recapitalisation l'Etat prendra sa part avec 500 millions d'euros. Quand cette augmentation de capital pourrait-elle intervenir ? Sans doute pas avant la mi-2005, compte tenu de l'importance des travaux à conduire d'ici là. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) J'entends dire qu'il faut reporter la loi : voilà qui est cohérent ! Devant chaque difficulté, vous dites qu'on a le temps, qu'il faut attendre, sans doute jusqu'à ce que le ciel nous tombe sur la tête (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est ce que vous avez fait sur les retraites, sur l'assurance maladie, et maintenant sur EDF. Le système du parti socialiste, c'est attendre et voir venir... Mais pendant ce temps le monde travaille et ne nous attend pas ! Et si les choses sont difficiles, c'est aussi parce que vous avez tant attendu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Concernant le développement des entreprises, une autre question est souvent posée : celle de l'opportunité d'une fusion entre EDF et GDF. Ce n'est pas un sujet tabou, mais il est d'une extrême complexité. Dans la transparence, il nous faudra réfléchir et proposer.

M. Jacques Desallangre - Là on a le temps !

M. le Ministre d'Etat - Si c'était si facile, que ne l'avez-vous fait ? Il faudrait que nous fassions la fusion en six mois, alors qu'en cinq ans vous ne l'avez pas même étudiée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) La question est d'abord juridique : est-ce envisageable au regard du droit européen et de la jurisprudence de la Commission ? Une fusion n'entraînerait elle pas de telles contreparties, en l'occurrence des cessions d'actifs, qu'elles iraient à l'encontre du but ? Une expertise approfondie sera conduite pour qu'en septembre tous les intervenants à ce dossier, et au premier rang la représentation nationale, soient informés des conséquences. Il se posera également une autre question : tient-on mieux un marché national avec deux entreprises qui se connaissent, ou avec une seule ? Nous ne pouvons aller trop loin, car nous sommes entendus au delà de nos frontières, mais il est permis de se poser la question, et peut-être d'y répondre.

Après ce qui va changer, voyons ce que le projet de loi préserve ou conforte. EDF et Gaz de France ont une histoire sociale, faite de luttes, qui ont abouti à des acquis que nous devons respecter. Il y a des valeurs auxquelles nous sommes tous attachés. C'est d'abord le service public. Les missions de service public qui incombaient à EDF et Gaz de France en tant qu'établissements publics continueront de leur incomber en tant que sociétés publiques. Ces missions seront désormais précisées dans un contrat entre l'Etat et les entreprises, qui portera notamment sur la qualité du service rendu au consommateur : présence territoriale, qualité du courant, délais d'intervention. La péréquation tarifaire en matière d'électricité sera évidemment maintenue pour les clients non éligibles et pour les tarifs d'acheminement. Mieux, le projet prévoit d'obliger chaque fournisseur à publier pour les petits clients éligibles des barèmes de prix accessibles à tous et identiques sur tout le territoire. Enfin, EDF et Gaz de France constitueront, sur le modèle de l'actuelle DEGS, un opérateur commun, EDF - Gaz de France - distribution, afin de préserver les synergies entre les deux entreprises et de garantir la qualité du service public de proximité. Ce service comptera 60 000 personnes et continuera de s'appuyer sur une centaine de centres de distribution.

Deuxième garantie, le projet maintient le caractère intégré d'EDF et de Gaz de France tout en garantissant les conditions d'une concurrence équitable, donc un accès des tiers aux réseaux transparent et non discriminatoire. Pourquoi devrions-nous renoncer à un système qui a fait ses preuves ? Le maintien d'une proximité stratégique entre la gestion du réseau et l'exploitation du parc de production est un élément essentiel de notre sécurité d'approvisionnement. Les black out italien et américain de l'été dernier ont bien montré le caractère indispensable d'une entreprise intégrée.

Le projet de loi prévoit donc d'une part, pour garantir la concurrence, de maintenir les dispositions des lois de 2000 et de 2003 relatives à l'accès des tiers aux réseaux, aux pouvoirs de la CRE et à la fixation des tarifs, et d'imposer la création de filiales - , EDF Transport et Gaz de France Transport -pour les activités de transport, ainsi que la création pour la distribution de services indépendants sur le plan de la gestion. Mais il prévoit d'autre part, pour préserver le caractère intégré des entreprises, qu'EDF et GDF puissent faire valoir leur droit légitime d'actionnaires au sein des conseils d'administration de leurs filiales ; et qu'EDF Transport et Gaz de France Transport demeurent à 100% publics.

Troisième garantie prévue par le projet : il pérennise le système de financement du régime de retraites des industries électriques et gazières. Trois principes nous guident dans ce domaine. Tout d'abord le régime spécial par répartition des industries électriques et gazières est maintenu pour tous les agents, qu'il s'agisse des retraités, de ceux qui sont présents dans l'entreprise ou des futurs embauchés. Ensuite les prestations ne sont pas concernées par cette réforme, qui modifie le système de financement du régime mais non les droits. C'est dire que la durée de cotisation reste inchangée. Enfin cette réforme est neutre économiquement pour le consommateur, le contribuable, les salariés du privé et le personnel des industries électriques et gazières.

Cette réforme s'appuie sur trois axes. C'est d'abord un adossement du régime des industries électriques et gazières aux régimes de droit commun : la CNAV, l'AGIRC et l'ARRCO, ce qui réduit les risques pesant sur le régime des IEG. C'est ensuite l'identification au sein du tarif d'acheminement d'une contribution tarifaire ; et c'est enfin l'octroi de la garantie de l'Etat à la caisse des IEG pour les engagements de retraite antérieurs à 2004. Ceux qui ont signé à Barcelone n'avaient pas prévu de réformer le régime de retraite : il fallait pourtant bien le faire ! Il n'était pas question de créer une commission : ces gens ont travaillé toute leur vie, ils ont droit à ce qu'on garantisse que leurs retraites seront payées !

Enfin, dernière garantie apportée par le projet, le statut des agents défini en 1946 est maintenu, quant à son champ d'application - production, transport, distribution, commercialisation - et quant à son contenu : je l'ai dit, il y a une histoire sociale et nous la prenons telle qu'elle est.

Je finirai sur une note plus personnelle. En arrivant au ministère des finances, je ne connaissais pas bien la réalité des entreprises EDF, et Gaz de France et surtout l'ampleur des défis auxquelles elles avaient à faire face. Je savais en revanche que l'aventure serait risquée, puisque tout le monde considérait la réforme comme impossible.

J'ai beaucoup appris pendant ces deux mois et demi, et j'ai beaucoup compris auprès des agents que j'ai rencontrés à Chinon, à Cergy, à la Défense et à Saint-Denis, dans toutes les branches de l'entreprise.

J'ai vu le fossé qui s'est creusé entre les salariés et les dirigeants. Le dialogue doit se développer.

Le général de Gaulle avait l'habitude dire à propos des réformes difficiles : c'était impossible, c'était nécessaire, c'est fait. On m'a dit que cette réforme était impossible, je pense qu'elle est nécessaire, je souhaite que votre Assemblée nous permette de la réaliser.

(Applaudissements bancs du groupe UMP et du groupe UDF) )

M. François Brottes - Rappel au Règlement. Nous nous interrogeons sur l'organisation de nos travaux et sur le rôle du Parlement.

M. le ministre nous a présenté son projet il y a quelques jours en commission et il nous présente aujourd'hui un texte qui a sensiblement évolué.

En outre, je trouve indigne que l'on renvoie à une commission des prises de décision qui en fait relèvent de la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Dont acte.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques - « EDF va à la concurrence », tel est le titre donné à une tribune libre publiée aujourd'hui dans un quotidien du soir sous la plume de Marcel Boiteux, qui fut un grand dirigeant de cette entreprise.

Cette phrase éclaire le texte dont nous allons discuter. Il s'agit d'une loi non de rupture, mais d'adaptation.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Très bien !

M. le Rapporteur - Pourquoi cette réforme ? A Barcelone, les 15 et 16 mars 2002, la France a donné son accord à une ouverture supplémentaire du marché de l'électricité et du gaz, et une directive en ce sens a été votée par le Parlement européen en juin 2003.

Bruxelles demande la transposition de cette directive. Bruxelles demande de plus de retirer la garantie illimitée de l'Etat qui fait qu'EDF-GDF bénéficient d'un avantage important sur leurs concurrents puisque leurs deux signatures leur permettent d'obtenir des taux d'emprunts avantageux.

Il s'agit également de retirer la garantie illimitée de l'Etat sur le système des retraites.

Le texte tire toutes les conséquences de l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz sur le plan européen.

Premier changement : la forme juridique des deux entreprises qui, d'établissements publics à caractère commercial, deviendront société anonyme. L'article 22, à lui seul, justifiait ce projet.

Cette transformation a une conséquence dans deux domaines : le principe de spécialité peut être aboli ; les salariés pourront devenir actionnaires. La commission propose d'ailleurs que la part des actions mise sur le marché offerte aux salariés puisse être non de 10% mais de 15%.

Deuxième changement, l'organisation du transport et de la distribution. Le gestionnaire du réseau de transport était un service d'EDF qui bénéficiait d'une séparation comptable et d'une indépendance managériale ; le GRT sera désormais une filiale de l'entreprise juridiquement séparée ; le GRD quant à lui bénéficiera du statut dont disposait le GRT.

