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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 110ème jour de séance, 270ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 24 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON

vice-présidente

Sommaire

      DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT ET
      DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE
      POUR 2005 2

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Immédiatement suspendue, elle est reprise à 9 heures 40.

DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT
ET DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2005

L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement et le débat d'orientation budgétaire pour 2005.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Ce débat, particulièrement bienvenu, est l'occasion de faire un point approfondi sur la situation budgétaire de la France à l'heure où l'on reparle de croissance dans le monde et en Europe.

Comment faire la part des bonnes et des mauvaise nouvelles ? Les informations contradictoires sont en effet l'un des caractéristiques de l'économie moderne. Sommes-nous trop ou pas assez rigoureux avec nos finances publiques ? Comment devons-nous agir ? Nous devons mesurer ensemble les contraintes auxquelles nous sommes confrontés, mais aussi notre capacité d'action.

Nous devons composer avec une conjoncture internationale qui s'améliore et une situation budgétaire très difficile.

Nous sortons d'un ralentissement de croissance sans précédent depuis la récession de 1993. C'est grâce à la consommation que la France a résisté à la récession de 2003, en maintenant un taux de croissance de 0,5 %. Les dépenses de consommation des ménages représentent en effet plus de la moitié du PIB, c'est dire l'importance de la demande. Les ménages ont en effet bénéficié des réductions d'impôt et de l'augmentation du SMIC, ce qui nous a permis de bénéficier du redressement enregistré à la mi 2003 dans la zone euro avec un peu d'avance sur nos voisins, alors même que les investissements des entreprises ont diminué de 1,5 % et les exportations de 2,7 %.

Les nouvelles générales de notre économie sont aujourd'hui meilleures qu'il y a trois mois. La croissance mondiale pourrait cette année dépasser les 4,5 % grâce aux Etats-Unis, à la Chine et au Japon. D'après l'OCDE, la zone euro pourrait connaître une croissance moyenne de 1,6 %. Autre bonne nouvelle : la France va mieux qu'on ne le pensait. Sa croissance s'est établie à 0,8 % pour le premier trimestre, grâce à la consommation des ménages certes, mais aussi à l'investissement des entreprises. Et pour l'année, l'INSEE prévoit une croissance de 2,3 %, contre 1,7 ou 1,8 % pour l'ensemble de la zone euro.

Mais le volontarisme reste de mise. D'abord, parce que la croissance n'est que convalescente : la demande reste faible dans la zone euro, notamment en Allemagne et en Italie, qui sont d'importants partenaires pour la France. Ensuite, à cause des prix du pétrole : ils commencent certes à baisser, après une augmentation continue, mais personne ne peut dire pour combien de temps ; les spécialistes estiment que l'augmentation des prix est due à une prime de risque, et non à une inadéquation entre l'offre et la demande. A cause, également, des déséquilibres américains : si la croissance des Etats-Unis nous aide beaucoup, leur déficit laisse présager une augmentation des taux, qui aura des conséquences importantes sur la charge de la dette française. Enfin, nous ne pouvons en aucun cas nous satisfaire d'un taux de chômage de 9,8 %. Nous devons mener une politique budgétaire active au service de la croissance et de l'emploi. Nous ne pouvons pas nous permettre de rester passifs et d'attendre que les choses s'arrangent.

Car il est un point de consensus : la croissance spontanée ne suffira pas à nous tirer d'affaire. Nos finances publiques sont tellement dégradées qu'elles hypothèquent le retour de la croissance. Ses fruits ne pourront nous servir à soutenir l'activité, car toutes les marges de man_uvre doivent être consacrées à la réduction de l'endettement. Même avec une croissance supérieure à 2 % cette année et de 2,5 % l'an prochain, le déficit public resterait supérieur à 3 %. Pour le diminuer mécaniquement, il faudrait une croissance de 3 %. Nous ne comptons pas dessus. Il faut donc instituer au plus vite un mécanisme vertueux.

En matière de dégradation budgétaire, nous sommes au taquet. Personne ici ne peut penser pouvoir aller plus loin. Nos déficits publics sont supérieurs à 3 % depuis 2002. En 2003, ils ont atteint 4,1 % du PIB, et la dette, 64 %. Nous ne respectons plus les critères de Maastricht, qui s'imposent à nous quoi qu'on puisse en penser par ailleurs. Je rappelle que seul un vote à l'unanimité des Etats pourrait les modifier - mais quand bien même : le problème resterait entier ! La France, comme l'Allemagne, a fait l'objet d'une procédure de déficit excessif, suspendue - non sans mal - après l'intervention du Conseil. Le 15 décembre 2003, elle a pris des engagements : ramener le déficit en dessous de 3 % en 2005, stabiliser les dépenses de l'Etat en volume de 2004 à 2007, réformer l'assurance maladie, affecter tous les fruits de la croissance à la réduction des déficits et gager toute nouvelle baisse d'impôt. Ce n'est pas moi qui ai pris ces engagements, mais je ferai tout pour les respecter, pour tenir la parole de la France et affirmer sa crédibilité. Ceux qui ne sont pas d'accord doivent dire lesquels de ces engagements ils contestent.

Nous pourrions contester la rigueur des règles européennes en arguant que nous ne sommes pas les seuls à être en difficulté, mais il serait plus opportun de réfléchir sur notre responsabilité collective. Car il ne s'agit pas d'une dégradation conjoncturelle : notre déficit est structurel. Il s'est creusé, la France et elle seule en est responsable. Je ne ferai aucun procès : nul n'a le monopole de la bonne ou de la mauvaise gestion. Les déficits sont apparus il y a 23 ans et se répètent chaque année. Nos finances publiques sont maintenant structurellement déficientes, et se sont nettement dégradées ces dernières années.

M. Didier Migaud - Surtout les deux dernières !

M. le Ministre d'Etat - Des dépenses ou des baisses d'impôt importantes ont été engagées avant 2002, en période de croissance. Les recettes d'alors ont disparu, mais les charges demeurent. Je voudrais exposer des constats irréfutables, sans porter aucun jugement de valeur. Nous sortons de deux ans de fort ralentissement. Les recettes fiscales sont faibles depuis 2002, après cinq années de croissance qui avaient mené à l'épisode désastreux de la cagnotte fiscale. Des engagements ont été pris par nos prédécesseurs, en toute connaissance de cause. Ce sont les 35 heures par exemple, qui coûtent à elles seules 14 milliards. L'Etat dépense 14 milliards tous les ans pour empêcher les Français de travailler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Pas un pays au monde ne pourrait se payer un luxe pareil.

Plusieurs députés socialistes - Mais vous ne portez pas de jugement !

M. le Ministre d'Etat - Imaginez ce que la France pourrait faire avec cette somme, en matière d'investissement, de recherche ou de modernisation ! Mais les 14 milliards qui nous ont été légués devront être payés tous les ans !

M. Augustin Bonrepaux - Pourquoi avez-vous baissé les impôts ?

M. le Ministre d'Etat - La dérive de l'assurance maladie, elle, s'aggrave de nouveau...

M. Augustin Bonrepaux - La faute à qui ?

M. le Ministre d'Etat - ...depuis 2000 et a été supérieure à 2 milliards en 2001.

Plusieurs députés socialistes - C'est faux !

M. le Ministre d'Etat - Le résultat a été immédiat sur les déficits publics, dès que la croissance s'en est allée. Francis Mer et Alain Lambert ont limité les dégâts. Ils ont rigoureusement stabilisé la dépense en volume, mais le déficit a tout de même atteint 4,1 % en 2003, car les rentrées fiscales ont baissé de 11 milliards. Voilà tout le drame : 14 milliards de dépenses en plus, et 11 milliards de recettes en moins ! Cela s'appelle un déficit structurel.

L'endettement public, qui avait longtemps été contenu aux alentours de 55 %, a atteint en 2004 64 %, soit le taux moyen de l'Europe. Mais nos partenaires européens, eux, ont progressé ces dernières années ! Entre 1999 et 2001, ils ont allégé leur endettement de 4,1 points : trois points de plus que nous ! Ils ont profité des années fastes pour désendetter leur pays, alors que vous avez utilisé les fruits de la croissance pour financer des dépenses nouvelles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Il ne s'agit pas de polémique, mais d'un constat irréfutable.

M. Didier Migaud - Nous sommes à l'Assemblée nationale ! Réservez vos discours partisans à l'UMP !

M. le Ministre d'Etat - Monsieur Migaud, vous savez tout le respect que j'ai pour vous. Les chiffres pourront aisément démontrer la véracité de mes propos, et j'attends les vôtres avec un grand intérêt. La vérité peut blesser, mais on ne peut pas la changer, et la vérité est que le déficit français est dorénavant supérieur à celui de la zone euro. Il faut en tirer les conséquences, et notamment mesurer les méfaits durables de l'endettement sur notre économie.

Le premier effet est un blocage des marges de man_uvre budgétaires pour l'Etat, car nous consacrons pas moins de 40 milliards par an, non à rembourser la dette, mais à en payer les intérêts, en pure perte, sans résoudre le moindre problème. Quarante milliards, ce sont 14 % des dépenses du budget général, c'est plus que tous les crédits consacrés à l'emploi ! Qui pourrait sérieusement prétendre continuer de la sorte ? Il ne s'agit pas de désigner tel ou tel responsable, mais de montrer à la nation le visage de gens responsables, de droite comme de gauche, qui tirent les conclusions qui s'imposent de cette situation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Le deuxième effet, c'est une perte de confiance diffuse des Français, qui ne peuvent pas se décider à consommer et à investir alors qu'ils ont le sentiment que l'Etat est aux limites de sa crédibilité budgétaire, et que l'endettement atteint 16 000 euros par habitant.

Il faut donc agir tout de suite car, à défaut, la situation va encore s'aggraver. Actuellement, tout se passe comme si nous engagions chaque année quinze mois de dépenses pour douze mois de recettes. Chacun peut comprendre qu'ainsi on va dans le mur !

Pour réduire nos déficits, je suis persuadé, non par idéologie mais par bon sens, que le recours à de nouveaux prélèvements obligatoires n'est pas envisageable : avec 43,78 %, la France est au taquet du taux de prélèvements obligatoires. Surtout, les Français attendent des raisons d'avoir confiance pour se remettre à consommer et à investir. Un supplément d'impôt serait dissuasif et le Gouvernement n'a pas pour objectif que le malade meure guéri...

J'irai plus loin : nous devons, dès que la situation budgétaire le permettra, alléger les prélèvements obligatoires qui entravent notre activité. Un exemple : d'après les calculs de la Commission européenne, le taux de taxation du travail était en France de 41,8 % en 2002, contre 36,3 % en moyenne pour l'Union européenne. Dans un pays qui compte 9,8 % de chômeurs, comment ne pas voir que le seul espoir est de réduire progressivement les prélèvements ? Nous luttons autant que nous le pouvons contre les délocalisations industrielles, nous luttons pour réhabiliter la valeur travail par rapport à l'assistance, mais à chaque fois, notre pression fiscale joue contre nous en décourageant le travail !

Aujourd'hui, pour réduire nos déficits, c'est sur la dépense que nous devons agir. Pour cela, nous avons décidé d'appliquer en 2004 la même règle qu'en 2003 : pas plus de dépenses que l'autorisation parlementaire en loi de finances initiale. Pas plus M. Bussereau que moi-même n'y dérogerons.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Très bien !

M. le Ministre d'Etat - Car avec le jeu des reports de crédits, et des décisions prises en cours d'années, ce montant pourrait bien être supérieur, comme il l'a été précédemment, ce qui est une véritable dérive. C'est pour cela que la régulation budgétaire que j'ai décidée le 20 avril dernier a conduit à constituer une réserve de précaution de 7 milliards, en excluant les dépenses obligatoires et les priorités absolues du Gouvernement. Cette stabilité ne nous permet au demeurant que de réduire de 0,4 % de PIB le déficit de l'Etat, ce qui est un minimum quand il avoisine les 4 % !

Comment maintenir cette stabilité en volume l'année prochaine ? Certaines charges, telles que celle de la fonction publique, ou celle de la dette augmentent automatiquement, de plus de 4 milliards. Les mesures de revalorisation du point de la fonction publique comme des minima sociaux coûtent 1,2 milliard. Les lois de programmation, défense, justice, sécurité représentent 3 milliards supplémentaires. La nouvelle tranche annuelle des allégements de charges sur l'emploi, c'est 2,4 milliards. Tout cela, c'est déjà une progression de 2,5 % en volume ! Cela donne l'idée de l'effort à réaliser : il nous faut trouver 11 milliards d'économies pour revenir à la stabilité.

Les lettres cible, adressées le 3 juin à tous les ministres par Dominique Bussereau et moi-même tiennent compte de cette équation : notre objectif est de plafonner le déficit à 3 % du PIB en 2005. Il implique un volume de dépenses qui progresse de façon différente entre les ministères pour ne pas augmenter globalement.

Tout ne peut pas être prioritaire ! Pendant des décennies, à force de ne pas choisir, on a ajouté les priorités les unes aux autres, la plupart des dépenses de l'Etat étant en effet hautement justifiables ! L'éducation, l'emploi, la recherche, la justice, la sécurité sont, évidemment, des priorités dans l'absolu. Mais la contrainte de l'endettement, qui se resserre autour de nous, nous oblige à choisir beaucoup plus finement les dépenses à privilégier, en préservant en premier lieu celles qui engagent l'avenir. Un budget sérieux n'est pas un budget de récession ; il est possible d'assainir les finances publiques tout en faisant en sorte que la croissance et l'emploi soient soutenus.

Cela implique donc que nous arrivions à maîtriser certains postes de dépenses. De ce point de vue, ne pas poser la question des effectifs serait s'interdire de réduire le déficit et de maîtriser l'endettement. Le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux qui partent à la retraite dans les ministères et les fonctions où c'est possible, grâce à des réorganisations, est une mesure qui n'est évidemment pas dirigée contre les fonctionnaires, auxquels de meilleures conditions de travail doivent être assurées, mais c'est une mesure dont il faut débattre. De même, il faut envisager la vente d'immeubles en centre ville au profit d'implantations plus rationnelles, car l'Etat doit être, de ce point de vue aussi, exemplaire.

