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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 105ème jour de séance, 258ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 16 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE. 2

LUTTE CONTRE LA POLLUTION 3

POUVOIR D'ACHAT DES MÉNAGES 3

REPRISE DE LA CROISSANCE 4

DÉTENTION DES MINEURS 5

SÉCURITÉ AÉRIENNE 5

POLITIQUE EUROPÉENNE 6

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE 6

NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES AGRICOLES 7

SÉCURITÉ 8

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE 8

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite) 9

INTERMITTENTS DU SPECTACLE 9

DÉVELOPPEMENT DURABLE 9

CONSTITUTION D'UNE
COMMISSION SPECIALE 10

SERVICE PUBLIC DE L'ELECTRICITE
ET DU GAZ (suite) 10

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 32

FAIT PERSONNEL 41

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE.

Mme Catherine Génisson - Monsieur le ministre de la santé, ce matin, en Conseil des ministres, vous avez présenté votre projet de réforme de l'assurance maladie, qui ne garantit ni l'avenir de notre système de santé, ni l'égalité d'accès à des soins de qualité. Il ne permettra pas davantage de combler les déficits que vous avez creusés (Protestations sur les bancs du groupe UMP), alors que les comptes de la sécurité sociale étaient en excédent en 1999, en 2000, en 2001 ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP).

Vous sanctionnez les seuls assurés sociaux. Avec la franchise de un euro sur les consultations et la nouvelle augmentation du forfait hospitalier, vous avez fait le choix du déremboursement. Avec l'augmentation de la CSG pour les retraités et les salariés, celui de la hausse des prélèvements. Avec la prolongation de la CRDS, celui de reporter la dette sociale sur les générations futures. Nous sommes loin de la solidarité nationale et de la responsabilisation ! Quant aux entreprises, leur contribution n'est que symbolique. Les professionnels de santé ne sont pas incités à s'inscrire dans une démarche de prévention et de qualité. Au contraire, vous autorisez les spécialistes à des dépassements d'honoraires lorsqu'un patient ne sera pas passé par un médecin traitant !

Votre projet ne contient aucune mesure destinée à moderniser notre système de santé, pour garantir le droit de tous à la santé. Vous voulez imposer en quelques semaines, pendant l'été, des mesures déséquilibrées et inquiétantes.

Quand allez-vous enfin cesser de tromper les Français ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - Deux possibilités : soit vous n'avez pas lu le projet de loi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), soit vous êtes de mauvaise foi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Vous avez dit que ce projet ne préparait pas l'avenir, alors que c'est justement parce que nous prenons aujourd'hui nos responsabilités que demain le système de sécurité sociale à la française sera préservé.

Vous parlez de la CRDS, mais n'est-ce pas le gouvernement de Lionel Jospin qui a repoussé de 2008 à 2014 le remboursement de la dette de la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Alors, pas vous, pas ça !

C'est vrai, à l'époque, la croissance était au rendez-vous ! Qu'en avez-vous fait ? (« Rien » sur le bancs du groupe UMP).

M. Julien Dray - Un million d'emplois !

M. le Secrétaire d'Etat - Si vous aviez eu du courage, vous auriez pris alors les mesures qui s'imposaient et qui auraient été plus faciles !

Dire que cette réforme n'est pas efficace, ce n'est pas une erreur, c'est une faute politique, parce que vous ne proposez rien ! Il y a, paraît-il, un projet socialiste pour la sécurité sociale ; il serait temps qu'il arrive devant les Français !

L'enjeu de cette réforme est de faire évoluer les comportements des uns et des autres. Puisse le parti socialiste faire évoluer le sien, laissant la caricature et l'irresponsabilité de côté ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

LUTTE CONTRE LA POLLUTION

M. Claude Leteurtre - Monsieur le ministre des transports, vous êtes le premier pollueur de France. Le réchauffement climatique fait courir un grave danger à notre planète, pour les prochaines décennies. La canicule de 2003, même si elle reste exceptionnelle, en est un triste exemple.

Les transports sont à l'origine de plus du quart de nos émissions de gaz carbonique. Tous nos concitoyens sont frappés par cette pollution, en particulier les plus fragiles. Vous avez décidé, pendant cette semaine du développement durable, de rouler en voiture propre, et nous vous en félicitons, mais outre ce geste symbolique, que faites-vous pour lutter contre la pollution et le changement climatique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - C'est vrai, pour beaucoup, le réchauffement climatique n'est pas une réalité, alors qu'il a bel et bien commencé. Demain après-midi, avec Météo France, nous le démontrerons clairement. A l'appel du Président de la République, nous allons, avec Serge Lepeltier, prendre des mesures.

A la suite du CIADT du 18 décembre dernier, pour la première fois, la majorité des infrastructures de transport ont été dédiées au transport propre. La route va payer le fluvial, le ferroviaire et les autoroutes maritimes.

M. Henri Emmanuelli - C'est faux !

M. le Ministre - Par ailleurs, pour la première fois, un plan de relance du fret ferroviaire mobilisera un milliard et demi d'euros, et nous achetons des motrices bien moins polluantes que les précédentes.

Ensuite, je voudrais saluer la citoyenneté des sous-conducteurs, parce qu'ils épargnent des vies, mais consomment aussi moins d'énergie, notamment de pétrole.

Enfin, j'ai envoyé, c'est vrai, un clin d'_il à un fabricant de voiture à moteur hybride, mi électrique, mi classique. Je réunirai les constructeurs automobiles français en juillet, pour qu'ils développent la recherche dans cette direction afin que, très vite, on ne circule plus en milieu urbain qu'en véhicule propre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

POUVOIR D'ACHAT DES MÉNAGES

M. André Chassaigne - A juste titre, les Français, dénoncent, de plus en plus nombreux, l'augmentation du prix des biens de grande consommation. Selon l'INSEE, elle s'établit à 2,6 % en un an, mais nos compatriotes ressentent une dégradation continue de leur pouvoir d'achat...

Un député du groupe UMP - 35 heures ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. André Chassaigne - ...qui s'explique en particulier par les pratiques révoltantes de la grande distribution. Est-il normal qu'un kilo de tomates acheté 50 centimes au producteur soit vendu 2 euros dans un hypermarché ?

Un député du groupe UMP - ...C'est faux !

M. André Chassaigne - Or, Monsieur le ministre de l'économe, au lieu de vous attaquer au cartel de la grande distribution, votre seule manière de traiter ce problème est de demander gentiment aux grands patrons de bien vouloir baisser leurs prix, confiant ainsi au renard la surveillance du poulailler, si bien que les agriculteurs ont toutes les raisons de craindre que leur situation empire, comme empire celle des salariés - et pour cause : la part salariale dans la valeur ajoutée est à un niveau historiquement bas, et le rattrapage du SMIC horaire ne suffira pas, tant s'en faut, à corriger la baisse du pouvoir d'achat des ménages. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour casser la domination que la grande distribution exerce sur les agriculteurs et sur les PME ? Et montrera-t-il la même détermination à augmenter les salaires et les pensions qu'il en met à privatiser le service public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Vous avez raison...

Un député UMP - C'est rare...

M. le ministre d'Etat -...les prix des biens de grande consommation ont, depuis 1997, augmenté en France plus vite que l'inflation, et aussi plus fortement que dans les autres pays européens (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Je déplore donc que, fort de cet excellent constat, nos prédécesseurs n'aient pas réagi : il est bien de défendre les agriculteurs maintenant, mais, pendant cinq ans, vous n'auriez pas dû vous gêner ! (Même mouvement) Le système en vigueur est dommageable pour tous : pour le petit commerce, qui disparaît ; pour les agriculteurs, alors qu'aucune raison ne justifie que le prix de leurs productions soit fixé selon les mêmes critères que ceux qui valent pour les bouteilles de soda ; pour les Français, dont le pouvoir d'achat diminue. Il va sans dire que si de nouvelles règles ne sont pas établies de manière consensuelle, le Gouvernement proposera à la représentation nationale de les fixer par la voie législative.

S'agissant des salaires, de 2003 à 2005, le SMIC aura augmenté de 11,3 % - du jamais vu. Sachez, enfin, que ma détermination à réformer EDF et GDF est totale, car ne pas le faire serait faire preuve d'une grave irresponsabilité à l'égard des deux entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

REPRISE DE LA CROISSANCE

M. Gilles Carrez - La situation économique s'améliore en France et en Europe, et les signes d'une reprise sont là... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Un député socialiste - Rêveur !

M. Gilles Carrez - ...encore fragile, et en tout cas beaucoup moins affirmée qu'aux Etats-Unis et au Japon. L'Europe, et la France en particulier, doivent bénéficier de la croissance retrouvée. Vous avez, à cette fin, Monsieur le ministre d'Etat, soumis ce matin au conseil des ministres un plan de soutien à la consommation et à l'investissement, les principaux moteurs de la croissance. Les solutions que vous proposez sont-elles adaptées à la conjoncture ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Plus exactement, des mesures d'ordre exclusivement nationales peuvent-elles aboutir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - La croissance est de retour... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ...c'est indéniable, et ce devrait être un sujet de satisfaction pour tous. Il nous appartient d'amplifier cette reprise pour permettre à ceux qui sont malheureusement sans emploi d'en trouver un. A cette fin, j'ai présenté au conseil des ministres un ensemble de mesures. En premier lieu, un dégrèvement de taxe professionnelle pour les nouveaux investissements encouragera les entreprises à investir. Ensuite, la consommation des jeunes générations sera directement encouragée par l'exonération des droits de mutation sur les dons de sommes d'argent consentis par les parents et les grands-parents ; cette mesure familiale simple permettra de débloquer des sommes improductives car thésaurisées. Par ailleurs, les millions de nos concitoyens qui ont recours au crédit à la consommation bénéficieront d'une déduction fiscale de leurs intérêts d'emprunt à ce titre. Enfin, pour stimuler la revalorisation des bas salaires dans le secteur des services, une aide à l'emploi est prévue dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration.

Vous le voyez : par des mesures en faveur des entreprises et des jeunes, par des mesures populaire et sociales, nous soutenons la consommation, si bien que, lorsque la croissance sera affirmée, chacun pourra en profiter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DÉTENTION DES MINEURS

M. Robert Lamy - La délinquance des mineurs a fortement augmenté au cours de la dernière décennie. Des alternatives existent, certes, à l'incarcération, notamment le placement en centre éducatifs fermés, mais certains actes d'une gravité particulière conduisent à un emprisonnement qui, en l'état, se fait dans des conditions impropres à assurer la réinsertion et à prévenir les récidives : les quartiers des mineurs de nos établissements pénitentiaires ne permettent pas d'atteindre ces objectifs, et leur rénovation est indispensable.

Vous avez annoncé aujourd'hui la construction d'établissements pour mineurs. Pouvez-vous indiquer vos projets à la représentation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Ma conviction, que je sais partagée par beaucoup d'entre vous, est que nous ne devons plus mélanger les mineurs et les majeurs. C'est pourquoi, pour la première fois dans ce pays qui est très en retard dans ce domaine, j'ai voulu la construction d'établissements réservés aux mineurs. Ils seront construits autour de la salle de classe. Je veux que toute la journée soit structurée autour de l'apprentissage et de la formation professionnelle afin que ces jeunes aient une deuxième chance dans leur vie. Sept établissements de soixante places chacun seront construits dans les deux années qui viennent, à Lyon, Marseille, Nantes, Toulouse et Valenciennes et deux dans la région parisienne. Ils devront ouvrir avant la fin 2006. Pour moi, sécurité et humanité doivent aller de pair (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SÉCURITÉ AÉRIENNE

M. Michel Herbillon - Monsieur le ministre de l'équipement, le 3 janvier dernier, un appareil de la compagnie égyptienne Flash Airlines s'écrasait au large de Sharm El Sheik, causant la mort de 148 passagers dont 135 de nos compatriotes. Ce fut une tragédie. Ce drame est aussi une source d'inquiétude pour de nombreux Français.

Vous avez annoncé, début juin, la création d'un label de qualité. Quelles garanties supplémentaires va-t-il apporter aux voyageurs ? Quelles mesures devraient-elles être prises au niveau européen ? La sécurité aérienne est un enjeu international. L'Union européenne peut promouvoir une politique volontariste au plan mondial. Quelles initiatives comptez-vous prendre ? L'expérience française peut-elle servir de référence ?

Il est très fréquent, quand on achète un voyage à forfait, qu'on ne dispose d'aucune information sur la compagnie aérienne ou que celle-ci change à l'insu de l'acheteur. Vous avez souhaité une information systématique. Quels engagements avez-vous reçus des voyagistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Nous avons tous en mémoire cette tragédie. Notre devoir est d'améliorer la sécurité aérienne.

J'ai voulu la création d'un label : avant la fin de l'année, un organisme indépendant établira un cahier des charges en matière de qualité de service. Toute compagnie qui souhaitera obtenir ce label devra se soumettre à un audit. La liste des compagnies labellisées sera publique. J'ai signalé cette initiative à Mme de Palacio, vice-présidente de la Commission européenne, et je pense que cette idée prospèrera au plan communautaire.

Il existe une directive européenne pour renforcer les contrôles inopinés. Ils vont être renforcés, car la France va anticiper la directive et avertira les autres pays en cas de problème spécifique.

J'ai rencontré les voyagistes et je leur ai demandé d'indiquer dans leurs catalogues le nom des compagnies aériennes avec lesquelles ils travaillent. Ils m'ont répondu favorablement. Certains vont commencer dès maintenant, sachant que la règle deviendra obligatoire dans deux ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

POLITIQUE EUROPÉENNE

M. François Loncle - Monsieur le Premier ministre, quatre jours après les élections du 13 juin, le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement s'apprête à entériner, avec quelques modifications, le traité institutionnel de l'Union européenne.

Nombre de nos compatriotes sont choqués par cette inversion de calendrier, par ce curieux carambolage démocratique.

Le 13 juin, c'est aussi le contenu actuel de la construction européenne qui a été remis en question. Au manque d'audace du chef de l'Etat (Protestations sur les bancs du groupe UMP), s'ajoute un traitement méprisant de la représentation nationale. Pas de débat au Parlement, aucun dialogue ! Votre devise : « Laisser faire la présidence irlandaise ». Or celle-ci formule des propositions en retrait par rapport au texte issu de la Convention. En outre, vous refusez de revenir sur l'inacceptable clause de révision du traité et vous acceptez l'absence de toute référence à l'Europe sociale.

Quelles initiatives comptez-vous prendre pour éviter l'adoption d'un texte au rabais ? Allez-vous expliquer au pays votre politique européenne ou plutôt votre absence de politique européenne ? Y aura-t-il enfin un débat à l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - Le Conseil européen se réunit demain et après-demain, à une date choisie par la présidence irlandaise. Il s'agira de terminer le travail sur la Constitution et de choisir le nouveau président de la Commission européenne, en tenant compte du résultat des élections européennes - il est plus logique de le choisir après les élections qu'avant... Sur la Constitution, dont j'ai déjà parlé à la commission des Affaires étrangères et à la délégation pour l'Union européenne, nous sommes au bout d'une négociation qui a duré presque deux ans, et à laquelle l'Assemblée a participé, en particulier par les contributions de M. Lequiller et de M. Floch. Où en sommes-nous ? L'essentiel du travail de la Convention a été accepté, y compris les sujets les plus improbables comme la défense européenne, les membres socialistes ayant donné leur accord. Restent quelques points ouverts. Sur la majorité qualifiée, nous ne voulons pas revenir en arrière. Sur le système de vote au conseil des ministres, nous soutiendrons la règle de la double majorité, parce qu'elle est équitable et efficace. Sur la dimension sociale, où j'espère que tous les gouvernements socialistes européens soutiendront les demandes françaises pour obtenir encore quelques avancées, même si je n'en suis pas sûr. Sur la lutte contre le terrorisme, où nous voulons préserver l'efficacité de l'Union. Vous le voyez, la France, demain et après-demain, veut se tenir le plus près possible du texte de la Convention. Il est temps de conclure (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous sommes très près du but. Les citoyens qui ont des doutes sur la construction européenne ont besoin que la maison soit en ordre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Maxime Gremetz - Il faut un référendum !

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

Mme Bérengère Poletti - Monsieur le ministre de la santé, l'avenir de l'assurance maladie est au c_ur des préoccupations des Français. Or, son déficit pour 2004 devrait atteindre 13 milliards. Ce matin, vous avez présenté au Conseil des ministres un projet dont nous aurons bientôt à débattre, qui vise à dégager 15 milliards d'économies et de ressources nouvelles. Le Gouvernement a mené un véritable dialogue avec les partenaires sociaux et tous les acteurs du secteur de la santé. Par cette concertation dans la transparence (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), les Français ont été informés des principales mesures de votre projet : instauration du dossier médical partagé, plan de lutte contre les abus, développement des médicaments génériques. Quel bilan tirez-vous de cette concertation ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Dans quel état d'esprit comptez-vous aborder la discussion parlementaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Vous avez raison ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Réformer l'assurance maladie est nécessaire, car elle est tout simplement en faillite.