En ce qui concerne les retraites, je rappelle que c'est la simple transposition de l'accord de branche signé en janvier 2003 qui est proposée.

M. Yves Cochet - Rejeté par les salariés !

M. le Rapporteur - Ce dispositif implique la création d'une caisse spécifique, la Caisse nationale des personnels des industries électriques et gazières.

En outre, le système proposé est neutre pour le consommateur et le contribuable et il respecte le principe de l'égalité entre les salariés des entreprises publiques ou privées.

Cette loi ne touche pas à l'essentiel. Nous avons en effet entendu des inquiétudes et des critiques. Ce projet, a-t-on dit, pourrait entraîner un certain nombre de catastrophes...

M. François Brottes - Conséquences du libéralisme !

M. le Rapporteur - Or, il protège au contraire les entreprises et les consommateurs en réaffirmant et en confortant une valeur constitutive, celle du service public. Tel est précisément l'objet des deux premiers articles de la loi, laquelle réaffirme en la matière le contenu des lois du 10 février 2000 et du 3 janvier 2003.

Le projet propose de plus un dispositif nouveau et contraignant pour les entreprises, le contrat de service public pluriannuel, dans lequel apparaîtront les exigences suivantes : sécurité, garantie d'approvisionnement, qualité de l'électricité et du gaz fournis, qualité de l'air, protection de l'environnement, impératifs de cohésions sociale et territoriale.

Nous réaffirmons enfin la validité du dispositif de péréquations des tarifs qui permet de bénéficier d'un tarif unique sur tout le territoire pour la part liée au transport et à la distribution.

Autre point qui ne change pas : les entreprises restent publiques. La transformation juridique proposée ne modifie en rien le fait que l'Etat occupe une place importante. Le ministre d'Etat a proposé qu'elle soit supérieure à 50% et la commission propose elle de la porter à 70%.

Le capital des filiales est quant à lui composé de personnes publiques, d'entreprises et d'organismes publics. Il est donc public à 100%.

M. le Président de la commission - Très bien !

M. le Rapporteur - On ne casse pas un système qui marche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Il s'agir de conserver le principe des entreprises intégrées - production et fourniture -, garant de l'efficacité de notre système énergétique. C'est quand les systèmes ne sont plus intégrés qu'on risque des catastrophes. Les dysfonctionnements observés ont également été causés par la faiblesse des investissements, je pense en particulier au secteur des transports.

M. François Brottes - C'est précisément ce que vous vous apprêtez à faire.

M. le Rapporteur - En outre, le projet impose un opérateur commun, ce qui n'était qu'une possibilité dans la loi de 1946. L'opérateur commun, c'est un grand nombre des troupes d'EDF-GDF. Ce sont les électriciens, les gaziers, les service de proximité.

Je fais d'ailleurs observer à ceux qui s'interrogent sur une éventuelle fusion entre les deux entreprises que, bien que séparées depuis 1946, elles disposent depuis à peu près autant de temps d'un opérateur commun.

Enfin, on maintient le statut des personnels des industries électriques et gazières...

Mme Odile Saugues - Pour combien de temps ?

M. le Rapporteur - ...qui n'est pas un statut EDF et GDF mais un statut de branche, qui s'applique à l'ensemble des personnels travaillant dans des sociétés, publiques ou privées, qui produisent, transportent, distribuent et commercialisent l'électricité et le gaz.

Le c_ur du projet, c'est la transformation en société anonyme. S'agirait-il en fait d'un simple texte technique ? Non, car derrière cette transformation juridique il y a un enjeu, à savoir donner à nos deux entreprises la capacité de tirer parti de l'opportunité extraordinaire que représente un marché européen de 450 millions d'habitants. Elles vont ainsi pouvoir diversifier leurs activités, ce que le statut actuel leur interdit. Elles vont pouvoir faire appel au marché financier pour financer les investissements considérables qui les attendent, tant pour la production - je pense au renouvellement de notre parc électro-nucléaire et en particulier à l'EPR - que pour le renforcement des réseaux de transport et des interconnexions.

Aujourd'hui, nous nous orientons vers un nouveau modèle électrique et gazier. La loi de 1946 a créé, pour les besoins du XXe siècle, un modèle qui a réussi. Nous sommes aujourd'hui au XXIe siècle et il faut tenir compte des changements. L'enjeu est à la fois de politique industrielle - permettre à EDF et GDF de devenir des champions européens - et de société : promouvoir un modèle qui soit à mi-chemin entre, d'une part, le régime planifié qui a vu les pays industrialisés se doter d'entreprises complètement intégrées à la puissance publique et en situation de monopoles, d'autre part la dérégulation telle qu'elle s'est pratiquée dans les années 80 tant dans l'Angleterre de Mme Thatcher que dans la Californie de M. Reagan. C'est ce que l'on appelle la troisième voie, qui permet un autre type de gouvernance.

Je me trouvais l'autre jour au Palais de Tokyo, où j'admirais la fresque de Dufy. Elle raconte la période où l'électricité faisait peur, comme la foudre, puis celle où elle a été maîtrisée. Au siècle des Lumières, la fée Electricité s'est invitée dans les salons littéraires, elle y était sujet d'émerveillement pour ceux qui voyaient des étincelles sortir de machines fabuleuses.

M. François Brottes - On va faire le noir sur cette histoire.

M. le Rapporteur - Au XIXe siècle, elle a accompagné la révolution industrielle. Au XXe, les pouvoirs publics ont organisé sa production, ses réseaux, ses investissements. Demain, la fée Electricité pourra raconter qu'en 2004, on a proposé au Parlement français un système qui n'était pas en rupture avec l'organisation précédente mais qui tenait compte du nouveau contexte. Comme l'écrit Marcel Boiteux dans Le Monde d'aujourd'hui, « il s'agit maintenant pour EDF de mobiliser ce qu'il y a de pérenne dans ses valeurs et ses atouts pour réussir en France et porter au-delà des frontières un modèle ajusté au monde nouveau » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Le Garrec remplace M.Debré au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis de la commission des finances - Dans un monde où la compétition est la seule règle qui ne puisse surprendre personne, chacun doit assumer ses responsabilités. C'est ce que vous faites aujourd'hui, Monsieur le ministre, en nous présentant ce projet de loi qui constitue un tournant stratégique pour l'avenir de nos deux champions nationaux.

Ce projet doit en effet leur permettre de faire face aux défis de la construction d'un marché européen intégré de l'énergie tout en assurant le respect des valeurs du service public.

La commission des finances a souhaité se saisir pour avis de deux articles essentiels : les articles 22 et 16, relatifs respectivement au changement de statut et à la contribution tarifaire. S'agissant tout d'abord du changement de statut d'EDF et GDF, il faut éviter de s'enliser dans un débat idéologique stérile à propos du rôle de l'Etat par rapport au secteur privé. Les enjeux économiques sont tels qu'il faut dépasser les clivages traditionnels pour créer, comme le disait le Secrétaire au commerce de Bill Clinton, Ron Brown, « un véritable partenariat gouvernement -affaires capable de saisir les opportunités internationales. » L'article 22 s'inscrit dans cette perspective en permettant la transformation des deux actuels EPIC en sociétés anonymes.

Ce changement de statut est vital pour ces entreprises pour trois raisons. Une raison tout d'abord économique et stratégique. En effet, l'abandon du statut d'EPIC permet de supprimer le principe de spécialité qui y est attaché. Actuellement ce principe limite le champ d'intervention d'EDF et de GDF aux seules activités de production, transport, distribution, importation et exportation d'électricité et de gaz. Or, force est de constater qu'il existe sur les marchés énergétiques une demande croissante d'offre intégrée. Le développement de ces entreprises face à leurs concurrents européens se trouve entravé par le principe de spécialité. Il faut donc libérer nos champions nationaux de ce carcan, afin qu'ils puissent affronter à armes égales leurs concurrents.

La deuxième raison est d'ordre financier. Il convient en effet de créer des conditions d'accès aux marchés financiers favorables pour permettre à ces entreprises engagées dans un mouvement de concentration au niveau européen de disposer des moyens financiers nécessaires à leur développement.

Enfin, la troisième raison est d'ordre juridique. La transformation en société anonyme répond à une obligation communautaire. La Commission européenne, dans sa décision rendue le 16 décembre 2003, a en effet jugé contraire au principe de libre concurrence la garantie implicite de l'État liée au statut d'EPIC.

Précisons à nouveau qu'il ne s'agit pas d'une privatisation. EDF et GDF demeureront soumises aux dispositions relatives aux entreprises publiques, en particulier à la loi de 1983 relative à la démocratisation du service public. En outre, la participation de l'Etat restera majoritaire. Elle est fixée à plus de 50 %. La Commission des finances propose de la faire passer à 70 %, afin d'empêcher tout actionnaire privé de disposer d'une minorité de blocage. Compte tenu de l'importance de ces deux entreprises pour la mise en _uvre de la politique énergétique de la France, et en particulier de la composante nucléaire d'EDF, ces entreprises doivent en effet rester majoritairement détenues par l'Etat, qui doit définir, en liaison avec elles, leurs orientations stratégiques.