Au-delà, je compte beaucoup sur la nouvelle culture introduite par la LOLF à partir de l'an prochain. On ne raisonnera plus en moyens, mais en objectifs, et en résultats, ce qui est un formidable levier de rationalisation et d'économies. Enfin, la représentation nationale pourra voter en fonctions d'objectifs déterminés, et juger si les moyens alloués y suffisent. Enfin, les responsables administratifs pourront redéployer librement des crédits au cours de l'année pour les gérer au mieux.

Agir vigoureusement pour maîtriser le déficit de l'Etat, c'est nécessaire, mais ce n'est pas suffisant. Il faut donner à notre politique budgétaire de la cohérence et de la visibilité. Il faut que la France se fixe des règles qui survivent aux clivages politiques. Les Français ont le goût de l'alternance, soit...

M. Jean-Louis Dumont - C'est la démocratie !

M. le Ministre d'Etat - ...mais le paquebot budgétaire ne peut pas naviguer sans dommage en changeant de cap tous les deux ou trois ans.

Il nous faut introduire de la cohérence là où trop longtemps nous avons navigué à vue. Nous savons maintenant que les difficultés ne sont pas seulement conjoncturelles mais structurelles. Nous avons des engagements européens. A nous d'en tenir compte. La cohérence, c'est trois choses : une maîtrise de tous les comptes publics, par tous les acteurs ; une visibilité dans le temps ; une concertation avec nos partenaires.

Elle suppose tout d'abord, au sein de l'Etat, une concertation interministérielle plus forte. Bercy ne doit pas seulement dire non, mais être une force de proposition. Il faut le plus possible partager une vision commune des réformes à mener et des priorités à respecter. Plus ce consensus sera fort, plus la réforme sera durable. Dans le débat naturel entre Bercy et les autres ministères, chacun doit comprendre qu'il n'y a pas un budget par ministre, mais un seul budget, celui de la nation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La cohérence exige aussi que soient maîtrisés les autres soldes publics, sociaux et locaux, le budget de l'Etat ne représentant que moins de 40 % du total des budgets publics. Le déficit des comptes sociaux, tout d'abord. La réforme des retraites réalisée en 2003 permet d'alléger, à elle seule, d'un tiers le déficit de ces régimes à l'horizon de 2020. La réforme de l'assurance maladie en cours, qui doit responsabiliser les différents acteurs de la santé, changer les comportements, devrait permettre un retour à l'équilibre en 2007, alors que le déficit pourrait atteindre 13 milliards cette année.

M. Gérard Bapt - « Devrait »... Le conditionnel est en effet de mise !

M. le Ministre d'Etat - Vous, vous n'avez réformé, ni réduit les déficits !

Les collectivités locales, dans le respect de leur autonomie, doivent être mieux associées à la stratégie d'ensemble des finances publiques. Nous pourrions ainsi réunir, au moment du débat d'orientation budgétaire, le Gouvernement, les commissions des finances des deux assemblées, et les principales instances de représentation des collectivités locales, dans une conférence annuelle de concertation qui aurait un rôle pédagogique éminent.

La cohérence, c'est aussi la durée. Une politique budgétaire n'a pas de sens à un an car c'est l'horizon de la gestion, pas celui de la vision. Nous devons prévoir les instruments d'une stratégie budgétaire sur dix ou vingt ans, qui traduirait concrètement l'idée de « soutenabilité » des finances publiques. Cela devient nécessaire car le vieillissement de la population, les problèmes de retraite, de santé, d'emploi commandent d'anticiper largement.

D'ores et déjà, nous pouvons fixer des règles pour l'avenir, en tirant des leçons du passé : nous ne devons pas fluctuer au gré de la conjoncture. Ainsi, nous avons constaté que les baisses d'impôts décidées lorsque les recettes fiscales sont fortes amènent à une dégradation dès que la conjoncture se retourne. Nous proposons donc de fixer à l'avance, par une loi organique, une règle de gestion en cas de recettes supérieures aux prévisions. On pourrait ainsi donner la priorité à la réduction du déficit, en y affectant au moins les deux tiers des excédents de recettes, le solde allant à des dépense de recherche, d'investissement, ou à des allégements d'impôts ciblés, évalués et temporaires. C'est impératif dans un pays endetté comme le nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Enfin, la cohérence, c 'est la concertation avec nos partenaires. Il ne faut pas attendre pour cela les procédures de déficit excessif. Un gouvernement économique de l'Europe, nécessaire dans le domaine monétaire, serait aussi précieux dans le domaine budgétaire, non pour se substituer aux gouvernements des Etats membres, mais pour harmoniser leurs initiatives.

Déjà, nous transmettons chaque année un programme sur trois ans à la Commission. Mais ces obligations restent trop souvent formelles. Il faut donc aménager le pacte de stabilité pour mieux tenir compte de la conjoncture et de l'endettement de chaque pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il est moins grave d'avoir un déficit de 3,2 % quand on a une dette de 40 %, comme la Grande-Bretagne, que quand elle atteint 106 % du PIB. De même, un déficit de 3 % quand la croissance est à 3 %, c'est beaucoup trop ; quand la récession est de - 1 %, cela n'a pas d'importance. Oui, il faut un pacte de stabilité. Mais ce qui compte, ce ne sont pas les critères en valeur absolue, c'est l'interprétation qu'on en fait en fonction de la réalité de chaque pays.

La concertation doit aussi se mener avec nos partenaires. J'ai donc proposé à mon collègue allemand de cosigner, avant la prochaine loi de finances, une déclaration commune pour mettre nos deux politiques économiques en perspective, y compris dans leur composante budgétaire. Il ne s'agit pas de s'aligner l'un sur l'autre, mais de vérifier que nous allons dans le même sens. Cette déclaration pourrait servir de socle à un pacte plus large pour l'Eurogroupe par exemple. Nous avons une monnaie et un marché communs, une Banque centrale indépendante, nous devons nous doter d'une stratégie économique commune.

Mon rapport écrit comporte toutes les informations précises et vous avez reçu avant-hier le guide partagé de la performance, qui est le mode d'emploi de la LOLF. J'espère que nous allons poursuivre notre collaboration lors du débat d'orientation. La situation n'est pas facile, mais il n'y a guère de doute sur le fait que nous devons prendre des décisions tout de suite et les assumer. C'est moins difficile quand on pense que l'on travaille pour l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Rapporteur général - Depuis 23 ans, l'Etat dépense chaque année de 10 à 20 % de plus que ce qu'il perçoit. Le déficit est devenu une sorte de culture, ou plutôt de drogue, qui entraîne une accoutumance. Même dans les périodes les plus favorables, de 1987 à 1991 et de 1998 à 2001, nous n'avons pas été capables d'atteindre l'équilibre primaire du budget. Les recettes exceptionnelles de la croissance, comme la cagnotte de 1999, ont été aussitôt englouties dans des dépenses comme les 35 heures. Quand les recettes ont disparu, les dépenses sont restées ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

Au terme de ces décennies la dette a atteint 1000 milliards, ses intérêts se montent cette année à 15 % du budget, autant que le total des crédits de la justice, de l'enseignement supérieur, de la santé et de la solidarité. Ne mettons pas en avant l'alibi de la contrainte extérieure, des fameux critères de Maastricht. Le déficit, c'est notre problème. Rien que pour empêcher la dette d'augmenter, il faudrait réduire ce déficit entre 2 % et 2,5 %.

Comment desserrer cet étau dans lequel nous ont placés des décennies de gestion, essentiellement socialiste ? Le principe cardinal, c'est de stabiliser la dépense publique. En 2003, nous avons autorisé un montant de dépense que le Gouvernement a respecté à l'euro près, ce qui ne s'était jamais vu, sauf en 1987. C'était méritoire car nous avions dû compléter le budget 2002. Au collectif de juillet, il avait fallu ajouter 2,5 milliards délibérément non prévus dans la loi de finances initiale. Il a fallu payer trois fois la prime de Noël ! (assentiment sur les bancs du groupe UMP)

M. Augustin Bonrepaux - Parlez plutôt de ce que vous avez fait !

M. Richard Mallié - Nous avons payé vos dettes !

M. le Rapporteur général - En 2004, la dépense devra être tenue, et nous souscrivons totalement aux mesures de régulation. Pour 2005, il faut être intransigeant sur la stabilisation de la dépense, et cela vaut aussi pour les administrations sociales, car le budget de la sécurité sociale est supérieur à celui de l'Etat. C'est donc notre honneur d'avoir réalisé la réforme des retraites et d'engager celle de l'assurance maladie, que d'autres n'ont pas eu le courage d'esquisser.

M. Augustin Bonrepaux - C'est du bluff !

M. le Rapporteur général - En 2003, le déficit budgétaire a été de 57 milliards, soit 12 milliards de plus que prévu. Pourtant la dépense a été tenue. Le déficit correspond à des moins-values de recettes. Fallait-il les compenser par des économies supplémentaires ? Non, le Gouvernement a eu raison de ne pas prendre des mesures risquant d'accentuer la crise.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Rapporteur général - Cela a d'ailleurs permis un retour de la croissance plus rapide qu'ailleurs en Europe. Mais ce déficit correspond à une dépense supérieure de 20 % à la recette. Est-ce possible ? A y voir de plus près, dans ces 57 milliards, il y a 30 milliards d'investissements, ce qui est sain, mais aussi 27 milliards de fonctionnement. En clair, l'Etat va chercher la paye des fonctionnaires chez le banquier. Le ministre l'a dit, cela ne peut pus durer.

Pour 2005, il faut donc stabiliser les dépenses et se montrer prudents quant aux recettes. S'il y a des recettes supplémentaires, il faudra les affecter exclusivement à la réduction du déficit.

Mais stabiliser la dépense est extrêmement difficile. Pour 2005, compte tenu de l'inflation, cela nous autorise à dépenser 4 milliards de plus. Mais le passé les absorbe, avec deux milliards de plus pour la dette, et les pensions de 50 000 à 70 000 fonctionnaires qui partiront en retraite. Il ne reste rien pour les autres dépenses. Or 6 à 7 milliards sont déjà engagés pour les lois de programmation, l'unification des SMIC, la revalorisation des minima sociaux. Cela signifie qu'il faudra redéployer 6 à 7 milliards. Un tel effort ne peut consister à faire des économies de bout de chandelle, il appelle une véritable réforme.

M. Jean-Jacques Descamps - Très bien !

M. le Rapporteur général - Elle est possible. L'un des principaux postes du budget est celui du personnel de l'Etat, dont la moitié pour l'éducation nationale. Est-il logique que ceux qui passent le concours le plus exigeant et bénéficient de la rémunération la plus élevée aient les obligations d'enseignement les plus légères : 15 heures pour un professeur agrégé, 18 heures pour un certifié, contre 20 à 22 heures pour un professeur de lycée technique ? Cela n'existe nulle part ailleurs qu'en France. Est-il acceptable que, comme nous l'avons constaté dans le rectorat de Rennes, un professeur d'allemand qui n'a plus d'élèves reste chez lui en étant payé, alors qu'on a besoin d'enseignants de français ?

M. Richard Mallié - C'est scandaleux !

M. le Rapporteur général - La nation a accepté un effort de 20 milliards pour un plan de revalorisation qui était nécessaire. Mais est-il normal que, par manque de courage politique, Lionel Jospin n'ait pas osé demander en contrepartie de nouvelles obligations de service ?

Notre réseau diplomatique est le deuxième du monde avec 268 représentations, 537 agences consulaires, 28 instituts de recherche, 166 instituts culturels. N'est-il pas possible de le simplifier, dans le cadre de l'Union européenne ? A Bercy, pour ce qui est de la perception de la redevance audiovisuelle, 1 400 emplois peuvent être redéployés, et la commission des finances a adopté un amendement à ce sujet.

M. Augustin Bonrepaux - C'est de la provocation !

M. le Rapporteur général - Quand aux dispositifs sociaux, ils fonctionnent à guichet ouvert. Nous avons voté dès la fin de 2002, puis de nouveau en 2003, la réforme de l'aide médicale d'Etat, c'est-à-dire le bénéfice de la CMU pour les personnes en situation irrégulière. Est-il normal que les décrets d'application ne soient toujours pas sortis, alors que c'est là une des principales raisons pour lesquelles nous n'arrivons pas à maîtriser l'immigration clandestine ?

S'agissant des collectivités locales, je dis oui à l'indexation des dotations sur un tiers de la croissance mais non aux dégrèvements systématiques qui font que plus l'on dépense, plus le contribuable national doit se substituer au contribuable local.

Les organismes inutiles, les procédures, la machine à faire de la complexité... Il faut s'attaquer à tout cela pour faire des économies.

Une gestion dynamique des actifs de l'Etat - qui passe par le fait d'en céder un certain nombre - permettrait de stabiliser l'endettement. Si l'on calcule la situation nette de l'Etat comme on calcule celle d'une entreprise, on arrive au chiffre vertigineux de moins 550 milliards d'euros, qui représente la différence entre l'actif et le passif...

M. Eric Besson - Vous vous rappelez que c'est vous qui avez la majorité ? Et que ce sont vos amis qui sont au Gouvernement ?

M. le Rapporteur général - Si nous en sommes là, c'est le résultat de votre gestion ! Vingt ans de gestion socialiste, cela use un pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Même en faisant un gros effort sur les dépenses, nous n'aurons pas de marge de man_uvre en 2005. Il est hors de question d'augmenter les prélèvements...

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Rapporteur général - Mais il faut aussi avoir la lucidité de reconnaître qu'il ne sera pas non plus possible de baisser systématiquement les impôts. Si baisse d'impôts il y a, cela ne pourra se faire que par redéploiement, par exemple en recyclant certaines niches fiscales...

M. Augustin Bonrepaux - Qu'attendez-vous ?

M. le Rapporteur général - Nous devons nous doter de quelques règles de bonne gestion, je dirais presque de règles de père de famille. Première règle d'or : la dépense doit être stabilisée. Deuxièmement, il faut se montrer prudent dans l'évaluation des recettes. Et dire par avance que l'on consacrera l'essentiel des éventuelles recettes supplémentaires à la réduction du déficit, et donc de l'endettement, me paraît une très bonne chose.