M. Augustin Bonrepaux - A cause de vous !

M. le ministre de la Santé. - 13 milliards de déficit cette année, 30 milliards de déficit cumulé. Si on reste immobile, comme l'est resté le gouvernement socialiste (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) , alors ce sont les plus modestes qui ne pourraient pas se payer des soins de qualité (Mêmes mouvements) . Je vous le dis en vous regardant ! Cette réforme s'articule en trois éléments. Le premier est le pilotage de l'assurance maladie, qui fera l'objet d'une délégation de gestion. Le second a trait à l'organisation des soins : un dossier médical partagé entre le malade et les médecins qu'il choisira, un parcours personnalisé de soins avec le médecin traitant, et surtout une meilleure coordination entre l'hôpital public, l'hôpital privé et la médecine libérale. Enfin, nous opérerons l'indispensable redressement financier, par une réforme équitable, qui touche de la même manière les entreprises (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) , une partie des retraités imposables, les salariés, les professions de santé et l'industrie pharmaceutique . Après la phase de concertation avec les partenaires sociaux, viendra la phase de démocratie parlementaire, qui permettra d'améliorer le texte. Ainsi nous aurons fait une réforme au bénéfice des plus modestes (Mêmes mouvements). Ce qu'il fallait faire avant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES AGRICOLES

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet - En mai, à la réunion informelle des ministres de l'Agriculture en Irlande, vous avez exprimé une opposition très ferme à la ligne du commissaire Pascal Lamy dans les négociations Mercosur et OMC. De fait, le commissaire Lamy semble chercher à obtenir à tout prix un résultat avant de quitter ses fonctions, fût-ce en sacrifiant des intérêts importants, en particulier dans le domaine agricole (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Par ailleurs, lors du sommet du G 8 à Sea Island, les chefs d'Etat et de gouvernement se sont déclaré déterminés à régler rapidement les questions clé de cette négociation. Est-il envisageable de parvenir à un accord équilibré à l'été ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - C'est vrai, dès le 11 mai, avec Nicolas Sarkozy, Michel Barnier et François Loos (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) , nous avons pris position contre la tactique de la commission européenne, qui consiste à se laisser effeuiller comme un artichaut dans le cadre de la négociation OMC et Mercosur en faisant sans cesse des concessions unilatérales.

La semaine dernière, pour le sommet du G8 à Sea Island, la présidence américaine avait préparé un document demandant à l'Union européenne de renoncer immédiatement à ses subventions aux exportations, ce sans la moindre contrepartie de la part des Etats-Unis, qu'il s'agisse de leur aide alimentaire qui profite davantage à leurs fermiers qu'au tiers monde ou de leurs propres subventions aux exportations. Le Président de la République a fermement rejeté la rédaction proposée et la France a obtenu satisfaction. Le commissaire Lamy s'est rallié à notre position et notre souhait est que l'Union européenne persiste dans cette tactique de fermeté. Un accord équilibré suppose en effet que chacun fasse des concessions.

Dans ces négociations commerciales, il est beaucoup question de taux, de milliards et de sigles mais ce qui importe avant toute chose, c'est de nourrir les hommes, de combattre une faim qui, sinon, ne fera qu'empirer dans les trente ans à venir. Nous devons donc produire et éviter de céder à la démagogie et aux fausses idéologies (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SÉCURITÉ

M. Jean-Paul Dupré - Assurer la sécurité des Français est une de vos priorités, Monsieur le Ministre de l'Intérieur, mais comment comptez-vous remédier au bilan calamiteux de votre prédécesseur ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Il est indéniable en effet que, depuis deux ans, la criminalité et les agressions physiques ont augmenté de plus de 10 % (Mêmes mouvements). Nous assistons à une explosion des actes racistes et antisémites, à une explosion de l'insécurité à l'école. Quant aux bavures et aux débordements, le nombre en a doublé ! Songeons au sort réservé aux intermittents du spectacle, lors du Festival de Cannes, ou à un particulier qui se promenait paisiblement dans les rues de Paris. Il y a quelques jours, à Montpellier-La Paillade, il y a même eu mort d'homme.

Nous, socialistes, nous déplorons profondément d'avoir eu raison lorsque nous vous mettions en garde contre votre volonté d'abandonner la prévention et la police de proximité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

D'autre part, Monsieur le Garde des Sceaux, rien n'a été fait pour réinsérer les détenus libérés ni pour réduire la surpopulation carcérale - on compte actuellement 63 000 détenus pour 48 000 places ! Vous avez fait beaucoup de promesses, mais les moyens ne sont pas au rendez-vous. Quelles solutions proposez-vous aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Merci de me fournir une nouvelle occasion de rendre hommage à l'action de mon prédécesseur, Nicolas Sarkozy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

De 1998 à 2001, les crimes et délits avaient augmenté de 15 % et leur nombre avait passé la barre des quatre millions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). En 2003, on en a enregistré 140 000 de moins que l'année précédente. C'est que nous nous sommes dotés de nouveaux outils : LOPSI, Conseil de sécurité intérieure, groupements d'intervention régionaux... Croyez bien que les Français font la différence !

Mais la bataille de la sécurité n'est jamais définitivement gagnée. Elle exige une mobilisation constante, une vigilance de tous les instants. C'est pourquoi je fais mienne la culture des résultats, c'est pourquoi j'entends en permanence rendre des comptes aux Français. Mais je veux encore renforcer la lutte contre la délinquance. Celle-ci a baissé de plus de 10 % en mai, soit la plus forte décrue depuis 1996, mais il faut maintenant s'attaquer aux violences contre les personnes, forme de délinquance qui affecte le plus nos compatriotes. En mai déjà, nous avons réussi à ralentir leur progression...

J'entends également moderniser l'organisation des forces de sécurité : demain, je signerai avec les organisations syndicales la plus importante réforme des corps et carrières jamais réalisée dans la police nationale.

Mon action s'inscrit bien sûr dans le respect de l'exigence républicaine. Elle vise à défendre le droit de chacun à vivre libre et en paix et cela implique, bien sûr, le souci de l'éthique et de la déontologie. Nos forces de sécurité agissent avec courage et générosité, mais les éventuels manquements seront sanctionnés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d'amitié Niger-France, conduite par son président, M. Soumana Ousseini (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

INTERMITTENTS DU SPECTACLE

M. Daniel Poulou - Monsieur le Ministre de la culture, vous venez de désigner le responsable de la mission d'expertise qui doit proposer un schéma d'indemnisation des artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel. Cette initiative est liée à la réflexion que vous menez depuis plusieurs semaines avec les professionnels et les partenaires sociaux. Cette expertise devrait permettre de déterminer en toute objectivité les enjeux de la réforme du statut de l'intermittence. Parmi les questions centrales à régler figure le recours abusif à cette forme d'activité. Il importe en effet de distinguer soigneusement entre la situation d'artistes et techniciens condamnés à la précarité et celle de gens qui ont une activité permanente, souvent d'ailleurs étrangère à la création artistique et culturelle. Quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre ces abus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Le gouvernement Raffarin, c'est l'équipe qui tient ses engagements avec méthode et qui travaille dans la clarté ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) J'ai d'abord pris les mesures provisoires qu'imposait l'urgence

pour rétablir la confiance et régler certaines situations concrètes. C'est aujourd'hui chose faite.

Avec mes collègues Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher, nous avons maintenant désigné un expert indépendant qui, en liaison avec les partenaires sociaux, fera des recommandations pour le débat annoncé à l'automne. La mise en place d'un nouveau système d'indemnisation du chômage doit nécessairement s'accompagner d'une moralisation des pratiques. C'est un devoir envers nos compatriotes comme envers les partenaires sociaux. La lutte contre les abus et la définition d'un nouveau périmètre de l'intermittence sont essentiels pour réconcilier l'ensemble de nos concitoyens et les intermittents.

Il convient pour ce faire de mieux maîtriser le recours à l'intermittence et le réserver aux seules situations qui le justifient pleinement. Cette rationalisation du système passe par une intensification des contrôles et une répressions accrue des abus, en étroite liaison avec l'inspection du travail. Nous avons pris pour ce faire les mesures réglementaires attendues depuis longtemps : un premier décret, permettant des contrôles plus approfondis, a été publié, un second est en préparation. Il est essentiel ensuite de responsabiliser l'ensemble des acteurs : j'ai demandé à tous les responsables de l'audiovisuel, public et privé, aux responsables professionnels des secteurs du cinéma et du spectacle vivant de requalifier en emploi permanent sous CDI tous les emplois en pratique permanents occupés aujourd'hui par des intermittents. Si cette règle est simple, je dois avouer que son application prendra un peu de temps.

M. le Président - Veuillez conclure, Monsieur le ministre.

M. le Ministre - Il conviendra enfin de redéfinir le périmètre de l'intermittence. Quels sont exactement les métiers, les activités et les fonctions qui répondent à des exigences particulières de la création artistique, que nous souhaitons tous soutenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DÉVELOPPEMENT DURABLE

M. Philippe Rouault - Le concept de développement durable progresse, hélas, trop lentement. Nous assistons en effet à des dérèglements climatiques dus à l'effet de serre, à une pollution des eaux par des produits chimiques, à l'épuisement des ressources naturelles et l'appauvrissement de la biodiversité. Le décalage est trop important entre le souci affiché de développement durable et les pratiques, comme en témoigne le développement insuffisant des énergies renouvelables.

La deuxième édition de la Semaine du développement durable s'ouvre aujourd'hui pour s'achever le 27 juin prochain. Monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, pouvez-nous nous apporter des précisions sur cette manifestation et nous indiquer comment votre ministère peut faire pour que le développement durable ne soit pas une préoccupation seulement quelques jours par an ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable - Oui, l'environnement se détériore dans le monde (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). C'est pourquoi le Président de la République a alerté l'opinion mondiale lors du sommet de Johannesburg. Le réchauffement climatique aura dans les décennies à venir des conséquences considérables ; des millions de personnes risquent d'être déplacées du fait de la hausse du niveau des mers. Notre pays ne sera pas épargné par la fonte des glaciers, les inondations et les canicules. Il nous faut donc agir.

Qu'est-ce que le développement durable ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) C'est le développement économique et le progrès social dans la durée, compatible avec le renouvellement des ressources naturelles et énergétiques.

Cette Semaine du développement durable a deux objectifs. D'une part, mobiliser l'ensemble des citoyens, des entreprises, des collectivités et des associations. Sur ce point, je dirai à tous : « L'écologie a besoin de vous. » D'autre part, mieux informer nos concitoyens car, sans cette information, ils ne s'approprieront pas l'objectif de développement durable. Il faut leur dire comment économiser l'énergie et l'eau, mieux gérer les déchets... Cette semaine donnera l'occasion de nombreuses initiatives.

Au cours de cette année scolaire, nous avons expérimenté une éducation à l'environnement dans dix académies, expérience qui sera généralisée à la rentrée prochaine dans la France entière à tous les niveaux d'enseignement.

En matière de déchets, j'ai rencontré hier des professionnels de la grande distribution pour voir les mesures prises pour limiter les emballages et les sachets de plastique. Certaines enseignes sont parvenues à diminuer de 10 % le nombre de ces sacs plastique, et même de 40 % dans certains de leurs magasins. C'est la preuve qu'il est possible d'obtenir des résultats lorsqu'on le veut...

J'invite aussi nos concitoyens à apposer un autocollant sur leur boîte aux lettes indiquant qu'ils ne souhaitent pas y recevoir de publicité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55 est reprise à 16 heures 30, sous la présidence de M. Salles.

PRÉSIDENCE de M. Rudy SALLES

vice-président

CONSTITUTION D'UNE COMMISSION SPECIALE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi relatif à l'assurance maladie.

A la suite des demandes formulées en Conférence des présidents, il y a lieu de constituer une commission spéciale pour son examen.

Le délai pour le dépôt des candidatures a été communiqué à MM. les présidents des groupes et aux députés non-inscrits, de manière à permettre que la réunion constitutive de la commission spéciale ait lieu cet après-midi à 18 heures.

SERVICE PUBLIC DE L'ELECTRICITE ET DU GAZ (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au service public du gaz et de l'électricité et aux entreprises électriques et gazières.

M. André Gerin - Mentez, mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Vous êtes bien placés pour en parler !

M. André Gerin - Par une argumentation subtile mais laborieuse vous voulez cacher au public et aux salariés que la libéralisation est en marche. Mais elle a commencé avec les directives de 1996 et 1998, inscrites dans notre législation en 2000 par le gouvernement Jospin. Pourtant, cette idée passe de plus en plus difficilement, comme l'a montré la sanction du 21 avril 2002 !

Le service public recule. EDF et GDF alignent leur stratégie sur le comportement des multinationales, avides de rentabilité. Les décisions de Barcelone annonçaient déjà la privatisation. Vous vous cachez derrière ces décisions néfastes de vos prédécesseurs pour faire croire que la transformation en société anonyme ne prélude pas à l'ouverture du capital financier. C'est une rupture historique par rapport au programme du Conseil national de la Résistance, une véritable entreprise de démolition.

Selon vous, le changement de statut est rendu obligatoire par la Commission européenne. Faux, c'est votre choix. Il serait nécessaire pour supprimer le principe de spécialité. Faux, l'établissement public peut le faire. La fusion d'EDF et GDF serait incompatible avec la création d'une société anonyme. Faux, une fois de plus. Nous serions obligés d'aller chercher des fonds à l'étranger pour compenser les pertes ? Vous justifiez l'abandon du marché français.

Seule une société anonyme permettrait d'augmenter le capital. Quel bluff ! Vous jouez au poker menteur pour laisser d'autres jouer au monopoly financier. Et bien sûr, vous jurez que les deux sociétés anonymes, détenues à 70 % par l'Etat resteront publiques. Mais la transformation en société anonyme porte en elle la privatisation comme la nuée porte l'orage ! Votre refus de fusionner les deux entreprises, ce que le droit communautaire permet, prouve bien que vous mettez en cause le service public. Par dogmatisme idéologique, vous répondez niet !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Vous n'avez pas oublié la langue !

M. Richard Cazenave - Hier, on nous disait de relire Marx.

M. André Gerin - C'est instructif, en effet, par les temps qui courent !

Cette fusion donnerait tout son sens à notre politique énergétique. La refuser, c'est se priver d'une force de frappe et d'une grande ambition industrielle pour la France.

Vous vous moquez comme d'une guigne du prix pour le client, quel qu'il soit. Avec la libéralisation du marché, on a privilégié un profit rapide. Pourquoi investir et faire baisser les prix, alors qu'il suffit d'attendre la pénurie qui va les faire augmenter ? Le black out du nord est des Etats-Unis et la pénurie chronique de la Californie nous guettent à l'horizon 2005-2006.

Du reste, si le coût final pour le client était une de vos préoccupations, vous nous en auriez parlé. Vous n'en avez pas dit un mot. En vérité, vous cherchez l'intérêt privé, contre l'intérêt national (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; « Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Estrosi - Depuis quelques jours, j'ai l'impression que nous sommes revenus à l'âge de pierre de l'action syndicale, à une sorte d'intégrisme (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. François-Michel Gonnot - Très bien !

M. Christian Estrosi - Opérations commando, coupures de courant sauvage, prise en otage de représentants du peuple, et de plus d`un demi-million de voyageurs de la SNCF (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Et quand j'entends certains proférer de nouvelles menaces de coupures...

M. Jean-Louis Dumont - Ce ne sont pas des menaces, c'est l'action !

M. Christian Estrosi - ...Je suis scandalisé, les Français sont scandalisés !

De telles actions sont illégales et inacceptables ! Les médecins vont-ils refuser de soigner parce qu'on va réformer l'assurance maladie ?

Au Conseil européen de Barcelone, il y a plus de deux ans, le gouvernement Jospin s'est engagé à ouvrir le marché de l'énergie à la concurrence à 70 %, en toute connaissance de cause.

M. Pierre Cohen - Et alors ?

M. Christian Estrosi - Communistes et socialistes ne s'en sont pas offusqués.

M. Jean-Claude Sandrier - Nous n'étions pas d'accord !

M. Christian Estrosi - Fixer un tel rendez-vous, c'était facile, y préparer nos entreprises, ce l'était moins. On voit donc ce que vaut la tentative de récupération par le parti socialiste de l'inquiétude des électriciens et gaziers.

Conformément à l'engagement clair et définitif du Premier ministre et du ministre d'Etat, EDF et GDF ne seront pas privatisées.

M. Pierre Forgues - C'est faux !

M. Daniel Paul - Vous n'y croyez pas vous-même !

M. Christian Estrosi - La majorité est profondément attachée au service public et je mets quiconque au défi de démontrer le contraire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Richard Cazenave - Nous y avons un attachement gaulliste !

M. Christian Estrosi - D'ailleurs, c'est une infime minorité d'agents d'EDF et GDF qui manifeste aujourd'hui.

M. Pierre Cohen - Ce n'est pas vrai !

M. Christian Estrosi - Dans nos circonscriptions, nous voyons combien ces milliers d'agents ont le sens du service public au quotidien, surtout en zone rurale.

M. François-Michel Gonnot - Tout à fait.

M. Lionnel Luca - C'est vrai.

M. Christian Estrosi - Ceux-là, qui ont ce sens du service public à la française, n'ont pas failli ces derniers jours et ne se sont pas livrés à des actes de terrorisme et de vandalisme comme un certain nombre de leurs collègues.

M. Daniel Paul - Les vandales, c'est vous !

M. Christian Estrosi - S'ils s'interrogent sur leur statut, nous pouvons leur répondre : il sera préservé dans le moindre détail.

Plusieurs amendements ont été adoptés en commission pour préciser que l'Etat détiendra au minimum 70 % du capital d'EDF et GDF et les salariés se verront proposer 15 % des actions en cas d'une éventuelle ouverture du capital - éventuelle, puisque le ministre a bien dit qu'elle ne serait décidée qu'après étude des besoins de financement par une commission consultative composée de parlementaires, de personnalités qualifiées et de représentants du personnel. Si aucun besoin de financement n'est constaté, il n'y aura pas d'ouverture du capital ; dans le cas contraire, ce projet donnera aux entreprises le moyen d'y procéder. Quelles garanties supplémentaires pourrait-on apporter ?

Dotées d'une nouveau statut juridique, celui de sociétés anonymes détenues par l'Etat , nos deux entreprises déjà championnes de France pourront diversifier leurs activités et se mesurer à la concurrence pour devenir championnes d'Europe.

Je ne peux donc que m'insurger quand j'entends l'opposition demander le retrait de ce projet. Elle nous explique que le maintien du caractère public à 100 % des deux entreprises « n'est pas négociable ». Ce qui ne l'est pas, c'est le service public. S'il est régi par les principes d'égalité et de continuité, il est également adaptable, et s'adapter, c'est adhérer à la vision profondément moderne de ce projet...

