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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 4ème jour de séance, 7ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 7 OCTOBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX
      -deuxième lecture- (suite) 2

      MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 8

      AVANT L'ARTICLE PREMIER 14

      ARTICLE PREMIER 14

      ARTICLE PREMIER BIS A 21

      ARTICLE PREMIER TER 22

      ARTICLE PREMIER QUATER 22

      ARTICLE PREMIER QUINQUIES A 23

      APRÈS L'ARTICLE PREMIER QUINQUIES 23

      ARTICLE PREMIER SEXIES A 24

La séance est ouverte à neuf heures trente.

DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX
-deuxième lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

M. le Président - Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

M. Robert Lecou - Il y a un siècle, la France vivait un exode rural dont il est aujourd'hui possible de mesurer les conséquences : les Français, en se rapprochant de la ville, se sont rapprochés de la modernité et du progrès, mais la désertification et l'hyper concentration se sont également accentuées. Ainsi, le monde rural se trouve parfois aujourd'hui dans l'abandon, et dans les villes et les banlieues, le déracinement et l'isolement ont entraîné mal-être, perte de qualité de vie, stress et délinquance.

La ruralité est un atout précieux pour l'équilibre et le développement de la France. Si les habitants des territoires ruraux sont attachés à leur qualité de vie, la ruralité est également au service des citoyens désireux de retrouver leurs racines. Le tourisme vert, les gîtes ruraux, les marchés traditionnels sont en vogue et revivifient l'économie de nos campagnes. La ruralité est au service de notre économie, car si la France est la première destination touristique au monde, elle le doit aussi à ses campagnes qui font également vivre son agriculture et son secteur agro-alimentaire.

La ruralité peut être un moteur de notre économie grâce à l'implantation de pôles de compétitivité et d'attractivité. Le développement des services, de l'artisanat et du commerce complètera ce dispositif.

La ruralité est enfin un atout indispensable au maintien d'un écosystème équilibré.

Ce témoignage et cette espérance ne sont pas étrangers à la 4ème circonscription de l'Hérault dont je suis l'élu et qui, avec ses 129 communes, est représentative de ces espaces « entre ville et campagne » : des villages ont été réinvestis, des lotissements se sont créés, mais la reconquête est parfois anarchique et les équilibres sont souvent instables. La loi que vous proposez est donc particulièrement nécessaire, mais ses résultats seront-ils à la hauteur des enjeux ? Oui, si des objectifs clairs sont dessinés, si une véritable volonté politique d'aménagement du territoire prolonge la démarche du Gouvernement , si des moyens sont débloqués.

La proximité est un maître mot en la matière et les efforts d'amélioration des moyens de communication sont essentiels, tout comme le développement des technologies de l'information. La proximité, ce sont également des services publics structurants : il importe donc de trouver le juste équilibre entre une nécessaire rationalisation et leur indispensable présence. Nous devons être enfin particulièrement attentifs aux pôles de santé, qui doivent être renforcés.

La politique d'aménagement du territoire doit s'appuyer sur la revitalisation des zones rurales, mais aussi sur le maillage de la France par des villes moyennes et la prise en compte de la situation difficile de territoires fiscalement pauvres alors que leurs besoins sont importants. Il conviendra de mobiliser, avec l'Etat, l'ensemble des partenaires de la ruralité, et notamment les collectivités territoriales et les corps intermédiaires.

Nous devrons mobiliser des moyens européens afin que les habitants des zones rurales ne ressentent pas l'élargissement comme une injuste concurrence. L'Etat doit également mettre en œuvre une péréquation financière novatrice et des mesures fiscales incitatives. Enfin, les collectivités territoriales doivent elles aussi dégager un certain nombre de ressources.

Concernant un secteur particulier, la chasse, il faut soutenir les dispositions équilibrées proposées par le Rapporteur qui rendent à ce sport et à ce loisir toute sa dimension sociale et culturelle et qui reconnaissent la responsabilité des institutionnels de la chasse, acteurs et partenaires de l'environnement.

Chasse et environnement sont conciliables, comme le sont vin et santé. Je soutiens à ce propos l'amendement relatif à une possibilité de communication plus juste sur les vins...

