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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 112ème jour de séance, 278ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 29 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      ASSURANCE MALADIE (suite) 2

      EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 2

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 30 JUIN 2004 14

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

ASSURANCE MALADIE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. Maxime Gremetz - Un an après la réforme inique des retraites, vous récidivez au cours d'un marathon législatif à la veille du mois de juillet pour brader un acquis majeur de notre société: la sécurité sociale.

Contre vents et marées, vous maintenez la barre de votre frêle esquif sur le cap de la régression et partez, sous les ordres du capitaine Seillière, à l'abordage de l'île au trésor pour la finance, l'assurance maladie, que vous ne voulez pas laisser échapper plus longtemps à la rentabilité financière et au marché des assurances.

Votre projet de réforme, à l'image de ce gouvernement, a un double visage: communicant sur certains points pour mieux masquer des réformes structurantes pour l'avenir.

Mais surtout, vous laissez filer le déficit, afin de préparer la privatisation de notre système de protection sociale, et, partant, la baisse du niveau de prise en charge collective.

C'est vrai, la réforme de la sécurité sociale s'impose, mais sur des bases financières plus justes et plus saines, à partir, notamment, du rapport de la mission d'information présidée par le Président Debré.

Il faut d'autres mesures que vos vieilles recettes de maîtrise comptable ou de financement, qui ont toutes échoué.

Du reste, la note de la direction de la prévision du ministère de l'économie ne s'y trompe pas. Alors que vous prévoyez de réduire les dépenses de 15 milliards, le ministère de l'économie table sur 7,8 milliards ! Une différence qui va du simple au double ! Qui a raison? Je ne peux croire que Bercy ait fait des comptes d'apothicaire avec un ministre d'une telle compétence à sa tête, ou alors il ne mérite pas sa place!

Nous ne tomberons pas dans le piège par lequel vous faites croire aux Français que le déficit alarmant de la sécurité sociale rend la réforme inévitable.

Nous sommes en effet, en termes de dépenses par habitant pour la sécurité sociale, derrière l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark ou les Pays-Bas. Les dépenses de santé représentent, en France, 9,5 % du PIB, au lieu de 14% du PIB aux Etats-Unis, où 40 millions de citoyens n'ont pas accès à la santé ! Notre système de sécurité sociale est bien meilleur, et la privatisation n'est pas la panacée. Contrairement à ce que vous prétendez, on ne dépense pas plus que les autres.

Vous mettez en place un véritable plan stratégique de gouvernance, calqué sur le rapport Chadelat.

En réalité, l'augmentation des dépenses résulte davantage d'une crise du financement du système et de protection sociale, que d'une irresponsabilité des assurés sociaux ; elle est la conséquence d'un dogme selon lequel le coût du travail serait trop élevé dans notre pays. Mais c'est surtout la crise économique qui a provoqué celle du financement de la protection sociale, notamment de la branche maladie.

En effet, les cotisations, assises sur les salaires, ont subi de plein fouet la montée du chômage, que les exonérations de charges sur les bas salaires étaient prétendument censées éviter. Ceci explique largement l'évolution du déficit de la sécurité sociale depuis 1980. Au total, le taux de cotisations employeur est passé en dix ans, pour un SMIC, de 30,2 % à 4,2 % ! Avec ça, ils auraient pu en créer, des emplois !

Ces allègements, hormis qu'ils plombent les comptes sociaux et qu'ils tirent les salaires vers le bas, ne présentent aucun intérêt, sinon des effets d'aubaine favorables au patronat ! Il est donc clair que le déficit du système de santé est plus lié à une insuffisance des recettes qu'à un excès de dépenses. Celles-ci ne peuvent encore être réduites : il y a déjà tant de gens qui ne sont pas bien soignés ! Six millions de personnes sont exclues de la sécurité sociale, et ressortissent de la CMU ! La sécurité sociale, à sa création, dans un pays pourtant dévasté, était bien plus efficace que maintenant !

Par ailleurs, le dépassement systématique de l'ONDAM met en évidence la défaillance des instruments de régulation, ainsi que des effets structurels sur les comportements des professionnels et des patients et sur l'organisation des soins. Le déficit est en effet le résultat de l'échec des réformes fondées sur la maîtrise comptable des dépenses. Le livre blanc sur les systèmes de santé de Raymond Soubie, qui a constitué la trame de tous les plans de réforme des années 1990, a répandu l'idée que l'assurance maladie devait être limitée, dans l'optique d'une réduction des prélèvements obligatoires - en particulier des prélèvements sociaux pesant sur les entreprises. Le plan Juppé, reprenant ce raisonnement, a augmenté massivement les prélèvements sur les salaires et sur les revenus des retraités et des chômeurs. Il a procédé à une réduction drastique des prestations et a reporté la fiscalisation sur les ménages, avec la CSG - il est vrai inventée par M. Rocard - et la CRDS, les cotisations patronales étant censées « peser » sur l'emploi.

Les parlementaires communistes se sont toujours opposés à cette fiscalisation, objectif avoué du Medef : la solidarité nationale ne doit plus reposer sur les richesses produites dans les entreprises, ce qui faisait l'originalité du système à sa création, mais être financée par le contribuable ! La CSG et la CRDS, qui font peser la quasi-totalité du financement de la sécurité sociale sur les revenus du travail, sont injustes et contraires à l'esprit de 1945.