M. Pierre Forgues - La vision libérale !

M. Christian Estrosi - ...qui offre à EDF et GDF la perspective d'un avenir radieux.

Vous pouvez compter sur les députés de la majorité pour le soutenir, et ce ne sont pas les vociférations et les actes irresponsables de quelques-uns non plus que l'hypocrisie de l'opposition qui entraveront notre volonté de réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Lionnel Luca - Ce sont les 15 et 16 mars 2002, lors du Conseil européen de Barcelone, qu'a été décidée l'ouverture à la concurrence de l'intégralité du marché professionnel au 1er juillet 2004.

M. François Brottes - Vous enfoncez une porte déjà ouverte !

M. Lionnel Luca - Mais vous aimez les courants d'air, ils vous empêchent de vous souvenir !

Lionel Jospin, alors Premier ministre, a accepté ce que son parti, aujourd'hui, refuse, et c'est encore le 10 février 2000 que fut votée la loi de modernisation de l'électricité ! Le seul ministre à défendre l'exception française en matière d'énergie fut Franck Borotra, ministre de l'industrie du gouvernement Juppé !

EDF, dotée d'un statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, est soumise au principe de spécialité - elle ne peut vendre que de l'électricité - mais ne peut accéder à d'autres marchés, sous prétexte de concurrence déloyale.

Le Gouvernement n'a donc pas d'autre choix que de faire évoluer la structure juridique d'EDF ! « EDF devra évoluer pour conserver son remarquable dynamisme » disait Laurent Fabius en 2002. « La part résiduelle de l'Etat dans EDF devra être suffisante pour assurer un ancrage incontestable, sans pour autant graver dans le marbre le seuil des 50 % » proclamait Dominique Strauss-Kahn, toujours en 2002 !

Votre silence complice quand vous êtes au pouvoir et vos cris d'orfraie quand vous êtes dans l'opposition méritent que l'on vous décerne un Tartuffe d'or ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous sommes nombreux à rester attachés à l'entreprise EDF car nous, gaullistes, l'avons voulue. Rappelez-vous le général de Gaulle en 1945 ! La France doit contrôler sa production et sa vente d'énergie, afin d'assurer son indépendance. Nous sommes tout autant attachés au progrès social qu'incarne EDF, et nous souhaitons l'amélioration de la qualité du service public, et du dynamisme industriel, qui a fait d'EDF le leader mondial de la production électrique d'origine nucléaire. Là encore, c'est un gouvernement gaulliste, celui de Pierre Messmer, qui a décidé du plan électronucléaire, que vous avez du reste combattu à l'époque (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

L'ouverture à la concurrence doit être l'occasion d'un nouvel élan sur les marchés mondiaux, et nous apprécions, Monsieur le ministre, votre volontarisme politique. Le monde a changé, n'en déplaise à la gauche qui, sitôt revenue dans l'opposition, retrouve ses vieux réflexes préhistoriques, dignes d'une idéologie fossile, véritable alibi d'une démagogie corporatiste !

M. François Brottes - Que de nuance !

M. Lionnel Luca - En garantissant un haut niveau de participation de l'Etat dans le capital d'EDF, vous sauvegardez l'exception française qui refuse de traiter l'énergie comme une simple marchandise. En offrant aux agents d'être actionnaires d'une entreprise performante, vous améliorez leurs revenus, comme ce fut le cas pour les salariés de Renault, où l'Etat est devenu minoritaire, grâce à un gouvernement de gauche !

M. François Brottes - Ce n'était pas un service public !

M. Lionnel Luca - L'on peut comprendre l'inquiétude des agents d'EDF attachés à cette grande entreprise publique, mais comment accepter, après les engagements que vous avez pris, qu'ils prennent en otage nos concitoyens ? A moins que les instigateurs ne craignent en réalité davantage de transparence !

L'assurance du maintien du statut et des retraites, sans parler des avantages qui peuvent apparaître comme des privilèges, devrait inciter à plus de modération. Avec votre projet, nous sommes convaincus que Electricité de France restera Electricité de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Dumont - Le Réseau de Transport de l'Electricité - RTE - représente une véritable réussite pour notre pays.

Il s'agissait, en 2000, de garantir le fonctionnement optimal du marché de l'électricité dans un contexte européen marqué par l'ouverture des marchés de l'énergie à la concurrence et l'arrivée de clients éligibles.

La première directive nous imposait de réussir l'ouverture du marché, en consacrant l'égalité d'accès aux consommateurs, et d'assurer le passage des charges électriques sur notre réseau Très Haute Tension.

La loi du 10 février 2000, en créant le RTE, entité indépendante, bien qu'intégrée au groupe EDF, donnait de sérieuses garanties, même si nos voisins européens restaient sceptiques quant à notre capacité à nous adapter aux nouvelles règles.

Quatre ans après, force est de constater que RTE donne entière satisfaction aux usagers, tant domestiques qu'industriels. N'en déplaise à l'UMP, la concurrence existe depuis plusieurs années, et EDF a su y faire face, avec un statut public qui n'est donc pas un handicap, et dont l'Union Européenne n'impose pas le changement.

Mais l'article 4 de votre projet, en contradiction complète avec l'esprit et la lettre des directives européennes, fait de RTE le talon d'Achille du groupe EDF, et ne manquera pas d'être attaqué par Bruxelles. Vous ouvrirez alors encore davantage le capital du groupe jusqu'à sa privatisation. Et vous avez choisi le statut de société anonyme, pour rendre les OPA possibles !

Vous auriez pu ne pas fragiliser EDF en optant pour un autre statut, et je reprends ce que j'avais écrit en 1998 dans un rapport au Premier ministre : une partie des salariés souhaite participer au capital, et la loi de 1946 prévoyait une participation des collectivités locales. Pourquoi alors ne pas trancher en faveur d'une société d'économie mixte nationale, qui échapperait aux OPA ? Pourquoi ne pas utiliser le statut coopératif européen ? Ou, mieux, la société coopérative d'intérêts collectifs ?

Je terminerai par deux observations.

N'oubliez pas quelles sont les conditions de transport de la charge électrique dans les pays où le marché de l'électricité est complètement ouvert ! N'oubliez pas non plus que le réseau de transport doit rester sous l'autorité de l'Etat, il en va de la sûreté de notre pays.

Quatre ans après, la transposition de la directive dans notre droit a été un succès. Prenez garde de ne pas mettre en danger le RTE, ce serait dommage pour l'entreprise, et pour notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Nicolas - Rares ont été, dans l'histoire industrielle de notre pays, des succès aussi éclatants que ceux d'EDF et de GDF. On ne change pas une équipe qui gagne. Faut-il alors changer leur statut ? Oui, évidemment.

Je rappelle pour mémoire que le gouvernement Jospin a décidé, en mars 2002, d'ouvrir à la concurrence l'intégralité du marché des professionnels, soit environ 70 % du marché total, créant ainsi un nouvel environnement auquel notre secteur électrique et gazier n'est plus adapté. Comme l'a démontré l'ouverture du marché réalisé pour les clients industriels, l'ouverture à la concurrence s'accompagnerait inéluctablement de pertes de parts de marché. Le Gouvernement se devait donc de doter les deux entreprises nationales des moyens qui leur permettront de se développer avec les mêmes atouts que leurs concurrents européens tout en assurant le service public auquel nous sommes tous très attachés. Il s'agit, en particulier d'abroger le principe de spécialité pour permettre à EDF et à GDF de proposer, comme leurs concurrents, des offres « multi-énergies ».

La concurrence étant acquise, la Commission européenne veille à ce qu'elle soit loyale. C'est pourquoi elle a demandé que la France supprime la garantie illimitée dont bénéficie EDF sur tous ses engagements, en raison de son statut d'EPIC. Il convenait donc de faire évoluer le statut des deux entreprises et c'est tout naturellement que le choix s'est porté sur la société anonyme. Autrement dit, le projet ne préfigure pas une loi de rupture : c'est une obligation, qui induit une adaptation. L'obligation de changement de statut était patente ; encore fallait-il éviter de nombreux écueils et faire que le texte garantisse au pays un service public d'électricité et de gaz participant au développement économique, à la cohésion sociale et à la protection de l'environnement. Le texte que vous nous proposez remplit ce triple objectif car il a été élaboré dans la concertation, avec pragmatisme et réalisme. De ce fait, les missions de service public d'EDF et de GDF sont réaffirmées...

M. Jean-Louis Dumont - Encore faudrait-il dire explicitement qu'elles sont universelles !

M. Jean-Pierre Nicolas - Par ailleurs, le caractère intégré des deux entreprises est maintenu. C'est un acquis auquel le personnel est légitimement attaché et dont de nombreux exemples étrangers malheureux ont, a contrario, démontré la pertinence. On pourrait certes disserter sur l'opportunité de créer un ou deux GRD, mais l'essentiel n'est pas là : l'essentiel, c'est qu'EDF ne sera pas privatisée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). La création d'une commission évaluant le besoin de financement des deux entreprises permettra d'avoir une vision éclairée de leur situation, ce qui se justifie d'autant plus que la commission d'enquête sur les entreprises publiques avait émis de sérieuses réserves sur la situation financière d'EDF. Tout doit être fait pour que la future société anonyme ne soit pas aux prises avec de graves difficultés dès sa création.

Le statut des personnels demeure inchangé et il sera même conforté puisqu'au lieu d'être employés par des entreprises vouées au déclin pour cause d'immobilisme, ils travailleront désormais dans des groupes conquérants. De plus, dans l'éventualité d'une augmentation de capital, ils pourront devenir actionnaires de l'entreprise à laquelle ils sont très attachés.

Le système des retraites du personnel est préservé et le projet règle de surcroît un très important problème d'ordre comptable lié à la norme communautaire qui impose aux entreprises de provisionner dans leurs comptes l'intégralité de leurs engagements de retraite - soit quelque 70 milliards pour EDF et GDF -. L'application de cette règle mettrait mécaniquement en faillite comptable les deux entreprises, ce que le projet évitera heureusement.

Je ferai grâce à nos collègues de l'opposition des déclarations de Mme Bricq et de MM. Fabius, Strauss-Kahn ou Jospin, sur la nécessité d'ouvrir le capital d'EDF... En revanche, je leur demanderai comment l'on peut être favorable à l'Europe, approuver le sommet de Lisbonne, se féliciter qu'EDF investisse en Argentine, au Brésil, en Italie et ailleurs et refuser l'évolution d'un statut défini avant la création de l'Union européenne.

Avec la loi d'orientation énergétique, et avec ce projet, vous aurez, Monsieur le ministre, doté notre pays d'outils indispensables à notre développement économique, à la cohésion sociale et à la protection de l'environnement. Nous avons conscience des difficultés que vous avez dû surmonter et nous vous en félicitons... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Nicolas - L'application de ce texte est indispensable. Nous le voterons donc, pour la France et pour les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - J'invite l'ensemble des orateurs à respecter strictement le temps de parole fixé par la Conférence des Présidents.

M. Alain Gest - Ce texte, on le sait, était nécessaire, pour des raisons juridiques et économiques. Comme vous, Monsieur le ministre, nous croyons en l'avenir d'EDF et de GDF et nous souhaitons, comme vous, leur donner les moyens de tirer parti de l'ouverture à la concurrence du marché européen. Transformer les EPIC en sociétés anonymes, pérenniser le financement des retraites, garantir le service public et faire que l'Etat garde le contrôle de secteurs stratégiques : voilà les modalités qui permettront d'atteindre cet objectif, et j'y souscris donc pleinement.

Mais, ce qui a été moins évoqué, sinon par notre collègue Luca, c'est le climat dans lequel se déroulent nos débats et les pressions inacceptables exercées sur certains parlementaires par une minorité d'agents électriciens et gaziers... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre d'Etat - Très bien !

M. Alain Gest - ...ainsi que les perturbations inadmissibles dont ont été victimes, à l'aveugle, certains de nos compatriotes, pris en otage comme j'ai pu le constater hier soir dans la région lilloise... (Protestations sur les mêmes bancs) où j'ai vu des véhicules de service utilisés pour bloquer la circulation... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Louis Dumont - Et les agriculteurs ? 

M. Pascal Terrasse - Il veut supprimer les syndicats ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Gest - Ces méthodes sont inacceptables, et incompatibles avec les discours tenus par les manifestants sur la nécessité de sauvegarder la qualité d'un grand service public.

S'agissant du texte proprement dit, deux points donnent à réfléchir. En premier lieu, l'esprit et la lettre de la directive doivent être respectés, s'agissant du gestionnaire du réseau de transport, dont le statut et l'organisation doivent être indépendants des activités non liées au transport. Or, dans sa version initiale, le texte prévoit que le budget, la politique de financement et la création de filiales ne peuvent être décidés sans le vote favorable de la majorité des membres élus par les actionnaires et, d'autre part, que le gestionnaire du réseau de transport est désigné par le président de l'entreprise de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz. Certes, un amendement présenté par le président de notre commission confie la nomination du gestionnaire au ministre, mais il s'agit là du président de l'entreprise ; qu'en sera-t-il du directeur général ?

M. le Président de la commission - Il est également concerné.

M. Alain Gest - L'indépendance du futur gestionnaire ne serait-elle pas davantage garantie si d'autres modalités étaient retenues ? De fait, mon expérience dans le domaine du haut-débit me donne à penser que les sociétés mères ne sont pas spontanément portées à s'abstenir d'influencer certaines décisions de leurs filiales. Une telle attitude fausserait la concurrence sur le marché du gaz et de l'électricité.

S'agissant de la retraite des agents, nous avons noté la volonté manifestée par le Gouvernement de prendre en considération les acquis sociaux d'EDF et de GDF, ce qui se traduira par le maintien du régime spécial et, en particulier, de la durée de cotisations. On comprend qu'a prévalu le respect de l'accord passé pour les agents en poste, mais l'on peut s'interroger pour ce qui concerne les futurs embauchés. Alors que le régime de retraites de nos concitoyens a été uniformisé, le choix fait pour EDF GDF peut paraître contestable et même inéquitable, même si des négociations ultérieures au sein de l'entreprise sont envisagées... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Brottes - Et voilà ! Le statut est déjà menacé !

M. Alain Gest - Je ne doute pas, Monsieur le ministre, que vous nous donnerez toutes précisions utiles, sur ces deux points. Pour le reste, l'histoire jugera. Mais, pour ce qui le concerne, le groupe UMP préfère se trouver du côté du mouvement, de la modernisation et de la confiance dans les grandes entreprises que sont EDF et GDF. Autant dire que le projet répond pleinement à nos attentes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

M. François Brottes - Modernisation, mais non, régression !

M. Pierre Cohen - Nous voilà donc face à un ministre chargé du dossier EDF, qu'il traite d'une manière édifiante : il se veut pédagogique mais il est démagogique, il se veut rassurant mais il est inquiétant, il se dit favorable au service public mais il est libéral, il se veut efficace mais il est dangereux. Comment ne pas s'interroger sur les motivations réelles qui ont conduit à ce projet ? Elles doivent être d'un grand poids, puisque, au mépris de notre Assemblée, vous nous avez contraints à voter, au préalable, la loi d'orientation sur l'énergie. votre démagogie tient à ce que vous utilisez une démonstration apparemment rigoureuse pour justifier des arguments fallacieux. Ainsi, il est faux de prétendre que nous sommes obligés de modifier le statut d'EDF-GDF parce que Lionel Jospin a engagé le mouvement et qu'il faut respecter le traité de Barcelone, et votre ami, M. Monti, le très libéral commissaire européen, a lui-même confirmé que ce changement de statut n'est pas nécessaire et que la privatisation l'est encore moins. De même, vous affirmez que le statut du personnel ne changera pas, vous vous portez garant de la pérennité des avantages sociaux et vous assurez vouloir maintenir la retraite à 55 ans... en utilisant des arguments inverses de ceux que vous avez utilisés pour remettre en cause les retraites par répartition de tous nos autres concitoyens ! Les personnels ne sont pas dupes et, malgré l'appel des sirènes, ils ont dit « non !» à la démagogie, ce dont je les félicite.

Vous êtes inquiétant car votre projet évolue au gré de vos reculades et de vos concessions. Le texte qui nous est soumis aujourd'hui traduit une privatisation pure et simple, avec 50 % de capital public. Ensuite, il a été question que cette participation soit portée à 70 %, après que vous avez rencontré quelques personnes...

M. le Président de la commission - Quelques personnes ! 1 500 !

M. Pierre Cohen - Et maintenant, il serait question de créer une commission appelée à définir si, finalement, on ne pourrait pas en rester à 100 % de capitaux publics pour la maison mère et 70 % pour la filiale ! Tout cela n'est pas sérieux !

Vous êtes un libéral. Dans cette réforme, c'est l'affichage politique qui a prévalu. Si vous étiez aussi attaché au service public que vous l'affirmez, vous ne transformeriez pas un EPIC en société anonyme. Vous livrez EDF à la logique du marché. Je vous demande de réfléchir en toute honnêteté aux conséquences de votre décision. Le statut d'EPIC a garanti la péréquation tarifaire, l'accès de tous au réseau, la sécurité, le financement de la recherche. C'est pourquoi EDF bénéficie d'un capital de confiance unique parmi les Français, comme on l'a vu après les tempêtes. Quand EDF sera devenue une société anonyme, le pilotage sera fondé sur la seule cotation en Bourse. Nous avons tous des amis qui sont devenus actionnaires de France Telecom : quelles que soient leurs idées, ils ont fini par se comporter en actionnaires, c'est-à-dire à ne penser qu'aux dividendes.

Vos revirements successifs le montrent, vous comprenez que vous êtes en train de commettre une grave faute. Nous vous le demandons, retirez ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Gatignol - Après avoir voté les orientations de la politique énergétique, l'Assemblée examine ce texte qui va apporter aux opérateurs un cadre adapté à leur activité et conforme au droit européen. L'évidence s'impose, les deux entreprises nationalisées ont perdu leur monopole et sont fragilisées dans l'espace national et international. Il est nécessaire de leur donner les moyens de courir en tête. Le statut d'EPIC est « inadapté aux pratiques commerciales actuelles », comme l'a reconnu Philippe Herzog, ancien député européen. Nous n'avons pas le choix, si nous voulons la réussite d'EDF et de GDF.

