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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 107ème jour de séance, 264ème séance

2ème SÉANCE DU LUNDI 21 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ 2

      NÉGOCIATION COLLECTIVE ET RECOUVREMENT
      DES PRESTATIONS DE SOLIDARITÉ (suite) 2

      AVANT L'ARTICLE PREMIER (suite) 2

      ARTICLE PREMIER 12

      APRÈS L'ARTICLE PREMIER 14

      ART. 2 16

      ORDRE DU JOUR DU MARDI 22 JUIN 2004 18

La séance est ouverte à vingt-deux heures quinze.

PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ

M. le Président - Le 21 juin, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a informé le président de l'Assemblée nationale que M. William Dumas a été élu, le 20 juin 2004, député de la cinquième circonscription du Gard.

NÉGOCIATION COLLECTIVE ET RECOUVREMENT
DES PRESTATIONS DE SOLIDARITÉ (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, modifiant la loi du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques et relative au recouvrement des prestations de solidarité versées aux travailleurs privés d'emploi dont les droits à l'allocation de retour à l'emploi ont été rétablis.

AVANT L'ARTICLE PREMIER (suite)

M. le Président - Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles. Nous en sommes à l'amendement 3, présenté par MM. Gremetz et Dutoit et les membres du groupe communiste et républicain. Il n'est pas défendu, non plus que l'amendement 13, présenté par les mêmes auteurs.

M. Jean-Pierre Brard - Votre amour bien connu du foot, Monsieur le président, a donné lieu à un quiproquo. Un missi dominici est venu dire à M. Gremetz que la séance reprendrait plus tard.

M. le Président - Il a été indiqué, à la fin de la dernière séance, que nous recommencerions vers 22 heures 15, et certains de mes collègues me font déjà les gros yeux parce que nous prenons du retard. J'ai attendu jusqu'à maintenant, il est l'heure.

M. Jean-Pierre Brard - Je vous en sais gré. Tout le monde ne donne pas la même valeur aux mots, surtout lorsqu'il s'agit d'une notion aussi difficile à maîtriser que celle du temps...

M. Pierre-Louis Fagniez - Heidegger !

M. Jean-Pierre Brard - Nous pourrions engager un débat passionnant, qui ne nous éloignerait pas tant que cela du texte : beaucoup de gens vont avoir tout le temps de se livrer à des spéculations philosophiques sur la valeur du temps...

L'amendement 4 vise à associer plus étroitement les salariés à la gestion de l'entreprise, notamment sur les aspects qui touchent à l'emploi. Cela se pratique couramment en Allemagne, où les salariés ont, depuis un demi-siècle, gagné des droits qui font que là-bas le dialogue social est une réalité. Il faut dire que les Allemands ont la chance de ne pas avoir à subir quelqu'un comme M. Seillière. Il est donc possible de trouver des compromis plus respectueux de l'intérêt général.

Vous avez parlé tout à l'heure de concertation, Monsieur le ministre, mais pour ce gouvernement, la concertation c'est « cause toujours du m'intéresses »...

M. Claude Gaillard - Vous citez Heidegger ?

M. Jean-Pierre Brard - Pour vous, le dialogue social n'est que le dernier salon où l'on cause. On sert aux invités du thé ou du café mais les discussions ne débouchent sur rien. Voulez-vous que je vous raconte comment se sont passées les dernières négociations ? M. Seillière est allé voir le Premier ministre et ils sont tous deux revenus sur ce qui avait été négocié, faisant primer les accords d'entreprise sur les accords de branche.

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Vous voulez donner au comité d'entreprise un droit d'opposition. Bien que nous soyons ici dans le livre IV, la réponse que j'ai faite tout à l'heure à propos du livre III vaut encore (M. Gremetz arrive dans l'hémicycle).

M. Maxime Gremetz - C'est scandaleux, Monsieur le président, vous aviez envoyé un agent dire à mon groupe que la séance ne reprendrait qu'après le match et vous n'avez pas tenu parole !

M. le Président - J'ai attendu que M. Brard...

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance ! Il faut respecter la représentation nationale !

M. le Président - Je la respecte. Nous avons attendu en séance - ce qui m'a d'ailleurs été reproché par un président de groupe - qu'il y ait un représentant du groupe communiste pour commencer.

M. Maxime Gremetz - Ce n'est pas ce qui était convenu ! Vous paierez cher ce coup en douce !

M. le Président - Je n'ai pas voulu faire un coup en douce, j'ai attendu...

M. Maxime Gremetz - Dois-je demander à l'agent qui nous a été envoyé de témoigner ? La parole donnée ne se reprend pas, Monsieur le président.

M. le Président - Vous n'avez pas la parole. Nous allons en revenir à l'amendement 4.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur, étant entendu que le sujet fait partie des négociations qui se poursuivent au niveau interprofessionnel.

M. Jean-Pierre Brard - Vous dites que la négociation se poursuit au niveau interprofessionnel, mais dans le même temps vous faites voter un texte qui fait du dialogue mené à ce niveau quelque chose de secondaire par rapport aux accords qui peuvent être conclus ici ou là. De toute façon, dès qu'il y a un conflit entre les syndicats et le Medef, il suffit que M. Seillière vous foudroie du regard pour que vous fassiez une génuflexion et que tout soit dit.

M. le Président - Je mets aux voix l'amendement 4.

M. Maxime Gremetz - Je demande un scrutin public.

M. le Président - Le scrutin était annoncé.

M. Maxime Gremetz - Ne recommencez pas !

L'amendement 4,mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Nous prêchons dans le désert, mais l'expérience montre que lorsqu'on a raison, la vérité finit par triompher et, comme disait Jaurès, seule la vérité est révolutionnaire, ce qui explique d'ailleurs qu'elle continue de vous effrayer. Quant à nous, nous continuons la bataille.

L'amendement 8 a pour objet d'introduire dans le livre IV du code du travail une véritable procédure dans laquelle l'employeur prenne réellement en compte le point de vue du personnel exprimé par ses représentants. En Allemagne cela fonctionne ainsi depuis longtemps et personne ne s'en plaint, car un dialogue social équilibré évite bien des explosions. Pourquoi ne pas s'aligner sur les règles européennes qui fonctionnent le mieux ?

M. le Rapporteur - L'amendement est satisfait aux trois quarts puisque le comité d'entreprise est déjà informé de nombreuses décisions et que son avis est sollicité en maintes circonstances, en particulier en cas de licenciement économique. Il est écrit dans l'amendement que l'employeur devrait tenir compte de cet avis et modifier ses projets. On ne voit pas bien ce qu'ajouteraient ces derniers termes. Une modification purement formelle serait-elle suffisante ? Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Vous évoquez souvent l'exemple allemand, mais en Allemagne, le paysage syndical est d'une nature très différente. Le taux de syndicalisation y atteint 70 %, contre 80 % en France, et les négociations reposent sur le principe des accords de méthode, lesquels sont bien ce vers quoi nous tendons. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Brard - Puisque vous faites tant référence à la méthode, relisez donc Descartes, vous en tirerez profit. Pour l'instant vous vous contentez de l'invoquer, sans la moindre intention de définir une varie méthode garantissant l'égalité entre les partenaires sociaux.