M. Jean-Paul Garraud - Très bien !

M. Robert Lecou - ...production emblématique de notre pays et partie intégrante de notre culture.

Cette loi favorisera le développement des territoires ruraux. Avant l'examen du budget et de la loi de cohésion sociale, j'espère des mesures financières d'accompagnement en faveur d'une ruralité qui participera toujours à l'équilibre de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - En première lecture, j'ai eu l'occasion de saluer la nomination d'un ministre chargé des affaires rurales ainsi que la volonté gouvernementale de déposer un projet de loi consacré aux territoires ruraux. Je salue aujourd'hui la nomination d'un secrétaire d'Etat aux affaires rurales et d'un secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire.

Vous proposez un dispositif incitatif en faveur des territoires ruraux : je me félicite d'un texte qui appréhende de façon pragmatique les difficultés que rencontrent les acteurs de nos territoires et qui répond à leurs attentes. Il nous revient du Sénat enrichi par de nombreuses propositions puisque de 76 articles, nous passons à 200.

Je note avec satisfaction l'affirmation de la solidarité nationale en faveur des territoires ruraux et je salue la création d'une conférence annuelle sur la ruralité, idée qui m'était chère. Je souhaite à ce propos qu'un rapport soit présenté au Parlement chaque année. Enfin, je me félicite de la réaffirmation et du renforcement des zones de revitalisation rurales.

Cela étant, au moment où la Commission européenne vient de faire connaître les grandes orientations politiques en faveur des territoires et où les objectifs 1, 2 et 3 sont appelés à disparaître, il me semble utile de rappeler la cohérence entre ZRR et objectifs communautaires. Une affirmation législative permettrait d'éviter les bévues que nous avons connues avec la majorité socialo-communiste il y a quelques années, qui a exclu la Lozère, classée en totalité en ZRR, de la PAT.

Je soutiens l'article 39 bis qui, à l'initiative du sénateur Blanc, prévoit la possibilité pour les communes ou leurs groupements de financer le maintien d'équipements sanitaires en conformité avec les orientations de l'ARH. J'attends également des avancées plus significatives en matière d'installations et de maintien de tous les professionnels de santé dans les communes situées en ZRR.

Concernant les loyers communaux inférieurs aux 4% du prix de revient hors taxes, mon amendement cosigné par MM. Auclair, Cosyns, Favennec, Dupont et Soulier a été adopté en première lecture. La commission des affaires économiques vient, après le rejet du Sénat, de le proposer à nouveau. J'ai noté que ce sujet soulève des problèmes sur un plan communautaire, mais il convient de trouver une solution afin de ne pas mettre en péril les entreprises locataires, notamment dans le cas du maintien ou de la création de services indispensables à la population rurale et en cas de carence de l'initiative privée. Je vous demande, Monsieur le ministre, un vif soutien.

Concernant l'adaptation de la réglementation sur le repos compensateur en période hivernale, qui soulève un problème pour les agents communaux chargés du déneigement, des avancées ont été obtenues en commission.

Les petits métiers artisanaux de proximité disparaissent peu à peu, notamment en raison d'une réglementation trop lourde. Leur maintien implique l'application d'un régime allégé.

Enfin, vous avez annoncé la réunion de groupes de travail sur des questions diverses. J'espère que vous pourrez nous éclairer sur l'avancée de travaux qui permettent d'une part de distinguer ce qui relève des domaines législatif et règlementaire et d'autre part d'apporter un certain nombre de solutions pratiques : financement des chambres d'agriculture, urbanisme, pluriactivité...

J'espère que vous accompagnerez les demandes récurrentes des parlementaires de la montagne et de la ruralité, et notamment de l'ANEM. Je vous remercie d'ores et déjà pour le travail accompli (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Gaubert - Permettez-moi une lapalissade : si l'espace rural est une chance pour la France, il existe des divergences entre ceux qui considèrent le milieu rural comme un lieu de vie, d'activité et d'équilibre, et ceux qui le considèrent comme un lieu de détente, de repos, voire de retour aux sources et souhaiteraient, à l'heure de la retraite, retrouver un territoire tel qu'ils l'ont quitté. Mais c'est une erreur de penser que la nature est immuable et d'oublier que les arbres naissent, grandissent et meurent. Loin d'être interdits, les changements doivent dans nos campagnes y être orientés, voire provoqués.