EDF doit faire face à plusieurs défis : une demande croissante, de gros investissements, l'augmentation des coûts, le paiement des retraites. L'obligation de renouveler le parc nucléaire et d'assurer les productions de pointe exige des moyens financiers que l'Etat ne peut apporter. La nouvelle EDF relèvera ces défis, grâce à ses compétences, reconnues au sein de l'E7, qui regroupe les plus grands électriciens mondiaux.

S'il est un domaine où la gestion doit être sans défaut, c'est celui des transports. L'Etat doit veiller tout particulièrement à l'autonomie de l'entreprise créée par la loi de 2000 qui est chargée des infrastructures. Bernard Carayon l'a souligné, faisant écho à Mme de Palacio. Les grandes pannes survenues en 2003 aux Etats-Unis, en Italie et en Scandinavie sont imputables à des réseaux mal entretenus et n'ont rien à voir avec l'ouverture des marchés.

Un réseau de qualité est nécessaire à la satisfaction de la demande, car l'électricité ne se stocke pas : c'est un exemple parfait de flux tendu. RTE-France est une référence en la matière et nous avons apprécié, dans le département de la Manche, son implication dans l'installation des fibres optiques.

Nos entreprises gazières ont su s'adapter aux contraintes géopolitiques d'approvisionnement. Mais la gestion du gaz est très différente de celle de l'électricité. Il faut en tenir compte.

L'offre des 170 opérateurs présents en France doit répondre à une demande diversifiée. C'est tout l'enjeu de la réforme, le principe de spécialité ne le permettant pas.

Nous avons aussi le souci de respecter le pacte social conclu avec les salariés. Sur les retraites, ce texte apporte une garantie qui n'existe pas.

C'est un paysage énergétique renouvelé que nous fait voir ce texte. Il permettra d'allier la tradition du service public français à la réactivité des entreprises modernes. Pour le personnel, associé à cette ambition par l'actionnariat populaire, c'est un beau challenge. Ce texte pragmatique nous permet de définir une stratégie à long terme. Amélioré par nos amendements, il inaugure une politique ambitieuse et conforme aux intérêts de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Remiller - Je tiens d'abord à saluer le travail accompli par EDF, une entreprise qui depuis 60 ans a contribué à améliorer la vie des Français : du courant sur tout le territoire 24 heures sur 24, une bonne capacité de production et de transport, un rétablissement rapide du courant après les intempéries par des agents dévoués. Tout cela explique la belle image d'EDF auprès des Français.

Compte tenu de l'histoire particulière de cette entreprise, créée par le général de Gaulle en 1946, je me réjouis que soit maintenu le statut du personnel, comme celui du personnel de GDF.

L'ouverture du capital n'empêchera pas l'Etat d'apporter de l'argent, sous la forme d'une augmentation de capital, d'un prêt ou d'une caution de prêt. La réussite de la réforme et la santé des entreprises dépendront de la qualité du cahier des charges. Il importe avant tout de garantir la sécurité des centrales et des réseaux. Je ne doute pas que le Gouvernement nous apporte toutes les garanties à cet égard.

Décidée à Barcelone, l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence va nécessairement faire perdre des parts de marché à EDF, qui doit donc se développer. L'ouverture du capital lui permettra d'accéder au marché mondial dans les mêmes conditions que ses concurrents. C'est pourquoi cette réforme est indispensable. EDF, en outre, continuera de bénéficier d'emprunts à des conditions avantageuses, puisque son actionnaire majoritaire reste l'Etat français, qui est solide et qui a la réputation d `être bon payeur.

Nous sommes tous attachés à la défense du service public. Ce projet va nous permettre de faire un bond en avant et nous le soutenons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse - La libéralisation ne s'est pas traduite par les baisses de prix escomptées. Au contraire, les grands consommateurs industriels sont confrontés à une hausse sensible du prix de l'électricité, qui se révèle très variable. La libéralisation est déjà synonyme de rupture d'approvisionnement, en Italie, en Espagne, en Scandinavie, en Grande-Bretagne et bientôt en France. Cet été d'ailleurs, EDF a rencontré des difficultés d'approvisionnement sur le marché « Powernext » : il faut réfléchir, au plan européen, à la création d'une autorité de régulation.

M. le ministre d'Etat a fait référence il y a peu à la politique économique américaine. Je vais donc vous parler de la Californie. En septembre 1996, l'assemblée de cet Etat adoptait une loi de libéralisation du secteur électrique. Durant l'été 2000, les prix s'envolent à la Bourse de l'électricité créée par cette loi et, dans les quinze premiers jours de juin, l'Etat de Californie doit dépenser plus de 2,5 milliards de dollars pour faire face à la crise. En janvier 2001, la pénurie oblige les opérateurs à pratiquer des coupures tournantes. En mars 2002, devant le Conseil supérieur consultatif d'EDF-GDF, M. Carl Woord, membre de la Commission de régulation de l'électricité californienne, dresse le bilan suivant de cette libéralisation : « Les actionnaires des sociétés de distribution ont subi une baisse de 50 % des cours, les consommateurs une hausse de 40 % des prix, les salariés de l'industrie électrique une réduction de 35 % de leurs effectifs et le gouvernement californien un endettement de 9 milliards de dollars pour se substituer aux opérateurs ».

Ce bilan se passe de commentaires.

Enfin, quelle société privée, à but nécessairement lucratif, s'imposera des investissements aussi énormes que la construction de l'EPR ou l'élimination des déchets nucléaires ? Et si EDF continue d'assurer de telles missions, les coûts qui s'ensuivront pour elle auront un grave impact sur sa valeur dans le cadre de l'ouverture de son capital. On mesure là les limites de votre action. Les erreurs peuvent être comprises et leurs réparations admises par nos concitoyens, mais lorsqu'elles se transforment en fautes, elles restent gravées dans le marbre de la conscience collective (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Bouvard - Le projet tire les conséquences de l'évolution de la législation communautaire en matière de production et de distribution de l'électricité et du gaz. La première directive en ce domaine remonte, je le rappelle, à 1996. Elle a fixé les niveaux d'ouverture progressive du marché, et a été transposée le 10 février 2000. En même temps qu'il parlait du développement du service public de l'électricité, le gouvernement de l'époque organisait la privatisation de la Compagnie nationale du Rhône, deuxième producteur public d'électricité et bien appartenant à la nation, puisque de nombreuses collectivités territoriales étaient actionnaires, dont la mienne, qui l'est restée. Même la Ville de Paris, sous M. Delanoë, a vendu ses titres de la CNR (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) ! Cette loi de 2000 a organisé l'accès des tiers au réseau, créé RTE et décidé la compensation des charges du service public de l'électricité. Elle a créé la CRE et institué les consommateurs éligibles, qui représentent aujourd'hui 34,5 % de la consommation nationale. La directive du 26 juin 2003 élargit l'ouverture à la concurrence, en faisant passer le nombre de clients éligibles de 3 000 à 3 500 000. Ce sont donc bien des décisions antérieures approuvées par le gouvernement de l'époque qui ont enclenché le mécanisme qui aujourd'hui s'impose à nous.

J'ai déjà exprimé ma conviction que l'électricité n'est pas un bien comme les autres. C'est pourquoi je tiens à ce que l'Etat conserve la maîtrise d'EDF.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. Michel Bouvard - Nous avons bien compris que la position du commissaire Monti en matière de garantie de l'Etat était incompatible avec le statut d'EPIC. C'est pourquoi je souscris à la modification que vous proposez. Mais soucieux que les logiques industrielles et de pilotage public perdurent, j'ai voté l'amendement de la commission tendant à ce que l'Etat détienne au moins 70 % du capital d'EDF. Il est également nécessaire de donner à l'entreprise les moyens nécessaires pour investir, en particulier dans le renouvellement de son parc électronucléaire, qui conditionne l'évolution des prix, une hausse pouvant venir demain d'une insuffisance de production. Or notre expérience à l'égard de l'Etat actionnaire s'est comporté vis-à-vis des entreprises publiques n'a pas toujours été une référence. C'est dire combien est nécessaire une ouverture limitée du capital. Je me réjouis de la décision, s'agissant des prix, de missionner une inspection de l'Inspection générale des Finances et du Conseil général des Mines. Quand arriveront les conclusions de cette mission ? Le Parlement sera-t-il informé des décisions qui s'ensuivront ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard - Ce n'est pas sans interrogation que j'ai étudié votre projet. Plusieurs intégrismes s'affrontent. Le premier est l'étatisme syndicaliste. Si je suis convaincu de la noblesse des objectifs du service public, je n'oublie pas sa continuité et son adaptabilité. Aujourd'hui le premier adversaire du service public, ce sont ceux qui veulent se l'approprier à des fins syndicalo-corporatistes. Le deuxième intégrisme est celui des tenants de la privatisation à tout crin, qui s'est développé contre l'étatisme syndicaliste. L'économie de marché, c'est vrai, constitue une formidable moteur de création de richesses, comme Marx l'a bien observé. Mais le marché est erratique, il passe sans cesse d'une vérité à une autre. Or l'intérêt national commande, en matière énergétique, l'élaboration d'une stratégie à long terme fondée sur notre volonté de vivre ensemble. Privatiser la production d'électricité n'est donc pas la réponse. Le troisième intégrisme est celui de la Commission européenne, avec sa conception de la concurrence beaucoup trop théorique et ne tenant pas suffisamment compte des réalités nationales et des nécessités industrielles. Sans doute les textes adoptés à Barcelone l'ont-ils été par des politiques, même si certains l'ont oublié. Mais ils sont fondés sur le credo de la concurrence pour la concurrence, la Commission européenne y trouvant une sorte d'autojustification de son pouvoir, qu'elle fait prévaloir en manoeuvrant habilement entre les Etats. Or ce n'est pas parce qu'une disposition figure en conclusion d'un sommet européen et dans une directive qu'elle a valeur d'Evangile et que la messe serait dite : la messe, un mécréant vous le rappelle, se dit tous les jours. L'approche de la commission est d'autant plus décalée qu'il n'existe pas de marché de l'électricité.

Vous entreprenez de changer le statut juridique d'EDF, qui d'EPIC deviendra SA. Cette transformation n'était pas obligatoire. Il suffisait de supprimer la garantie de l'Etat.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Alors ce n'est plus un EPIC.

M. Jacques Myard - Pourquoi ne pas créer un EPIC sui generis ? En tout cas, EDF et GDF doivent demeurer propriété de l'Etat. En effet l'énergie est bien davantage qu'un bien de consommation. C'est une sorte d'infrastructure au service de la société. Je relève avec satisfaction les corrections que vous avez apportées à votre projet initial. Enfin, EDF et GDF sont des entreprises intégrées, ce qui fait leur force. Elles doivent le rester. Séparer les réseaux de transport de la distribution et de la production me paraît complètement artificiel.

Le montage des directives ne résistera pas à l'épreuve du temps. D'autre part, séparer EDF de GDF serait une faute : la première se révèlerait rapidement trop petite pour le marché et deviendrait alors une sorte de société de courtage exposée aux OPA.

Ce projet ne mérite ni excès d'indignité ni excès d'honneur, et il a la vertu de montrer les limites d'une vision à la fois systématique et simpliste : celle de la Commission, qui ne jure que par la concurrence. Je vous donne donc rendez-vous dans quelques années, lorsque la raison l'aura emporté sur les utopies ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Comme à votre habitude, vous vous obstinez à imposer aux Français votre vision de leur avenir, votre vision de la société : une vision marquée au sceau d'un libéralisme dont on sait pourtant qu'il provoque la destruction de notre organisation sociale et élimine peu à peu les valeurs de solidarité.

Chez nous, la production, le transport et la distribution d'électricité sont confiés à une entreprise nationale, un EPIC qui a des obligations de service public et qui a, jusqu'à présent, bien rempli sa mission. Vos arguments en faveur du changement de statut vont précisément contre le maintien d'un tel service public. Vous nous jurez pourtant que rien ne changera, que la privatisation n'est qu'une vue de l'esprit. De ce discours bien rodé, nous ne pouvons être dupes et nous veillerons à ce que l'opinion ne le soit pas davantage !

Pourquoi persévérez-vous ? Parce que vous faites une confiance aveugle au marché, mais aussi parce que vous savez que la culture de l'actionnariat, du gain de l'argent par l'argent s'infiltre peu à peu dans une grande partie de la société, se présentant comme la solution à toutes les faiblesses qui affectent un système fondé sur la solidarité ou le travail. Vous sentez que, pour atteindre votre objectif politique, pour satisfaire ce que M. Myard appelle votre intégrisme, vous avez intérêt à gagner tous les Français à votre cause. Mais, dans le même temps, vous essayez de rassurer, tout en sachant qu'au bout, il y aura la construction libérale d'un marché européen de l'électricité... Les activités non concurrentielles rassemblées dans des filiales détenues à 100 % par des capitaux publics ? Vous vous moquez, c'est impossible ! Les activités concurrentielles une fois organisées dans le cadre d'une SA détenue majoritairement par ces mêmes capitaux publics, il ne faudra plus qu'un petit décret pour relever la part du privé et le tour sera joué : l'entreprise deviendra « OPAble » !

Si vous vous obstinez, c'est aussi parce qu'il y a deux semaines, vous avez décidé de vous engager dans la construction de l'EPR. Ce choix facilitera la privatisation d'EDF dans la mesure où il démontre que l'Etat est prêt à faire ce qu'il faut pour rendre la société plus présentable aux yeux des marchés financiers - alors que la réalisation de cet équipement est loin de constituer une urgence et va au rebours des objectifs de service public : elle se fera sur la base de normes de sécurité environnementale qui remontent à 1992 et l'EPR aura entre autres vocations celle de produire pour l'exportation...

Vous pouvez tenter d'anesthésier, mais le réveil sera difficile dans un système de production de l'électricité profondément remanié au détriment des usagers, victimes d'augmentations de prix, victimes de l'insécurité des approvisionnements, victimes d'une braderie du patrimoine commun. Car tel est le sombre destin que vous préparez sciemment pour la France de demain, avec ce projet profondément condamnable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alfred Trassy-Paillogues - J'essaierai de donner à ce débat un éclairage aussi peu dogmatique que possible, mais plutôt pratique, en m'appuyant sur mon expérience de député de la Seine-Maritime, département dédié s'il en est à l'énergie et au nucléaire puisqu'il compte sur son territoire les deux centrales de Penly et Paluel.

Pendant leur construction et ensuite, elles nous ont beaucoup apporté en termes d'activités et d'emplois, ce qui était particulièrement appréciable pour le bassin de Dieppe notamment, durement touché par le chômage.

Le choix du réacteur à eau pressurisée, l'EPR que nous espérons voir implanté à Penly où les terrassements sont déjà réalisés et où les infrastructures de transport ne manquent pas, est celui du bon sens, parce qu'il prépare le renouvellement de notre parc nucléaire, parce que ce réacteur est un réacteur propre, parce qu'il produit une énergie moins coûteuse et, surtout, parce qu'il préserve notre indépendance énergétique (M. Cochet se récrie). Mais ce choix judicieux a besoin d'être porté par une entreprise forte du savoir-faire de ses agents et capable d'assumer de lourds investissements : EDF.

La possibilité d'ouvrir le capital aux agents qui ont fait le succès de l'entreprise depuis 1946, puis à tous les Français, s'inscrit parfaitement dans la ligne d'un capitalisme populaire qui garantit de manière quasi automatique une haute qualité de service pour le public. Quoi qu'on dise, le statut des salariés sera maintenu, de même que le régime de retraites, et le projet du gouvernement n'est pas de privatiser. Les acteurs et partenaires de cette grande entreprise pourront donc jouer tous leurs atouts face à une concurrence internationale toujours plus âpre et vous ne pouviez, Monsieur le ministre délégué, leur donner meilleure arme que celle-ci, dans ce combat européen de l'énergie, de l'indépendance énergétique et du service public réunis !

J'ai grandement apprécié ce débat, depuis la présentation du projet en commission : la réflexion, l'argumentation n'ont cessé de s'affiner. Surtout, le problème aura été posé comme il convenait et, confronté à des attitudes qui relevaient plus de la désinformation que de la volonté de préparer l'avenir, le Gouvernement aura su dire simplement des choses simples. Peut-être est-ce cela qu'on appelle la pédagogie... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Serge Poignant - Rapporteur de la loi d'orientation sur l'énergie que nous venons d'adopter il y a quelques jours (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), je souhaite apporter mon soutien à ce projet qui, en premier lieu, satisfait à la demande de la Commission européenne : la suppression de la garantie de l'Etat impliquait en effet, quoi que disent M. Myard et nos collègues de gauche, de remettre en cause le statut d'EPIC. En second lieu, dans un marché unique ouvert à la concurrence, ce texte donne à EDF et à GDF les moyens de leur développement futur. Enfin, il est le complément logique du projet relatif à la politique énergétique de la France, tous deux garantissant précisément le respect des valeurs de service public.

Pour le démontrer, il suffit de résumer l'article premier : les objectifs et modalités de mise en _uvre des missions de service public assignées à EDF, à GDF et à leurs filiales gérant un réseau de transport d'électricité ou de gaz font l'objet de contrats avec l'Etat. Ces contrats, qui se substituent à ceux que mentionne la loi sur les nouvelles régulations économiques, portent sur les exigences de service public en matière de sécurité de l'approvisionnement et de qualité du service rendu, sur les moyens permettant d'assurer l'accès au service public, sur les modalités d'évaluation des coûts, sur l'évolution pluriannuelle des tarifs et sur les activités de recherche-développement. Dans le cadre de leurs activités, EDF et GDF contribuent à la cohésion sociale, notamment grâce à la péréquation nationales des tarifs.

Non content de satisfaire à la directive et de préparer EDF et GDF à l'ouverture de la concurrence, ce projet prend aussi en compte les orientations mentionnées dans la loi d'orientation : construction de l'EPR, option nucléaire ouverte à l'horizon 2020, développement des énergies renouvelables, économies d'énergie.