Il est, en troisième lieu, indispensable de cantonner le déficit aux dépenses d'investissement. L'Etat ne doit pas continuer à financer du fonctionnement par l'emprunt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Quatrième règle : évaluer systématiquement l'impact financier des textes. Cela fait un an que nous le demandons, car il n'est pas normal que nous examinions des projets sans savoir précisément ce qu'ils vont coûter. Nous souhaitons de surcroît que les mesures fiscales relèvent toutes de la loi de finances. Sans cela, il ne nous est pas vraiment possible de suivre l'évolution des finances publiques.

Dernière règle : évaluer, contrôler. Pour faire vivre la loi organique, nous avons besoin d'outils d'évaluation et de contrôle. Est-il normal qu'au moment où le budget de la défense progresse de 10 %, ce qui est une bonne chose, on nous propose un programme d'armement qui est une gigantesque boîte noire de 15 milliards d'euros sur laquelle nous ne pourrons pas exercer de contrôle parlementaire ?

Tous les membres de la commission des finances mais aussi, je crois, tous les collègues sur ces bancs sont prêts à travailler avec vous, Monsieur le ministre, à une meilleure visibilité et lisibilité de la politique budgétaire et fiscale. Nous avons multiplié les travaux, les auditions, les réflexions. Vous pouvez compter sur notre total soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - En écoutant le ministre d'Etat, dont je partage les analyses et les objectifs, je pensais à la journée d'un élu local, qui le matin recevrait une délégation de parents d'élèves lui demandant le remplacement des heures d'enseignement non effectuées, à midi une délégation de coiffeurs lui demandant l'abaissement de la TVA à 5,5 % et le soir une délégation du Secours catholique et de Médecins du monde remettant en question l'Aide médicale d'Etat, qui a quadruplé en deux ans et dont on sait les abus... Si j'en parle, c'est pour montrer que la montagne que nous avons à franchir est himalayenne !

Comment convaincre nos compatriotes - mais aussi les ministres - de la nécessité de réduire la dépense publique ? Je crois que l'argument le plus puissant, le plus pédagogique est celui qui fait le lien avec l'emploi. Tous les pays qui ont aujourd'hui un taux de chômage inférieur à 5 % ont réduit leurs dépenses publiques et fait des réformes de structures.

Chacun sait qu'il existe une accoutumance aux produits dopants. Or, la France est aujourd'hui dopée à la dépense publique et à la dette. Mais au-delà d'un certain seuil, la dépendance créée par le dopage se retourne contre la performance. Ce qui est vrai pour un organisme humain l'est aussi pour l'économie et en l'occurrence, la performance, c'est l'emploi. Nous devons l'expliquer à nos compatriotes...

M. Didier Migaud - Et au Président de la République.

M. le Président de la commission des finances - J'ai déjà eu l'occasion de dire qu'un gouvernement de 42 ou 43 ministres et secrétaires d'Etat n'était pas le meilleur moyen de baisser la dépense publique.

Si l'on veut une croissance zéro de la dépense publique, il faut réduire les effectifs de la fonction publique. Mais nous savons bien qu'il sera difficile de franchir certains seuils. Il faut donc aussi arrêter d'étouffer les fonctionnaires sous les textes, les procédures et l'empilement des structures. Les magistrats nous le disent : arrêtez de changer les règles, nous avons plus besoin d'une stabilité des textes que d'effectifs supplémentaires.

Nous devons aussi nous demander à quel coût sont produits les services publics. Beaucoup d'entre eux, y compris ceux assurés par EDF et la SNCF, pourraient être produits à 10 ou 20 % moins cher. Ce ne sont pas les entreprises privées qui sont malades, mais l'Etat et l'ensemble des services publics. L'Etat en France n'est pas géré.

Nous devons ensuite nous interroger sur les engagements sociaux. J'ai été stupéfait d'entendre parler pendant la campagne des régionales de « casse sociale », alors que les dépenses sociales ont progressé de plus de 12 % au cours des deux dernières années...

M. Didier Migaud - S'il y a plus de Rmistes, ce n'est pas leur faute !

M. le Président de la commission des finances - S'agissant des collectivités locales, j'espère que les commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat mettront en place un observatoire des finances locales. Ces dernières ont fortement augmenté en quinze ans et continueront à le faire si l'on ne change rien (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il faut rendre le système plus vertueux, sachant qu'aujourd'hui plus une collectivité dépense, plus elle est aidée par l'Etat, tandis que plus une autre économise, plus elle est sanctionnée !

M. Mariton rassemble à juste titre les signatures d'un certain nombre de collègues qui s'engagent à ne pas augmenter le taux de leurs impôts locaux...

M. Augustin Bonrepaux - Au nom de l'autonomie locale, sans doute !

M. le Président de la commission des finances - Si vous étiez convaincu comme moi qu'une dépense publique excessive se retourne contre l'emploi et que l'inégalité majeure en France est le chômage, vous conviendriez avec moi qu'il faut agir sans tarder ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous pouvons travailler sur quelques pistes. Par exemple, supprimer quelques niches fiscales dont l'efficacité n'est pas toujours démontrée et sanctionner les ministères qui n'ont tenu aucun compte des recommandations de la Cour des comptes. Ne serait-il pas possible, par ailleurs, dans un esprit de revalorisation du travail, de réintégrer la prime pour l'emploi dans la fiche de paie mensuelle afin qu'elle fasse bien figure de résultat du travail ?

En conclusion, j'insiste sur le fait que nous avons un travail important à faire dans les prochains mois avec vos services, Monsieur le ministre, et que c'est la maîtrise de la dépense publique qui nous permettra d'être à la fois plus efficaces et moins injustes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDF)

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement, au sujet de la répartition des temps de parole.

Mme la Présidente - Elle résulte d'une décision de la Conférence des présidents.

M. Augustin Bonrepaux - Je constate que l'UMP, par la voix de son futur président, du rapporteur général, du président de la commission et d'orateurs totalisant 50 minutes accaparent le temps de parole, tandis que le groupe socialiste est réduit à la portion congrue, ne bénéficiant que d'à peine 5 minutes de plus que l'UDF et que le groupe communiste. Vous nous excuserez, Madame la présidente, si nous dépassons légèrement notre temps de parole pour développer nos arguments ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Mariton - « Point de banqueroute, point d'augmentation d'impôt, point d'emprunt » rappelait, avec Turgot, Alain Lambert dans la carte de v_ux qu'il nous a adressée au début de l'année.

M. Jean-Pierre Brard - Il n'a pas été remercié...ou plutôt si ! (Rires)

M. Hervé Mariton - Nous persistons dans une bonne direction. Le groupe UMP constate avec vous, Monsieur le ministre, que la situation économique de notre pays s'améliore. Cela permettra une amélioration de la situation des finances publiques. Mais si nous voulons que l'amélioration de la situation économique se poursuive, nous avons besoin de meilleures finances publiques encore : c'est affaire de confiance. La qualité d'une politique et la qualité des finances de l'Etat sont choses liées dans la durée ; nous l'expliquons au sein de l'Union européenne et nous devons en convaincre les Français : nous avons trois ans pour réussir.

M. Jean-Pierre Brard - C'est mal parti !

M. Hervé Mariton - « Faites-moi de la bonne politique, je vous ferai de bonnes finances », disait le baron Louis. C'est que l'un et l'autre vont ensemble.

Monsieur le ministre, nous sommes au-delà du taquet... La situation des finances publiques est mauvaise, très mauvaise, en conséquence de longues années de mauvaise gestion. Le rapport que vous nous avez présenté pour la période 2004-2007 évalue la dérive tendancielle de la charge de la dette à 8 milliards, celle des dépenses de personnel à 7 milliards ; si l'on respecte la bonne règle de maintien en volume de la dépense, il manque déjà 2 milliards : l'action de l'Etat serait nécessairement entamée de 2 milliards. Et la Cour des comptes nous rappelait encore hier qu'il n'est évidemment pas bon que l'Etat finance par l'endettement des dépenses de fonctionnement.

Il ne s'agit pas d'affoler nos compatriotes, mais de leur délivrer un message clair. Il faut, oui, une lecture intelligente du pacte de stabilité, mais il ne serait pas judicieux de trop jouer avec nos engagements européens ; le Conseil des ministres nous protège des sanctions de la Commission, cela ne nous rend pas vertueux pour autant.

Clarté, et aussi cohérence. De bonnes orientations budgétaires ne sont pas que l'affaire de l'Etat : les financements sociaux et les collectivités locales sont également concernés. A cet égard, j'encourage l'ensemble de mes collègues, en particulier socialistes, à signer le pacte de stabilité de la fiscalité locale que j'ai proposé.

Les choix budgétaires et fiscaux doivent être cohérents. A cet égard, nous regrettons que les annonces soient parfois désordonnées. Nous ne voulons pas d'augmentation des prélèvements ; notre direction doit rester celle de leur baisse. Mais afficher d'emblée que l'impôt peut baisser ou qu'il ne le peut pas n'est peut-être pas la meilleure manière d'engager le débat : l'évolution - stabilité ou baisse - de l'impôt doit être la résultante de l'ensemble des choix proposés dans le projet de loi de finances.

Tout cela requiert de l'ambition et de l'enthousiasme. Pour dégager des marges d'action, il faut évidemment accélérer la réforme de l'Etat. La LOLF ne suffira pas ; il faut une volonté politique - et elle existe, tant mieux et merci. Volonté et rigueur : nous avons été navrés hier d'entendre le Premier président de la Cour des comptes évoquer le flou artistique qui entoure toujours la gestion des effectifs. S'agissant des stratégies ministérielles de réforme, il faut que les résultats soient à la hauteur des attentes. Nous partageons volontiers, Monsieur le ministre, votre culture du résultat.

Le budget 2005 devra ouvrir une période de trois années formant un ensemble, au terme de laquelle nous serons jugés. Il n'y a pas de temps à perdre. Au travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud - Monsieur le ministre d'Etat, ce que vous dites est toujours intéressant et n'est jamais banal, comme votre façon de le dire. Le style a changé, le discours lui-même a changé ; mais la politique reste la même, marquée par l'injustice et l'insincérité.

J'ai eu parfois l'impression ce matin que nous nous étions invités à un congrès de l'UMP...

M. Hervé Mariton - Observez qu'au sein de ce congrès, il y a beaucoup de convergences !

M. Didier Migaud - Vous sembliez presque nous avoir oubliés... Mais nous sommes là. Et nous méritions mieux qu'un temps de parole de 35 minutes.

Le rapport du Gouvernement se lit comme un roman. Mais le scénario idyllique qui nous est présenté ne vise qu'à cacher le sang et les larmes que la politique menée promet aux Français.

Le président de la commission des finances et le rapporteur général en appellent à plus de rigueur encore. A entendre leurs critiques, que d'erreurs ont été commises depuis deux ans ! Cela par la volonté du chef de l'Etat : Monsieur le président, osez, soyez audacieux, remettez en cause les consignes qui viennent d'en haut ! Vous êtes président de la commission des finances, nous sommes le Parlement : jusqu'à preuve du contraire, c'est nous qui décidons.

Depuis le collectif de l'été 2002, nous critiquons les décisions fiscales et budgétaires du Gouvernement. Le rapport préliminaire présenté par la Cour des comptes a confirmé nos critiques et constaté que la situation financière s'est « gravement détériorée » en 2003. La Cour constate que le déficit budgétaire s'est creusé de 28 % par rapport aux prévisions initiales et que le solde primaire qui, Monsieur le rapporteur général, était positif entre 1999 et 2001, est fortement négatif en 2003. Le déficit public a été en 2003 le plus élevé de l'Union européenne et la dette publique atteint le record historique de 63,7 % du PIB.

La dégradation du solde structurel, patente depuis 2002, contredit vos affirmations selon lesquelles elle serait le fait de la gauche : ce solde était inférieur à la moyenne de la zone euro en 2001 et il est désormais le double de cette moyenne ! D'autre part, il est faux de prétendre que cette dégradation serait conjoncturelle : elle résulte de l'absence de maîtrise des dépenses sociales...

M. le Ministre d'Etat - Je n'ai pas dit autre chose !

M. Didier Migaud - Il est vrai que vous le reconnaissez parfois. Mais à cela s'ajoutent une croissance déraisonnable des dépenses militaires et une politique fiscale non financée qui prive l'Etat de recettes.

A ce propos, je trouve quelque peu cocasse que vous nous reprochiez d'avoir utilisé des surplus de recettes pour réduire les impôts en 1999 et en 2000 : ne le réclamiez-vous pas à l'époque ? Et surtout, en 1999, nous avons affecté plus de 80 % de ces surplus à la réduction du déficit. Si, en 2000, nous avons essayé en effet de répartir les fruits de la croissance, nous avons bien fait : cela a permis de maintenir un bon niveau de consommation. Mais vous, vous n'aviez pas ces surplus de recettes lorsque vous avez décidé de baisser l'impôt sur le revenu, prenant ainsi le risque d'aggraver notre situation ! C'est au reste ce qu'a relevé hier le président de la commission des finances, et l'on peut difficilement être plus sévère pour l'action du Président de la République...

Cette dégradation historique et structurelle du solde a eu un effet boule de neige sur la dette publique. Depuis 2003, la France ne respecte plus aucun critère du pacte de stabilité et, en raison de votre politique, notre capacité à les respecter en 2007 est plus que douteuse.

Le Gouvernement mène une politique de rigueur et n'a pas de stratégie de croissance.

La rigueur se traduit d'abord par la réduction des droits sociaux et par la remise en cause des politiques publiques, à travers une régulation budgétaire massive. Depuis juin 2002 jusqu'à la fin de 2003, ce sont 11,7 milliards d'euros de crédits qui ont été purement et simplement annulés, soit l'équivalent du budget civil de recherche et développement et de celui de la culture et de la communication. Ces annulations portent avant tout sur des dépenses d'investissement civil et sur des crédits d'intervention - en particulier ceux destinés à soutenir l'emploi - et l'activité en pâtit donc fortement. Notre collègue Bonrepaux vous interrogera sans doute d'ailleurs, dans un instant, sur la capacité qu'aura demain l'Etat de tenir ses engagements envers les collectivités et vous demandera à nouveau la création de cette mission d'information que vous nous refusez depuis des mois. Il est en effet dommage que les journaux soient plus précis sur ce point que les rapports de l'Assemblée !