Le secteur de l'énergie n'est pas un secteur économique comme les autres. Les critères de choix qui y prévalent ne sont pas exclusivement ceux de l'économie libérale mais aussi ceux liés à la puissance et à l'influence. La définition de la stratégie industrielle doit donc rester du ressort de l'Etat, seul capable de faire la synthèse entre les différentes exigences.

Afin d'assurer la pérennité du régime spécial de retraite des personnels des industries électriques et gazières, vous proposez, Monsieur le Ministre, une réforme d'ensemble du mode de financement de ce régime. L'objectif est de limiter les conséquences négatives pour EDF et GDF de l'entrée en vigueur , à compter du 1er janvier 2005, d'une nouvelle norme comptable, la norme IAS 19, qui impose la comptabilisation des avantages de personnel, y compris les retraites.

Or, le provisionnement comptable des engagements de retraites d'EDF et de GDF aurait des conséquences considérables, puisque ces engagements sont estimés pour EDF à 60 milliards, soit le triple de ses fonds propres. Leur provisionnement empêcherait l'entreprise d'accéder au marché financier dans des conditions normales. Aussi nous propose-t-on un dispositif validé par la Commission européenne, tendant à réduire des trois quarts les obligations de provisionnement.

Les droits de base, qui représentent 40 milliards, seront adressés aux régimes de droit commun de la CNAV et de l'AGIRC-ARCCO. Les droits spécifiques seront à la charge des entreprises, qui devront les provisionner, tandis que les droits acquis avant le 31 décembre 2004 et relevant du secteur non concurrentiel seront financés par la contribution créée à l'article 16 du projet.

La contribution tarifaire, avec 450 millions de rendement annuel, permettra de limiter les effets négatifs de l'entrée en vigueur des nouvelles normes comptables, mais sans avantages en termes de résultats comptables. La réforme aura la vertu d'être neutre pour le consommateur final. Enfin, la création de la contribution tarifaire ne devrait pas avoir d'incidence sur l'équilibre des finances publiques, puisque son produit sera affecté à la nouvelle caisse nationale des industries électriques et gazières.

Insistons sur la nécessité d'assurer une véritable indépendance à RTE. En effet les gestionnaires de transport en Europe sont en majorité des sociétés totalement indépendantes des producteurs-commercialisateurs. Or, il apparaît qu'EDF pourrait, au moins dans le principe, exercer une influence déterminante sur les décisions d'exploitation du réseau lors de l'approbation des budgets de sa filiale.

M. François Brottes - Il y a donc désaccord au sein de la majorité !

M. le Rapporteur pour avis - Aussi, afin de garantir la neutralité de l'accès des tiers au réseau, est-il souhaitable que l'indépendance du gestionnaire soit affirmée avec plus de force (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Ce projet donne lieu à beaucoup d'idées fausses, qui alimentent chez les personnels une inquiétude que je comprends. Comment les agents d'EDF et de GDF, à qui l'on parle de privatisation, à qui l'on dit que leur statut va être mis en cause et que leurs retraites sont menacées, ne seraient-ils pas inquiets ? Mais ces inquiétudes sont totalement infondées. Que les personnels n'en aient pas claire conscience, je le comprends, car tous n'ont pas lu le texte. En revanche, que nos collègues de l'opposition, que des responsables syndicaux feignent d'ignorer la réalité du projet pour jouer sur les peurs des agents, c'est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il n'y a pas un mot dans ce texte qui porte atteinte au statut des personnels, ni qui mette en cause leur régime spécial de retraite. Au contraire, une caisse spéciale adossée au régime général est créée pour garantir la pérennité du financement des retraites.

Il est également malhonnête de faire croire que nous voudrions privatiser EDF et GDF, alors qu'elles deviendront des sociétés détenues à plus de 50 % par l'Etat, et conserveront donc leur caractère d'entreprises publiques. J'ai du reste déposé avec le rapporteur, et en accord avec le ministre d'Etat, un amendement tendant à porter à 70 % la part du capital détenue par l'Etat. La loi dira donc que l'Etat détient au moins 70 % du capital d'EDF et de GDF, rien de plus rien de moins. Si plus tard une majorité voulait privatiser ces entreprises - après tout, le gouvernement de M. Jospin a établi un record de privatisations -, alors le Parlement devrait voter une nouvelle loi.

M. François Brottes - Comme vous l'avez fait pour France Télécom !

M. le Président de la commission - Vous avez raison, nous avons dû voter une nouvelle loi.

C'est bien M. Jospin qui, en mars 2002 à Barcelone, a accepté l'ouverture des deux tiers du marché au 1er juillet 2004.

M. François Brottes - Et Chirac, il n'y était pas ?

M. le Président de la commission - Le Premier ministre et le ministre d'Etat ne font donc que respecter la parole ainsi donnée par la France, qui impose la transformation juridique des entreprises. Pour supprimer la garantie illimitée de l'Etat dont bénéficie l'EPIC qu'est EDF, il faut le transformer en société anonyme, ce qui ne change rien au caractère public de l'entreprise. La confrontation démocratique des opinions est saine, mais à la condition de ne pas dénaturer les positions des autres. On nous reproche un changement de forme juridique que n'impose pas le droit européen...

M. François Brottes - Vous le reconnaissez donc !

M. le Président de la commission - C'est vrai ! L'opposition nous invite donc à l'immobilisme auquel elle a tant sacrifié. Mais la conséquence en serait le déclin assuré de nos entreprises publiques, en raison, d'abord, du maintien des entraves à leur développement mises en place par des gouvernements étrangers, comme celui de l'Italie. Or, n'est-il pas vital pour le développement de nos entreprises publiques en Europe de pouvoir conquérir des parts de marché ? Le déclin viendrait aussi des sanctions que prendrait inévitablement la Commission européenne contre la garantie de l'Etat qui apporte à EDF un coût de financement préférentiel.

M. François Brottes - C'est faux !

M. le Président de la commission - Qui peut souhaiter que les ressources d'EDF servent à payer les amendes à la Commission, comme cela s'est produit récemment à hauteur de 12 millions ? Le principe de spécialité propre au statut d'établissement public est aussi une cause de déclin. Qui souhaite maintenir de tels boulets aux pieds de nos entreprises publiques ?

Enfin et surtout, le déclin sera inévitable si nous ne changeons pas de forme juridique car la principale ressource pour EDF restera l'endettement. Bien sûr, l'Etat peut apporter des fonds propres, et il va le faire pour la première fois depuis vingt-deux ans, à hauteur de 500 millions. Mais les besoins de financement sont considérables. GDF doit accéder davantage à la ressource gazière. EDF doit renouveler bientôt son parc nucléaire, et construire rapidement un premier réacteur EPR dont nous avons enfin décidé la réalisation dans le cadre de la loi d'orientation sur l'énergie, rompant là encore avec des années de tergiversations. Ces investissements sont indispensables pour préserver l'extraordinaire avantage que constitue le choix du nucléaire. C'est à quoi servira l'augmentation du capital d'EDF rendue désormais possible. Le ministre d'Etat vient d'exposer une stratégie que nous soutenons. Allons-nous laisser nos entreprises publiques s'endetter encore, quand on sait où cela conduit ? Mieux vaut leur donner les moyens de se développer, en nouant par exemple des partenariats industriels par échanges de titres.

Le texte va évoluer au fil de nos travaux. Nos deux commissions l'ont déjà enrichi, et de nombreux amendements seront examinés et pour beaucoup acceptés, y compris venant de l'opposition. Je remercie le Gouvernement de l'ouverture dont il fait preuve à cet égard. Le principal amendement, je l'ai dit, va porter à 70 % la part de l'Etat dans le capital, ce qui rendra impossible la détention par des actionnaires privés d'une minorité de blocage. Avec M. Lenoir, j'ai fait accepter le principe que 15 % des titres d'EDF et de GDF cédés par l'Etat seront réservés au personnel, ce qui permettra de renforcer encore le lien entre les agents et leurs entreprises. Le gaulliste que je suis ne peut qu'applaudir à cette avancée de la participation, cette belle idée du général de Gaulle.

Des entreprises demeurant publiques et capables de poursuivre leur développement, voilà ce que nous voulons faire d'EDF et de GDF. C'est un choix politique, celui du pragmatisme. Nous l'assumons pleinement. Je regrette l'attitude de l'opposition qui caricature cette réforme et la dénonce de manière irresponsable. Je demande à nos collègues socialistes s'ils prennent l'engagement, au cas où ils reviendraient au pouvoir, de faire de nouveau de ces entreprises des établissements publics (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur le ministre d'Etat, je tiens à vous remercier pour le courage et le pragmatisme dont vous avez fait preuve dans la préparation de ce débat. A Chinon, vous avez ouvert le dialogue avec les salariés. Merci de nous avoir associés à tous les niveaux de la discussion, M. Lenoir et moi-même. Nous avons fait évoluer ce texte dans un partenariat exemplaire. Ce projet garantit le rôle historique d'EDF et les droits des salariés. C'est le progrès, et cela contraste avec le conservatisme de l'opposition (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Vive la nuance !