L'amendement de MM. Ollier et Lenoir portant à 70 % la part de l'Etat dans le capital des deux SA concilie ouverture du capital et nécessaire maîtrise de l'Etat dans un domaine stratégique. Par ailleurs, le Gouvernement s'est engagé à maintenir le statut des salariés. Dès lors, à quoi sert d'évoquer les expériences malheureuses d'autres pays ou la privatisation de France Télécom ? Comme le souligne le rapporteur, l'électricité n'est pas un bien comme les autres et les directives de juin 2003 montrent que la Commission, tirant les leçons de certains échecs, s'inspire désormais des valeurs du service public à la française. Non, Monsieur Gérin, il ne s'agit ici ni de démantèlement du service public ni de poker menteur : il n'est question que de donner à deux grandes entreprises des statuts adaptés à l'ouverture des marchés tout en fixant des règles précises en matière d'obligations de service public, de protection du consommateur, de sécurité d'approvisionnement et de sûreté du système électrique.

Dans ce cadre, je vous demande, Monsieur le ministre, de veiller à deux points auxquels je suis particulièrement attaché, la péréquation tarifaire et les moyens accordés à la recherche. Dans mon rapport sur le projet de loi d'orientation sur l'énergie, j'avais d'ailleurs insisté sur la nécessité d'augmenter substantiellement ces moyens.

Avec ce projet de loi, qui vient après celui du projet de loi d'orientation, notre pays sera en mesure de relever les défis énergétiques du 21ème siècle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Cochet - Je ne reviens pas sur les propos tenus par mes collègues de l'opposition. Je les rejoins pour m'opposer à l'ouverture du capital d'EDF et à cette privatisation qui ne dit pas son nom.

Quelles sont maintenant nos propositions ? Un EPIC-EDF pourrait être chargé de la production, de la fourniture et du négoce de l'électricité et d'autres formes d'énergie, ce qui permettrait d'abandonner le principe de spécialité d'EDF. Un autre - RTE - pourrait l'être du transport - ce ne serait ni un service ni une filiale du précédent. Ces deux EPIC devraient impérativement rester publics à 100 %. L'EPIC RTE pourrait transporter, outre le courant fourni par EDF, celui fourni par d'autres producteurs, notamment d'électricité d'origine renouvelable. S'agissant de la distribution, d'autres EPIC pourraient, conformément d'ailleurs à la loi du 8 avril 1946, être mis en place, sous le nom Réseau de distribution d'électricité, suivi du nom de la zone géographique concernée.

Le même schéma pourrait être envisagé pour GDF, dont je ne souhaite pas la fusion avec EDF.

Les cinquante-huit réacteurs nucléaires d'EDF commencent à vieillir et devront, tôt ou tard, être démantelés. Ce démantèlement représente un véritable défi technologique mais surtout financier. On en évalue en France - mais il s'agit là davantage d'un fantasme de Bercy que d'une estimation scientifique - le coût à 15 % du montant initial de l'investissement. Les Etats-Unis, eux, tablent par exemple sur un coût double, et il n'est pas impossible que le coût soit même trois à quatre fois supérieur. Auquel cas EDF devrait provisionner non pas 15, mais 50 à 60 milliards d'euros, dans ce fonds de démantèlement !

Nous proposerons par voie d'amendement que les fonds de démantèlement et de gestion des déchets ne soient pas propriété du producteur, comme c'est déjà le cas dans la plupart des pays européens, et ce afin de garantir toute la transparence nécessaire. EDF en est aujourd'hui propriétaire et ce n'est pas sans poser de problème. En effet, EDF, même si elle est une entreprise publique, se conduit en société trans-nationale, pratiquant, si j'ose dire, le monopole à l'intérieur, et le Monopoly à l'extérieur... Elle a puisé des milliards dans le fonds de démantèlement pour financer ses aventures hasardeuses en Amérique du Sud ! Se servir de ce fonds pour autre chose que ce à quoi il doit servir, c'est faire supporter aux consommateurs et aux contribuables de demain la charge du démantèlement, pourtant incluse dans les tarifs actuels.

Monsieur le ministre, quelle est votre estimation sincère du montant du fonds-séquestre indépendant qu'il faudrait constituer ? Celle d'EDF ne l'est pas, et je ne suis pas le seul à le penser. M. Arthuis lui-même s'est déclaré au Sénat effaré par les comptes d'EDF, car il n'y a pas que le fonds de démantèlement qui pose problème, mais aussi les provisions pour charges de retraite et l'endettement. Qui connaît aujourd'hui l'endettement exact d'EDF ? On peut d'ailleurs se demander, si EDF était privatisée, qui voudrait acheter une entreprise aussi mal gérée...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Alors, vous devriez être tranquille !

M. Yves Cochet - Je ne le suis pas. Les frais d'exploitation d'EDF ont augmenté de 20 % en cinq ans. L'entreprise est sur une mauvaise pente.

Enfin, seriez-vous, Monsieur le ministre, favorable, à la mise en place de ce fonds-séquestre indépendant ?

M. Jean Gaubert - Ce débat est pour le moins singulier car il se déroule pour ainsi dire en mouvement, puisque le Gouvernement modifie ses objectifs de jour en jour.

On a commencé par nous dire que le changement de statut d'EDF conduirait, par le jeu de la concurrence qui permet des économies d'échelle, à une baisse des prix. Or, partout où le marché de l'électricité a été ouvert et où l'on a privatisé, les prix ont augmenté.

Après que cet argument s'est effondré, on a prétendu que ce serait Bruxelles qui exigerait cette ouverture du capital. Or, il n'en est rien : M. Myard a bien exposé tout à l'heure quelles autres possibilités s'offraient. C'est d'ailleurs le devoir de tout actionnaire que de garantir certains engagements de son entreprise. On l'a vu au printemps dernier lors de l'opération Sanofi-Synthélabo/Aventis.

On nous a dit ensuite qu'il fallait affranchir EDF du principe de spécialité. Mais cela était parfaitement possible sans changer le statut d'EDF. Il suffisait de poursuivre dans la voie ouverte par la loi de février 2000 concernant le secteur éligible.

On nous explique aussi que la réforme est nécessaire parce que EDF manque de fonds propres. L'appel à l'actionnariat privé permettra peut-être de lever une dizaine de milliards d'euros, mais de l'autre côté, EDF devra verser une soulte du même montant à l'Etat. L'opération sera donc blanche pour l'entreprise. Où sera le bénéfice ? Certes, M. Sarkozy, magnanime, souhaite doter EDF de 500 millions d'euros. Nous l'en remercions, mais nous n'oublions pas qu'il y a quelques mois, grâce à la diligence de Bercy qui avait donné toutes informations à la Commission européenne, EDF a dû rembourser 1,4 milliard !

On nous dit enfin que le statut public d'EDF doit être modifié parce qu'il est mal vu à l'étranger, notamment en Italie. Mais est-on sûr que le nouveau statut privé sera mieux vu ? Lorsque, il y a peu, l'entreprise privée suisse Novartis s'est intéressée à Aventis, le Gouvernement, sans doute à juste titre, n'a-t-il pas tout fait pour empêcher son arrivée ? Statut public ou statut privé, le nationalisme joue toujours et continuera de jouer.

Tous les arguments que l'on nous a donnés ne valent donc pas. La vérité est que c'est l'idéologie libérale, dans l'air du temps, qui inspire cette réforme. Elle s'accommode, hélas, fort mal, des contraintes particulières pesant sur les entreprises chargées d'assurer l'avenir énergétique de notre pays. La moindre entrée d'un actionnariat privé dans le capital de ces entreprises modifiera les critères de leur gestion, et, surtout, changera leur ligne d'horizon. Une entreprise publique comme EDF travaille à l'horizon de quinze, vingt, trente ans. C'est ce qu'elle a fait avec le programme électro-nucléaire. C'est ce qu'elle ne pourrait plus faire le jour où une partie de son capital, fût-elle minime, aura été introduite en Bourse. M. Sarkozy a, à plusieurs reprises, modifié la présentation du projet. Il me fait penser à un médecin qui dirait à son malade : « Puisque la pilule que vous devez avaler est un peu grosse, nous vous l'administrerons en plusieurs fois. » Il faudrait réfléchir plus sérieusement à l'avenir d'EDF (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Nicolas Dupont-Aignan - Ce débat n'est pas anodin, qui concerne l'avenir d'un des secteurs stratégiques essentiels du pays. Nous n'avons pas assez d'atouts industriels en France pour nous désintéresser de l'entreprise publique EDF qui, en dépit de ses imperfections et ses investissements récents hasardeux en Amérique du Sud, constitue un point fort de notre pays et un élément clé du pacte social et national scellé à la Libération.

Monsieur, le ministre, vous avez toujours été libre dans vos convictions et vos propos. Permettez-moi de l'être également. J'étais sceptique, pour ne pas dire hostile au projet inutile du Gouvernement, non pour des raisons politiciennes comme le parti socialiste, mais parce que je ne crois pas à la pertinence économique d'une libéralisation de ce marché imposée à marche forcée par la Commission de Bruxelles, et dont le principe a été approuvé par un gouvernement socialiste. Le changement de statut en est la conséquence, et le vrai débat aurait dû avoir lieu à cette époque. Dans quelques années d'ailleurs, on se demandera, au niveau européen, pourquoi on a défait ce qui fonctionnait au profit d'une organisation de marché inadaptée.

Le premier danger est d'affaiblir l'indépendance énergétique de notre continent. On risque de favoriser les entreprises qui produisent du courant moins cher à partir de ressources épuisables au détriment de celles qui investissent pour l'avenir. En France, le récent débat sur l'énergie a rappelé les enjeux : la demande d'une électricité à un coût qui ne soit pas trop élevé, l'impératif de l'environnement, la diversification qui passe par les énergies renouvelables et la rénovation du pôle nucléaire. Comment les confier à la sphère privée mue par le souci de rentabilité immédiate ?

M. François Brottes - Excellent !

M. Nicolas Dupont-Aignan - On sait aussi qu'elle est incapable d'assumer des investissements dont les délais d'amortissement sont incompatibles avec la logique des actionnaires.

Le second danger est d'affaiblir la qualité du service public de l'énergie, qui est exceptionnelle. L'économie mixte n'a jamais fait ses preuves. Autant je suis favorable à la privatisation complète d'entreprises que l'Etat a mal gérées et qui ne relèvent pas de sa responsabilité, autant je trouve dangereux d'ouvrir le capital d'une entreprise publique qui a un rôle essentiel dans l'énergie et donc la compétitivité de notre pays. Je ne crois pas un instant que l'idéologie bruxelloise de la concurrence soit adaptée à ce marché.

Je vous sais gré, Monsieur le ministre, d'avoir abordé ce dossier avec pragmatisme. Même si je ne suis pas d'accord sur l'orientation générale, le projet initial de votre prédécesseur était inacceptable. Or il a été notablement transformé par le dialogue avec les agents, EDF et la commission de la production. Nous avons évité le pire et fait de sérieux progrès dans quatre domaines : le seuil de participation de l'Etat est porté à 70%, ce qui empêche un actionnaire minoritaire de mettre en péril l'indépendance nationale ; les orientations de service public garantissent l'égalité d'accès sur le territoire ; le statut des personnels pérennise le lien avec les agents qui ont montré leur sens de l'intérêt général lors de la tempête de 1999 ; le lancement de l'EPR assure l'avenir de notre filière nucléaire. Vous revenez ainsi à un projet plus modéré qui ne condamne pas l'avenir.

J'espère que le bons sens dont vous faites preuve s'imposera dans les orientations stratégiques d'EDF comme de l'Etat. Cela implique trois conditions.

D'abord, le changement de statut ne doit pas signifier qu'il y aura à tout prix, et dans la précipitation, ouverture du capital. L'année de délai doit permettre à EDF d'y voir clair dans ses comptes et de bâtir un vrai projet industriel dont l'une des priorités doit être de maintenir des tarifs corrects tout en prévoyant le renouvellement progressif du parc nucléaire. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que la situation financière d'EDF attire tellement les actionnaires.

Ensuite, il est indispensable de travailler à la constitution d'un pôle unifié EDF-GDF. Il serait absurde que ces entreprises cherchent des partenaires à l'étranger alors qu'elles ont l'habitude de travailler ensemble.

Enfin, je souhaite que les obligations de service public soient rigoureusement établies pour que tout opérateur en France soit à la hauteur de ces missions, et que le changement de statut ne soit pas un jeu de dupes pour les usagers.

En définitive, cette loi, par ses effets, peut être la meilleure comme la pire. Je vous remercie d'avoir fait pencher la balance du bon côté. Mais je crains que d'autres, dans un moment de faiblesse, ne soient tentés de céder à des vues à court terme par complaisance idéologique. Pour toutes ces raisons, et après avoir songé à voter contre ce projet, par solidarité je m'abstiendrai.

M. le Ministre délégué - C'est convenable.

M. François Brottes - C'est un avertissement.

M. Jean-Pierre Decool - Pour avoir rencontré les organisations syndicales et la population, j'ai ressenti une profonde incompréhension devant ce projet de loi. La privatisation d'EDF et GDF est une préoccupation récurrente. Je sais que l'ouverture du capital n'entraînera pas de privatisation. Mais il faut le rappeler clairement.

A Barcelone en 2002, la France s'est engagée à ouvrir à la concurrence 70 % de son marché au 1er juillet 2004. Cela implique la transposition des directives européennes du 26 juillet 2003 et donc la transformation du statut d'entreprise publique. Pouvez-vous nous assurer que cette ouverture conduira bien à faire de ces entreprises des structures dynamiques et efficaces répondant à des missions de service public ?

D'autre part, il faut encore et encore répéter que les salariés conserveront leur statut. On ne peut que souhaiter que tous les salariés de notre pays accèdent un jour à ces avantages.

Enfin, les consommateurs s'interrogent sur le respect des missions de service public, à commencer par l'égalité des tarifs pour tous. Il ne faut en aucun cas que l'éloignement du centre de production crée des disparités. Vous avez déjà pris des dispositions en faveur des ménages les plus modestes. Qu'en sera-t-il des tarifs après cette réforme ? Et le service public de l'électricité et du gaz continuera-t-il à être géré dans l'intérêt général, avec un souci de proximité et de qualité ? Très attaché à la vitalité de nos communes, je me bats depuis longtemps pour le maintien du service public en milieu rural. La tempête de 1999 a révélé l'efficacité d'EDF. A cette occasion, j'ai mis en place en Flandres une ligne directe entre les maires et les services d'EDF en cas d'intempéries.

Vous avez déjà donné des réponses à ces questions. Mais la pédagogie exige de les répéter (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Dosé - Dans son propos liminaire, M. le ministre a cité à plusieurs reprises le général de Gaulle, suggérant même une possible identification entre lui et... Lui (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Ne reniant pas mes sympathies de jeunesse, je le citerai également : « Il ne faut jamais privilégier un groupe sur la nation, ni sacrifier l'avenir pour supprimer un embarras du présent ».

M. le Président de la commission des affaires économiques - C'est hors sujet !

M. François Dosé - Oui ou non, la nouvelle donne européenne et le passif d'EDF nécessitent-ils un changement de forme juridique et de périmètre financier ? Oui ou non, ces changements sauvegarderont-ils les particularismes d'EDF qui conjugue performance économique et solidarité sociale et territoriale ? Oui ou non enfin, agissons-nous quand il le faut, sachant que certains dénoncent des retards et d'autres la précipitation ?

Sur tous ces points, de nombreux avis ont été exprimés et on ne s'est pas fait faute de relayer ceux de grands responsables politiques ou industriels et d'Européens éminents.

Pour ma part, je n'insisterai que sur quelques aspects.

D'abord, pour répondre à des contraintes tantôt réelles, tantôt supposées, vous dotez EDF de certains instruments juridiques et financiers. Vous les maîtrisez aujourd'hui, Monsieur le ministre. Mais qu'en sera-t-il demain ? Vous les avez limités. N'est-ce pas un rapport de force, la pression des salariés et de l'opinion, qui vous ont ralenti dans votre initiative ?

Ensuite, vous invoquez le principe de réalité, et réfutez toute approche idéologique. J'en prends acte, et vous demande d'adopter la même attitude à l'égard de nos contre-propositions. L'électricité, parce qu'elle rythme le quotidien de nos entreprises et de nos concitoyens, n'est pas une simple marchandise. Par ailleurs, la gestion du réseau de transport de l'électricité ne saurait dépendre de considérations de rendement.

Enfin, peut-on vraiment parler de tyrannie du calendrier ? Qui croire ? Ceux qui prétendent qu'il s'agit là d'une question de vie ou de mort pour EDF ? Ceux qui proposaient un partenariat inéluctable à 49% ? Ceux qui prônaient 30% ?

En réalité, confronté à la commande programmée de l'EPR, et au démantèlement de nos premières centrales nucléaires, EDF sera financièrement obligé de saisir toutes les opportunités que lui offre ce projet.

En conclusion, les propositions de ce texte sont bien trop éloignées de l'intérêt public et du bien commun pour que nous puissions les approuver (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Hervé Mariton - Il s'agit, en particulier pour EDF, de nous permettre de continuer la course en tête !

Oui, EDF et GDF ont besoin de moyens financiers que l'Etat ne peut pas aujourd'hui leur accorder.

M. Jean-Louis Dumont - Ou ne veut pas !

M. Hervé Mariton - Que ne l'avez-vous fait dans ce cas ? Vous proposez au contraire conservation et déclin. Vous proposez d'ouvrir le marché à la concurrence tout en ficelant les pieds des compétiteurs. Telle n'est pas notre ambition pour l'industrie de l'énergie en France. Vous avez sans doute fait une bonne opération politicienne à court terme, mais elle condamne nos entreprises !

Prenez le prix de l'électricité. Si ce projet de loi n'est pas adopté, la croissance des capacités de production et de transport sera bloquée, et les prix augmenteront.

M. François Brottes - Pourquoi ?

M. Hervé Mariton - En allégeant ces contraintes, le projet de loi garantit aux clients de meilleures conditions de prix.

Nous ne sommes pas des bigots de la concurrence si elle conduit à la dégradation du service.