La « politique fiscale non financée », stigmatisée par la Cour des comptes, ne stimule pas la croissance et déprime les ménages. En effet, les baisses d'impôts profitent avant tout aux plus aisés alors que tous subissent l'augmentation de la TIPP, des impôts locaux et des tarifs publics. Le taux des prélèvements obligatoires, au total et contrairement à vos promesses, n'a pas diminué !

La France, qui se trouvait entre 1997 et 2001 dans le peloton de tête de la croissance mondiale, accuse désormais un retard dans ce domaine. Alors que notre rythme de croissance est censé approcher de 3 % depuis trois trimestres, tous les clignotants sont au rouge ou à l'orange. La consommation n'est pas aussi dynamique qu'elle devrait être, les emplois continuent d'être détruits à raison de près de 10 000 au premier trimestre, le nombre des allocataires du RMI a crû de 10 % en un an, la balance des paiements est déficitaire : cette croissance molle est une croissance sans fruits.

La question qui se pose désormais est de savoir à qui elle profite. Vous avez annoncé qu'elle serait vraisemblablement supérieure aux prévisions de la loi de finances initiale initiale, que, contrairement à l'an dernier, nous n'avions d'ailleurs pas contestées : l'INSEE évoque une progression de 2,2 ou 2,3 %. Mais comment expliquer, dans ces conditions, que le déficit doive, lui, être plus élevé que prévu ? C'est tout à fait anormal dès lors que les recettes augmentent tandis que les dépenses sont maîtrisées...

M. le Ministre d'Etat - Qui a dit que le déficit allait s'aggraver ?

M. Didier Migaud - C'est écrit dans votre rapport pour ce débat d'orientation : vous estimez son augmentation à 0,2 ou 0,3 %. Je parle naturellement de l'ensemble des comptes publics. Mais, quoi qu'il en soit, je prends date !

Après que sa politique injuste et inefficace a été sanctionnée par le suffrage universel, le Gouvernement s'est borné à un « relookage » médiatique. En effet, le projet censé soutenir la consommation et l'investissement ne représente en aucun cas un changement de politique. Ce n'est qu'un catalogue disparate de « mesurettes » à l'effet incertain - telle celle destinée aux restaurateurs, sur laquelle M. Méhaignerie lui-même s'interroge. Le Gouvernement refuse une nouvelle fois de vraiment soutenir la consommation des ménages et s'obstine à multiplier les baisses d'impôts et les niches fiscales au profit des plus aisés. Certes, il affirme des objectifs louables, mais sa politique réelle les contredit. Ainsi s'agissant de la maîtrise de la dépense publique : comme la Cour des comptes l'a relevé, son niveau en pourcentage du PIB n'a pas baissé, bien au contraire.

De même, le Gouvernement ne cesse de se dire préoccupé par la progression de l'endettement public, mais il invoque je ne sais quelle fatalité alors qu'entre 1998 et 2001, le poids de cette dette a diminué. Mais il explose depuis 2001 !

La gestion des finances publiques est marquée, depuis juin 2002, par l'insincérité. Malgré les observations de la Cour des comptes et les réserves du Conseil constitutionnel, le Gouvernement persiste à présenter des prévisions que les faits démentent toujours. Le Premier président de la Cour des comptes a d'ailleurs jugé « paradoxal de faire voter un plafond de dépenses pour annoncer quelques semaines plus tard qu'il n'est qu'indicatif ». La sincérité de la loi de finances pour 2003 n'avait ainsi été admise que sous réserve d'observations importantes de la part du Conseil constitutionnel, observations qui auraient dû conduire au dépôt d'une loi de finances rectificative.

Lors de votre audition du 4 mai dernier, vous avez indiqué votre volonté d'arrêter des « règles de comportement budgétaire pluriannuelles ». Fort bien, mais en avez-vous réellement la volonté ?

Je note toutefois avec satisfaction que vous avez repris la proposition que j'avais formulée dans mon rapport sur la dégradation des comptes publics et qui tendait à faire de la Commission économique de la nation un véritable instrument d'échanges et d'expertise, associant les parlementaires de la majorité et de l'opposition, les représentants des collectivités et les gestionnaires des comptes sociaux. En revanche, je regrette que vous n'ayez pas retenu ma suggestion la plus importante, celle qui visait à doter un parlementaire de l'opposition des pouvoirs de contrôle dont disposent le président et le rapporteur général de la commission des finances. Il est heureux que le Président de l'Assemblée, lui, se préoccupe de conforter l'opposition...

S'agissant des niches fiscales dérogatoires, le Gouvernement évoque de façon récurrente la nécessité de les évaluer et de les remettre en cause, mais il rejette notre proposition de les intégrer dans les programmes, afin précisément de les analyser au regard des objectifs poursuivis et à l'aide des indicateurs définis pour chaque programme.

A cette première contradiction s'en ajoute une seconde : le Gouvernement n'a de cesse de créer de nouvelles niches au lieu d'en supprimer. Ainsi le texte que nous examinerons cet après-midi tient plus du chenil que du projet de loi ! Vous prétendez pourtant vouloir en réduire le nombre - chiche !- et vous avez demandé un rapport. Mais n'aviez-vous pas déjà celui du Conseil des impôts, qui analysait rigoureusement le rapport coût-efficacité de chacune de ces niches ? Qu'attendez-vous donc ?

En réalité, votre volonté est tout autre : vous ne souhaitez au contraire que multiplier ces avantages. Pour notre part, nous en demandons le plafonnement.

Il faut fixer un cap clair. Votre proposition de loi organique visant à affecter automatiquement au désendettement la moitié ou les deux tiers de tout surplus éventuel de recettes souffre de deux faiblesses. En premier lieu, elle instaure une règle mécanique dont l'application ne dépend que du niveau initial des prévisions. Sa portée en sera donc réduite pour peu qu'un gouvernement peu scrupuleux fasse des prévisions insincères. La seconde faiblesse de votre proposition est d'être moins volontariste que l'application qui a pu en être faite dans le passé, y compris en 1999 où plus de 80 % du surplus des recettes fiscales ont été affectés à la réduction des déficits.

Le respect des indicateurs de solde de la dette publique et des déficits publics ne permet pas de garantir un pilotage responsable de nos finances. La solution réside selon nous dans l'utilisation de cet indicateur essentiel qu'est le solde primaire : son équilibre doit être l'objectif principal des finances publiques.

Confrontés à une dégradation historique des finances publiques, vous êtes désormais contraints par les engagements européens à réduire massivement et brutalement le déficit. Je suis d'ailleurs stupéfait de vos a priori idéologiques et en particulier de votre discours, Monsieur le président de la commission, sur l'irresponsabilité des collectivités locales.

M. le Président de la commission - Je n'ai pas dit cela.

M. Didier Migaud - Les élus locaux sont responsables, et votre observatoire des collectivités locales n'a d'autre but que de...

M. le Président de la commission - Contrer votre démagogie à venir !

M. Didier Migaud - ...plafonner ou remettre en cause leur autonomie.

Monsieur le ministre d'Etat, vous installez le pays dans la rigueur quand une autre politique est possible pour la France et les Français, vous qui voulez précisément remettre le volontarisme à l'ordre du jour (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Nicolas Perruchot - Comment réduire notre endettement public tout en soutenant la croissance ? Tel est l'enjeu de notre débat.

Je salue la démarche de M. le ministre d'Etat qui a, dès son arrivée, posé ces deux questions. Je suis certain qu'il fera preuve de la même énergie et de la même volonté qui lui ont valu de réussir au ministère de l'intérieur. Les défis qui sont devant nous nécessitent un homme de sa qualité qui saura nous montrer toute l'étendue de son talent et de son imagination.

M. Jean-Pierre Brard - Les coups de sabots ne sont pas loin ! (Sourires)

M. Nicolas Perruchot - M. le ministre d'Etat est également soucieux de voir la majorité avancer sur ses deux jambes et il a déjà montré son attachement à prendre en compte les points de vue de l'UDF.

L'histoire récente nous a d'ailleurs très souvent donné raison. En 2002, nous envisagions dès le mois de septembre une hypothèse de croissance plus basse que celle annoncée par le Gouvernement. Nous avions raison, et nous avons assisté, impuissants, à un creusement historique des déficits.

Dès 2002 encore, nous demandions une vraie réforme de l'assurance maladie car nous savions l'impact du statu quo sur nos finances publiques. Nous avions raison.

L'an dernier, lors de la discussion de la LOLF, nous avions refusé une baisse de l'impôt sur le revenu gagée sur la hausse de la TIPP. Dès le lendemain du vote, le président de la commission des finances nous donnait raison.

Nous avons également combattu la suppression de l'ASS pour 300 000 personnes, et il a fallu attendre le désastre des élections régionales pour que le Président de la République consente à nous écouter.

Tous ces exemples plaident pour que les positions de l'UDF soient davantage prises en considération au sein de la majorité.

Nous devons édicter des règles de bonne gestion afin de limiter notre endettement puis de le réduire.

La situation est grave. En 23 ans, notre pays a accumulé une dette qui correspond à plus de 60 000 € par famille. Il ne s'agissait même pas de creuser le déficit pour favoriser la croissance, puisque la croissance n'a pas toujours été au rendez-vous. Le déficit s'explique d'abord par un laxisme continu, dont les plus défavorisés sont les premières victimes.

M. le Président de la commission - Exact.

M. Nicolas Perruchot - Le déficit réduit de plus les marges de man_uvres budgétaires de l'Etat, et cela s'aggravera car une hausse des taux est envisageable, alors même que la charge de la dette représente déjà 15 % du budget de l'Etat ! En outre, nous savons qu'il y aura de moins en moins d'actifs pour rembourser la dette.

Le Groupe UDF propose que soit inscrites dans une loi organique cinq règles structurelles fondamentales.

Il s'agit tout d'abord de ne pas dépasser le taux de déficit égal à la stabilisation de la dette. Tel était d'ailleurs l'objectif des 3 % de déficit défini par le Traité de Maastricht or, ces 3 % étaient établis en fonction d'une croissance de 3 % qui n'est pas au rendez-vous. Il faut se fixer une règle stricte qui permette non seulement de ne pas dépasser un certain taux de déficit mais surtout, en haut de cycle, de rembourser la dette.

Il s'agit ensuite de ne plus faire de déficit de fonctionnement quand, sur 60 milliards de déficit, les deux tiers résultent des dépenses de fonctionnement, alors qu'on ne devrait emprunter que pour financer des investissements productifs. Or, c'est l'inverse qui se produit : le surendettement, pour l'Etat, semble aller de soi.

Il s'agit également d'interdire des déficits sociaux qui correspondent à des déficits de fonctionnement : l'assurance maladie a produit un déficit cumulé de 35 milliards sur trois ans. Le Gouvernement a enfin décidé de prendre des mesures, mais nous regrettons que son projet relève plus d'un dix-neuvième plan de financement que d'une véritable réforme. Dans trois ans, la majorité devra expliquer aux Français pourquoi une nouvelle réforme est nécessaire : le texte proposé, en effet, ne permettra pas de limiter des déficits sociaux qui seront « parqués » par la CADES, ce qui est inacceptable.

Il s'agit aussi de réaliser des économies pour financer des dépenses nouvelles. Toute dépense nouvelle doit ainsi être financée par la réduction d'une dépense existante. C'est une règle d'or obligatoire. Des marges de man_uvre existent : non-remplacement de fonctionnaires qui partent à la retraite, amélioration de la productivité des services, externalisation.

Enfin, les baisses d'impôt doivent être stoppées si notre croissance est inférieure à 2 %. Nous espérons que le Gouvernement ne répètera pas l'erreur de l'an dernier où une baisse de l'IR a été financée par une hausse des impositions indirectes. Il s'agit plutôt de redistribuer les efforts faits par nos concitoyens par une baisse des prélèvements.

Cet objectif doit être suffisamment affirmé pour changer définitivement les comportements.

Enfin, il faut approfondir la coopération économique européenne. Le 13 juin, les électeurs ont clairement marqué leur souhait d'avoir plus d'Europe, notamment en matière économique. L'échec du pacte de stabilité et de croissance, avec la suspension injustifiée des procédures de déficit excessif, montre que les gouvernements n'ont pas assumé leurs engagements. Une nouvelle étape de la coopération économique doit être franchie, au moins entre les pays de la zone euro. L'UDF souhaite, plutôt qu'une abrogation du pacte de stabilité, un enrichissement des règles de coopération.

Le soutien à la croissance et à l'emploi passe par trois obligations. La première est de retrouver la confiance de nos concitoyens, en garantissant la sincérité des comptes publics. Le récent rapport de la Cour des comptes a, une fois de plus, démontré les carences en la matière. Le Parlement manque d'informations, compte tenu de la complexité de la matière, pour connaître exactement la situation des finances publiques. La Cour dénonce l'utilisation des ODAC, les organismes divers d'administration centrale, pour camoufler des déficits. Nous espérons que les recettes exceptionnelles qui proviendront éventuellement de la soulte d'EDF ou de privatisations seront bien affectées au remboursement de la dette, plutôt qu'au budget de l'Etat.

La deuxième est que la politique fiscale garantisse la justice sociale. Le Gouvernement a fait des erreurs, en particulier sur la réforme de l'allocation de solidarité spécifique, qui ont eu des conséquences sur la croissance, l'emploi et la confiance de nos concitoyens. Diminuer l'impôt sur le revenu tout en augmentant les prélèvements indirects a le même type de conséquences sur le pouvoir d'achat, en particulier pour les classes moyennes. Et nous savons bien que le poids des prélèvements obligatoires en France est trop élevé et la fiscalité trop complexe. Nous souhaitons une grande réforme fiscale, simplifiant et réduisant le nombre des impôts, tout en répartissant plus justement les efforts. Cette réforme, trop longtemps différée, est une condition sine qua non d'une croissance durable.

