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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 108ème jour de séance, 266ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 22 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

SOUHAIT DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CANDIDATURE DE LA TURQUIE
À L'ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE 2

IVG 3

CONSTITUTION EUROPÉENNE 3

ASSURANCE MALADIE 4

ADOPTION 5

BAISSE DES PRIX DANS LA GRANDE DISTRIBUTION 5

ACCORD ENTRE DISTRIBUTEURS ET PRODUCTEURS 6

CRÉDITS DE LA RECHERCHE 7

MARINS-POMPIERS DE MARSEILLE 8

PRIX DU DISQUE 8

ANNULATION DE DÉLIBÉRATIONS
DANS LA RÉGION LANGUEDOC-ROUSSILLON 9

SÉCURITÉ MARITIME 9

RAPPELS AU RÈGLEMENT 10

SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ
ET DU GAZ (suite) 12

FIN D'UNE MISSION TEMPORAIRE 29

La séance est ouverte à quinze heures.

SOUHAIT DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par M. Mohamed Charfeddine Guellouz, président du groupe d'amitié Tunisie-France de la chambre des députés de Tunisie (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement

CANDIDATURE DE LA TURQUIE
À L'ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE

M. Pierre Albertini - Le Conseil européen a pris le 18 juin une décision importante concernant la future Constitution européenne, laquelle devra être ratifiée soit par voie parlementaire, soit, ce que préférerions, par voie référendaire.

Le même jour, l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne a franchi un pas de plus. Sur cette question, chacun se forge une opinion en conscience : adhésion, partenariat ? Mais au-delà, quel est précisément le point de vue de la France ?

Le parti socialiste entretient un certain flou, mais l'UMP et l'UDF ont pris une position très claire, refusant l'adhésion de la Turquie au nom de la géographie, de l'histoire, de notre conception de la famille ou du statut de la femme.

Nous avons néanmoins l'impression que la candidature de la Turquie, inexorablement, avance chaque mois un peu plus. Ce n'est pas ainsi que l'on rendra l'Europe plus démocratique et que l'on luttera contre l'abstention (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe UMP).

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes - La question de l'adhésion de la Turquie n'a pas fait l'objet de discussions de fond lors du dernier Conseil européen, essentiellement consacré à la Constitution européenne.

Il appartiendra au Conseil européen de décider en décembre 2004, sur la base d'un rapport et de recommandations de la Commission, si la Turquie satisfait ou non aux critères politiques de Copenhague, et si peuvent ou non commencer les négociations en vue de l'adhésion.

A ce stade, le Conseil européen a salué les efforts constants et soutenus des autorités turques, tout en soulignant la nécessité de les intensifier, afin de « garantir que des progrès décisifs soient réalisés dans la mise en _uvre intégrale, en temps voulu, des réformes, à tous les niveaux de l'administration et dans l'ensemble du pays. »

Nous attendons de la Commission qu'elle tienne compte de tous ces éléments dans le rapport qu'elle présentera à l'automne, et qui évaluera le respect des critères dans les textes de loi et dans la vie quotidienne. Je rappelle qu'elle présentera également une étude d'impact de l'adhésion.

En décembre prochain, le Conseil européen ne discutera que de l'éventualité de l'ouverture des négociations. En tout état de cause, cette adhésion n'est ni pour demain, ni pour après-demain (Applaudissements divers). Nous sommes, quant à nous, soucieux de maintenir le dialogue et de le développer, car beaucoup d'avancées ont déjà eu lieu.

IVG

Mme Muguette Jacquaint - Le droit à l'IVG est menacé . Depuis de nombreux mois, les associations se mobilisent pour dénoncer la non-application de la loi de 2001 : réticences pour accueillir les mineures sans autorisation parentale, refus de pratiquer l'IVG au-delà de dix semaines de grossesse, délais d'attente de plusieurs semaines pour une première consultation, non application de l'IVG médicamenteuse, impossibilité de trouver un centre hospitalier ou une clinique privée pour pratiquer cet acte considéré comme peu rentable. Telle est la situation infligée aux femmes ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Le 14 juin, sous la pression du Planning familial, vous vous êtes engagé, Monsieur le ministre, à revaloriser le prix de l'acte et à prendre rapidement des dispositions pour que l'IVG médicamenteuse soit appliquée. Mais qu'en sera-t-il sans un accès direct à des structures médicales en nombre suffisant dotées des moyens appropriés, et sans une réelle volonté politique de reconnaître l'IVG comme un acte médical à part entière ? Ne cherchez-vous pas insidieusement à remettre en cause ce droit fondamental ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Allez-vous vous engager précisément quant aux objectifs et aux moyens à mettre en _uvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - La loi du 4 juillet 2001 modifie la loi Veil sur deux points : la durée durant laquelle il est possible de pratiquer une IVG a été portée de dix à douze semaines ; il est désormais possible à un médecin généraliste ou à un gynécologue de pratiquer une IVG médicamenteuse en soins ambulatoires.

Quant au décret remplaçant le décret de mai 2002, que le Conseil d'Etat a annulé, je l'ai signé le 16 juin dernier, et il paraîtra au Journal officiel dans les tout prochains jours.

D'autre part, pour ce qui est de l'IVG médicamenteuse, un tarif a été proposé, sur lequel la CNAM se prononcera d'ici au 1er juillet.

Si nul ici ne souhaite revenir sur la législation concernant l'IVG (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), vous conviendrez avec moi que, pour une femme, toute IVG est un drame (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. Robert Lecou - Ma question s'adresse au Premier ministre. A peine achevée la terrible Seconde guerre mondiale, des hommes de bonne volonté, à l'esprit visionnaire, ont enclenché la construction européenne. Il aura fallu moins de cinquante ans pour aboutir, un 18 juin, date ô combien symbolique, à l'adoption par le Conseil européen de la première Constitution de l'Union européenne. Cet événement historique, voulu par les pères fondateurs, marquera la naissance d'une Europe unie. Les négociations qui ont permis d'aboutir au texte ont été intenses et longues, mais que représentent cinquante ans à l'échelle de nations millénaires qui se sont si souvent affrontées au cours des siècles ?

L'Europe aura désormais un Président du Conseil de l'Union européenne, élu par ses pairs ; les compétences du Parlement européen seront élargies ; un ministre des affaires étrangères parlera d'une seule voix au nom de l'Union ; la Charte des droits fondamentaux sera intégrée dans la Constitution. Nous pouvons être fiers que la France, sous l'impulsion du Président de la République et de votre Gouvernement, ait joué un rôle déterminant dans ce succès (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Nous pouvons être fiers également du travail accompli par la Convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing. Il reste certes du chemin à parcourir, mais un grand pas a incontestablement été franchi.

Comment le Gouvernement entend-il s'appuyer sur cet accord fondamental pour faire avancer la construction européenne, faire progresser les chances de la France en Europe et rapprocher l'Europe des citoyens - une Europe respectueuse des particularismes et des cultures qui font sa richesse, une Europe qui garantira mieux la sécurité, l'emploi et le progrès dans le monde ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Ce projet de Constitution européenne représente tout d'abord un progrès institutionnel. Depuis très longtemps, s'affrontent en effet deux conceptions de l'Europe. Certains pays de l'Union souhaitent que celle-ci soit une zone de libre-échange ultra-libérale, quand d'autres défendent un projet de fédéralisme intégral, refusé par beaucoup d'Etats-membres. Ce traité constitutionnel ouvre une voie raisonnable et responsable (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste), celle d'une union d'Etats-nations, fondée sur le principe d'une double légitimité, avec l'exigence d'une majorité de 55 % des Etats et de 65 % de la population pour qu'une décision soit adoptée. Les Etats seront respectés, les peuples seront écoutés.

Ce traité fera également gagner en efficacité. Comment une Union à 25 aurait-elle pu être dirigée par une présidence tournant tous les six mois ? La présidence et l'ensemble des institutions seront stabilisés.

Ce traité représente enfin un progrès sur le plan démocratique. Ainsi votre pouvoir, celui de l'Assemblée nationale, sera renforcé (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste). C'est en effet à vous, comme à tous les Parlements nationaux, qu'incombera le contrôle de la subsidiarité.

Certes, il y a encore des progrès à faire, mais ceux-ci seront facilités par les clauses-passerelles qui permettront d'avancer, notamment en matière fiscale et sociale. Nous regrettons que les propositions de la France en matière sociale n'aient pas reçu le soutien de tous les gouvernements socio-démocrates. Nous avons toutefois obtenu une victoire importante, avec l'organisation régulière d'un sommet social européen tripartite. Ainsi les partenaires sociaux pourront-ils, avec la Commission et le Conseil, participer à la stratégie sociale de l'Union.

Le Président de la République a eu raison de parler d'accord historique, lequel avait d'ailleurs choisi sa date, en ce 18 juin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ASSURANCE MALADIE

M. Michel Vergnier - C'est avec consternation que la Fédération hospitalière de France et l'Association des paralysés de France ont appris le gel des crédits qui permettaient à la CNAM d'accorder des prêts sans intérêt à hauteur de 14 % de la dépense totale pour la rénovation des établissements d'accueil de personnes âgées et de 40 % pour celle des établissements d'accueil de personnes handicapées. Mesure justifiée, dites-vous, par la réforme de l'assurance-maladie, la création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et la deuxième étape de la décentralisation. Ce désengagement de la CNAM, s'il se confirmait, laisserait craindre le pire puisque 20 % des structures d'accueil pour personnes âgées ne répondent pas actuellement aux normes. Comment allons-nous pouvoir accueillir des personnes âgées de plus en plus nombreuses et des adultes handicapés en attente de place depuis des années si les établissements ne sont plus aidés ? Ces crédits doivent donc impérativement être rétablis.

D'un côté, il y a les discours, de l'autre les actes. Ce gouvernement, on le sait, a pris la détestable habitude de se défausser sur « les autres », en l'espèce le précédent gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Nos concitoyens vous ont clairement signifié par les urnes qu'ils ne vous croyaient plus. Ils demandent des réponses précises, et c'est à vous, qui êtes aux responsabilités, qu'ils les demandent. Quelle est donc votre réponse, Monsieur le ministre de la santé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Pour pouvoir payer des hôpitaux et des maisons de retraite médicalisées, la meilleure solution est assurément de conduire la réforme de l'assurance maladie, que vous auriez dû engager, ce que vous n'avez pas fait (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Continuer sur la pente de 2002 avec une augmentation de 7,2 % des dépenses d'assurance maladie aurait été le meilleur moyen de se priver des moyens nécessaires.

Nous avons, pour notre part, établi un plan très précis pour les hôpitaux universitaires, les hôpitaux généraux, les hôpitaux de proximité et, ce que vous n'avez pas fait, pour les hôpitaux locaux.

Plusieurs députés socialistes - Ce n'est pas la question !

M. le Ministre de la santé- Nous avons ainsi créé 755 lits de soins de suite et de réadaptation pour faire face à l'allongement de l'espérance de vie. Nous aurions aimé que vous le fassiez avant. Vous ne l'avez pas fait. Ne nous en veuillez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ADOPTION

M. Yves Nicolin - Monsieur le Premier ministre, au moment où certains voudraient ouvrir l'adoption aux couples homosexuels, plusieurs dizaines de milliers de couples hétérosexuels sont en attente d'adoption depuis plusieurs années. En me confiant il y a quelques mois la présidence du Conseil supérieur de l'adoption, vous avez souhaité que l'adoption constitue l'un des fondements de la politique familiale de notre pays. Je sais les dégâts psychologiques que cause l'abandon, pour être moi-même père de trois jeunes enfants adoptés en Russie.

Un député socialiste - Pauvres enfants ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Il y a des choses qu'il vaudrait mieux ne pas entendre ! La polémique a tout de même des limites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Yves Nicolin - Dans notre pays, chaque année, près de onze mille couples font une demande d'agrément en vue d'adopter. Chaque année, sept mille agréments sont délivrés, mais seulement quatre mille enfants - dont trois mille en provenance de l'étranger - sont adoptés. Votre souhait de développer l'adoption nécessite un engagement fort des pouvoirs publics. Je vous ai donc remis il y a quelques semaines quinze propositions visant à dynamiser l'adoption, parmi lesquelles la création d'une agence nationale. Comment le Gouvernement souhaite-t-il s'impliquer sur ce magnifique sujet qu'est l'adoption, et comment compte-t-il en faire un axe fort de la politique familiale de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance - Dès le début de l'année, constatant que 23 000 couples sont en attente d'adoption, le Premier ministre a manifesté son souci de relancer l'adoption, et je vous remercie, Monsieur Nicolin, de la qualité de vos réflexions et de vos propositions.