M. Daniel Paul - C'est ce qui va arriver !

M. Hervé Mariton - Pour réussir l'ouverture à la concurrence, le changement de statut d'EDF et GDF est indispensable, et nous approuvons ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrice Martin-Lalande - J'ai dans ma circonscription, en Loir et Cher, deux implantations importantes d'EDF-GDF, la centrale nucléaire de Saint Laurent des Eaux, et l'unité de stockage souterrain de gaz naturel de Chémery.

A l'issue d'une concertation locale, il s'avère, tout d'abord, que la question des retraites est une préoccupation essentielle : le texte du Gouvernement assure une solution durable et solide.

S'agissant du maintien du service public, il n'est pas remis en cause par ce projet qui n'est qu'une loi d'adaptation au marché européen. Au contraire, il est conforté, et tant le contrat et les obligations de service public que la péréquation financière en témoignent. EDF et GDF restent des entreprises publiques intégrées.

Par ailleurs, les communes pourront-elles - ou devront-elles - faire appel à la concurrence pour leur consommation de gaz et d'électricité ? Le risque est grand de voir de très nombreuses communes lancer un appel d'offres le 1er juillet ! J'ai déposé un amendement pour qu'il s'agisse d'une faculté et non d'une obligation.

Autre préoccupation : le capital. Le Gouvernement l'a assuré: il n'y aura pas de privatisation parce qu'on ne privatise pas le nucléaire. Sa logique est bonne : définir le projet industriel avant d'en déterminer le financement et de décider une augmentation du capital, dans le respect des procédures, si c'est nécessaire.

Je souhaite que l'Etat reste un détenteur majoritaire du capital, et j'ai déposé un amendement pour qu'il en détienne au moins 70 %.

Pour GDF, le problème est différent : il s'agit d'une entreprise plus petite, et une participation élevée de l'Etat pourrait être un handicap dans les échanges internationaux.

La loi est nécessaire pour faire de nos champions français des champions européens, avec les retombées positives pour les personnels, les clients, et l'ensemble du pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - C'est une extrême onction pateline !

M. Eric Besson - Je centrerai mon propos sur ce fameux article 22 par lequel vous prétendez transformer EDF en une société anonyme. Le groupe socialiste, vous le savez, y est opposé.

Vous avez été obligé de reconnaître que rien, ni dans les traités, ni dans les directives, ni même dans les recommandations de la Commission ne vous y contraignait.

L'ouverture des marchés à la concurrence ? La nécessité pour EDF d'élargir son offre de services ? Le développement d'EDF à l'étranger ? Le statut public de l'entreprise n'a pas été un frein, et seul M. Berlusconi en a jugé autrement, pour des raisons de politique intérieure bien éloignées des logiques industrielles.

Vous invoquez la nécessité, pour EDF, de renforcer ses fonds propres. C'est une préoccupation légitime, mais distincte du changement de statut, et il aurait suffi de dire qu'une partie du produit des privatisations lui serait affectée.

Les vraies raisons sont ailleurs. Elles sont d'abord financières. Votre mauvaise gestion budgétaire vous conduit à tout attendre de la soulte que verserait EDF, pour limiter le déficit des finances publiques !

Quoi que vous en disiez, une fois qu'aura sauté le verrou du statut public, il vous sera facile de réduire la participation de l'Etat.

Je vous ai écouté, hier, répondre à Christian Bataille. L'essentiel de votre argumentation consistait à renvoyer les socialistes aux déclarations de deux de nos anciens - et excellents ! - ministres de l'économie, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius. Vous abusez de ces citations, comme du rappel de la participation de Lionel Jospin au sommet de Barcelone, en feignant de croire que le Premier ministre de cohabitation qu'il était à l'époque avait les mains totalement libres. Une autre forme de cohabitation, plus subtile, celle que vous connaissez aujourd'hui (Mouvements divers), devrait pourtant vous faire imaginer combien les choses peuvent, en de tels cas, être compliquées. Pour autant, n'éludons pas ce débat. Oui, certains responsables socialistes ont imaginé, à une époque, que le capital d'EDF puisse être ouvert. Oui, les socialistes ont contribué à la transcription en droit interne des directives relatives à l'ouverture aux professionnels du marché de l'électricité. Oui, sans doute aurions-nous dû lutter davantage contre la vague libérale et la vision d'horizons radieux qu'elle décrivait. Mais cela ne doit pas vous conduire à prétendre ignorer que les socialistes ont aujourd'hui une position très claire : les leçons que nous avons tirées du 21 avril 2002 nous ont notamment conduits à réaffirmer le rôle central des services publics, et singulièrement celui de l'électricité. A Dijon, nous en avons décidé à l'unanimité, et cet engagement nous lie tous.

Je sais que cette position vous paraît archaïque mais vous devriez, Monsieur le ministre, vous intéresser davantage aux travaux des économistes - économistes libéraux compris - qui sont beaucoup plus circonspects que vous ne l'êtes. Eux ne nient pas l'échec d'une décennie de dérégulation dans le secteur de l'énergie ; eux s'inquiètent des conditions de la production et de la distribution de l'électricité ; eux constatent que la privatisation s'est trop souvent traduite par des ruptures d'approvisionnement, des investissements insuffisants et des hausses de prix. Et eux se demandent si le secteur public n'est pas, finalement, l'acteur le plus performant dans un secteur aussi vital que l'électricité.

Vous qui ne cessez de dire que votre projet n'est pas dogmatique, pourquoi voulez-vous à tout prix mettre le doigt dans un engrenage dangereux pour notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La discussion générale est close.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Au terme de cette très riche discussion générale, je tiens à remercier le président de votre commission....

M. Jean-Pierre Brard - A l'avant-veille d'un jour important pour lui... (Sourires)

M. le Ministre délégué - Nous aurons tous l'occasion de le féliciter... (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard - Mais je tenais à être le premier... (Sourires)

M. le Ministre délégué - Je tiens aussi à remercier votre rapporteur, M. Lenoir, pour son excellente analyse du texte, et votre rapporteur pour avis, M. Carayon. Tous deux ont dit leur soutien au projet du Gouvernement et je les en remercie. Ils ont, en particulier, souligné la fragilité d'un régime de retraite qui ne serait pas adossé au régime général, rappelé que EDF et GDF resteront des entreprises intégrées et que le service public de l'électricité sera conforté. Le Gouvernement examinera avec un grand intérêt les amendements déposés par votre commission.

M. Jean-Louis Dumont - Pour mieux les enterrer !

M. le Ministre délégué - L'abrogation du principe de spécificité, la suppression de la garantie illimitée, la définition de moyens financiers adéquats, tels sont les objectifs visés dans ce texte, qui dit aussi la nécessité de procéder aux adaptations nécessaires du régime de retraite particulier des électriciens et gaziers, pour les raisons comptables décrites. A cet égard, je tiens à souligner que ces changements auraient été nécessaires quel que soit le statut juridique de l'entreprise, sous peine de devoir provisionner des sommes astronomiques. Il n'est donc, bien sûr, pas question de mettre la main sur un quelconque « magot » mais bien de rechercher une neutralité comptable nécessaire pour les consommateurs, les contribuables et les salariés d'EDF et de GDF et, comme l'a excellemment résumé le président Ollier, d'assurer le succès de l'entreprise, et, avec lui, celui de la communauté nationale.

Le Gouvernement examinera favorablement les amendements de votre commission qui tendent, d'une part, à faire passer de 50 % à 70 % le seuil de détention du capital de l'entreprise par l'Etat et, d'autre part, de 10 % à 15 % la participation des salariés au capital de l'entreprise dans l'éventualité d'une ouverture.

Au cours de la discussion, la question des prix et de la tarification a été abordée de manière récurrente. L'opposition a dressé un tableau alarmiste de la situation, insistant sur le fait que l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie aurait eu pour effet un renchérissement des prix de vente. J'observe que ce n'est pas le changement de statut de l'entreprise qui est à l'origine des hausses ainsi décrites, mais bien les dispositions votées par cette même opposition ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Pour autant, ces allégations tiennent, en majeure partie, de la fantasmagorie, puisque les prix de l'électricité en France sont parmi les plus bas d'Europe, sinon les plus bas.

M. Jean-Pierre Brard - Mais vous voulez changer tout cela !

M. le Ministre délégué - Monsieur Brard, vous qui vous voulez le grand défenseur de la classe ouvrière...

M. Jean-Pierre Brard - Il n'y a pas grand risque que l'on vous accuse d'un tel forfait ! (Sourires)

M. le Ministre délégué - Ce que je constate, c'est que cette classe ouvrière, vous l'avez abandonnée pendant des lustres... (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) puisque, pendant des décennies, le prix de l'électricité a été beaucoup plus élevé pour les ménages que pour les entreprises ! Autant dire que la concurrence honnie oblige EDF à un rééquilibrage...

M. Jean-Pierre Brard - Et à réduire ses investissements !

M. le Ministre délégué - ...au bénéfice des consommateurs alors que, jusqu'à présent, la tarification favorisait le capitalisme français (M. Brard proteste). Mieux vaudrait, Monsieur Brard, des arguments que des invectives ! Expliquez donc à vos administrés que, pendant des années, ils ont payé l'électricité plus cher que les entreprises montreuilloises !

M. Jean-Pierre Brard - Venez donc vous expliquer de tout cela à Montreuil, quand vous le souhaitez !

M. le Ministre délégué - Quoi qu'il en soit, le Gouvernement continuera, jusqu'à fin 2007 au moins, de fixer le prix de l'électricité pour les ménages. Il n'y a donc aucune raison que les tarifs ne demeurent pas parmi les plus bas des tarifs européens. Cela vaudra également pour les PME, d'autant qu'EDF a déjà indiqué qu'elle ne modifierait pas ses propositions commerciales et que ses futurs concurrents annoncent, pour leur part, des réductions tarifaires comprises entre 5 et 10 %.

M. Jean-Louis Dumont - Pour qui ?

M. le Ministre délégué - J'observe par ailleurs que la première ouverture à la concurrence a conduit 25 % des industriels à changer d'opérateur... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Louis Dumont - Il s'agit de 25 % des entreprises éligibles, ce qui n'est pas du tout la même chose !

M. le Ministre délégué - M. Bouvard a évoqué le cas de quelque 10 à 20 entreprises spécifiques qui, en 2000, ont vu leurs tarifs augmenter très fortement. A ce sujet, j'ai donné mission à l'inspection générale des finances et au conseil général des mines de trouver des solutions, qu'ils devront me soumettre à la mi-juillet. Il ne s'agit que de 2 % de la consommation totale des Français, mais c'est important pour l'emploi et pour la vie des entreprises opérant sur ce segment difficile. Le rapport commandé sera rendu le 15 juillet et il sera rendu public.

L'indépendance de gestion d'EDF Transports garantira l'accès des tiers. Des amendements ont été déposés dans ce sens et nous les accepterons. Le Gouvernement souhaite maintenir le caractère intégré d'EDF, qui constitue la meilleure des garanties. Il s'agit de permettre à EDF de contrôler, aux plans stratégique et financier, sa filiale.

Je remercie MM. Dionis du Séjour et de Courson d'avoir souligné la qualité du dialogue social. A mon tour je veux remercier les organisations syndicales, qui ont toutes donné le meilleur d'elles-mêmes. Elles ont fait montre d'un grand sens des responsabilités et du dialogue (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Je remercie M. Dionis du Séjour du soutien sans faille qu'il a apporté au projet du Gouvernement.

MM. de Courson et Gest ont démontré avec brio qu'il était nécessaire de réformer le financement des régimes de retraite, même si je ne partage pas leur analyse sur l'extinction du statut des IEG. L'objectif du Gouvernement est de faire converger le régime des IEG avec celui du privé. Son financement devrait reposer en partie sur la solidarité nationale et en partie sur le privé. Il est en tout cas logique de ne conserver qu'un seul statut d'IEG. Les droits seront-ils amenés à évoluer ? Personne ne peut le dire. L'évolution doit se faire au sein de l'entreprise.

Comme l'a dit M. Sarkozy, il y a une histoire sociale qui a fait d'EDF ce qu'elle est. Nous n'allons pas la biffer d'un trait de plume.

MM. Paul, Asensi et Gerin ne s'étonneront pas que je ne partage pas leur analyse.

M. Jean-Pierre Brard - C'est rassurant !

M. le Ministre délégué - Ce qui est rassurant, c'est qu'on n'étatise pas l'économie (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Il est vrai que le développement du nucléaire a pu être financé grâce à l'aide de l'Etat. Faut-il en conclure qu'il n'y a pas d'autre solution ? Nous ne pouvons pas consentir le même effort que dans les années 1970 avec une dette publique équivalant à 60 % du PIB.

Le montant des soultes à payer pour s'adosser au régime de droit commun sera déterminé par les partenaires sociaux, car nous respectons le dialogue social. Il ira de quelques milliards à dix milliards. Quant à la valeur d'EDF, elle se situe entre 30 et 50 milliards d'euros. Il faut tenir compte des retraites et des provisions constituées pour le nucléaire (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Voulez-vous me dicter mon propos ? Acceptez la contradiction, elle est intellectuellement stimulante.

Je remercie M. Gonnot d'avoir salué les efforts considérables du Gouvernement. Il a eu raison de rappeler que cette loi n'était qu'une étape. Il reste beaucoup de travail à faire, en particulier pour déterminer le besoin de fonds propres. Je l'ai dit, le Parlement sera associé à ces travaux. Je ne peux qu'être d'accord avec vous sur la nécessité de maintenir le caractère intégré d'EDF et de GDF. Il faudra dresser, en France et en Europe, un bilan de l'ouverture du marché à 70 %, avant de passer à 100 % en 2007.

Monsieur Brottes, vous avez du talent et vous nous avez fait rire.

M. François Brottes - Tout n'était pas drôle...

M. le Ministre délégué - Vous l'avez été, mais vous n'avez pas réussi à nous faire oublier Barcelone. L'ouverture du marché a été décidée lors de ce sommet par les deux têtes de l'exécutif français de l'époque, le président Chirac et le Premier ministre Lionel Jospin (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Cette décision ne semble pas assumée.

M. François Brottes - Il ne s'agissait pas du marché des ménages !

M. le Ministre délégué - Ce n'est pas encore fait. MM. Novelli et Masdeu-Arus ont montré les conséquences de l'immobilisme.

M. Birraux a rappelé comment EDF a dû biaiser pour s'affranchir du statut. Malheureusement, elle a été condamnée à de très lourdes amendes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Ce changement de statut est donc nécessaire pour ne plus se retrouver dans de telles situations.

M. Martin-Lalande l'a dit, nous avons le souci du service public. Il nous a fait part de son expérience locale. Mme Gautier au eu raison de rappeler que l'EPIC EDF avait supprimé 8 000 emplois en deux ans. On voit que le statut ne protège de rien.

Monsieur Guillet, le Gouvernement est attentif aux investissements et c'est pourquoi il a pris des engagements dans la loi d'orientation sur l'énergie.

Nous consacrons 500 millions d'euros au développement d'EDF, ce qui n'avait pas été fait depuis vingt ans. La commission de régulation de l'électricité a approuvé ce programme d'investissement. Quand bien même EDF voudrait rogner sur les investissements, elle ne pourrait pas le faire du jour au lendemain.

Je veux dire à M. Habib, puisqu'il a cité le cas d'Elf, que c'est la fusion avec Total qui a fait de cette entreprise un champion mondial.

M. Jean-Pierre Brard - On a vu comme le prix de l'essence a baissé !

Monsieur le ministre délégué - Sa référence était donc bienvenue ! Je m'associe aux remerciements adressés par M. Estrosi aux électriciens et aux gaziers qui, pour leur très grande majorité, sont demeurés fidèles à leur poste et à leur outil de travail. Non, Monsieur Dumont, EDF société publique anonyme ne sera pas opéable, puisque l'Etat aura conservé la majorité du capital.

M. Jean-Louis Dumont - Pendant combien de temps ?

M. le ministre délégué - Le Parlement et le peuple sont souverains (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). La situation serait la même pour un EPIC.

M. Jean-Pierre Brard - Vous avouez donc !

M. le ministre délégué - Une autre majorité pourra changer la loi. Nous avons pris un engagement qui ne vaut que pour notre majorité. Nous ne répondons pas du reste. J'ai répondu à Michel Bouvard que nous allions examiner le cas des entreprises de Savoie. MM. Myard et Dupont-Aignan ont stigmatisé la Commission européenne. Mais, je le rappelle, ce sont les chefs d'Etat et de gouvernement qui ont pris les décisions.

M. Jacques Myard - Ils ont été manipulés.

M. le ministre délégué - Vous ne leur faites pas beaucoup d'honneur ! Messieurs Trassy-Paillogues et Gatignol, j'ai bien noté la candidature de Penly et de Flamanville, ainsi que celle de Rhône-Alpes. La décision sera prise dans le courant de juillet. Monsieur Poignant, le contrat de service public passé entre l'Etat et EDF comportera, sur l'effort de recherche, des engagements chiffrés. Je rappelle à M. Cochet qu'il existe une très grande différence entre démanteler une centrale spécifique et en démanteler 58. Il se contredit d'ailleurs en prévoyant un démantèlement pour 2020 et en affirmant ensuite que l'on peut attendre la quatrième génération, c'est-à-dire 2045. En remerciant M. Decool de son intervention, je lui confirme que le tarif social récemment mis en place par le Gouvernement permettra de réduire les factures de 30 à 50 %, et la réforme n'y changera rien. Un million de personnes, je le rappelle, sont concernées.

En conclusion, je remercie l'Assemblée de l'intérêt scrupuleux, approfondi et parfois humoristique dont elle a fait preuve (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement. Le ministre vient de me mettre en cause (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Puisqu'il s'agit d'un fait personnel, vous interviendrez en fin de séance.