M. le Président de la commission - Ce texte va donner à EDF le statut dont elle a besoin pour se développer, dans l'intérêt de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ DE M. JEAN-MARC AYRAULT

M. Christian Bataille - Pendant l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, il y a quelques semaines, le Gouvernement a pris une décision responsable et lucide : autoriser la construction de l'EPR. Il fallait le souligner. Je n'en serai que plus sévère pour le projet que nous examinons aujourd'hui. Celui-ci nous fait courir des risques considérables. Pourquoi bouleverser un système électrique et gazier qui a fait ses preuves ? Pourquoi défaire une organisation qui a montré son efficacité ? Pourquoi faire prendre à la collectivité nationale des risques inconsidérés au moment où la fragilisation de la production d'hydrocarbures et la hausse de la demande d'énergie en Chine et en Inde vont alourdir notre facture énergétique ?

Ce projet remet en question la stratégie énergétique de notre pays, stratégie mise en place en 1946 par le gouvernement issu de la Résistance qui rassemblait, sous l'autorité du général de Gaulle, la gauche et les gaullistes. Il s'agit d'un service public construit et soutenu par tous les gouvernements de la IVe et de la Ve République.

Vos intentions cachées sautent aux yeux. A l'horizon de quelques années, ce texte va faire apparaître des changements fondamentaux dans notre stratégie énergétique. Vous avez abandonné le statut d'établissement public pour celui de société anonyme, ouvrant la voie à la privatisation. Ce n'est pas le niveau de participation de l'Etat qu importe, c'est le changement de statut. Malgré les aléas, la France avait maintenu une politique d'intérêt national. Mais nous faisons aujourd'hui une rechute de reaganisme et de thatchérisme, avec vingt ans de décalage. Nous devrions plutôt débattre du rôle de l'Etat dans la production d'énergie et dans l'approvisionnement. Voulons-nous que la puissance publique assume ses responsabilités dans ce domaine sensible, ou qu'elle les abandonne aux forces du marché ?

Je démontrerai que ce projet est irrecevable parce qu'il contient plusieurs dispositions contraires au Préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux articles 2 et 34 de la Constitution de 1958.

La loi du 10 février 2000 avait permis d'adapter notre organisation aux nouvelles exigences européennes, tout en prévoyant des progrès essentiels que vous remettez en question. L'ouverture du marché de l'électricité a été voulue par la droite. La première directive sur le marché intérieur a été adoptée en 1996 suite à un accord au sommet entre MM. Chirac et Kohl. Dans la dernière phase de la négociation, l'Allemagne avait demandé l'éligibilité des distributeurs ; la France n'obtenait en contrepartie que la possibilité de fixer des missions d'intérêt général. Le Conseil européen des ministres de l'énergie, où M. Borotra représentait le gouvernement Juppé, a adopté cette directive que la majorité de l'Assemblée de l'époque a approuvée. L'opposition n'était pas très nombreuse, mais j'en étais et je m'en souviens.

La directive de 1996 a eu pour conséquence la libéralisation du marché. Le seuil d'éligibilité n'a cessé de descendre, passant de 40 Gwh en 1997 à 20 en 2000 et 9 en 2003.

La seconde directive, celle de 2003, a été voulue également par la droite. Au Conseil européen des ministres de l'énergie du 3 février 2003, Mme Nicole Fontaine a accepté l'ouverture à 100 % du marché. La directive du 26 juin 2003, abrogeant celle de 1996, a prévu l'ouverture du marché pour tous les clients non résidentiels au 1er juillet 2004, et pour tous les autres au 1er juillet 2007.

Examinons à présent l'action tant commentée de Lionel Jospin. La loi du 10 février 2000 transposait la directive de 1996. Mais ce n'est pas parce que le gouvernement Jospin honorait la signature internationale de la France qu'il approuvait la politique libérale.

M. le Rapporteur - Et Barcelone ?

M. Christian Bataille - Cette loi définissait précisément le contenu du service public de l'électricité, qui constitue une garantie d'approvisionnement pour tous et partout. Le principe de péréquation des tarifs était maintenu. La production d'électricité s'inscrivait dans le cadre d'une programmation pluriannuelle des investissements. Les opérateurs souhaitant produire de l'électricité devaient obtenir une autorisation du ministre de l'énergie. En cas de divergence entre les intentions des investisseurs et la programmation pluriannuelle, une procédure d'appel d'offres pouvait être lancée. Afin d'encourager le développement de certaines technologies, EDF devait satisfaire à une obligation d'achat. En matière de transport d'énergie, EDF restait le gestionnaire unique du réseau. La loi, en outre, ne modifiait pas notre système de distribution d'électricité, qui restait de la compétence des collectivités territoriales et de leurs groupements. Elle adaptait simplement des règles existantes pour permettre aux collectivités concédantes de prendre en compte les exigences liées à l'application des principes d'universalité et d'égalité et les impératifs de protection de l'environnement et de maîtrise de la demande d'énergie.

La loi a par ailleurs défini la notion de client éligible. Afin de ne pas pénaliser l'opérateur historique dans un marché ouvert à la concurrence, le principe de spécialité d'EDF a été aménagé dès la loi de 2000. La distinction est faite entre les offres présentées aux clients éligibles, et celles destinées aux consommateurs non éligibles.

De surcroît, dans un objectif de concurrence loyale, la loi impose aux entreprises d'électricité verticalement intégrées de dissocier dans leur comptabilité les activités de production, de transport et de distribution. Cette mesure, qui fait obstacle aux subventions croisées, s'accompagne de dispositions en faveur de la transparence des comptes, et de la création d'une commission de régulation de l'électricité.

Cette transposition a donc permis à la France d'être inattaquable, tout en respectant ses intérêts, et en s'inscrivant dans la politique de développement des énergies renouvelables.

Par ailleurs, la loi du 10 février 2000 a consacré des acquis essentiels dans le domaine du service public et de la solidarité nationale. L'article premier de la loi dispose ainsi que « le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire, dans le respect de l'intérêt général. Dans le cadre de la politique énergétique, il contribue à l'indépendance et à la sécurité de l'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique, à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie ». Elle a en outre introduit le droit à l'électricité pour tous.

Enfin, le Conseil de Barcelone, en mars 2002, a consacré les acquis de cette loi, sans remettre en cause la notion de service public à la française, comme vous tentez de nous le faire croire. Au contraire, ce Conseil a engagé les ministres et le Parlement à définir les obligations de service public, la sécurité d'approvisionnement, la protection des régions reculées et des groupes les plus vulnérables de la population. Surtout, Lionel Jospin s'est opposé avec succès à l'éligibilité des particuliers.

Le ton change avec le gouvernement Raffarin et l'ouverture de l'éligibilité à tous les clients à partir du 1er juillet 2007 ! Est-ce bien le moment de rompre l'équilibre atteint avec la loi de 2000, alors que les bases et les modalités de la politique de libéralisation des marchés du gaz et de l'électricité sont revus dans de nombreux pays, et que le contexte énergétique mondial va de mal en pis?

Deuxième axe de ma réflexion: dans un contexte géopolitique et économique dangereux, la transformation des secteurs électrique et gazier devrait être d'autant plus prudente que les bases techniques des exigences européennes sont fragiles.

Le risque d'une pénurie organisée est réel. La facture énergétique de la France a augmenté de 5 % en 2003, du fait la hausse du prix du pétrole, et il en ira de même en 2004. Le rythme des découvertes nouvelles se ralentit, la consommation pétrolière de la Chine représente un facteur de déséquilibre structurel, qui s'aggravera avec le développement de l'Inde. Le coût réel du pétrole n'est pas celui du marché, car les coûts de sa production, notamment sociaux et politiques, ne sont pas intégrés dans le prix acquitté par les consommateurs.

Quant à nos approvisionnements en gaz, ils ne sont pas davantage garantis contre la hausse des prix. S'il est mieux réparti que le pétrole, le gaz provient de pays politiquement instables, et il est difficile d'augmenter le rendement des extractions, sans parler du coût. Le danger est là encore celui de la pénurie organisée pour augmenter les tarifs, avant que les gisements ne soient réellement épuisés.

Le contexte climatique est plus qu'inquiétant: à quand la prochaine canicule, et ses conséquences sur la consommation d'énergie, climatisation, irrigation ? Parallèlement, nous devons diminuer les émissions de gaz à effet de serre, cause directe du réchauffement. Dans ces conditions, l'électricité est une énergie essentielle. Depuis vingt ans, elle a assuré la compétitivité de notre pays. C'est l'électricité nucléaire qui a permis à la France de diminuer le poids de sa facture énergétique, et fait d'elle l'un des meilleurs élèves au monde pour la limitation des rejets de gaz carbonique. A niveau de vie comparable, seuls font mieux, dans l'OCDE, la Suisse et la Suède.

Les prix d'EDF ont été inférieurs à ceux du marché européen, et stables sur une longue période. Les hausses de prix sont, ailleurs, le fruit amer de la libéralisation, et ce n'est qu'un début. Rien ne sera plus facile pour les grands producteurs européens d'électricité que d'organiser une pénurie de la production d'électricité. Il leur suffira de déclasser des unités de production pour faire monter les prix. La centrale thermique de Pont-sur-Sambre, dans ma circonscription, a ainsi été déclassée alors qu'elle aurait pu être utile lors de la canicule de 2003.