Quatre pistes ont été retenues. La première est le soutien matériel aux parents adoptants. La PAJE permettait déjà d'harmoniser le soutien aux familles naturelles et aux familles adoptantes. La prime aux parents adoptants va quant à elle doubler : elle passera à 1600 €.

Nous allons aussi chercher, en étroite concertation avec les départements, à faire remonter les bonnes pratiques pour homogénéiser et améliorer le soutien aux parents adoptants.

Troisième axe : la refonte du dispositif de l'adoption internationale. Nous allons renforcer les organismes agréés pour l'adoption et, surtout, créer une agence nationale de l'adoption afin de mieux accompagner les candidats dans leurs démarches.

Enfin, nous allons améliorer le soutien apporté sur place aux parents en nommant un référent dans chaque consulat, en formant à cet effet les agents consulaires et en adossant le dispositif au Conseil supérieur des Français à l'étranger.

Comme vous le voyez, le Gouvernement s'apprête à une réforme d'envergure de l'adoption, qui sera personnellement suivie par le Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

BAISSE DES PRIX DANS LA GRANDE DISTRIBUTION

M. Jacques Bobe - Monsieur le ministre de l'économie, vous venez de conclure un accord permettant une baisse des prix - au moins 2 % - de plusieurs milliers d'articles. Tous les acteurs économiques de la grande distribution, de l' industrie et de l' agriculture ont signé cet engagement du 17 juin, qui constitue une excellente mesure pour les consommateurs. Toutefois, ce premier pas ne résout pas complètement le problème des marges arrières, si préjudiciables au petit commerce, aux PME et au monde agricole.

Que pensez-vous de la proposition faite par MM. Charié et Raison, au sein du groupe de travail animé par Luc Chatel, de réduire de 30 % les marges arrière, ce qui augmenterait d'autant la compétitivité des produits et des marques des PME et du petit commerce ? Ce dernier, déjà confronté à des difficultés, doit bénéficier, lui aussi, de l'accroissement attendu de consommation. Pouvez-vous donc nous dire quelles seront les conséquences de l'accord pour le petit commerce ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Cet accord est une chance car, pour une fois, en France, on essaie d'avancer ensemble sans désigner des adversaires. Cela faisait des années que ceux qui étaient autour de la table ne se parlaient pas, tandis que les prix augmentaient, que les petits commerces de centre ville disparaissaient et que les producteurs agricoles se sentaient menacés. Je ne vois pas ce que nous aurions eu à gagner à ce que chacun reste sur ses positions.

Il a premièrement été reconnu par tous les acteurs que les prix agricoles devaient être définis selon des règles qui ne peuvent pas être simplement celles de la concurrence. C'est écrit noir sur blanc, et c'est la raison pour laquelle la FNSEA et le CNJA ont signé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Deuxièmement, nous avons proposé un plan sans précédent pour le petit commerce de proximité, dans les centres villes comme à la campagne, qui se traduit par 42 % d'augmentation des dotations du FISAC et par des exonérations fiscales pour la vente de fonds de commerce. C'était une demande formulée depuis des années, nous y avons fait droit.

Troisièmement, les prix pour les consommateurs vont baisser de 2 % au 1er septembre et de 1 % au 1er janvier. Nous allons ainsi rendre aux consommateurs l'équivalent d'une année d'inflation.

Enfin, il y aura de la place supplémentaire dans les linéaires pour les PME et les PMI. En effet, je ne me satisfais pas de voir le « hard discount » gagner des parts de marché en France, alors que ce type de commerce ne crée pas d'emplois et ne se soucie ni des filières de qualité agricole ni de la présence ou non dans les linéaires de produits de PME françaises.

La commission Canivet fera des propositions en novembre et nous retiendrons les propositions du groupe de Luc Chatel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

ACCORD ENTRE DISTRIBUTEURS ET PRODUCTEURS

M. Eric Besson - Permettez-moi tout d'abord, Monsieur le Président, de déplorer la désinvolture du ministre de la santé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et de constater qu'une fois encore il n'a pas répondu à la question de M. Vernier.

Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'économie, a le même objet que la précédente, mais n'aura probablement pas la même tonalité. Pouvez-vous nous expliquer, Monsieur le ministre, ce que vous avez exactement voulu faire concernant les relations entre producteurs et distributeurs ? Vous disiez vouloir faire baisser les prix et affichiez un objectif de baisse de 5 %, pour compenser des hausse que vous estimiez vous-même entre 13 et 22 % : vous paraissez aujourd'hui vous satisfaire d'une baisse de 2 % de certains produits, dont la réalité n'est d'ailleurs pas assurée. Vous disiez vouloir rendre du pouvoir d'achat aux Français, et citiez une perte de pouvoir d'achat de 0,5 % pour 2003 : aujourd'hui vous annoncez un gain potentiel de 0,2 %, chiffre peu crédible et dont on ne sait comment vous l'avez calculé. Vous comprendrez qu'on s'interroge sur l'écart entre la communication qui a entouré votre initiative et ses résultats concrets.

Il y a plus grave. La vraie question est celle des marges arrière imposées par les distributeurs aux producteurs. Vous avez visiblement renoncé à toute ambition en la matière, et annoncez des objectifs de réduction dérisoires pour 2005. Il est vrai par ailleurs que le pouvoir d'achat des Français, notamment les plus modestes, diminue du fait des décisions de votre gouvernement. Mais là vous disposez d'outils. Ainsi, pourquoi refusez-vous de recourir à la TIPP flottante pour compenser la hausse du prix de l'essence ?

La grande distribution parle d'un excellent accord. L'UFC-« Que choisir » y voit un pied-de-nez pour les consommateurs. A votre avis, Monsieur le Ministre, qui a raison ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je ne doute pas, Monsieur Besson, de votre honnêteté intellectuelle. Alors pourquoi ne citer que la réaction d'une association de consommateurs...

M. Jean-Pierre Brard - Qui n'est pas n'importe laquelle.

M. le Ministre d'Etat - ...par ailleurs minoritaire, sans mentionner l'autre association, qui a signé l'accord ? Si vous voulez que vos critiques soient crédibles, vous devez donner toutes les informations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Vous connaissez bien les questions économiques. Qu'avons-nous essayé de faire ? De nous extraire de discussions macro-économiques dont nul ne comprend l'utilité, pour définir une politique économique du quotidien. Aujourd'hui 65 % des Français font leurs courses dans des supermarchés ou des hypermarchés. Que le Gouvernement se préoccupe des prix dans ces lieux, c'est un acte du quotidien. Vous avez le droit de dire que 3 % de baisse sont insuffisants. Mais je pense au proverbe : « quand je m'ausculte, je m'inquiète ; quand je me compare je me rassure »... Si nos 3 % sont insuffisants, pouvez-vous nous rappeler ce qu'a obtenu le gouvernement de Lionel Jospin ? Rien ! Mieux, les prix ont augmenté entre 12 et 15 %. Vous l'avez dit, mais vous avez oublié de préciser qu'ils ont augmenté à partir de 1997 ! Qui était au pouvoir entre 1997 et 2002 ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Pourquoi tant de violence, sinon peut-être parce que vous n'avez rien fait ? (Mêmes mouvements)

CRÉDITS DE LA RECHERCHE

M. Christian Ménard - Avant tout, Monsieur le Président, je m'élève contre les propos incorrects tenus par un élu socialiste lors de la question de M. Nicolin, au sujet des enfants adoptés (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - J'ai dit ce qu'il fallait dire ; poursuivons.

M. Christian Ménard - Monsieur le ministre d'Etat, lors de votre déplacement à Crolles et à Grenoble, vous avez souligné l'importance de la recherche et de l'exploitation économique de ses résultats. Vous avez proposé des mesures pour encourager le développement de projets industriels axés sur l'innovation et sur la coopération entre plusieurs entreprises et des centres de recherche et de formation sur un territoire donné. Vous avez également affirmé que les engagements pris par l'Etat en matière de financement de la recherche seraient tenus à l'euro près. Déjà, M. Fillon et M. d'Aubert ont annoncé pour 2004 la création de centaines de postes supplémentaires de chercheurs, d'ingénieurs et de techniciens, ainsi que de mille nouveaux emplois dans les universités, ce qui permettra de dénouer la crise de la recherche.

Or, devant l'absence de marges de man_uvre budgétaires, vous avez affirmé il y a quelque temps que l'objectif était une croissance zéro pour l'ensemble des dépenses de l'Etat. Allez-vous pouvoir tenir vos promesses ? Quelle sera la place de la recherche dans l'élaboration du prochain budget ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Il n'y a pas de fatalité à la croissance molle, ni aux délocalisations, ni au retard technologique de la France. Après François Fillon et François d'Aubert, je veux rendre hommage au député Christian Blanc (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF), qui a remis au Premier ministre, il y a un mois et demi, un rapport remarquable sur les pôles de compétitivité. Je me suis rendu à Crolles, où l'alliance des collectivités territoriales - mairie de Grenoble, conseil régional, conseil général de l'Isère -, au-delà des clivages partisans, a produit un résultat remarquable. Nous voulons développer en France des pôles de compétitivité, et le Premier ministre a souhaité un appel national en vue de créer quatre ou cinq pôles de la dimension technologique de Crolles, pour que la France soit en avance.

M. Pascal Clément - Venez dans la Loire !

M. le Ministre d'Etat - Le Premier ministre souhaite créer une dizaine de pôles de compétitivité régionaux, pas nécessairement dans la haute technologie mais aussi dans l'univers industriel traditionnel. Il y va de nos emplois de demain. Alors, oui, les engagements qu'a pris le Premier ministre pour la recherche seront tenus à l'euro près. Car une société qui n'invente plus est une société en déclin : nous voulons le contraire pour la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MARINS-POMPIERS DE MARSEILLE

M. Guy Teissier - Madame la ministre de la défense, lors de l'examen au Sénat, la semaine dernière, du projet de loi de modernisation de la sécurité civile, un amendement du Gouvernement a été adopté. Il permet aux marins-pompiers de Marseille de bénéficier d'un avantage retraite qu'avaient déjà les sapeurs-pompiers de Paris, et met donc fin à une injustice. Tout en vous remerciant, Madame la ministre, au nom de ces soldats du feu, j'aimerais que vous nous précisiez les conditions d'application de cet amendement (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Le vote de cet amendement répond à une demande des marins pompiers de Marseille, récurrente depuis 1967. Vous l'avez vous-même appuyée à plusieurs reprises. Dès ma prise de fonctions, je m'étais engagée à lui donner suite. La brigade des marins pompiers de Marseille étant exposée aux mêmes risques que celle des sapeurs-pompiers de Paris, il était anormal que persiste un traitement différent.

Les marins-pompiers de Marseille bénéficieront donc, comme leurs homologues parisiens, d'un supplément de retraite équivalant à 0,5 % de la solde de base par année effectuée, sous réserve des conditions d'ancienneté. Les bénéficiaires seront les personnels en activité à la date de parution du décret. Quant aux modalités pratiques, elles figureront dans le décret, actuellement en préparation au niveau interministériel et qui sortira dès que la loi sera votée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PRIX DU DISQUE

M. Patrick Bloche - Monsieur le Premier ministre, alors que la fête de la musique vient de confirmer son succès, nos concitoyens ont entendu des déclarations contradictoires sur le prix du disque et de la musique en général.

Il y a quelques jours, le ministre de la culture appelait à une mobilisation générale contre le piratage, citant à deux reprises le ministre de l'industrie. Or, celui-ci, pas plus tard qu'hier, déclarait que le prix des CD alimentait le piratage. M. Devedjian a qualifié de « combat d'arrière-garde » la promesse électorale non tenue - une de plus - d'abaisser la TVA sur le prix des disques.

Cette déclaration est d'autant plus surprenante qu'un des principaux opérateurs du secteur vient d'installer sa plate-forme de téléchargement à Luxembourg, où les taxes sont les plus basses. Il semble qu'en joueurs de bonneteau expérimentés, nos deux ministres se soient réparti les rôles pour, au final, enterrer une promesse électorale.

Quand on parle de pianos et de batteries, le Premier ministre pense davantage à la restauration qu'à la musique ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Quand allez-vous enfin réduire la TVA sur la musique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Il n'est pas question de renoncer à baisser la TVA sur le disque (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.). Le Gouvernement, dès septembre 2002, a saisi la Commission européenne de ce dossier. Nous avons ensuite déposé un mémorandum, qu'en mai 2003 nous avons assorti d'une étude économique.