Les plans de réforme ont, depuis 1994, pris deux formes : des mesures d'économie au sens strict, tendant à limiter simultanément la demande et l'offre de soins, et une maîtrise comptable des dépenses de santé. Mais ces plans, malgré leur rigueur, sont restés inefficaces. Ils ont organisé un rationnement aveugle, qui réduit les dépenses à court terme mais les fait augmenter à nouveau à moyen terme. La mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie a reconnu l'inefficacité de ces plans successifs. Depuis 1996, en application des ordonnances Juppé, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie est fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale. Il est régulièrement dépassé, démontrant par là même l'impossibilité de décréter un taux de dépenses de santé. Mais ces rationnements ont asphyxié les hôpitaux publics. Le numerus clausus a provoqué une insuffisance criante dans de nombreuses disciplines, tant dans le secteur hospitalier qu'en médecine de ville. On manque de généralistes, de gynécologues obstétriciens et d'urgentistes. Votre réforme s'enferme dans cette impasse.

L'application des 35 heures à l'hôpital a révélé le manque de personnel. Pourvoir les postes et former les futurs professionnels implique de remédier au manque de moyens de financement et de faire sauter l'enveloppe globale limitée ainsi que la tarification à l'activité, laquelle tend à faire passer les établissements de santé de la sphère du sanitaire à celle de la rentabilité. Avec elle, le financement des établissements ne dépendra plus des dépenses à effectuer pour satisfaire la population, mais sera calculé en fonction de leurs recettes, elles-mêmes résultant d'une évaluation moyenne nationale des prestations de soins effectuées par tous les établissements, indépendamment de leur spécificité et de leur environnement. On sent bien la logique à l'_uvre, la volonté de transformer les établissements de santé en centres de profit qui chercheront des retours sur investissement, la conséquence en étant la sélection des malades en fonction des pathologies. Vous-même, Monsieur le ministre, avez reconnu dans une lettre adressée à la présidente du conseil d'administration de l'hôpital de Toulouse les limites de la T2A : « L'application de la tarification à l'activité montrerait une prise en compte insuffisante de certaines situations atypiques ».

Votre réforme fait reposer tous les efforts sur les assurés sociaux. Ainsi, la santé risque de devenir fonction des moyens de chacun. Le point fondamental de votre texte est la stigmatisation des assurés sociaux. Alors qu'il faut, dès cette année, trouver des recettes, pour éviter que le déficit ne se creuse davantage, vous vous contentez de colmater. Vous ne pouvez affirmer que l'équilibre des comptes sera assuré d'ici à 2007. Faudra-t-il prévoir de nouvelles restrictions ? Un nouveau plan d'austérité, comme le subodore Bercy ? Pour sauver la face, vous invoquez quelques taxes pesant sur l'industrie pharmaceutique, qui rapporteront quelques centaines de millions d'euros. Savez-vous que les trusts pharmaceutiques ont le taux de profit le plus élevé de toutes les industries ? Et vous demandez 14 milliards aux assurés sociaux ! Vous faites croire que vous mettez les entreprises à contribution, mais c'est une goutte d'eau dans l'océan : un milliard ! Et dans le même temps, vous accordez 20 milliards d'exonérations de cotisations patronales, sans contrepartie ! Vous laissez tranquilles les revenus boursiers des patrons des entreprises du CAC 40, qui ne cessent d'augmenter ! Vous êtes sans doute un bon médecin, mais en ce qui concerne les chiffres, j'espère que c'est votre femme qui s'en occupe ! Les revenus du PDG d'Alcatel ont augmenté de 51 %. C'est peu, comparé aux 146 % d'augmentation de celui de Michelin ! Et 38 % pour celui de Schneider ... Voulez-vous que je continue avec les autres patrons ? Mais ceux-là sont exonérés de cotisations patronales !

Toujours pour faire des économies de bouts de chandelles, vous incitez les caisses d'assurance maladie à renforcer les contrôles tous azimuts et vous engagez une vague d'économies dont les victimes seront encore et toujours les assurés sociaux : restrictions s'agissant des affections de longue durée, chasse aux arrêts de travail - mais aucune chasse aux si nombreux patrons qui ne déclarent pas les accidents du travail !

M. Jacques Remiller - Ça n'existe pas ! 

M. Maxime Gremetz - ...poursuite du déremboursement des médicaments et de la définition d'un panier de soins, restriction du champ des soins remboursables, création du forfait hospitalier pour la médecine de ville avec une franchise de 1 €...

Le dossier médical personnel, qui s'inscrit dans la même démarche de maîtrise comptable, servira à culpabiliser les assurés. Il contiendra des informations qui devront être protégées de toutes mauvaises intentions. A cet égard, on a bien peu parlé de l'inquiétude exprimée par l'Ordre des médecins, qui redoute les conséquences de la réforme pour les malades et s'interroge sur le respect de la confidentialité des données personnelles contenues dans ces dossiers. Son Conseil vous a d'ailleurs rappelé à l'ordre, Monsieur le ministre... Son président, le docteur Ducloux, a déclaré au journal Le Monde que si le Conseil national de l'Ordre des médecins « n'est pas opposé à une réforme du système de l'assurance maladie, il regrette vivement de ne pas avoir été associé à la rédaction du projet de loi ».

M. Jean-Marie Le Guen - C'est le dialogue vu par le Gouvernement !

M. Maxime Gremetz - Par ailleurs, l'Ordre juge que, faute de garanties, les médecins ne pourront pas utiliser le dossier médical personnel, rappelant que « certains organismes ne devront en aucune façon pouvoir héberger ces dossiers », le docteur Ducloux ajoutant qu'il pense notamment aux caisses d'assurance maladie et de retraites ou aux assurances professionnelles qui, si elles avaient accès à ces données, pourraient en effet « nuire aux assurés ». Et encore : l'Ordre s'inquiète de ce que le Gouvernement envisage un espace de liberté tarifaire offert aux spécialistes si leurs patients n'ont pas consulté leur médecin traitant en première intention. « Cette disposition », souligne le docteur Ducloux, « ne peut être acceptée en l'état, car elle fait de la liberté tarifaire une sanction qu'un médecin spécialiste infligerait à son patient ».