Le Gouvernement ne doit pas permettre que l'on puisse jouer avec les prix de l'électricité. Il devient déjà impossible de garantir l'approvisionnement des industriels grands consommateurs d'énergie à prix stables. Le PDG de Saint-Gobain ne vient-il pas de menacer de délocaliser une partie de ses activités si la hausse des prix de l'électricité se poursuivait ? A tous égards, la fin de l'électricité peu coûteuse aurait par conséquent des conséquences sociales explosives.

Nul ne conteste la nécessité de procéder à des investissements massifs dans les deux prochaines décennies. Contrairement aux idées reçues, les capacités de production d'électricité de notre pays ne sont pas largement excédentaires. On ne réduira pas les tensions inévitables sans une politique d'investissement ambitieuse, financée par les gains de productivité qui doivent être réalisés à tous les niveaux. Il convient notamment d'augmenter le taux de disponibilité des centrales, en internalisant les opérations de maintenance compatibles avec la poursuite de l'activité.

Il faut par ailleurs mettre un terme à la politique de développement des investissements internationaux, dont l'efficacité n'a pas été démontrée.

La maintenance de notre réseau de transport de l'électricité constitue une autre priorité majeure. La privatiser en tout ou partie conduirait immanquablement à sa dégradation.

Ces différents éléments démontrent que la politique européenne libérale de l'énergie n'est pas valablement fondée. L'énergie doit être reconnue comme un bien particulier et le concept de « libre circulation de l'électron » n'a pas de sens ! L'électricité voyage mal. A plus de deux ou trois cents kilomètres de distance, mieux vaut produire sur place. En outre, en situation de pic de demande, tout producteur est en situation de monopole.

Le nombre d'opérateurs présents sur le marché européen est infiniment plus faible qu'aux Etats-Unis. Sur notre continent, force est d'admettre que le secteur a tendance à se reconcentrer. Partiellement libéralisé en 1978, le marché allemand est aujourd'hui dominé par deux opérateurs et les prix sont aussi élevés qu'avant. Les règles de concurrence en vigueur sur le marché des Etats-Unis ne sont donc pas transposables à l'identique dans l'UE.

Plus inquiétant encore, allons nous connaître les grandes pannes qui ont frappé la Californie en 2000 ou l'Ontario l'année dernière ? Leurs causes ne font aucun doute : c'est bien l'absence d'investissements de long terme et de maintenance du réseau de transport de l'électricité qui, outre diverses spéculations et manipulations financières, a créé ces perturbations majeures. Malgré l'existence d'un semblant d'organisation des marchés de l'énergie, 50 millions d'Américains ont été privés d'électricité pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines ! Dans ce pays, le coût du retard d'investissement ou du défaut d'anticipation des événements perturbateurs est estimé à 7 milliards de dollars. Est-il bien utile de rappeler qu'en France, la grande tempête de 1999 a par contre été surmontée avec compétence et rapidité, sans doute aussi parce qu'EDF n'exerçait pas ses activités sous la pression concurrentielle exacerbée d'autres opérateurs ?

Maximaliste dans son orientation libérale, la politique européenne de l'énergie est aussi incohérente. C'est à une libéralisation au rouleau compresseur, emportant tout sur son passage, que nous sommes conviés ! Je rappelle qu'aux Etats-Unis, plusieurs Etats n'ont pas mis en _uvre les principes libéraux. L'Union européenne aurait donc dû rendre facultative la libéralisation du marché de l'énergie.

M. Debré remplace M. Le Garrec au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

M. Christian Bataille - Il reste à espérer que cette politique changera après le résultat des élections du 13 juin. Les socialistes européens se battront pour préserver la qualité de notre offre énergétique.

Alors que les réseaux transfrontaliers de fourniture d'électricité restent notoirement insuffisants, l'Union souffre aussi de l'absence d'un régulateur à même d'organiser le système de fixation des tarifs. Parallèlement, la libéralisation est conduite à marche forcée, sans même prévoir un dispositif d'évaluation de ses effets réellement indépendant. A l'évidence, la Commission européenne sera juge et partie et ne pourra évaluer en toute impartialité un système qu'elle a elle-même contribué à généraliser.

N'oublions pas enfin que la libéralisation a échoué en Espagne - seulement 0,3 % des consommateurs ayant opté pour un nouvel opérateur - et que plusieurs Etats américains y ont finalement renoncé !

Contraire aux intérêts nationaux, cette politique s'écarte délibérément de la vision historique d'un Marcel Paul, pourtant toujours d'actualité...

M. Daniel Paul - Très juste !

M. Christian Bataille - Les responsables politiques de l'après guerre avaient, eux, une vision de ce que pouvait être une politique industrielle conforme à l'intérêt national. Une telle approche vous fait cruellement défaut. Messieurs les ministres, votre projet ne développe aucune vision industrielle. Contrairement aux belles intentions de votre projet de loi d'orientation sur l'énergie, il ne tend nullement à garantir la pérennité de la production électrique nationale. Qui peut croire que des sociétés anonymes - dont la vocation est de réaliser des profits immédiats - prendront en charge les investissements de très long terme que requiert l'état actuel de notre réseau, compte tenu en outre des contraintes environnementales qui s'exercent sur la conduite de telles opérations ?

Au pire moment, votre projet rompt avec une stratégie énergétique qui a eu le temps de faire ses preuves, depuis 1946, et qui se fondait notamment sur la fourniture d'une électricité à faible coût. L'électricité est un bien de première nécessité dont la consommation a vocation à augmenter continûment. Le système que vous voulez instituer entraîne nécessairement une augmentation de la facture énergétique des ménages. Au mépris de la promotion des sources d'énergie ne contribuant pas à l'aggravation de l'effet de serre, il privilégie la rentabilité de court terme et rend difficiles les investissements d'intérêt général. Il fallait s'en tenir aux dispositions de la loi du 10 février 2000. En choisissant de vous faire les chantres de l'ultra libéralisme, vous commettez une erreur historique.

J'en viens aux motifs qui rendent votre texte inconstitutionnel (Soupirs sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Par le changement de statut, la nation est dépouillée et les agents des entreprises sont trompés. Au reste, Monsieur le Ministre d'Etat, nombre de vos anciennes déclarations - en particulier devant le conseil national du RPR de juin 2001 - prouvent que votre volonté est bien de privatiser EDF et d'affecter les recettes tirées de l'opération à ce que vous appelez la « modernisation de l'Etat » !

Le personnel d'EDF et de Gaz de France ne méritait pas cela. Ces deux services publics sont de ceux que nos concitoyens respectent le plus, pour leur efficacité et leur valeur. Leur personnel a été consulté sur les retraites, avec le résultat que l'on sait : 59% des actifs ont rejeté la modification du système, que l'on retrouve dans votre projet de loi. Sur le changement de statut, le personnel n'est pas consulté, mais une négociation semble conduite en coulisse ; à quoi s'ajoute une stratégie très médiatique, mais bien peu démocratique.

La transformation d'EDF et GDF en sociétés anonymes n'est pas imposée par l'Union Européenne. La directive indique seulement que les Etats membres, en s'appuyant sur leur organisation institutionnelle et dans le respect du principe de subsidiarité, veillent à ce que les entreprises d'électricité soient exploitées dans la perspective d'un marché concurrentiel, sûr et durable sur le plan environnemental. Je veux ici à nouveau citer la lettre du commissaire européen Mario Monti à Frédéric Imbrecht, secrétaire général de la FNE-CGT. Votre ami libéral n'est pas très gentil avec vous, Monsieur le ministre. Ecoutons-le : « le fait que la France ait décidé de changer le statut d'EDF n'est pas du ressort de la Commission, qui en vertu du traité n'a pas compétence pour mettre en cause ni le régime public ou privé des entreprises, ni le statut choisi par les Etats membres pour leurs entreprises publiques. Celles-ci peuvent donc être des établissements publics ou des sociétés anonymes, à condition qu'elles ne bénéficient pas d'aides d'Etat incompatibles avec le traité »...

M. Jean Dionis du Séjour - Ah !

M. Christian Bataille - Il est donc erroné de justifier les changement de statut, comme vous le faites, en affirmant qu'il est impossible de retirer la garantie de l'Etat à un établissement public : une arrêté ministériel, voire une circulaire peuvent limiter cette garantie.

D'autre part le changement de statut dépouille la nation d'un élément fondamental de son patrimoine. Tout d'abord la rente nucléaire, c'est-à-dire la marge sur le courant produit par un réacteur nucléaire amorti, est de plus de 50%. Dans un rapport que j'ai cosigné en 1999 avec Robert Galley sur les coûts de production de l'électricité, j'avais chiffré cette rente. La durée de l'amortissement fiscal des réacteurs d'EDF est de trente ans. Le cash-flow cumulé généré par le parc électronucléaire sur les dix années suivant l'amortissement est de 15 à 23 milliards d'euros. Si l'on suppose que le durée de vie moyenne d'un réacteur peut atteindre cinquante ans, le cash-flow cumulé pourrait atteindre 30 à 46 milliards ! On voit l'intérêt pour un investisseur privé d'entrer dans le capital d'EDF. En effet le cash-flow généré par EDF va augmenter dans les années à venir, grâce à l'amortissement complet des réacteurs, et à l'augmentation des prix orchestrée par les tenants de la libéralisation. La nation aura payé l'effort d'équipement : les actionnaires toucheront les dividendes. La rentabilité des moyens de production amortis sera énorme, comme le montre l'exemple des vieilles centrales américaines, très recherchées des investisseurs privés. Ceux-ci auront ensuite intérêt à augmenter leur participation dans les autres activités rentables d'EDF, qui seront fatalement filialisées - ne serait-ce que pour soustraire leur personnel au statut actuel. Pour le réseau de transport amorti, le même phénomène est avéré. Des revenus réguliers sont générés par les flux d'électricité. Mais saura-t-on réinvestir les profits pour entretenir et moderniser le réseau ? On peut en douter.