J'observe que vous êtes bien exigeant, après avoir soutenu un gouvernement qui n'a rien fait dans ce domaine (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

L'industrie du disque est en crise, à cause du piratage qu'il faut combattre, mais aussi en raison de l'apparition de nouveaux supports comme le DVD et de la musique en ligne. Monsieur Bloche, au lieu de se focaliser sur le prix du CD, il faut investir le champ des nouvelles technologies. C'est ce que fait le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ANNULATION DE DÉLIBÉRATIONS
DANS LA RÉGION LANGUEDOC-ROUSSILLON

M. François Calvet - J'associe à ma question mes collègues Arlette Franco, Daniel Mach, Jacques Domergue et Pierre Morel-à-l'Huissier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Le nouveau président de la région Languedoc-Roussillon, M. Georges Frêche, a fait adopter par son assemblée régionale l'annulation de l'ensemble des délibérations prises par son prédécesseur au cours des trois dernières commissions permanentes. Or, il s'agit d'attributions de subventions, sur des chapitres budgétaires ouverts dans le cadre de l'exercice 2004, au profit d'associations culturelles et sportives et de collectivités locales qui les ont déjà inscrites dans leur budget primitif.

Les votes avaient fait l'objet d'une notification aux associations et collectivités bénéficiaires. Suite à la décision du nouveau président de région, 1 500 communes et 2 000 associations se trouvent fragilisées. Elles sont dans l'impossibilité de poursuivre leur action, alors même que des travaux sont déjà engagés. Celles qui ont bénéficié d'un arrêté d'attribution peuvent-elles se considérer en situation créatrice de droits ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour faire respecter l'Etat de droit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Je vous prie d'excuser l'absence de Dominique de Villepin, en déplacement dans l'Essonne.

C'est à bon droit que le représentant de l'Etat dans la région Languedoc-Roussillon a soumis cet acte au contrôle de légalité du tribunal administratif. Il était inédit, dans l'histoire de la Ve République, qu'un président de région annule 180 délibérations de son prédécesseur (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP). Je n'imagine pas qu'une seule personne ici approuve une telle décision, d'autant plus que s'y est ajoutée une délibération par laquelle le président rebaptisait la région Languedoc-Roussillon du nom de « Septimanie ». Nous avons des responsabilités à assumer, même s'il semble de bon ton, dans certaines collectivités de gauche, de ne pas respecter les règles nationales qui doivent s'appliquer à tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

SÉCURITÉ MARITIME

M. Jean-Pierre Decool - Monsieur le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, ces dernières années ont été marquées par des catastrophes maritimes qui ont pollué notre littoral. Je veux insister notamment sur le cas du Tricolor, échoué en mer du Nord le 14 décembre 2002. Dans un détroit au trafic intense - plus de 700 bateaux quotidiens, auxquels s'ajoutent les ferries assurant la liaison avec l'Angleterre -, cette épave a été heurtée par des pétroliers, et le littoral nordiste, en particulier les plages de Bray Dunes, Zuydcoote et Ghyvelde, a été souillé.

Par ailleurs, chaque jour des voyous des mers pratiquent des dégazages sauvages aux abords de nos côtes et ne respectent pas la réglementation, polluant ainsi notre littoral. Nous avons tous à l'esprit ces images désolantes de galettes de pétrole sur nos plages et d'oiseaux mazoutés soignés par des bénévoles.

Certes, des mesures spécifiques sont prises après chaque accident maritime. Mais je souhaite savoir ce qui est fait concrètement pour assurer la sécurité maritime et pour permettre aux touristes de trouver cet été un littoral attirant et propre.

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - En tant qu'élu d'un département côtier, vous êtes révolté, comme nous le sommes tous, par la pollution de nos côtes et de nos mers. Certes, il existera toujours des fortunes de mer, mais ce qui est en cause, ce sont des actes et des comportements délibérés et irresponsables que traduisent les déballastages, c'est-à-dire le rejet volontaire d'hydrocarbures à la mer, et le non-respect de la réglementation qui fait courir des risques aux équipages et aux côtes.

La prise de conscience de la nécessité d'une action énergique a tardé, en France comme en Europe, à tel point que nous avons été ce matin condamnés par la Cour de justice européenne au motif que nous n'avons pas respecté l'obligation de contrôler un quart des navires dans les ports français. C'était au cours des exercices 1999 et 2000... (Ah ! sur les bancs du groupe UMP)

Depuis lors, à l'initiative de MM. de Robien et Bussereau, la situation a radicalement changé : nous avons largement dépassé nos obligations en 2003 et nous prenons l'engagement de faire de même en 2004.

S'agissant de la lutte contre le déballastage, à la demande du Président de la République, dès juillet 2002, le Premier ministre a pris des initiatives qui ont porté leurs fruits. Ainsi, l'an dernier, 14 navires ont été déroutés, dont plusieurs par les autorités maritimes françaises, et plusieurs condamnations ont été prononcées.

La France est désormais le pays le mieux disant en matière de sécurité maritime dans les négociations internationales comme au sein de l'Union européenne (M. Gremetz s'exclame). Nous continuerons à demander une réglementation draconienne pour une sécurité maximale. L'heure n'est plus aux discours mais aux actes et aux résultats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Baroin.

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. François Brottes - Rappel au Règlement, relatif au déroulement de nos travaux et aux conditions de nos délibérations !

Je ne veux pas dénoncer le morcellement de ce débat, même si nous avons dû renoncer à délibérer comme prévu hier soir, mais aborder une question encore plus sérieuse : nous avons pris connaissance d'une communication d'un commissaire européen, Mme de Palacio, où - est-ce dû à l'amertume suscitée par l'échec de M. Aznar ? - la modification du statut d'EDF est qualifiée d'indispensable au prétexte que l'entreprise doit pouvoir déposer son bilan ! Curieuse façon d'appréhender l'avenir des entreprises publiques !

Dans cette déclaration, Mme de Palacio se livre en outre à une attaque en règle contre l'entreprise intégrée et insiste pour que le réseau cesse d'appartenir à celle-ci.

Nous nous demandons ce qui autorise cette ingérence. M. Monti, qui tenait au reste de tout autres propos, aurait-il été dessaisi des questions de concurrence ? Nous souhaitons une suspension de séance afin de vérifier cette hypothèse.

M. le Président - Ecoutons d'abord ce que M. Paul souhaite nous dire.

M. Daniel Paul - Depuis hier, une information diffusée par la CGT, premier syndicat d'EDF-GDF, et, depuis aujourd'hui également par Mme de Palacio, laisse entendre que ce qui serait en jeu dans nos débats serait la garantie illimitée que l'Etat accorde à EDF et à GDF.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques - Nous n'avons jamais dit autre chose !

M. Daniel Paul - Ces entreprises bénéficieraient ainsi d'un avantage notable lorsqu'il s'agirait pour elles d'emprunter et elles seraient préservées de la faillite... Mais quel Etat laisserait sombrer son opérateur dans le secteur de l'électricité ? Les Anglais, chantres du libéralisme, n'ont-ils pas obtenu, lorsqu'une telle catastrophe menaçait, de pouvoir injecter des sommes considérables dans le leur ?

Répondant à la commission d'enquête parlementaire sur les entreprises publiques, M. Monti avait suggéré qu'on pouvait tourner la difficulté que représente cette garantie illimitée en demandant aux entreprises publiques de la rémunérer. C'est d'ailleurs ainsi que procéderaient les Länder allemands.

Par votre volonté, nous sommes engagés dans un processus qui va mettre à mal deux fleurons de notre industrie, alors que d'autres réponses sont possibles.

Depuis des jours, les députés communistes n'ont de cesse de dénoncer les risques que nous prendrions alors que les enjeux énergétiques méritent plus de précautions. Des craintes identiques viennent de toutes parts.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Ce n'est pas un rappel au Règlement.

M. Daniel Paul - C'est donc avec solennité que nous vous demandons de suspendre nos travaux et de faire examiner sur le fond cette modification du dispositif de garantie illimitée.

Quel gâchis si, après avoir changé le statut d'EDF-GDF, nous savions qu'il aurait suffi de faire autrement pour sauvegarder ces deux entreprises !

M. le Ministre délégué - La discussion générale est terminée !

M. Daniel Paul - Nous présenterons un amendement qui vise à interroger la Cour de justice européenne. Mais dès à présent, nous en appelons à la sagesse afin de répondre aux inquiétudes et aux attentes des salariés et des responsables économiques.

M. le Président - Le rappel au Règlement concerne la procédure en cours. En vertu de l'alinéa 2 de l'article 58 du Règlement, Monsieur Paul, j'aurais pu vous interrompre dès lors que votre intervention tendait à remettre en question l'ordre du jour fixé. Je ne l'ai pas fait par souci d'élégance mais je tiens à ce que l'Assemblée soit pleinement informée.

M. le Ministre délégué - Mme de Palacio est commissaire à l'énergie. En intervenant, elle n'est donc pas sortie du champ de ses compétences. De plus, comme M. Monti, elle parle au nom de la Commission. Enfin, Mme Palacio a rappelé les décisions prises par la Commission le 16 décembre 2003, qui précisent que l'impossibilité, pour EDF, d'être soumise à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire et donc de faire faillite équivaut à une garantie générale portant sur l'ensemble des engagements de l'entreprise. Toujours selon la Commission, une telle garantie ne peut faire l'objet d'aucune rémunération selon les règles du marché et constitue une aide d'Etat.

M. Pierre Cohen - Vous vous abritez derrière ces propos ?

M. le Ministre délégué - Il n'est pas question de laisser une grande entreprise française faire faillite. Nous l'avons déjà montré avec Alstom, mais dès lors que l'Etat soutient une entreprise, il y a des contreparties : Alstom sera ainsi obligée de céder un certain nombre d'activités pour un montant déterminé par la Commission.

L'enjeu, c'est l'égalité des concurrents sur le marché européen. Je rappelle d'ailleurs que ce sont les socialistes qui ont commencé à ouvrir le marché de l'électricité à la concurrence. Dès lors, la part d'EDF sur le marché national est condamnée à diminuer et EDF devra conquérir des parts de marché en Europe. Elle l'a d'ailleurs déjà fait (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Daniel Paul - Mal.

M. le Ministre délégué - C'est en raison de votre politique : EDF a dû s'endetter. De plus, le gouvernement italien a refusé que l'entreprise use de son droit de vote légitimement acquis par sa participation à l'ENI, au motif que l'égalité entre concurrents n'était pas effective.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Ce fut aussi le cas en Espagne.

M. le Ministre délégué - En effet.

Nous, nous voulons donner toutes ses chances à EDF sur l'ensemble du marché européen (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 16 heures 50.

SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

M. le Président - Je vais mettre aux voix l'amendement 1620, dont le vote a été reporté vendredi 18, après la demande de vérification du quorum formulée par le président Bocquet. Si cet amendement n'est pas adopté, je mettrai aux voix les amendements identiques 581 à 593 qui avaient fait l'objet d'une discussion commune avec l'amendement 1620.

L'amendement 1620, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements identiques 581 à 593, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul - Permettez-moi de vous rappeler ce que déclarait en substance le commissaire européen Mario Monti devant la commission d'enquête parlementaire sur la gestion des entreprises publiques : l'Etat peut parfaitement octroyer sa garantie à une entreprise publique, ce qui est particulièrement apprécié des banques et permet à ces entreprises d'obtenir des conditions avantageuses ; l'octroi d'une telle garantie ne soulève pas de problème de principe, à condition qu'elle soit rémunérée dans les mêmes conditions qu'une garantie équivalente prise sur le marché. Cette garantie doit donc être limitée dans le temps ou dans son montant.

M. le Ministre délégué - Tout est là.

M. Daniel Paul - Telle est l'approche que nous avons retenue pour juger de la garantie apportée par certains Länder allemands à des banques publiques, concluait M. Monti.

Comme vous le savez, M. Monti n'est pas ma Bible. Pour autant, je souhaiterais qu'en l'espèce, on regarde de plus près les exigences de Bruxelles. Cela vaudrait vraiment la peine et éviterait sans doute l'erreur catastrophique que va constituer le changement de statut d'EDF.

J'en viens à notre amendement 1626 qui vise à insérer avant l'article premier le texte suivant : « l'établissement public à caractère industriel et commercial Électricité de France est la propriété de la nation, inaliénable et indivise. Conformément au premier alinéa de l'article 3 de la Constitution qui dispose que la souveraineté nationale appartient au peuple, un changement de statut d'Électricité de France ne peut être décidé que par la voie du référendum. » Être fidèle aux pères fondateurs qui ont élaboré le statut d'EDF en 1946 exigerait au moins de consulter le peuple sur ce changement de statut.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Également.

M. Jacques Desallangre - Cela s'appelle du psittacisme !

M. François Brottes - Nous pensons nous aussi qu'un référendum serait indispensable avant de prendre une décision aussi grave pour la nation.