M. Dord ne voit pas quelles conséquences aurait le fait d'obliger les chefs d'entreprise à tenir compte de l'avis des représentants des salariés. Si vraiment cela ne change rien à ses yeux, qu'il abandonne son indéfectible soutien à la direction du Medef contre l'intérêt du pays et les demandes des salariés, qu'il fasse preuve de plus de sens du dialogue que le baron Seillière, et qu'il nous donne satisfaction pour une fois. Monsieur le ministre, qui est toujours d'accord avec le rapporteur, par mimétisme ou par fidélité...

M. le Ministre délégué - ...Au Medef !

M. Jean-Pierre Brard - ...Pourrait en faire autant.

M. le Président - Sur le vote de l'amendement 8, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 17 voix contre 2 sur 19 votants et 19 suffrages exprimés, l'amendement 8 n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - J'avais demandé une suspension de séance pour réunir mon groupe. Je la demande de nouveau, en espérant être entendu cette fois.

M. le Président - Nous venons de reprendre depuis peu, mais je suspends la séance.

La séance, suspendue à 22 heures 35, est reprise à 22 heures 45.

M. le Président - Je présente mes excuses à M. Gremetz pour le malentendu qui est intervenu en fin de séance. Je peux l'assurer qu'il n'y avait là aucune intention de faire tomber les amendements du groupe communiste parce qu'ils n'étaient pas défendus. Cela a été le cas pour deux amendement seulement, et nous avons attendu 22 heures 15 pour poursuivre quand, à l'arrivée de M. Brard, le groupe communiste s'est trouvé représenté.

Il est vrai que, dans le passé, une reprise de séance a pu être différée du fait d'une compétition sportive de l'importance de celle de ce soir. Je renouvelle mes excuses à M. Gremetz, en souhaitant que la discussion reprenne sur le même ton qu'en fin d'après-midi.

M. Maxime Gremetz - Je n'accepte pas les excuses.

M. le Ministre délégué - Tout de même !

M. Maxime Gremetz - Nous ne sommes pas au Sénat, Monsieur le ministre, mais à l'Assemblée nationale ! Je ne supporte pas qu'on ne tienne pas la parole donnée ! Notre amendement 16 porte sur les relations entre les entreprises sous-traitantes et les entreprises donneuses d'ordre. Le recours à la sous-traitance permet aujourd'hui aux donneuses d'ordre d'externaliser leurs obligations en matière de licenciements économiques et de reclassements. Quand on veut licencier, on crée une entreprise sous-traitante, on y transfère des salariés, qui perdent tous leurs droits et garanties, puis sont licenciés sans que le groupe soit inquiété. C'est pourquoi nous proposons un système souple de représentation commune des salariés des deux entreprises, sous-traitante et donneuse d'ordre, non seulement pour apprécier la motivation économique, mais aussi s'assurer du reclassement. L'employeur de l'entreprise sous-traitante aurait donc le choix entre déclencher la procédure d'information et de consultation prenant en compte les deux entreprises, ou assumer seul la motivation économique. Dans ce dernier cas, la décision de l'entreprise donneuse d'ordre ne pourrait plus constituer un motif recevable de recours à un licenciement économique. Il appartiendrait au sous-traitant envisageant un licenciement collectif pour motif économique de déclencher la procédure. Les représentants du personnel de cette entreprise auraient également ce droit. Le comité de l'entreprise donneuse d'ordres serait saisi de tout projet de nature à affecter l'emploi dans l'entreprise sous-traitante et qui résulterait d'une décision de la première. Ce comité d'entreprise ajouterait donc sa voix délibérative à celle des représentants du personnel de l'entreprise sous-traitante. Ce dispositif répond au souci de renforcer les prérogatives des institutions représentatives des personnels et des organisations syndicales.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cette disposition est d'une complexité inouïe. Elle tend à créer un nouvel être juridique non identifié par la réunion de deux comités d'entreprise. Comment l'employeur sous-traitant pourrait-il convoquer le comité de l'entreprise donneuse d'ordres ? Ce serait une curiosité juridique.

M. le Ministre délégué - Même avis que le rapporteur. La mise en place d'un comité d'entreprise est une obligation qui pèse sur l'employeur et qui correspond au périmètre de sa responsabilité. Créer une espèce de comité élargi à deux sociétés reviendrait à nier le pouvoir de gestion propre détenu par le chef d'entreprise et entraînerait beaucoup plus de difficultés que d'avantages.

M. Maxime Gremetz - Comme cela vous paraît compliqué, je vais vous expliquer. Il existe des sociétés sous-traitantes créées exprès pour licencier, puisqu'elles n'ont pas de comité d'entreprise ni d'obligation de présenter un plan de reclassement. Or, en pareille matière, il importe de ne pas dissocier ces sous-traitants de leurs donneurs d'ordres. Comment, s'est demandé le rapporteur en caricaturant mon propos, le comité d'une entreprise sous-traitante convoquerait-il celui de l'entreprise donneuse d'ordres ? Justement, cette procédure doit devenir la règle. Les comités d'entreprise doivent être associés à la réflexion commune sur le prétendu licenciement économique, sur la situation de l'ensemble de la société, et pouvoir éventuellement contester le plan de licenciements. De leurs côtés, les employeurs des entreprises sous-traitante et donneuse d'ordres doivent avoir les mêmes obligations de reclassement. C'est tout simple. Si l'on a réellement le souci de défendre les salariés et de préserver l'emploi, il faut faire preuve d'un peu d'imagination.

L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Frédéric Dutoit - Désireux de tirer toutes les conséquences de l'échec des négociations sur l'accompagnement social des restructurations, nous avons plaidé pour le rétablissement de l'ordre juridique antérieur à la loi suspensive. Cela n'empêchait nullement les partenaires sociaux de négocier, mais sur la base de règles plus protectrices des salariés et de l'emploi. La loi de modernisation sociale, nous l'avons dit en son temps, n'était pas allée assez loin sur certains points. Pour le moment nous proposons de rétablir par amendements des mesures qui nous paraissent essentielles. C'est le cas avec l'amendement 18, qui tend à rétablir l'obligation pour l'employeur de négocier sur la réduction du temps de travail préalablement à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Tout moyen d'éviter des licenciements ne doit-il pas être mis en _uvre ? Nous refusons la stigmatisation qui a frappé cette disposition dite « amendement Michelin ». Puisque votre gouvernement s'emploie à faire voler en éclats les 35 heures sans avoir le courage d'y mettre fin, cette disposition prend aujourd'hui une dimension particulière.

M. le Rapporteur - Comme d'autres, cet amendement est pour le moins prématuré puisqu'il vise à rétablir des articles de la loi de modernisation sociale que le présent texte tend précisément à suspendre. De plus cet amendement n'a pas de sens. En effet, les 35 heures sont en vigueur dans les entreprises de plus de 20 salariés, et il n'y a plus rien à négocier sur ce point, et par ailleurs les plans sociaux ne concernent que les entreprises de plus de 50 salariés.

M. le Ministre délégué - Les amendements 18 à 25 tendent à rétablir des dispositions de la loi de modernisation sociale actuellement suspendue, qui n'avaient fait l'objet ni d'un accord ni même d'une consultation des partenaires sociaux, et n'apportent aucune amélioration réelle dans le domaine du licenciement et du reclassement. Au contraire, elles ont pour effet d'allonger les délais et risquent de créer des blocages. Nous préférons inviter les partenaires sociaux, là encore, à poursuivre les négociations et à prendre leurs responsabilités. S'ils ne le faisaient pas, le Gouvernement prendrait les siennes. Avis défavorable.