Enfin, le soutien à la croissance passe par les grandes réformes dont le pays a absolument besoin, qui seules permettront le rétablissement des finances publiques. Une vraie réforme implique des changements de structure susceptibles de régler définitivement les problèmes, sans avoir à y revenir au bout de deux ans ! Ainsi, si le Gouvernement a mené une courageuse réforme des retraites, qui permettra d'avoir un système assaini à partir de 2006, le plan pour l'assurance maladie manque trop d'ambition pour qu'elle ne continue pas à lester les comptes publics. Deux réformes semblent indispensables pour garantir l'avenir de nos finances publiques. Celle des 35 heures d'abord, dont le coût est exorbitant. Les entreprises bénéficient d'allègements de charges alors même que leur productivité a diminué. Ayant fait partie de la mission Ollier-Novelli, je souhaite que le Gouvernement propose des solutions - il en existe plusieurs - à la rentrée. Pourquoi, par exemple, ne pas neutraliser les heures supplémentaires jusqu'à 39 heures ? Les 35 heures sont un acquis social, mais il faut que la loi revienne dessus pour permettre à ceux qui le souhaitent de travailler plus,

M. Jean-Pierre Brard - On ne remet pas en cause, mais on revient dessus !

M. Nicolas Perruchot - Il faudra bien : il n'y a pas d'autre solution ! Le gouvernement précédent a agi comme si tout le monde était dans la même situation.

M. Jean-Pierre Brard - Vous parlez comme M. Seillière !

M. Nicolas Perruchot - Nous ne sommes pourtant pas de la même culture. Mais la croissance ne peut pas revenir si l'on consacre 15 milliards à faire travailler moins les gens. Nous sommes le seul pays au monde à faire cela ! L'exception française, j'y suis favorable en matière culturelle, mais pas économique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Sur plus de soixante auditions menées par la mission, 57 ou 58 ont porté sur les conséquences nuisibles des 35 heures !

M. Augustin Bonrepaux - De ce que vous en avez fait !

M. Nicolas Perruchot - Nous ne pourrons jamais résister aux Etats-Unis ou à la Chine si la loi ne nous permet pas de travailler plus.

M. Jean-Pierre Brard - Et ne donne pas à chacun son bol de riz quotidien.

M. Nicolas Perruchot - On sait tout le bien que vous pensez de ces politiques là.

La deuxième réforme est celle de l'Etat. Elle est engagée, mais beaucoup reste à faire. Elle doit aboutir à une amélioration de la qualité des services et à la réduction du nombre de fonctionnaires. Celle-ci est pleinement justifiée par les nouveaux moyens de travail et l'évolution démographique de la France, mais elle demande une volonté sans faille. L'UDF soutiendra toujours le Gouvernement sur ce sujet.

Enfin, nous avons entendu de bonnes nouvelles sur la croissance pour 2004 et, comme elles sont rares pour la majorité, nous nous en réjouissons. Mais nous demandons la plus grande prudence quant à l'établissement des hypothèses de croissance pour le budget 2005. On a vu, en 2003, les conséquences d'une hypothèse surévaluée. Il est d'ailleurs regrettable que vous n'ayez pas accepté à l'époque d'établir le budget selon deux hypothèses, l'une haute et l'autre basse, comme Charles de Courson et moi vous l'avions proposé. Or, la croissance pour 2005 est loin d'être sûre. Nous vous demandons donc la plus grande sagesse. Un peu plus de cohérence entre les paroles et les actes serait également souhaitable. On ne peut faire des annonces sans prendre en considération leur impact budgétaire, et je souhaite sincèrement que la majorité fasse des efforts à ce propos (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Je déplore que la tribune de l'Assemblée nationale soit devenue le lieu où les formations de la majorité se font des appels du pied. Mais comme elles ne peuvent plus se parler dans aucun autre endroit, il faut bien en passer par là...

Ce débat est l'occasion de dresser le bilan de deux ans d'une politique qui a multiplié les cadeaux aux plus riches, abandonné le soutien à l'emploi, accentué l'injustice fiscale, paupérisé l'Etat et réduit les moyens de la solidarité nationale. Le fait que les dépenses sociales aient augmenté n'est que le résultat de cette politique : vous avez besoin de ce sparadrap pour réparer les dégâts ! Les Français ont sévèrement sanctionné ce bilan calamiteux, lors des élection régionales et européennes, et je comprends que M. Mariton soit soulagé qu'il n'y ait plus d'élections dans les trois ans à venir. C'est un peu comme s'il conduisait une voiture sans compteur, pour ne plus voir à quelle vitesse il va dans le mur... Ces désaveux, combinés à la déconfiture des finances publiques, semblent commencer à ébranler la foi du président de la commission et du rapporteur général en la nécessité de nouvelles réductions d'impôts pour les plus riches. Le Président de la République, lui, continue à les considérer comme impératives, et l'affirme avec une vigueur qui le dispense de toute démonstration...

Malgré cette dissonance, la baisse des prélèvements obligatoires est toujours érigée en dogme intangible de la politique néo-libérale. Malgré un discours compassionnel pour la France d'en bas, votre politique fiscale favorise massivement les privilégiés. On se croirait sur le pont des soupirs, lorsque les condamnés écoutent les dernières paroles du prêtre avant l'extrême-onction... Mais vous ne trompez plus personne. Les prévisions de recettes pour 2004 sont révélatrices du recul de la justice fiscale. Celles de la TVA par exemple vont augmenter sensiblement, cet impôt qui frappe autant le smicard que le milliardaire. Je dirais même qu'il frappe parfois davantage les plus pauvres, comme dans le cas du moratoire Sarkozy par exemple, relatif aux bateaux attachés à des ports de Méditerranée.

M. le Ministre d'Etat - Je ne m'en souviens même pas, de celui-là !

M. Jean-Pierre Brard - Grâce à ce moratoire, tous les produits d'avitaillement embarqués sur les bateaux sont exonérés de TVA. Ce privilège n'existe pas en Atlantique.

M. le Ministre d'Etat - C'est ce qui a sauvé nos ports par rapport à leurs concurrents italiens !

M. Jean-Pierre Brard - C'est sans doute pourquoi la Guarda di finanza, qui est sans doute la seule administration italienne qui fonctionne bien, en demande l'abrogation. D'ailleurs, ce moratoire est parfaitement illégal et le ministre d'Etat serait bien inspiré de corriger cette anomalie. Quoi qu'il en soit, on voit là que les plus riches sont carrément exonérés de TVA...

La TIPP, elle aussi, payée par tout le monde, rapportera plus en 2004 qu'en 2003. En revanche, les recettes de l'impôt sur le revenu diminueront. Selon le rapport : « les recettes d'impôt sur le revenu devraient cependant reculer par rapport à 2003, en raison de la baisse du barème de l'IR de 3 % inscrite dans la loi de finances initiale 2004 ». De même, l'impôt sur les sociétés rapportera moins.

Mais c'est évidemment l'ISF qui est l'objet d'un procès permanent, instruit par les adeptes, très nombreux dans la majorité, du moins d'impôts pour les riches... Ils redoublent même de zèle, émoustillés par la perspective d'une amnistie et d'une taxation a minima pour les capitaux dissimulés à l'étranger qui rentreraient en France. L'ISF est ainsi qualifié d'« archaïsme fiscal » qu'il faudrait rendre « plus supportable », en « mettant fin aux dérèglements issus de la période 1999/2002 ».

Pour ma part, j'ai proposé une réforme de l'ISF qui avait eu l'heur de plaire à M. Méhaignerie, parce que les millionnaires étaient moins taxés et les milliardaires davantage, parce que l'assiette était élargie, parce que la stabilité de l'impôt était assurée.

Face aux chantres de la défiscalisation, il faut réaffirmer clairement le rôle essentiel de l'impôt progressif sur le revenu pour la cohésion de notre société et pour la bonne santé de l'économie. Pour l'économiste Thomas Piketty, « l'impôt sur le revenu n'a pas simplement pour effet de réduire de façon immédiate et mécanique les disparités présentes de niveaux de vie. L'impôt sur le revenu a également un impact plus complexe sur les inégalités, dont les effets ne se font pleinement sentir qu'au bout d'un certain nombre d'années : en comprimant la hiérarchie des revenus disponibles, l'impôt progressif modifie structurellement les capacités d'épargne et d'accumulation des uns et des autres, et il conduit donc à réduire les inégalités patrimoniales futures, et par conséquent l'inégalité future des revenus avant impôt ».

L'objectif présidentiel, vers lequel avance le gouvernement, de réduire de 30 % en cinq ans l'impôt sur le revenu est un péril pour notre démocratie qui a, tout au contraire, besoin d'un effort renouvelé de solidarité et de cohésion. Et j'attends avec impatience que les républicains de droite montent à cette tribune pour défendre l'impôt !

J'ai rappelé le caractère profondément injuste des impôts indirects payés par tous. En outre, on constate depuis deux ans une nette volonté de rompre avec notre système de solidarité nationale, au nom de la responsabilité de l'individu - comme si les plus modestes étaient forcément irresponsables... Il y a derrière tout cela une contestation de la légitimité des prélèvements obligatoires à des fins redistributives, parce que ces mécanismes inciteraient à la paresse, voire à la fraude.

Autre cible favorite de vos déclarations et, déjà, de plusieurs mesures de démolition : les 35 heures. M. Perruchot les a pourfendues - voilà au moins un point de consensus entre l'UDF et l'UMP... En fait, seul à droite le Président de la République les défend encore, parce qu'il a un peu de sens politique et qu'il mesure l'impact qu'aurait une franche remise en cause. Mais M. Perruchot, qui descend sans doute de Merlin l'enchanteur et nous fait prendre des vessies pour des lanternes (Sourires), a la solution : les remettre en cause sans le dire, les Français ne pouvant comprendre ce que signifie la neutralisation des heures supplémentaires...

Il oublie que la consommation des ménages a été soutenue par les 35 heures, grâce aux centaines de milliers d'emplois qu'elles ont créés.

M. Nicolas Perruchot - N'importe quoi ! Comme si la croissance n'y était pour rien...

M. Jean-Pierre Brard - Je suis sûr que M. Bouvard, qui est un vieux républicain et qu'anime la fibre gaulliste comprend parfaitement ce que je veux dire. Pour les autres, afin de ne pas dilapider mon temps de parole, je propose des cours particuliers hors de l'hémicycle... (Rires)

De 1997 à 2002, il a fallu prendre des mesures contracycliques...

M. Nicolas Perruchot - Avec l'efficacité électorale que l'on sait...

M. Jean-Pierre Brard - Aujourd'hui, la tendance est de réduire fortement les dépenses de redistribution au profit des ménages, qui ne suffiront plus à maintenir la demande, et de privilégier les aides fiscales considérables aux entreprises et aux marchés financiers, avec un très faible impact sur la croissance.

D'ailleurs, les statistiques publiées hier par l'INSEE montrent bien que plus vous donnez de sous aux privilégiés, plus la consommation baisse, tandis que l'inflation repart... Mais votre conditionnement idéologique est tel que plus vous butez dans le mur, plus vous vous y précipitez tête en avant, comme si vous pouviez finir par y faire un trou...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - C'est quand même comme ça que le mur de Berlin a fini par tomber...

M. Jean-Pierre Brard - Renoncez donc à votre foi pour regarder la réalité en face, sans attendre que vos électeurs vous tirent par les pieds... Déjà votre capital électoral diminue fortement...

M. Antoine Carré - Vous êtes expert...

M. Jean-Pierre Brard - Une longue cure d'opposition vous rendrait sans doute plus attentifs aux souhaits de vos concitoyens.

Il faut changer de cap, sortir du Pacte de stabilité. Comme l'écrit l'économiste Joseph Stiglitz : « Du Pacte de stabilité, on peut tirer une leçon : bâtir d'une manière prétendument définitive des arrangements institutionnels destinés à résoudre les problèmes du passé constitue le meilleur moyen d'échouer dans le futur ».

Sur le nécessaire volet financier et fiscal de cette construction, M. Piketty, a énoncé quelques remarques de bon sens : « Que l'on ne s'y trompe pas : cette question fiscale est tout sauf une question technique. Sans impôts, il ne peut exister de destin commun et de capacité collective à agir. De fait, toutes les grandes avancées institutionnelles ont toujours mis en jeu une révolution fiscale. La nouvelle Bastille à prendre s'appelle le dumping fiscal, et elle est la conséquence implacable d'une intégration économique poussée sans intégration politique. Les gouvernements européens sont enferrés depuis vingt ans dans une course-poursuite sans fin où chaque pays chercher à attirer vers lui les facteurs de production les plus mobiles en les détaxant sans cesse davantage. Il s'agit évidemment d'un jeu à somme nulle, ou plutôt négative, car la surtaxation des facteurs qui en résulte, pèse lourdement sur l'emploi et les salaires ».

Je vous propose de méditer ces paroles afin que, d'ici au vote de la loi de finances, vous veniez à résipiscence (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Michel Bouvard - L'article 109 de la loi de finances pour 2003 avait prévu la publication d'un rapport du Gouvernement sur l'avancée des travaux de mise en _uvre de la LOLF. Je salue la précision et la qualité de ce rapport et je rappelle les attentes de notre commission des finances.

D'abord la maquette budgétaire définitive adoptée par le Conseil des ministres à l'issue de la concertation avec le Parlement marque une avancée significative, puisque plusieurs des propositions émises unanimement par notre mission d'information et approuvées par la commission ont été retenues.

Nous aurions été entièrement satisfaits si le Gouvernement nous avait suivis sur quelques points auxquels nous tenons toujours. Dans le délai d'un an nous séparant de la mise en _uvre définitive de la LOLF, il faut lever les obstacles que rien ne justifie.

En premier lieu, puisque la LOLF doit favoriser la rationalisation de l'organisation de l'Etat et la transparence du coût des politiques publiques, il est cohérent de regrouper dans une même mission les programmes, donc les services et moyens budgétaires, traitant de la protection de l'environnement, de la prévention des risques naturels, de la prévention des risques industriels et d'interventions d'urgence liées à la sécurité civile. La création de cette mission interministérielle « écologie et maîtrise des risques » permettrait en effet de mieux coordonner les différents ministères et de recentrer les DRIRE sur leurs missions de contrôle.