Monsieur le ministre, vous qui avez sans doute le nez dans le guidon de l'actualité, permettez-moi de vous faire un rappel historique. A M. Hannoun, alors député de l'Isère, qui l'interrogeait en août 1996 sur la position du gouvernement français lors du sommet européen sur l'énergie, Franck Borotra, alors ministre de l'industrie, répondait que la France, après plusieurs années de discussion, était parvenue à faire admettre la coexistence en Europe de pays dont l'organisation du marché de l'électricité est inspirée par une volonté de libéralisation totale, et de pays qui, à l'image de la France, sont attachés au maintien d'obligations de service public. « Les principes que nous avons fait prévaloir, poursuivait M. Borotra, nous permettront de conserver une programmation à long terme des investissements, placée sous le contrôle de la puissance publique, et de conforter l'option nucléaire. Ils nous permettront également de préserver le c_ur du service public, en maintenant à EDF et aux régies la responsabilité du service des 29 millions consommateurs domestiques dans les même conditions d'égalité de traitement tarifaire. Toutes assurances peuvent à cet égard être données sur le maintien en l'état du monopole de transport et de distribution de l'électricité. L'adoption de la directive entraînera une ouverture du marché maîtrisée et progressive. Le Gouvernement donnera les moyens à EDF d'assurer ses missions de service public et de s'adapter à l'ouverture ménagée du marché, notamment par une adaptation de ses tarifs, qui se traduira par une baisse des prix pour les usagers domestiques comme pour les industriels. Il ne saurait être question, ajoutait enfin M. Borotra, de modifier le statut de EDF ou de ses salariés. EDF est une entreprise publique qui le restera et son personnel conservera le statut des entreprises électriques et gazières. Le caractère intégré de l'entreprise sera préservé, sous la seule réserve que ses différentes activités de production, de transport et de distribution d'électricité fassent l'objet d'une comptabilisation distincte. »

Alors que M. Borotra assurait en 1996 qu'il n'y aurait pas de changement de statut pour EDF, on voit ce qu'il en est aujourd'hui. Alors, comment vous croire quand vous assurez que jamais l'Etat ne descendra en-dessous de 50 % du capital ? Vous ne répondez pas non plus aux inquiétudes exprimées par la commissaire de Palacio qui estime que cette réforme constitue un pas en arrière dans l'indépendance de la gestion du réseau. Pour toutes ces raisons, permettez-nous d'avoir de sérieux doutes sur la volonté du Gouvernement.

M. François-Michel Gonnot - De grands dirigeants du parti socialiste, d'anciens Premiers ministres socialistes ont renié leurs positions sur le sujet. Aussi, avant de pointer les contradictions des autres, feriez-vous mieux d'assumer les vôtres. M. Borotra exprimait en 1996 son point de vue à un moment donné (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Je souhaiterais maintenant revenir sur la question des synergies futures entre EDF et GDF que je n'ai pu aborder complètement jeudi dernier. Il faudrait que le Gouvernement soit aussi clair sur la procédure et le calendrier envisagés qu'il l'a été sur ceux de l'ouverture du capital de EDF. Sa réponse apaiserait bien des inquiétudes.

L'amendement 1626, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Puisque vous vous abritez derrière une directive européenne pour justifier votre projet, permettez-moi de vous citer ce qu'a dit Loïc Favoreu, constitutionnaliste renommé, dans un entretien accordé le 17 juin au Figaro, quotidien peu suspect de porter haut nos couleurs. Commentant la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi sur l'économie numérique, et en particulier le considérant selon lequel une transposition en droit interne de directive communautaire peut être censurée si elle porte atteinte à une disposition expressément contraire à la Constitution, il distingue deux cas de figure : celui où une directive communautaire est en contradiction avec telle ou telle disposition constitutionnelle - dans ce cas, la transposition ne peut être adoptée que si la Constitution est réformée en conséquence - et celui où une directive, sans être contraire à la Constitution, apparaît comme inopportune en France. Il suffirait alors, nous dit M. Favoreu, de réformer la Constitution pour la rendre inapplicable.

Cette position est en cohérence avec la pensée de ce grand juriste qu'est l'actuel président du Conseil constitutionnel, Pierre Mazeaud, qui disait en 1996 : si vous voulez adopter une disposition contraire à la Constitution, réformez d'abord la Constitution.

La conclusion de M. Favoreu, c'est qu'aujourd'hui le Conseil constitutionnel invite le Gouvernement à utiliser cet instrument lorsqu'il veut bloquer quelque chose. C'est pourquoi je vous invite moi-même, à déposer un projet de loi érigeant le principe du service public en norme constitutionnelle. Le Gouvernement n'aurait aucun mal à nous faire voter un tel projet, et nous éviterions ainsi tout conflit avec les instances communautaires.

J'ai défendu l'amendement 1627.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Egalement.

M. François Brottes - Nous ne faisons pas d'obstruction mais des propositions, auxquelles le moins que l'on puisse dire est que vous ne répondez guère. Nous proposons un référendum, une modification de la Constitution, une clarification des positions de la Commission... A tout cela, vous vous contentez de répondre « défavorable ». Dites-nous au moins pourquoi, ou bien faites d'autres propositions.

L'amendement 1627, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès - EDF et GDF étant la propriété de la nation, leur transformation en société anonyme mériterait d'être soumise par référendum à l'approbation de celle-ci. Le Gouvernement refuse cette démarche démocratique, nous en prenons acte, mais nous demandons que l'opinion sache ce que va lui coûter cette spoliation. Car la privatisation qui se prépare constitue bien une spoliation.

En 1946, Marcel Paul voulait que les intérêts privés n'aient pas la possibilité de s'opposer aux intérêts du pays, et c'est pourquoi il a fait le choix de la nationalisation. On peut considérer, depuis lors, qu'EDF et GDF appartiennent à la nation - et non pas à l'Etat, distinction qui a son importance. D'ailleurs, depuis des décennies, l'Etat n'a plus apporté de contribution financière, en capital, à ces deux entreprises. Les investissements très lourds qu'ont par exemple représentés le programme nucléaire ou le réseau des grands transports ont été financés par les tarifs payés par les usagers. Les actifs de ces deux EPIC - par exemple les centrales - appartiennent donc aux usagers.

Pour brader la propriété de la nation, le Gouvernement invoque la légitimité qu'il tire des élections de 2002, mais je n'ai pas le souvenir que quiconque appartenant à l'actuelle majorité ait fait campagne sur le thème du changement de statut. Les usagers ont le droit de connaître l'ampleur de la spoliation dont ils vont être victimes. C'est pourquoi notre amendement 1637 subordonne l'examen du présent projet à l'examen par le Parlement d'une estimation du montant de cette spoliation.

M. le Rapporteur - Nous n'examinons pas une loi de privatisation mais un projet relatif à la forme juridique d'EDF et GDF, dans lesquels l'Etat gardera une participation majoritaire (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Toutes les campagnes visant à faire croire que le Gouvernement s'apprête à privatiser ces deux entreprises sont donc mensongères.

M. le Président de la commission - C'est de la désinformation !

M. le Rapporteur - Par ailleurs, pendant la campagne électorale de 2002, nous n'avons pas abordé la question d'EDF et GDF autrement qu'en rappelant que la décision prise en 1996 imprimait une certaine démarche. Et si nous présentons aujourd'hui ce projet, c'est aussi dans la suite de la décision prise par le gouvernement Jospin les 15 et 16 mars 2002 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

J'ai par contre le souvenir de certaines positions socialistes avant les élections de 2002. Qui a dit par exemple : « Tôt ou tard la réforme de Gaz de France aura lieu, car c'est l'intérêt des salariés et des usagers » ?

M. Pierre Ducout - Gaz de France, c'est un autre problème.

M. le Rapporteur - M. Raffarin ? M. Devedjian ? M. Ollier ? Non, Laurent Fabius, qui a dit aussi : « EDF devra évoluer pour conserver son remarquable dynamisme et affronter la compétition ». Qui a dit : « D'accord pour une certaine ouverture du capital et des participations ou des achats à l'étranger par le biais de filiales d'EDF » ? Lionel Jospin, dans le programme pour l'élection présidentielle de 2002. Qui a dit : « La part résiduelle de l'Etat dans EDF devra être suffisante pour assurer un ancrage incontestable, sans pour autant graver dans le marbre le seuil des 50 % » ? Dominique Strauss-Kahn. Alors, ayez donc le courage d'assumer les propos de vos dirigeants !

Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis. M. Gonnot m'ayant posé une question, je lui indique que le Gouvernement a demandé aux deux présidents des entreprises concernées d'examiner les synergies et les coopérations possibles. Ils me remettront leurs conclusions en septembre. Par ailleurs, le Gouvernement a fait appel à une expertise juridique pour examiner les contraintes liées au droit de la concurrence. Il prendra position à la rentrée sur la base de ces deux analyses.

M. Pierre Cohen - Vous nous répétez sans cesse, Monsieur le rapporteur, le même argumentaire que tout militant UMP a dû recevoir...

M. le Rapporteur - C'est la vérité !

M. Pierre Cohen - Pas tout à fait. Il est vrai qu'un certain nombre de hauts responsables de notre parti ont pris une position qui n'est pas forcément la nôtre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Mais il y a une leçon que vous devriez tirer de tout cela : c'est que le 21 avril, nous, nous l'avons entendu - alors que vous, vous ne donnez pas l'impression d'avoir entendu le message des élections régionales. Et nous assumons entièrement le fait d'avoir modifié notre point de vue sur les services publics.

Pour revenir à l'amendement, Monsieur le rapporteur, vous n'avez pas répondu. Nous ne débattons pas ici de l'ouverture du capital, point sur lequel M. le ministre a été très fort dans la reculade. Mais ce qui compte est le simple fait de transformer les EPIC en sociétés anonymes. L'amendement montre la différence entre dénationalisation et privatisation ; il s'agit bien d'enlever aux Français une entreprise nationale, qui appartient aujourd'hui à tous. Vous-même, Monsieur le ministre, dans le débat sur l'énergie, n'avez-vous pas admis que celle-ci n'était pas un bien comme les autres, en appelant sans cesse à la maîtrise par les citoyens de leur consommation d'énergie ? N'était-ce pas reconnaître un lien direct entre une entreprise nationale et les citoyens, qui s'approprient son devenir ? Devenues sociétés anonymes, nos entreprises énergétiques seront regardées par les citoyens du même _il que toute autre entreprise, sans qu'ils se sentent désormais concernés par le devenir de l'outil qui permet pourtant - chose essentielle pour le pays - de produire et de maîtriser l'énergie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Et le pétrole ?

M. Pierre Cohen - Ce serait une erreur irréparable de casser ce lien entre entreprise et citoyenneté.

M. Daniel Paul - L'usage, Monsieur le rapporteur, est de répondre à celui qui a posé une question et non à quelqu'un d'autre. Il est de notoriété publique que nous n'avons pas approuvé les conclusions de Barcelone.

M. le Rapporteur et M. François-Michel Gonnot - On ne l'a guère entendu à l'époque.

M. Daniel Paul - Il nous avait semblé en effet qu'elles conduisaient à mettre en cause une entreprise publique qui n'est pas une entreprise comme les autres. Chacun s'est accordé pour reconnaître que l'énergie n'était pas une marchandise comme les autres. Vous allez bel et bien spolier le peuple français. Je l'ai rappelé, les sommes que, depuis 1946, l'Etat a octroyé à EDF et GDF sont sans commune mesure avec ce qu'il a ponctionné sur EDF, et qui, rien que pour les dernières années atteint 6 milliards d'euros. Le contrat de plan qui lie EDF et l'Etat prévoit que l'entreprise verse à l'Etat 37,5 % de ses bénéfices. C'est ce qu'on appelle se servir largement
- après quoi on reproche à EDF de manquer de fonds propres !

Ceux qui ont fait EDF et GDF depuis 1946, ce sont les Français. A travers les tarifs qu'ils payaient, ils ont pris en charge la quasi-totalité des dépenses d'investissement des années 1940 et 1950 dans l'hydroélectricité, des années 1960 dans la production électrique à partir d'énergies fossiles, et l'immense effort nucléaire à partir des années 1970. Ce sont les Français, non l'Etat, qui en ont payé la plus grande part ; l'Etat n'a consacré à EDF qu'un milliard de francs par an depuis 1946, ce qui n'est pas cher payé pour avoir une entreprise aussi florissante. C'est pour ces raisons, sans doute, que M. le rapporteur est en difficulté face aux arguments de M. Vaxès, et préfère répondre à d'autres qu'à lui...