M. Gaëtan Gorce - Le ministre provoque un peu l'opposition, pourtant très raisonnable dans son expression : il affirme que les dispositions visées seraient inefficaces, sans nous dire comment ce gouvernement, lui, entend lutter contre les licenciements abusifs et contre les conséquences des délocalisations ! Voilà déjà dix-huit mois qu'il ne se passe rien, et l'on demande six mois supplémentaires, comme si la situation de l'emploi était bonne !

Sur le dialogue social, Monsieur le ministre, ne nous faites pas la leçon : quelle organisation syndicale a été consultée sur la suppression du jour férié ? De quelle concertation la loi sur le dialogue social a-t-elle fait l'objet, notamment au sujet des accords dérogatoires ?

M. le Président - Sur le vote de l'amendement 18, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 19 voix contre 9 sur 28 votants et 28 suffrages exprimés, l'amendement 18 n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 19 vise à rétablir l'obligation de procéder à une étude d'impact social et territorial préalablement à une cessation totale ou partielle d'activité, lorsque celle-ci a pour conséquence la suppression d'au moins 100 emplois - obligation qu'avait posée la loi de modernisation sociale par ses articles 97 et 98.

Vous contestez le seuil, mais pour un bassin d'emploi, la suppression de 100 emplois, avec ses conséquences en chaîne, n'est-elle pas déjà une catastrophe ? Vous ne nous avez jamais expliqué clairement les raisons qui vous poussent à suspendre l'application de ces deux articles. Ces études, nous le savons bien, sont très utiles aux partenaires institutionnels, à l'employeur, aux organisations représentatives des salariés, aux pouvoirs publics et aux élus. Aujourd'hui, les préoccupations essentielles des Français sont l'emploi et les salaires ; tandis que les sociétés cotées au CAC 40 ont connu en 2003 une progression en bourse de près de 50 %, il est urgent d'agir en faveur des salariés et de leur emploi.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, même si la commission reconnaît l'intérêt des études d'impact social et territorial, car une disposition sur ce sujet aura sa place dans le projet de loi qui sera présenté par le Gouvernement.

Par ailleurs, Monsieur Gremetz, je ne crois pas me souvenir que le CAC 40 ait gagné 50 % en 2003...

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement n'est pas contre le principe d'études d'impact social et territorial ; les instances dirigeantes des entreprises ne sauraient ignorer les implications sociales de leurs décisions. Mais les articles 97et 98 placent ces études à un moment où l'on joue les délais, sans avoir une vue globale. C'est pourquoi nous voulons soumettre cette question aux partenaires sociaux puis à la réflexion de l'Assemblée nationale.

M. Francis Vercamer - Tout en reconnaissant l'importance d'une étude d'impact, le groupe UDF ne votera pas cet amendement. Je fais confiance au Gouvernement pour proposer dans son prochain projet des modalités plus adaptées.

M. Maxime Gremetz - Vous n'étiez pas là, Monsieur Vercamer, mais nous avions eu un vrai débat sur ce sujet lors de la discussion de la loi de modernisation sociale. Pourquoi attendre que le Gouvernement fasse des propositions ? Agissons nous-mêmes maintenant, puisque c'est maintenant que le problème se pose !

On nous répond toujours : « On verra cela ». Ainsi, pendant des années, chaque fois que j'ai fait des propositions en faveur des handicapés, on m'a renvoyé à la révision à venir de la loi de 1975 ! Il m'a donc fallu attendre tout ce temps, et pour quoi ? Pour quelques mesures, et non pour une nouvelle loi fondatrice.

M. Claude Gaillard - La loi de 1975 a tout de même été révisée !

M. Maxime Gremetz - Cessez par conséquent de nous faire patienter en annonçant des lois. Vous n'ignorez pas que ce qui préoccupe avant tout les Français est l'emploi et la précarité -c'est d'ailleurs sur cette base qu'ils vous ont sanctionnés. Dès lors, il apparaît anormal de mégoter ainsi, pour refuser toute étude préalable des effets que peut avoir sur un territoire telle ou telle fermeture d'entreprise ou telle ou telle délocalisation. Si la loi rendait obligatoires ces études d'impact, les entreprises, outre qu'elles seraient contraintes d'annoncer leurs intentions, devraient en discuter avec tous leurs partenaires. Elles resteraient libres de partir, mais elles seraient certainement amenées à acquitter le coût social de ce départ...

Compte tenu de l'importance de cet amendement, je demande un scrutin public.

M. le Président - Je suis donc saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public sur l'amendement 19.

A la majorité de 14 voix contre 7 sur 21 votants et 21 suffrages exprimés, l'amendement 19 n'est pas adopté.

M. Frédéric Dutoit - Quand on fait sauter toutes les barrières érigées par la loi de modernisation sociale, il ne faut pas s'étonner, ni a fortiori s'indigner de la multiplication des plans sociaux, Monsieur le Rapporteur ! On en a recensé 1 400 l'an passé et le flot continue de déferler... C'est pourquoi, par l'amendement 20, nous vous demandons de renoncer à suspendre à nouveau l'application de l'article 99 de cette loi, afin de rétablir la distinction entre les phases successives de consultation du comité d'entreprise au titre du livre IV du code du travail et, s'il y a licenciement économique, du livre III.

La première consultation porte sur le projet de restructuration et de compression des effectifs, la seconde sur le projet de plan social. Dans les deux cas, il avait été prévu que le comité d'entreprise puisse désigner un expert comptable, payé par l'employeur. Certes, cette double procédure allonge les délais mais le Conseil constitutionnel ne l'a pas censurée pour autant, malgré les critiques patronales. Dès lors, il ne vous restait d'autre solution que suspendre par la loi l'application de l'article 99... Cette décision ne peut avoir qu'une motivation idéologique, quoi qu'en dise le rapporteur. Mais vous ne vous êtes pas arrêtés là : vous en avez rajouté en favorisant des accords expérimentaux, dits de méthode. Une centaine de ceux-ci auraient été signés. Or, même s'ils sont majoritaires, la plupart sont totalement dérogatoires au regard de la loi : ils reviennent à faire avaliser un plan social par le comité d'entreprise, constituant de ce fait des sortes de « pré-plans sociaux ». Les employeurs disposent bien d'une « méthode », mais c'est celle que leur fournit complaisamment le législateur pour tourner la loi !

Le législateur ne peut renoncer de la sorte à sa responsabilité et commettre un déni de droit. Nous devons édicter des lois qui s'appliquent à tous. Lorsque le dialogue social est de qualité au sein d'une entreprise, il n'y a pas d'objection à ce que des accords règlent en amont les questions relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Il convient même d'encourager ce processus. Mais, lorsque ce dialogue n'existe pas, la confusion que vous introduisez ira immanquablement contre l'intérêt des salariés car il sera impossible de discuter et d'appliquer des solutions alternatives. C'est pourquoi nous demandons qu'il soit mis fin à la suspension introduite par la loi Fillon du 3 janvier 2003.