Je vous rappelle que ces appréciations ne sont pas portées par moi, mais par l'Ordre des médecins !

M. Philippe Auberger - Cet Ordre des médecins que vous vouliez torpiller !

M. Maxime Gremetz - Au total, vous prévoyez quelque dix milliards d'économies au détriment des malades. S'agissant des recettes escomptées, votre choix est encore plus clair : ne pas faire payer les entreprises, l'addition étant présentée aux assurés sociaux et aux générations futures.

Comment, en effet, trouvez-vous les 5 milliards de recettes qui viendront s'ajouter aux 10 milliards d'économies dont je viens de faire état ? Vous augmentez la CSG qui pèse sur les retraités...

M. Philippe Auberger - Les retraités imposables !

M. Maxime Gremetz - Vous élargissez l'assiette de la CSG pour les salariés, et vous augmentez le taux de CSG sur les revenus du patrimoine et sur ceux des placements et des produits de jeux. Enfin, vous transférez des recettes fiscales.

Mais, s'agissant de ce que vous appelez « toucher aux entreprises », vous prévoyez en tout et pour tout de relever la C3S de 0,03 %, pour un montant total de 780 millions !

M. Philippe Auberger - Une paille !

M. Maxime Gremetz - Voilà ce que paieront les salariés et les retraités d'une part, les entreprises d'autre part ! Voilà votre sens de l'effort partagé, de la solidarité, de l'équité ! Cela n'a rien d'étonnant : c'est dans la droite ligne de votre politique, qui consiste à multiplier les cadeaux aux plus fortunés et aux entreprises.

Après la baisse de l'impôt sur le revenu des plus riches, à hauteur de 2,5 milliards, après la réduction de 500 millions accordée aux redevables de l'impôt sur la fortune, il va aussi falloir régler la facture des promesses électorales, ce qui coûtera 7,8 milliards, alors même que le ministre de l'économie demande à ses collègues de faire des économies à peu près équivalentes !

Je vous rappelle qu'aux 150 millions de compensations accordés aux buralistes s'ajoutent 1,5 milliard d'allégements de charges octroyés aux restaurateurs, 2,5 milliards d'exonération de taxe professionnelle promise par Jacques Chirac aux entreprises, 400 millions qui iront aux personnels hospitaliers en échange du rachat des jours de RTT et 3 milliards promis aux chercheurs - qui s'inquiètent, à juste titre, de la réalité de cet engagement -, sans oublier d'autres cadeaux électoraux. L'addition totale, impressionnante, dépasse les 7,8 milliards. Et encore, je ne mentionne que pour mémoire la promesse faite par le Président de la République de ramener à 5,5 % la TVA dans la restauration, ce qui représenterait 3 milliards de manque à gagner supplémentaires pour les caisses de l'Etat dès 2005.

Tout donne à penser que cette stratégie de « gagne petit » ne sert que la cause idéologique de la privatisation de la sécurité sociale. En effet, le déficit de l'assurance maladie fournit un alibi majeur à votre stratégie de privatisation rampante du système de santé. Les dysfonctionnements nombreux qui résultent des restrictions budgétaires ainsi que le malaise de tous les personnels hospitaliers nourrissent le réquisitoire de ceux qui ont entrepris de privatiser le système de santé.

C'est que, dès novembre 2001, le Medef affirmait que le système de santé serait à bout de souffle et ses dépenses « en dérive permanente ». On reconnaît là le retour en force des postulats libéraux concernant l'organisation des systèmes de santé. La croissance des dépenses de santé, devenue «incontrôlable », exigerait, afin de limiter les dépenses publiques, qu'on laisse croître la part des dépenses à la charge des ménages, ceux -ci n'ayant alors d'autre solution que de recourir à l'assurance privée. N'est-ce pas ce qu'a voulu exprimer le Premier ministre lors de l'installation du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ?

Pour déclencher cette réaction en chaîne et faire exploser le système de santé solidaire, le « panier de soins » constitue un détonateur privilégié. Cette notion a d'ailleurs trouvé une vigueur singulière dans les propositions du Medef avant d'alimenter le projet de réforme du Gouvernement. On comprend le sens qu'il veut lui donner lorsqu'on entend le Premier ministre s'interroger sur le champ souhaitable de prise en charge des fractures de ski ou des chutes dans la rue, ou lorsque le ministre de la santé explique « qu'il faut dépenser mieux pour soigner mieux ». En fait, le « panier de soins » est bel et bien le vecteur privilégié de la privatisation.

Dans le même esprit, vous créez une haute autorité de santé, abusivement qualifiée d'indépendante... (M. le président de la commission spéciale proteste) Puisque les membres en sont désignés, Monsieur le rapporteur, elle n'est pas entièrement indépendante, comme ne sont pas entièrement indépendants un ministre ou un rapporteur...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale - Caricature !

M. Maxime Gremetz - Où est la caricature ? Si quelqu'un caricature, c'est bien celui qui ose ne pas citer Ambroise Croizat...

M. le Rapporteur de la commission spéciale - Je l'ai cité, comme j'ai cité le général de Gaulle !

M. Maxime Gremetz - En commençant par parler de Laroque, le technocrate, avant de citer Croizat, le ministre !

Bref, cette haute autorité aurait plusieurs missions : vérifier le service médical rendu ; contribuer à la réflexion sur les niveaux de remboursement et sur le périmètre de prise en charge par l'assurance maladie, avec un regard particulier sur les ALD ; veiller à l'élaboration des référentiels de bon usage de soins ou de bonne pratique notamment.