M. Pierre Ducout - En 1996, et à nouveau lorsque nous avons transposé la directive de 1996 dans la loi de 2000, M. Borotra s'était prononcé pour qu'EDF reste publique à 100 %. Il est exact qu'à l'époque du gouvernement socialiste nous avons réfléchi à une évolution de Gaz de France, dont le cas diffère de celui d'EDF - même si aujourd'hui nous souhaitons que les deux restent publiques. Un projet industriel avait été envisagé dans le même esprit que pour l'Aérospatiale, incluant la possibilité d'une alliance avec une entreprise publique norvégienne, en vue de conforter GDF dans le cadre de la fourniture de gaz.

Mais, depuis 2002, de nombreux événements ont changé la donne. Nous avons eu des exemples forts de dysfonctionnements du marché, notamment aux Etats-Unis et en Italie. Dans le cadre du groupe d'études parlementaire sur l'énergie, nous sommes allés voir comment cela se passait dans les différents Etats des Etats-Unis - dont certains, notons-le, n'ont pas ouvert leur marché. Le marché n'a pas non plus donné de signes de sa volonté d'investir, que ce soit dans la production ou le transport, en l'absence d'une rentabilité à court terme. A quoi s'ajoute le fait que les scientifiques ont convaincu chacun de la gravité du problème de l'effet de serre, ce qui rend plus lourd que jamais le problème du nucléaire... On pouvait envisager, il y a dix ans, de faire de l'électricité avec des cycles combinés et du gaz, mais depuis est aussi intervenue la hausse de prix du pétrole et du gaz. Les Etats-Unis nous ont d'ailleurs informés qu'ils manquaient de gaz. C'est tout cela qu'il faut avoir en tête aujourd'hui, et c'est pourquoi nous sommes maintenant unanimes au parti socialiste pour nous opposer au changement de statut.

L'amendement parle donc avec raison de spoliation. Vous nous avez dit, Monsieur le ministre, que vous travailliez à établir la valeur d'EDF et GDF. Notre commission aurait dû disposer de ces éléments avant de se prononcer sur le présent projet. Quand on voit l'ampleur des incertitudes qui pèsent sur les éventuels besoins de financement d'EDF, sur la valeur du réseau, sur la soulte pour les retraites et les délais de son éventuel versement - question dont dépend à son tour pour une part celle des besoins de financement -, sans oublier le problème du démantèlement des centrales et les coûts de gestion des déchets, il est inévitable que nous redoutions une spoliation. J'avais posé la même question quand le gouvernement de M. Juppé voulait brader Thomson Multimédias à Daewoo pour un franc symbolique - non sans l'avoir recapitalisée de 11 milliards de francs...

La majorité a d'autre part décidé une commission d'enquête qui avait pour but de dramatiser la situation d'EDF, dans une période difficile au plan mondial. Compte tenu de tous ces éléments, et de l'ignorance où nous sommes quant à la valeur d'EDF, sa transformation en SA crée réellement un risque de spoliation, et nous voterons l'amendement de M. Vaxès.

L'amendement 1637, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès - Notre amendement 1639 pose l'importante question d'une fusion entre EDF et GDF. Dans les deux entreprises, de nombreuses voix plaident pour cette fusion, et leurs arguments ne sont pas négligeables. Elle se défend au niveau commercial, et l'état du marché européen montre l'importance à cet égard d'avoir une offre multi-énergétique. Elle se défend également du point de vue de l'efficacité économique, car la distribution commune permet des économies d'échelle, cependant que la rupture des synergies existantes créera fatalement des coûts supplémentaires. Elle se défend enfin au regard des enjeux à long terme, puisque le procédé de la cogénération lie électriciens et gaziers.

Cette question mérite donc d'être étudiée sérieusement avant toute décision définitive. Sans doute en êtes-vous conscient, Monsieur le ministre, puisque vous nous avez dit en commission, le 2 juin, que les possibilités d'une fusion EDF-GDF seraient étudiées pour septembre. Gouverner, c'est prévoir ; mais c'est aussi ne pas inverser l'ordre des choses. Il serait donc raisonnable d'attendre les résultats de l'étude sur la perspective de fusion avant que n'entre en vigueur le présent texte. Celui-ci va entraîner en effet un démantèlement et une réorganisation sans précédent des entreprises, sur lesquels il sera très difficile de revenir pour organiser une fusion
- alors qu'EDF et GDF ont déjà aujourd'hui des structures communes de distribution.

L'argument développé en commission, selon lequel l'échéance fixée au 1er juillet pour l'ouverture du marché empêcherait tout report du débat, n'est pas recevable : la Cour de justice n'est pas saisie de manière brutale par la Commission.

M. le Président de la commission - Tous ces arguments ont déjà été développés.

M. Michel Vaxès - Puisque vous jugez nécessaire d'étudier la possibilité d'une fusion, on peut penser que la Commission européenne comprendra les raisons du retard de la France. Nous plaidons pour la suspension du débat, en attendant les conclusions de l'audit commandé.

M. Pierre Ducout - Il a raison.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - De même.

M. Pierre Goldberg - Voilà qui s'appelle argumenter !

M. David Habib - Cet amendement est sage, puisqu'il ne vise qu'à rétablir l'ordre chronologique. Qui a créé la confusion dans l'esprit des parlementaires ? Ce n'est pas nous, c'est le ministre des finances qui, après avoir envisagé une privatisation puis plusieurs scénarios d'ouverture du capital, a suggéré la création d'une commission pluraliste chargée d'examiner les besoins de financement des deux entreprises et les perspectives de fusion (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Le ministre s'est exprimé plusieurs fois sur ce sujet. Cet amendement nous donne le temps d'examiner la pertinence de la fusion.

Le rapporteur a cité un certain nombre de propos. Sans vouloir ralentir le débat, nous pourrions citer le sénateur Gournac, qui vous demande de « saisir l'occasion de l'ouverture du marché pour créer un grand champion mondial de l'énergie, chargé de missions de service public que personne ne remplira comme lui ». M. Gonnot a rappelé qu'il avait déposé une proposition de loi en ce sens. La fondation Concorde, en janvier, prônait la fusion d'EDF et de GDF.

En soutenant cet amendement du groupe communiste, sachant que François Brottes en avait déposé un semblable pendant l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, nous vous demandons surtout d'être sincères. Ou bien vous souhaitez examiner la possibilité d'une fusion et il faut suspendre les débats, ou bien vous n'avez pas cette intention et l'annonce faite n'était qu'une manipulation visant à désarmer le mouvement social.

Monsieur le ministre délégué, vous venez de donner des précisions que nous attendions depuis des semaines. Ces deux entreprises, qui ont capitalisé tant de progrès technologiques et ont permis au pays de se développer, peuvent disposer de quelques mois pour saisir l'opportunité qui leur est donnée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François-Michel Gonnot - S'il peut être sage de consacrer quelques semaines à la réflexion, il était irresponsable de laisser passer plusieurs années sans rien faire (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Entre 1997 et 2002, il n'y a jamais eu le moindre texte, le moindre groupe d'experts sur cette question (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Cohen - Nous ne voulions pas changer !

M. François-Michel Gonnot - Evitons la confusion. La commission qui va être constituée pour évaluer les besoins de financement d'EDF - et peut-être de GDF, mais ce n'est pas décidé - travaillera jusqu'en 2005. Mais elle n'aura pas vocation à réfléchir sur les rapprochements et les synergies...

M. Patrick Lemasle - Ecoutez Sarkozy !

M. Yves Cochet - Je ne prendrai pas part au vote sur cet amendement. Monsieur Paul, nous avons des divergences sur les questions énergétiques. Si je peux être favorable à la suspension du débat jusqu'à la fin de l'audit, je n'ai pas peur de dire que je suis contre la fusion d'EDF et de GDF. Je préfèrerais conserver deux établissements publics distincts.

On a encore la manie du gigantisme. Mais un géant comme Enron a fait faillite.

M. Jacques Desallangre - Il ne s'agit pas de taille, mais d'esprit !

M. Yves Cochet - Parlons-en ! Voyez EDF en Argentine !

M. le Président de la commission - Nous ne pouvons continuer à débattre comme cela !

M. Yves Cochet - EDF est la plus grande entreprise énergétique du monde. Vous voulez qu'elle grossisse encore en absorbant GDF. Mais EDF est déjà un Etat dans l'Etat... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Monopole à l'intérieur, Monopoly à l'extérieur ! L'absorption de GDF par EDF signifierait la fin de la co-génération et des énergies renouvelables.

Les gens d'EDF, je les connais ! Seul le nucléaire les intéresse. C'est pourquoi, depuis trente ans qu'on parle d'énergies renouvelables et d'économies d'énergie, on ne passe pas à l'action : ce serait retirer des crédits au nucléaire.

Il est vrai que les énergies renouvelables sont aussi des énergies décentralisées, ce qui heurte notre tradition colbertiste et centralisatrice.

M. Michel Vaxès - M. Cochet devrait nous remercier de lui avoir permis de développer ainsi son argumentation. Je lui fais observer que, dans notre amendement, nous ne prenons pas position pour ou contre la fusion. Il s'agit de savoir si nous renvoyons la discussion après la fin de l'audit. Ni le rapporteur ni le Gouvernement ne répondent à cette question simple.

M. le Président - Je rappelle qu'aux termes de l'article 56 alinéa 3 du Règlement, le président « peut autoriser » un orateur à répondre au Gouvernement ou à la commission. J'ai fait preuve d'une grande mansuétude.

L'amendement 1639, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 529 à 541 du groupe socialiste sont identiques.

M. François Brottes - Si j'ai cité M. Borotra, c'est parce qu'il affirmait en 1996 qu'il « ne saurait être question de modifier le statut d'EDF », alors que son successeur dit aujourd'hui le contraire...

Instruits par l'expérience de France Télécom, qui montre bien que l'ouverture du capital conduit à privilégier les investissements à court terme, et convaincus que la privatisation d'EDF conduirait à augmenter les tarifs pour les ménages comme pour les industriels, et nuirait à la sécurité des approvisionnements et des installations, nous avons adopté une nouvelle position.

C'est ce qui nous conduit, par ces amendements, à vous proposer de redéfinir le principe de spécialité. Contrairement à ce que vous prétendez, ce dernier n'est pas un carcan qu'il faudrait faire sauter en changeant de statut et nous avons montré avec la loi de 2000 qu'il était possible de faire preuve de souplesse en la matière.

M. Pierre Cohen - La privatisation risque de remettre en cause l'idée de produire de l'énergie de façon efficace, qui fonde le service public depuis cinquante ans. Au lieu de la vente par appartements que vous vous apprêtez à réaliser, nous proposons de redéfinir le principe de spécialité afin de répondre à la demande de tous les Français, y compris les moins favorisés, et de préserver ce qui fait la force de l'entreprise.

M. Pierre Ducout - C'est, bien sûr, dans le cadre d'un EPIC et non d'une SA que nous entendons préciser le principe de spécialité. Comme vient de le rappeler M. Cochet, il ne s'agit pas ici uniquement de nucléaire, mais aussi d'énergies renouvelables. N'oublions pas non plus la nécessité de remplacer les anciennes centrales en développant le plus possible les productions combinées au gaz - c'est l'idée de cogénération que la loi de 2000 avait prise en compte.

Nous jugeons aussi nécessaire de préciser le principe de spécialité en insistant sur les filiales, l'offre globale de prestations techniques et commerciales, les accords avec les organisations professionnelles du secteur, en particulier les artisans, et avec les collectivités locales.

Cela ne mettrait nullement EDF en situation d'abus de position dominante, à la différence de certains groupes privés comme Suez-Electrabel. Cela lui permettrait d'affronter la concurrence de grands groupes étrangers comme Eon-Ruhrgas et d'éviter les fortes hausses de tarifs que fait redouter l'expérience, lorsque la concurrence idéale est dévoyée par les oligopoles.

M. David Habib - Nous sommes tous attachés à ce que cette entreprise dynamique reste leader mondial et préserve sa maîtrise technique et sa qualité de service. C'est bien pourquoi nous souhaitons asseoir EDF et GDF sur un projet politique de fusion. Nous respecterions ainsi les textes communautaires qui demandent simplement d'organiser le service public de l'énergie.

L'objectif est aussi de disposer d'une offre multiénergies en s'appuyant sur les adaptations de la raison sociale qui, grâce à la loi de 2000, permettent de répondre au foisonnement de la demande des clients et de faire face aux évolutions techniques.

Pour revenir à mon tour sur les propos de M. Cochet, je pense qu'une des difficultés des énergies renouvelables tient au fait que la diversification des sources énergétiques n'a jamais été portée par un industriel, ce que permettrait la modification de la raison sociale du service public : Énergie de France serait le support idéal.