M. Daniel Paul - Dans ces conditions, je demande une suspension de séance.

M. le Président - Vous n'avez pas de délégation.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. Pierre Ducout - Trois points me paraissent clairs pour l'ensemble des Français. D'abord, l'électricité est un besoin vital pour tous. Depuis leur création en 1946, EDF et GDF, issues du programme du CNR, ont remarquablement rempli leur mission de service public. Ensuite, le ministre d'Etat a pour seul objectif politique clair de montrer qu'il obtiendra le changement de statut, prétendument pour sauver les deux entreprises publiques, à l'instar de ce qu'il prétend avoir fait pour lutter contre la délinquance. Un grand quotidien du matin...

M. Edouard Landrain - Lequel ?

M. Pierre Ducout - Regardez de votre côté. Ce journal fait dire à un proche du dossier que la seule ambition de Nicolas Sarkozy consiste à obtenir la transformation d'EDF sans trop de casse. Après, il sera toujours temps d'entrer dans les détails. Or, vous le savez, le diable se cache dans les détails. Il ne faudrait pas que l'avenir le fasse sortir. Enfin, le changement de statut a en fait pour seul but de renflouer les caisses de l'Etat, si l'on en croit un élu important de l'UMP
- mais il y a sans doute des courants à l'UMP... -

M. Edouard Landrain - Comme au PS !

M. Pierre Ducout - De fait, l'ouverture du capital fait sauter le premier verrou vers une privatisation totale des entreprises. Songeons par exemple au bradage de la Compagnie nationale du Rhône. Cette transformation donne priorité au résultat à court terme plus qu'à la qualité et à la continuité du service public. On l'a bien vu avec France Télécom. Garantir, comme vous le faites, 70 % du capital public, après 51 % hier et peut-être à nouveau 100 % si on comprend bien le ministre, n'y change rien.

L'électricité et le gaz ne sont pas des marchandises comme les autres. Ils sont indispensables à la vie collective, comme l'ont montré les pannes de New York ou d'Italie.

Les tempêtes de 1999 ont mis en évidence le professionnalisme et le dévouement des personnels d'EDF. Ma circonscription, qui couvre le vignoble Pessac-Léognan, et une partie de la forêt landaise, a été très durement sinistrée. Beaucoup d'arbres sont tombés et l'électricité est demeurée longtemps coupée. Dans cette circonstance, le personnel d'EDF a montré toute son efficacité, des retraités donnant même un coup de main. C'est que, dans le monde d'aujourd'hui, tout dépend de l'électricité.

Alain Juppé, récemment, déclarait : « L'UMP ne se reconnaît pas dans l'intégrisme du tout libéral ». Dans ces conditions, vous auriez dû nous présenter un état des lieux avant de privatiser EDF et GDF.

Les Etats-Unis, présentés comme modèle du libéralisme, interviennent pourtant à leur profit pour fausser la concurrence internationale - n'avons-nous pas dû nous battre contre eux, à l'OMC, pour protéger l'acier et l'agriculture européens ? Mais ils sont incapables d'organiser pour eux-mêmes un marché efficace de l'énergie...

Notre rapporteur, comme le ministre d'Etat hier, taxe les gouvernements de gauche d'immobilisme étatique mais cet immobilisme supposé n'était que la volonté de préserver les intérêts de la France et de ses entreprises publiques. Ces gouvernements ont réalisé l'ouverture des marchés du gaz et de l'électricité aux dates prévues, contrairement à ceux d'autres pays, comme l'Allemagne, qui ne l'ont décrétée que sur le papier. La transposition de la directive électricité par la loi de février 2000 a ainsi fait l'objet d'un travail remarquable en commission, notre rapporteur Christian Bataille fournissant des réponses argumentées et non dilatoires sur chaque point. Elle a défini de manière efficace la régulation des marchés et garanti la place de l'Etat et des collectivités, comme tous l'ont reconnu depuis. Au contraire, la discussion de ce projet de privatisation à terme n'a occupé la commission que moins de deux heures...

M. le Président de la commission - Huit !

M. Pierre Ducout - Selon vous, ce seraient les gouvernements socialistes qui auraient accepté la libéralisation des marchés du gaz et de l'électricité. Je rappellerai donc que la directive électricité a été adoptée par un gouvernement de droite : celui de MM. Juppé et Borotra, avant la dissolution de 1997,...

M. François Brottes - Heureuse initiative, celle-là !

M. Pierre Ducout - ...qu'elle a été appliquée par la France et transposée a minima par la gauche, grâce à la loi du 10 février 2000, et qu'avec RTE, nous disposons du système de transport le plus efficace et le plus neutre pour tous les producteurs. Je rappellerai aussi qu'à Barcelone, en mars 2002, Lionel Jospin avait refusé la libéralisation pour les ménages et, en réponse à ce qu'a dit M. Devedjian après l'exception d'irrecevabilité, j'ajouterai que nous n'avons nullement honte de ce qu'il a négocié alors, à savoir la prise en compte des services publics au niveau européen. Certes, il a accepté l'ouverture à 60 ou 70 % au 1er juillet 2004 mais les résultats déplorables qu'a eus cette ouverture aux Etats-Unis notamment justifieraient qu'on demande aujourd'hui un moratoire, en faveur des petits artisans et des collectivités en particulier. Malheureusement, le 25 novembre 2002, Mme Fontaine a accepté une libéralisation intégrale pour les ménages, à compter du 1er juillet 2007 !

Mme Loyola de Palacio prétend que la libéralisation aurait pour effet de baisser les prix. On sait aujourd'hui ce qu'il en est. Mais j'y reviendrai en évoquant chacun des problèmes soulevés par ce projet et qui, n'ayant pas reçu de réponse, justifient un renvoi en commission. D'abord celui des missions d'EDF : la loi de février 2000 en a donné une définition qui en fait des missions de service public au sens large. Il s'agit de garantir l'approvisionnement en électricité de l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général, de contribuer à notre indépendance énergétique et à la lutte contre l'effet de serre, de gérer au mieux nos ressources et de les développer, de participer à la maîtrise de la demande par une utilisation plus rationnelle de l'énergie - cause à laquelle la Californie de M. Schwarzenegger elle-même semble désormais gagnée ! -, de contribuer à la compétitivité de notre économie et à la cohésion sociale.

Venons-en maintenant à la réalité des exigences européennes. Le résultat des élections de dimanche, les exigences d'une Europe sociale, les progrès de la notion de services d'intérêt général, tout cela nous autoriserait à demander un moratoire. Si la France faisait jouer son droit d'exception, nous y gagnerions la possibilité de prendre en compte la situation réelle dans les différents pays de l'Union, peut-être de sanctionner ceux qui ne travaillent pas à l'équilibre optimal entre capacité de production et consommation et, en tout cas, de préserver ceux qui, comme le nôtre, disposent d'entreprises publiques efficaces. Je rappellerai à nouveau que c'est le gouvernement Juppé qui a négocié la première directive électricité et que M. Borotra s'était prononcé pour qu'EDF reste « détenue à 100 % par l'Etat » - lors de la séance du 21 janvier 1999, présidée... par M. Ollier ! Je redirai que c'est le gouvernement de Lionel Jospin qui a transposé cette directive dans la très bonne loi de février 2000, que le même Lionel Jospin a obtenu comme préalable, à Barcelone, en mars 2002, une directive-cadre sur les services d'intérêt général et que c'est le gouvernement Raffarin I qui a opté pour une transposition libérale de la directive gaz et Mme Fontaine qui, en novembre 2002, a accepté l'ouverture totale s'agissant des ménages. Au vu de tous ces éléments et constatant l'augmentation des prix, il apparaît possible de demander aujourd'hui un moratoire, ainsi qu'une exception à l'obligation de séparation juridique du réseau de transport d'électricité. M. Merlin, directeur de celui-ci, n'a-t-il pas estimé que cette séparation prémunirait moins bien contre des discriminations dans l'accès au réseau que l'indépendance managériale assortie d'une régulation efficace ? Or, si le rapporteur a plusieurs fois indiqué que RTE resterait à 100 % public, il est évident que cette affirmation perdrait beaucoup de son poids dès lors que le capital d'EDF serait ouvert, fût-ce à 30 %. C'est d'ailleurs ce qui inquiète à juste titre les concurrents d'EDF, car ils reconnaissent que RTE gère le réseau en toute neutralité.

M. Jean-Louis Dumont - Eh oui, cela est reconnu même par ses adversaires !

M. Pierre Ducout - Certains de nos collègues UMP partagent apparemment cette crainte si l'on en juge par les amendements qu'ils ont présentés en commission et qui visaient à garantir l'indépendance totale de RTE quitte à prendre le risque d'un démantèlement d'EDF, alors que l'intégration de l'entreprise est un élément-clé de son efficacité.

Le président de la Commission de régulation de l'énergie, Jean Syrota, note que l'ouverture du marché du gaz sera en pratique limitée au nord de notre pays et rappelle que les marchés de l'électricité sont encore largement nationaux en Europe. Il souligne enfin qu'il sera nécessaire à terme, ce que nous souhaitons tous, d'instituer un régulateur européen mais que celui-ci ne pourrait, pour le moment, que « s'occuper de problèmes pour lesquels d'autres sont plus compétents, auquel cas on n'aurait fait qu'instaurer une bureaucratie supplémentaire. » Si un régulateur est mis en place en Allemagne, une coordination européenne souple serait possible, dans laquelle la France pourrait avoir un rôle moteur.

Un renvoi en commission s'impose pour apprécier tous les effets de la transposition de la directive.

Certains Etats américains comme la Californie sont revenus en arrière dans la libéralisation des marchés de l'électricité après les crises de production et la chute d'Enron. Ces événements n'ont d'ailleurs pas suscité les investissements nécessaires sur les réseaux de transport particulièrement vétustes du pays. On ignore souvent que les Etats américains où le prix de l'électricité est inférieur au prix moyen dans l'ensemble du pays n'ont, pour la plupart, pas ouvert leur marché.

En Espagne, l'ouverture du marché, prétendument totale, a eu des effets négatifs pour les petits consommateurs et seuls 5  % des clients éligibles ont choisi un opérateur étranger. Les projets de fusion entre Endesa, Gas natural et le groupe Aguas de Barcelone constitueraient, dit-on, un leader dans le domaine de l'énergie. Mais ce « champion », d'ailleurs présent en France avec la SNET, pourrait être considéré comme en abus de position dominante sur le marché espagnol.

En Angleterre, après une dérégulation et des privatisations sauvages, on assiste à une phase de consolidation sans que le marché donne aucun signe d'investissement dans de nouveaux moyens de production. Les réseaux de transport et de distribution, mal entretenus, doivent être rénovés. Et rien n'est réglé concernant le respect du protocole de Kyoto et la place du nucléaire.

Powernext, marché ouvert de l'énergie au niveau européen, poussera automatiquement les prix à la hausse dans la mesure où la demande croît plus vite que la production, où les prix moyens européens sont plus élevés que les prix de production en France et où la consommation de pétrole augmente en même temps que l'instabilité se généralise au Moyen-Orient. Il est certain que les prix du pétrole comme du gaz resteront élevés pour longtemps.

Le président de l'Union française de l'électricité a d'ailleurs fort bien analysé l'incidence qu'aurait la libéralisation du marché européen de l'électricité, à savoir une augmentation des prix pour les industriels, telle que ceux-ci pourraient délocaliser leurs activités.

M. Augustin Bonrepaux - Ce sont les industriels eux-mêmes qui le disent.

M. Pierre Ducout - En effet.

Dans le contexte ultra-libéral des années 80 et 90, marquées par l'ère Thatcher et Reagan, on nous expliquait que l'ouverture du marché provoquerait une baisse des prix. Mais on ne savait pas alors que de mauvais signaux pouvaient être adressés aux marchés ni que ceux-ci pouvaient être manipulés.

L'excellent président du groupe d'études parlementaire sur l'énergie, M. Gatignol, s'était ému lors du vote de la loi de transposition de février 2000 de l'incidence sur les prix pour les usagers domestiques et les PME de l'ouverture du marché pour les clients éligibles, craignant que les premiers soient pénalisés. La question demeure posée car les concurrents d'EDF ne se précipiteront pas vers les petits consommateurs pour qui le prix de l'électricité risque d'augmenter fortement. Le problème est le même pour les collectivités locales. Le rapporteur a soulevé la question, mais l'amendement 12 rectifié proposé pour y répondre, lequel a d'ailleurs été examiné très rapidement au titre de l'article 88 du Règlement, n'est pas à la hauteur des enjeux. Aucune garantie n'est apportée sur le caractère constitutionnel de la suppression de l'obligation pour les collectivités de réaliser un appel d'offres pour la fourniture d'énergie, non plus que sur le maintien de tarifs régulés et sur leur niveau. L'exposé sommaire de l'amendement indique bien que l'éligibilité n'est qu'une faculté, et ne saurait constituer une obligation. A un moment où l'on semble vouloir aller vers plus de péréquation, - du moins est-ce ce que l'on nous dit au comité des finances locales -, il aurait été judicieux de garantir la péréquation tarifaire pour les 36 000 communes de France qui consomment beaucoup d'électricité, ne serait-ce que pour leur éclairage public.

M. Borotra, alors qu'il était ministre de l'industrie, assurait en février 1999 que la libéralisation du marché était une garantie de la baisse des prix de l'électricité, laquelle, ajoutait-il, est « un élément important, parfois même décisif des prix de revient, parfois jusqu'à 25 % dans des secteurs comme la chimie, la sidérurgie ou la papeterie. » Que répondrait-il aujourd'hui aux industriels qui menacent de délocaliser leur production à cause des prix trop élevés et demandent à l'Etat d'intervenir ?

EDF et GDF souhaitent, à compter du 1er juillet 2004, pouvoir fournir à la fois de l'électricité et du gaz à leurs clients éligibles. Est-il de l'intérêt de notre pays d'avoir deux leaders nationaux concurrents, tout en conservant le service commun de distribution jusqu'au compteur avec EDF-GDF Services qui rassemble 65 000 agents de proximité ? M. Sarkozy a annoncé qu'une étude serait remise en septembre sur cet abandon du principe de spécialité. Quelques brouillons doivent bien d'ores et déjà exister. La moindre des choses serait que la commission en ait connaissance avant de voter cette loi de privatisation.

M. le Président de la commission - Cette loi ne privatise pas EDF. Une nouvelle loi sera nécessaire.

M. Pierre Ducout - Je veux bien vous faire confiance, Monsieur le président de la commission, vous qui êtes authentiquement gaulliste. Mais je ne suis pas sûr que la majorité vous suive...

La fusion d'EDF et GDF créerait un mastodonte « en abus de position dominante », encourant les foudres de Bruxelles, qui pourrait l'obliger à se séparer de nombreux actifs, naturellement à vil prix, que les concurrents s'empresseraient d'acheter.

Le ministre d'Etat a paru vouloir éviter ce genre de bradage en défendant Alstom contre un rachat à la casse. C'est une bonne intention et nous suivrons ce dossier avec attention.

Mais comment l'abus de position dominante doit-il s'évaluer ? Est-ce au niveau national puisqu'il n'existe pas de réel marché européen de l'énergie, en raison notamment du manque d'interconnexions entre pays ? La France n'autorisera pas nécessairement la construction de cycles combinés gaz en nombre important, vu les engagements internationaux qu'elle a pris pour limiter ses émissions de gaz à effet de serre. La rentabilité de ces équipements serait d'ailleurs problématique par rapport au nucléaire, vu le prix actuel du gaz naturel. EDF demeurera donc bel et bien longtemps en position dominante sur le marché français, comme Tractebel l'est sur le marché belge.

Si EDF-GDF fusionnaient, on pourrait comparer la nouvelle entité par exemple au groupe allemand Eon Ruhrgas ou au groupe Suez si celui-ci consolidait ses activités au niveau international ou dans l'ensemble de ses métiers des utilities, sans que cela signifie que EDF-GDF s'engage dans les marchés de l'eau et de l'assainissement. Pour autant, tout cela n'est que spéculations et nul ne connaît d'avance quel serait le résultat des négociations avec Bruxelles, surtout lorsqu'on voit la réaction de l'Allemagne sur le dossier Alstom-Siemens. Notre commission devrait au moins être éclairée sur ces points pour se prononcer en connaissance de cause.

Les contreparties exigées par Bruxelles lors de la fusion Eon-Ruhrgas ont été assez faibles. Des études préalables ont été faites concernant celles qui pourraient l'être en cas de fusion d'EDF et GDF. La Commission pourrait ainsi exiger un gas release à hauteur de 10 % à 15 % des importations de gaz.

Pour EDF, cela équivaut à la commercialisation de 6000 MW nucléaires que Bruxelles demande dans le cadre de la prise de participation de EnBw en Allemagne. Les discussions avec ENEL en Italie vont-elles dans le même sens ? Le Gouvernement en sait probablement plus, et la commission aurait dû être pleinement informée sur ces points avant d'examiner le projet.

En tout cas, ces éléments tendent à montrer qu'une ouverture de capital n'est pas vraiment nécessaire, de même que les résultats positifs de toutes les sociétés auxquelles EDF participe en Europe.

On peut faire valoir à la Commission d'autres éléments pour qu'EDF reste une entreprise publique à 100 %, comme le niveau de son besoin de financement par rapport à ses missions, son niveau d'activité par rapport aux besoins de service public en France, sa présence en Europe compte tenu de l'ouverture progressive du marché. On peut insister aussi sur son rôle de leader dans le nucléaire pour assurer l'indépendance énergétique de notre pays et de l'Europe, qui va décliner dans les années à venir - et mentionner enfin la lutte contre l'effet de serre.

Quant aux garanties d'emprunt, il faut les évaluer en fonction des objectifs poursuivis sur le marché français et européen. Pour financer l'EPR, l'Etat, voire l'Europe peuvent intervenir. C'est ce que font les Etats-Unis pour la recherche et les réacteurs nucléaires. L'Etat devrait également assurer les risques nucléaires au-delà d'un certain niveau, comme le font, encore une fois, les Etats-Unis.