Certes, vous tentez de rassurer ceux qui s'inquiètent de nouveaux déremboursements, en faisant valoir le caractère scientifique de cette autorité et son indépendance. Mais plus une telle instance est composée de scientifiques, moins elle sait compter...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - Quel mépris pour les scientifiques !

M. Maxime Gremetz - Au contraire ! Mais je pense qu'il ne faut pas les détourner une seule seconde de leurs recherches, surtout pour de telles tâches.

En outre, rien ne dit que les experts se détermineront seulement en fonction de critères thérapeutiques et de santé publique et qu'ils ne feront pas jouer aussi l'objectif comptable de la réduction des dépenses publiques.

C'est dans le même esprit que les assurances complémentaires participeront désormais à la définition du périmètre de l'assurance maladie. D'ailleurs, le Président de la FFSA s'est félicité que ce projet ouvre le champ de la santé aux assureurs. Certes, vous avez rapidement démenti, Monsieur le secrétaire d'Etat, mais le mal était fait... Aujourd'hui leur périmètre d'intervention est encore limité, mais il est déjà plus important qu'hier. Qu'en sera-t-il demain, quand les vagues de déremboursement auront accru le rôle des complémentaires santé ?

Instaurer un « panier de soins » revient à spécifier les soins pris en charge par une assurance maladie de base remodelée, selon une liste, par essence limitative, établie par le Parlement suivant les recommandations « scientifiques » de la Haute autorité. Quelle usine à gaz !

Ces recommandations seront reprises par le « super directeur » de la Caisse nationale d'assurance maladie, indépendant, puisque nommé par le ministre... Vous faites tourner la roue de l'histoire à l'envers ! Que vont devenir la bonne gouvernance de l'assurance maladie et la gestion du système par les cotisants, assurés sociaux et employeurs ? A quoi serviront le conseil d'administration et les élections ? Certes, ces dernières ont été supprimées en 1983, mais vous ne les avez hélas pas rétablies...

M. le Président de la commission spéciale - Il fallait le dire à Mitterrand !

M. Maxime Gremetz - Je l'ai dit !

M. le Président de la commission spéciale - Mais vous n'avez pas démissionné...

M. Maxime Gremetz - Je suis là pour défendre les gens et pour faire des propositions, contrairement à ce qu'a dit le Premier ministre. Je les tiens à votre disposition et ce sont elles qui ont inspiré la plupart de nos amendements. Débattons donc projet contre projet et l'on verra qu'au lieu de briser les piliers de notre protection sociale, nous, nous voulons développer le système en l'adaptant aux évolutions de la France, de l'Europe et du monde. Du reste, les fondateurs de la sécurité sociale avaient imaginé que l'on crée d'autres branches pour d'autres risques.

Tout en organisant la mainmise de l'Etat sur l'assurance maladie, vous procédez à une privatisation partielle du système ! Et ce n'est paradoxal qu'en apparence : une fois que vous contrôlerez tout d'en haut, vous ferez entrer le privé par en bas, comme chez EDF...

Après une discussion avec les complémentaires, le « Super directeur » déterminera le panier de soins minimal remboursable selon les recommandations de la Haute autorité. Puis, les complémentaires se chargeront, d'un commun accord, de rembourser le reste.

M. le Président de la commission spéciale - Ce n'est pas dans la loi.

M. Maxime Gremetz - C'est bien dissimulé, mais je ne suis pas dupe !

le Président de la commission spéciale - Vous n'avez même plus confiance en l'Etat !

M. Maxime Gremetz - N'oublions pas que Pétain aussi, c'était l'Etat (Murmures sur les bancs du groupe UMP). C'est l'exemple qui me vient...

M. le Président de la commission spéciale - Vous ne croyez en rien !

M. Maxime Gremetz - Si ! Dans l'intégrité, l'humanité, le progrès pour tous, y compris pour les personnes âgées et les chômeurs, c'est une grande différence entre nous !

Avec ce texte, l'Etat gardera la mainmise sur le minimum à assurer à l'ensemble des assurés sociaux, notamment les plus pauvres, tandis que les plus fortunés, assurés par leur complémentaire, ne souffriront aucune limitation.

Mais du coup, la couverture des soins «hors panier» nécessiterait la souscription, auprès d'une mutuelle ou d'une compagnie d'assurance privée, d'une assurance complémentaire santé fondée sur un principe différent de nos complémentaires actuelles. En effet, ce n'est plus pour la prise en charge d'un ticket modérateur qu'il s'agirait de se couvrir, mais pour bénéficier, dès le premier euro, de la prise en charge des soins sortis du panier de base.

Comme vous ne pouvez le dire ainsi, vous faites appel à la « responsabilisation» de l'usager, afin de le convaincre que la limitation des dépenses de santé remboursables serait une nécessité.

L'architecture que vous retenez est bien celle du rapport Chadelat, qui préconise une assurance maladie à trois étages : une couverture de base aux contours définis à la fois par des tickets modérateurs et un nombre de soins limité pris en charge à 100 %, une couverture complémentaire de base aux contours précisément définis par les pouvoirs publics sur laquelle viendrait se greffer l'aide à l'accès à une complémentaire proposée par le Gouvernement, puis des contrats privés personnalisés susceptibles de couvrir les dépenses restant à la charge des ménages.