Enfin, je rappelle que, tout à l'heure, M. Gonnot a posé une question relative aux missions de ce que j'appellerai la commission ad hoc. De deux choses l'une : ou cette mission se borne à examiner les conditions de fonctionnement et les comptes des entreprises, ou l'on étend son mandat en y incluant une réflexion sur les perspectives de fusion. Dans ce dernier cas, le calendrier que vous nous avez annoncé ne pourra être tenu, Monsieur le ministre délégué. Dans la première hypothèse, vous devriez pour le moins indiquer au ministre d'Etat quels ont été vos choix, car ils me semblent plus pertinents que les siens !

M. le Ministre délégué - Vous êtes pour la paix des familles ! (Sourires)

M. le Rapporteur - Avis défavorable aux 13 amendements.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. François Brottes - Je déplore ces réponses lapidaires, s'agissant d'une question aussi importante que celle du principe de spécialité. Nous proposons de redéfinir ce dernier et d'en élargir le champ afin de permettre à l'entreprise de mieux assumer ses missions de service public ou d'intérêt général. La banalisation des missions irait précisément au rebours de cet objectif. Or, comme le rapporteur peut le confirmer, la commission a adopté un amendement tendant à répartir les missions de service public entre tous les opérateurs qui conduirait immanquablement à cette banalisation.

Sur ce point, notre opposition au Gouvernement ne peut qu'être frontale ! Même si nous n'obtenons pas de réponse, nous parvenons par notre argumentation à démasquer les intentions qui se cachent derrière ce projet. Et le fait qu'on ne nous oppose que le silence est de nature encore à nourrir nos inquiétudes sur le sort qui sera réservé aux entreprises publiques après le vote de ce texte.

M. Daniel Paul - Tout le monde annonce qu'EDF pourra produire, fournir et transporter du gaz en sus de l'électricité et GDF de l'électricité en sus du gaz. Mais, dès lors, entre elles, un choc frontal est inévitable ! Ces deux groupes nés en 1946 du programme du Conseil national de la résistance sont condamnés à une bagarre libérale...

Mais on annonce aussi des alliances. Ainsi, pour produire de l'électricité, GDF aura besoin d'un électricien. Ce pourrait être, selon certains, Suez - Suez que l'on a aidé à mettre la main sur la Compagnie nationale du Rhône et qui dispose de centrales nucléaires en Belgique. Son chiffre d'affaires est de 80 milliards d'euros, contre 33 pour EDF : il n'y a plus photo !

La sagesse commanderait que l'abandon du principe de spécialité coïncide avec la fusion d'EDF et de GDF. Cela éviterait que l'une veuille manger l'autre, à la faveur de partenariats avec des groupes dont l'objectif n'a plus rien à voir avec la production d'électricité. De grâce, agissons en sorte que ces deux entreprises travaillent en collaboration : organisons leur fusion !

Les amendements 529 à 541, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président de la commission - Permettez-moi de dire quelques mots à propos de notre méthode de travail. Voici quelque 20 heures et sept séances que nous consacrons à l'examen de ce projet, et nous n'en sommes toujours pas à l'article premier ! J'admets que l'opposition répète dix fois les mêmes arguments si elle les juge bons, mais qu'elle admette en retour que le rapporteur puisse s'abstenir de répondre à chaque fois. La commission a compris ces arguments et une seule réponse suffit dans ces conditions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Je n'imagine pas une seule seconde qu'en déposant ces séries d'amendements, votre but soit de faire perdre du temps à l'Assemblée et au Gouvernement.

M. Pierre Ducout - Non : chacun s'exprime dans sa singularité.

M. le Président de la commission - Acceptez dès lors que la commission vous réponde comme elle l'entend, sans faire de réflexions telles que j'en ai entendu. Cela nous permettrait d'aborder enfin le fond du débat.

M. Pierre Ducout - Le fond du débat, c'est la privatisation !

M. François Brottes - J'ai posé une question simple au rapporteur, à propos d'un amendement qui tend à banaliser les missions de service public. Sa réponse éclairerait le débat, mais je l'attends toujours...

M. Jacques Desallangre - L'amendement 1610 vise à préserver la péréquation tarifaire. Différentes études ont constaté une hausse généralisée des prix de l'électricité liée à la déréglementation. La commission de régulation de l'énergie et plusieurs journaux économiques ont de même souligné le paradoxe qui consiste à ouvrir notre marché à la concurrence alors que les expériences étrangères démontrent que cette hausse des prix, loin d'être conjoncturelle, constitue une tendance de fond s'exprimant en concomitance avec les processus de libéralisation. En Grande-Bretagne, on constate déjà l'introduction de tarifs différents selon les modes de paiement, ce qui pénalise naturellement les bas revenus.

Les crises de pénurie qui sévissent sur les marchés de l'énergie favorisent, d'autre part, la spéculation. En Californie, l'électricité a été vendue aux enchères sur internet ; de même au Canada pendant la crise de 2001.

A EDF et GDF, entreprises pourtant déjà soumises à une logique de rentabilité, la péréquation tarifaire demeure garantie. Mais les prix pratiqués pour les services sont déjà discriminatoires. En décembre dernier, mois où le nombre des interventions des agents a crû fortement, la facture d'un déplacement d'un compteur de gaz a été augmentée de 23,5 %, celle d'un contrôle des appareils de comptage de 35 %, celle d'un déplacement pour relevé de compteur de 108 %...

L'électricité et le gaz sont pourtant des biens vitaux, non substituables dans la plupart de leurs usages. En conséquence, la demande est là peu sensible aux variations de prix.

Face à ces hausses, les usagers sont bien sûr inégalement armés. La libéralisation ouvre en conséquence la porte à un rationnement par l'argent. Or la logique de bénéfice qui prévaut dans le secteur privé n'est pas compatible avec un tarif social de l'électricité et du gaz. On passera en effet d'une vente au prix de revient, conformément aux prescriptions de la loi de nationalisation de 1946, à la recherche de la rentabilité financière.

Nous réitérons donc notre demande d'une pleine péréquation tarifaire, par souci de justice sociale. D'où l'amendement 1610 qui dispose que « le ministre chargé de l'énergie veille à ce que la péréquation tarifaire en matière de gaz qui assure l'égalité d'accès de tous les usagers, quels que soient leurs moyens et leur situation sur le territoire, soit assurée. »

M. le Rapporteur - Il n'y a de péréquation des prix que pour l'électricité, Monsieur Desallangre ! Pour le gaz, il n'y a qu'une harmonisation entre les huit régions. Cet amendement apparaît passablement improvisé... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Raoult remplace M. Baroin au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

M. le Ministre délégué - Le groupe communiste rectifiera, je pense, de lui-même cette erreur qui ne peut en effet être imputée qu'à l'improvisation, inévitable lorsqu'on rédige des amendements avec le seul souci d'en déposer le plus possible. Le Gouvernement repoussera donc cette proposition pour une autre raison : c'est que ces dispositions figurent, dans une bien meilleure rédaction, au dernier paragraphe de l'article premier.

Si le groupe communiste tient à cette idée de péréquation, je le suppose impatient d'en arriver audit paragraphe...

M. François Brottes - Nous aimerions savoir, quand un client éligible voudra garder EDF comme fournisseur, s'il pourra négocier ou non les prix qui seront fixés par le ministre ou la commission de régulation et, s'il veut quitter EDF puis y revient, s'il pourra bénéficier des mêmes tarifs.

On ne peut répondre à des questions qui concernent des millions d'opérateurs et d'usagers par : « Circulez, il n'y a rien à voir ! »

M. le Ministre délégué - Nous aborderons ces questions à l'article premier.

M. Jacques Desallangre - C'est un peu facile de répondre en arguant d'un lapsus linguae.

M. le Ministre délégué - Lapsus calami !

M. Jacques Desallangre - Ne condamnez pas pour autant, Monsieur le rapporteur, le fond de mon argumentation.

L'amendement 1610, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Goldberg - Sur la base des articles II et III de la loi de 1946, EDF-GDF ont des activités d'ingénierie et de recherches. Or, l'article 29 du projet que nous examinons réécrit ces deux articles : il ne précise plus qu'EDF-GDF exerceront ces activités, ce qui est particulièrement grave.

Par l'amendement 1611, nous souhaitons insister sur le rôle d'EDF en matière de recherche. Le budget que l'EPIC EDF y consacre s'élevait, en 2003, à 450 millions d'euros, soit 1,6 % du chiffre d'affaires de l'entreprise. Cet effort est conséquent, mais il diminue, ce qui se comprend dans un contexte où la direction vise à affaiblir la culture de service public pour promouvoir la culture d'entreprise.

Le budget consacré à la recherche a ainsi baissé de 20 % depuis 1999. A l'horizon de 2006, une nouvelle baisse de 10 % est annoncée et 250 postes devraient être alors supprimés. Des laboratoires expérimentaux uniques en Europe ont d'ores et déjà disparu.

Le Gouvernement prétend inscrire des objectifs de recherche et de développement dans le contrat de service public passé avec les entreprises. Notre amendement propose que, pour chaque contrat passé avec chaque fournisseur, opérateur ou distributeur, l'effort financier de recherche pour l'année N soit au moins égal à 3 % de la valeur ajoutée de l'année N - 1.

Il s'agit de préserver et de renforcer les compétences d'EDF. Nous voulons sauvegarder le patrimoine national et nous nous opposerons à toute forme de spoliation de la collectivité nationale.

M. le Rapporteur - La commission a proposé un amendement qui renforce les obligations de recherche des deux entreprises. En outre, vous introduisez avec cet amendement une disposition contraire à la directive.

J'aurais souhaité répondre à M. Brottes, mais je constate qu'il n'est plus là.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable à l'amendement 1611. Les objectifs de recherche d'EDF-GDF seront fixés par le contrat de service public. Les autres entreprises fixent leurs objectifs librement : ce n'est pas le Gosplan !

M. Pierre Cohen - Votre réaction m'inquiète, compte tenu de la crise traversée par la recherche.

M. le Ministre délégué - Vous voulez renationaliser ?

M. Pierre Cohen - Il n'en est pas question : il s'agit de rappeler l'impérieuse nécessité des efforts de recherche quand, depuis deux ans, les budgets diminuent. Le Gouvernement ne compte que sur le développement de la recherche dans le secteur privé pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République de 3 % du PIB consacré à la recherche d'ici à 2010.

Cet amendement, que j'aurais pu co-signer, est intéressant à plus d'un titre. L'effort de recherche ne doit pas concerner la seule entreprise EDF. De plus, la création d'un fonds permettrait de réaffecter les sommes prélevées.

Enfin, Monsieur Ollier, si nous déposons de nombreux amendements additionnels avant l'article premier, c'est parce que nous ne voulons pas que se renouvelle ce qui s'est passé au cours de la discussion de la loi sur les personnes handicapées où nous avions déposé plusieurs amendements à l'article premier et où le ministre a réécrit la loi de telle manière que nos amendements tombaient presque tous.

L'amendement 1611, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès - L'amendement 1612 rejoint la préoccupation qui vient d'être exprimée mais concerne le secteur gazier.

La France a consacré 2,2 % de son PIB à la recherche en 2002, soit plus que la moyenne de l'Union européenne mais moins que la Suède, les Etats-Unis ou le Japon.

Les moyens consacrés à la recherche diminuent. Ainsi, le CEA, créé en 1945, est touché par les restrictions budgétaires et, à court terme, menacé. Ses domaines d'intervention ne se limitent pas au nucléaire civil mais ont également trait au développement des nouvelles technologies d'énergie. Comment exercer sa mission quand le niveau des subventions de l'Etat est remis en cause ?

Cet exemple illustre le décalage entre le discours et la pratique gouvernementale.

Les fonds que nous proposons de réunir pourront être utiles à des activités de recherche sur les gaz combustibles au sein de l'entreprise ou de ses filiales dans le cadre d'un organisme de recherche créé ou géré en coopération avec d'autres entreprises gazières.

La commission de régulation de l'énergie veillera au respect de ces dispositions. En cas de non-respect, elle en informera les ministres chargés de l'énergie et de la recherche, lesquels prendront les mesures nécessaires. Un décret en Conseil d'Etat précisera bien entendu les modalités d'application de cet article.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Pierre Cohen - Obliger tous les opérateurs gaziers à consacrer à la recherche fondamentale au moins 0,5 % de la valeur ajoutée qu'ils ont réalisée l'année n-1 serait particulièrement important. C'est en effet la recherche fondamentale qui permettra de résoudre les problèmes du futur. Si l'EPR apparaît aujourd'hui comme indispensable, le Gouvernement ne manque jamais de nous le rappeler, c'est parce que nous n'avons pas de réponses au-delà d'un horizon de trente à quarante ans. D'où l'importance de mobiliser au profit de la recherche fondamentale tous les crédits possibles, notamment de la part des opérateurs qui profitent aujourd'hui de tout ce qu'ont fait EDF et GDF depuis quarante ans.