Il y a conflit aussi entre ceux qui souhaitent devenir agriculteurs et ceux qui, cessant leur activité, deviennent plus spéculateurs que producteurs et s'engraissent sans vergogne sur le dos des jeunes qui veulent s'installer. On note une déprise agricole pour certains territoires, une pression foncière pour d'autres, en particulier autour des milieux urbains.

Il fallait donc sans doute une loi, et nous la voici. Mais que changera-t-elle vraiment?

Quelques gouttes d'huile sont les bienvenues, des sécurisations juridiques étaient nécessaires. Mais les moyens manquent cruellement. Personne ne contestera, pas même dans la majorité, que l'argent n'est pas au rendez-vous. Certes, les collectivités locales vont pouvoir agir et multiplier les exonérations fiscales. Mais ce n'est guère qu'une solidarité entre les pauvres qu'on organise.

Si du moins le Sénat avait conservé les avancées de la première lecture...Mais il semble bien - mon collègue Brottes l'a excellemment démontré - qu'elles n'aient été consenties que pour passer le cap des élections régionales et cantonales.

M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Cela nous a bien servis !

M. Jean Gaubert - Et pendant les travaux, la liquidation continue ! Les perceptions disparaissent, la Poste se réorganise, tout cela au nom d'une logique qu'on peine à comprendre. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir, en interrogeant les responsables du Trésor public dans mon département, qu'ils ne tenaient pas de comptabilité analytique !

Ajoutons à cela les effets désastreux pour le milieu rural, où les transports publics sont quasiment inexistants, de la hausse des prix des combustibles,en particulier des carburants. Vous devriez réfléchir à un retour à la TIPP flottante ; l'argument de la baisse de la consommation n'est pas recevable dans nos régions rurales.

Mais le milieu rural n'est pas qu'un espace de lamentation. C'est un espace de vie, où les habitants doivent se déplacer, organiser la garde de leurs enfants dans des conditions bien plus difficiles qu'en milieu urbain, où la création et la diffusion culturelle ne doivent pas disparaître. Or sur ces sujets, il n'y a rien du tout, hormis peut-être la chasse, « élément de culture ancestrale ». Soit, Monsieur le rapporteur, mais nombre de nos concitoyens ont d'autres aspirations culturelles !

On nous renvoie à une loi de modernisation agricole pour entretenir l'espoir. Mais la réalité est que ce texte ne changera pas grand-chose dans nos campagnes.

En écoutant mes collègues hier soir à cette tribune, je n'ai pu m'empêcher de penser : « C'est beau, la foi ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Louis Cosyns - A l'heure où débute l'examen en deuxième lecture de ce projet de loi, je voudrais souligner son importance, mais aussi celle du projet de loi de modernisation agricole dont vous venez, Monsieur le ministre, de mettre en place le comité d'orientation. Vous nous l'avez annoncé en première lecture, un certain nombre de nos préoccupations y seront abordées, en particulier ce qui touche à l'organisation des structures et à l'activité d'organismes coMme les SAFER. Aujourd'hui, il est de plus en plus difficile de trouver dans nos campagnes un médecin, une infirmière, un kinésithérapeute, un vétérinaire. Ce problème n'est pas anodin : il ne peut être résolu qu'à moyen ou long terme, le temps de formation étant très long. La santé est pourtant un droit auquel chacun de nos concitoyens, de la plus petite à la plus grande commune, doit pouvoir accéder. Avec des incitations à l'installation, on peut certes espérer pallier temporairement les déficits, mais cela n'est pas suffisant. Il faut mener une politique volontariste qui permette un véritable aménagement du territoire, même s'il faut pour cela créer des zones franches sanitaires permanentes en zone rurale.