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport préliminaire sur les résultats de l'exécution de la loi de finances pour 2003, la remise en cause du périmètre des administrations de l'Etat n'a pas encore été amorcée. Non seulement on refuse cette mission interministérielle, mais on crée une action « développement industriel » dans le programme contrôle et prévention des risques technologiques, ce qui cadre mal avec le transfert de la compétence économique aux régions.

De même, nous ne pouvons nous résigner à ce que ne soient pas « dégonflés » des programmes du ministère de la Défense, ce que nous proposions dans ce domaine constituant un minimum. Le programme « préparation des forces » avec 20 milliards d'euros et le programme « armement » avec 8,7 milliards d'euros, échapperaient ainsi à un véritable contrôle parlementaire.

M. Augustin Bonrepaux - Ils y échappent déjà !

M. Michel Bouvard - Le seul programme « armement » regroupera 40 programmes de l'actuelle nomenclature suivie à ce jour au niveau de l'article. C'est une souplesse de gestion jamais atteinte. Mais, Monsieur le ministre, pourquoi avoir élevé au rang de mission le compte d'affectation spéciale « course et élevage » qui aurait pu être supprimé ? On peut aussi s'étonner de la place donnée au Conseil économique et social.

Le Gouvernement doit maintenant désigner les responsables de chaque programme. Nous avons noté avec satisfaction, Monsieur le ministre, vos engagements quant au calendrier.

De même, je souligne le travail conjoint réalisé par le ministère, les commissions des finances, la Cour des comptes et le comité interministériel d'audit des programmes pour élaborer objectifs et indicateurs de performance, avec la sortie du guide méthodologique.

Je souhaite enfin évoquer le problème délicat du dénombrement des emplois publics. Il s'agit d'un élément central de la mise en _uvre de la réforme car la fongibilité asymétrique dans la gestion des crédits par programme et des emplois par ministères en dépend.

M. Jean-Pierre Brard - C'est vrai.

M. Michel Bouvard - Le rapport qui nous a été remis confirme que l'outil de comptage des emplois est en cours d'installation dans les ministères. Vous nous dites qu'il est opérationnel depuis mi-mars : les membres de la mission s'en assureront sur place. Les gestionnaires doivent être formés d'ici juin. La Cour des comptes a souligné, à plusieurs reprises, les difficultés de ce dénombrement. La réforme suppose aussi une plus grande rigueur des ministères dans leur politique d'emploi et nous souhaitons que les établissements publics actuellement présentés dans les « verts » le soient dans les bleus budgétaires. La réduction des effectifs de la fonction publique est incontournable pour maîtriser la dépense publique et le contrôle du Parlement doit pouvoir s'appliquer sur l'ensemble du périmètre afin que certaines administrations ne tentent plus d'échapper à l'effort collectif par transferts vers des établissements publics et structures associatives. Ceux-ci doivent être intégrés dans le plafond d'autorisation d'emploi.

La mise en _uvre de la LOLF a progressé à un rythme soutenu et une partie du retard constaté en 2003 a été rattrapé. Nous resterons néanmoins attentifs sur les éléments les plus tendus du calendrier comme le redéploiement du système Accord, pour lequel le raccordement des services centraux et déconcentrés doit permettre de respecter le calendrier en 2006. Mais nous sommes très inquiets devant le découplage qui semble s'amorcer entre la LOLF et les stratégies ministérielles de réforme.

La réussite des projets annuels de performance, la maîtrise de la dépense compte tenu des effets de masse et de la force d'inertie que représentent à la fois les pensions des fonctionnaires, le relèvement du point d'indice, les promotions et avancements dans la masse salariale, - 43 % du budget de l'Etat -, et l'impact d'une remontée des taux d'intérêt sur la dette supposent une volonté farouche dans la mise en _uvre de ces stratégies.

Les ministères ne peuvent se contenter d'externaliser leurs parcs automobiles et de mener quelques opérations mineures. Chacun des ministres doit plutôt se soucier de mettre en _uvre ces stratégies que de présenter des projets de loi en général facteurs de dépenses.

Au moment où vous arrêtez les orientations du budget 2005, chacun de vos collègues doit comprendre que la lettre de cadrage sera acceptable s'il engage réellement la réforme de son administration. C'est ainsi que nous rendrons à l'Etat une capacité d'investissement et que nous sortirons de la spirale de l'endettement durable - qui semble, actuellement, ce qu'il y a de plus durable dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Augustin Bonrepaux - La Cour des comptes vient de montrer que la situation de nos finances publiques est aussi calamiteuse que celle que décrivait M. Juppé en 1995 après deux ans de gouvernement Balladur.

M. Hervé Mariton - Depuis, vous êtes passés par là !

M. Augustin Bonrepaux - Après deux ans de gouvernement Raffarin, l'échec est patent : les cadeaux fiscaux injustes sont inefficaces, six milliards ont été gaspillés pour que la croissance du PIB soit d'à peine 0,5 % en 2003. D'ailleurs, Monsieur le ministre, nous n'avons toujours pas le détail de la régulation de crédits pour 2004.

M. Didier Migaud - Toujours pas. Pourtant les élections sont passées.

M. Augustin Bonrepaux - Mais vous ne tenez pas compte de cet échec, Monsieur le ministre, tandis que le président de la commission des finances fait acte de contrition en reconnaissant que la baisse d'impôt sur le revenu n'a rien apporté, ...

M. le Président de la commission - Reconnaissez les vôtres !

M. Augustin Bonrepaux - ...que la baisse de TVA sur la restauration ne sert à rien. Mais il continue pourtant à soutenir cette politique. Vous persistez donc dans l'erreur.

On constate votre manque de volonté flagrant de réduire les déficits. Vous voulez bien réduire des dépenses indispensables pour la santé, les services publics, l'éducation, l'investissement. Mais pour les crédits militaires, vous ne faites rien !

M. le Président de la commission - Cela va changer.

M. Augustin Bonrepaux - Vous êtes désarmés ! (Rires) Vous refusez même le contrôle que nous réclamons avec insistance depuis deux ans.

M. le Président de la commission - Vous l'aurez.

M. Augustin Bonrepaux - Vous poursuivez la baisse de l'impôt sur le revenu plutôt que d'améliorer substantiellement la prime pour l'emploi et de transformer les niches fiscales en crédits d'impôt, plus justes et plus efficaces.

Vous prétendez réduire la dette, mais vous tirez des traites sur l'avenir, avec les allégements fiscaux pour la restauration et la réforme de la taxe professionnelle, qu'il faudra bien financer dans les années à venir. Surtout, vous reportez la dette sociale sur les générations futures, avec une réforme des retraites non financée. Elle devait l'être par la baisse du chômage. Il ne baisse pas : les retraites diminueront et les cotisations augmenteront - après 2007, bien sûr. Pèsent aussi les déficits déguisés de la SNCF et de RFF. En prétendant rendre notre pays plus attrayant, vous allégez la fiscalité pour les plus aisés. Mais vous compromettez son avenir par une réforme qui va encourager les délocalisations. La réforme de EDF et GDF va faire grimper le prix de l'énergie, selon les industriels eux-mêmes. Vous pénalisez aussi de nombreux pans de notre territoire par la remise en cause des investissements dans le cadre des contrats de plan, et par exemple l'abandon du fret ferroviaire sur de nombreuses lignes au profit du transport routier.

En même temps, vous voulez mettre sous tutelle les collectivités locales, qui financent une grande partie des équipements. Avec la décentralisation, vous leur transférez la plupart des déficits de l'Etat, et le poids de la solidarité avec le transfert du RMI, dont le nombre de bénéficiaires a augmenté de 10 % depuis le début de l'année, voire de 15 à 20 % dans certains départements. En revanche, en mai, les crédits de compensation de ces charges ont diminué de plus de 20 %. Je peux vous citer les chiffres pour l'Ariège. Comment s'étonner en suite que les dépenses des collectivités locales augmentent ? Et vous préparez le transfert des ponts, des routes, du fonds social pour le logement. Il n'y aura bientôt plus de solidarité nationale, mais une solidarité locale, en fonction des moyens disponibles, avec des transferts de recettes insuffisants.

De toute façon, dans la plupart de vos réformes, votre principale préoccupation est de diminuer les subventions aux collectivités locales, qu'il s'agisse du FNDAE, de la DDR, des crédits du logement, de la taxation des offices de HLM et, plus grave, de la remise en cause des contrats de plan. Vous détournez les crédits européens pour financer des politiques de l'Etat, et cela au détriment des zones rurales et des contrats de pays.

Plusieurs députés UMP - Du calme ! (sourires)

M. Augustin Bonrepaux - Il n'y a plus de moyens pour les zones rurales !

Vous nous refusez une mission d'information sur tous ces sujets. Eh bien, nous demanderons une commission d'enquête, car il faudra bien faire la lumière sur la disparition de ces moyens ! Un comité de suivi s'est tenu avant-hier à Toulouse, mais nous n'avons pas pu savoir ce qu'étaient devenus 80 millions de crédits européens !

Après avoir promis l'autonomie financière des collectivités locales, voici que vous voulez lez priver de leur ressource la plus importante : la taxe professionnelle. Nous avions quant à nous proposé une réforme beaucoup plus réaliste de ladite taxe en décembre dernier, une réforme favorable à l'emploi et qui ne creusait pas le déficit, contrairement à la vôtre. Pour couronner le tout, vous voulez accentuer la tutelle sur les collectivités par une conférence annuelle pour un pacte de stabilité interne. Mais alors pourquoi avoir refusé le bilan annuel que nous demandions lors de la loi sur la décentralisation ? La première tâche de cette conférence sera pourtant bien, je suppose, de faire le point sur les charges et les crédits transférés ! Je pense que l'on parlera aussi des charges que vous aggravez, avec, par exemple, la réforme du statut des assistantes maternelles...La compensation est-elle assurée ?

Plusieurs députés UMP - Et l'APA ?

M. Augustin Bonrepaux - L'est-elle aussi pour les SDIS ?

Nous sommes prêts à faire ce bilan, mais en réalité, dans cette affaire, votre but n'est pas tant de réduire la dépense que de remettre en cause le verdict des Français. Vous voulez vous venger des élections cantonales et régionales (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en instituant une nouvelle tutelle pour empêcher les élus de gauche de faire la politique voulue par les Français afin de corriger celle que vous menez au niveau national ! Cette mesquinerie ne nous étonne pas de la part de l'UMP, qui pense que le pouvoir n'est légitime que lorsque c'est elle qui le détient !

Ce n'est pas ainsi que vous allez améliorer l'attractivité du pays, réduire la fracture territoriale et sociale, faire baisser le chômage. Pour tout cela, il faudrait restaurer la confiance indispensable au retour de la croissance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M.Le Garrec remplace Mme Mignon au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

M. Georges Tron - Quand on ne dispose que de cinq minutes de temps de parole, deux solutions se présentent : soit faire comme M. Bonrepaux et parler un quart d'heure, soit limiter son propos à l'essentiel. J'opterai pour la seconde.

Nous nous réjouissons que ce débat d'orientation budgétaire se tienne alors que les perspectives économiques s'éclaircissent - voyez le rapport de l'INSEE et l'enquête mensuelle de la Banque de France - et qu'il est permis de penser que nous allons retrouver la croissance dans les mois et, j'espère, les années qui viennent.

Dans le même temps, la lecture du dernier rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances pour 2003 nous rappelle, dès sa première phrase, que l'on peut gâcher les chances qu'offre une période de croissance : « les résultats de 2001 avaient masqué l'arrêt des améliorations observées depuis 1997 faute d'un assainissement profond des finances publiques en cours de période de croissance ». La croissance, oui, mais encore faut-il savoir quoi en faire !

Cela m'amène à parler de la réforme de l'Etat. La LOLF et les SMR conduisent désormais à privilégier une logique de résultat. Par l'obligation qui est faite aux ministères de programmer et de chiffrer les moyens qu'ils comptent utiliser pour dégager des économies, de dire s'ils ont ou non atteint leurs objectifs, par les marges de man_uvre qui leur sont offertes dans la gestion de leurs effectifs, sans capacité d'embauche - c'est ce que l'on appelle la fongibilité asymétrique -, nous sommes bien dans cette logique. Et je suis convaincu que le Parlement, en particulier la commission des finances et les rapporteurs spéciaux, doivent les accompagner dans cette démarche et veiller à ce que les engagements soient tenus ( « Très bien » bancs du groupe UMP). Lorsque les objectifs ne sont pas atteints, nous devons être en mesure de demander aux ministres d'expliquer pourquoi et d'en tirer toutes les conséquences pour le budget de l'année N plus 1. C'est la seule façon que nous avons de réformer l'Etat, ce qui est le principal vecteur du redressement de nos finances publiques.

Il nous faut aussi repenser l'ensemble de la fonction publique, ce qui passe notamment par une réflexion sur la refonte du cadre général d'emplois, avec ses 900 corps. Il faut introduire de la mobilité, à la fois dans un objectif de meilleure gestion mais aussi pour répondre à l'attente profonde des fonctionnaires eux-mêmes.

La question des effectifs a été évoquée plusieurs fois. Elle est en effet centrale. L'objectif de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux montre que le Gouvernement a pris la mesure du problème. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres. Entre 1990 et 2000, l'Etat a fait appel à 200 000 fonctionnaires de plus, et ce en dépit du mouvement de décentralisation. Entre 1992 et 2002, 57 % de l'augmentation du budget général de l'Etat ont été absorbés par des dépenses de personnel, et tenez-vous bien, 85 % entre 1998 et 2000 !

M. le Rapporteur général - Dilapidation !

M. Georges Tron - Pour réformer la fonction publique, il faut d'abord faire un effort de pédagogie. Prenons l'exemple de l'éducation nationale : la France dépense dans ce domaine 1 % de PIB de plus que la moyenne des pays de l'OCDE pour des performances qui restent inchangées depuis 1994. Cela mérite réflexion, étant entendu que la réforme de l'Etat peut parfaitement se conjuguer avec l'amélioration des conditions de vie des fonctionnaires.