Pour ces raisons, le changement de statut d'EDF et de GDF porte atteinte aux intérêts généraux de la nation, et il est contraire aux principes généraux de la Constitution. Par ailleurs ce projet en trompe-l'_il n'assure pas la pérennité du contrôle public et de l'emploi. En fixant un niveau d'au moins 50 %, il semble garantir le contrôle public d'EDF, mais ce n'est qu'un effet d'affichage à court terme. L'essentiel n'est pas le pourcentage, c'est l'adoption du statut de société anonyme. Au gré de vos humeurs ou de vos intentions tactiques, Monsieur le ministre, vous êtes passé d'une privatisation à 100 %, en juillet 2001, à 50 % à l'issue de régionales difficiles pour la majorité, puis à 30%, grâce à un amendement de l'UMP motivé sans doute par la mobilisation sociale ; enfin à 0 % devant le risque de désordres sérieux. Et voilà que nous entendons le rapporteur revenir à 30 %. Nous ne comprenons plus rien. A moins qu'il ne s'agisse d'égarer délibérément l'opinion. On aurait pu se féliciter, Monsieur le ministre, de vous voir faire amende honorable et abandonner la perspective d'une privatisation d'EDF et de GDF. Mais ce serait céder aux apparences. Votre objectif n'est plus de privatiser brutalement, dans un climat de conflit social. L'important, pour vous, n'est pas que la participation privée soit fixée à 0, 30, 50 ou 100 % : c'est le déverrouillage du système d'entreprise publique pour pouvoir, à l'avenir, privatiser par paliers et dans la discrétion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Rien n'interdit en effet à une société anonyme de filialiser ses activités. A court terme, le projet ouvre la voie à la filialisation et à la privatisation des activités les plus rentables, en particulier le réseau de transport de l'électricité et la production nucléaire. Quelque amendement à une loi de finances permettra de modifier le niveau de la participation de l'État. Le statut de société anonyme et l'ouverture du capital préparent la vente par appartements d'EDF. Celle-ci deviendra une coquille vide, dont le seul rôle sera de porter les dettes et les engagements hors bilan ; les activités rentables seront filialisées et ouvertes de plus en plus au secteur privé. Veut-on que les centrales nucléaires françaises, qui fournissent 80 % de notre consommation d'électricité, puissent être un jour filialisées, et passer sous le contrôle de fonds de pension dépendant de décisions prises aux Etats-Unis ?

Ce projet est en trompe l'_il également pour ce qui concerne l'emploi des personnels d'EDF et de GDF. S'il y a eu garantie de l'emploi jusqu'à ce jour, cela tient au statut d'EPIC des deux entreprises, car la garantie de l'emploi n'est inscrite nulle part dans le statut du personnel. Après la transformation en Société anonyme, je ne vois rien dans votre projet de loi qui interdise à EDF-SA et GDF-SA de procéder à des licenciements économiques. Le projet n'est pas moins en trompe l'_il sur le rôle futur des salariés d'EDF et de GDF. Loin de prévoir une véritable respiration du secteur public, il exclut de décisions capitales les représentants des salariés, et donne un droit de blocage à ceux des actionnaires.

Enfin, EDF n'a pas besoin de ce projet pour financer son développement ni pour élargir ses activités. L'entreprise a une capacité d'autofinancement hors normes : elle a financé son parc électronucléaire par ses propres moyens, et la quasi-totalité de ses investissements récents a été financée, à hauteur de près de 15 milliards d'euros, par sa propre capacité. EDF peut financer ses futurs investissements auprès du système bancaire, car sa signature, même sans garantie de l'Etat, est l'une des meilleures du monde, compte tenu de l'importance de son cash flow. Quant à l'élargissement des activités d'EDF et de GDF, il ne nécessite pas de changement de statut. L'article 44 de la loi du 10 février 2000 le permet, qui dispose : « EDF peut par des filiales ou des sociétés, groupements ou organismes dans lesquels lui-même ou ses filiales détiennent des participations, proposer aux clients éligibles présents sur le territoire national une offre globale de prestations techniques ou commerciales accompagnant la fourniture d'électricité». EDF a pu ainsi élargir ses fournitures et ses services, comme le montre le succès de Dalkia. Le Conseil d'Etat a entériné cet assouplissement du principe de spécialité. De plus, il est possible d'élargir le périmètre d'activités d'un EPIC, comme l'ont montré les exemples de la Poste et de la SNCF.

Quant à l'expansion internationale d'EDF, elle s'est faite dans le cadre de son statut d'EPIC. Il serait paradoxal de justifier le passage en société anonyme par le besoin de prendre des participations croisées, alors qu'EDF assure que son expansion internationale est achevée.

D'autre part, le projet ne traite pas des enjeux financiers à long terme de la production nucléaire. Les comptes d'EDF comprennent deux types de provisions : les provisions pour le renouvellement des concessions du réseau de distribution, et les provisions pour démantèlement et pour la gestion des déchets radioactifs. La question est de savoir si les provisions restent ou non dans le périmètre du bilan. Or, la question des provisions pour démantèlement n'est pas traitée dans votre texte. Les coûts du démantèlement et de l'aval du cycle nucléaire ont été intégrés dès le départ au prix du kilowatt-heure, et vouloir augmenter les tarifs pour cette raison serait faire payer une deuxième fois ce qui l'a déjà été.

EDF souhaite que les provisions pour démantèlement restent dans le bilan ; il aurait fallu discuter avec l'entreprise du volume de ces provisions, de la rapidité de leur constitution et de leur liquidité le moment venu. S'il n'est pas possible de sortir ces fonds du bilan sans le désintégrer, il faut imposer, en tout état de cause, une gestion prudentielle de ces fonds. Ils ne seront pas exigibles avant l'arrêt du premier réacteur nucléaire, qui n'est pas prévu avant 2020, et il n'y a donc pas lieu de les stériliser. Mais la nation doit en exiger une utilisation prudente au profit de l'industrie nationale toute entière.

La question fondamentale des provisions pour l'aval du cycle du combustible n'est pas traitée non plus. Pourtant, nous assistons dans tous les pays à un transfert de propriété des déchets radioactifs dans une structure publique.

Par ailleurs, le service public et le droit d'accès à l'électricité sont menacés par le changement de statut. La péréquation, fondement de la notion de solidarité contenue dans le service public, sera menacée par la multiplication des intervenants. Une S.A. n'aura aucune raison de prendre en compte des impératifs politiques d'aménagement du territoire.

La continuité du service peut être coûteuse. Ainsi la remise en service du réseau, après la tempête de 1999, a entraîné une mobilisation du personnel dont le coût, dans un cadre privé, aurait été jugé trop lourd pour ne pas être étalé dans le temps.

Et quel opérateur privé aurait accepté de payer au prix fort les pointes de la canicule qui ont coûté l'an passé 300 millions à EDF ? L'expérience américaine et européenne montre que le délestage, c'est-à-dire l'interruption de la fourniture d'électricité pour certains quartiers, est un mode de régulation classique pour des opérateurs privés.

Avec ce projet, le service public ne sera plus une impérieuse obligation mais deviendra un service minimum imposé par la loi. Le passage au statut de S.A., contrairement à ce que vous prétendez, modifiera en profondeur les valeurs et le fonctionnement d'EDF.

La péréquation est elle-même menacée, même s'il est prévu que le fournisseur doive en assurer la mise en _uvre. Comment être sûr qu'un système aussi complexe puisse correctement fonctionner ? La commission de régulation de l'électricité s'alarme de la difficulté qu'il y aura à la mettre en place dès le 1er juillet pour les consommateurs professionnels. Comment pourra-t-on l'assurer techniquement pour l'ensemble des clients à l'horizon de 2007 ?

Le droit d'accès à l'électricité risque de disparaître, la directive de 2003 n'en appelant qu'à la garantie d'une protection adéquate aux consommateurs vulnérables.

M. Jean Dionis du Séjour - Elle en appelle au service universel !

M. Christian Bataille - Nous sommes loin de la solidarité.

La loi ne garantit pas non plus le statut des personnels, contrairement aux promesses de l'exposé des motifs. Il en est de même pour le personnel des filiales.

Enfin, le réseau de transport de l'électricité n'est pas sanctuarisé comme il devrait l'être et comme il l'est actuellement.

Le transfert de propriété du réseau de transport de l'électricité s'est effectué dans des conditions connues de tous. Le haut de bilan peut être amélioré de bien des façons. Je suis étonné d'avoir entendu M. Sarkozy faire grand cas des 500 millions...

M. le Président de la commission - A juste titre !

M. Christian Bataille - ...apportés en dotation à EDF, dont il faut d'ailleurs déduire les dividendes reversés. Le gouvernement précédent, lui, a su améliorer d'une autre façon le haut de bilan de l'entreprise.