M. le Rapporteur - Rejet. Le groupe communiste est là plus royaliste que le roi puisque, sur huit accords de méthode dérogatoires signés jusqu'ici, cinq tendent à rétablir la concomitance entre les procédures des deux phases. Il ne semble donc pas que ceux que vous prétendez défendre voient comme vous leur intérêt dans une séparation de ces deux procédures...

M. le Ministre délégué - Même avis. Les accords de méthode conclu privilégient en effet la concomitance entre la consultation au titre du livre IV et la consultation au titre du livre III.

M. Maxime Gremetz - Je vais vous conter une anecdote qui sera plus éclairante que bien des discours : avec le préfet de la région Picardie, j'ai reçu récemment le patron-voyou de Flodor. Alors qu'il venait de déménager une chaîne, de détériorer le matériel de l'entreprise, d'y faire venir des nervis, d'annoncer 80 nouveaux licenciements et 40 mesures de mi-temps, que nous a-t-il demandé ? De l'aider à investir, pour convaincre les actionnaires de maintenir l'entreprise ! Et cela devait se faire sans tarder, de sorte que les procédures des livres III et IV devaient, selon lui, être menées de concert !

Si les salariés avaient accepté cette concomitance, l'entreprise serait déjà fermée. Mais ils ont refusé car ils savaient ce qu'il en était, et il a bien fallu engager la discussion.

L'amendement 20, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 21 vise à rétablir l'information préalable du comité d'entreprise avant que le chef d'entreprise n'annonce au public des mesures ayant un impact sur les conditions de travail et d'emploi. Il s'agit ainsi de rétablir l'article 100 de la loi de modernisation sociale.

Le fameux « droit boursier » est l'une des raisons de votre réticence : les actionnaires sont prioritaires quand les salariés, eux, apprennent par voie de presse les décisions qui les concernent au premier chef. Le législateur doit enfin prendre ses responsabilités et considérer que le droit du travail et des personnes prime le droit financier.

Je me souviens de débats dans lesquels vous-même, Monsieur le Rapporteur, avez dit combien cette situation est anormale. Ne vous reniez donc pas.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, même s'il est en effet difficilement acceptable que des salariés découvrent dans la presse que leur usine va fermer. Mais dans notre système économique, le secret des affaires est un principe fondamental. Si les salariés sont préalablement informés, comment éviter les délits d'initiés ?

M. le Ministre délégué - Même avis. J'ajoute que dans 68 % des cas, les accords de méthode ont donné lieu à une information et à une consultation du CE sur la stratégie du groupe, tout en respectant la réglementation boursière. C'est à la négociation, au dialogue social qu'il appartient d'enrichir le texte.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public sur l'amendement 21.

M. Francis Vercamer - Je suis non seulement choqué par la situation que décrit M. Gremetz, mais également du fait que les cours boursiers augmentent à l'annonce de licenciements.

M. Maxime Gremetz - C'est exact.

M. Francis Vercamer - Je ne voterai pas cet amendement, mais je souhaite que le Gouvernement parvienne à résoudre ces deux problèmes.

A la majorité de 15 voix contre 9 sur 24 votants et 24 suffrages exprimés, l'amendement 21 n'est pas adopté.

M. Frédéric Dutoit - M. Vercamer a raison. Par l'amendement 22, nous demandons le rétablissement de l'article 101 de la loi de modernisation sociale qui renforce les prérogatives du CE en cas de restructuration ou de compression des effectifs, et notamment en permettant d'avoir recours à un expert comptable.

Les salariés sont d'abord préoccupés par la sauvegarde de leur entreprise et de leur emploi. Or, chacun sait que le chômage risque de perdurer. Il convient donc d'agir en amont, surtout lorsque l'on est confronté à des licenciements spéculatifs et boursiers.

M. Maxime Gremetz - Bravo !

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La loi prévoit déjà le recours à un expert comptable, mais c'est le recours à un médiateur qui nous semble beaucoup plus discutable. Le gouvernement de M. Jospin, que vous souteniez, a d'ailleurs opportunément oublié de publier le décret qui donnait la liste des médiateurs auxquels auraient pu avoir recours les CE. Ne nous demandez donc pas de réparer votre oubli.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement voulant développer les négociations internes à l'entreprise, la nomination d'un médiateur externe n'est pas souhaitable. Avis défavorable.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le ministre, vous appliquez la méthode Coué. Vous renvoyez tout à la négociation...

M. le Ministre délégué - Eh ! Oui.

M. Maxime Gremetz - ...mais rien n'avance. D'ailleurs, vous proposez que les négociations soient prolongées de six mois et pendant ce temps-là, les licenciements, les délocalisations, les restructurations continueront. Prenez plutôt vos responsabilités et légiférez, comme vous l'avez dit.

Les accords passés font exception. Vous ne nous avez d'ailleurs toujours pas dit combien d'entreprises ils concernent : environ 0,01 % de l'ensemble ? Et ces accords sont conclus surtout dans les petites structures.

Votre but est tout simplement de laisser toute latitude aux patrons pour licencier. Prenez vos responsabilités, dites-le ! Ne remettez pas toujours à plus tard, d'autant que je gage que vous n'oserez pas remettre cette question à l'ordre du jour dans six mois. Vous auriez trop honte. Vous prendrez une ordonnance à la place ! Vous continuerez à vous exclamer à la télévision contre certains licenciements, et, pour le reste, à appliquer les directives du Medef.

L'amendement 22, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 23 vise à rétablir la possibilité de saisir un médiateur du projet de cessation d'activité d'un établissement d'au moins cent salariés. L'introduction du médiateur, dans la loi de modernisation sociale, ne nous était pas apparue comme une solution suffisante, mais nous savions combien son intervention peut être utile aux salariés, dans le cadre des conflits du travail. Nous avions donc soutenu cette proposition, qui leur donnait un moyen d'action supplémentaire.

Dès qu'il y a problème dans une entreprise, un médiateur peut être désigné. Il vérifie que le dialogue social s'engage bien, avec toute la transparence nécessaire, notamment sur la situation réelle de l'entreprise. Il favorise la négociation entre l'entrepreneur et les organisations syndicales et le comité d'entreprise, qui présentent des contre-propositions. Il donne enfin son avis sur la solution qu'il trouve la meilleure. Si cet avis n'est pas suivi, il faut porter le conflit au tribunal, car seul le juge peut alors trancher. Le médiateur permet ainsi d'explorer toutes les solutions novatrices avant de procéder au licenciement économique, et de développer le dialogue social sur la base de faits concrets.

M. le Rapporteur - Nous avons déjà amplement parlé du médiateur. Dans les accords de méthode, les partenaires sociaux ont préféré, plutôt que le recours à un médiateur, de nouvelles possibilités de faire appel à un expert. Nous retrouverons sans doute cela dans le projet de loi que nous examinerons dans six mois.

M. le Ministre délégué - Je ne ferai que rappeler quelques chiffres déjà cités : en 2003, quelque 1 400 dossiers ont été déposés devant les directions départementales du travail. Les accords de méthode concernent 12% des entreprises, et non 0,01 % ! Ils ont été signés pour 42 % dans des PME et pour 58 % dans des grands groupes et leurs filiales.