Je veux aussi insister sur la nécessité du mouvement. La réforme du ministère de l'économie et des finances est à cet égard exemplaire.

Il convient en troisième lieu d'associer les fonctionnaires à la réforme de la fonction publique. Cela passe par des mesures telles que la prime au mérite qui est actuellement pratiquée dans cinq ministères. Cela suppose aussi de faire comprendre aux fonctionnaires que les efforts qu'ils consentent peuvent leur bénéficier directement. De même que les marges de man_uvre dégagées par la croissance doivent servir au désendettement, de même pourrait-on imaginer, dans le même esprit, que la diminution du nombre de fonctionnaires puisse en partie gager une amélioration de la rémunération des fonctionnaires qui restent en place.

Monsieur le Ministre d'Etat - C'est ce que l'on fait.

M. Georges Tron - Il ne faut pas avoir peur de dire clairement les choses : nos marges de man_uvre sont tellement faibles que seules la réforme de l'Etat et celle de la fonction publique peuvent nous redonner une certaine latitude, pour peu que nous sachions nous montrer courageux et déterminés, et que nous sachions faire comprendre aux fonctionnaires que rien ne se fera sans eux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Sandrier - Le Gouvernement vient de trouver le mot magique : la dette ! Il s'agit certes d'un enjeu majeur, mais avouez qu'il faut un certain aplomb pour venir crier au feu alors que c'est vous qui, en 2002 et 2003, avez allumé la mèche.

M. le Ministre d'Etat - Oui, bien sûr ! Depuis le mois de mai, nous avons fait 1 000 milliards de dette !

M. Jean-Claude Sandrier - Car en 2002, la première chose que vous avez faite, c'est de baisser les recettes et d'augmenter les dépenses. Et comme cela ne suffisait pas, le Gouvernement a persévéré en 2003 en baissant à nouveau les impôts de manière injuste et inopportune, mais aussi en surestimant de façon importante et délibérée la croissance et en effectuant des dépenses totalement inefficaces pour la relance économique et l'emploi.

L'accroissement phénoménal de la dette est votre fait. Et d'ailleurs Le Figaro du 22 juin évoque une nouvelle dérive pour 2004.

De plus, en mettant l'accent uniquement sur la dette et essentiellement sur les fonctionnaires, vous jetez pudiquement un voile sur des questions majeures : qu'en est-il de l'efficacité de votre politique fiscale ? De l'utilisation de l'argent public, de son efficacité pour l'emploi, de ces cadeaux à fonds perdus ? Qu'en est-il du rôle de l'Etat pour une répartition équitable des richesses ?

S'agissant des fonctionnaires, Monsieur le ministre, vous n'avez toujours pas répondu clairement à al question que je vous ai posée en commission : puisque vous ne voulez pas toucher à l'armée, à la police, à la justice, dans quels secteurs supprimez-vous des emplois ? Enfin, vous vous gaussez d'avoir tenu les dépenses budgétaires, mais c'est le résultat d'astuces de présentation et des gels de crédits, tandis que le Président de la République ou d'autres engageaient les finances de l'Etat pour les exercices à venir. Comble du comble, c'est EDF, encore entreprise publique, qui vient aider l'Etat à contenir son déficit 2003. Enfin, vous oubliez de dire que la charge de la dette par rapport aux recettes de l'impôt sur le revenu - que vous avez diminué - a commencé à réaugmenter depuis 2002 : je vous renvoie au Figaro économie du 22 juin.

M. Hervé Mariton - Vous avez de bonnes lectures !

M. Jean-Claude Sandrier - Toute votre politique consiste à diminuer les dépenses, à affaiblir le rôle de l'Etat, sans examiner la structure des prélèvements obligatoires. L'affichage de la réduction du nombre de fonctionnaires reste un symbole, même si l'objectif de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux n'est pas clairement réaffirmé - des voix autorisées vous conseillent d'aller beaucoup plus loin encore.

Vous insistez aussi sur la maîtrise des dépenses d'assurance maladie, pourtant illusoire dès lors que 15 à 20 % de nos compatriotes ne peuvent pas se soigner comme ils le devraient. Nous aurons l'occasion dans les semaines à venir de montrer que les moyens existent pour mieux soigner et mieux couvrir les frais de santé.

Les allègements de l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales ont coûté cher, sans contrepartie : c'est de l'argent gaspillé. La Banque de France, la Cour des comptes et l'INSEE ont expliqué que tôt ou tard, un tour de vis serait inévitable - mais pas pour tout le monde. Pour la majorité de nos concitoyens, cela voudra dire moins de services, moins d'investissements publics.

Cela n'empêche pas certains membres du gouvernement de continuer à promettre : c'est ce que fait le ministre de la cohésion sociale semaine après semaine, tandis que le budget du logement est amputé de 9 % ...De même, vous vous targuez d'un accord de baisse de 2 % sur certains prix, mais après des hausses de 15 à 20 %, et alors que les prix des transports publics, des mutuelles, du logement, des carburants, des assurances, de l'électricité s'envolent ! Une communication même bien menée ne peut modifier la réalité, qui est la suppression de moyens et de services, au détriment de la population et des entreprises.

Ainsi dans mon département, le Cher, le projet de fermeture de trésoreries suscite l'émoi, au point que des élus UMP, dans une mystérieuse contorsion personnelle, en viennent à regretter dans leur localité des décision qu'ils approuvent à Paris...De même, l'intervention directe de l'Etat sur les routes nationales est tombée de 11-12 millions à 1 million pour 2004 !

Les rodomontades sur la bonne gestion de l'argent public cachent votre volonté d'imposer une politique injuste, qui tourne le dos à la solidarité. Ainsi, la tendance à l'accroissement de l'imposition locale, qui pénalise les plus faibles, va se confirmer, le Gouvernement continuant à transférer des charges sans les moyens correspondants. Vous n'êtes d'ailleurs pas à une contradiction près : au moment où vous nous présentez un mini-plan de relance, vous plombez les collectivités locales, qui sont le premier investisseur public.

L'impôt progressif étant le plus juste, nous préconisons le relèvement de l'impôt sur le revenu jusqu'à 8 à 9 % du PIB, alors qu'il n'en représente actuellement que 3,5 %. Dans le même temps, nous plaidons pour une baisse ciblée de la TVA et pour une baisse de la TIPP.

Il est temps d'inverser les priorités, de contrôler les aides publiques aux entreprises - au lieu de leur accorder de nouveaux cadeaux -, de pénaliser celles qui procèdent à des délocalisations et à des licenciements boursiers. Il n'est plus concevable que, lorsque M. Michelin annonce 2900 suppressions d'emploi, il s'octroie dans le même temps une augmentation de 146 %. Il n'est plus possible de licencier pour assurer un rendement des actions supérieur à 15 %.

Comme l'avait déclaré Hans Tietmeyer en 1996 au forum de Davos, « Désormais, vous êtes sous le contrôle des marchés financiers ! ». Vous ne faites plus, Monsieur le ministre, comme l'écrit si justement Jean Ziegler dans Les nouveaux maîtres du monde, que « transcrire en langage local, à travers un ensemble de décisions budgétaires et institutionnelles, les diktats des seigneurs du monde » - si vous préférez, vous pouvez écrire saigneurs. Et l'un des principaux maîtres à penser de la sociologie allemande, par ailleurs membre du parti libéral, M. Dahrendorf, affirme que « pour rester concurrentiels sur les marchés mondiaux de plus en plus importants, les Etats sont obligés de prendre des initiatives qui engendrent des dommages irréparables pour la cohésion des sociétés civiles ».

Nous ne pouvons pas accepter cette logique. La France des dividendes est en train de tuer la France du travail. Le seul mot qui vaille dans cette jungle, c'est « s'adapter », mot terrible qui souvent signifie l'abandon. Nous vous détaillerons nos propositions dans le débat budgétaire ; le plus regrettable, ce n'est pas que vous vous entêtiez dans vos dogmes, c'est que vous ne teniez aucun compte des avertissements que les Français vous ont adressés à l'occasion des dernières consultations électorales. Au regard des enjeux, votre projet de loi sur la consommation et l'investissement est bien petit...

M. Daniel Garrigue - Certains s'efforcent de relativiser les problèmes que constituent le déficit budgétaire et l'endettement. Il est exact que la dépense publique n'est pas de même nature que la dépense privée, n'a ni les mêmes finalités ni la même échelle de temps ; il est exact aussi que le déficit budgétaire peut avoir un effet contracyclique - mais d'une ampleur beaucoup plus limitée qu'auparavant dans notre économie désormais totalement ouverte.

Certains vont même jusqu'à soutenir qu'il n'y aurait pas le feu à la maison et qu'on pourrait à la rigueur se satisfaire de ce niveau de déficit et d'endettement : la relance de la croissance suffirait à rétablir nos finances publiques ! Une telle position est tout à fait déraisonnable. Tout d'abord, comme le ministre d'Etat l'a souligné, avec un service de la dette qui atteint 40 milliards d'euros, soit plus de 10 % des dépenses du budget général, le gouvernement ne dispose que de peu de marge de man_uvre, d'autant que les taux d'intérêt pourraient ne pas se maintenir au niveau actuel, extrêmement bas, si la menace que constitue le déficit américain venait à se concrétiser. En second lieu, nous souffrons d'un déficit structurel que le FMI évalue à 2,7 % de notre PIB, alors qu'il n'est que de 1,7 % dans l'ensemble de la zone euro. Nous le devons largement aux erreurs commises entre 1997 et 2002 : l'effort consenti alors pour le réduire a été moitié moindre de celui que faisaient nos partenaires européens, cependant qu'on accroissait fortement les dépenses de personnel - celles dont la rigidité est la plus grande.

Enfin, cette position est déraisonnable également si l'on considère que plus du tiers de ce déficit tient à des dépenses de fonctionnement, ce qui nous expose à ce qu'on appelle un « effet boule de neige » bien difficile à arrêter.

Vous avez donc parfaitement raison de mettre au premier rang de vos priorités la maîtrise du déficit et de l'endettement.

S'agissant du gouvernement économique de l'Europe, il reste effectivement beaucoup de progrès à réaliser. L'action étant essentiellement circonscrite, pour l'heure, au terrain budgétaire, vous avez raison de souhaiter au minimum une relecture du Pacte de stabilité. Mais vous avez aussi insisté sur la collaboration avec l'Allemagne. Or, si celle-ci est notre principal partenaire, il reste qu'elle a connu dans un passé encore récent les mêmes travers et retards que nous. Dès lors, il serait souhaitable d'étendre cette coopération à des pays qui ont déployé des efforts plus importants : l'Espagne, l'Irlande, la Grande-Bretagne et, pourquoi pas, l'Italie.

Mais votre action n'aurait pas grand sens si nous ne parvenions pas à exploiter tout notre potentiel de développement. Or, comme vous l'avez relevé, l'Etat dépense actuellement 16 milliards d'euros pour empêcher les Français de travailler ! Il est urgent de redonner à nos compatriotes la possibilité de travailler autant qu'ils le souhaitent, donc de desserrer le carcan des 35 heures : c'est la première condition de notre redressement économique et financier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Dans la situation actuelle de notre pays, la tentation pourrait être grande, soit de se résigner, soit de décréter des mesures brutales. Vous avez choisi une autre voie, celle du volontarisme et du rétablissement de la confiance. Nous vous soutiendrons par conséquent, qu'il s'agisse de l'exécution du budget pour 2004 ou de la préparation du budget pour 2005 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Eric Besson - Vous venez de tenir des propos des plus intéressants, Monsieur le ministre d'Etat, et il est plusieurs points sur lesquels nous pourrions vous suivre. Vous vous efforcez par ailleurs de pratiquer un « parler vrai » qui est devenu un des éléments de votre identité. Il est d'autant plus dommage qu'en ces temps où vous préconisez les économies, vous n'ayez pas fait celle de quelques grosses ficelles ou contre-vérités manifestes...

Pourquoi, par exemple, ces références constantes à 1981. Notre histoire politique, économique et budgétaire se serait-elle arrêtée à cette date ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur général - Il y a indéniablement eu une rupture !

M. Eric Besson - Et pourquoi « partisan » et « idéologie » deviennent-ils dans votre bouche des gros mots ? Etes-vous si dégagé des contingences des partis et si convaincu qu'un homme politique doive s'abstraire des valeurs et des idées qui forment idéologies et convictions ?

Enfin, pensez-vous vraiment pouvoir toujours vous affranchir des résultats de la gestion précédente du gouvernement Raffarin ? A écouter plusieurs des orateurs ce matin, on avait le sentiment que les élections législatives avaient eu lieu la semaine dernière. Plus on s'éloigne d'avril 2002, plus vous faites le procès du gouvernement Jospin. La critique de vos prédécesseurs et la caricature de leur bilan deviendraient-elles votre seul et plus petit dénominateur commun ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Certes, vous n'avez pas toujours eu la responsabilité de l'économie et des finances mais, depuis deux ans, n'êtes-vous pas le n° 2 du gouvernement et le ministre qu'on dit le plus influent ?

M. le Ministre d'Etat - N'exagérons pas... et restons calmes !

M. Eric Besson - N'êtes-vous donc pas coresponsable des erreurs et des échecs accumulés durant toute cette période ?

Pour le reste, nous ne bouderons pas notre plaisir sur certains points. Ainsi, vous reconnaissez clairement que la consommation est le principal moteur de la croissance. C'est sur cette conviction que le gouvernement Jospin avait fondé son action, assurant ainsi à la France une croissance supérieure à celle de ses partenaires - pour la première fois depuis deux décennies, nous avons même presque fait jeu égal avec les Etats-Unis !

Cependant, comme on pratique depuis deux ans la politique exactement inverse, nous attendrons et nous vous jugerons aux actes...

Vous avez, d'autre part, le mérite de rompre avec la grande erreur consistant à baisser de 3 % l'impôt sur le revenu en dépit du contexte économique et budgétaire. M. Méhaignerie a de même reconnu franchement cette erreur, il y a 48 heures. Mais ne l'avions-nous pas dénoncée mille fois nous-mêmes ? Toutefois, je n'insisterai pas : à tout pécheur miséricorde, comme dirait Jean-Pierre Brard !

