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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2003-2004 - 113ème jour de séance, 280ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 30 JUIN 2004

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      ASSURANCE MALADIE (suite) 2

      CLÔTURE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004 18

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

ASSURANCE MALADIE (suite)

Mme Muguette Jacquaint - Depuis le début de nos débats, chacun a réaffirmé son attachement à notre système de sécurité sociale et s'est engagé à en préserver les fondements. En effet, les principes d'égalité d'accès aux soins et de solidarité demeurent d'actualité et ils doivent guider l'action du législateur. Mais il ne suffit pas, comme le fait le Gouvernement, de rappeler sans cesse son attachement à ces principes : ce projet en est, hélas, bien éloigné.

Nous refusons une réforme fondée sur la culpabilisation et la stigmatisation des professionnels de santé et des assurés sociaux, coupables d'une surconsommation de soins prescrits aveuglément par les premiers.

Pour votre part, en réponse à ces « fraudeurs » de la santé, vous avez choisi de renforcer les outils de maîtrise comptable des dépenses de santé. Ainsi, vous réintroduisez la notion de médecin réfèrent, rebaptisé médecin « traitant » ; vous décuplez les contrôles des arrêts de travail, des prescriptions des transports médicaux et de toutes les prescriptions ; vous confirmez les sanctions à l'égard des assurés comme des professionnels ; vous multipliez les mises en garde à propos des remboursements ; vous instituez des gendarmes financiers, chargés de relever les dépenses anormales, afin de glisser vers la définition d'un panier de soins où les déremboursements seraient assumés par les complémentaires. Tel est le sens des 17 premiers articles de votre projet, dont Jacqueline Fraysse a bien montré qu'ils n'avaient pas de réelle justification.

Vous voulez nous faire croire que les hausses de dépenses de santé s'expliqueraient avant tout par la fraude. C'est malhonnête puisque le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et la mission Debré ont montré que les causes étaient structurelles et les fraudes marginales !

La mission a aussi noté que la situation actuelle était la conséquence des échecs des plans de redressement engagés depuis le milieu des années 1970, en particulier le plan Juppé. Telle est aussi l'analyse des parlementaires communistes et républicains qui ont toujours dénoncé ces plans d'austérité qui ont déstabilisé le système, diminué la qualité de prise en charge des soins et fait supporter aux assurés des charges financières de plus en plus lourdes. Pourquoi donc réchauffez-vous de telles recettes ? Est-ce pour préparer la réforme qui crucifiera définitivement l'esprit de 1945 et qui privatisera le système ?

Sur les 15 milliards d'économies prévus, un seul sera à la charge des entreprises. Pourtant, le financement est insuffisant parce qu'il repose plus sur l'impôt que sur les cotisations sociales. Vous faites donc le choix d'une réforme injuste, qui pénalisera les plus malades et les plus modestes. Nous sommes loin de l'esprit de solidarité et d'égalité d'accès aux soins qui a guidé la création de la sécurité sociale. Désormais, seuls les assurés sociaux capables de passer outre les menaces, les sanctions de déremboursement pourront se soigner.

Bien loin d'une modernisation de notre sécurité sociale respectueuse de ses principes fondateurs, vous faites le choix de la privatisation d'un secteur qui privilégiera la rentabilité financière au détriment de la protection de tous devant les aléas de la vie.

Nous refusons quant à nous la voie de la régression, la loi du marché dictée par le Medef. Nous rejetons la logique qui consiste à faire toujours supporter les économies aux salariés, aux chômeurs, aux retraités. Nous ferons des propositions, porteuses d'un véritable progrès social, fruits d'un travail approfondi avec les syndicats, les professionnels de santé et les usagers (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Pierre Door - Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a dénoncé la situation catastrophique de notre système de santé, il a appelé à des réformes structurelles. Le Gouvernement a travaillé et fait des propositions ; la mission Debré a procédé à des auditions, débattu et fait aussi des propositions. Sur le terrain, le message passe : ce texte est bien accepté, nombre de nos concitoyens sont conscients des enjeux.

Ce n'est pas la note de Bercy qui m'aurait convaincu de l'inverse. La gauche, toujours si rapide à critiquer et à caricaturer, a manqué de vision de l'avenir et a conduit l'assurance maladie, comme notre système de retraites, dans l'impasse.

Votre réforme, Monsieur le ministre, a pour objectif de rendre compatible l'inéluctable progression de la demande de soins - liée au vieillissement de la population, aux progrès techniques, ainsi qu'à l'hyper-médiatisation et à l'excès de judiciarisation - avec les ressources disponibles - qui, elles, dépendent de la croissance économique. Elle vise donc à optimiser les ressources humaines et financières, en faisant en sorte que chaque euro dépensé le soit à bon escient.

Cela passe essentiellement par un rapprochement constructif entre la médecine de ville et l'hôpital, entre généralistes et spécialistes, afin que la collectivité n'ait plus à supporter le nomadisme. L'outil est le dossier médical personnel, qui n'a vraiment rien de monstrueux : de nombreux praticiens utilisent déjà de tels dossiers et l'informatique ; mais pour que le système soit efficace, il faudra que tous les logiciels médicaux disposent d'un noyau commun. On peut parier sur une mise en route rapide si la volonté est là.

Une meilleure qualité des soins passe par une formation médicale continue non seulement obligatoire, mais surtout motivante. L'évaluation des pratiques, collectives comme individuelles, maintenant tout à fait comprises et acceptées, devra s'appuyer sur des référentiels de bonne pratique élaborés par la future haute autorité scientifique et intégrant la médecine hospitalière.

Nombreux sont les médecins et les patients qui saluent votre courage et votre détermination, Monsieur le ministre. La réconciliation avec les professions de santé est un atout incontestable ; la démographie médicale et l'optimisation de la dépense imposent de redéfinir les rôles respectifs de l'hôpital, des médecins spécialistes et des médecins généralistes. Essayons d'imiter les pays qui ont su entreprendre les réformes nécessaires, comme l'a souligné Edouard Landrain dans son excellent rapport.

Le patient doit, lui aussi, lutter contre les gaspillages. Nous ne nous comportons pas avec l'argent de la sécurité sociale comme avec notre propre argent : on entend trop souvent dire « j'ai cotisé, donc j'y ai droit ». Eviter la surconsommation de médicaments, le recours abusif aux arrêts de travail et la multiplication d'actes redondants permettrait de réduire les dépenses de 10 à 12 % : c'est cela, la maîtrise médicalisée des dépenses.

Monsieur le ministre, votre réforme n'est ni une réformette, ni une casse, ni une privatisation. Parce qu'elle est fondée sur les principes des solidarité, d'assurance pour tous et de performance des soins, dans le cadre de la confiance restaurée entre tous les partenaires, notre groupe la votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Billard - Notre système d'assurance maladie fondé sur le principe de solidarité a été une réforme sociale majeure de l'après-guerre. S'il est en crise, c'est parce que, essentiellement fondé sur le curatif, il est incapable de faire face aux problèmes de santé liés au vieillissement de la population, au développement des maladies chroniques et à l'apparition de nombreuses fragilités mentales. Il est urgent d'agir sur les causes des maladies, notamment les causes environnementales des maladies chroniques et la dégradation de la santé au travail. Faute d'action cohérente, le bateau s'enfonce peu à peu, et vous proposez de continuer à écoper à la petite cuillère...

Oui, le système a besoin d'une réforme, mais dans le sens d'une meilleure organisation : il faut soulager les urgences hospitalières par la création de maisons de santé, améliorer la coordination des soins par le développement de réseaux de santé, lutter contre la surconsommation médicamenteuse par une information indépendante des laboratoires pharmaceutiques et la modification des conditionnements.

Le dossier médical limitera peut-être le nomadisme médical, mais la maîtrise des dépenses de médecine de ville suppose aussi une évolution du mode de rémunération des médecins et leur meilleure répartition sur le territoire. Malheureusement, votre politique de responsabilisation se réduit au maniement de la carotte et du bâton financier, en termes de remboursement ; ainsi, les personnes qui ont de l'argent pourront continuer à être irresponsables, puisqu'ils paieront ; mais d'autres n'auront pas les moyens de se soigner...Toute la question est là : s'agit-il de maintenir un haut niveau de soins pour tous nos concitoyens, tout en maîtrisant l'ensemble des dépenses, ou de réduire les seules dépenses publiques de santé ?