L'amendement 23, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Frédéric Dutoit - L'amendement 24 vise à rétablir les critères établissant l'ordre des licenciements par catégorie professionnelle et à supprimer le critère des qualités professionnelles, qui conduit à licencier en priorité les salariés les plus fragiles. Il convient notamment de prendre en compte les charges de famille, l'ancienneté - pour protéger les plus âgés -, et les caractéristiques qui rendent une réinsertion difficile - le handicap par exemple. Sans cela, le risque est grand que les premiers licenciés soient les plus difficiles à reclasser et deviennent des chômeurs de longue durée et des titulaires du RMI.

Le Gouvernement tient un discours officiel sur la nécessité de faire travailler plus longtemps les « seniors » et d'insérer les personnes handicapées dans l'entreprise, mais il se contredit en prorogeant la suspension de l'article 109. Plus de cohérence serait souhaitable. La solidarité nationale ne joue plus complètement son rôle. C'est donc vers les collectivités que se tournent les victimes des plans sociaux. Il est essentiel d'en revenir aux critères déterminés par la loi de modernisation sociale. La situation qui résultait de l'application de l'article 109 était malgré tout meilleure que celle qui prévaut depuis sa suspension.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Je suis choqué que M. Dutoit considère les qualités professionnelles des travailleurs âgés ou handicapés inférieures à celles des autres. Par ailleurs, nous sommes dans le cadre d'entreprises en difficulté. Il est toujours délicat de désigner les salariés de moins bonne qualité, mais ce sont justement ceux que l'entreprise ne peut pas se permettre de garder ! En pleine crise économique, elle ne peut s'appuyer, pour continuer à vivre, que sur ses salariés les plus efficaces.

M. le Ministre délégué - Même avis. Le Gouvernement a engagé une réflexion avec les partenaires sociaux sur l'activation des seniors. Leur taux d'activité, ainsi que celui des jeunes, est parmi les plus bas d'Europe. La réflexion suit trois axes : la formation professionnelle tout au long de la vie ; l'aménagement des fins de carrière et les formes d'emploi adapté ; enfin la dimension de la santé et de la sécurité au travail. Nous y reviendrons lors des négociations qui vont s'engager dans quelques jours avec les partenaires sociaux.

M. Francis Vercamer - Je ne peux pas être d'accord avec le groupe communiste. La qualité professionnelle est extrêmement importante. Ne pas la prendre en compte serait accorder une prime à celui qui refuse de se former.

M. Patrice Martin-Lalande - Très bien !

L'amendement 24, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 25 vise à rétablir l'article 116 de la loi de modernisation sociale, qui prévoit que l'autorité administrative compétente peut, jusqu'à la dernière réunion du comité d'entreprise, présenter toute proposition pour modifier le plan social en tenant compte de la situation réelle de l'entreprise.

L'employeur doit faire une réponse motivée aux propositions de l'administration du travail, faute de quoi il ne peut pas notifier les licenciements. L'article 116 dit également que la carence du plan social peut être constatée et qu'une nouvelle réunion du comité d'entreprise doit alors être organisée. Malheureusement, l'application de cet article de bon sens a été suspendue par la loi Fillon, sans que rien justifie cette suspension. Il est vrai que les inspecteurs et contrôleurs du travail trouvent rarement grâce aux yeux des employeurs. Leurs effectifs sont notoirement insuffisants et il a fallu attendre les recrutements décidés par Martine Aubry pour voir enfin leur nombre augmenter de façon significative. 82 postes d'inspecteurs et 416 de contrôleurs ont ainsi été créés entre 1998 et 2002. Mais curieusement, aucune création de poste n'est prévue dans les lois de finances pour 2003 et 2004. Il y a même eu des propositions de lois tendant à vider de toute substance les missions de l'inspection du travail : on voulait, disait-on, éviter de mettre les inspecteurs en situation délicate d'arbitrage et recentrer leur activité sur la protection de l'hygiène et de la sécurité ainsi que sur la lutte contre le travail au noir.

C'est sans doute le même souci qui a conduit à la suspension de l'article 116 : cantonner l'inspection du travail à un contrôle strictement procédural, les pouvoirs publics ne devant surtout pas intervenir au fond, pas même pour proposer de compléter le plan social. Ils ne sont même pas censés avoir connaissance des capacités financières de l'entreprise ! Aveuglement volontaire et organisé ?

Nous voudrions rétablir un certain équilibre. C'est pourquoi nous demandons que l'article 116 retrouve force de loi.

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment. J'ajoute que l'inspection du travail est informée (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) très vite de l'état des procédures et donner un avis. Elle exerce son contrôle. Par ailleurs, pour les accords de méthode, c'est-à-dire là où les partenaires sociaux se sont mis d'accord, ce qui représente 15 % des plans...

M. Maxime Gremetz - Donnez le nombre d'entreprises !

M. le Rapporteur - Le ministre vous l'a donné tout à l'heure.

M. Maxime Gremetz - Ce n'est pas vrai !

M. le Rapporteur - Le ministre vous redonnera le nombre de plans sociaux présentés ces neuf derniers mois afin que vous puissiez vous rendre compte que les 140 ou 150 accords de méthode en représentent bien 15 % !

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. L'Etat est là pour faire respecter les règles, notamment le code du travail. Il vous a peut-être échappé que Jean-Louis Borloo et moi-même avons demandé le développement du corps des inspecteurs du travail et engagé une réorganisation régionale par sections spécialisées, de façon à accroître son efficacité. Pour la seule année 2005, nous demandons autant que ce qui a été fait entre 1998 et 2002. Nous sommes donc bien conscients de l'importance du rôle de l'inspection du travail mais aussi des réorientations nécessaires.

M. Francis Vercamer - L'autorité administrative est particulièrement utile en cas de liquidation car bien souvent le liquidateur ne connaît pas le code du travail ou ne le respecte pas. Mais il faudrait repenser le rôle des inspecteurs du travail afin que ceux-ci ne fassent pas seulement figure de gendarmes mais agissent aussi comme conseils.

M. Maxime Gremetz - Il faudrait gérer vos contradictions ! Le rapporteur fait comme s' il n'y avait aucun problème d'insuffisance des effectifs dans l'inspection du travail, mais le ministre nous annonce que lui et M.Borloo ont demandé autant de postes qu'entre 1998 et 2002. Qui croire ? Mettez-vous d'accord !

Pour ma part, je ne demande pas à l'inspection du travail de s'occuper de procédure, mais de vérifier que les entreprises respectent bien le code du travail et, le cas échéant, de dire le droit. Je pourrais vous citer l'exemple d'une procédure qui a débouché, à Beauval, près de Doullens, sur une fermeture d'entreprise, sans possibilité de recours, parce que il y a été prétendu que c'était le droit allemand qui s'appliquait et non le droit français, au motif que la holding concernée était basée en Allemagne. Du coup, il n'a pas été possible de se retourner contre les actionnaires qui avaient pillé cette entreprise. Résultat : une région dévastée.

Moi, je suis pour que l'on fasse payer les responsables. Encore faudrait-il des inspecteurs en nombre suffisant. Le département de la Somme n'en compte que quatre, alors qu'il a une zone industrielle de 12 000 salariés qui exigerait à elle seule au moins un inspecteur.

L'amendement 25, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - L'article 118 de la loi du 17 janvier 2002 a créé une contribution nouvelle dont sont redevables les entreprises de plus de 50 salariés qui procèdent à des licenciements ayant un effet important sur le bassin d'emploi. Mais il n'a jamais pu s'appliquer car le décret d'application n'a pas été publié. Entre les articles de la loi qui ont été suspendus et ceux qui ne peuvent s'appliquer faute de décret, vous conviendrez qu'il ne reste pas grand chose de la loi de modernisation sociale. Notre amendement 26 tend à ce que le décret requis par l'article 118 soit publié dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi.

M. le Rapporteur - L'article 118 est en effet maintenu et les entreprises visées devront prendre des mesures d'accompagnement pour permettre la réindustrialisation. Le décret nécessaire paraîtra, sauf erreur, lorsque les négociations sociales auront abouti, donc dans quelques mois. Mais le gouvernement va répondre. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Des mesures de revitalisation sont applicables sans décret et nous les avons imposées à l'occasion de plans sociaux. Les entreprises de plus de 50 salariés sont obligées de participer à des réunions avec le service public de l'emploi pour revitaliser le bassin d'emploi. Les entreprises de plus de 1000 salariés sont tenues de prendre des mesures de création d'activité selon un cahier des charges, avec un plancher de deux fois le SMIC par emploi supprimé. C'est le décret de reversement en cas de non-respect de ce plancher qui n'a pas été pris. Enfin, il est aussi prévu la signature d'une convention avec l'Etat pour préciser les mesures de réactivation.

Dans la négociation qui se poursuit, nous travaillons sur la sortie du décret. Mais nous imposons déjà un certain nombre de mesures dans le cadre des plans de sauvegarde de l'emploi et de restructuration. Avis défavorable sur l'amendement.

M. Francis Vercamer - Le groupe UDF ne votera pas cet amendement. En effet, un orateur socialiste nous a expliqué que le gouvernement de l'époque n'avait pu prendre les décrets d'application entre le 17 janvier 2002 et les élections, quatre mois plus tard. Pourquoi le gouvernement actuel réussirait-il à le faire plus vite ?

M. Maxime Gremetz - Si je comprends bien, le décret n'est pas paru, mais vous donnez des directives d'application...

M. le Ministre délégué - Non, la loi s'applique.

M. Maxime Gremetz - Mais les procédures d'application de l'article 118 doivent être précisées par un décret en Conseil d'Etat. Comment les mettez-vous quand même en _uvre ? Par une circulaire ? Par une recommandation aux directions départementales du travail ? Dites-le nous, car c'est tout ce qui reste de la loi de modernisation sociale.

M. le Ministre délégué - La loi est d'application directe. Le décret ne concerne que le mode de reversement au trésor public par les entreprises en cas de non-respect du seuil de participation qui doit être le leur. Si vous avez des difficultés dans votre région, prenez contact avec moi, car dans d'autres régions nous avons trouvé la solution pour appliquer cet article.

M. Maxime Gremetz - Des difficultés, ce n'est pas cela qui manque !

L'amendement 26 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au règlement fondé sur l'article 58, alinéa 1. Nous avons dénoncé à plusieurs reprises les mauvaises conditions de travail de l'Assemblée et cette semaine nous en avons une nouvelle illustration. La session unique devait nous permettre de travailler dans des conditions décentes, les mardi, mercredi et jeudi, sauf exception. Mais les séances du lundi, du vendredi, voire du samedi cette semaine si le débat sur EDF se prolonge, deviennent monnaie courante. L'ordre du jour est une pâte molle que le Gouvernement modèle selon les besoins. Ce n'est absolument pas satisfaisant. Pour appeler l'attention du Gouvernement sur cette attitude, je demande une suspension de séance.

M. le Président - Il est tard, et il nous reste peu d'amendements. Accepteriez-vous que la suspension de séance vienne à la fin ? (Rires) Disons que la suspension sera brève.

La séance, suspendue à 0 heure 20, le mardi 22 juin, est reprise à 0 heures 30.

ARTICLE PREMIER

M. Maxime Gremetz - Quelles sont les conséquences de la suspension de certaines des dispositions de la loi de modernisation sociale relatives aux licenciements économiques décidée six mois après votre arrivée ? Fermetures brutales d'entreprises, délocalisations sauvages, restructurations à tout va, licenciements, suprématie des gros actionnaires. La règle est dorénavant édictée par des patrons voyous qui mettent la clé sous la porte en catimini. C'est ce qui s'est passé en Picardie avec Flodor, à Marseille avec l'usine Nestlé. Ces fermetures ont pour seul motif la recherche de profits financiers toujours plus importants. Qu'en est-il alors des salariés, de leurs familles, de nos territoires ? Qu'attend le Gouvernement pour prendre des initiatives destinées à protéger nos industries ? La mise en concurrence des salariés, amplifiée par l'élargissement aux pays d'Europe de l'est, n'appelle-t-elle pas une harmonisation par le haut des législations sociales européennes ?

Nous n'acceptons pas cet abaissement du droit qu'induit la proposition du Sénat, de même que nous ne pouvons être favorables au prochain projet relatif à la sauvegarde des entreprises qui limite son ambition au traitement des entreprises en difficulté menacées de liquidation. Notre collègue UMP Max Roustan a déclaré en présentant le rapport de la délégation de l'Assemblée à l'aménagement du territoire sur la désindustrialisation de la France : « Il n'est que temps de mettre en _uvre une véritable stratégie industrielle dans notre pays ». Cependant, le rapport indique que l'industrie continue à augmenter annuellement sa valeur ajoutée. Mais les profits dégagés, au lieu d'être réinvestis, sont reversés à des actionnaires toujours plus exigeants. Il est donc temps que la majorité passe des pétitions de principe aux actes concrets pour sauvegarder l'industrie française et ses emplois. Les salariés n'ont pas besoin de vos larmes de crocodile, mais de mesures concrètes.

M. le Président - Les amendements 27 et 31 tendent tous deux à supprimer l'article premier.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 27 est lié à ceux que j'ai déjà présentés. L'article premier tend à porter la durée de suspension des dispositions de la loi de modernisation sociale relatives aux licenciements économiques de dix-huit à vingt-quatre mois. Pourquoi cette prolongation ? Depuis dix-huit mois que la loi est suspendue, la négociation, supposée se poursuivre, piétine, et n'aboutira probablement pas. On imagine mal les syndicats donner leur accord à un dispositif qui reviendrait à entériner les plans de licenciements en échange de vagues promesses. Le Medef, de son côté, n'entend pas répondre favorablement aux demandes des syndicats sur le financement des restructurations. Pendant longtemps, on le sait, les préretraites à la charge du contribuable ont servi de dispositif de restructuration gratuit pour les industries en voie de mutation. Aujourd'hui, le système est tari. La situation budgétaire ne rendra pas votre gouvernement plus conciliant sur ce point que celui de Lionel Jospin, qui a mis fin à cette perversion.

Depuis l'adoption de la loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie, les partenaires sociaux signataires d'un accord doivent préciser s'ils ont voulu ou non donner un caractère normatif à celui-ci. Le patronat n'entend pas se laisser lier les mains par des accords normatifs. Pourquoi reviendrait-il sur la destruction du principe de faveur qu'il vient d'obtenir ? Il est donc très probable que la négociation n'aboutira pas à l'automne prochain. Il ne nous est donc pas proposé, en réalité, de proroger la suspension de certaines dispositions de la loi, mais d'avancer vers son abrogation, et donc vers une nouvelle loi dont vous n'avez encore rien dit. Alors, dites-nous ce qui se passera si aucun accord n'est conclu ? Aucune négociation sur les restructurations ne peut être prise au sérieux si des emplois ne succèdent pas à ceux qui disparaissent. L'important n'est pas de revenir sans cesse sur les procédures de licenciements mais de développer une stratégie économique débouchant sur des emplois. Pour être crédibles, les organismes de reclassement doivent avoir quelque chose de concret à proposer. Les mutations économiques font partie du cours normal de l'histoire. Mais qu'un gouvernement n'ait pas d'autre stratégie que la réduction des acquis sociaux et la destruction du droit du travail est un peu court. Nous attendons vos propositions pour une politique dynamique. Pour le moment il n'y a pas lieu de proroger la suspension de dispositions votées régulièrement par le législateur.

M. Gaëtan Gorce - Nous demandons nous aussi, par l'amendement 31, la suppression de l'article premier. En effet, le terme de « suspension » est parfaitement hypocrite, et n'est destiné qu'à masquer une abrogation, la négociation constamment invoquée ayant beaucoup de mal à aboutir. Il est par ailleurs regrettable que nous ne disposions d'aucun bilan relatif à cette négociation en cours depuis dix-huit mois. En vérité, nous avons affaire à un simulacre de débat parlementaire. Voilà qui suffit à justifier la suppression de l'article premier.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La position du groupe communiste et celle de M. Gorce sont cohérentes. Mais l'adopter conduirait à ôter tout fondement à la suspension durant dix-huit mois puis pour six mois supplémentaires de la loi de modernisation sociale, dans l'attente d'un clair aboutissement de la négociation.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable, bien évidemment. Monsieur Gorce, nous observons des convergences entre les partenaires sociaux sur un certain nombre de points : la gestion anticipée des emplois et des compétences ; les conditions de négociation des plans de sauvegarde de l'emploi ; l'activation des dispositifs de reclassement. Il reste des points de divergence importants, notamment le fonds de mutualisation pour les PME.

Monsieur Gremetz, l'accord de méthode est normatif.

Notre logique est de faire confiance aux partenaires sociaux. Le moment venu, le Gouvernement prendra toutes ses responsabilités.

Les amendements 27 et 31, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Francis Vercamer - Mon amendement 30 vise à abroger les articles visés par ce projet à l'issue des 24 mois de suspension si aucun projet de loi n'est adopté. Cela permettrait à la fois de mettre fin à l'incertitude juridique et de pousser les partenaires sociaux à trouver un accord.

M. le Rapporteur - On ne peut imaginer une nouvelle prolongation de la suspension à l'issue des six mois : sur ce point, soyez rassuré. En revanche, dire à l'avance que faute d'accord, nous abrogerions ces articles ne pousserait pas le Medef à négocier... Avis défavorable donc.

M. le Ministre délégué - Actuellement, Monsieur Vercamer, ce sont les textes antérieurs aux dispositions suspendues qui s'appliquent.

Je renouvelle l'engagement du Gouvernement de déposer un projet qui constaterait les accords, éventuellement partiels, et dans lequel il prendrait toutes ses responsabilités. Je souhaiterais donc que vous retiriez votre amendement.

M. Francis Vercamer - M. Fillon avait déjà promis qu'un projet de loi serait disposé dans les dix-huit mois...

L'amendement 30 est retiré

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Gaëtan Gorce - Nous ne pouvons que nous réjouir que le Gouvernement, après plusieurs mois de refus, ait finalement pris en considération la demande qui lui avait été faite sur ces bancs de ne pas laisser le régime d'indemnisation de chômage rejeter plusieurs centaines de milliers de chômeurs jusque là indemnisés. Il a fallu pour cela un verdict des urnes particulièrement sévère...

Cependant nous nous interrogeons sur la façon dont cette réintégration va être financée. L'annonce faite par M. Borloo de la renonciation de l'Etat à une créance de 1,2 milliard n'est qu'un faux-semblant : outre le fait que cette mesure avait déjà annoncée par M. Fillon à l'UNEDIC à la fin de l'année dernière, même si elle n'avait pas été rendue publique, elle ne correspond pas à une véritable entrée de fonds - pour faire face à une dépense d'ailleurs supérieure, puisqu'estimée à près de 2 milliards. Il serait normal que les pouvoirs publics, sans se substituer aux partenaires sociaux, recherchent avec eux les moyens d'équilibrer les comptes de l'UNEDIC : c'est ce que je propose par mon amendement 32.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné, mais à titre personnel je ne lui reconnais pas un caractère législatif : c'est une déclaration de principe. Au demeurant, l'avenir de l'UNEDIC et de ses comptes est d'abord l'affaire des partenaires sociaux.

M. le Ministre délégué - La gestion de l'UNEDIC relève en effet d'abord des partenaires sociaux, même si l'Etat ne peut pas s'en désintéresser.

La décision prise par le Gouvernement de rétablir les « recalculés » dans leurs droits a évidemment un coût. C'est la raison pour laquelle a été annoncé en même temps le report d'échéance de la créance de 1,2 milliard. A ce stade, il n'est donc pas nécessaire pour l'Etat de s'engager dans une quelconque négociation. En revanche, nous allons entamer dès le début de l'année prochaine avec les partenaires sociaux un débat sur l'avenir du régime d'assurance chômage. Avis défavorable donc.

M. Gaëtan Gorce - Il s'agissait en effet d'un amendement d'appel, visant à engager le débat, mais la réponse du Gouvernement n'est pas rassurante. D'abord, je continue à m'interroger sur la nature de cette somme d'1,2 milliard, qu'on ne trouve ni au passif de l'UNEDIC ni à l'actif de l'Etat dans la loi de finances. Ensuite, je regrette que l'on reporte ainsi la réflexion sur l'équilibre des comptes. On sait bien, en effet, que les ajustements se font en général au détriment des chômeurs...

On nous a expliqué que les salariés payaient pour les intermittents du spectacle. Mais que coûte à l'UNEDIC l'indemnisation des personnes qui sont en fin de CDD et subissent les ruptures de contrat décidées par le patronat ? Plus de 7 milliards !

L'amendement 32, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 33 vise également à obtenir des précisions sur le champ de la disposition tendant à réintégrer dans leurs droits ceux qu'on appelle si malencontreusement les « recalculés » : concerne-t-elle aussi les demandeurs d'emploi qui n'ont pas bénéficié du PARE et ceux qui sont issus du secteur public et dont l'indemnisation relève d'un régime particulier ?

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement non plus, mais il me semble que ce sont les signataires d'un PARE qui sont visés par la décision de réintégration. Peut-on considérer que les demandeurs d'emploi suivant une formation non prise en compte dans le PARE relèvent d'un régime équivalent ou de même nature ? Je pense que le gouvernement est mieux à même que moi de répondre à cette question.

Quant aux demandeurs d'emploi issus du secteur public, je serais d'avis, a priori, que le jugement du tribunal de Marseille et l'arrêt du Conseil d'Etat ne les concernaient pas. Ils relèvent en effet d'un régime particulier. Mais sans doute, sur ce point aussi, le ministre délégué sera-t-il en mesure de nous informer plus précisément...