Vous dénoncez également - mais en creux cette fois - l'absurdité du slogan du candidat Chirac : « augmenter les dépenses, baisser les impôts et les charges ». Tout le monde le savait et beaucoup le disaient, y compris, à voix basse, dans la majorité. Vous mettez les choses au point : soyez-en remercié.

On ne vous reprochera pas non plus le sens de l'euphémisme ou de la litote dont vous avez fait preuve en parlant de la « calamiteuse affaire de la cagnotte ». Mais qui a parlé de cagnotte ? Qui a mis en demeure Lionel Jospin de dépenser le produit des plus-values de recettes ? Et qui, ici même, criait : « La cagnotte ! La cagnotte ! » ?

Deux mots enfin sur les 35 heures. Je n'ai pas le temps de corriger les chiffres que vous citez à propos de leur coût, encore qu'il me suffirait pour cela de m'appuyer sur les propos de vos prédécesseurs et du rapporteur général. Je m'attacherai plutôt au fond : il n'y a plus d'allégement de cotisations sociales liées à la réduction du temps de travail. Vous les avez transformés en « allégements de charges » dits Fillon, pour 15 à 17 milliards d'euros ! Allez-vous annoncer que vous renoncez à cette politique ? Cela pourrait avoir un sens étant donné l'absence d'effet sur l'emploi qu'ont eue ces exonérations.

Priorité à la consommation populaire, arrêt des baisses d'impôts, remise en cause des allégements de cotisations sans contrepartie : voilà des orientations intéressantes et nous attendons donc avec intérêt leur traduction dans le prochain budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Je propose que nous entendions les derniers orateurs inscrits et que le gouvernement réponde à tous au début de la séance de cet après-midi. (Signes d'assentiment). Il en sera donc ainsi.

M. Philippe Auberger - Je commencerai par faire état d'un étonnement. Alors que le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances pour 2003 aurait dû éclairer notre débat, il n'en a rien été. En effet, ce document est silencieux sur les difficultés économiques que la France a connues au cours de l'année passée, difficultés qui expliquent pourtant dans une grande mesure les moins-values fiscales. D'autre part, ses auteurs ont voulu parler également de 2004 mais ils l'on fait en se reposant sur des prévisions qui ont été largement démenties hier par l'INSEE.

Le ministre d'Etat a raison de proposer pour 2005 une stabilisation de la pression fiscale. La semaine prochaine, nous allons demander aux Français un effort supplémentaire de 5 milliards d'euros : comment pourraient-ils comprendre que, dans le même temps, on envisage de revoir notre fiscalité à la baisse ?

M. le ministre d'Etat a également affirmé que des aménagements seraient possibles en cas d'évolution de la fiscalité, et notamment des « niches fiscales ». Je vous propose donc, au lieu de multiplier les réductions d'impôts, de recourir à une unique réduction de l'assiette de l'impôt plafonnée en proportion des revenus. Des économies seraient ainsi réalisées sans amputer pour autant les finances de l'Etat.

Lorsque nous avons décidé de supprimer l'avoir fiscal, nous avons réduit le montant du dividende imposable de 50 %. La franchise des dividendes, qui était de 1 220 euros, a ainsi été multipliée par trois, ce qui est excessif. La révision de ce dispositif permettrait de réaliser d'autres réajustements.

M. le ministre d'Etat a également proposé une stabilisation des dépenses en euro constant. C'est une heureuse initiative, mais je pense qu'il faudrait aller au-delà et tendre à une stabilisation en euro courant. Cette année, 4 000 emplois ont été supprimés dans la fonction publique. Or, en dix ans, 100 000 emplois publics ont été créés. Vingt ans seraient donc nécessaires pour résorber cette hausse. Le rythme doit être accéléré.

M. le ministre d'Etat envisage enfin de revoir les allègements de charges sociales et de porter leur limite de 1,7 à 1,5 SMIC Je ne peux que l'approuver, mais peut-être même pourrions-nous aller jusqu'à 1,3 SMIC comme ce fut le cas il y a une dizaine d'années.

Votre prédécesseur avait promis de réformer la prime pour l'emploi. Outre qu'elle est coûteuse, c'est bien plutôt la reprise de l'emploi qu'il convient d'encourager. La prime devrait donc être payée trimestriellement et son barème simplifié.

Nous aurons la chance de disposer d'une grande marge de man_uvre politique durant les trois prochaines années en l'absence de rendez-vous électoral. Dès lors, la programmation triennale des finances publiques qui nous sera proposée sera tout à fait décisive (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur général - Très bien !

M. Yves Deniaud - Notre collègue Besson s'est étonné de ce que nous ayons pris 1981 comme année de référence. Mais dans les années soixante et soixante-dix, la dette publique était d'un niveau bien moindre que cette année-là ! En vingt ans, elle a triplé et si nous continuons ainsi, que restera-t-il pour vivre aux Français en 2025 ? Nous sommes quant à nous déterminés à changer d'orientation.

M. Migaud affirmait que la dette avait baissé sous le précédent gouvernement. Oui, de 1,7 %, mais elle a baissé dans le même temps, en moyenne, dans l'Union Européenne, de 4,7 %. C'est pourquoi nous dépassons aujourd'hui le critère des 60 % de déficit. Il faut donc assainir en profondeur nos finances, car il n'y a pas de fatalité comme nous l'avons montré entre 1994 et 1997 dans une période de croissance pourtant médiocre.

Les dépenses réalisées doivent être conformes à l'euro près à celles votées dans la loi de finances initiale. L'inviolabilité de cette règle fera changer en profondeur la mentalité des services les plus dépensiers. Il n'y a de plus aucune recette supplémentaire à espérer en-dehors des économies de dépenses régulièrement poursuivies. On ne réformera l'Etat que par la contrainte financière : les habitudes doivent peu à peu être brisées contre ce mur qu'est l'intangibilité des dépenses.

Une évolution des gels budgétaires est également nécessaire. Il est frustrant de constater, trois semaines après le vote de la loi de finances, un gel de crédits dix fois supérieur au montant des économies qui ont fait l'enjeu de nos débats pendant trois mois. En outre, ce sont toujours les dépenses d'investissements qui en souffrent, ce qui nuit aux infrastructures d'équipement et constitue un gâchis financier certain comme la Cour des comptes le relève régulièrement...

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Yves Deniaud - ...l'allongement de la durée des travaux impliquant toujours une hausse des prix. Il faut donc protéger prioritairement les investissements mais aussi les services en contact avec le public.

Il faut également distinguer dans la loi de finances initiale les crédits assurés et les crédits révisables. Ce serait plus clair pour les administrations et plus respectueux du Parlement.

Comme l'a dit M. Tron, la réforme de l'Etat doit s'accompagner d'un intéressement des personnels. Il faut envisager une amélioration des carrières pour les fonctionnaires qui _uvrent dans les services qui ont accompli le plus d'efforts.

Nous soutiendrons tous les efforts qui iront en ce sens, comme nous soutenons votre volonté d'affecter les surplus éventuels de recettes fiscales exclusivement à la réduction du déficit. Ceci doit être poursuivi tant que le déficit ne sera pas inférieur à 3 % et la dette à 60 % du PIB.

Nous devons consacrer tous nos efforts à la sortie du cercle infernal dette-déficit. C'est ce que vous faites avec talent et courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur général - Très bien !

M. Jean-Jacques Descamps - Une réorganisation de l'Etat est nécessaire. J'ai eu l'occasion, au cours de ma carrière, de connaître de nombreuses entreprises en difficulté qui ont dû fermer leur porte. La France, elle, n'a pas d'autre choix que celui du redressement financier.

Il est vrai que la croissance repart. La France va moins mal, mais l'Etat dépense toujours plus qu'il ne gagne et les entreprises n'ont guère confiance dans l'administration. Je ne suis pas sûr que tous les Français et tous les responsables politiques soient conscients de la gravité de la situation : tous les clignotants sont au rouge.

Pour redresser la situation, il faut mener une politique extrêmement volontariste. Il faut d'abord réduire fermement le train de vie de l'Etat. On ne peut plus compter sur la croissance, et je ne crois pas que la LOLF suffise à discipliner les ministères. Il faut réorganiser l'Etat afin de réduire les dépenses de structure. Cet effort doit emporter l'adhésion populaire. Nos concitoyens doivent être informés de façon compréhensible de la situation et les décisions d'économie doivent être cohérentes et justes. Elles doivent ainsi concerner en premier lieu les plus hauts niveaux de la hiérarchie. Il faut réduire les trains de vie des administrations centrales et des préfectures avant celui des petits services décentralisés ! Enfin, il faut établir un moratoire fiscal. Lorsqu'on baisse des impôts, il est rare qu'ils n'augmentent pas ailleurs... Il faut donc faire un gros effort de stabilité, et maintenir la fiscalité en euros constants.

L'expérience montre que pour réduire les frais de structure, il faut un changement de culture. La réorganisation doit faire appel à des intervenants extérieurs : aucun audit interne n'a jamais débouché sur grand chose ! Par ailleurs, les hauts fonctionnaires doivent être formés aux méthodes d'économie. Je ne suis pas sûr que l'ENA dispense un seul cours sur ce sujet ! Les réductions d'effectifs se négocient avec le personnel : les bénéfices doivent profiter à ceux qui restent ! Les avantages acquis doivent aussi pouvoir être rachetés. Ils ne peuvent être maintenus à perpétuité. Bref, l'administration doit se former à de nouvelles méthodes de management. Ce plan de redressement de l'Etat n'est pas un plan de rigueur : les dépenses d'investissement ne sont pas réduites. C'est sur les dépenses de personnel, de loyer, de frais de mission que porte l'effort. Il suppose une grande fermeté de la part des ministres et des élus, qui doivent tenir les mêmes positions et faire les mêmes économies au niveau local que ce qu'ils réclament au Parlement. Il nécessite également un effort de pédagogie vis-à-vis de nos concitoyens : les économies de l'Etat, c'est l'emploi de demain, donc le progrès social.

Les réformes doivent être faites de mesures volontaristes et intelligentes. C'est un art difficile, mais si nous voulons stopper le déclin de nos comptes, qui préfigure celui du pays, tout le monde doit s'y atteler. Vous avez ici, Monsieur le ministre, des amis déterminés à vous soutenir si vous montrez cette fermeté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Rouault - La situation économique de l'Union européenne, et en particulier celle de la France, contraste singulièrement avec une vive reprise de l'environnement mondial. La consommation des ménages et l'investissement des entreprises demeurent atones, tandis que les exportations sont fragilisées par le niveau de l'euro. Pourtant, la croissance serait repartie : on table dorénavant sur 2 %, au lieu de 1,7 %. La France est ainsi enfin touchée par le vent de la reprise, même si elle reste loin des performances de nos voisins britanniques ou espagnols, ou des Etats-Unis. Les rentrées fiscales sont plus dynamiques depuis le début de l'année, grâce aux effets combinés de la reprise et de l'inflation.

Tout cela ne suffira cependant pas à alléger le déficit public. Aucun budget n'a été équilibré en France depuis 24 ans. Le ratio d'endettement public est passé de 20,7 points de PIB en 1980 à 63,7 en 2003. Autant dire que nous sommes loin des critères de Maastricht ! A y regarder de plus près, on remarque, outre le caractère cyclique des déficits, que les années de forte conjoncture de 1999, 2000 et 2001 n'ont pas été mises à profit pour désendetter l'Etat. La dette atteint un niveau record : mille milliards, au moment où les taux d'intérêt européens, historiquement bas, risquent de remonter. La dépense publique est de moins en moins efficace : alors que les dépenses de l'Etat devraient augmenter l'activité, générant ainsi des recettes fiscales supplémentaires, l'INSEE a démontré qu'un point supplémentaire de dépense publique n'engendrait que 0,24 point de recettes en plus, contre 0,6 au début des années 1990. En outre, les nouvelles dépenses publiques ne peuvent qu'aller à la dérive, car l'Etat ne prévoit pas leur financement au-delà de la première année. Ainsi, une augmentation des dépenses de 1 point se traduit en moyenne, cinq ans plus tard, par une augmentation de la dette de 7 points.

Le comportement vertueux du Gouvernement a permis de respecter la norme de dépense fixée par le Parlement. Mais, face à la spirale des déficits, l'Etat doit faire plus, tant pour tenir ses engagements européens que pour assurer l'avenir, dans un contexte de vieillissement de la population. Parmi les mesures d'économie budgétaire figure, ainsi que le rapporteur général l'a rappelé, la règle d'or des collectivités locales, qui ne peuvent emprunter que pour des dépenses d'investissement et non de fonctionnement. Cette règle doit être appliquée à l'Etat. La réduction de la masse salariale est également incontournable. La loi de finances pour 2003 prévoyait 1 089 suppressions d'emplois. C'est un premier pas, mais qui reste insignifiant par rapport aux deux millions d'emplois inscrits au budget et aux 53 900 départs à la retraite. Les suppressions nettes d'emplois resteront modestes en 2004. Les opportunités offertes par les flux massifs de départ n'ont donc pas été exploitées, et il est d'autant plus important pour 2005 de réduire la masse globale de la fonction publique, des rémunérations et, à terme, des pensions de retraite. Il est également nécessaire de contrôler les dépenses de personnel des organismes parapublics financés par le budget de l'Etat.

Enfin, le redressement des finances publiques ne peut être seulement l'affaire de l'Etat. Il faut y associer les collectivités locales, ce qui passe par leur responsabilisation. En effet, l'excédent constant des collectivités locales depuis 1996 n'est pas dû à une maîtrise des dépenses, qui sont au contraire en forte progression, mais à l'augmentation des impôts locaux. Bien que fiscalement indépendantes, les collectivités locales doivent mieux articuler leurs dépenses avec celles de l'Etat, pour aboutir à une cohérence globale des finances publiques. Rappelons toutefois qu'elles ont subi les effets néfastes des 35 heures, qui se sont traduites pour la majorité d'entre elles par une hausse de la masse salariale de 12 %.

Monsieur le ministre, nous sommes déterminés à vous soutenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 h 25.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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