Ce projet n'est qu'un énième plan d'ajustement. Si votre ambition était de sauver financièrement le système , nous savons par la note de Bercy que vous avez échoué. En revanche, vous nous préparez pour demain une plus grande place pour les assurances privées, au seul bénéfice des personnes qui en auront les moyens (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Philippe Auberger - En ouvrant le journal Les Echos, vendredi dernier, je me suis dit : une nouvelle fois, Bercy a frappé... Mais au vu de la fameuse note, on constate qu'il est retombé dans ses ornières habituelles : en 2000 déjà, le fiasco total de la réforme du ministère était liée à une analyse mécanique des problèmes, qui ne laissait aucune place aux analyses psychologique et sociologique.

L'auteur de la note s'avoue incapable de mesurer les effets du dossier médical partagé. Sur les génériques, votre prévision d'économies est tout à fait cohérente avec les analyses d'un spécialiste de l'économie de la santé, M. Claude Le Pen. Cette note de Bercy ne repose donc sur rien de bien sérieux.

Peut-être aurait-il néanmoins été préférable, Monsieur le ministre, que vous nous donniez l'échéancier de vos économies sur trois ans et que vous nous disiez comment vous êtes arrivé à bâtir l'équilibre structurel sur lequel repose votre projet.

Vous proposez un effort global équilibré : deux tiers en économies, un tiers en recettes nouvelles, l'effort étant partagé entre patients, médecins, laboratoires, hôpitaux et CNAM. Il est bien surprenant, de la part de nos collègues socialistes, de se reposer sur l'avis de l'ordre des médecins : le Parti socialiste n'avait-il pas, en 1981, conçu l'idée de le supprimer, et lancé un appel aux médecins pour qu'ils ne paient plus leurs cotisations ?

Après vingt ans, quel retournement ! Et quelle contradiction !

Mme Elisabeth Guigou - Très drôle !

M. Philippe Auberger - La contribution aux recettes est équitablement répartie entre les grandes entreprises, qui acquittent la CSSS, les retraités imposables et eux seuls, les revenus du patrimoine sur lesquels la CSG est portée à 0,7 %, les jeux eux aussi davantage imposés, enfin les salariés pour lesquels la CSG ne passe que de 0,95 % à 0,97 %. Un euro est demandé aux patients pour chaque consultation. Comment les socialistes osent-ils juger cette mesure excessive, alors que ce sont eux qui ont créé le forfait hospitalier, douze à quinze fois plus élevé, que doivent acquitter ceux qui sont malades au point de devoir aller à l'hôpital contre leur gré ? Encore une contradiction ! Pour ma part, je souhaite que cet euro devienne d'ordre public, et donc non remboursable.

Nous pourrions compléter le projet en décidant que, lorsque l'ONDAM est dépassé, le Parlement est saisi d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. D'autre part, il faudrait régler le problème de la dette de la CADES : une reprise est prévue à hauteur de 33 milliards à la fin de cette année, auxquels s'ajouteront 15 milliards pour 2005 et 2006. Repousser au-delà de 2020 la charge de la dette de la CADES ne paraît pas raisonnable. J'ai donc proposé qu'à partir de cette date elle soit transférée au budget général. Une autre solution consisterait à augmenter la CRDS, mais cela n'irait pas sans risque pour la croissance et l'emploi, qui demeurent encore bien fragiles. Il faut donc y réfléchir de plus près.

Au total, cette très importante réforme a le mérite de reposer sur des valeurs que nous avons toujours défendues : la liberté, et en particulier celle de choisir son médecin ; la responsabilisation, celle des professionnels de santé, des laboratoires, des hôpitaux, et aussi des patients. C'est ainsi que nous pourrons redresser la situation de l'assurance maladie, et c'est pourquoi le groupe UMP votera le projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

M. Thierry Mariani - Une fois de plus, la droite républicaine démontre son courage (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Vous pouvez rire, vous qui n'avez rien fait pendant cinq ans ! Après les retraites, nous réformons aujourd'hui l'assurance maladie. Vous, vous profitez de la croissance, nous, nous sauvons notre système de protection sociale.

Cette réforme devrait porter aussi sur l'aide médicale d'Etat, à laquelle on n'a guère touché depuis deux ans. Créée en 1999 par Lionel Jospin, elle n'avait été financée qu'à hauteur de 45 millions d'euros. Une fois encore, les socialistes ont sous-estimé la réalité. En effet, à la fin de 2003, 165 000 personnes y étaient affiliées, contre 75 000 trois ans plus tôt. L'AME a donc coûté 61 millions en 2001, et plus de 600 millions en 2004 ! Face à ce décuplement, j'ai déposé des amendements tendant à ce que le maire soit l'unique dépositaires des demandes d'AME (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) . Ne faites-vous pas confiance aux maires ?

Mme Elisabeth Guigou - Cela dépend lesquels !

M. Thierry Mariani - Ce n'est pas à vous de dire cela, alors que vous avez été battue à Avignon et que vous n'avez pas osé vous représenter devant vos électeurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Rappelons ce qu `est l'AME, créée quand Mme Guigou était ministre...

Mme Elisabeth Guigou - Nous en sommes fiers !

M. Thierry Mariani - Si vous en êtes si fière, représentez-vous devant vos électeurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ! L'AME est donc une prise en charge à 100 % des soins, des prescriptions médicales et du forfait hospitalier dans la limite des tarifs conventionnels, et une dispense de l'avance des frais. Elle est ouverte aux personnes qui ne remplissent pas les conditions d'admission au bénéfice de la CMU. Le plus souvent, il s'agit d'étrangers en situation irrégulière. Le bénéficiaire doit d'abord prouver qu'il réside en France de façon ininterrompue depuis plus de trois mois, la preuve pouvant être administrée par tout moyen, et, s'il ne peut pas présenter de pièces justificatives, il doit remplir une déclaration sur l'honneur figurant au bas de la demande d'AME. L'étranger doit ensuite justifier de ressources inférieures au plafond fixé pour l'obtention de la CMU, soit 566,50 € par personne et par mois. Là encore, s'il ne peut pas fournir de justificatif, il doit remplir une déclaration sur l'honneur. Allez donc voir ce formulaire, rien n'est plus simple ! Je rêve qu'il en aille de même pour les contribuables ! Naturellement, des abus se produisent : pourquoi en effet déclarer une somme qui vous enlèverait le droit de vous faire soigner gratuitement ? Ce serait du masochisme. Ce ne sont pourtant pas ces deux conditions que je vous propose de modifier, car l'AME concerne des populations vulnérables, qu'il faut protéger. Mais il est nécessaire d'encadrer le dispositif pour éviter les dérives. Actuellement, les demandes d'AME sont reçues par quatre types différents d'organismes. Cette profusion de possibilités de dépôts tend à aggraver le flou statistique entourant les chiffres relatifs à l'AME, et permet à certaines personnes de déposer plusieurs dossiers. C'st pourquoi je propose de désigner la mairie comme seul lieu de dépôt des demandes d'AME.

Mme Elisabeth Guigou - A Orange, on est sûr du résultat !

M. Thierry Mariani - Revenez donc dans le Vaucluse ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Ma deuxième proposition, s'inspirant de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, que j'ai eu l'honneur de rapporter, a pour objet de permettre à la mairie de vérifier les conditions de ressources, d'identité et de résidence, ce qui est le bien moins s'agissant d'une demande de soins gratuits pour le bénéficiaire et financés par la société.

Ce dispositif vise à mieux lutter contre les inscriptions multiples, et donc contre les fraudes. Pour le compléter, je proposerai en outre deux sous-amendements tendant à ce que les demandes d'AME puissent être mémorisées afin de lutter contre les détournements de procédure.

Il s'agit bien, vous l'aurez compris, de boucher les trous avant de réinjecter de l'argent dans le système (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - La parole est à Mme Guigou.

M. Thierry Mariani - Je ne dirai rien, par solidarité vauclusienne...

Mme Elisabeth Guigou - Votre solidarité, je n'en veux pas, vous pouvez vous la garder.