M. le Rapporteur - C'est la méthode Coué !

M. Christian Bataille - La recapitalisation prévue par le Gouvernement ne devrait pas être mise en avant.

Selon l'article 5 du projet, le GRT est une société dont le capital est détenu en totalité par EDF, l'Etat ou d'autres organismes appartenant au service public. Mais comme l'article 22 dispose qu'EDF est transformée en société dont l'Etat détient une part sans qu'il soit possible par ailleurs de la chiffrer avec précision, la protection introduite par l'article 5 est de pure forme.

Le projet prévoit la transformation de l'entité RTE en société anonyme EDF-Transport dont le capital serait détenu en totalité par EDF S.A. Or, ce statut permettrait que des actionnaires privés possèdent une minorité de blocage au sein d'EDF Transport.

M. François Brottes - C'est évident.

M. Christian Bataille - Dès lors, ces derniers, plus soucieux de la rentabilité à court terme que de l'avenir du réseau de transport, pourraient empêcher les investissements comme nous l'avons constaté aux Etats-Unis.

En outre, le réseau de transport intéresse au plus au point la défense nationale.

Il faut donc un établissement public fort pour assurer la maintenance et le développement du réseau de transport. D'ores et déjà, en Europe, on constate que ces investissements sont insuffisants. Cette tendance est confirmée aux Etats-Unis : l'activité de gestionnaire de réseau de transport est capitalistique et soumise à des aléas réglementaires nombreux, d'où un désintérêt structurel des investisseurs privés.

L'Etat n'ayant plus la maîtrise de la décision au sein d'EDF-Transport, notamment pour les augmentations de capital, l'article 5 est contraire au Préambule de la Constitution de 1946.

En outre, par le simple jeu des modifications du capital d'EDF et de l'actionnariat public d'EDF-Transport, et en privilégiant des entreprises publiques ouvertes à près de 50%, il serait possible qu'EDF-Transport passe sous contrôle privé. L'article 5 est donc également contraire à l'article 34 de la Constitution de 1958. Si le Gouvernement persiste, la seule solution possible pour préserver le caractère public de RTE serait de le transformer en EPIC pour sanctuariser le transport d'électricité.

Après avoir affirmé clairement en 2001 votre volonté de privatiser EDF-GDF, nous avons aujourd'hui l'impression que vous voulez atteindre ce même objectif mais de façon subreptice. Vous avez d'abord fixé comme objectif la fin du statut d'établissement public d'EDF-GDF ; ensuite, au gré des circonstances, vous avez avancé différents arguments, parfois contradictoires. Vous avez rapidement abandonné le refrain « c'est la faute à l'Europe », tant il est éclatant que ce projet résulte de la volonté politique de ce Gouvernement et de lui seul. Mais vous avez mené ces derniers jours une campagne de communication de dernière minute, dont on doit saluer l'habileté. Je veux croire que les informations publiées samedi après-midi résultent d'une fuite ou d'une initiative malencontreuse d'un membre de l'entourage ministériel, car je ne peux imaginer que M.Sarkozy ait personnellement fait part à la presse de ses intentions, à quelques heures des élections européennes. Cette campagne de communication vise à faire croire que vous cédez, mais en réalité vous ne cédez rien, car si l'on vous écoute, le statut de société anonyme sera voté et la privatisation suivra.

Vous justifiez l'abandon du statut d'EPIC par l'interdiction faite désormais à l'Etat d'accorder sa garantie illimitée. Mais il serait possible de limiter la garantie de l'Etat de façon à placer les conditions d'emprunt au niveau de celles des entreprises privées, de même qu'il serait possible de négocier avec la Commission des compensations adéquates.

Autre argument entendu : il faut transformer EDF et GDF en sociétés anonymes pour leur permettre d'aller lever des capitaux sur les marchés financiers. Mais le « cash-flow » de ces deux entreprises les place parmi les meilleures signatures pour les banques ! Par ailleurs EDF a financé par ses propres moyens la construction du parc électronucléaire.

Autre argument : il faut un statut de SA pour nouer des alliances. Mais enfin le développement international ne doit pas être la priorité de l'entreprise, celle-ci restant la fourniture de courant électrique sur tout notre territoire. Dernier en date de vos arguments : la transformation en SA s'imposerait pour lever le principe de spécialité et faire d'EDF un électricien généraliste. Je rappelle donc que la loi du 10 février 2000 a déjà élargi le domaine des compétences d'EDF et que le Conseil d'Etat a accepté une interprétation souple du principe de spécialité.

Vous avez avancé des arguments trop flottants et trop variables pour que nous puissions vous croire aujourd'hui quand vous assurez que vous ne préparez pas une privatisation d'EDF et GDF.

Je crois vous avoir démontré que les motifs d'inconstitutionnalité sont nombreux (« Non ! » bancs du groupe UMP) Je veux une dernière fois essayer de vous convaincre (Mêmes mouvements) de retirer ce funeste projet, présenté de surcroît dans des conditions de fragilisation extrême de votre majorité (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Pour sa part, le groupe socialiste se battra par tous les moyens parlementaires pour vous dissuader de faire aboutir ce projet. J'espère vous avoir convaincus de voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Avant de vous répondre sur quelques points précis, je veux d'abord me souvenir, Monsieur Bataille, que vous soutenez constamment le Gouvernement en ce qui concerne l'EPR, ce qui est courageux. Je vous tiens donc pour un homme de conviction et je prends au sérieux votre intervention, même si vous avez, comme d'autres avant vous, fait un usage quelque peu extensif de l'exception d'irrecevabilité.

Les motifs d'inconstitutionnalité n'ayant pas fait le fond de votre propos, je veux d'abord souligner que les responsabilités sont partagées en ce qui concerne l'ouverture à la concurrence, laquelle rend à nos yeux inévitable le changement de statut. En 1996, c'est une majorité de droite qui a participé à la décision européenne. Mais le 16 février 1999, M.Pierret, homme de gauche et l'un de mes prédécesseurs dans les fonctions de ministre de l'industrie, déclare, avec d'ailleurs beaucoup de probité intellectuelle, que s'agissant de la directive à transposer, d'autres avant lui ont engagé de difficiles négociations « en cherchant à garantir le mieux qu'ils pouvaient les intérêts français ».

C'est ensuite la loi du 10 février 2000 - présentée par un gouvernement de gauche - qui transpose cette fameuse directive. Et c'est aussi un gouvernement de gauche qui participe au Sommet de Barcelone, lequel prévoit le libre choix du fournisseur, à partir de 2004, pour tous les consommateurs européens autres que les ménages...

Plusieurs députés socialistes - Autres que les ménages !

M. le ministre délégué - Oui, j'en conviens, mais cela représentera, est-il écrit, au moins 60 % du marché.

Les responsabilités sont donc partagées (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) La différence, c'est que nous, nous les assumons, tandis que vous, vous en avez honte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Le changement de statut est une conséquence de ce processus (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste). Puisque M.Bataille a cité une déclaration de M.Monti, permettez-moi de vous citer une lettre du même, en date du 16 octobre 2002 : « En ce qui concerne la garantie illimitée dont jouit EDF de par son statut d'EPIC, il est important de souligner que la Commission ne remet en aucune façon en cause le statut public du capital d'EDF, ni ne conteste le statut d'EPIC en tant que tel. La Commission s'interroge simplement sur l'effet lié à la mise en _uvre d'une des particularités du statut d'EPIC, à savoir la dérogation prévue aux procédures de redressement et de liquidation judiciaire et le rôle de l'Etat en qualité de garant en dernier ressort des dettes de la société ».

Il ajoute un peu plus loin : « Dans le cas présent, la garantie ne résulte pas de la propriété mais du statut juridique de l'entreprise. Les Etats membres sont libres de choisir la forme juridique de leurs entreprises mais doivent dans leurs choix respecter les règles de concurrence du Traité ».

Il ressort clairement de cette lettre que le statut d'EPIC offre des garanties discriminantes, auxquelles il convient de mettre un terme. Peut-on le faire en conservant le statut d'EPIC ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) Non, car on ne peut pas retirer à un EPIC une de ses qualités substantielles sans changer sa nature ! C'est aussi simple que cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Pour le reste...

M. Jean-Marc Ayrault - Vous progressez !

M. le Ministre délégué - A votre contact, Monsieur Ayrault ! Je reçois tellement de leçons de votre part, tous les jours, que cela finit par m'influencer, même à mon insu...

M. François Brottes - Vous recevez surtout des leçons des électeurs !

M. le Ministre délégué - Les électeurs, il faut les respecter. Quand ils donnent un mandat pour cinq ans, ce mandat est valide pour cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Quand ils votent pour élire leurs députés au Parlement européen, ils ne se prononcent pas sur la politique gouvernementale.

Le parti socialiste n'est pas le mieux placé pour soutenir les thèses qu'il défend aujourd'hui. Qui a dit par exemple : « La part résiduelle de l'Etat dans EDF devra être suffisante pour assurer un ancrage incontestable sans pour autant graver dans le marbre le seuil de 50 % » ? Est-ce Raffarin, Sarkozy, Devedjian ? Non ! C'est Dominique Strauss-Kahn (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui l'a écrit en 2002 dans son livre « La flamme et la cendre ». Qui a dit : « Une entreprise comme Gaz de France doit voir sa structure ouverte, et c'est également le cas pour EDF, même si l'Etat doit rester majoritaire » ? Est-ce M. Ollier ?