La diversité des couvertures suppose un système à plusieurs vitesses. Vous ouvrez cette perspective en renforçant les complémentaires. Ne le cachez pas plus longtemps : cette « responsabilisation » vise à augmenter la part des dépenses couvertes par les complémentaires. Certains, dans la majorité, imaginent même une intervention des assureurs privés dans la gestion de la couverture de base. C'est le vieux rêve de Claude Bébéar.

M. le Président de la commission spéciale - Il est à la retraite. Parlez-nous plutôt de M. Davan !

M. Maxime Gremetz - Voulez-vous que je vous parle des revenus de M. Bébéar ? Quand un patron part à la retraite, il conserve ses jetons de présence. Vous êtes naïf, Monsieur Bur ! (Sourires)

Les partisans du panier de soins, dont le Premier ministre, ont dit que des dispositions seraient prises pour que chacun bénéficie d'une complémentaire. C'est le sens de l'aide que vous proposez. Toutefois, la formule du crédit d'impôt va réduire l'impact de la mesure. En Picardie par exemple, 60 % des habitants ne paient pas l'impôt sur le revenu. En outre, le montant de l'aide s'élèvera à 150 € par an, alors qu'une couverture complémentaire moyenne coûte entre 50 et 100 € par mois.

M. le Président de la commission spéciale - C'est faux !

M. Maxime Gremetz - Vous êtes mal documenté. Ce sont les chiffres avancés par les meilleurs spécialistes. Le Gouvernement ne propose que 12,5 € par mois.

Votre volonté de faciliter l'accès aux complémentaires est un aveu : cela signifie que le champ de l'assurance maladie va se réduire.

Nous vous avons remis des propositions pour moderniser notre sécurité sociale, formant un vrai projet fidèle à l'esprit des fondateurs en 1945.

La démocratie doit être le premier pilier du système. Qui doit déterminer la politique de santé ? La définition des priorités, la détermination des moyens, l'évaluation des besoins et le choix des modes de financement, tout cela doit échapper aux cercles restreints de décision. Nicolas Sarkozy, cet après-midi, a critiqué les notes des technocrates...

Appartient-il aux seuls parlementaires de décider ? Chaque année, on nous demande de voter un objectif national de dépenses d'assurance maladie qui est délibérément sous-estimé, mais on nous interdit de nous intéresser aux recettes de la sécurité sociale.

Les médecins et les autres professionnels de santé ? Sommés de réduire leur activité, ils sont amers et le conflit devient permanent.

Les établissements de soins ? Contraints par des budgets sous-dimensionnés, ils doivent se réorganiser de manière drastique, en supprimant des lits, des services. Sortes de préfectures sanitaires, les agences régionales de l'hospitalisation taillent dans le tissu sanitaire sans demander l'avis de personne.

L'élaboration de la politique de santé doit devenir l'affaire des citoyens, mais la gestion doit demeurer celle des représentants désignés par les assurés sociaux. Il ne suffira pas de régionaliser le système de santé, comme certains le veulent dans le but évident de faire appel au contribuable, au risque d'accentuer les inégalités régionales. Nous avons besoin d'une véritable démocratie participative, associant les assurés, les élus, les syndicats, les professionnels de santé. Au lieu de cela, votre texte autorise la mainmise de l'Etat sur l'assurance maladie, puisque c'est le ministre qui désignera le super-directeur chargé de tout décider.

La prévention doit devenir un pilier de la politique de santé. « Mieux vaut prévenir que guérir », dit l'adage. Mais la santé continue d'être perçue comme l'absence de maladie.

Dans la pratique, le curatif l'emporte sur le préventif. Malgré les discours, la prévention reste le parent pauvre des budgets sanitaires.

Votre projet reste bien loin de la définition de la santé donnée par l'OMS : « Un état complet de bien-être physique, psychique et social ». Or, nombre de maladies du travail ne sont toujours pas reconnues. Il faut donner toute latitude de négocier aux salariés et à leurs syndicats. Les méfaits de la précarité, de l'intérim, devraient être reconnus et ces systèmes qui servent à abaisser le coût du travail au détriment de la santé devraient être combattus. Encore faudrait-il revaloriser la médecine du travail. Avec un effectif total de 6 000 postes équivalent temps plein, ses médecins ne peuvent se rendre sur les lieux de travail. Même pénurie chez les inspecteurs du travail : ils sont à peine plus de 400 pour quatorze millions de salariés du privé.

Un effort est nécessaire en faveur de la médecine scolaire. On sait le rôle de sentinelles que jouent médecins et infirmières dans les établissements.

Enfin, pour que la prévention devienne un droit pour tous, ne faudrait-il pas proposer gratuitement une visite médicale annuelle aux chômeurs, aux exclus, aux retraités ? On le voit, une vraie politique de prévention appelle un investissement considérable.

L'accès de tous aux soins doit être le troisième pilier de la réforme. Trop d'obstacles sont mis à l'exercice de ce droit : baisse des taux de remboursement, instauration du secteur II en médecine libérale, forfait hospitalier, prix de référence ridiculement bas pour les lunettes et les prothèses dentaires, alors que les prix du marché se sont envolés.

Or votre projet va élever des barrières supplémentaires. Votre politique de « responsabilisation » va aggraver les inégalités. Déjà 14 % des Français déclarent renoncer à des soins pour des raisons financières. Ce pourcentage grimpe à 23 % parmi ceux qui gagnent moins de 750 € et à 30 % parmi les chômeurs.

M. Pierre Goldberg - Ecoutez, à droite ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - La multiplication des barrières et des menaces de déremboursement rendra plus difficile l'accès aux soins. Intervenant plus tard, le recours au système sanitaire se fera dans un état de santé plus dégradé et sera donc plus coûteux.

La cause de la santé publique impose de renverser la tendance et de reprendre la marche vers la gratuité.