L'amendement 1612, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - L'amendement 1628 précise que la maîtrise publique de la politique énergétique nécessite le maintien et le développement d'établissements publics nationaux. Il serait en effet contradictoire de prétendre définir une politique énergétique pour les prochaines décennies et dans le même temps, de détruire tous les outils de service public permettant sa mise en _uvre. C'est d'ailleurs ce que nous vous avons dit dans notre explication de vote sur le projet de loi d'orientation relatif à l'énergie. Dès lors que le capital d'EDF va être ouvert, - et que, pour des raisons conjoncturelles vous reportiez quelque peu cette ouverture ne change rien à l'affaire -, nous ne pouvons plus avoir confiance dans la mise en _uvre d'une politique énergétique nationale.

Revenons un instant sur les choix faits à la Libération, auxquels le programme du CNR n'était pas étranger.

M. le Rapporteur - Cela fait longtemps que vous n'y aviez pas fait allusion !

M. Daniel Paul - Si l'électricité et le gaz ont été nationalisés, c'est parce nos prédécesseurs ont considéré que l'actionnariat privé et la logique du marché ne pouvaient régir efficacement la production, le transport et la distribution de ces énergies indispensables à la vie quotidienne des consommateurs comme des entreprises. Les compagnies privées qui existaient alors n'avaient aucune obligation de desserte, pratiquaient des tarifs et offraient des services disparates sur l'ensemble du territoire. Ne perdons jamais de vue les motivations de nos prédécesseurs qui avaient une haute idée de la solidarité nationale mais aussi de la France.

L'électricité et le gaz, non plus que les autres sources d'énergie, ne sont pas des marchandises comme les autres. C'est pourquoi il revient au politique, et non au marché, de fixer les objectifs en ce domaine et de déterminer les moyens pour les atteindre, ou du moins s'en rapprocher. EDF et GDF, symboles de l'égalité de traitement entre tous les citoyens comme d'un aménagement harmonieux du territoire, sont aussi l'emblème des services de proximité. Aujourd'hui, le prix du kilowatt/heure, comme celui du timbre, est le même en tous points du territoire. Mais ce formidable atout, dont notre pays peut s'enorgueillir, est d'ores et déjà menacé. En témoigne la situation de nos compatriotes qui vivent dans certaines zones non interconnectées. Permettre à des compagnies privées de se partager aujourd'hui les bénéfices retirés des compétences et des infrastructures exceptionnelles dont notre pays a su se doter depuis soixante ans est un projet incroyablement réactionnaire. Tous les pays qui ont appliqué ce que vous proposez s'en mordent les doigts. Le gouvernement de Tony Blair se trouve ainsi obligé de pallier les carences du marché et d'injecter près d'un milliard d'euros pour éviter l'effondrement du réseau électrique britannique. Nous savons aussi tous les effets pervers qu'a eus la libéralisation du secteur des télécommunications chez nous. Hier, des hommes comme Charles de Gaulle ou Marcel Paul, en dépit de leurs divergences politiques, avaient su faire front commun pour proposer une voie autrement prometteuse à nos concitoyens.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La majorité, très attachée à la maîtrise publique de la politique énergétique nationale par une entreprise qui reste publique, (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) a d'ailleurs adopté un amendement quasiment identique lors de l'examen en première lecture du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. François Brottes - Le rapporteur m'a, paraît-il, tout à l'heure reproché mon absence. J'ai pour principe de ne pas demander une suspension de séance chaque fois que je dois, pour une raison personnelle, quitter l'hémicycle : puis-je donc maintenant savoir ce qu'il souhaitait me dire ?

M. Pierre Ducout - L'expérience a largement montré que l'ouverture du capital d'une entreprise, ne fût-elle que de 1 %, entraîne immédiatement une soumission à la dictature du CAC40, une cotation au jour le jour et donc, une recherche de rentabilité à court terme. A elle seule l'évolution de la Bourse ces dernières années militerait pour que EDF reste à 100 % publique. Il y a une dizaine d'années, les actionnaires avaient un horizon de profits plus lointain. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Mais notre pays a aussi pris des engagements forts en matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre et d'indépendance énergétique - laquelle est devenue primordiale dans le contexte d'instabilité politique actuelle au Moyen-Orient. Sans des leaders publics comme EDF et GDF, il ne pourra pas les tenir. Ainsi EDF est-il le champion mondial en matière d'énergie nucléaire. Or, il n'est pas vraiment d'autre solution, pendant encore longtemps, que le nucléaire pour assurer notre indépendance énergétique. Quant au projet de Constitution européenne, s'il est à l'évidence insuffisant sur le plan social, il est également bien timoré pour parvenir à une Europe-puissance dans le domaine énergétique. Pour toutes ces raisons, nous soutenons cet amendement.

L'amendement 1628, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre - Le traité de l'Union ne préjuge pas du régime de la propriété des entreprises dans les Etats membres. Il est parfaitement défendable, même si la direction d'EDF le conteste, que EDF réalise les deux tiers de son chiffre d'affaires sur le territoire national, en conformité donc avec la réglementation communautaire concernant les abus de position dominante.

Ce que contesterait la Commission, c'est la garantie illimitée de l'Etat que lui confère son statut d'EPIC. D'une part, l'Etat pourrait prendre des engagements solennels en ce domaine. D'autre part, et surtout, il pourrait contester cette interprétation auprès des institutions européennes. En effet, la Commission, qui n'accepte pas en droit la garantie des Etats, la reconnaît souvent dans les faits quand ceux-ci viennent au secours de grands groupes qu'il ne saurait être question d'abandonner. Je pense ainsi à Alstom pour lequel l'Etat français n'a pas, à juste titre, accepté d'emblée les demandes de Bruxelles. Si la Commission accepte que l'Etat intervienne pour Alstom, ce que nous trouvons pleinement justifié, elle manquerait singulièrement de cohérence en exigeant aujourd'hui le changement de statut d'EDF.

Nous souhaitons que le Gouvernement agisse énergiquement et nous lui proposons pour cela une méthode : saisir la Cour de justice des communautés européennes pour déterminer si l'interprétation que fait la Commission du droit communautaire est ici fondée. Tel est l'objet de notre amendement 1640.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement qui est inconstitutionnel puisqu'il constitue une injonction au Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Pierre Ducout - La Commission n'ayant pas forcément toujours bien interprété la règle de droit, il ne serait pourtant pas inutile d'avoir l'avis de l'instance qui est juge en dernier recours. Et le Gouvernement aurait d'ailleurs dû suivre cette démarche avant de présenter son projet !

M. François Brottes - Pour éviter toute injonction au Gouvernement, nous pourrions écrire : « Le Gouvernement peut saisir », le reste sans changement.

M. Pierre Ducout - Très bonne proposition.

L'amendement 1640, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Goldberg - Les installations de gaz naturel liquéfié contribuent à la sécurité de nos approvisionnement et constituent à ce titre un élément du service public de l'énergie, mais elles constituent aussi des installations à haut risque du fait de la concentration d'énergie et de la température du gaz. C'est pourquoi nous pensons que leur construction et leur installation doivent être soumises à une autorisation délivrée par le ministre de l'énergie et que cette autorisation ne doit pouvoir être transférée que par décision du ministre de l'énergie, sous certaines conditions. Tel est le sens de notre amendement 1615, qui rappelle aussi les vocations prioritaires de ces installations et qui les classe parmi les installations dites « Seveso II ».

M. le Rapporteur - Cet amendement n'ajoute rien au droit en vigueur. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Ces installations sont déjà classées « Seveso ». Retirez donc votre amendement, vous éviterez le ridicule !

M. Daniel Paul - Il semble pourtant, Monsieur le ministre, que GDF soit en train, pour le deuxième méthanier qui doit être construit à Saint-Nazaire, de passer un accord avec un armement japonais - NYK. Tout porte alors à craindre une opération « pavillon de complaisance », qui ferait que pour 25 hommes d'équipage, il pourrait n'y avoir que dix Français - encore s'agirait-il d'un maximum. Si GDF procède ainsi, c'est peut-être que l'entreprise veut montrer sa totale liberté vis-à-vis de l'Etat français afin de donner des gages supplémentaires aux partenaires financiers avec lesquels il veut bientôt contracter. Mais si vraiment les méthaniers figurent parmi les sites Seveso, Monsieur le ministre, il faudrait rappeler à GDF ses obligations en la matière.

M. David Habib - Puisque nous sommes en train de réécrire tout ce qui a trait au service public de l'énergie, nous avons le devoir de rappeler certains principes et vous devriez vous réjouir, Monsieur le ministre, que le législateur tienne à rappeler les prérogatives qui sont les vôtres s'agissant des installations de gaz naturel liquéfié. Nous soutenons l'amendement 1615.

L'amendement 1615, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès - Afin d'assurer la sécurité d'alimentation, GDF a développé la technique des stockages souterrains de gaz, étant entendu que la consommation de gaz peut varier de un à dix selon les circonstances. La France ne dispose toutefois que d'un nombre limité de sites de stockage : les quinze actuels - dont douze exploités par GDF - totalisent un volume utile de gaz de 11 milliards de mètres cubes, soit près du tiers de la consommation française annuelle.

Ces stockages sont un outil très précieux pour stabiliser les prix du gaz. Nous pressentons cependant que, dans le cadre de la libéralisation actuelle, certains pourraient être tentés de les mettre au profit de stratégies spéculatives. Notre amendement 1613 rappelle donc que les stockages de gaz constituent un instrument essentiel du service public et dresse un obstacle aux éventuelles stratégies spéculatives en réservant les concessions de nouveaux stockages aux distributeurs qui ont la responsabilité d'alimenter les clients non éligibles.

M. le Rapporteur - Je ne vois pas ce que cet amendement apporte au droit actuel relatif aux concessions de gaz naturel.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable sur cet amendement contraire à la directive.

M. David Habib - L'amendement a le mérite de rappeler l'importance de ces stockages, qui contribuent à la sécurité de l'approvisionnement et évitent toute folie spéculative sur cette matière première.

Nous savons combien nous sommes dépendants. Elu de Lacq, je ne cesse de déplorer l'épuisement de la poche béarnaise qui a tant fourni au pays ; mais force est de la constater. Ces stockages permettent donc à notre pays de lisser l'évolution des prix, assurant au tissu industriel la possibilité de disposer en permanence d'une matière première essentielle.

Le dernier alinéa de l'amendement de M. Vaxès présente en outre l'intérêt de garantir le maintien dans la nouvelle législation des servitudes d'utilité publique. Alors que nous avons voté l'an dernier à l'unanimité un certain nombre de dispositions de la loi sur les risques technologiques majeurs, je me réjouirais qu'il y ait une pérennité des obligations imposées aux exploitants de ces stockages, et pour cette seule raison nous soutiendrons l'amendement.

L'amendement 1613, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58 alinéa 1. J'ai demandé tout à l'heure une suspension afin de vérifier les positions de la Commission Européenne sur le statut d'EDF et notamment sur celui du gestionnaire du réseau. Ce sont deux points fondamentaux de ce débat, et il nous semblait difficile de le poursuivre sans en être éclairés. M. le ministre a fourni un élément de réponse. Mais, d'après les informations que nous avons, il semble que Mme Loyola de Palacio ait pris sur ces deux points une position strictement personnelle, qui diffère de celle de la Commission. Nous demandons solennellement au Gouvernement qu'avant la discussion des articles, Mme la ministre déléguée aux affaires européennes puisse nous faire connaître la position officielle de la Commission ; nous ne saurions poursuivre ce débat à l'aveugle.

M. le Ministre délégué - Ceci n'est qu'une man_uvre d'obstruction. Mme Haigneré, on le sait bien, n'est pas la porte-parole de la Commission.

M. Daniel Paul - Pour défendre leur point de vue auprès de l'opinion, chose de plus en plus difficile, les promoteurs de la libéralisation du marché de l'énergie et de l'ouverture du capital d'EDF-GDF utilisent l'argument de la baisse des prix. Or, les faits prouvent le contraire, d'autant qu'EDF, sous son statut actuel, offre les tarifs les moins élevés en Europe - point que vous évitez de retenir dans votre exposé des motifs... Pourtant, avant d'aborder les articles du projet, il nous semble important de dresser un bilan de l'évolution des tarifs dans les pays ayant fait le choix de la libéralisation.