M. Michel Piron - C'est intéressant. Effectivement, les Etats-Unis subventionnent.

M. Pierre Ducout - C'est tout à fait intéressant dans un cadre concurrentiel.

M. Jean-Pierre Brard - Voilà un collègue de droite qui participe ! Il est peut-être gaulliste - un des seuls.

M. Pierre Ducout - S'agissant du traitement des déchets radioactifs, on estime en général qu'il se fera par stockage en couches profondes. On peut donc en évaluer de façon raisonnable les coûts, qui ne devraient pas pénaliser anormalement EDF. On commence aussi à mieux cerner le coût du démantèlement des centrales nucléaires, comme celle de Brennelis en Bretagne.

S'agissant de l'Italie, on sait que ce pays ne produit que 80 % de sa consommation...

M. Jean-Pierre Brard - Mais il a Berlusconi !

M. Pierre Ducout - ...ce qui a conduit son gouvernement et le nôtre, en liaison avec la Commission, à faire intervenir EDF directement sur le marché. Le poids des engagements hors bilan d'EDF ne doit pas être surestimé. Elle ne sera pas, à moyen terme, seule actionnaire d'Edison. Mais il faudrait régler ce problème avant toute ouverture du capital, sauf à brader un fleuron de l'industrie française. Or nous nous souvenons comment le gouvernement Juppé avait bradé Thomson multimédia pour un franc symbolique après l'avoir recapitalisé de 11 milliards de francs. Nous avions alors contribué à le faire reculer par la vigueur de notre réaction, même si nous étions très minoritaires dans cet hémicycle.

M. Jean-Pierre Brard - Mais convaincus.

M. Pierre Ducout - De même, les conditions de cession de la CNR à Suez-Tractebel ne sont pas une référence.

Comme je l'ai dit à la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques, il faut juger la politique d'acquisition d'EDF à moyen terme, en tenant compte des possibilités de redressement des filiales. Cela vaut pour l'Allemagne et l'Argentine, la situation du Brésil étant plus délicate.

Pour la valeur globale, le ministre a parlé de 30 à 50 milliards. Il faudrait y voir de plus près en commission. Il a aussi annoncé un délai d'un an pour l'ouverture du capital. Mais nul ne pouvait penser sérieusement qu'on aurait pu l'ouvrir, dans ces conditions incertaines, sans brader le patrimoine national.

M. Daniel Paul - Ils sont prêts à tout !

M. Pierre Ducout - On peut le craindre.

J'en viens au principe de spécialité. Le Président d'EDF a fait expliquer dans les grands médias que sa suppression permettrait à l'entreprise de lutter à armes égales avec ses concurrents. Mais la loi du 10 février 2000 a déjà considérablement élargi son application. Il pourrait tout à fait en aller de même avec les nouveaux clients français éligibles à partir de juillet 2004. Et ce principe ne s'applique pas hors de France. EDF pourrait y faire des offres conjointes sur l'électricité et le gaz, identiques à ce qu'EDF et GDF peuvent faire en France. Rappelons aussi que le Président Roussely a bien dit qu'EDF n'entrerait pas en concurrence avec les PME qui sont ses partenaires pour l'entretien. La société aide d'ailleurs ses sous-traitants à pénétrer le marché chinois.

Pour ce qui est des retraites, la soulte que devrait verser EDF est estimée entre 0 et 13 milliards : on est dans le vague. La représentation nationale doit pourtant être éclairée avant de se prononcer. Il est normal qu'une taxe sur le transport de l'électricité serve à prendre en charge en partie les retraites d'un personnel auquel l'entreprise doit sa performance.

Par ailleurs, les commissions n'ont pas été en mesure de tenir compte de l'impact du changement de normes comptables dans la présentation du bilan et donc l'accompagnement bancaire de GDF et surtout d'EDF.

En Europe comme aux Etats-Unis, tous les observateurs bien informés reconnaissent que le problème est plus d'assurer la continuité du service que de faire respecter la concurrence. La Commission européenne semble s'intéresser à la sécurité de l'approvisionnement en énergie. Mais il n'y a pas de politique énergétique européenne, pas de programmation pluriannuelle des équipements. Si elle était réellement appliquée, la directive sur les grandes installations de combustion conduirait plutôt à la disparition d'une grande partie du parc thermique d'ici 2015 pour non respect des normes d'environnement. Et dans de nombreux pays, il y a blocage dès qu'il s'agit du nucléaire. Pour les dix ou quinze ans à venir, l'Europe va au devant du déficit. On pourrait rêver d'une loi d'orientation européenne sur l'énergie, préalable à l'application des directives. On s'apercevrait à cette occasion qu'une entreprise publique à 100 % comme EDF est un atout pour l'ensemble de l'Europe.

Dans cette Europe de l'énergie, il ne paraît pas encore possible d'appliquer un principe d'utilité publique européen pour réaliser les investissements nécessaires. En revanche, et tous les opérateurs le savent, l'accord des populations est indispensable ! C'est le principe du NIMBY
not in my backyard  -.

Rappelons les difficultés pour réaliser une nouvelle interconnexion de transport d'électricité entre la France et l'Espagne. Alors qu'il n'y avait plus de blocage en 1996, ce sont M. Juppé et Mme Lepage qui ont par la suite bloqué le dossier, pour des raisons purement politiques !

M. François-Michel Gonnot - Et qu'a fait Lionel Jospin ?

M. Pierre Ducout - EDF y a perdu plusieurs milliards de francs, et je ne parle pas des relations entre la France et l'Espagne en matière d'énergie !

Les grands projets doivent être acceptables pour nos concitoyens, et doivent pour cela tenir compte des risques potentiels et des nuisances, mais aussi prévoir l'indemnisation des riverains qui subissent un préjudice. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec M. Mansillon, le président de la commission nationale du débat public.

Il faudra aussi apporter des compensations aux collectivités locales concernées. Nos collègues de la Manche le savent - n'est-ce pas, Monsieur Gatignol ? - eux qui verront peut-être l'implantation d'un EPR.

A ce sujet, je suis fier d'avoir participé à la commission qui a déclaré l'utilité publique de l'aménagement du tracé pour l'A380 entre Langon et Toulouse, et la consolidation de la politique industrielle européenne en matière aéronautique.

M. François-Michel Gonnot - C'est hors sujet !

M. Pierre Ducout - Nous sommes fiers de ce qu'a fait le gouvernement Jospin en créant EADS. Prenez donc exemple sur cette création d'un champion européen autour d'un projet industriel, en concurrence avec les Etats-Unis !

Il n'y a pas aujourd'hui de véritable marché européen de l'électricité, ni de marché mondial comme il y a un marché mondial du pétrole et du gaz.

Par ailleurs, nous avons créé une conférence interparlementaire européenne sur l'espace et contribué aux avancées de l'Europe spatiale - voyez le projet Galileo.

Mais il n'y a pas, aujourd'hui, de réelle politique de l'énergie.

En conclusion, il apparaît que les raisons que vous avez invoquées pour justifier l'urgence ne tiennent pas, d'autant plus que le commissaire européen Mario Monti a lui-même rappelé que ce changement de statut n'était pas une exigence européenne.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. Pierre Ducout - En revanche les raisons de garder intégralement publiques nos entreprises sont multiples, qu'il s'agisse de la qualité du service public ou de la question de la filière nucléaire.

Votre projet condamne deux fleurons économiques de la France et ouvre la voie à l'augmentation des prix de l'énergie.

Permettez-moi encore de rappeler que Franck Borotra, dans son intervention lors du débat sur la transposition de la directive Electricité, en 1999, appelait au contraire à une libération complète d'EDF, pour lui permettre de se transformer en une véritable entreprise, détenue à 100 % par l'Etat. « Votre projet », ajoutait-il, « a pour objectif de lui conserver la première place sur un marché protégé. Je préfèrerais qu'EDF soit la première sur un marché européen concurrentiel ». Ce en quoi il se trompait, car EDF a su trouver sa place.

Franck Borotra disait aussi que GDF devait devenir une société anonyme majoritairement détenue par l'Etat et ouvrir son capital aux producteurs et industriels. Certains responsables socialistes l'avaient en effet envisagé à l'époque, mais ce n'était pas ma position.

Il est aujourd'hui clair, pour des raisons qui tiennent au service public, au personnel, qu'EDF et GDF ne peuvent être dissociés dans leur statut, que les socialistes veulent garder à 100 % public !

M. Jean Dionis du Séjour - C'est nouveau !

M. Pierre Ducout - Permettez-moi enfin de relever certaines interventions du Gouvernement, du ministre d'Etat et du rapporteur.

Monsieur le ministre d'Etat, vous avez annoncé hier la constitution d'une commission avec des personnalités qualifiées, des élus, des usagers, des salariés d'EDF, qui seraient chargés de débattre de l'opportunité, du calendrier, des modalités d'une éventuelle ouverture de capital qui ne serait décidée qu'après une analyse financière dans l'entreprise, l'évaluation de sa valeur, ses besoins réels financiers. Pour nous, ces éléments auraient dû être examinés en commission avant la présentation du projet de loi. Et une déclaration d'urgence n'était nullement justifiée.

Vous prétendez ne pas vouloir dissocier l'ouverture du capital pour EDF et pour GDF mais, en pratique, ne devrez-vous pas attendre les conclusions de la commission ? Dans un souci de transparence cette considération devrait vous pousser à retirer votre projet de loi ou au moins à le renvoyer en commission.

Un grand journal du soir indique aujourd'hui que certains députés de la majorité sont réservés sur l'ouverture du capital de certaines entreprises qu'ils jugent « stratégiques ».

Par ailleurs, ce même journal annonce un amendement du rapporteur ou du ministre tendant à réaffirmer le rôle stratégique d'EDF dans l'indépendance énergétique de la France et rappelant ses activités touchant à la sécurité. Qu'en sera-t-il avec l'ouverture du capital et la soumission à la tyrannie des marchés ?

Et que penser des propos du ministre d'Etat qui promet d'examiner dans un an les alternatives à l'appel aux capitaux privés ? L'examen de celles-ci n'aurait-il pas dû précéder la présentation de votre projet de loi ?

M. le ministre veut faire passer son projet avant fin juillet mais il ne faudrait pas que, par dogmatisme, l'on en arrive à brader EDF et GDF.

Quant à l'annonce d'une recapitalisation de 500 millions, elle apparaît dérisoire au regard du comportement de prédateur qu'ont eu les gouvernements successifs, toutes tendances confondues, à l'égard d'EDF.

Dire, comme l'explique le rapporteur ...

M. Daniel Paul - Et à propos, où est-il ?

M. Pierre Ducout - ...dans un quotidien, que « suspendre la loi EDF» serait un signe de faiblesse à quelques semaines d'un difficile débat sur la sécurité sociale, c'est dire aussi que ce n'est pas ni la défense du service public ni celle de l'indépendance énergétique ni la péréquation tarifaire qui anime la droite aujourd'hui, mais bien l'intérêt politicien de l'UMP, évidemment en situation difficile... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Votre texte ne comporte aucune étude d'impact, de ces études d'impact qui sont pourtant désormais préalables à tout projet d'une quelconque envergure. C'est une grave lacune, qui empêche notre assemblée de travailler comme elle le devrait. Un nouveau rapport était nécessaire, et les annonces successives de M. Sarkozy le rendent indispensable. Il faut redonner son rôle à la représentation nationale et éclairer nos concitoyens sur les enjeux et les risques du projet que vous nous présentez.

Pour toutes ces raisons, le texte doit être renvoyé en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur la motion de renvoi en commission.

M. le Président de la commission - Vous nous avez dit un grand nombre de choses fort intéressantes, Monsieur Ducout. Ainsi, vous avez rappelé la qualité des agents d'EDF, dont personne ne doute sur les bancs de la majorité. Vous avez aussi rappelé l'historique de l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence, vous nous avez fait voyager en de nombreux pays, vous nous avez entretenus de M. Juppé et de la société Thomson et vous avez même évoqué le Conseil national de la Résistance...

M. Jean-Pierre Brard - Et pour cause !

M. le Président de la commission - Tout cela, je l'ai dit, était très intéressant. Toutefois, j'ai le sentiment qu'il s'agissait principalement de faire passer le temps (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) car aucun de vos arguments ne justifie le moins du monde un renvoi en commission. Celle-ci s'est réunie quatre fois, elle a examiné le texte pendant sept heures et reçu 1 400 amendements. Cet après-midi encore, le groupe communiste a déposé 400 nouveaux amendements, ce qui donnera à la commission l'occasion de se réunir une cinquième fois demain. Au regard de ce travail considérable, pour lequel je remercie les députés de la majorité, qui font preuve d'une longue patience, je demande le rejet de la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

M. Daniel Paul - Une fois n'est pas coutume : je citerai Jean Peyrelevade, qui ne peut être suspect de bolchevisme attardé. Or, qu'écrit-il dans L'Express du 14 juin ? Que, après l'introduction de la concurrence, les prix de l'électricité sont en hausse rapide depuis deux ans, et que le mouvement va se poursuivre ; que l'idéologie ne doit pas remplacer la réflexion ; que la question de la sécurité d'approvisionnement futur est cruciale et qu'il n'y a pas de réponse claire à la question de savoir si le prix payé par le consommateur, « seule variable qui semble intéresser les adeptes de la libéralisation » est compatible avec le niveau d'investissement nécessaire. L'avis de M. Peyrelevade, dont chacun conviendra qu'il n'a rien d'un gauchiste, mérite d'être pris en considération. Pourtant, vous lancez EDF dans des eaux dangereusement inconnues par pur dogmatisme libéral.

Lors de mon intervention, j'ai posé au ministre trois questions de fond. S'agissant de la valeur d'EDF, il m'a été répondu ce soir qu'elle pouvait être évaluée dans une fourchette comprise entre 30 et 50 milliards - un écart de 20 milliards, bagatelle sans doute, ne semblant le gêner en rien. A propos de la soulte, le ministre a répondu : « Cela dépend, elle sera négociée », alors qu'il s'agit de la soulte qui doit garantir les retraites ! Enfin, alors que j'avais demandé si les fonds propres seraient utilisés par l'entreprise pour se lancer dans de nouvelles aventures en Amérique latine, en Afrique ou en Asie, ou plutôt pour améliorer la production et la distribution d'électricité en France, je n'ai eu aucune réponse à des questions pourtant cruciales. Et voilà qu'ensuite on nous annonce la création d'une commission chargée de proposer des solutions à des problèmes non traités dans la loi ! Ce n'est pas sérieux ! On ne peut demander à la représentation nationale de se prononcer valablement dans de telles conditions. Un moratoire est nécessaire, qui suppose le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. François Brottes - Le renvoi en commission est une nécessité absolue car chacun aura constaté que depuis que le débat a été engagé en commission, le Gouvernement flotte et le ministre évolue. Nous souhaitons qu'il évolue encore mais, pour cela, il lui faut du temps. Par ailleurs, la commission doit encore examiner 600 amendements, ce qui prouve que son travail demeure inachevé. J'observe d'autre part qu'aucun des deux rapporteurs n'était présent dans l'hémicycle lorsque la motion a été défendue... (Mme des Esgaulx proteste) ce qui peut s'expliquer par le fait qu'ils ont des avis divergents sur certains aspects fondamentaux du texte et notamment sur le statut du gestionnaire du réseau de transport. Cet après-midi encore, certains amendements de la commission des finances ont été rejetés par le rapporteur de la commission des affaires économiques ! Voilà qui témoigne d'un vrai problème : ce projet a été improvisé, il doit être revu. Notre collègue Daniel Paul a rappelé, à juste titre, qu'aucune réponse précise n'a été apportée à ses questions de fond. La fourchette qui a été donnée de la valeur d'EDF est inacceptable. Nous vous interrogeons sur le montant de la taxe qui sera prélevée sur le transport d'électricité : nous n'avons aucune réponse. Ces questions ne peuvent rester sans réponse avant l'examen des articles. Ce réseau de transport va être privatisé, ce qui mettra fin à la péréquation. Nous débattons d'enjeux nationaux et ceux qui ont invoqué le général de Gaulle et le CNR devraient rechercher le consensus.

Le débat est nécessaire et c'est pourquoi nous demandons le renvoi en commission. Le président de la commission, d'ailleurs, a annoncé qu'elle se réunirait demain à 14 heures. Comment débattre dans ces conditions ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Nous sommes soumis à une pression inacceptable. Le groupe socialiste demande solennellement le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

A la majorité de 82 voix contre 71 sur 153 votants et 153 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.

FAIT PERSONNEL

M. Jean-Pierre Brard - J'ai été mis en cause à plusieurs reprises par M. Devedjian, qui s'est autoproclamé le héraut de la classe ouvrière. Il est plus facile de faire ici des effets de manche, devant une majorité de plus de 300 députés, même si nous savons depuis dimanche qu'ils représentent 7 % des inscrits, que de débattre devant nos compatriotes. Affabuler n'est pas argumenter. Or M. Devedjian nous a accusés d'avoir favorisé les grands groupes industriels en leur vendant de l'électricité à vil prix. Si cette politique est menée depuis 1947, elle est celle de MM. Félix Gaillard, Antoine Pinay, Michel Debré, Valéry Giscard d'Estaing, qui ont fait payer aux ménages la facture électrique des grands groupes.

M. Devedjian est mal placé pour porter ces accusations, lui qui appartient à un gouvernement dont la politique consiste à baisser les impôts des plus riches et à taxer les plus modestes. Pour lui, la classe ouvrière est sans doute un objet d'étude exotique. Pour moi, c'est mon milieu familial, celui dans lequel j'ai grandi.

J'invite donc M. Devedjian à débattre, à Montreuil, devant la France d'en bas, et non devant les députés de la majorité qui, tels des porteurs de hallebardes dans Aïda, vont dans un sens puis dans un autre sans savoir pourquoi.

M. Eric Raoult - Il y a aussi des cosaques !

M. Jean-Pierre Brard - M. Devedjian devrait aller expliquer à la France d'en bas la politique dont il est le fondé de pouvoir et qu'inspire M. Seillière.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 22 heures 15.

La séance est levée à 20 heures 50.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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