M. le Ministre délégué - Par extension, nous leur appliquerons à tous le même régime. Une circulaire va bientôt être envoyée aux préfets pour lever toutes les difficultés qui pourraient se présenter, s'agissant des demandeurs d'emploi du secteur public : l'employeur jouera alors le même rôle que l'UNEDIC. Avis défavorable par conséquent, mais j'ai bien noté que cet amendement visait surtout à obtenir une information.

L'amendement 33, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Lorsque l'UNEDIC a été réformée, le Gouvernement s'est empressé de prendre en parallèle une disposition extrêmement choquante dans la mesure où elle donnait le sentiment qu'il cherchait à faire peser sur le « voisin » le coût d'une indemnisation en augmentation : il a modifié les conditions dans lesquelles on peut bénéficier de l'ASS, en réduisant la durée de versement de cette allocation et en supprimant la majoration accordée aux chômeurs de plus de 55 ans. L'effet aurait été immédiatement sensible pour les collectivités, en raison du transfert vers le RMI ou vers le RMA qui en résultait.

Le ministre délégué vient de nous annoncer que cette disposition, prévue pour le 1er juillet, ne serait pas appliquée. Néanmoins, nous avions observé que 180 millions avaient été distraits du budget du ministère de l'emploi afin d'anticiper cette réforme. Ces 180 millions ont-ils été rétablis ? L'amendement 34 vise à obtenir des explications sur ce point.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement mais, en tout état de cause, c'est le gouvernement, et lui seul, que vous interrogez. Il me semble toutefois que la réforme de l'ASS étant de nature réglementaire et, surtout, le gouvernement y ayant renoncé, l'amendement est pour l'essentiel sans objet - hormis pour ce qui a trait au budget du ministère.

M. le Ministre délégué - Il est naturel que la loi de finances initiale ne prévoie pas les conditions de versement de l'ASS au-delà du 730e jour. Cela étant, le Président de la République a demandé au Gouvernement de suspendre la mesure et les allocataires ont été avertis individuellement de la décision, par l'ASSEDIC agissant au nom de l'Etat. Il reste à réfléchir à l'évolution ultérieure : c'est ce que nous ferons dans le cadre du plan de cohésion sociale.

L'Etat fera naturellement face aux exigences financières qu'impose le versement de l'ASS dans les conditions en vigueur avant le décret du 30 décembre 2003.

M. Francis Vercamer - Le groupe UDF, qui avait nettement pris parti contre la réforme de l'ASS au cours de la discussion budgétaire, se réjouit bien sûr qu'elle soit suspendue. Mais suspendre la réforme n'équivaut pas à rétablir le dispositif antérieur et nous resterons donc extrêmement vigilants. Il ne faudrait pas que cela redevienne un casus belli !

M. le Ministre délégué - Ce sera un casus pacis ! (Sourires)

L'amendement 34, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 2

M. Frédéric Dutoit - La proposition de loi du sénateur Gournac a été rectifiée en catastrophe afin de permettre à l'UNEDIC de récupérer les sommes versées aux personnes indûment privées de l'allocation de chômage. La majorité tente ainsi de sauver un gouvernement en perdition mais, dès l'automne dernier, nous avions exprimé notre indignation, non seulement à l'égard des restrictions relatives au versement de l'ASS, mais aussi à l'égard de la diminution de la durée de versement de l'allocation attachée au PARE. On avait mis là en place une sorte de vase communicant entre l'Etat et l'UNEDIC, d'une part, et les collectivités responsables du RMI, d'autre part.

Il aura fallu qu'une partie de la majorité menace de quitter le navire et que le Président de la République intervienne pour que la mesure relative à l'ASS soit rapportée. Mais il aura surtout fallu la détermination et la pugnacité des « recalculés » pour que les tribunaux rendent justice à ces victimes de votre incurie juridique. Cerise sur le gâteau : le Conseil d'Etat a annulé l'agrément que vous aviez donné à la convention UNEDIC. Quelle aberration comptable avait bien pu conduire les technocrates à mettre au point un tel Monopoly ? Comment a-t-on pu dédaigner à ce point les difficultés des chômeurs ? On a trop longtemps laissé dire que ceux-ci se complaisent dans leur situation et qu'il faut davantage de contrôles pour les inciter à se remettre au travail, alors qu'il conviendrait plutôt de développer l'économie pour créer des emplois ! Les chômeurs ne perdent pas leur emploi volontairement, et ce n'est pas parce qu'une entreprise les licencie que des salariés deviendraient du jour au lendemain des personnes à l'honnêteté douteuse, des profiteurs à surveiller de près. Cette inversion des valeurs a d'ailleurs frappé l'opinion, chacun connaissant dans ses proches au moins un jeune condamné aux emplois précaires ou un préretraité.

Cette affaire calamiteuse des « recalculés » illustre la paralysie d'un système, qui élimine et sanctionne mais n'ouvre que bien peu de perspectives, faute d'une stratégie économique forte. Votre politique se limite à des exonérations fiscales qui ne génèrent qu'un surcroît d'épargne improductive, et vous oubliez toute solidarité.

Ce n'est pas la première fois que l'UNEDIC se trouve en déficit et que l'Etat doit faire face à ses responsabilités en dernier ressort. La mesure proposée par M. Borloo ne mènera pas bien loin : si elle a permis au gouvernement de se tirer d'affaire, elle ne règle pas la situation de l'UNEDIC. Et si l'Etat doit se comporter en garant de la solidarité nationale, il n'a pas à se substituer aux partenaires sociaux dans la gestion du régime. Il importe surtout qu'on mette à profit cette occasion pour engager la concertation entre l'UNEDIC, les associations de chômeurs et l'Etat, afin d'éviter la réédition d'un bricolage aussi préjudiciable. Il faut aussi apurer le passif et instaurer un système durable, compréhensible par tous et juste. Cela passe notamment par la taxation des entreprises qui licencient à tout-va ou abusent des contrats précaires : cette mesure serait un des moyens d'« enrichir la croissance en emplois », selon la formule consacrée !

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - On a encore une fois opposé l'article 40 à deux de nos amendements ! L'un visait à réparer le préjudice subi par les « recalculés », un autre à prendre acte du souhait exprimé par le ministre de la culture de voir renégociés le protocole d'accord du 26 juin 2003 et ses annexes, afin de restaurer le régime précédent à titre conservatoire. Ces amendements ne faisant que préciser ce qu'a déjà décidé le gouvernement, je m'étonne qu'on les écarte ainsi de la discussion. Maudit article 40 !

M. le Président - M. Méhaignerie, consulté par le secrétariat de la commission, a jugé que l'article 40 de la Constitution, la loi organique relative aux lois de finances et le III de l'article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale lui semblaient être opposables aux amendements 28 et 29 - mais non au 30.

M. Maxime Gremetz - Lui semblaient !

M. le Président - Les termes sont de moi. J'aurais dû dire « sont» !

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, ce matin, mardi 22 juin à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 15.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 22 JUIN 2004

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions orales sans débat.

2. Fixation de l'ordre du jour.

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 1613) relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

Rapport (n° 1659) de M. Jean-Claude LENOIR, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (n° 1668) de M. Bernard CARAYON, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


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