Ainsi, par exemple, la loi californienne votée en 1996, qui déréglementait le marché de l'énergie, prévoyait, comme votre projet, de séparer la fonction de producteur de celle de distributeur-transporteur et créait une bourse de l'électricité. Toutefois, l'Etat plafonna les prix afin qu'ils restent justes et équitables. D'où un déficit croissant des entreprises de distribution, obligées d'acheter leur électricité à des producteurs qui augmentaient leurs prix. L'Etat de Californie a donc dû autoriser des augmentations successives de prix : en un an, les tarifs augmentèrent de 66 % pour les ménages et de 50 % pour les entreprises... Ce qui n'empêcha pas le dépôt de bilan en avril 2001 du principal distributeur californien, Pacific Gas & Electric, qui fut la troisième plus grande faillite de toute l'histoire des Etats-Unis. Quel gâchis ! Et vous voulez, Monsieur le ministre, que la France suive cette voie... En effet, par quel prodige éviterions-nous les écueils des pays qui ont choisi la déréglementation si nous suivons la même politique ?

Mais, sans aller si loin, il suffit de considérer la Grande-Bretagne, où les personnes dites « énergiquement pauvres » sont de plus en plus nombreuses, ou la Suède, où les tarifs ont augmenté de 25 %. Et chez nous, Monsieur le ministre, demandez à M. Louis Gallois ce qu'il pense de la libéralisation du marché de l'énergie, alors que la facture d'électricité de la SNCF a été majorée de 120 millions d'euros en 2004. Ensuite on parlera du déficit de la SNCF... Quant à Jean-Louis Beffa, président de Saint-Gobain qui est le quatrième consommateur français d'électricité, il a reconnu explicitement que le monopole d'EDF avait « donné un avantage concurrentiel à la France" ». Franchement, Monsieur le ministre, je vous ai connu plus à l'écoute du patronat... (Sourires)

Selon le tableau dressé par l'Observatoire international des coûts énergétiques, les prix de l'électricité pour les entreprises dans quatorze pays industrialisés ont nettement augmenté entre février 2003 et 2004, parallèlement à la dérégulation du secteur. En Allemagne, ces prix accusent une hausse pour la quatrième année consécutive, progressant de 9,3 % en 2004 après une hausse de 3,2 % en 2003.

Ces hausses posent la question de l'égal accès de tous à l'énergie. Les gros industriels ont été confrontés en 2003 à une hausse moyenne de 40 %. Quant aux consommateurs domestiques, M. Desallangre a rappelé les hausses affectant les tarifs des services. Cette question de l'égalité d'accès pour tous est sociale, mais aussi territoriale : comment comptez-vous, dans le cadre d'une libéralisation du marché, préserver un même prix sur l'ensemble du territoire ? Nous demandons, avant toute discussion, qu'un bilan tarifaire des effets de la déréglementation soit établi et que de véritables mesures en matière de maintien de la péréquation soient inscrites dans la loi.

M. le Rapporteur - Je suis surpris que cet amendement vienne en discussion, puisque nous avons repoussé la semaine dernière un amendement 1630 qui lui était identique. Je ne comprends pas bien, par ailleurs, le discours de notre collègue, qui nous perle des hausses de prix auxquelles procède aujourd'hui EDF, établissement public... Mon respect pour le service public assuré par EDF m'interdit de le suivre sur ce terrain (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre délégué - Je crois en effet qu'un amendement identique a déjà été repoussé. De plus M. Paul dit « avant toute discussion », mais son amendement dit « après la promulgation de la loi ». Enfin, malgré le brevet que me décerne M. Paul en disant que je ne suis pas assez à l'écoute du patronat, je suis défavorable à son amendement.

M. Daniel Paul - Monsieur le rapporteur, je ne peux laisser passer votre propos, selon lequel c'est EDF, entreprise publique, qui augmente les prix. Que fait une fiancée qui veut se marier ? Elle se fait belle. Depuis quelques mois, à votre incitation, EDF et GDF ont entrepris de se parer de leurs plus beaux atours, non pour servir les Français, mais pour séduire les marchés financiers. C'est pour leur donner des gages qu'ils ont augmenté les tarifs des services ; c'est le même souci qui explique le comportement de Gaz de France au sujet des méthaniers. Les entreprises qui font ces choix ne sont plus vraiment des entreprises publiques : elles sont déjà, à votre incitation, dans la voie de la privatisation.

M. François Brottes - Cet amendement offre l'occasion à M. le rapporteur de répondre à ma question sur les tarifs. Le client éligible bénéficie d'un tarif spécifique. S'il quitte EDF, il ne l'a plus. S'il veut revenir vers EDF, va-t-il ou non rallier le tarif ? Ces questions ne sont pas dilatoires, elles sont importantes pour les consommateurs d'énergie.

M. le Rapporteur - C'est très clair. Quelqu'un est client final d'EDF : il est donc au tarif. S'il fait jouer son éligibilité, il obtient un prix. Si, après avoir quitté EDF pour un autre fournisseur, il souhaite revenir, il ne retrouve pas alors le tarif : EDF lui propose un prix. C'est le prix à payer pour l'infidélité...

M. François Brottes - Le prix sera donc fixé à la tête du client.

M. le Rapporteur - Non : des dispositions sont prévues pour que soit affiché un barème de prix, et que le boulanger qui s'installe à Douai paye le même prix que celui qui s'installe à Mortagne-au-Perche. Encore une précision : pour le cas où le client final, ayant perdu le fournisseur concurrent d'EDF, ne retrouve pas de fournisseur, alors le gestionnaire du réseau de transport est amené, par un appel d'offres, à lui proposer la fourniture d'électricité. C'est dire que le service est assuré dans le temps.

M. François Brottes - Je vous remercie de ces réponses. Mais considérons le cas des collectivités locales, qui sont des clients éligibles. Au vu du code des marchés publics, il y aura obligation de faire un appel d'offres. Si les collectivités le font, EDF va-t-elle considérer qu'elles ont voulu trahir, et qu'elles doivent donc quitter le tarif pour passer dans le système de prix à la tête du client ?

M. le Rapporteur - C'est une question que nous retrouverons à l'occasion d'un amendement que j'ai déposé. Je propose donc de poursuivre : nous sommes à la lisière de l'article premier.

L'amendement 1614, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre - Notre amendement 1625 vise à prévoir un bilan de l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence. Les politiques de libéralisation des marchés, appelées aussi « ajustements structurels », reposent sur un certain nombre de recettes souvent présentées comme la panacée. Ces recettes, appliquées uniformément, se fondent sur des raisonnements extrêmement simplistes et ont toujours les mêmes résultats : exclusion des populations non solvables, baisse de la qualité du service, atteintes aux droits des salariés et pertes d'emplois. Dans tous les cas, la démocratie recule. En France, la hausse constante de l'abstention est un symptôme révélateur.

L'ouverture du capital est souvent distinguée de la privatisation. « Répétez mille fois un mensonge, il finira par devenir une vérité », disait quelqu'un.

M. le ministre délégué - C'était Lénine.

M. Jacques Desallangre - En effet. Je ne voulais pas vous choquer.

L'ouverture du capital n'est en réalité qu'une nouvelle étape vers l'application des dogmes néo-conservateurs. Cette décision a donc une portée politique majeure. Elle menace les fondements mêmes du service public et nie toute possibilité d'alternative au capitalisme le plus débridé. Derrière le changement de statut, ce sont deux visions du monde qui s'affrontent.

Notre amendement 1625 vise donc à insérer un article additionnel ainsi rédigé : « Avant le 1er mai 2005, le gouvernement adresse au Parlement un rapport sur le bilan de l'ouverture à la concurrence dans le secteur énergétique. Ce rapport examine l'impact en termes d'emploi, d'aménagement du territoire et de coût de l'énergie de la transposition des directives européennes. Il comporte une étude prospective à l'horizon 2009 sur ces différents aspects. »

M. le rapporteur - Avis défavorable.

M. le ministre délégué - Un bilan est prévu pour 2006. Avis défavorable.

M. Pierre Ducout - La date du 1er mai 2005 me paraît plus opportune. Si nous comprenons bien les déclarations du ministre d'Etat, l'ouverture du capital n'est pas envisagée avant un an. Peut-être le ministre délégué nous dira-t-il ce qu'il en sera de GDF. Nous ne savons pas non plus quelles seront les obligations des collectivités locales.

Les concurrents éventuels d'EDF ne vont pas se précipiter sur les petits artisans, qui consomment peu d'énergie. Mais les grosses collectivités les intéresseront sans doute.

J'ai lu dans un journal du matin que le Gouvernement s'apprêtait à réviser à la hausse les tarifs réglementaires, qui devraient augmenter de 6 % pour l'électricité et de 13 % pour le gaz naturel. Entendez-vous ces bruits à Bercy ?

M. le ministre délégué - Je n'entends pas cela.

L'amendement 1625, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Goldberg - Il nous semble fondamental d'inscrire dans ce texte les objectifs de pérennisation et de modernisation du service public. Pour nous, ces deux termes sont liés. Leur absence révèle d'ailleurs la nature de votre projet. L'ouverture du capital, quel que soit le pourcentage retenu, n'est qu'une étape vers la privatisation totale d'EDF et de GDF. Quelles garanties avons-nous que le service public sera préservé, que leur modernisation sera effective ?

Nous continuons de penser que la logique du profit n'est pas conciliable avec les exigences du service public. La régulation marchande creusera les inégalités sociales, territoriales et économiques que nos services publics ont précisément atténuées et ce résultat est incontestablement lié à leur statut même. Nous ne pouvons nous satisfaire d'un service public a minima. Nous avons déposé de nombreux amendements au titre premier, que nous souhaitons intituler ainsi : « Pérennisation et modernisation du service public ».

M. le président - Sur l'amendement 1601, je suis saisi d'une demande de scrutin public.

M. le rapporteur - Il n'a échappé à personne que ce projet vise à renforcer le service public. Avis défavorable.

M. le ministre délégué - Cet amendement est incohérent avec ceux qui vont suivre et qui sont de suppression. Comment parler de « pérennisation » à propos d'articles qu'on voudrait supprimer ?

M. Christian Bataille - Pérennisation et modernisation, ce sont des termes excellents. Rien ne justifie que le service public soit considéré comme obsolète. Il a montré, en France, toute son efficacité. Il peut évoluer, au lieu de disparaître : c'était tout l'objet de la loi de 2000, qui l'a adapté aux réalités. L'adoption d'un tarif social était d'ailleurs une forme de modernisation et non un archaïsme. Le groupe socialiste soutient cet amendement.

A la majorité de 39 voix contre 23 sur 62 votants et 62 suffrages exprimés, l'amendement 1601 n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Nous avons terminé l'examen des amendements avant l'article premier et cette discussion a été fort instructive sur les intentions du Gouvernement. Afin de préparer l'examen de l'article premier, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance.

La séance, suspendue à 19 heures 30, est reprise à 19 heures 35.

M. François Brottes - Je comprends que Mme Haigneré ne puisse nous rejoindre, mais vous pouvez aussi me répondre, Monsieur le ministre, sur les déclarations contradictoires des commissaires européens.

Mme Loyola de Palacio a dit qu'il fallait changer de statut pour qu'EDF-GDF puisse faire faillite, mais telle n'est pas la position de M. Monti... S'agissant par ailleurs de l'indépendance du gestionnaire du réseau, elle a jugé que le nom EDF Transports était équivoque.

Je souhaite donc savoir quelle lecture le Gouvernement a de cette position quelque peu flottante...

M. le Ministre délégué - Je vous ai déjà répondu sur le premier point.

Sur le second, les choses sont simples : la position de la Commission ne peut être que celle de la directive, dont l'article 10 dit clairement que : « le gestionnaire de réseau de transport dispose de pouvoirs de décision effectifs, indépendamment de l'entreprise d'électricité intégrée, en ce qui concerne les éléments d'actifs nécessaires pour assurer l'exploitation, l'entretien et le développement du réseau. Ceci ne devrait pas empêcher l'existence de mécanismes de coordination appropriés en vue d'assurer que les droits de supervision économique et de gestion de la société mère concernant le rendement des actifs d'une filiale, réglementée indirectement en vertu de l'article 23, paragraphe 2, soient préservés ». Le Gouvernement entend respecter scrupuleusement ces dispositions.

S'agissant de la dénomination « EDF Transport », j'observe qu'en Allemagne le transporteur a gardé le nom du producteur, Eon, et que la Commission n'y a vu aucun inconvénient.

Les choses ne présentent donc aucune difficulté et la présence de Mme Haigneré n'est pas indispensable, même si elle aurait apporté toute sa compétence et tout son charme à ce débat...

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

FIN D'UNE MISSION TEMPORAIRE

M. le Président - M. le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire précédemment confiée à M. Christian Kert avait pris fin le 22 juin 2004.

Prochaine séance, ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 40.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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