M. Thierry Mariani - Evidemment, vous avez déserté !

Mme Elisabeth Guigou - Le mal est profond, Monsieur le ministre. Depuis deux ans, nous tirons la sonnette d'alarme, à chaque loi de financement de la sécurité sociale et depuis deux ans, vous nous promettez de grands remèdes pour rétablir la santé financière de notre système d'assurance maladie. Ces deux années d'attente vous conduisent aujourd'hui à opérer dans l'urgence, par des coupes chirurgicales brutales.

M. Richard Mallié - Evidemment ! Vous n'avez rien fait !

Mme Elisabeth Guigou - Le plan de sauvetage que vous nous soumettez ne satisfait aucun des objectifs d'une bonne réforme : il ne règle pas le déficit de financement à long terme ; il aggrave les inégalités d'accès aux soins ; il prépare, sans le dire, la privatisation de notre sécurité sociale.

Bien sûr, une réforme est nécessaire, mais elle doit permettre une véritable résorption du déficit et elle doit placer la santé publique et la qualité des soins pour tous au c_ur de l'action publique. Or, votre projet n'est pas à la hauteur du déficit que vous avez créé...

M. Richard Mallié - Quel culot !

Mme Elisabeth Guigou - ...et nous savons tous qu'il ne rééquilibrera pas les comptes de la sécurité sociale. S'agissant de l'explosion du déficit, votre responsabilité est lourde et votre bilan accablant. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le régime général de la sécurité sociale, excédentaire entre 1999 et 2001, est devenu gravement déficitaire, 14 milliards de déficit étant prévus pour 2004. Et, au sein du régime général, le déficit de l'assurance maladie, qui avait été fortement diminué puis stabilisé, s'est creusé de façon vertigineuse depuis que vous êtes aux responsabilités, passant de 2 milliards en 2001 à 6 milliards en 2002 et 14 milliards en 2004. Autrement dit, le déficit a été multiplié par sept en trois ans ! C'est une chute libre dans l'abîme.

Ce déséquilibre financier intenable tient à ce que vous avez laissé filer les dépenses. Paniqués au souvenir de la révolte contre le plan Juppé, vous avez cédé aux médecins libéraux une consultation à 20 €...

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'état à l'assurance maladie - Et vous ?

Mme Elisabeth Guigou - J'y viens. Ces fortes revalorisations coûtent 750 millions par an à la sécurité sociale. La croissance des honoraires, qui était de 4,7 % en 2000, a atteint 7,3 % en 2003 et les contreparties demandées aux médecins sont d'évidence insuffisantes. Certes, nous avions, nous aussi, revalorisé la consultation des généralistes en janvier 2002, en la faisant passer de 17 à 18,5 €, mais avec des contreparties marquées, qui ont permis de renforcer les contrats passés entre les professionnels de santé et les caisses d'assurance maladie.

M. le Secrétaire d'Etat - Ah bon ?

Mme Elisabeth Guigou - Nous avons ainsi développé les contrats de santé publique qui encouragent les médecins à développer la prévention...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale - Cela n'a jamais rien donné !

Mme Elisabeth Guigou - ...et les accords de bon usage des soins, dont résulte par exemple la récente campagne contre l'abus d'antibiotiques - voilà, M. Bur, ce que cela a donné ! - ainsi que les accords de bonne pratique. Ces contrats se sont heureusement développés, quoi que vous en disiez...

M. le Président de la commission spéciale - Mais les dépenses ont explosé, Madame !

Mme Elisabeth Guigou - Il est d'autant plus regrettable, Messieurs les ministres, que vous n'ayez pas appliqué la loi du 6 mars 2002 qui prévoyait un accord cadre interprofessionnel entre la CNAM et le centre national des professions de santé. Si votre projet reprend à son compte la politique de conventionnement, c'est pour mieux faire oublier que vous avez négligé cette voie majeure de maîtrise de dépenses de santé.

Outre les dépenses liées aux prescriptions, les dépenses de médicaments ont fortement augmenté. Je ne vous reprocherai pas d'avoir poursuivi le déremboursement de médicaments inutiles et la promotion des génériques, deux politiques que Martine Aubry avait engagées. Mais la commission des comptes de la sécurité sociale souligne que le développement des génériques ne suffit pas à endiguer le glissement de la consommation vers des médicaments plus coûteux. Or, vous n'avez rien fait pour réguler les prix des nouveaux médicaments ; au contraire, par l'accord cadre entre l'Etat et les laboratoires signé il y a un an, vous avez libéralisé les prix de dizaines de nouvelles molécules : ce sont autant de lourdes charges supplémentaires pour la sécurité sociale. Et que l'on n'aille pas me dire qu'il fallait protéger l'emploi et la recherche, car les entreprises pharmaceutiques peuvent supporter les baisses de prix, comme en témoigne l'accord que j'avais fait négocier en 2001 et qui avait abouti à des réductions significatives. Dans ce domaine aussi, vous avez renoncé à toute maîtrise des dépenses.

Quant aux recettes, elles pâtissent de votre politique qui grève la croissance, fait augmenter le chômage et diminue par là même les rentrées de cotisations sociales et de CSG. Vous invoquez la fatalité de la conjoncture : dois-je vous rappeler que la France faisait mieux que la croissance moyenne européenne sous le gouvernement Jospin, mais qu'elle fait moins bien aujourd'hui ? Les 250 000 chômeurs supplémentaires depuis 2002 représentent une perte de 3,75 milliards de recettes pour l'assurance maladie. Votre gouvernement, qui s'est privé de tous les outils d'une politique de l'emploi, est contraint d'en revenir aux emplois aidés par l'Etat au travers des contrats dits « d'activité » proposés aujourd'hui par M. Borloo. Quel aveu d'erreur ! c'est bien votre politique qui a directement creusé le déficit de la sécurité sociale et votre responsabilité dans ce désastre est écrasante (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Or, votre projet ne dessine aucune issue véritable, car ce que vous proposez induira des dépenses nouvelles sans que des économies durables aient été réalisées. Ainsi du dossier médical personnalisé, outil utile et que nous approuvons dans le principe : il n'est pas honnête de le présenter comme une mesure d'économie supposée rapporter 3,5 milliards d'ici 2007. Tout le monde sait que ce dossier coûtera cher, et même très cher dans un premier temps. Vous avez, Monsieur le ministre, évalué sa création à 300 millions, auxquels il faut ajouter 600 millions par an au minimum de frais de gestion. Autant dire qu'il faudra très longtemps avant que le dossier médical partagé génère des économies, à supposer que vous parveniez à le créer. En effet, vous ne donnez aucune garantie sérieuse sur le respect des droits fondamentaux de la personne. On ne sait quels médecins pourront y accéder, quelles informations pourront y être inscrites, quelles pathologies et quels actes médicaux. On ne sait pas davantage si des sanctions sont prévues à l'encontre des professionnels de santé qui auraient négligé d'alimenter la banque de données et l'on ne sait rien non plus de la date à laquelle il entrera en vigueur.

Vous annoncez encore 4 milliards d'économies d'ici 2008 grâce à la généralisation des médicaments génériques, mais la CNAM donne un chiffre huit fois moindre...

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Toutes les réponses seront données.

Mme Elisabeth Guigou - Inefficace, votre projet est de surcroît injuste, car il aggrave encore les inégalités qui se sont creusées depuis deux ans.

M. Thierry Mariani - Surtout avant !

Mme Elisabeth Guigou - Depuis 2002, vous avez renié ou abandonné des pans entiers de la politique de santé publique, notamment en direction des plus démunis. Ainsi, vous avez fait passer le forfait hospitalier de 10,67 à 13 € et une nouvelle hausse d'un euro est attendue dès 2005, si bien qu'un mois d'hospitalisation représentera bientôt le montant du minimum vieillesse ! Pour notre part, nous avions choisi de ne pas augmenter le forfait hospitalier.

Vous avez aussi restreint l'accès à l'aide médicale d'Etat, gratuite...

M. Thierry Mariani - 600 millions en 2004 !

Mme Elisabeth Guigou - ...or, si les 150 000 sans-papiers dans la misère doivent payer, ils renoncent aux soins et ils interrompent parfois les traitements en cours, car, pour eux, chaque euro compte. Non seulement la restriction de l'accès à l'AME est un scandale humanitaire, comme l'ont souligné non seulement Xavier Emmanuelli, un proche de Jacques Chirac, mais aussi Médecins du monde, Médecins sans frontières ou encore le SAMU social de Paris qui, tous, dénoncent ce qu'ils qualifient de catastrophe sanitaire. En effet, cette population pauvre, non soignée, représente un risque majeur de santé publique - songez à la propagation de la tuberculose et du VIH ! - De plus, ces malheureux reviennent inévitablement dans le système de soins, au service des urgences, avec des pathologies plus lourdes et donc plus coûteuses.

Vous avez, de plus, durci l'accès à la CMU et revalorisé avec une pingrerie insigne le plafond de ressources permettant d'y avoir droit, négligeant à tel point l'aide à la mutualisation que nous avions créée en 2001 par convention entre l'Etat et à la CNAM qu'elle est restée confidentielle. Enfin, vous avez abandonné certains programmes gouvernementaux tels que celui tendant à lutter contre la maladie d'Alzheimer.

Ce n'est pas tout : votre projet pénalise les patients et, parmi eux, les plus modestes. Vous faites porter tout l'effort financier sur les malades et leurs familles. Les prélèvements supplémentaires pèsent à 80 % sur les ménages...

M. le Ministre - C'est faux !

Mme Elisabeth Guigou - Face aux 3,24 milliards supplémentaires que devront acquitter les salariés, les retraités et les chômeurs, les 780 millions supplémentaires demandés aux entreprises sont ridiculement faibles. Quant à l'industrie pharmaceutique, vous reportez sa contribution à d'ultérieures et incertaines négociations. Ces prélèvements supplémentaires sont donc à la fois aléatoires, injustes et insuffisants...

M. le Ministre - C'est faux !

M. le Secrétaire d'Etat - Procès d'intention !

Mme Elisabeth Guigou - Toutes les mesures contraignantes dites « de responsabilisation » prévues dans votre projet frappent les assurés sociaux : soupçonnés d'abus par principe, ils devront désormais expier d'une franchise d'un euro par consultation ; arrêts de travail et affections de longue durée seront plus étroitement contrôlés et les patients devront respecter, sous peine de déremboursement, des procédures contraignantes d'accès aux médecins. En revanche, les professionnels de santé ne sont soumis à aucune mesure de responsabilisation...

M. le Ministre - C'est faux !

Mme Elisabeth Guigou - Je ne m'attarderai pas sur l'alourdissement des charges de la CADES, dont M. Le Guen a traité. En revanche, je me dois de souligner que vous laissez se développer de très fortes inégalités territoriales entre les régions, au mépris de la forte péréquation que nous avions engagée.

De toute évidence, votre projet ouvre la voie à un système de santé à deux vitesses...

M. le Ministre - C'est faux !

Mme Elisabeth Guigou - Vous portez un coup très grave à l'égalité entre les patients en autorisant les spécialistes du secteur 1 à augmenter leurs honoraires au cas où un malade s'adresse à eux directement, sans prescription préalable du médecin traitant. Vous permettez ainsi aux patients les plus aisés de contourner la filière de soins prétendument rendue obligatoire pour tous. De plus, le risque est grand que les médecins spécialistes répondent plus rapidement aux demandes de « consultation directe », qui leur rapporteront plus, qu'à celles qui leur sont transmises par les médecins traitants. Et puis, au lieu de récompenser, comme nous l'avions fait par la rémunération forfaitaire, les praticiens qui travaillent en réseau, vous donnez une prime à ceux qui pratiquent seuls, sans lien avec les généralistes ! C'est la porte ouverte à tous les abus et votre indulgence à l'égard de ces abus-là forme un contraste significatif avec la sévérité que vous affichez à propos des abus relatifs aux arrêts pour maladie (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Je redoute également un système de santé à deux vitesses à l'hôpital. Le précédent gouvernement avait consenti un effort exceptionnel en faveur de l'hôpital - plan d'investissement et de rénovation, création de 45 000 emplois sur trois ans, mise en place des 35 heures...

M. Thierry Mariani - Pas financées !

Mme Elisabeth Guigou - ...augmentation du nombre de places dans les écoles d'infirmières et d'aides soignantes, revalorisation des carrières hospitalières des médecins et de tous les personnels hospitaliers. Vous vous êtes bien gardés de revenir sur les 35 heures, car vous savez que si un secteur en a besoin au vu de ses conditions de travail, c'est bien l'hôpital !

Nous ne sommes pas opposés à la T2A, mais à condition que l'on tienne compte des missions de service public qui incombent aux hôpitaux, et qui doivent représenter plus de 50 % de l'enveloppe consacrée à l'hôpital.

Par ailleurs, vous passez sous silence la question des cliniques, alors que leurs dépenses ont davantage progressé que celles des hôpitaux en 2002 et 2003. Les cliniques ont relevé leurs tarifs de près de 4 % en 2003. On m'avait reproché d'avoir augmenté leurs dotations, mais les salaires infirmiers ont ainsi pu être revalorisés.

M. Gérard Bapt - Vous avez bien fait !

Mme Elisabeth Guigou - Qu'est devenu l'observatoire tripartite - Etat, syndicats, patronat - que j'avais créé pour veiller à la transparence de leurs comptes ? Serait-ce par peur de la transparence sur la rémunération des actionnaires qu'il n'a plus été réuni depuis 2002 ?

Une réforme plus efficace et plus juste est possible.

Au lieu de replâtrer et de repousser les échéances aux générations futures, il conviendrait de réaffecter à l'assurance maladie les droits sur l'alcool et le tabac, et de faire davantage participer l'industrie pharmaceutique et les revenus financiers. Il faut promouvoir les génériques, baisser le prix du médicament, mais aussi rationaliser l'organisation des soins en France, à partir des agences régionales de santé.

Par ailleurs, il faut assurer l'égalité des citoyens devant les soins, grâce à la gratuité de l'AME ou à la revalorisation de la CMU, sans parler de la résorption des inégalités territoriales !

Enfin, il faut insister sur la qualité des soins, qui passe par le développement de la prévention et du dépistage précoce. Nous avons multiplié par sept, entre 1997 et 2002, le financement des programmes de prévention. Les grandes politiques de santé publique doivent être menées de manière plus préventive - aliments, environnement, nucléaire...Il faut enfin encourager la contractualisation des professionnels de santé, l'évaluation, la baisse de la consommation de médicaments.

Votre projet est en réalité une triple supercherie. D'abord parce que vous cachez ce que vous avez fait depuis deux ans : un déficit abyssal, des dépenses non maîtrisées, des prélèvements accrus sur les plus défavorisés.

Ensuite parce que vous cachez ce que vous êtes en train de faire : accroître les inégalités et mettre en place une sécurité sociale à deux vitesses.

Enfin parce que vous parlez beaucoup de ce que vous ne faites pas : une résorption du déficit à laquelle personne ne croit, pas même au sein de votre majorité ou de votre gouvernement !

M. Jacques Myard - Quel sectarisme !

Mme Elisabeth Guigou - Votre projet réussit le triste exploit d'être à la fois injuste et inefficace ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre-Christophe Baguet - Je limiterai mon intervention au volet financier du projet.

Pour nous, une réforme doit être efficace économiquement et financièrement, socialement juste, et comprise par nos concitoyens. La partie financement de ce projet de loi ne répond pas à ces critères.

M. Jean-Marie Le Guen - Exact !

M. Pierre-Christophe Baguet - Tout d'abord, votre projet n'est financièrement pas crédible. Face à un régime d'assurance maladie en faillite, il aurait fallu se demander à quels efforts nous étions prêts. Pour toute réponse, on nous propose un plan de financement qui ne résorbera pas le déficit puisque, selon nos projections corroborées par le ministère de l'économie, le déficit cumulé devrait atteindre les 30 milliards d'euros d'ici 2007. Et son transfert à la CADES ne fera que le reporter sur les générations futures qui, en payant nos feuilles de soin, ne pourront pas payer les leurs.

Le Gouvernement nous répond qu'il préfère une maîtrise médicalisée à une maîtrise comptable. N'est-ce pas avouer que ce projet n'apporte aucune solution à court ou moyen terme ? Et l'on peut douter de son efficacité sur le long terme !

Augmenter la CRDS de 0,15 % et prolonger la durée de vie de la CADES jusqu'en 2020 ne sont pas de bonnes réponses, car outre le report de nos difficultés sur les générations futures, il resterait un déficit d'au moins 30 milliards.

L'UDF propose de s'en tenir à la date de 2014 et d'augmenter la CRDS de 0,35 %, ce qui permettrait de résorber le déficit dans les dix prochaines années.

Votre projet est de surcroît socialement discutable.

Du fait de la réduction de l'abattement de la CSG de 5 % à 3 %, l'effort contributif est inégalitaire, et pénalise les plus bas revenus, aussi avons nous proposé un amendement pour substituer à cette réduction une hausse des taux de CSG sauf pour les plus modestes.

Enfin, votre projet est politiquement risqué.

Il y a pire que de ne pas réformer : faire croire que l'on réforme. La majorité présente ce projet comme la grande réforme de l'assurance maladie, alors qu'il faudra à nouveau s'atteler à ce dossier dans cinq ans, voire d'ici la fin de la législature !

Vous le savez tous, l'UDF prônait une véritable réforme dés 2002 !

Sur toutes ces questions, l'UDF a des solutions, nous regrettons que le Gouvernement ne les soutienne pas, mais la discussion est ouverte, n'est-ce pas, messieurs les ministres ?

M. Jean-Luc Préel - Très bien !

M. Gérard Bapt - C'était un discours d'opposition !

M. Jean-Marie Le Guen - C'était un discours juste !

M. Jacques Domergue - Cette réforme représente l'un des deux grands chantiers du quinquennat, et après les retraites, nous avons le courage de nous attaquer à l'assurance maladie, que nos prédécesseurs ont éludé de façon peu responsable.

Certes, la croissance exceptionnelle des années 1999 à 2001 a masqué les dérives de notre système de santé et ses profonds dysfonctionnements. Le Haut Conseil de l'assurance maladie l'a dit, les deux tiers des économies potentielles sont de nature structurelle. C'est à ce moment là que les réformes de structure auraient dû être engagées. Mais rien n'a été fait si ce n'est de dilapider une cagnotte de 50 milliards de francs, ou de plomber définitivement les comptes de l'assurance maladie par la mise en place des 35 heures.

Et aujourd'hui, le déficit s'aggrave de 23 000 € par minute.

La réforme s'articule autour de la responsabilisation des professionnels de santé et des assurés. Dans cet esprit, la contribution de un euro permettra à chaque Français de comprendre que la santé a un coût. Certains prétendent qu'elle entraverait l'accès aux soins, mais je ne peux croire qu'à l'heure où plus de 40 millions de téléphones portables fonctionnent dans ce pays, certains ne puissent pas payer un euro pour aller chez leur médecin !

Vous nous proposez d'exonérer de cette contribution les enfants de moins de 16 ans, les femmes enceintes, et les bénéficiaires de la CMU, mais rappelons nous que nous souhaitons une maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Pourquoi ne pas alors exonérer la consultation en cancérologie plutôt que celle en pédiatrie ? La grossesse est-elle une maladie grave, ou est-ce une façon détournée de relancer la natalité ?

Et l'inflation de la consommation induite par le tiers payant de la CMU sera-t-elle enrayée, si ses bénéficiaires sont systématiquement exonérés du forfait ? Pour une maîtrise médicalisée des dépenses, il faut caler l'exonération sur des critères médicaux ! De nombreux amendements ont été déposés à cet effet. La réforme sera bien acceptée si elle paraît juste. Que certaines catégorie soient exclues de l'effort collectif créera une démotivation qui fera échouer le projet. Les Français doivent s'approprier le slogan de la réforme : dépenser mieux pour soigner mieux ! C'est le seul moyen de gagner le pari de la responsabilisation. La réforme est attendue et comprise. Elle sera réussie si chaque Français voit qu'il contribue à la survie de l'assurance maladie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Vannson - Il existe un véritable consensus sur notre régime d'assurance maladie : la réforme n'est plus une option, elle est devenue un impératif, sauf à ce qu'un des piliers de la cohésion sociale ne se désagrège complètement. Par ailleurs, il n'est pas concevable d'infliger aux générations futures le fardeau de notre santé. C'est pourquoi il faut une réforme ambitieuse et courageuse, qui consolide les principes fondamentaux de notre régime d'assurance maladie. Le premier d'entre eux est l'égalité d'accès aux soins, pour tous et sur tout le territoire. Un autre est la qualité des soins, qui impose des investissements tant en matière de matériel que de recherche. La vocation universelle et humaniste de notre régime est clairement affichée. Nous avons raison d'être fiers de ce système : peu de pays en ont développé un équivalent. Mais il nous faut reconnaître aujourd'hui ses défauts. Il n'est pas soutenable de laisser filer les déficits. La réforme doit assurer le retour à l'équilibre financier et ainsi pérenniser l'assurance maladie à la française.

Un pan important de la réforme doit être l'instauration d'une véritable gouvernance : il faut un pilote, et que le rôle de chacun soit clairement défini. Il faut surtout donner à chacun les moyens d'exercer sa tâche de façon pleinement responsable. Aujourd'hui, l'enveloppe votée par le Parlement est systématiquement dépassée, sans qu'il ait aucun moyen d'action. Cela ne peut pas durer. Quant aux patients, le forfait d'un euro par consultation permettra de leur faire prendre conscience du coût de la santé. Il était également indispensable de créer une structure efficace pour l'évaluation des médicaments : ceux dont l'efficacité est douteuse ne doivent pas être remboursés par la collectivité. Les choix en matière d'assurance maladie doivent être fondés sur des critères réellement scientifiques, dans l'intérêt exclusif de la qualité des soins et de la santé des patients.

Enfin, le système actuel procède d'un choix de société. Notre génération souhaite que ce système perdure, et je m'en réjouis. Mais nous ne pouvons pas laisser les jeunes générations supporter nos choix. Reporter indéfiniment les dettes serait une lâcheté. C'est pourquoi je suis favorable à une augmentation juste et équilibrée des recettes. L'augmentation de la CSG et l'unification des taux, si elles sont inévitables, ne suffiront pas. Il faut _uvrer au remboursement de la dette. Plusieurs solutions sont envisageables, profitons du débat pour les étudier.

Je conclurai avec le thermalisme, thérapeutique à part entière, qui a résisté à l'épreuve du temps et à l'évaluation scientifique moderne. La prise en charge des curistes est très partielle, et leur investissement personnel reste important. Alors que les dépenses globales de santé croissent de 6 à 7 % par an, les dépenses liées aux soins thermaux restent aux alentours de 1,1 %. Les exploitants, le corps médical, les stations elles-mêmes se fixent désormais comme priorité de grands enjeux de société : les pathologies chroniques et invalidantes, l'accompagnement du vieillissement, l'aide à l'autonomie de la personne âgée. Le thermalisme peut donc être perçu comme un véritable outil de prévention et d'éducation sanitaire, en plus de son rôle dans l'aménagement du territoire. Il ne doit pas être sacrifié sur l'autel de la réduction des dépenses ; la réforme doit lui reconnaître une légitimité au sein du système de santé.

Je tiens, Messieurs les ministres, à saluer le travail que vous avez accompli. Vous avez su prendre le temps du dialogue et de la concertation et je suis persuadé que vous vous montrerez aussi ouvert aux initiatives des parlementaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies - L'assurance maladie touche au rapport de chaque Français à la première des injustices : la maladie. C'est un choix politique majeur que de répondre aux attentes de nos concitoyens en la matière, qui aspirent à un système accessible à tous et financé par la solidarité. Nous aurions pu tenir un grand débat sur ce sujet, qui est de l'essence même du politique. Mais ni le contenu de votre projet, ni vos méthodes de communication ne permettent d'éclairer les Français. Vous avez préféré l'esquive et l'approximation.

A plusieurs reprises, le ministre a soutenu que sa réforme avait reçu l'approbation des organisations syndicales. Mais pour la CGT, elle ne répond pas au principal problème identifié par le haut conseil de l'assurance maladie et porte en germe la remise en cause des règles de base de l'assurance maladie. Force ouvrière condamne un projet qui conduit au rationnement des soins et repose sur des mesures financières inacceptables. La CGC craint que l'abaissement des remboursements n'encourage la privatisation et la CFDT estime les propositions sur le financement déséquilibrées et injustes, les recettes nouvelles reposant essentiellement sur les ménages, les salariés et les futures générations. Elle précise même que les méthodes du Gouvernement durant la concertation ne sont pas très compatibles avec le respect des acteurs. Cela ne vous empêche pas de vous présenter en héros du dialogue social !

Vous avez un jour déclaré que le dossier médical personnel ferait économiser sept milliards. Quelques jours après, il ne s'agissait plus que de trois milliards et demi, sans plus d'explications. Vous vous répandiez dans les médias sur l'absence d'augmentation de la CSG pour les salariés, avant qu'on ne découvre que vous aviez élargi l'assiette, mettant à la charge des salariés un milliard supplémentaire. Vous annoncez sans sourciller une économie de 800 millions sur les fraudes aux indemnités journalières, soit 15 % du total de ces dernières. Les statistiques privées évaluent, elles, la fraude à 5 à 6 % ! On comprend mieux pourquoi le ministère des finances chiffre l'économie plutôt à 200 millions ! Etes-vous vraiment fâché avec les chiffres ? Pourtant, le débat qu'attendent les Français est légitime dès lors que les dépenses de santé augmentent plus vite que la richesse produite, ce qui s'explique par le vieillissement de la population et le coût des progrès techniques. La part des dépenses de santé d'un pays n'est pas forcément révélatrice d'un haut niveau de protection : les Etats-Unis y consacrent 13,9 % de leur PIB, mais 25 % de la population y sont dépourvus de toute couverture sociale.

Le déficit de l'assurance maladie a des raisons conjoncturelles, mais aussi structurelles. Les premières tiennent à l'échec de votre politique de l'emploi : comment expliquer sinon que les comptes aient été équilibrés en 2000 et 2001 ? Mais la réflexion sur le mode de financement de la protection sociale reste nécessaire. A sa création, les cotisations patronales, qui constituaient l'essentiel des ressources, étaient considérées comme un salaire différé. Ce contrat social a favorisé notre développement économique et social pendant les décennies du plein emploi. Deux questions le remettent en cause aujourd'hui : la diminution de 10 % en vingt ans de la part des salaires dans la richesse produite et les effets sur l'emploi d'un système qui pénalise d'abord les entreprises de main d'_uvre. Pourrons-nous continuer à financer l'assurance maladie avec des cotisations patronales assises uniquement sur les salaires ? La question concerne autant la politique de l'emploi que la protection sociale. Nous sommes favorables au passage à une assiette sur la valeur ajoutée, qui fera contribuer les entreprises en fonction de la richesse créée. Mais votre projet ignore cette question, tout en pénalisant délibérément les ménages et les salariés.

En matière d'économies, votre principale attente porte sur le dossier médical personnalisé. Vous semblez persuadé d'avoir découvert la poule aux _ufs d'or. Restons lucides ! Doter tous les Français de ce dossier personnel d'ici le 1er janvier 2007 et former et équiper les 300 000 professionnels serait une sorte de miracle. Sur le principe, nous sommes favorables à tout ce qui améliore la prise en charge des malades, mais vous n'avez jamais donné la moindre explication sur la faisabilité technique de cette mesure, ni d'ailleurs sur son coût !

J'insiste sur la nécessaire protection des données personnelles de santé. Dans la loi relative aux droits des malades, nous avions retenu la notion d'hébergeurs agréés, mais l'option que vous semblez privilégier d'un système unique interconnecté change radicalement la donne...

Mme Elisabeth Guigou - Evidemment !

M. Alain Vidalies - Les données personnelles de santé ne sont pas une marchandise. Seul un hébergeur public peut assurer le niveau de garantie nécessaire et il serait notamment inconcevable qu'elles puissent être un jour détenues, au gré des appels d'offres successifs et des cessions d'entreprises, par des sociétés étrangères sur lesquelles la justice française n'aurait pas de prise. Au delà du statut de l'hébergeur, la généralisation du dossier médical personnel poserait un problème de constitutionnalité si vous persistiez dans votre projet de pénaliser les malades refusant de le communiquer.

Depuis le rapport Massé, toutes les études ont confirmé que la sous-déclaration des accidents du travail était une pratique habituelle. Au reste, les statistiques les plus récentes révèlent une augmentation préoccupante des arrêts maladie des salariés en fin de carrière, comme par hasard au moment même où l'Etat commence à refuser de prendre en charge les mesures d'âge dans les plans sociaux.

Vous avez manifestement une vision très sélective des économies à réaliser et le plus choquant, c'est votre décision de reporter sur les générations futures les déficits accumulés. Vous parlez volontiers de courage politique. Mais votre décision de créer une sorte d'impôt sur la naissance pour ceux qui nous succéderont relève plutôt de la fuite en avant. Le courage commanderait de s'attaquer aux puissants - industries pharmaceutiques, entreprises, professionnels de santé -, pas de frapper les plus vulnérables. Or les puissants n'ont rien à craindre de vous !

Votre réforme a vocation à échouer, ne serait-ce que pour vous permettre de justifier votre objectif inavoué qui est de multiplier les déremboursements. Il ne restera plus, à l'automne, qu'à faire adopter la loi organique rendant obligatoire le respect de l'ONDAM. Tout sera prêt alors pour engager une démarche de déremboursements massifs et relever le forfait hospitalier. A la vérité, votre projet tend moins à réformer la sécurité sociale qu'à limiter les dépenses de santé. Toutes vos incantations seront impuissantes à masquer une réalité particulièrement cruelle pour nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Decool - Issu des ordonnances de 1945, notre système d'assurance maladie vise à faire bénéficier l'ensemble de la population de soins de qualité. De fait, les dispositions adoptées au cours des six dernières décennies ont permis de construire un dispositif au sein duquel 92 % des assurés sociaux bénéficient d'une couverture complémentaire.

Nous devons cependant faire face aujourd'hui à un déficit récurrent - le fameux « trou de la sécu » -, lié entre autres facteurs au vieillissement de la population et au progrès médical. L'universalité étant à la base de notre système, il est naturel que chacun concourre à son rétablissement. Certaines dérives sont à endiguer, les bonnes pratiques doivent se généraliser et l'effort de responsabilisation doit concerner tout le monde. Dans ma circonscription, j'ai organisé des réunions publiques riches d'enseignements avec tous les acteurs concernés, de l'assuré au médecin spécialiste. Ces débats ont nourri les réflexions que je souhaite vous soumettre.

S'agissant de l'amélioration du comportement des assurés sociaux et des professionnels de santé, le projet crée le médecin traitant, en vue de prévenir le nomadisme et la répétition injustifiée des actes médicaux. L'intention est louable, mais l'expérience peu concluante du médecin référent incite à la prudence, d'autant que plusieurs questions restent en suspens : à qui s'adresser en cas d'urgence, devra-t-on le consulter systématiquement avant de s'adresser à un ORL ou à un dermatologue ? Je souhaite que la haute autorité de santé puisse trancher sur ces différents points dans les plus brefs délais. Au surplus, les médecins que j'ai interrogés restent sceptiques quant aux économies qu'un tel système permettra de réaliser. Pouvez-vous nous garantir, messieurs les ministres, que la mise en _uvre du médecin traitant contribuera bien à réduire le déficit de l'assurance maladie ?

Pour ce qui concerne le dossier médical personnel - dont nous souhaitons la création au plus vite -, je tiens à faire part des inquiétudes des professionnels de santé quant au risque de dérive qui s'attache à l'informatisation. Il est absolument indispensable de sécuriser le système au maximum.

La responsabilisation des uns et des autres passe aussi par un contrôle renforcé des arrêts de travail et par un durcissement des sanctions encourues, qu'il convient de rendre réellement dissuasives. Tel qu'il nous est soumis, le projet de loi règle une partie de la question, en prévoyant de sanctionner les professionnels prescrivant un nombre manifestement excessif d'arrêts maladie. Parallèlement, les organismes de contrôle doivent être dotés de moyens plus offensifs et le système des indemnités journalières doit évoluer : en supprimant par exemple le délai de carence de trois jours, les arrêts de travail abusifs seraient moins longs.

Confronté à un déficit structurel, notre système d'assurance maladie doit être sauvé en responsabilisant tous les acteurs de la santé, sans porter atteinte si peu que ce soit à la qualité des soins. Tel est bien l'esprit de votre projet de loi. Je vous fais confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Pascale Gruny - Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a dressé récemment un constat préoccupant - mais hélas guère surprenant - sur la situation de notre système de soins. Force est d'admettre que depuis trente ans, les plans de sauvetage qui se sont succédé ne sont pas parvenus à freiner la dégradation des comptes. Mais l'enjeu n'est pas seulement d'ordre financier, et une simple hausse des cotisations sociales n'aurait pas été suffisante. En effet, la situation présente menace la qualité des soins, et c'est à ce titre que la réforme que nous examinons est tout à la fois urgente et indispensable.

Messieurs les ministres, je salue la méthode éminemment participative que vous avez privilégiée pour faire aboutir vos propositions, ainsi que vos engagements réitérés à mettre à profit le débat parlementaire pour améliorer encore votre projet. Je suis convaincue que nos échanges seront profitables à tous les assurés sociaux.

Ce texte nous donne d'abord l'occasion d'introduire plus de justice entre les salariés de ce pays - la majorité s'y emploie du reste depuis deux ans - en contrôlant mieux les arrêts de travail et en sanctionnant plus durement les abus. La sécurité sociale est en effet mise en péril par le comportement irresponsable de certains et le coût de la fraude, supporté par l'ensemble des assurés sociaux, est insupportable. Ainsi, en 2003, plus de 200 millions de journées ont été indemnisées au titre d'un arrêt maladie, ce qui représente une dépense globale de 5,2 milliards et encore faut-il ajouter que 95 % des arrêts de courte durée - inférieurs à trois mois - n'ont pas été contrôlés ! Les effectifs des caisses ne sont du reste pas assez mobilisés sur ces contrôles... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Peut-on s'accommoder du fait que nombre d'entreprises en soient aujourd'hui réduites à engager des sociétés privées pour contrôler les arrêts de travail de leurs salariés ? Au surplus, en cas d'infraction avérée, si l'entreprise cesse de rémunérer son employé, il est fréquent que l'assurance maladie continue de verser les indemnités journalières ! Pour les entreprises - et en particulier pour les PME -, la multiplication des arrêts maladie coûte de plus en plus cher et il est permis de considérer que dans certains cas, ces abus répétés peuvent aller jusqu'à mettre en cause leur existence.

M. Jean-Marie Le Guen - Délirante caricature ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Pascale Gruny - Quant à nos collectivités locales, elles ne sont pas davantage épargnées par ces dérives. Une telle situation ne peut plus durer...

M. Jean-Marie Le Guen - Il faut publier ce discours !

M. Gérard Bapt - Bel exemple, en effet, de gaullisme social ! (« Un peu de respect ! » sur les bancs du groupe UMP)

Mme Pascale Gruny - Il ne s'agit évidemment pas de remettre en cause les droits des salariés, mais si les Français acceptent de faire des efforts, ils n'ont pas à supporter les conséquences de l'irresponsabilité de certains. Le dispositif de sanctions évolutif qui nous est proposé est juste. Les sanctions prévues sont équitables, dans la mesure où elles sont susceptibles de concerner tout le monde, patients, praticiens et entreprises qui abuseraient du système. L'instauration d'amendes administratives permettra de traiter la fraude rapidement et d'opérer un remboursement plus efficace. Quant à la mise sous contrôle des prescripteurs, et, le cas échéant, la suspension pour une période donnée de la possibilité de délivrer des arrêts de travail, elle vise à permettre aux médecins de prendre conscience de leur rôle dans la bonne santé du système qui les fait vivre. De leur côté, certaines entreprises ne doivent plus envisager les arrêts de travail comme une alternative aux préretraites ou au chômage technique.

Il n'y a rien de choquant à vouloir contrôler la bonne utilisation des deniers publics, Les centaines de millions économisés de la sorte permettront d'améliorer la qualité des soins, but ultime de cette réforme. Le renforcement du contrôle des arrêts de travail doit faire évoluer nos comportements, telle est la clef de la réussite de cette réforme. Assurés, professionnels de santé, entreprises, tous nous devons réaliser qu'il est de notre responsabilité de faire vivre ou péricliter notre système de protection sociale dont l'assurance maladie est le c_ur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 23 heures 15, est reprise à 23 heures 25.

Mme Irène Tharin - Aux termes du préambule de notre constitution, « la Nation garantit à tous la protection de la santé ». C'est au général de Gaulle que l'on doit notre système d'assurance maladie, qui nous est envié en Europe et dans le monde, et auquel les Français sont légitimement attachés. C'est dire l'étendue de notre responsabilité : en tant que législateurs, nous avons le devoir de conforter ce régime et ses principes fondamentaux.

Je veux tout d'abord saluer la qualité du travail de la mission d'information présidée par Jean-Louis Debré ainsi que la capacité d'écoute et de synthèse dont vous avez fait preuve, Monsieur le ministre, pour proposer une réforme qui préserve les trois valeurs cardinales de notre système : l'égalité d'accès aux soins, quel que soient le lieu de résidence et les revenus ; la qualité des soins ; la solidarité enfin, pierre angulaire de notre système, qui fait que chacun contribue en fonction de ses moyens et reçoit selon ses besoins.

En 2004, le déficit de la branche maladie devrait atteindre près de 13 milliards, soit deux fois plus qu'en 1995. Que de temps perdu par le gouvernement précédent, qui n'a pas profité de la croissance pour assainir la situation - sans parler des conséquences des 35 heures !

Tirant les leçons de l'échec des plans successifs de maîtrise comptable, ce gouvernement entend responsabiliser l'ensemble des acteurs du système. Du côté de l'assuré, le dispositif le plus innovant et le plus prometteur est le dossier médical partagé, qui permettra d'éviter les prescriptions médicales redondantes ou injustifiées, voire dangereuses, et qui constituera un outil précieux pour lutter contre les abus. Son efficacité suppose un plan ambitieux d'informatisation des médecins et des établissements, publics et privés. Autre condition de réussite : l'assuré ne doit pas être tenu à l'écart des informations contenues dans son dossier médical.

Quant aux professionnels de santé, la réforme les associe à l'amélioration de la qualité des soins, à travers le développement de l'évaluation des pratiques et la définition de protocoles de soins et de référentiels.

Je salue l'amendement adopté à l'initiative de notre rapporteur, président de la commission des affaires sociales, qui va étendre le bénéfice d'une couverture complémentaire à tous nos concitoyens dont les revenus sont de 15 % supérieurs au plafond de la CMU. Cette avancée sociale s'ajoute à la décision récente de modifier le barème de la CMU.

Je voterai donc cette réforme avec enthousiasme, mais je resterai vigilante quant à son application et son suivi, auquel les parlementaires devront être associés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - La maîtrise médicalisée des dépenses passe, nous en sommes tous convaincus, par l'amélioration de l'organisation des soins. Mais dans ce projet, à part le dossier médical partagé, il n'y a rien qui puisse répondre au problème nouveau des maladies chroniques.

« C'est dans le détail que se cache le diable » : en examinant ce texte dans le détail, on découvre l'intention politique d'une médecine à deux vitesses. Je me souviens, dans le débat sur le PLFSS, de l'idée lancée par M. Barrot de séparer « petit risque » et « grand risque »... Dans ce projet, sous couvert de sauver la sécurité sociale, on instaure une assurance maladie à deux vitesses en offrant aux médecins spécialistes la liberté tarifaire.

Vous prévoyez que le spécialistes pourront pratiquer des dépassements d'honoraires pour les patients qui les consultent sans prescription préalable de leur médecin traitant et qui ne relèvent pas d'un protocole de soins. Vous remettez ainsi en cause le principe des filières de soins mises en place par Martine Aubry et Elisabeth Guigou : un bonus ira aux médecins qui ne seront pas dans une logique cohérente d'organisation des soins. Vous allez accentuer les inégalités territoriales, en poussant les spécialistes à s'installer dans les régions riches, où les gens auront les moyens de payer leur consultation.

« La liberté tarifaire n'est pas compatible avec une assurance maladie solidaire » : c'est l'opinion du président de la CNAM, que nous partageons. Renoncez à la liberté tarifaire, Monsieur le ministre, et permettez que les réseaux de soins se généralisent !

Le bilan qui a été dressé des réseaux gérontologiques de la Mutualité sociale agricole montre que l'insertion dans un tel réseau permet une diminution de 30 % des dépenses. Le réseau est plébiscité : 98 % des personnes âgées, 90 % des professionnels de santé et 95 % des assistants sociaux sont satisfaits. Pour responsabiliser les usagers, vous voulez leur demander un euro par visite ; mais dans les réseaux de soins, tous - professionnels, usagers, caisses de sécurité sociale - sont responsabilisés.

Concernant les affections de longue durée, votre seule logique est celle du contrôle des patients, alors qu'une vraie maîtrise médicalisée aurait été de lier ALD et prise en charge dans le cadre d'un réseau de santé ; nous avons déposé des amendements en ce sens.

Claude Evin proposera la création d'une agence régionale de santé, outil d'organisation du système de santé sur un territoire, au sein duquel les réseaux de soins prendront toute leur place. La création d'un conseil régional de santé garantirait la définition démocratique d'une politique de santé pour la région.

Il serait bon de s'inspirer, pour la gestion de notre système d'assurance maladie, du fonctionnement de la Mutualité sociale agricole, même si le nombre de ses ressortissants est sans commune mesure avec celui de la CNAM : élections tous les trois ans, gestion de tous les risques. Vous proposez au contraire une délégation de pouvoir au bénéfice du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie : c'est la croyance en un homme providentiel ... Nous avions proposé pour notre part la mise en place d'un office parlementaire, mais vous l'avez refusé.

Je voudrais, Monsieur le ministre, vous reposer une question lancinante sur la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Cette caisse prendra-t-elle en charge, comme le propose le rapport Briet-Jamet, les soins pour les personnes âgées et handicapées vivant en établissement ? Ce serait ouvrir la voie à une assurance maladie à deux vitesses. Répondre à cette question serait témoigner du respect que vous portez au Parlement, d'autant que cette caisse devrait être mise en place dès demain et que nous ne savons toujours pas ce qu'elle va financer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Le Ridant - En deux ans, tous les sujets qui dérangent depuis vingt ans et que la précédente majorité avait soigneusement esquivés ont été mis sur la table.

Le Gouvernement engage enfin une réforme profonde, au lieu d'un plan supplémentaire de sauvetage à courte vue. Elle pérennise notre système de santé. Refusant à la fois l'étatisation et la privatisation, elle préserve les fondements de notre modèle social universel et solidaire. Elle crée les conditions nécessaires à une meilleure qualité des soins, grâce en particulier à la généralisation du recours à un médecin traitant librement choisi, et aussi à la création du dossier médical personnel. En effet, la connaissance des antécédents médicaux du patient permettra au praticien de prendre les bonnes décisions. Opérationnel d'ici la fin de 2006, ce dossier doit impérieusement demeurer confidentiel, et être mis régulièrement à jour pour rester efficace.

Améliorer la qualité des soins requiert également de responsabiliser davantage l'ensemble des acteurs concernés. Mettons fin au nomadisme médical, et ayons une vision responsable de notre santé. Vice-champions du monde, derrière les Etats-Unis, et champions d'Europe pour la consommation de médicaments, nous devons changer de comportements. Oui, il est possible de soigner aussi bien pour moins cher, et de dépenser mieux. Continuons la promotion des génériques, dans laquelle les pharmaciens s'impliquent fortement, en particulier ceux de mon département. Le bon usage des médicaments passe aussi par un conditionnement mieux adapté aux traitements prescrits, et en quelque sorte sur mesure, comme savent le faire nos voisins.

La responsabilisation de chacun appelle une prise de conscience du coût de la santé. C'est le sens du versement d'un euro par le patient pour chaque consultation. Mais cet effort partagé doit demeurer juste et proportionné. Les mineurs et les femmes enceintes en seront donc exonérés. Je souhaite aussi que cette franchise d'un euro soit plafonnée pour les personnes qui ont réellement besoin de consultations régulières, car l'amélioration de la qualité des soins et la responsabilisation de chacun ne doivent pas s'opérer au détriment de nos concitoyens les plus malades ni des plus modestes. Plus de deux millions de Français ne bénéficient pas d'une couverture complémentaire pour des raisons financières, et se privent parfois de certains soins. Demain, grâce à l'attribution d'une aide à l'acquisition d'une complémentaire, plus personne ne sera exclu de notre système de santé en raison de ses revenus.

Au total, votre projet de réforme est juste et équilibré. Après le temps de la concertation, voici venu celui de l'action parlementaire, qui permettra d'enrichir le texte. Vous pouvez compter sur mon soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Vitel - L'heure est grave ! L'assurance maladie est bien malade. Notre devoir est de la sauver. La crise que nous affrontons est sans précédent, et trouve ses racines dans un consumérisme sans limite, dans l'incohérence d'un système sans pilotage politique, dans le cloisonnement et l'éparpillement des modes de prise en charge. Nous sommes aujourd'hui en présence d'un déficit abyssal. Voici enfin venu le temps de la reconstruction d'un système de santé moderne et d'une assurance maladie équilibrée. Aux oubliettes les plans de redressement du passé et les outils de maîtrise comptable inefficaces ! Voici venu le temps de la responsabilisation, de la rénovation du dialogue, de la mise en adéquation des politiques de prévention et de soin, le temps d'une véritable maîtrise médicalisée des dépenses, d'une médecine où le bon soin est donné au bon moment par le bon acteur, où user n'est pas abuser, où dépenser n'est plus gaspiller.

L'assurance maladie mérite cette réforme courageuse fondée sur une modification des comportements de tous. Pour qu'elle réussisse, les médecins libéraux se trouvent en première ligne. Leur implication est capitale. Aidons-les à retrouver le rôle de pivot de notre système de santé qu'ils n'auraient jamais dû perdre. 78 % des Français plébiscitent les médecins libéraux de ville, dont ils apprécient la disponibilité et la proximité, et qu'ils se félicitent de pouvoir choisir. Ces praticiens sont mobilisés pour répondre à l'appel que nous leur lançons. Cependant, les mesures coercitives dont ils ont été longtemps victimes les avaient démoralisés. A nous de leur rendre confiance. Pour cela, il faut travailler sans attendre à la réhabilitation des systèmes conventionnels, parfaitement adaptés aux rapports entre médecins libéraux et caisses d'assurance maladie. Conçu en 1971 pour améliorer la rémunération et l'accès aux soins, ce dispositif est ressenti aujourd'hui comme un fardeau. Relançons le processus, en réfléchissant, par le dialogue et l'écoute, sur le meilleur mode de convention. Cette question est capitale, car elle orientera de façon irréversible les relations entre les praticiens et les caisses.

La mise en place de la tarification à l'activité est tout aussi importante. Nous sommes nombreux à souhaiter qu'elle soit accélérée. La réforme de la nomenclature des actes techniques devrait entraîner une revalorisation des actes et des spécialités les moins rémunératrices. Déjà un dépoussiérage a permis de passer de 1 700 actes dans la nomenclature générale des actes professionnels à plus de 8 000 sur la nouvelle classification commune des actes médicaux. Il faudra poursuivre avec la hiérarchisation des actes et l'évaluation du coût de la pratique. Une réforme des consultations ou des actes cliniques est également nécessaire, afin de faire reconnaître la véritable valeur des actes effectués par les praticiens.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la Santé et de la protection sociale. Très bien !

M. Philippe Vitel - Donnons-nous des moyens à la hauteur d'une réforme de la nomenclature si longtemps attendue. Nous sommes sur la bonne voie, celle de la qualité, de la responsabilité, de la compétence et de l'équilibre. Notre assurance maladie a besoin d'un lifting. Rendons-lui ses vingt ans ! Nous aurons alors fait _uvre utile (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CLÔTURE DE LA SESSION ORDINAIRE
DE 2003-2004

M. le Président - Nous sommes arrivés au terme de la session ordinaire.

Au cours de la première séance du mardi 29 juin, il a été donné connaissance à l'Assemblée du décret du Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 1er juillet.

Conformément à l'ordre du jour fixé par la Conférence des présidents du mardi 29 juin, la prochaine séance va avoir lieu dans quelques instants pour poursuivre la discussion du projet relatif à l'assurance maladie.

La séance est levée à minuit.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,
            François GEORGE


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