M. le Président de la commission - Ce n'est pas moi !

M. le Ministre délégué - C'est Laurent Fabius en janvier 2003 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Daniel Paul - Le groupe communiste ne nourrit pas un amour immodéré pour ce qui s'est passé à Barcelone en 2002. Les dispositions alors adoptées n'ont d'ailleurs pas porté chance à chacun de ceux qui les ont promues, et cela pourrait bien vous arriver aussi. Votre objectif consiste, à tout prix, à transformer l'EPIC EDF en société anonyme. Pour ce mauvais coup, vous êtes prêts à accepter beaucoup de choses. Dans sa rédaction actuelle, le projet comporte l'ouverture du capital d'EDF à 50 %. Un amendement de la commission tend à la ramener à 30 %, et on annonce aujourd'hui que l'Etat conservera 100 %. Est-ce avec ce genre d'arguments que vous espérez emporter l'adhésion des Français ? Comptez sur nous pour leur expliquer que ce qui compte vraiment, c'est la transformation de l'EPIC en SA. Cela fait, plus rien ne s'opposera, à la faveur d'une ligne budgétaire, à l'ouverture du capital au secteur privé. Comme Christian Bataille l'a rappelé avec raison la loi de nationalisation du 8 avril 1946 dispose : « Le solde des biens, droits et obligations transférés aux établissements publics prévus par la présente loi constitue le capital de l'établissement. Ce capital appartient à la Nation, il est inaliénable et en cas de perte d'exploitation il doit être restitué sur les résultats des exercices antérieurs. » Ce sont les usagers et non pas l'Etat qui ont financé l'indemnisation des anciens actionnaires. Ce sont eux qui ont financé les investissements nécessaires pour remplir les missions de service public (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Sylvia Bassot - Et qui ont financé la CGT !

M. Daniel Paul - A EDF, l'apport de l'Etat, depuis 1946, s'est élevé à 7,7 milliards d'euros, à quoi s'ajoute la contrepartie obtenue en 1997 pour la perte de son droit de concession du RTE, soit 8 milliards d'euros. Rien de plus ! Pour GDF, l'apport n'a pas dépassé 900 millions. Si, en face de ces sommes, vous placez tout ce que les gouvernements successifs ont ponctionné sur EDF et GDF, le montant est infiniment plus élevé. En vérité l'Etat s'est comporté en prédateur bien plus qu'en actionnaire. Ce que sont devenues ces entreprises publiques est dû à ce qu'ont payé les usagers. Aussi, transformer leur statut, c'est tout simplement spolier le peuple français. Voilà qui suffirait à justifier le recours au référendum. Nous voterons l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. le Président - Sur l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. François-Michel Gonnot - M. Bataille, que j'écoute toujours avec respect, a tenté d'expliquer que le projet était irrecevable. Ses arguments nous ont semblé bien insuffisants. Il a fait preuve d'un autisme aggravé par rapport aux promesses du ministre d'Etat et du ministre délégué, qui font suite aux engagements du Président de la République. Quand il a affirmé que nous allions désorganiser les deux entreprises publiques, je me suis demandé s'il ne se trompait pas de combat. Quant à l'éternel procès instruit contre la majorité de vouloir aller jusqu'à la privatisation, ne serait-ce pas, Monsieur Bataille, que vous doutiez des positions de vos propres amis ? Le Président de la République a dit clairement qu'il était hors de question de privatiser (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Le Gouvernement s'est engagé solennellement sur ce point. La majorité va le confirmer dans la loi elle-même.

Il est vrai qu'une autre majorité peut advenir, et M. Devedjian a cité opportunément certains propos de M. Fabius, ancien Premier ministre, qui se prête un destin national, et de M. Strauss-Kahn, qui est dans le même cas. Il y a seulement cinq semaines, un autre ancien Premier ministre socialiste, M. Rocard, a déclaré qu'il n'était pas anormal de changer le statut d'EDF-GDF. Les uns et les autres ont même souvent caressé le rêve de privatiser. Vous avez cherché à établir la paternité de l'ouverture des marchés. Dois-je rappeler que vous n'avez pas eu le courage de transposer la directive Gaz, et c'est par voie d'amendement au projet de loi de finances que vous avez autorisé en douce GDF à violer la loi de 1946. Souvenez-vous que Mme Bricq, dans ses rapports, plaçait au premier rang des privatisations urgentes celle d'EDF. Souvenez-vous des tractations menées avec Total et avec des groupes étrangers pour prendre possession de GDF, alors que vous refusiez de prendre vos responsabilités devant la représentation nationale !

Vous venez de dire que nous étions en train de dépouiller la nation d'une partie de son patrimoine...

M. André Gerin - C'est vrai !

M. François-Michel Gonnot - Mais qui détient le record des privatisations et des ventes d'actifs ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Sous quel gouvernement a-t-on largement vendu pour payer les 35 heures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Ne nous donnez pas de leçons ! Je le répète, il est hors de question de vendre des actifs d'EDF et de GDF ; il s'agit d'augmenter leur richesse et leur capacité de développement en élargissant leur capital. Nous ne pourrons donc pas vous suivre. Nous voulons engager un débat que vous n'avez jamais eu le courage d'ouvrir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Gaubert - Félicitons Christian Bataille pour la qualité de son intervention, écoutée dans un silence presque religieux. M. Bataille a rappelé les responsabilités des uns et des autres. Nous sommes fiers d'avoir transposé a minima la directive de 1996. On finirait par oublier le rôle joué par l'actuel Président de la République dans certains sommets européens (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Vous entretenez la confusion en mélangeant ouverture du marché et privatisation des entreprises. Ce sont deux dossiers différents. Il faut rappeler que jamais le gouvernement précédent n'avait préconisé l'ouverture du marché des particuliers. C'est Mme Fontaine qui l'a souhaité en novembre 2003.

Avec l'ouverture du capital, l'entreprise va fonctionner d'une manière totalement différente, quel que soit le niveau des participations privées. Quand la Bourse rentre dans une entreprise, elle change son management et modifie sa ligne d'horizon. C'est le cours boursier qui devient le vrai directeur de l'entreprise. Que deviendront les investissements d'avenir dont nous avons besoin ?

Les contradictions du Gouvernement sont frappantes. On a d'abord parlé de privatisation, avant de retirer ce mot qui fait peur et même d'affirmer qu'on ne l'avait jamais prononcé. On a évoqué une évolution, voire une révolution, dans le statut du personnel. On a modifié le nom des filiales, parce que M. Sarkozy, dans un couloir, avait lancé l'idée devant trente agents d'EDF... Nous sommes dans l'irrationnel. Nous devons nous prononcer sur les amendements médiatiques que le Gouvernement présente à la presse pendant le week-end.

Monsieur le ministre délégué, êtes-vous sûr que vous n'allez pas encore changer d'avis ? Christian Bataille a démontré l'inconstitutionnalité de ce texte, mais vos tergiversations suffisent à montrer l'importance des problèmes. Daniel Paul l'a dit, on spolie les Français. La question méritait un vrai débat (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Je vous demande d'écouter Christian Bataille : son but n'était pas forcément de vous rendre service, mais le suivre vous éviterait de commettre une erreur stratégique. Nous voterons cette exception d'irrecevabilité.

M. Jean Dionis du Séjour - Qui a dit : « D'accord pour une certaine ouverture du capital et une participation au sein des filiales » ? Jean-Pierre Raffarin ? Nicolas Sarkozy ? Non, c'est Lionel Jospin dans son programme électoral de 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Ne nous refaites pas le coup des retraites ! Nous allons vous faire honte. La majorité est cohérente, les communistes sont cohérents, mais vous êtes les champions du double discours (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Bataille nous accuse d'attenter aux intérêts vitaux de la nation. Mais la situation financière d'EDF n'est pas florissante. Son endettement, qui était en 2000 de 17,6 milliards d'euros, s'élevait en 2003 à 25,8 milliards d'euros. Vous voulez obliger EDF à emprunter en refusant les échanges d'actions : c'est ce qui a mis France Télécom en danger de mort. Nous ne vous suivrons pas dans cette voie (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

L' intérêt de l'Etat actionnaire, c'est que le développement d'EDF obéisse à une vision d'avenir et à une gouvernance moderne. C'est cela qu'il faut défendre et non la ligne Maginot que représente une participation à 100 % de l'Etat.

M. Bataille a parlé de la continuité du service public : c'est en effet un des points forts d'EDF. Mais il ne faut pas en rajouter. Pendant la grande panne de décembre 1978, la France s'est retrouvée dans le noir. Pendant l'été 2003, nous n'étions pas loin du chaos énergétique.

Enfin, l'opposition insiste sur le caractère stratégique du réseau de transport. Mais l'article 5 le confie à une société dont le capital est détenu en totalité par EDF, l'Etat et des organismes relevant du secteur public. Il faut être très angoissé pour y voir un danger.

L'UDF ne votera pas cette exception d'irrecevabilité.

A la majorité de 139 voix contre 60 sur 199 votants et 199 suffrages exprimés, l'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale