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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 109ème jour de séance, 268ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 23 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UN NOUVEAU DÉPUTÉ 2

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CONSTITUTION DE L'UNION EUROPÉENNE 2

REPRISE ÉCONOMIQUE 3

PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ 4

LUTTE CONTRE LE HOOLIGANISME 4

ÉQUIPEMENT INFORMATIQUE DES ÉTUDIANTS 5

POLITIQUE EN FAVEUR
DU LIEN INTERGÉNÉRATIONNEL 6

DÉFICITS PUBLICS 6

ALLOCATION ADULTE HANDICAPÉ 7

RETRAITE AGRICOLE ANTICIPÉE 8

PRISONS 8

INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEUNES 9

MANQUE D'EXAMINATEURS
DU PERMIS DE CONDUIRE 10

SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITE
ET DU GAZ (suite) 11

ARTICLE PREMIER (suite) 12

La séance est ouverte à quinze heures.

SOUHAITS DE BIENVENUE À UN NOUVEAU DÉPUTÉ

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. William Dumas, élu dimanche dernier député de la 5e circonscription du Gard (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent).

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à une délégation de la Chambre des représentants de la République de Malte conduite par M. Jason Azzopardi, Président de la commission des affaires étrangères et européennes (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

CONSTITUTION DE L'UNION EUROPÉENNE

M. Maxime Gremetz - Les élections européennes ont permis à l'Europe des peuples d'infliger un carton rouge à l'Europe libérale (« Combien pour le PC ? sur les bancs du groupe UMP). Malgré ce message, le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement vient d'adopter une Constitution européenne marquée au sceau de la régression sociale et de l'ultralibéralisme économique.

Au delà des questions institutionnelles, je vous invite à vous plonger dans la troisième partie de ce texte qui concerne tous les aspects de la vie quotidienne de nos concitoyens, des services publics à la santé en passant par l'emploi et l'environnement. Toutes ces questions sont traitées à travers le prisme des marchés financiers et de la Banque Centrale Européenne. Voici une Constitution faite sur mesure pour les multinationales, et contre les peuples.

Il est inacceptable qu'un tel choix qui engage l'avenir de notre peuple ne lui soit pas soumis par voie de référendum, conformément à l'engagement pris par le Président de la République. Tel est encore le souhait de la grande majorité des partis politiques, des syndicats.

Parce que nous voulons une Europe sociale, démocratique, indépendante, et pacifique, nous demandons l'organisation de débats pluralistes et publics sur le contenu et les enjeux sociaux et politiques de la Constitution européenne, pour permettre à ceux qui travaillent à une Europe des peuples, de progrès et de liberté, de dire non à cette Constitution des puissants.

Monsieur le Premier ministre, confirmez-vous votre souhait d'un référendum? Comment allez-vous en persuader le Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - Depuis samedi, l'Union européenne dispose en effet d'un traité constitutionnel qui lui permettra de fonctionner plus démocratiquement aussi bien au niveau politique que social, dont vous n'êtes pas seul à vous préoccuper, Monsieur Gremetz.

Nous avons besoin de quelques mois pour mettre en ordre ce texte sur le plan juridique, afin qu'il puisse être signé par les 25 gouvernements à l'automne prochain.

Ensuite vient le temps de la vérification constitutionnelle pour savoir si nous devons adapter notre propre loi fondamentale.

Ce n'est qu'au début de l'année prochaine que la question du référendum se posera réellement.

Oui, nous devrons organiser de nombreux débats pluralistes sur le contenu de ce texte.

Oui, au moment de la ratification, l'ensemble des pays européens aurait intérêt à organiser un débat commun.

Oui, je pense, en tant que citoyen, que le référendum a une vertu pédagogique, mais le choix appartient au Président de la République qui tranchera la question le moment venu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

REPRISE ÉCONOMIQUE

M. Serge Poignant - Monsieur le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, la croissance représente des emplois, une reprise de la consommation, et de nouvelles perspectives pour nos entreprises.

Hier, une dépêche a fait état des premières estimations de l'Insee pour la croissance française de 2004 : elle pourrait dépasser les 2 %, allant au-delà des prévisions de Bercy - 1,7 %.

Par ailleurs, plusieurs responsables de l'INSEE ont affirmé que les premiers résultats connus du deuxième trimestre correspondent aux prévisions de mars - hausse de 0,6 % pour avril, mai et juin.

Alors que demain nous débattrons des orientations budgétaires du Gouvernement, que pensez-vous de cette annonce ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - C'est vrai, la croissance est d'actualité, et nous avons eu un excellent résultat au premier trimestre - 0,8 % - lié à la consommation des ménages et à l'investissement des entreprises.

L'INSEE publiera demain sa note de conjoncture trimestrielle, qui contient ses prévisions jusqu'à la fin de l'année. D'ores et déjà, nous pensons que l'INSEE confirmera les tendances positives du début de l'année.

Le Gouvernement, dans le projet de loi de finances, et sous l'autorité du Premier ministre, a raisonnablement estimé la croissance à 1,7. Nous souhaitons bien sûr qu'elle soit meilleure et dépasse les 2 %. Ce sera alors grâce à une bonne croissance mondiale, à une solide consommation des ménages, et à l'investissement des entreprises qui, pour la première fois depuis trois ans, croient en l'avenir. Enfin, cette croissance permettra de faire baisser le chômage.

Il ne faut pas pour autant rester passif, car le chiffre de mai est moins bon que nous l'espérions.

Cela justifie l'action volontariste du Gouvernement. Ainsi, Nicolas Sarkozy présentera demain un projet de loi de soutien à la consommation et à l'investissement, et l'accord sur la grande distribution qui vient d'être conclu tend à rendre aux Français une année d'inflation. Cette croissance que nous espérons tous importante, le Gouvernement est décidé à la consolider, et, surtout, à la partager avec les Français, ce que n'avait pas fait le gouvernement précédent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ

M. Daniel Boisserie - Monsieur le ministre d'Etat, vous êtes à l'origine d'une forme nouvelle de marché public, le partenariat public-privé, inventé pour faire face à la crise financière sans précédent de l'Etat. Ce « PPP » consiste à faire financer par le privé l'investissement public, pour mieux camoufler la dette réelle, héritage négatif pour les générations futures... (« A qui la faute ? » sur les bancs du groupe UMP) A-t-on le droit d'engager l'avenir de nos enfants pour servir notre petit confort fiscal du moment ? Ce projet soulève l'indignation de tous ceux qui concourent à l'acte de bâtir - architectes, ingénieurs, artisans, PME, salariés du BTP. Vous voulez permettre de confier par un marché unique à de très grosses entreprises à la fois la conception, le financement, la construction et même l'exploitation des investissements publics. Au-delà de la qualité architecturale, sacrifiée sur l'autel du profit, c'est la sécurité des personnes qui est gravement mise en cause. Le drame de Roissy est là pour nous le rappeler (« N'importe quoi ! » et huées sur les bancs du groupe UMP) ...au moment où l'on examine le rapport de la Cour des comptes, qui, en 2003, s'inquiétait du fait que les Aéroports de Paris étaient à la fois propriétaires, concepteurs et bâtisseurs des aérogares. En outre, ce projet de partenariat fait resurgir le spectre des marchés truqués (mêmes mouvements), et de la corruption qui a longtemps gangrené la vie politique française.

Monsieur le ministre, au nom du groupe socialiste, je vous demande de retirer ce dangereux projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Il est absolument indigne d'utiliser le drame de Roissy pour de vaines polémiques politiciennes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). D'abord, parce qu'on n'en connaît pas encore les causes ; ensuite, parce que l'aérogare a été construit sous l'empire de la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique et non du contrat de partenariat que vous critiquez de manière quelque peu absurde.

Si vous souhaitez parler des marchés truqués, très bien, car au parti socialiste, vous êtes orfèvres en la matière ! La justice peut en témoigner ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Je n'estime donc pas que la droite ait des leçons à recevoir de vous à ce sujet (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Le contrat de partenariat, c'est une technique moderne d'administration de nos collectivités, prenant en compte la spécialisation et la professionnalisation. Au XIXe siècle, vous auriez sans doute été contre la concession, l'affermage ou même la délégation de service public ! En critiquant ce nouvel outil de gestion, vous faites preuve, au-delà de votre parti pris de polémique, de votre conservatisme (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

LUTTE CONTRE LE HOOLIGANISME

M. Pierre-Christophe Baguet - Monsieur le ministre de la jeunesse et des sports, ma question touche au suivi de nos travaux parlementaires auquel notre Président est particulièrement attaché. A l'heure où le football a pris ses quartiers dans la péninsule ibérique, la police portugaise a arrêté, condamné et expulsé de nombreux hooligans britanniques. Son action a été saluée par l'ensemble des polices européennes mais ces débordements nous rappellent que le hooliganisme sévit sur tous les terrains, y compris chez nous. Nous nous apprêtons dans les jours qui viennent à signer le contrat local de sécurité du stade du Parc des Princes, entre la Préfecture de police, le conseil général des Hauts-de-Seine, la Ville de Paris, Boulogne-Billancourt et le PSG. Or, après le vote de la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003, présentée par M. Sarkozy, aucun des décrets d'application concernant les mesures destinées à lutter contre le hooliganisme - pourtant votées à l'unanimité - n'a encore été publié. La ligue de football s'impatiente à juste titre, et, comme elle, je m'interroge sur la cause de ce retard. Le championnat de France reprend dès le mois d'août et il est essentiel que le dispositif de sécurité soit opérationnel avant la reprise.

Quand pourrons-nous compter sur la parution de ces décrets pour redonner enfin aux matchs leur caractère familial et festif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - En 2003, les actes de hooliganisme ont décru de près de 10 %, passant de 330 à 300. Ils continuent cependant de poser problème, tant ils sont contraires par essence à l'esprit du sport. La Ligue et les clubs de football se sont résolument engagé dans la lutte contre le hooliganisme et le Gouvernement s'est attaché à établir le premier contrat local de sécurité intéressant un établissement sportif - en l'occurrence, le Parc des Princes. Nous devons le signer le 30 juin prochain, cependant que nous conclurons avec la ligue professionnelle une convention plus large, visant en outre à arrêter une stratégie pour ce qui concerne le déploiement des forces de police à proximité des équipements, en fonction des spécificités locales. Enfin, des efforts financiers ont été consentis par la Ligue, pour former les stadiers, renforcer la vidéosurveillance et agréer les clubs de supporters.

S'agissant du décret que vous avez évoqué, il est en cours de finalisation, à l'issue de plusieurs réunions interministérielles. Nous avons beaucoup insisté pour que le procureur de la République puisse transmettre au préfet du département la liste des supporters interdits, à charge pour ce dernier de la communiquer aux responsables des clubs professionnels et aux fédérations. Il est également prévu que les éléments les plus violents soient soumis à une obligation de pointage au commissariat pendant le déroulement des matchs qu'ils seraient susceptibles de perturber.

Soyez assuré de notre détermination à éradiquer le hooliganisme, sous toutes ses formes et dans le sport professionnel comme dans le sport pour tous. Je serai d'ailleurs à Strasbourg lundi prochain avec le Président Simonnet, pour présenter les mesures tendant à proscrire toute manifestation raciste ou xénophobe en milieu sportif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EQUIPEMENT INFORMATIQUE DES ETUDIANTS

M. Jean-Pierre Le Ridant - Monsieur Fillon, pour répondre aux diverses difficultés que connaît notre système éducatif, le Gouvernement a pris depuis deux ans plusieurs mesures concrètes (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Ainsi, pour satisfaire aux exigences de l'école de demain, un grand débat national a été organisé en vue de préparer le projet de loi d'orientation.

Pour adapter l'enseignement supérieur français aux exigences européennes et mondiales, le Gouvernement a d'ores et déjà engagé la mise en _uvre du système LMD et constitué des groupes de travail avec les syndicats d'étudiants.

Vous avez annoncé, à la fin de la semaine dernière, que les étudiants français pourraient dès septembre acquérir un ordinateur portable à crédit au prix d'un euro par jour. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette initiative qui vise à réduire la fracture numérique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Notre pays a longtemps hésité à entrer dans la révolution des nouvelles technologies de l'information. Je me souviens qu'il y a dix ans, le président d'une grande entreprise de télécommunications me conseillait de ne pas perdre mon temps avec Internet : « C'est une mode, me disait-il, qui ne durera pas six mois. »

Aujourd'hui, nous avons rattrapé notre retard. Notre pays enregistre même la plus forte progression en matière d'équipement des ménages et de haut débit. C'est d'abord le résultat de la concurrence. Je le dis pour ceux qui s'inquiètent de son apparition dans d'autres domaines (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). C'est aussi le résultat du plan voulu par le Premier ministre, plan grâce auquel cette offre sera opérationnelle dès la rentrée. Chaque étudiant pourra bénéficier d'un ordinateur, d'une offre de logiciel et d'un accès à Internet pour un euro par jour, soit le prix d'un café. L'offre sera progressivement étendue à toutes les universités, qui disposeront à partir de la rentrée 2005 d'un site d'accès wifi.

En outre, nous préparons l'ouverture de huit grandes universités thématiques afin d'être présent sur un nouveau marché, le marché du savoir, que les grandes universités anglo-saxonnes ont commencé à occuper.

Il y a beaucoup de domaines dans lesquels la France hésite à entrer dans le XXIe siècle, mais nous n'avons pas manqué le tournant des nouvelles technologies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

POLITIQUE EN FAVEUR DU LIEN INTERGÉNÉRATIONNEL

M. Alain Suguenot - Monsieur le ministre de la jeunesse et des sports, un certain nombre de jeunes ne partiront pas en vacances cet été. Cette injustice sociale est aussi à l'origine de troubles dans nos villes.

Par ailleurs, les personnes âgées sont souvent confinées dans l'isolement, comme l'a montré la canicule de l'été dernier.

Vous avez pensé que les jeunes pouvaient s'occuper des personnes âgées. Quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer ainsi le lien social et le lien intergénérationnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et du mouvement associatif - Vous avez raison d'insister sur l'engagement des jeunes en faveur de la solidarité. Mon ministère a pour vocation de créer des synergies. C'est ainsi que nous avons mis en place un dispositif de solidarité : un tiers des jeunes ne partant pas en vacances, nous avons décidé d'accueillir, dans les écoles et les établissements qui dépendent de mon ministère, six mille jeunes de onze à dix-sept ans qui bénéficieront d'animations culturelles, scientifiques et sportives pendant des séjours de deux à cinq jours.

Il faut aussi reconnaître et promouvoir l'engagement des jeunes qui aident les personnes âgées à se déplacer ou qui s'occupent des enfants hospitalisés. Il faut valoriser leur effort en leur permettant de présenter leur action dans les CREPS et les écoles du ministère. Ces jeunes doivent servir d'exemples aux autres.

Cette initiative est aussi l'_uvre de mon collègue Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. L'Agence nationale du chèque-vacances finance en partie ce dispositif, qui sera pérennisé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DÉFICITS PUBLICS

M. Gérard Bapt - Monsieur le ministre des finances, vous avec pris l'engagement de ramener les déficits publics à 3% du PIB en 2005. Dans votre rapport d'orientation budgétaire, vous tablez sur un retour à l'équilibre des comptes de l'assurance maladie. Votre projet sur l'assurance maladie comporte bien un volet financier, qui prévoit un retour à l'équilibre en 2007, en partant d'un déficit actuellement de 14 milliards d'euros. Mais ce projet est fondé aux deux tiers sur des économies aléatoires, comme celles que attendez de la mise en place du dossier médical partagé ; or celle-ci coûtera cher et ce nouveau système ne sera pas généralisé en 2007.

Comment le Gouvernement compte-t-il respecter ses engagements européens ? Vous avez déclaré vouloir gérer les finances publiques « en bon père de famille ». Je vous rappelle l'exigence de maîtriser la dette. Comment un bon père de famille peut-il accepter de faire peser sur nos enfants et nos petits-enfants la dette de l'assurance maladie ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Je vous pose des questions précises. S'il vous plaît, ne me répondez pas en faisant une nouvelle fois le coup de l'héritage ! (Même mouvement) Ne vous bornez pas non plus à accuser les 35 heures, dont vous oubliez toujours les effets bénéfiques. Merci de me répondre sérieusement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je ne sais pas si ma réponse vous conviendra, mais je vous garantis qu'elle sera sérieuse. L'objectif des 3% n'est pas imposé par l'Europe, mais par le bon sens. La France ne peut pas continuer à dépenser plus qu'elle ne gagne.

M. Bussereau a annoncé deux bonnes nouvelles, qui sont liées : une croissance qui s'améliore et des rentrées fiscales qui augmentent. Cela doit vous réjouir. Quand les rentrées diminuent, vous critiquez le Gouvernement ; comme elles augmentent, je suis sûr que vous allez nous féliciter.

La réforme des retraites, courageusement conduite par François Fillon et Jean-Pierre Raffarin, nous a fait gagner l'équivalent d'un demi point de PIB (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Je n'aurai pas la cruauté de dire que ce que vous avez rêvé, nous l'avons fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Voilà quelques semaines, avec Dominique Bussereau, nous avons présenté des régulations budgétaires. Vous n'avez eu de cesse de dénoncer cette politique de rigueur. Mettez-vous donc d'accord avec vos contradictions. Soit on dépense trop, ce qui crée du déficit, soit on ne dépense pas assez, et alors c'est la rigueur. Mais, dans tous les cas, il y a l'incohérence du Parti socialiste ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Quant à la réforme de l'assurance maladie, libre à vous de ne pas croire aux 10 milliards d'économies, et aux 5 milliards de recettes supplémentaires. Cependant, malgré les insuffisances de cette réforme, elle vaut infiniment mieux que ce que vous avez fait dans ce domaine ! Comme l'a bien dit Patrick Devedjian tout à l'heure : pas vous, pas ça ! Votre bilan ne vous autorise pas à nous questionner sur les réformes que nous mettons en _uvre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ALLOCATION ADULTE HANDICAPÉ

M. Ghislain Bray - L'Assemblée a voté la semaine dernière le projet pour l'égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ce texte présente, aux dires des associations, des avancées réelles, parmi lesquelles la création d'un véritable droit à compensation, dont le montant ne tiendra plus compte des revenus d'activité des personnes handicapées, et qui bénéficiera d'ici trois à cinq ans à tous les handicapés quel que soit leur âge. Saluons aussi la réaffirmation des principes d'accessibilité et d'intégration en milieu ordinaire de vie. Ce projet est à la hauteur de l'ambition affichée par le président de la République.

Cependant les associations regrettent que le texte ne comporte aucune amélioration du minimum de ressource que constitue l'allocation adulte handicapé. Que compte faire le Gouvernement pour les milliers d'handicapés qui n'ont d'autre perspective que les 587,74 € mensuels pour vivre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - La société, reconnaissant la situation particulière des handicapés, leur garantit un minimum social, l'AAH, dont le montant ne relève pas de la loi. Cependant le Gouvernement, soucieux de maintenir le pouvoir d'achat des personnes handicapées, a ancré dans la loi le principe de sa revalorisation indexée sur l'évolution du coût de la vie. L'AAH a ainsi augmenté de 1,5 % en 2003 et de 1,7 % en 2004. Au-delà, le projet améliore les conditions de cumul entre le revenu d'activité et l'AAH pour encourager le retour à l'emploi des handicapés, et fait en sorte que la prestation de compensation prenne en charge les dépenses liées au handicap, laissant à l'AAH celles qui relèvent de la vie quotidienne. Je mesure bien la situation difficile de nombre de personnes handicapées qui se trouvent en établissement, et dont le reste à vivre est très insuffisant, ou qui ne sont pas en mesure d'exercer une activité professionnelle. C'est pourquoi j'ai lancé une réflexion dont les conclusions nous parviendront à la fin d'octobre, permettant d'envisager un complément à l'AAH. Je tiens à souligner les avancées du texte que vous avez adopté, et à m'étonner que, pour des raisons d'affichage politique, on puisse choisir de s'opposer par son vote à l'établissement d'une prestation de compensation, à l'accès à la cité, à l'éducation et aux soins, c'est-à-dire aux droits fondamentaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RETRAITE AGRICOLE ANTICIPÉE

M. Jacques Le Nay - La loi du 21 août 2003 autorise le rachat d'annuités à compter du 1er janvier 2004 afin de partir en retraite avant 60 ans à condition d'avoir cotisé pendant quarante-deux années. Dans l'agriculture, cette loi comporte le rachat des années d'aide familiale en contrepartie d'un allongement de cotisation. Cette mesure était très attendue par ceux qui ont commencé à travailler dans l'agriculture à partir de 14 ans. Or l'application de cette disposition est subordonnée à la parution d'un décret fixant le montant des annuités rachetées. Pouvez-vous nous annoncer la parution rapide de ce décret ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture. De fait, cette mesure était très attendue. Elle s'inscrit dans le cadre de l'allongement de la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein et de la possibilité ouverte à ceux qui ont eu une carrière longue de partir avant 60 ans. Le Gouvernement, avec les organisations concernées, a travaillé pour établir un prix du rachat, qui ne soit ni dissuasif pour les intéressés ni de nature à compromettre le financement des régimes de retraite concerné. Nous proposerons un prix dégressif qui tienne compte de la durée effective de travail. Cette semaine, le Premier ministre a rendu les arbitrages nécessaires, et les deux décrets d'application seront publiés avant la mi-juillet. Nous sommes très attentifs à cette question (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PRISONS

M. Jean-Pierre Dufau - Après la réponse de M. Devedjian, je rappelle que ce qui autorise l'opposition à interroger le Gouvernement, c'est la démocratie parlementaire. Il faut s'y faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Cela n'a échappé à personne ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Dufau - La situation actuelle dans nos prisons est indigne de la France. Tous les parlementaires qui visitent actuellement les établissements pénitentiaires vous le diront. Inutile d'invoquer l'héritage socialiste ! Votre gouvernement et lui seul est responsable de l'aggravation dramatique de la situation (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Il détient ce triste record de plus de 64 000 détenus. Certaines maisons d'arrêt sont occupées à 300 %. Votre politique du tout répressif a conduit à une augmentation sans précédent - 30 % - du nombre des entrées.

La réponse à cette crise ne saurait être qu'immobilière, car 99 % des personnes qui entrent en prison en ressortiront un jour - mais dans quel état ? Les élus socialistes demandent donc des comptes au Gouvernement. En 2000, le rapport de la commission d'enquête de notre assemblée avait donné l'alerte. Faudra-t-il créer une nouvelle commission pour tirer le bilan de votre incurie ? Nous y sommes prêts.

Il faut réagir, Monsieur le Garde des Sceaux, car la situation est explosive. Il paraît que vous réfléchissez à un plan carcéral, mais pourquoi ne pas vous inspirer de la loi pénitentiaire élaborée précisément à la suite des travaux de notre commission d'enquête ? Vous avez là une réforme disponible clés en main. Et pourquoi ne pas appliquer la loi Kouchner du 27 mars 2002 avant que des centaines de détenus ne se suicident ou n'agonisent dans des conditions inhumaines ?

Considérez aussi que de nombreux malades mentaux ou toxicomanes n'ont pas forcément leur place en prison.

Un pays se juge aussi à la façon dont il traite ceux que la justice condamne. Quelles mesures allez-vous donc prendre d'urgence et allez-vous enfin mener une politique plus respectueuse de la dignité humaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Charles Cova - On va construire des prisons quatre étoiles pour vous contenter !

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes - La surpopulation carcérale est une vraie préoccupation pour le Gouvernement, comme l'a rappelé ce matin Dominique Perben en Conseil des ministres. La récente initiative d'un certain nombre de députés de visiter des prisons est une bonne chose. Elle leur permet de juger des conditions de vie, particulièrement difficiles, des détenus et de mesurer aussi la difficulté de la mission des personnels de l'administration pénitentiaire - que je salue.

Je ne comprendrai jamais qu'un sujet comme celui-là suscite la polémique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Revenons sur la situation que nous avons trouvée en arrivant : (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) une France pénitentiaire malade et très en retard, avec des établissements construits à 80 % avant 1912. Depuis les plans Méhaignerie et Chalandon, aucun projet de construction n'avait été élaboré par vos soins (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nous avons trouvé également une situation caractérisée par des conditions de vie très difficiles pour les détenus, par un manque de sécurité... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Elisabeth Guigou - Vous mentez !

Mme la Secrétaire d'Etat - ...par une insuffisante prise en charge des personnels fragiles et par un très grand nombre de suicides (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nous avons donc lancé un très ambitieux plan de constructions nouvelles, étant entendu que ce qui est en cause, ce n'est pas le nombre de détenus mais le nombre de places de prison. Nous avons aussi prévu un programme ambitieux de recrutements, avec la création de 3740 emplois et le recrutement de 2000 personnels de surveillance par an pour combler les postes vacants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEUNES

M. Daniel Prevost - Le contrat de qualification, qui a eu 20 ans cette année, est unanimement reconnu comme l'un des meilleurs dispositifs d'insertion professionnelle des jeunes. Il permet chaque année à près de 70 % des 130 000 stagiaires d'être embauchés en CDI à l'issue de leur stage. Le 1er octobre prochain, le contrat de professionnalisation va se substituer à lui. Ce dispositif d'alternance modulable devra aider les jeunes à acquérir une qualification reconnue par une convention de branche et il facilitera aussi la reconversion des demandeurs d'emploi qui souhaitent compléter leur formation initiale. Mais à quelques mois de son application, nous aimerions quelques éclaircissements.

La loi dit que ce nouveau contrat devra être conclu pour une durée minimale de six à douze mois, alors qu'actuellement 80 % des formations demandées par les jeunes et par les entreprises ont une durée minimale de 24 mois compte tenu des programmes d'acquisition des connaissances. Par ailleurs, la durée minimale de la formation serait ramenée à 15 % de la durée de contrat au lieu des 25 % garantis jusqu'alors par les contrats de qualification. Certains organismes paritaires s'inquiètent d'autre part de la réduction des crédits, qui se traduit notamment par un nombre de places disponibles largement insuffisant. Face à ces nouvelles modalités, les branches doivent s'organiser et passer des accords interprofessionnels. Mais elles n'auront sans doute pas le temps de le faire d'ici au 1er octobre. Les jeunes pourront-ils néanmoins disposer à la rentrée de toutes les informations nécessaires ? Et le contrat de professionnalisation suffira-t-il à répondre aux besoins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes - Comme vous, je voudrais souligner les excellents résultats du contrat de qualification, à l'issue duquel quatre jeunes sur cinq trouve un emploi. C'est d'ailleurs le même taux de réussite que dans l'apprentissage, ce qui prouve que la formation en alternance est un vrai passeport pour l'emploi.

Mais le contrat de professionnalisation permet deux grands progrès : d'abord, celui de la formation tout au long de la vie ; ensuite, il « collera » plus aux débouchés professionnels réels puisqu'il sera défini branche par branche, en fonction des situations constatées et prévues.

Pour ce qui concerne les jeunes, notamment ceux sans qualification, la durée de 12 mois est une durée minimale et la loi pose le principe d'une extension à 24 mois pour des publics sans qualification. Le Gouvernement veillera bien sûr à ce que l'application par branche garantisse cette possibilité. Pour ce qui concerne le temps de formation, le montant de 15 % est là aussi un plancher légal. Il peut aller jusqu'à 25 % et là encore le Gouvernement sera vigilant. Enfin, les partenaires sociaux ont prévu que des fonds de l'alternance puissent financer l'apprentissage, qui permet, par des contrats allant jusqu'à trois ans, de préparer des diplômes tels que le bac, la licence professionnelle, voire des diplômes d'ingénieurs. Autant de mesures propres à garantir la pleine qualification des jeunes.

Le contrat de professionnalisation entrera en vigueur le 1er octobre et, dès septembre, le Gouvernement et les partenaires sociaux organiseront une campagne d'information. Mais pour que, dans tous les départements et dans toutes les branches professionnelles, les jeunes bénéficient de la plus grande offre de formation en alternance, j'ai obtenu des partenaires sociaux qu'ils prolongent les contrats de qualification jusqu'au 15 novembre.

La rentrée 2004 se fera ainsi, pendant six semaines, avec à la fois le nouveau contrat de professionnalisation et, là où il n'est pas suffisamment lancé, l'ancien contrat de qualification (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

MANQUE D'EXAMINATEURS DU PERMIS DE CONDUIRE

M. Jean Marsaudon - Nos jeunes concitoyens rencontrent des difficultés croissantes pour passer les épreuves pratiques du permis de conduire. J'ai déjà appelé l'attention à plusieurs reprises sur le manque flagrant d'inspecteurs du permis de conduire, pour l'ensemble du territoire, et le problème devrait encore s'aggraver considérablement dans les semaines à venir. Les candidats attendent ainsi de passer leur examen pendant plusieurs mois, sans parler de ceux qui en sont à leur seconde chance : ils peuvent devoir attendre jusqu'à dix mois ! Il devient ainsi impossible de bénéficier des cinq tentatives prévues dans les deux années qui suivent l'obtention du code...

Pour compliquer encore la situation, une directive européenne de 1996, qui entre en application cette année, fait passer la durée effective de l'épreuve de conduite de 22 à 35 minutes, réduisant d'autant le nombre de candidats. Les chômeurs devant souvent être titulaires du permis de conduire pour trouver un emploi, cette situation constitue donc un puissant frein à l'embauche des jeunes. Il faut agir de toute urgence, sous peine de se trouver dans une situation de blocage dramatique. Quelles dispositions envisagez-vous de prendre ?

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - Je vous demande d'abord d'accepter les excuses de M. de Robien, qui s'est rendu sur les lieux du tragique accident qui s'est produit près de Poitiers - ayons une pensée pour les malheureuses victimes et leurs familles.

En ce qui concerne le permis de conduire, l'amélioration de la formation initiale est un élément déterminant de notre politique de sécurité routière. Le ministre de l'équipement a entrepris, fin 2002, la déconcentration du service des examens du permis de conduire, dans un souci de se rapprocher à la fois des candidats et des auto-écoles. Ces services s'appuient désormais sur les directions départementales de l'équipement et l'amélioration de leur organisation est notable. Mais cela ne serait rien si les moyens ne suivaient pas. Entre 2000 et 2003, 260 postes ont été créés, soit 26 % des effectifs des examinateurs et la loi de finances pour 2004, malgré un contexte difficile, prévoit 100 postes supplémentaires, notamment pour faire face aux conséquences de la directive sur la durée de l'épreuve. Une autre voie d'action consiste à réduire le nombre d'échecs à l'examen - et c'est un des objectifs de la déconcentration, qui permet un travail en commun plus étroit avec les professionnels de l'enseignement de la conduite.

Des moyens supplémentaires, une meilleure organisation, une amélioration des conditions des épreuves : telles sont les mesures que le Gouvernement met en _uvre pour répondre à votre légitime préoccupation, avec un souci dominant : celui de la sécurité routière (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 15 h 55, est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de M. Raoult.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITE ET DU GAZ (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

M. Daniel Paul - Je souhaite faire un rappel au Règlement. Monsieur le ministre, il ne passe pas de journée sans que l'on nous signale des interventions des forces de police contre des salariés grévistes d'EDF, lesquels ne font pourtant que défendre leur entreprise publique et la qualité du service public de l'électricité. Au motif que leurs actions feraient courir un risque pour la sécurité des installations - une psychose est d'ailleurs savamment entretenue à ce sujet -, vous les traitez comme des terroristes. Hier matin, une compagnie de CRS est ainsi intervenue dans mon département, à Saint-Etienne-du Rouvray, dans la banlieue de Rouen, contre des salariés d'EDF.

Le texte qui nous est proposé, puisque ainsi le veut la règle de la majorité, sera adopté, en dépit de notre opposition. Mais ce texte ne satisfait pas non plus les agents, ni les usagers, ni même les patrons. Le Gouvernement ne pourrait-il pas suggérer à EDF de retirer les plaintes qu'elle a déposées et lui demander de traiter les salariés qui luttent, dans les conditions qu'ils ont décidées, selon les règles du droit du travail...

M. le Président - Monsieur Paul, ceci est davantage une question d'actualité qu'un rappel au Règlement.

M. Daniel Paul - Maintenant que nous entrons dans le c_ur du débat, il serait bon que le Gouvernement précise sa position à l'égard de ces salariés en lutte.

M. François Brottes - Nous défendons ici non un quelconque corporatisme, mais l'intérêt national et le droit de tous les Français à l'énergie. Notre combat est aussi celui des salariés d'EDF et GDF.

Le Gouvernement est près du point de non-retour car une fois adopté le changement de statut d'EDF, le démantèlement de l'entreprise publique, fleuron de l'industrie nationale, sera irréversible. Souffrez donc que nous nous opposions sans concession à ce projet par tous les moyens dont nous disposons au Parlement.

Le rapporteur a demandé hier soir, ou plutôt ce matin à 1 heure 30, une suspension de séance pour réunir la commission. Je ne sais d'ailleurs s'il pouvait, en tant que rapporteur, prendre cette initiative, dont je pensais personnellement que c'était une prérogative exclusive du président de la commission... Où peut-on consulter le compte-rendu de cette réunion ? Le Règlement prévoit en effet que toute réunion de commission fait l'objet d'un compte-rendu.

M. le Président - Nous en venons aux amendements restant à examiner à l'article premier.

M. Pierre Ducout - Il faut que l'on nous réponde.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Le rapporteur a parfaitement qualité pour demander une suspension de séance...

M. François Brottes - Mais pour réunir la commission ?

M. le Président de la commission - Avant de quitter l'hémicycle hier soir, je l'avais expressément autorisé à réunir la commission si besoin.

Permettez-moi maintenant, à mon tour, de faire quelques rappels. Nous examinons un texte en effet très important pour EDF et pour la nation tout entière. Nous y avons d'ores et déjà consacré huit séances publiques pour environ vingt-sept heures de débat, dont dix-sept heures pour l'examen de 357 amendements, parmi lesquels vingt-cinq séries d'une dizaine d'amendements identiques présentés par le groupe socialiste, ce qui, aux termes de notre Règlement, a permis à chaque fois à une dizaine de députés socialistes de prendre la parole...pour nous exposer une dizaine de fois exactement les mêmes arguments (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). En réalité, nous n'avons durant toutes ces heures examiné que quatre-vingt-deux amendements distincts ! Il en reste 1 525 à examiner. Si nous n'entrons pas enfin dans un débat véritable, je pourrais être amené, en tant que président de la commission, à la réunir pour examiner les conditions de notre travail en séance publique. Si cette obstruction bien organisée de l'opposition devait persister (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), il doit être clair que je n'hésiterais pas à assumer mes responsabilités de président. Il y va aussi du sentiment de l'opinion sur le sérieux du travail parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Brottes - L'opposition fait son travail, en parfaite conformité avec le Règlement. Ce qui n'est pas sérieux, Monsieur le président de la commission, c'est de ne pas nous avoir transmis de compte-rendu de la réunion de la commission qui s'est tenue hier soir, et de nous reprocher de faire notre travail sur un texte aussi important. Nous cherchons à débattre avec honnêteté et conviction. Nous refusons en effet que ce texte soit, comme vous le souhaiteriez, examiné à toute vitesse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Daniel Paul - Nous ne pouvons pas laisser sans réponse les propos du président de la commission qui constituent une insulte à l'égard de l'opposition. Nous ne faisons pas de l'obstruction pour l'obstruction. Nous débattons avec sérieux d'un texte qui suscite l'opposition de tous les agents d'EDF...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Il y a 5% de grévistes.

M. Daniel Paul - Ce sont vos chiffres. Toujours est-il que l'organisation syndicale majoritaire dans l'entreprise appelle à la grève.

Tous les sondages confirment l'incompréhension, les réticences, sinon l'opposition, de nos concitoyens à l'égard de vos orientations en matière de politique énergétique. Ce texte est critiqué par les patrons eux-mêmes, en tout cas ceux dont les entreprises sont de grosses consommatrices d'électricité -ce qui m'a d'ailleurs permis de vous dire, il y a quelques jours, que nous vous avions connu, Monsieur le ministre, plus attentif aux souhaits du patronat...

Ce texte est rejeté par le corps social ...

M. le Ministre délégué à l'industrie - Cela ne donne pas tous les droits.

M. Daniel Paul - Souffrez que nous utilisions toutes les ressources du Règlement de notre assemblée pour faire valoir nos arguments. Jusqu'à présent, vous n'avez que très peu répondu, non plus que le rapporteur, à nos interrogations. Le débat que nous souhaitons n'a pas encore pu avoir lieu. Soyez assurés que nous ferons en sorte qu'il ait lieu...

ARTICLE PREMIER (suite)

M. le Président - Les amendements 909 à 920 sont identiques.

M. François Brottes - L'amendement 911 ajoute la régularité de l'approvisionnement parmi les exigences de service public. De cette régularité dépend en effet largement la qualité du service rendu. Pour nous, le service public de l'électricité ne saurait être un service minimum.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Même avis.

M. François Brottes - Nous avons exprimé le souhait de travailler dans un esprit constructif. Pour nous permettre de le faire, pourriez-vous, Monsieur le président, ne solliciter l'avis de la commission et du Gouvernement qu'après la présentation de l'ensemble des amendements identiques ?

M. Pierre Cohen - L'amendement 912 précise en effet les exigences de service public en mentionnant notamment la régularité de l'approvisionnement, indispensable à sa sécurité.

M. Pierre Ducout - Je défends l'amendement 914. Nous tenons à la notion de régularité, car, dans de nombreux pays, elle ne va pas soi, surtout quand les intervenants privés sont soumis à la dictature d'un marché qui n'est pas vertueux. Je vous renvoie aux exemples des Etats-Unis ou de l'Italie, où des délestages impromptus peuvent frapper les particuliers ou les entreprises.

Bien entendu, l'exigence de régularité impose certains moyens financiers, d'où l'intérêt d'inscrire le principe dans la loi.

Monsieur le président de la commission, nos concitoyens commencent à réaliser que les enjeux du débat ne se résument pas, contrairement à ce que le ministre d'Etat laisse entendre, à la seule défense des intérêts d'un personnel que certains estiment trop bien traité. Telle n'est pas notre opinion, au regard de son efficacité et de son engagement.

La presse régionale est lucide, et a clairement fait apparaître les enjeux: la France peut-elle rester fidèle à ses EPIC, ou doit-elle changer le statut d'EDF et GDF ? Là est le c_ur du sujet, en témoignent les propos du ministre d'Etat qui veut préparer EDF à la concurrence en changeant le statut et en supprimant la garantie automatique de l'Etat.

M. Jean Gaubert - Comment peut-on émettre un avis défavorable à une proposition, telle mon amendement 916, qui tend à améliorer la qualité de la distribution d'électricité, d'autant plus qu'avec le recours accru aux énergies renouvelables, la question de la régularité se posera encore davantage !

Mais surtout, si l'on pouvait encore prendre son parti, il y a dix ou vingt ans, de coupures d'électricité, il n'en va plus de même aujourd'hui, avec l'arrivée de l'informatique, y compris dans les milieux ruraux.

M. David Habib - Nous travaillons dans le souci d'améliorer le texte pour favoriser la performance de nos entreprises. Les clients d'EDF et GDF sont clairs: ils veulent de la régularité, de la continuité et de la qualité.

Cette notion de régularité est une valeur de service public, essentielle en matière d'électricité, et Jean Gaubert vient de le rappeler.

Par ailleurs, cet article premier fait référence à de nouveaux contrats de service public qui vont remplacer ceux de l'article 140 de la loi relative aux nouvelles régulations économiques. Or, le contenu de ces nouveaux contrats est restrictif quant aux missions et aux objectifs de service public, aussi est-il nécessaire d'en compléter la définition. D'où mon amendement 918.

Les amendements 909 à 920, identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Nous en venons à 12 amendements identiques, 921 à 932.

M. Christian Bataille - L'amendement 921 tend à préciser que la notion de qualité s'étend à la fourniture d'énergie. La fourniture n'est pas une notion abstraite: au contraire, elle doit satisfaire à une exigence de qualité très élevée pour répondre aux besoins des consommateurs.

M. François Brottes - L'amendement 923 tend à préciser le contenu des missions de service public qui figureront dans le contrat et le Gouvernement serait bien inspiré d'accepter cette précision.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le Rapporteur - Ce n'était pas l'avis de la commission, mais compte tenu des arguments du ministre (Sourire), je m'y rallie à titre personnel.

M. François Brottes - Le message est passé, aussi renonçons-nous à nos interventions.

Les amendements 921 à 932, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jacques Desallangre - L'amendement 1687 tend à substituer, à la fin du quatrième alinéa de cet article, le terme « usagers » à celui de « consommateurs ».

Tout d'abord, compte tenu de l'incertitude des missions de service public et du lien entre ces missions et le statut du personnel, ce dernier est manifestement menacé, d'autant plus que tout dépendrait désormais du contrat et non plus de la loi.

Le juge administratif, juge de la légalité du statut des agents d'EDF et GDF, pourrait-il contrôler la légitimité du maintien du statut de ces agents par rapport aux contrats passés entre l'Etat d'une part, et EDG et GDF d'autre part, contrats qui définiraient les missions de service public ?

C'est loin d'être certain, et l'on peut alors s'interroger sur le fondement du maintien du statut de ces agents, comme ne manqueront pas de le faire les actionnaires autres que l'Etat, en cas de transformation en société anonyme et d'ouverture du capital.

M. Ollier nous a mis au défi de démontrer les menaces qui pèsent sur le statut des électriciens et des gaziers. A lui maintenant de nous rassurer !

Au reste, pourra-t-on toujours parler de service public à la française si les citoyens se voient privés de toute possibilité de contrôle sur l'activité des entreprises énergétiques ? Substituer à la notion d'usager celle de consommateur témoigne, de manière symbolique dans un premier temps, mais dans les faits demain, de votre volonté de porter atteinte au service public.

Toutes ces raisons justifient notre opposition résolue à l'adoption de cet article premier.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Même avis, car nous sommes trop respectueux de la terminologie retenue par le Gouvernement précédent dans la loi du 10 février 2000 pour la changer !

L'amendement 1687, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Notre amendement 1686 tend à ce qu'une attention particulière soit portée à la bonne desserte énergétique des zones de revitalisation rurale et des zones urbaines sensibles. La péréquation tarifaire, à laquelle attentent vos projets de réforme, est l'un des piliers essentiels de nos services publics : les plus rentables financent ceux qui le sont moins. C'est sur ces bases que se sont développés nos grands services d'intérêt général et que s'est aménagé notre territoire. Le principe mis en avant par la Commission européenne selon lequel les tarifs doivent tendre vers les coûts de revient conduit parfois à l'absurde. Il sera toujours moins cher que le prix du timbre d'envoyer une lettre d'un arrondissement de Paris à un autre, et plus cher que la valeur faciale de l'affranchissement de l'expédier au c_ur du Massif central ! Au reste, la Commission de Bruxelles avait elle-même reconnu à plusieurs reprises - notamment dans sa communication de 1996 sur les services d'intérêt général en Europe - que l'application des mécanismes du marché sans compensation pouvait conduire à exclure une partie de la population. La déréglementation du secteur des télécommunications a d'ailleurs bien montré que le « rééquilibrage tarifaire » s'exerçait pratiquement toujours au détriment de la majorité des usagers. Dans notre pays, depuis 1993, l'abonnement a été multiplié par trois et la présence sur notre sol de trois opérateurs en téléphonie n'a pas permis de couvrir l'ensemble du territoire national. Ces différents exemples devraient vous inciter à plus de prudence. Pourquoi persister dans votre volonté de démanteler un système qui a contribué à l'aménagement raisonné de notre territoire et à la cohésion sociale ?

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Même avis (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. François Brottes - Il s'agit pourtant d'un amendement de bon sens et d'une proposition équilibrée. Après avoir adopté en première lecture le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, la majorité peut-elle s'opposer à ce qu'une attention particulière soit portée à la situation des ZRR et des ZUS ? Aux termes de ce texte, les communes pauvres ou rurales seront conduites à financer elles-mêmes les mesures visant à compenser leur déficit d'équipements et de services publics - en payant par exemple les études d'un futur médecin contre son engagement à s'installer chez elles ou en versant des aides à l'installation à un vétérinaire. Entend-on aujourd'hui leur faire supporter les surcoûts d'acheminement de la ressourcé énergétique liés à leur enclavement ? Votre réforme annonce la fin de la mutualisation des obligations de service public, au grand dam des collectivités les moins favorisées.

M. Pierre Cohen - Qui peut croire, en effet, que l'objectif du Gouvernement n'est pas de porter atteinte à la notion de service public dans toutes ses composantes ? L'amendement de nos collègues communistes insiste avec raison sur les incidences de l'évolution statutaire - et demain, soyons en certains, de la privatisation - de nos entreprises énergétiques sur l'aménagement du territoire. Et comment ne pas redouter que les ménages les plus défavorisés ne soient les premières victimes de votre réforme ? Il est essentiel de porter une attention particulière au sort des habitants des ZRR et des ZUS.

L'amendement 1686, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Notre amendement 1683 vise à inscrire dans la loi l'obligation de veiller au développement des réseaux gaziers. Les entreprises énergétiques supportent de lourdes obligations en matière de services, et, à la clé, des investissements massifs. Dominées par un actionnariat privé friand de rentabilité à court terme, les entreprises d'électricité déjà privatisées se détournent des indispensables investissements de long terme et privilégient les solutions les plus rentables - centrales thermiques contre nucléaire, notamment-, fussent-elles les moins respectueuses de l'environnement.

S'agissant du gaz, notre pays important la ressource via des réseaux dont la mise en sécurité revêt une importance stratégique - songez que nombre de bâtiments publics sont construits sur des conduites souterraines à gros débit -, il paraît inenvisageable de laisser à des intérêts privés le soin d'assurer la maintenance et l'investissement. Et je rappelle au passage que le développement des lieux de stockage pose également un problème d'intérêt général. Les exemples californien et britannique montrent à l'envi que l'ouverture du capital conduit l'actionnaire à vouloir rentabiliser l'investissement au premier euro versé.

En France, elle se traduirait par conséquent par une réduction drastique des investissements réseaux, alors que Gaz de France reste confrontée à une demande insatisfaite de développement de ses circuits de distribution. La couverture du territoire en gaz naturel n'est pas achevée. Il est donc pour le moins sage et précautionneux d'inscrire dans la loi la nécessité de développer les réseaux gaziers, ne serait-ce que pour garantir la sécurité de l'approvisionnement.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Même avis.

M. Jacques Desallangre - C'est une position irresponsable !

M. Pierre Ducout - Il s'agit en effet d'un amendement sur lequel nous aurions dû nous retrouver. La cohésion sociale passe par la desserte énergétique de l'ensemble du territoire. Le gaz naturel présente de réels avantages, notamment pour ce qui concerne le chauffage des habitations privées. Au reste, le Gouvernement précédent avait prévu que Gaz de France puisse être aidé à développer son réseau en raccordant davantage de communes.

D'ailleurs, de nombreux conseils généraux, comme celui de la Gironde qui est dirigé par la gauche, ont contribué à raccorder de nouvelles communes au réseau de gaz naturel.

Il faut aussi sécuriser le réseau électrique par l'enfouissement des lignes, sans aller jusqu'à ce qui avait été proposé, une nuit, pendant l'examen de la loi Barnier sur les paysages. La majorité de l'époque avait soutenu un amendement visant à rendre obligatoire l'enfouissement de toutes les lignes électriques. J'étais intervenu pour qu'on reste raisonnable, d'autant qu'une ligne électrique peut indiquer où il y a de la vie dans un lieu isolé. Il faut être volontariste mais aussi responsable.

L'amendement 1683, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - L'amendement 1682 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Même avis.

M. Pierre Cohen - Cet amendement est important, compte tenu de la disposition votée la semaine dernière qui autorise le Gouvernement à remettre en question les schémas de service collectif. Il est vrai que vous les aviez combattus pendant l'examen de la loi Voynet.

M. le Président de la commission - Nous souhaitions un schéma national, décliné en schémas secondaires.

M. Pierre Cohen - En deux ans, vous n'avez pas formulé de propositions dans ce domaine. Ce n'était donc que de l'obstruction. Les schémas de service collectif sont utiles et il en existe un pour l'énergie. Même si vous avez rendu leur élaboration moins démocratique, il faut adopter cet amendement, qui rend obligatoire un débat parlementaire en préalable à toute remise en question de ces schémas.

M. Jean Gaubert - Le double refus de la commission et du Gouvernement est très instructif. L'extension des réseaux va devenir impossible, si la loi ne l'encourage plus. Nous savons en outre que certains membres de la CRE font pression pour que le coût d'utilisation du réseau baisse de 3%, ce qui obligerait le gestionnaire à réduire ses investissements.

Avec la remise en cause des schémas de service collectif, on peut se poser beaucoup de questions sur l'aménagement du territoire et sur l'avenir de ces zones rurales que certains mettent en avant dans les périodes électorales.

L'amendement 1682, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Notre amendement 1265 est de suppression, comme beaucoup d'autres que nous avons déposés. Dans votre texte pernicieux, il n'y a pas un alinéa pour sauver l'autre. Nous refusons d'accentuer la contractualisation des missions de service public d'EDF et de GDF, d'autant que le champ défini dans l'article premier est particulièrement étroit. Il faut préserver l'aménagement du territoire et nous ne pouvons transiger sur cette question. Notre amendement 1265 vise donc à supprimer le cinquième alinéa de cet article.

L'amendement 1265, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Janine Jambu - Notre amendement 1688 vise à substituer, dans le cinquième alinéa, les mots « l'égalité d'accès » aux mots « l'accès ».

Aujourd'hui, sur l'ensemble du territoire national, chacun bénéficie du même tarif pour l'électricité. La desserte des zones les plus rentables finance celle des zones qui le sont moins, en application du principe de solidarité qui est au fondement du service public.

Demain, avec la privatisation, la péréquation tarifaire disparaîtra. L'opacité des tarifs, dans le secteur des télécommunications, nous donne un avant-goût de ce qui nous attend. Le prix de l'eau, d'une commune à l'autre, peut varier du simple au triple. Dans le Maine-et-Loire en 2002, 120 mètres cubes d'eau coûtaient 114 euros à Angers, desservi par une entreprise publique, et 181 € à Beaufort, desservi par une entreprise privée. La facture monte à 218 € à Durtal et à 249 € à Seiches.

Vous allez signer la mise à mort de la péréquation. Les chômeurs, les ouvriers, les retraités verront leurs conditions de vie se dégrader. Les exigences de solidarité et de cohésion sociale sont-elles compatibles avec le choix de société que le Gouvernement veut nous imposer ? Nous considérons que non. C'est pourquoi nous demandons que le principe de péréquation soit inscrit dans le marbre.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Même avis.

Mme Janine Jambu - Il n'est pas possible de répondre ainsi sur une question d'une telle importance ! Alors que tout le monde parle de cohésion sociale, vous admettez une tarification inégalitaire.

M. Christian Bataille - Je soutiens cet amendement qui vise à garantir l'égalité d'accès au réseau. La formulation de votre projet est trop neutre. Nous préférons celle de la loi de 2000. Tous les Français doivent avoir accès au réseau dans les mêmes conditions. Nous craignons que votre projet soit facteur d'inégalité, compte tenu des risques de privatisation. Les exemples étrangers ont montré quel était le danger.

M. François Brottes - Je plaide pour l'égalité d'accès. Repousser cet amendement constitue un aveu : vous ne voulez pas de l'égalité d'accès.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Elle n'existe pas aujourd'hui.

M. François Brottes - Si vous constatez des défaillances, vous devez vous donner pour objectif d'améliorer la situation. Il faut adopter cet amendement.

L'amendement 1688, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre - Notre amendement 1691 tend à faire référence aux personnes les plus défavorisées. En effet, M. Sarkozy a déclaré que « les valeurs du service public seront maintenues, notamment l'égalité d'accès des Français devant l'énergie et la solidarité avec les plus démunis ; la péréquation tarifaire sera garantie, tout comme le tarif social et la qualité du courant. » Pourtant, chacun le sait, la péréquation tarifaire ne pourra plus être maintenue à terme. C'est qu'il existe une contradiction fondamentale entre les objectifs d'une société anonyme et ceux d'une société publique fonctionnant sous le regard de l'Etat garant de l'intérêt général. Dès lors que l'électricité devient une marchandise, elle est de fait soumise à la concurrence, et doit prendre en compte, partout, les coûts réels. En conséquence, des zones rurales peu peuplées ou excentrées seront les grandes perdantes. Le ministre d'Etat s'est donc trompé, car je ne peux pas croire qu'il ait tenté de nous tromper. Dans un premier temps, la péréquation va subsister sur l'acheminement, mais pas sur la production ni sur la commercialisation, qui représentent près de 50 % de la facture des ménages. EDF, d'ailleurs, ne s'en cache pas. Depuis quelque temps, M. Roussely ne fait pas mystère de ses convictions profondes. EDF indique ainsi dans une plaquette : « Dans cette logique de traitement personnalisé, la notion de péréquation ne pourra plus s'appliquer au prix des services ». M. Roussely ne vous a donc pas attendu pour annoncer la couleur. Il est donc faux de dire que tout le monde sera traité de la même façon. Votre texte enclenche un processus pernicieux qui va inéluctablement entraîner des disparités de traitement. C'est pourquoi nous demandons le maintien de la péréquation tarifaire dans le secteur énergétique, au nom de la cohésion sociale et de la justice.

L'amendement 1691, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Notre amendement 1266 tend à supprimer le 6e alinéa de l'article. Longtemps le service public a été garant non pas d'une stagnation des tarifs, mais d'une évolution déconnectée de celle du prix de l'énergie. Or, depuis quelques années, on constate que partout où s'est imposée la libéralisation, les tarifs augmentent aussi bien pour les industriels que pour les usagers domestiques. Aux Etats-Unis, le Texas n'est pas passé à la libéralisation. Les tarifs n'y ont pas augmenté de plus de 5 %, contre une hausse de 20 à 25 % dans ceux des états voisins qui ont franchi le Rubicon. On voit donc en matière énergétique que le concept libéral ne fonctionne pas. Pourtant, vous prenez le risque d'y céder.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Rejet également. M. Paul a découvert qu'au Texas le coût de l'énergie n'était pas élevé. C'est sûrement dû aux éoliennes !

M. Jacques Desallangre - Ce que vous dites, c'est du vent !

M. François Brottes - Nous soutenons l'amendement de nos collègues communistes. Nous souhaitons que ce soit la loi et non pas le contrat qui définisse les missions de service public. Quelqu'un disait naguère : « Il faudra une initiative législative, qui ne pourra avoir lieu qu'après une large concertation et qui devra confirmer le statut juridique de l'entreprise, protéger le statut actuel des personnels, définir clairement les obligations de service public et affirmer notre volonté de maintenir en France le monopole des transports et de la distribution. » C `était Franck Borotra, le 21 juin 1995, ici-même.

M. François-Michel Gonnot - C'est votre idole !

M. le Ministre délégué à l'industrie - C'était avant l'ouverture à la concurrence !

L'amendement 1266, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Nous demandons par l'amendement 1267 de supprimer le 7e alinéa. On dit souvent que les entreprises publiques ont joué un rôle important dans l'économie française. De fait, au début de 1986, quand s'amorçait en Grande-Bretagne la privatisation généralisée des entreprises publiques, en France le secteur public était constitué de 643 sociétés employant 2,1 millions de salariés et représentant 32 % du chiffre d'affaires ainsi que 60 % des investissements du secteur industriel. Les entreprises publiques fournissaient 94 % de l'énergie électrique et 98 % du gaz, et assuraient 75 % du transport en commun de voyageurs. Enfin, elles constituaient souvent une référence dans le domaine de la politique sociale. Sans doute, ces entreprises ont-elles reçu des aides importantes de l'Etat, mais songez aussi à tout ce qu'elles ont apporté à la collectivité nationale. Au moment où vous vous apprêtez à remettre en cause les acquis ainsi obtenus, et alors que l'on daube si souvent le prétendu poids mort du secteur public, il n'était pas inutile de le rappeler.

L'amendement 1267, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes - Rappel au Règlement. Tout à l'heure, j'ai interpellé le président de la commission sur la façon dont avait été convoquée hier notre commission des affaires économiques, m'inquiétant de l'absence de compte rendu de cette réunion tenue à 1 heure 30 du matin sous la présidence de Christian Bataille. Or, je viens de recevoir ce compte rendu, qui prend bien acte qu'une majorité de commissaires a repoussé la proposition du rapporteur de poursuivre nuitamment nos débats. Voilà qui est de nature, me semble-t-il, à décourager le retour d'une telle suggestion.

M. François-Michel Gonnot - Mon amendement 1184 porte sur les contrats signés entre l'Etat et EDF-GDF. Le 7e alinéa traite de l'évolution pluriannuelle des tarifs de vente de l'électricité et du gaz. Ces tarifs ne peuvent concerner que les clients non éligibles, les autres se trouvant face à un prix de vente que ces contrats ne peuvent pas déterminer.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Les tarifs ne concernent que les clients non éligibles ou les clients éligibles qui n'ont pas fait jouer leur éligibilité. Mieux vaut éviter toute confusion.

M. le Ministre délégué à l'industrie - C'est aussi l'avis du Gouvernement.

M. François-Michel Gonnot - La rédaction de mon amendement est en parfaite harmonie avec la terminologie employée à l'article 16 du projet et avec celle de la loi de janvier 2003.

M. Jean Gaubert - Cet amendement me paraît apporter une clarté bienvenue. La notion de tarif ne va plus s'appliquer qu'aux clients actifs. Les autres pourront piocher dans un catalogue, et obtenir éventuellement des rabais.

M. Jean Dionis du Séjour - Je suis d'accord avec M. Gonnot et M. Gaubert pour dire qu'il faut plus de clarté. La règle est la concurrence et la liberté des prix, sous le contrôle de la CRE. Mais il y a des clients pour lesquels la concurrence ne joue pas et pour lesquels la notion de tarif prend donc tout sons sens. Sous réserve de sous-amender comme l'a indiqué le ministre, nous devrions voter l'amendement.

M. Pierre Ducout - L'article 30 a beau préciser que les fournisseurs doivent communiquer leurs barèmes de prix, on ne sait pas si ces barèmes s'appliqueront quelle que soit la qualité et les moyens financiers du client. Tout donne à penser que les rabais seront plus importants si le risque financier paraît moindre au fournisseur, c'est-à-dire si le client a de gros moyens. La cohésion sociale et la péréquation seront alors mises à mal. Ce qui est certain, c'est qu'au 1er juillet 2004 et plus encore au 1er juillet 2007, le même service fourni au même prix pour tous va disparaître. Il faut que les choses soient bien claires pour nos concitoyens.

M. le Rapporteur - Depuis la loi de 2000, la distinction est extrêmement claire : les tarifs, c'est le secteur régulé ; les prix, le secteur concurrentiel. Et il faut absolument repousser l'amendement pour éviter toute confusion.

M. François-Michel Gonnot - Je suis sensible à l'argument du ministre selon lequel les tarifs concernent non seulement les clients non éligibles mais aussi ceux qui, tout en étant dans la concurrence, décident de ne pas faire jouer leur éligibilité. S'il est trop lourd de sous-amender pour tenir compte de cette situation, je veux bien retirer mon amendement.

M. François Brottes - Les choses ne sont aussi simples que le prétend le rapporteur, puisqu'il y a des clients éligibles qui sont au tarif. Le rapporteur n'éclaire pas le débat !

L'amendement 1184 est retiré.

M. Daniel Paul - L'amendement 1628 est défendu.

L'amendement 1628, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre - En droit, la précision rédactionnelle est une chose importante. Combien de lois ont dû être remises sur le chantier car elles avaient été mal rédigées ? Nous devons également avoir constamment à l'esprit l'exigence d'intelligibilité, sans laquelle l'accès au droit n'est pas assuré. Les auteurs du XXe rapport du Conseil des impôts font ainsi remarquer que la codification actuelle du droit fiscal ne garantit plus son intelligibilité ni l'accessibilité à la norme.

Nul n'est censé ignorer la loi. Nous savons tous à quel point cette affirmation est illusoire. Pourtant il convient de ne jamais perdre de vue cette exigence citoyenne. Encore faut-il faciliter l'accès au droit par des rédactions aussi peu ésotériques que possible. Or, le 8e alinéa de l'article premier qui dispose que les contrats conclus entre l'Etat et les entreprises exerçant des missions de service public portent notamment sur « la politique de recherche et développement des entreprises » est ambigu et peut être à l'origine de conflits d'interprétation. On pourrait par exemple en déduire que le contrat de service public vise tout autant à renforcer la politique de recherche qu'à assurer le développement des entreprises. Cela serait fâcheux car service public et recherche de profit par des entreprises ne font pas nécessairement bon ménage. On a déjà pu constater que la croissance externe d'EDF ces dernières années est allée de pair avec la fermeture d'agences sur tout le territoire.

Notre amendement 1645 a donc pour objet de supprimer du 8e alinéa les mots « des entreprises », afin qu'il soit bien clair qu'un contrat de service public peut comprendre des objectifs en matière de politique de recherche et développement, étant entendu qu'un contrat digne de ce nom n'a pas à se focaliser sur le développement des entreprises, au risque de laisser croire que leur croissance, le plus souvent externe et financière, prime sur le service public.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Défavorable.

M. Pierre Cohen - Ne pas adopter cet amendement serait une grave erreur car nous savons tous que l'avenir de l'énergie dépend de la recherche et de nouveaux savoirs et parce que nous rêvons tous d'une source d'énergie qui ne pillerait pas les richesses naturelles, qui ne produirait pas de déchets radioactifs et qui ne détruirait pas la couche d'ozone. La loi d'orientation sur l'énergie prévoit qu'une part de la production sera assurée par des énergies renouvelables, lesquelles dépendent à l'évidence des progrès de la recherche fondamentale. La recherche et le développement doivent donc être une priorité, mais aussi bien dans les entreprises que dans les laboratoires.

M. François Brottes - Mes collègues communistes ont raison de dire que la recherche et le développement ne doivent pas être l'apanage des entreprises, mais plutôt que de procéder à la suppression qu'ils souhaitent, nous pourrions ajouter « notamment » afin de ne pas cibler exclusivement les entreprises.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Nous sommes dans un article qui parle des entreprises. La recherche dont il est question ici concerne donc bien les entreprises.

Quant au « notamment »... Cela n'en ferait jamais que trois dans le même article ! Et si l'on avait accepté tous vos amendements, il y en aurait une quarantaine !

M. André Chassaigne - Si cet article traite des entreprises, comme nous le répond le ministre, pourquoi préciser « des entreprises » dans ce seul alinéa ? Votre explication confirme la nécessité d'adopter notre amendement !

L'amendement 1645, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Nous en venons à 26 amendements en discussion commune, les amendements 477 rectifié à 489 rectifié, qui sont identiques, tout comme les amendements 933 à 944, et l'amendement 1692.

M. Christian Bataille - L'article premier énumère un certain nombre d'exigences de service public. L'amendement 477 rectifié vous propose d'y ajouter la protection de l'environnement, qui est au c_ur de la politique de l'énergie. Les choix énergétiques doivent en effet tenir compte, par exemple, des changements climatiques. L'électricité que nous consommons provient à 75% de l'énergie nucléaire, qui n'a pas d'incidence sur l'effet de serre. Le gaz, au contraire, est une énergie fossile et les énergies à temps de recours plus bref influent également, de manière plus éloignée mais incontestable, sur le climat. L'ajout que nous proposons complète et enrichit votre énumération sans lui nuire.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Cette préoccupation est légitime, mais je trouve l'amendement 933, qui vient juste après, mieux rédigé.

M. Christian Bataille - Je retire l'amendement 477 rectifié.

M. François Brottes - La protection de l'environnement est une mission d'intérêt général, et donc de service public, et nous n'aurions pas compris qu'elle ne figure pas à l'article premier de ce texte.

M. Daniel Paul - L'amendement 1692, présenté par le groupe communiste, avait le même objet. Pour vous prouver que nous ne sommes animés par aucun souci de blocage, je le retire, au profit du 933. La privatisation, le changement de statut, portent en germe une réduction des capacités de production, du seul fait qu'il faille rémunérer le capital privé investi. Pour faire face aux pics de la demande, il deviendra nécessaire de faire appel à des centrales moins protectrices de l'environnement. Tout ce qui peut contribuer à renforcer la protection de l'environnement va donc dans le bon sens.

M. Pierre Ducout - J'ai bien entendu la position du ministre sur les amendements 477 rectifié et 933, qui correspondent à mes amendements 483 rectifié et 938. Le second reprend les exigences de protection de l'environnement en les détaillant davantage. Je suis prêt à suivre la proposition du Gouvernement, mais je voudrais insister sur les problèmes de protection des paysages et de qualité de l'air.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Je sens que je vais changer d'avis...

M. Pierre Ducout - Cela tendrait à prouver que vous n'avez donné votre accord que pour nous empêcher de parler !

M. le Ministre délégué à l'industrie - Parlez donc de l'amendement 938, le plus intéressant !

M. Pierre Ducout - Ces problèmes sont suffisamment importants pour qu'en parler ne constitue pas une perte de temps. La qualité de l'air est essentielle : il suffit de voir celle des anciens Länder allemands ou des grandes villes de Chine chauffées au charbon pour s'en convaincre. Quant à la qualité des paysages, elle peut être altérée par le développement des réseaux électriques. En 1996, l'arrêt par le gouvernement Juppé du projet de liaison haute tension entre la France et l'Espagne avait par exemple créé d'importantes difficultés. Le développement durable implique de considérer à la fois le progrès social, le progrès économique et la protection de l'environnement ; il doit intégrer ce qui est économiquement supportable. Lorsque de grandes infrastructures dénaturent le paysage, les riverains doivent obtenir une juste compensation des nuisances, comme cela peut exister pour les aéroports. La loi actuelle est trop restrictive en la matière. En ce qui concerne l'effet de serre, nous ne pouvons que soutenir l'action du Président de la République et regretter que celui des Etats-Unis ne veuille pas prendre en compte ce risque qui concerne l'ensemble de l'humanité.

M. François Brottes - Les amendements 477 rectifié à 489 rectifié sont retirés.

M. Christian Bataille - Nous en venons donc à ce fameux amendement 933. La protection de l'environnement impose une utilisation rationnelle des énergies : toutes les énergie sont certes acceptables, mais il faut veiller à disposer d'un bouquet d'énergies qui permettent de lutter contre l'effet de serre, en particulier les énergies renouvelables, l'éolien ou le solaire par exemple. J'y ajouterai la petite hydraulique : le président de la commission des affaires économiques doit d'ailleurs organiser la réflexion sur ce sujet. Je remercie le ministre d'inclure cet amendement dans le projet de loi.

M. le Rapporteur - Avis favorable sur cette série d'amendements.

M. François Brottes - Une cinquantaine d'amendements vont tomber avec l'adoption des 933 et suivants. Il me semble important de m'assurer que vous ne les acceptez pas uniquement pour raccourcir le débat et qu'ils ne seront pas supprimés au Sénat, puisque nous ne reverrons pas le texte en deuxième lecture.

M. François-Michel Gonnot - Nous y veillerons de toute façon en CMP !

M. François Brottes - Il me paraît important de prendre date.

M. le Ministre délégué à l'industrie - N'ayez crainte, le Gouvernement accepte vos propositions avec parcimonie certes, mais toujours à bon escient...

Si je ne peux préjuger de l'utilisation que fera le Sénat de son droit légitime d'amendement, soyez en tout cas assurés que je veillerai personnellement à ce que cette exigence soit maintenue. Pour ce qui est de la CMP, dans la mesure où elle sera présidée par M. Ollier, elle devrait donner certaine satisfaction à l'Assemblée...

M. Jean Dionis du Séjour - Nous soutenons cet amendement que nous souhaiterions toutefois sous-amender en remplaçant les mots « et la lutte contre l'effet de serre » par les mots « et la protection du climat ». En effet, lutter contre l'effet de serre n'est que l'un des moyens de protéger le climat. Il en est d'autres comme d'agir sur le cycle de l'eau.

M. le Président - Le mot « protection » serait répété deux fois.

M. Jean Dionis du Séjour - La rédaction serait peut-être lourde, mais elle serait plus forte. Par ailleurs, en parlant de la « protection du climat », nous ne ferions que reprendre le texte exact de la directive.

M. Christian Bataille - Je préférerais que nous en restions au texte de notre amendement. Le climat n'est que la résultante des évolutions constatées.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Le Gouvernement propose lui aussi de s'en tenir à l'amendement.

M. Jean Dionis du Séjour - Je retire donc ma proposition.

Les amendements 933 à 944, mis aux voix, sont adoptés.

M. François Brottes - Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

La séance, suspendue à 18 heures 5, est reprise à 18 heures 15.

M. le Président - Les amendements 490 rectifié à 502 rectifié sont identiques.

M. Christian Bataille - Nous remercions le Gouvernement d'avoir adopté l'amendement précédent.

L'amendement 490 rectifié complète le contenu des contrats en y mentionnant l'utilisation des énergies renouvelables. Celles-ci, qui concourent à lutter contre le réchauffement du climat, mériteraient un meilleur développement dans notre pays.

M. le Rapporteur - Cet amendement est satisfait. Avis défavorable donc.

M. le Ministre délégué à l'industrie - Même avis.

M. André Chassaigne - L'amendement 1690 est de précision et tend à anticiper la pénurie des moyens de production d'électricité qui devrait intervenir bien avant 2015. Sans être alarmiste, cette hypothèse pourrait se concrétiser dans les années 2008-2010.

Au vu du bilan prévisionnel de l'équilibre production-consommation mis à jour par le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE pour la période 2006-2015, il apparaît que le besoin de nouveaux moyens à la pointe se fera particulièrement ressentir entre 2006 et 2010, qu'il faudra mettre en service des moyens de semi-base avant la fin de la décennie, et renouveler le parc nucléaire vers 2020.

Les premières difficultés pourraient intervenir dés 2008, à tel point que des coupures tournantes sont envisageables. Cette hypothèse est d'autant plus crédible que les analystes prévoient une remontée des prix de l'électricité en Europe à cette même période, du fait de l'insuffisance de l'offre et de l'ouverture à la concurrence.

Il faut compter dix à douze ans entre la décision de construire une centrale nucléaire et la disponibilité de l'énergie produite sur le réseau. A ce rythme, l'EPR serait effectif en 2014 et non en 2010 ou 2012.

Si votre projet de loi était adopté, qui effectuerait les investissements nécessaires, et à quel prix ? Croyez-vous que les investisseurs privés mettront en _uvre les moyens les moins polluants ? Bien sûr que non ! Le plus facile, ce sera de brûler du pétrole ou du gaz, au mépris de l'intérêt général et des engagements internationaux de la France.

Pour ces raisons, la nationalisation est la seule solution adaptée à des investissements très lourds, à très long terme. L'ouverture à la concurrence, l'expérience l'a montré, ne peut mener qu'à l'échec.

M. François Brottes - L'amendement 493 rectifié est de conséquence. Puisque vous avez accepté d'introduire dans les contrats l'obligation de respecter l'environnement, il faut mener une politique volontariste en faveur des énergies renouvelables.

M.Sarkozy, en déplacement dans ma commune il y a quelques jours, a indiqué que le volontarisme n'était pas l'ennemi du libéralisme. Prouvez-le! Si on ne demande pas à l'opérateur historique EDF de s'investir dans le domaine des énergies renouvelables, ces filières auront du mal à se développer dans notre pays.

Pour ces raisons, il est essentiel que cette exigence soit expressément mentionnée dans le contrat qui lie l'Etat à l'entreprise. Le Gouvernement a adopté une position constructive sur la protection de l'environnement, pourquoi n'en irait-il pas de même sur cette disposition?

M. Pierre Cohen - Je défends l'amendement 494 rectifié. Il s'agit de mieux encadrer la mise en _uvre des missions de service public, en définissant le plus précisément possible le contenu des contrats conclus entre l'Etat et EDF et GDF, mais surtout d'aller dans le sens de la loi d'orientation sur l'énergie, que nous n'avons pas votée mais qui contenait des éléments forts, comme la création de l'EPR, et le développement des énergies renouvelables.

M. David Habib - Je défends l'amendement 500 rectifié, qui a le mérite de donner une mission à EDF et GDF, celle de favoriser le développement des énergies renouvelables et de la recherche dans ce domaine.

Je l'ai déjà dit, si les énergies renouvelables n'ont pas vraiment gagné de parts de marché en France, c'est sans doute que les opérateurs industriels n'ont pas été incités à s'y intéresser.

En confiant aux sociétés concernées la mission de valoriser les énergies renouvelables, nous permettrons aux opérateurs industriels de faire profiter ce secteur de leur compétence technique.

M. le ministre s'étonnait que M. Cohen rende hommage à la loi d'orientation sur l'énergie...

M. François Brottes - Nous ne sommes pas sectaires!

M. David Habib - ....mais nous avons été nombreux à saluer certaines de ses dispositions, qui reprenaient parfois des propositions de votre prédécesseur.

M. le Ministre délégué - Nous ne sommes pas sectaires non plus!

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur les amendements 490 rectifié à 502 rectifié. L'ambition de nos collègues socialistes est étroite puisqu'ils n'envisagent de faire assumer des missions de service public qu'à la seule entreprise EDF. Quid des autres?

Par ailleurs, quelles énergies renouvelables GDF pourrait-il développer?

Quant à M. Chassaigne, impatient de voir arriver l'EPR, je lui rappelle les propos de Lénine: « L'impatience n'est pas une vertu révolutionnaire ».

M. le Ministre délégué - Défavorable.

Les amendements 490 rectifié à 502 rectifié, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement 1690.

M. Daniel Paul - L'amendement 1685 tend à insérer, avant le dernier alinéa de cet article, l'alinéa suivant : « le maintien d'une capacité suffisante d'autofinancement des investissements réalisés ».

La privatisation d'EDF, c'est la spoliation du peuple français au profit d'actionnaires privés, auxquels vous allez transférer la rente.

L'amortissement des centrales nucléaires françaises rend possible une baisse des tarifs d'au moins 10 %. Au contraire, la privatisation les fera grimper, car les prix seront alors librement fixés à la Bourse par quelques grandes firmes européennes qui s'alignent sur les tarifs à la hausse des futures centrales. Cette hausse est de 50% depuis deux ans, et sera d'au moins 20 % pour les deux prochaines années.

Où ira la rente du nucléaire français, c'est-à-dire de la différence entre l'augmentation des prix et la baisse du coût de revient ? Certainement pas dans la recherche d'une réduction des prix, mais plutôt vers la rentabilité financière.

La satisfaction des actionnaires ne fera pas bon ménage avec le maintien d'une capacité suffisante d'autofinancement des investissements réalisés.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. François Brottes - Le Gouvernement et la majorité ont volontiers tiré argument de l'impossibilité d'EDF de mener à bien ses projets d'investissements en Italie pour tenter de justifier le changement de statut. J'ai là une dépêche de l'agence Reuter datée d'hier qui plaide tout à la fois pour la fusion de nos entreprises énergétiques et pour le maintien de leur statut : le consortium constitué par EDF et Gaz de France a en effet procédé à des investissements massifs en territoire polonais, dans un contexte hautement concurrentiel. Cela démontre que l'expansion à l'international de nos champions nationaux n'est nullement entravée et que l'on peut gagner des parts de marché à statut constant !

L'amendement 1685, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 503 à 515 sont identiques.

M. Christian Bataille - Un mot d'abord à M. Lenoir : le Gouvernement a suffisamment insisté sur la nécessité de libérer les entreprises publiques du principe de spécialité pour que l'on puisse concevoir que Gaz de France produise de l'énergie à partir d'autres sources que le gaz naturel.

Nos amendements 503 à 515 visent à inscrire dans la loi que les contrats prévus à l'article premier doivent être assortis d'indicateurs de résultats, le Parlement étant informé annuellement de leur évolution.

M. le Ministre délégué - Favorable, sous réserve que, par cohérence avec un amendement adopté cette nuit, l'adverbe « annuellement » soit remplacé par « tous les trois ans » ou « triennalement »...

M. Christian Bataille - D'accord pour cette périodicité réduite.

M. le Rapporteur - Favorable à ces amendements ainsi rectifiés.

M. François Brottes - Nous sommes effectivement favorables à la fixation de rendez-vous réguliers, pour donner plus de transparence au suivi du contrat. Nous saluons les efforts du ministre, pour, sur ce point particulier, souscrire à notre approche.

Les amendements 503 rectifié à 515 rectifié, mis aux voix, sont adoptés.

M. André Chassaigne - Notre amendement 1643 vise à ce que le contenu des contrats visés à cet article soit soumis à l'approbation du Parlement, qui seul exprime la volonté du peuple souverain. Puisse - pour une fois ! - la raison l'emporter dans cet hémicycle et les prérogatives de la représentation nationale être mieux respectées qu'elles ne le sont actuellement !

M. le Rapporteur - Avis défavorable, dans la mesure où l'amendement est satisfait par le contenu de l'article premier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Daniel Paul - Il y a tromperie sur la marchandise !

M. François Brottes - En effet ! Monsieur le ministre, vous avez toujours refusé que le contrat soit soumis au Parlement ! Vous ne pouvez laisser dire au Rapporteur que l'amendement de notre collègue est satisfait ! M. Lenoir nous doit une explication !

M. André Chassaigne - Je suis époustouflé par la réponse du Rapporteur. Vladimir Illitch Oulianov, qu'il a cité tout à l'heure, y aurait vu un bel exemple de « crétinisme parlementaire »... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - C'était un fasciste !

M. André Chassaigne - Sans doute moins que vous ! (Mêmes mouvements)

L'amendement 1643, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Nous achevons l'examen de l'article premier...

M. le Rapporteur - Tout arrive !

M. Daniel Paul - ...et notre amendement 1269 tend à en supprimer le dernier alinéa, lequel réduit à la portion congrue la mission de service public de nos entreprises énergétiques en n'évoquant que de manière accessoire la péréquation tarifaire et sa contribution à la cohésion nationale. Pis, les exigences de service public ne s'imposeraient aux termes de ce projet qu'à Électricité et Gaz de France, et non aux autres opérateurs ! Voilà une conception de la concurrence bien éloignée du modèle économique de référence ! Cédant à la tentation de l'écrémage que dénonçait déjà Marcel Paul, le Gouvernement fragilise nos entreprises nationales, au détriment de l'usager, et, notamment, des engagements pris en matière de garantie d'approvisionnement dans la loi du 10 février 2000, écornée - si ce n'est abrogée - par le présent texte.

M. le Rapporteur - Défavorable. Sans doute sera-t-on étonné d'apprendre que nos collègues veulent supprimer toute référence à la cohésion nationale et à la péréquation tarifaire !

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche - Avis défavorable.

M. François Brottes - Je salue l'arrivée de M. d'Aubert, et je profite de sa présence pour l'interroger sur les garanties que le Gouvernement peut donner en matière de poursuite de l'activité de recherche et développement des deux entreprises. Quid notamment de l'évolution de leur contribution à la recherche publique en matière énergétique ?

Si vous avez besoin de temps pour préparer votre réponse, nous pourrions même suspendre la séance. La question est grave. Quand France Telecom a été privatisée, la recherche fondamentale a été abandonnée. Nous avons une part de responsabilité dans cette situation et nous le reconnaissons, mais nous ne souhaitons pas que cela se reproduise avec EDF et GDF. Il est important que le ministre de la recherche nous donne son point de vue.

M. le Ministre délégué à la recherche - Je veux vous rassurer, le texte garantit le maintien du niveau de recherche assuré par EDF et GDF, dans le cadre des contrats. Ces entreprises investissent aussi bien dans la recherche fondamentale que dans la recherche appliquée et EDF a une relation privilégiée - qui n'a aucune raison de disparaître - avec le CEA, qu'il s'agisse de la recherche nucléaire, de la pile à combustible ou de l'utilisation de l'hydrogène. Je ne vois pas pourquoi EDF et GDF renonceraient à leur effort de recherche. Celui d'EDF s'élève à 400 millions d'euros par an. Il sera maintenu car c'est l'intérêt de l'entreprise, qui doit avoir une vision à long terme.

M. Pierre Cohen - Je félicite M. Brottes d'avoir fait dire au ministre ce qu'il vient de nous dire. M. d'Aubert a décrit la situation actuelle, dont nous avons toutes les raisons d'être fiers, mais dont le maintien n'est nullement garanti par le texte, qui ne mentionne que l'aide aux entreprises en matière de recherche et développement. Nous sommes inquiets, compte tenu de ce qui s'est passé à France Télécom.

Nous examinerons un projet de loi d'orientation sur la recherche à la fin de l'année, ce qui nous donnera l'occasion de réfléchir aux moyens d'équilibrer recherche publique et recherche privée. Mais je suis convaincu que la recherche privée ne peut se développer que si la recherche publique lui sert de levier : c'est ce qui se passe aux Etats-Unis. On se leurre en pensant qu'elle se développera spontanément.

La situation que vous avez décrite n'existera plus après le vote de ce texte.

L'amendement 1269, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - L'amendement 1599 est défendu.

L'amendement 1599, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne - Je vais commencer par une citation : « Un modèle de service public en réseau s'est progressivement imposé en France. Son principe directeur est l'égalité de traitement pour l'ensemble des citoyens. Le maillage postal et la desserte ferroviaire ont bénéficié à des régions handicapées par leur isolement. La péréquation tarifaire permet de garantir le même prix en tous points du territoire quel que soit le coût de production. Il existe un lien très fort entre la péréquation et l'aménagement du territoire, mais aussi entre la péréquation et la citoyenneté. Expression de la solidarité et de la cohésion à l'échelle nationale, la péréquation est le corollaire de l'égalité.» De qui donc est cette déclaration ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Elle est de M. Gérard Larcher, quand il était sénateur. Devenu membre du Gouvernement, il soutient maintenant ceux qui mettent à mort le principe de la péréquation tarifaire. Notre amendement 1646 vise à défendre ce principe.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Devinez qui a dit : « D'accord pour une certaine ouverture du capital et des participations à l'étranger » ? Lionel Jospin, dans son programme pour l'élection présidentielle de 2002.

M. Pierre Cohen - C'est faux !

M. François Brottes - L'amendement de nos collègues communistes est intéressant puisqu'il vise à mentionner les « services » dans cet article. En effet, un certain nombre de services périphériques à la vente d'énergie doivent être assurés, sinon l'électricité coûtera cher au consommateur. Il est donc utile que, dans le contrat qui liera l'Etat à l'opérateur, soit précisé le périmètre de la péréquation.

M. André Chassaigne - Il y a ici de nombreux élus ruraux. Chacun connaît l'importance des services dans les zones d'habitat dispersé. Le prix pour la modification d'un branchement est déjà passé de 380 à 702 €. Si nous ne prévoyons pas de péréquation sur les services, votre texte aura des conséquences dramatiques dans les zones de montagne et les zones rurales. C'est l'aménagement du territoire qui est en jeu.

L'amendement 1646, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Sur la question des services, certains nous disent que c'est l'entreprise publique qui augmente ses tarifs. Une jeune fille qui veut plaire à son fiancé se pare de ses plus beaux atours. Il ne s'agit que de garantir une certaine rentabilité aux futurs actionnaires. C'est d'ailleurs ce que fait France Télécom en augmentant le prix des abonnements.

Notre amendement 1689 vise à substituer au mot « consommateurs » le mot « usagers ». Il ne s'agit pas de la même relation.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué à la recherche - Même avis.

M. Christian Bataille - Il importe en effet de bien distinguer entre consommateur et usager, comme entre service d'intérêt général et service public. Dans les deux cas, on constate une régression.

M. le Rapporteur - Ce sont les termes de la loi de février 2000 !

M. Christian Bataille - Au c_ur du service public se trouve le citoyen, dans celui d'un service moins bien défini se trouve le consommateur. C'est toute la différence !

M. François-Michel Gonnot - Nous tenons à maintenir la terminologie de la loi de février 2000, dont M. Bataille fut le rapporteur, et qui fait référence aux consommateurs domestiques. Il n'y a là aucune innovation. C'est plutôt dans l'intervention de M. Bataille que se trouve la régression. Le ralliement du groupe socialiste à un amendement communiste est une opération purement tactique destinée à allonger la discussion.

L'amendement 1689, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Notre amendement 1684 est important.

M. François-Michel Gonnot - Ils le sont tous !

M. Daniel Paul - Nous voulons insister sur la nécessité de prévenir les exclusions. Le fonds solidarité énergie vient en aide aux personnes en situation de précarité pour garantir leur accès à l'électricité ou au gaz. En application de la loi de 2000, sa mise en _uvre est assurée par voie de convention entre l'Etat, EDF, le conseil général, les ASSEDIC... Dans la commune à laquelle je pense, 700 dossiers ont été examinés en 2003, et plus de 76000 € ont été ainsi attribués. Le dispositif reposait jusque là sur d'une part l'aide au paiement des factures impayées, d'autre part l'aide financière attribuée à titre préventif, enfin les actions en direction des personnes les plus fragilisées. En 2004 existent deux types d'aide : les aides curatives et le fonds de prévention. Mais le report de l'enveloppe non consommée l'an dernier a été refusé, privant le dispositif de plus de 50000 € et excluant ainsi de toute aide de nombreux foyers. Voilà qui augure mal du traitement des situations de précarité, dans la perspective de l'abandon des règles du service public.

M. le Rapporteur - La loi de 2000 a institué une tarification à caractère social, mais le gouvernement de M. Jospin n' a pris aucun décret d'application. Il a fallu attendre pour cela la nouvelle majorité et le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Les larmes de crocodile répandues aujourd'hui sont bien tardives ! De plus j'ai fait adopter en commission un amendement étendant le champ d'application du tarif social au coût des services. 1,5 million de personnes sont concernées. Pas de leçons, donc, sur ce sujet !

Nous avons repoussé l'amendement.

M. le Ministre délégué à la recherche - Avis également défavorable.

M. François Brottes - Je viens de lire un tract syndical. Mais je ne veux pas croire que certaines personnalités, comme le baron Seillière, au prétexte d'être démunis, puissent ne pas avoir de compteur dans leur coffret électrique, si bien que leur consommation ne serait pas facturée. Il ne peut s'agir, j'en suis sûr, que d'une rumeur...

M. Pierre Ducout - Monsieur le rapporteur, il peut exister une continuité républicaine en faveur des plus démunis. Que le gouvernement actuel prenne le décret venant en application de la loi de 2000 n'a rien d'anormal. Cette loi fait référence aux tarifs applicables aux « usagers domestiques », pour lesquels l'électricité est reconnue comme un produit de première nécessité, et pas seulement, j'y insiste, aux « consommateurs éligibles ».

L'amendement 1684, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - La commission a approuvé mon amendement 1535 destiné à autoriser l'Etat à conclure des contrats avec des entreprises autres qu'EDF et GDF au titre des services publics. Il s'agit de moderniser le paysage énergétique dans le cadre du service public.

M. le Ministre délégué à la recherche. Avis favorable.

M. François Brottes - Cet amendement, annoncé dans la nuit, tend en fait à banaliser complètement le rôle d'EDF-GDF. En clair, l'Etat pourra confier à tout opérateur qu'il désignera des missions de service public. Vous voulez donc que demain l'entreprise nationale soit semblable à n'importe quelle autre, et puisse même, selon le v_u de Mme Palacio, déposer son bilan. Ressaisissez-vous, Monsieur le rapporteur, et retirez votre amendement ! Cela ne nous empêchera pas de veiller à ce que chaque opérateur sur le marché contribue aux charges de service public assumées par EDF-GDF. Mais vous préférez marcher sur les traces de M. Mer qui a banalisé le rôle de France Télécom.

Cet amendement est extrêmement important. Sous couvert de souplesse, vous voulez banaliser le rôle d'EDF.

M. François-Michel Gonnot - Pour ma part, je remercie le rapporteur d'avoir déposé - hier, et non pas cette nuit - cet amendement qui fait suite à un amendement un peu similaire, mais non exempt de maladresse, que j'avais moi-même déposé afin que l'Etat puisse demander à certains opérateurs de remplir des missions de service public. Prenons l'exemple du gaz : il y a une grande partie du territoire pour laquelle GDF n'est pas le distributeur. Il est important que ces opérateurs puissent se voir imposer des missions de service public.

Je suis surpris par les arguments et le ton qu'emploie le groupe socialiste à l'encontre d'un amendement qui a été inspiré par des organisations syndicales...

Plusieurs députés socialistes - Une !

M. François-Michel Gonnot - ...qui à juste titre veulent que l'Etat soit le garant des missions de service public. Les contrats sont l'outil pour ce faire. Cet amendement défend le service public.

M. Pierre Cohen - Le raisonnement de l'organisation syndicale évoquée par M. Gonnot est le suivant : si l'on oblige l'ensemble des concurrents à assumer des missions de service public, le coût pour eux sera tel, s'ils veulent égaler EDF, qu'en fait il y aura très peu de concurrents, voire pas du tout. Nous ne partageons pas ce point de vue et nous pensons que cet amendement est dangereux, car en fait de missions de service public, on risque de se contenter du fameux service d'intérêt général, qui est bien en deçà de ce qui se pratique en France depuis longtemps.

Si cet amendement est voté, cela montrera que le changement de statut prépare bien une privatisation car il est évident que si de nombreux concurrents assument des missions de service public, certains demanderont dans quelques mois ce qui justifie que l'Etat garde dans EDF une participation de 70 ou 100 %. Et nous assisterons alors à une vente des parts de l'Etat.

M. François Brottes - M.Gonnot étant un expert, je suis prêt à entendre l'argument selon lequel il importe que les régies puissent continuer à assumer des missions de service public. S'il n'y a qu'elles qui sont visées, d'accord, mais je crains que cet amendement n'ouvre la boîte de Pandore et vise en réalité tous les opérateurs potentiels, auquel cas l'amendement procèderait bien à la banalisation que nous dénonçons. Dites-nous donc qui est concerné !

M. Bernard Carayon - Si cet amendement vise les distributeurs non nationalisés, je n'en comprends pas le sens car enfin les régies sont l'expression de la libre administration des collectivités locales et elles n'ont pas attendu ce texte pour se conformer à des obligations de service public, pas plus qu'elles n'ont besoin de l'Etat pour apprendre ce qu'elles ont à faire. Couvrant environ les besoins de 5 à 7 % des usagers et employant 7000 salariés, les régies n'ont jamais connu, elles, d'aventures ni d'avatars... L'amendement peut se concevoir, mais à condition d'exclure expressément de son champ les distributeurs non nationalisés.

M. le Rapporteur - Le but de l'amendement est d'étendre la notion de service public. Cela gêne nos collègues socialistes, qui voudraient que cette notion soit réservée à EDF et GDF.

M. François-Michel Gonnot - C'est anti-gauche !

M. le Rapporteur - M. Brottes, qui écoute toujours attentivement les arguments échangés, a ensuite admis qu'il pouvait être utile de viser les régies. Il est sur la bonne voie. Nous entendons bien viser les distributeurs non nationalisés et je ne comprends pas très bien que M.Carayon veuille, lui, exclure expressément les régies...

M. Bernard Carayon - Parce que c'est superflu !

M. le Rapporteur - L'amendement concerne également Total, pour le réseau de transport, et la CNR. Ne pas le voter priverait par exemple les Grenoblois d'une entreprise qui aurait passé contrat avec l'Etat sur des missions de service public...C'est une perspective qu'il faut évidemment repousser. L'amendement devrait donc faire l'unanimité.

M. François Brottes - Le rapporteur nous dit que l'amendement concerne les DNN, mais l'exposé des motifs parle, lui, de tous les opérateurs, présents et à venir. Je vous demande une suspension de séance, Monsieur le Président.

M. le Président - Je propose que l'on se prononce d'abord sur l'amendement.

M. François Brottes - Non, c'est trop important. Nous sommes à un tournant du texte.

La séance, suspendue à 19 h 25, est reprise à 19 h 30.

M. Christian Bataille - L'homme de régression que je suis salue l'arrivée de l'homme de progrès qu'est François-Michel Gonnot. Après concertation, les membres du groupe socialiste sont encore plus déterminés. Votre amendement va consacrer un premier pallier dans le démantèlement du service public ; d'autres suivront. Nous voulons éviter que vous introduisiez, subrepticement, les instruments qui permettront le démantèlement une fois que la loi sera votée. Nous craignons qu'EDF soit complètement vidée de sa substance à coups de filialisation et de compartimentation. Confier des missions de service public à d'autres partenaires est le début de la fin pour EDF GDF. Vos intentions se précisent, et elles sont inacceptables.

M. le Rapporteur - Que Christian Bataille, le rapporteur de la loi du 10 février 2000, tienne ces propos, échappe à l'entendement ! Les articles 2 et 5 de cette loi confient des missions de service public à d'autres opérateurs qu'EDF. Nous reprochez-vous de les reprendre ? Ressaisissez-vous !

M. François-Michel Gonnot - Ce point est capital et je crois indispensable de relire attentivement la loi du 10 février 2000. Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Je pense que tous les groupes seront d'accord pour s'arrêter ici et reprendre en séance de nuit.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 h 30.

La séance est levée à 19 h 35.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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