M. Pierre Goldberg - Bravo !

M. Maxime Gremetz - L'accès aux soins, c'est aussi l'accès aux médicaments. Or, aujourd'hui, l'industrie pharmaceutique choisit l'orientation des ses recherches. Elle peut, selon son bon vouloir, sacrifier des pans entiers, au mépris des besoins. Elle commercialise sous le nom d'innovations des principes actifs à peine remaniés et échappe ainsi à la tombée dans le domaine public de ses molécules les plus rentables. Elle détermine seule, depuis juillet 2003, le prix de vente de ses nouveautés.

Les firmes ont repéré les failles de la complexe réglementation qui entoure la mise sur le marché des médicaments et les exploitent à l'envi. Elles peuvent par exemple faire entrer dans les officines des produits dénommés médicaments sur la base de tests qu'elles réalisent elles mêmes, produits qu'ensuite la commission de transparence classe dans les catégories à service médical rendu insuffisant, ce qui a l'incidence que l'on sait sur les remboursements.

Dans tous les cas, le malade paie pour une régulation mal organisée. La santé publique comme le souci des finances de la Sécurité sociale exigent une véritable maîtrise publique de l'industrie pharmaceutique. Il ne devrait plus être possible qu'une firme sacrifie un domaine d'investigation d'intérêt général pour de stricts motifs de rentabilité. Nous présenterons des amendements en ce sens, sachant qu'il n'est plus possible d'attendre.

Le développement du service public hospitalier doit par ailleurs être une priorité. Cela suppose la suspension immédiate du plan hôpital 2007...

M. le Président de la commission spéciale - Ah bon ?

M. Maxime Gremetz - ...dont j'ai déjà évoqué les méfaits et que vous mettez en _uvre par petites touches, par ordonnances et contre l'avis des organisations syndicales...

M. le Président de la commission spéciale - Il n'y a pas que la CGT !

M. Maxime Gremetz - ...ainsi que de tout le personnel hospitalier.

M. le Président de la commission - N'importe quoi !

M. Maxime Gremetz - Le personnel hospitalier demande la suspension de ce plan, car il veut être entendu et participer à la réforme de l'hôpital.

Dans le même temps, il faut engager sans tarder un plan pluriannuel de formation permettant de pallier les pénuries actuelles et à venir de professionnels de santé. Vous n'avez que timidement relevé le numerus clausus, alors qu'il faudrait former 9 300 médecins et 40 000 infirmières d'ici à cinq ans. Il conviendrait de rendre la formation de ces dernières plus attrayante en leur versant un salaire et en prenant en charge leur hébergement dès leur entrée en école.

J'en viens au financement, qui est le nerf de la guerre...

M. le Président de la commission spéciale - Et l'exception d'irrecevabilité ?

M. Maxime Gremetz - Si vous ne m'écoutez pas, vous ne pourrez pas me répondre. Moi, je n'interromps jamais personne. (rires sur les bancs du groupe UMP)

Dans ce débat, on parle de gouvernance et de réorganisation, mais guère de financement. Et pour cause, car si l'on voulait vraiment réduire le déficit, on trouverait facilement d'autres sources de financement du côté des 147 milliards de profits financiers qui sont le fruit du travail des autres et qui ne sont pas investis. Quelle est leur contribution à la solidarité ? Zéro, ou presque : 15 milliards , soit 1 % . On ne va pas mettre les riches sur la paille !

M. le Président de la commission spéciale - 1 % de 147 milliards , cela ne fait pas 15 milliards mais 1, 5 milliard.

M. Maxime Gremetz - Est-il normal que l'assiette des cotisations patronales soit si différente de celle des salariés ? Pourquoi ne parle-t-on jamais des deux milliards que les patrons doivent à la Sécu ?

Est-il normal que les exonérations profitent aussi bien aux multinationales qu'aux PME ? Aux entreprises qui créent des emplois, qui investissent et qui innovent autant qu'à celles qui se contentent de spéculer ? A l'évidence non.

C'est la remontée du chômage qui, ces deux dernières années, a creusé le trou de la Sécurité sociale. Malheureusement, le Gouvernement s'obstine à comprimer les dépenses publiques et sociales et ainsi à plomber la consommation, principal ressort de la croissance. Or, un point de PIB en moins équivaut à un manque à gagner de deux milliards d'euros de cotisations sociales, et 100 000 chômeurs de plus signifient 1,3 milliard d'euros perdus pour la sécurité sociale.

Quant aux exonérations de cotisations patronales, qui dépassent 20 milliards, leur coût pour la sécurité sociale est de l'ordre de 3 milliards, les 17 restants étant payés par le contribuable à la place de l'employeur. Les exonérations étaient censées réduire le coût du travail et de ce fait favoriser la création d'emplois.

Or le niveau de l'emploi n'a pas progressé. Il faut donc trouver d'autres solutions. La bonification d'emprunts ciblés et contrôlés en est une. La mobilisation du crédit pour sécuriser l'emploi et la formation en est une autre : il s'agirait de baisser les taux d'intérêt pour les investissements créateurs d'emplois, et de les augmenter pour les projets visant une croissance uniquement financière. Votre gouvernement, comme M. Seillière, écarte d'un revers de main toute idée de prélèvement supplémentaire sur la richesse créée par le travail, au motif non démontré que cela jouerait contre l'emploi.

Nous proposons, au contraire, une réforme dont le premier volet consisterait à taxer les revenus financiers des entreprises qui échappent aujourd'hui à toute cotisation sociale, et qui ont atteint 165 milliards en 2002. S'ils étaient soumis à une cotisation de même taux que celle prélevée sur les salaires, la sécurité sociale recevrait 16 milliards de ressources nouvelles, et les entreprises seraient par ailleurs incitées à se détourner de la spéculation. Le second volet consisterait à refondre la cotisation patronale, en appliquant un taux réduit aux entreprises qui augmentent la part des salaires dans la valeur ajoutée, et un taux plus élevé à celles qui la diminuent. Cette démarche aurait le mérite d'enclencher une logique fondée sur la croissance de l'emploi, l'élévation des salaires et le développement de la formation. Ce serait une bonne façon de responsabiliser non seulement les individus, mais aussi les employeurs vis-à-vis des finances de la sécurité sociale, et de réhabiliter véritablement le travail.

Récapitulons. 1% de hausse de salaire représente 2,5 milliards supplémentaires ; 100 000 chômeurs de moins, c'est 1,3 milliard de plus pour la sécurité sociale ; la contribution sociale sur les revenus financiers et boursiers apporterait 16 milliards, la suppression des exonérations de cotisations patronales 20 milliards, une augmentation de un point des cotisations patronales 6 milliards. Le total s'élève à 45,8 milliards. Tout est dit. C'est maintenant affaire de choix politique. Nous vous proposerons le nôtre.

En conclusion, il est clair que votre projet est loin de garantir l'exercice de nos principes constitutionnels, et en particulier ceux qu'énonce le Préambule de la Constitution de 1946 relativement à la santé et à la protection sociale. C'est pourquoi il convient d'adopter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - L'exception d'irrecevabilité ne se justifie pas, mais M. Gremetz a posé de vraies questions. Oui, les Français, à 75 %, se sont prononcé en faveur d'une réforme de l'assurance maladie.

M. Maxime Gremetz - Quelle réforme ?

M. le Ministre - C'est toute la question ! S'agissant de « Hôpital 2007 », il est impossible de laisser subsister en l'état le budget global, de telle sorte que, plein ou vide, un service reçoive la même somme à la fin de l'année. L'hôpital est aujourd'hui le dernier organisme dont le financement soit sans rapport avec l'activité. C'est pourquoi, comme en Allemagne, nous proposons d'aller vers un mélange de tarification à l'activité et d'enveloppes destinées à des missions d'intérêt général, comme les urgences. Pour améliorer la gouvernance de l'hôpital, nous sommes décidés à mettre en place des pôles médicaux.

Nous allons également créer la Haute autorité de la santé publique, dont le caractère scientifique garantira l'indépendance. Elle donnera un avis sur les médicaments et sur l'utilité des actes médicaux, et c'est l'UNCAM qui prendra la décision.

Non, Monsieur Gremetz, nous ne voulons procéder à aucun déremboursement. A propos de l'ordre des médecins, j'ai lu comme vous l'article paru voilà une dizaine de jours. Nous avons reçu l'ordre des médecins récemment pour une réunion de travail approfondie.

M. Jean-Marie Le Guen - Alors ils mentent ?

M. le Ministre - Pas du tout. Quand l'article a été écrit, nous ne les avions pas encore reçus. C'est chose faite depuis.

Nous n'avons nulle intention d'ouvrir l'assurance maladie aux assureurs privés, puisque notre plan n'accroît pas le champ des complémentaires par des déremboursements, et nous ne modifions pas les règles de prise en charge des honoraires médicaux par les complémentaires. En revanche, nous avons une difficulté avec ces dernières, puisque Mme Aubry, malgré les conseils de la Mutualité française, a instauré la CMU avec un effet de seuil : avec 566,70 € par personne et par mois on a droit à tout, avec 567 € on n'a droit à rien. C'est pourquoi le Premier ministre a décidé, pour les 2 millions de Français qui se trouvent à 15 % au dessus du seuil, d'accorder en moyenne 150 € par an et par personne, sous forme de crédit d'impôt.

M. Jean-Marie Le Guen - Cela ne change pas l'effet de seuil !

M. le Ministre - Cette réforme était nécessaire, elle est structurelle et surtout elle est équitable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Sur l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe des députés communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

M. Bernard Perrut - M. Gremetz, fidèle à ses convictions n'a pas su nous convaincre. Toutefois nous sommes d'accord sur deux points.

Nous regrettons nous aussi que cette réforme n'ait pas été engagée plus tôt, par le gouvernement que soutenait le parti communiste. Un gouvernement qui nous a laissé nombre de projets à mettre en _uvre, qu'il s'agisse des retraites, de la dépendance ou de la sécurité sociale.

Ensuite, le diagnostic: on ne peut laisser le déficit de l'assurance maladie se creuser ainsi de 23 000 € par minute.

Mais nos réponses sont différentes. Le ministre en appelle à notre sens des responsabilités face à l'allongement de l'espérance de vie, aux progrès thérapeutiques, aux nouvelles demandes des usagers.

Le Gouvernement a une attitude responsable et pragmatique. Pour reprendre les propos de Philippe Douste-Blazy dans un quotidien d'hier, ce plan peut s'envisager au travers du triptyque « Liberté-Egalité-Fraternité » : la liberté pour chacun de choisir son médecin, et celle du médecin de prescrire, l'égalité de tous dans l'accès aux soins, la fraternité dans la participation à l'effort.

Le groupe UMP ne votera pas cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marc Ayrault - En écoutant l'intervention du Premier ministre cet après-midi, j'ai été frappé par le petit nombre de députés UMP, encore moins présents que ce soir ! 50 députés UMP environ sur les 365 élus ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Et je ne parle pas de leur manque d'enthousiasme, comme s'ils doutaient du bien-fondé de la réforme. Ce fut pire lorsque M. Douste-Blazy monta à la tribune ! (« Hors sujet ! » sur les bancs UMP). Vous n'avez pas convaincu, parce que vous n'avez pas le droit de parler de réforme pour cet énième plan de replâtrage qui ne s'attaque pas au c_ur des difficultés.

Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres: depuis 2002, le déficit n'a fait que s'aggraver, pour atteindre plus de 35 milliards ! Qu'avez-vous fait pour endiguer cette dérive? Rien. Au contraire, vous avez augmenté les tarifs des médecins sans aucune contrepartie!

Nous ne croyons pas à votre plan, mais vous non plus, puisque vous avez reconnu que le déficit allait encore augmenter. Vous avez alors fait appel à la prolongation de la CRDS, ce qui est inacceptable, et contesté jusque sur vos bancs.

M. le Président de la commission spéciale - Pas vous!

M. Jean-Marc Ayrault - Vous renvoyez les déficits aux générations futures!

Vous avez fait de même pour les retraites, dont vous avez renvoyé la question en 2008, en escomptant une baisse du chômage, alors que rien ne la laisse espérer. Nous lançons un cri d'alarme parce que nous voulons sauver la sécurité sociale!

M. le Président de la commission spéciale- Il fallait y penser avant!

M. Jean-Marc Ayrault - Lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, les comptes de la sécurité sociale étaient équilibrés.

M. le Président de la commission spéciale - Ils se dégradaient!

M. Jean-Marc Ayrault - Nous ne nous contentons pas de simples déclarations de principe, nous formulons des propositions. Nous les avons résumées dans un document intitulé « dix alternatives ». Ce seront autant d'amendements auxquels vous devrez répondre. Ce soir, nous voterons l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - L'UDF ne votera pas l'exception d'irrecevabilité présentée par Maxime Gremetz qui, loin de démontrer l'inconstitutionnalité du texte, en a profité pour dire, pendant une heure et demie, tout le bien qu'il en pensait! C'est la loi du genre.

La réforme est urgente et indispensable, pour préserver un système de soins solidaire auquel les Français sont très attachés.

Le diagnostic, après les travaux du Haut conseil, est partagé, l'étiologie moins claire, le traitement ne peut être que douloureux.

Certes, le projet n'est pas parfait, mais le ministre nous a assurés qu'il était prêt à l'améliorer. Nous ferons des propositions, qui concerneront le financement du déficit cumulé, la gouvernance, et la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, dans le sens d'une responsabilisation des acteurs. Nous souhaitons de véritables conseils régionaux de santé ainsi que des agences régionales de santé pour disposer d'un responsable unique au niveau régional. Nous attendons avec impatience d'entrer dans le débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Daniel Paul - En 1996, une majorité a voté le changement de statut de France Télécom...

M. Pierre Lellouche - Heureusement!

M. Daniel Paul - Il y a quelques heures, cette même majorité votait le changement de statut d'EDF-GDF.

Il y a quelques mois, elle réformait les retraites, pour mieux en démolir le système.

Il y a quelques jours, elle a adopté un texte très insuffisant pour venir en aide aux personnes en situation de handicap. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Aujourd'hui, pour la sécurité sociale, votre texte constitue une étape certes, pour la casser !

Cette remise en cause remonte à 1967. Jamais la droite ni le patronat n'ont accepté ce qui a été mis en place à la Libération (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Aujourd'hui, l'état de notre protection sociale vous permet de présenter une réforme qui ne servira à rien, sauf à nous éloigner de la gratuité et à promouvoir une conception individualiste de la vie sociale. Tout le monde s'accorde sur les nouvelles dépenses à prendre en charge : le vieillissement de la population, les problèmes de périnatalité... Mais sur leur financement, le ministre ne dit mot ! La solution dépend pourtant des recettes à mettre en place. Vous voulez faire payer les usagers et les salariés, en épargnant autant que faire se peut les entreprises...

Il y a quelques années, cette Assemblée a mis en place une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics par les grands groupes. Elle a constaté l'existence de véritables trésors de guerre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Lellouche - Comme le comité d'entreprise d'EDF !

M. Daniel Paul - Ces fonds sont le résultat d'une politique antisociale, du chômage, de la précarité ! Sanofi a acheté Aventis pour 50 milliards, dont 30 provenaient de ce trésor de guerre ! Il est anormal que ces sommes considérables ne profitent pas à la protection sociale. Les ressources de la caisse des accidents du travail et de celle des maladies professionnelles, dont le patronat veut se débarrasser en les mettant à la charge du régime général, doivent également être augmentées. Mais ces questions sont-elles pour vous taboues ? Vous n'en avez pas dit un mot ! Vous ne serez donc pas surpris que nous votions cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

A la majorité de 150 voix contre 43 sur 194 votants et 193 suffrages exprimés, l'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.

M. Bernard Accoyer - Je voudrais faire un rappel au Règlement : le président du groupe socialiste a mis tout à l'heure en cause l'assiduité des députés du groupe UMP. Il n'a qu'à comparer la partie gauche de l'hémicycle et celle de droite !

Pendant cinq ans de gouvernement Jospin, aucune réforme n'a eu lieu, ni en matière de protection sociale, ni pour les retraites. Aujourd'hui, aucune proposition sérieuse n'est avancée par l'opposition. C'est bien de notre côté que se trouvent le progrès et l'avenir social de la nation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - A titre d'information, 8 500 amendements ont été déposés pour l'instant sur ce texte...

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain 30 juin à 15 heures.

La séance est levée à 23 h 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 30 JUIN 2004

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 1675) relatif à l'assurance maladie.

Rapport (n° 1703) de M. Jean-Michel DUBERNARD, au nom de la commission spéciale.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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