Nos concitoyens s'inquiètent aussi du maintien des services publics dans nos campagnes. Il n'est pas un jour sans que trésoreries, bureaux de poste, hôpitaux de proximité se trouvent menacés. Les habitants des territoires ruraux paient pourtant des impôts comme ceux des villes. La réorganisation indispensable engagée dans un certain nombre de services publics doit être expliquée clairement à nos concitoyens. Les solutions proposées doivent prendre en compte leurs préoccupations et être définies en concertation avec eux, avec les élus et les responsables économiques, sans quoi notre pays risque de se scinder entre une France des villes où l'on vit la semaine et une France de la campagne où l'on se retrouve en fin de semaine. Cela sera coûteux, mais on ne peut mener une politique de développement et d'aménagement du territoire harmonieuse sans moyens.

Il conviendra également de réfléchir au développement des activités économiques, agricoles ou non, dans nos zones rurales. Il y faut certes des infrastructures, mais il y faut aussi les conditions nécessaires au développement d'activités créatrices de valeur. Nos PME et nos PMI doivent pouvoir compter sur les services de l'Etat pour se développer, car les disparitions d'entreprises et d'emplois en zone rurale ont de lourdes conséquences sur l'économie et la vie locales. Ces conséquences, il revient à l'Etat de les prendre en charge. On doit pouvoir entreprendre en zone rurale, et pas seulement dans le secteur touristique. Les contrats de plan Etat-région doivent permettre de mobiliser les énergies vers des objectifs communs, en associant les territoires ruraux et les villes.

Si nous voulons conserver des zones rurales dans lesquelles il est agréable de vivre et d'entreprendre, nous devons définir et appliquer une politique volontariste, avec une communication adaptée à nos interlocuteurs. Prendre des mesures fortes et efficaces est bien l'objectif des amendements que nous vous présentons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Paul Garraud - S'il est un domaine étroitement lié à l'évolution des territoires ruraux, c'est bien celui des territoires ruraux viticoles, auxquels je suis particulièrement attaché.

Ce débat est très attendu, et je vous remercie,Messieurs les ministres, ainsi qu'Hervé Gaymard, pour votre écoute attentive sur ce sujet.

A l'étude depuis longtemps, ce dossier a récemment donné lieu à un livre blanc dont de nombreuses propositions seront, je l'espère, reprises par le Gouvernement.

Le temps de l'action est venu.

Le monde viti-vinicole est très impatient,d'abord parce qu'il s'agit de préserver un des secteurs essentiels de notre économie et de notre ruralité, ensuite parce que des considérations sociologiques, historiques et culturelles font de lui un fleuron de notre patrimoine national.

Les causes de la crise de la viticulture sont complexes. Ce débat ne les résoudra pas toutes. Mais il faut que lorsque sera examiné l'amendement tendant à modifier à la marge la loi Evin, une volonté politique claire s'affiche pour combler un vide juridique particulièrement injuste.

A travers cette modification juridique indispensable, c'est bien une reconnaissance de l'Etat que nos viticulteurs attendent. Ils ont aujourd'hui le sentiment d'être perçus comme les fabricants d'un produit nocif pour la santé publique : le vin subit l'amalgame avec l'alcool, le tabac et le cannabis !

Au nom du sacro-saint principe de précaution, ne risque-on pas de voir prochainement figurer sur les bouteilles de vin des messages prévenant les femmes enceintes des dangers redoutables que leur ferait courir ce produit ? Opposez-vous fermement à ces dérives qui méconnaissent la réalité et se heurtent au simple bon sens !

Une députée me racontait récemment que pour éviter des difficultés rencontrées au cours de ses précédentes grossesses, son gynécologue lui avait conseillé - pour ne pas dire prescrit - de boire un verre de vin à chaque repas. Alors qu'elle ne consommait pas de vin jusqu'alors, elle s'est exécutée et sa grossesse s'est, contrairement aux précédentes, fort bien déroulée !

Nous connaissons tous des cas où des médecins, notamment des cardiologues, ont conseillé à leurs patients de consommer modérément du vin.

Une étude présentée aux derniers entretiens de Bichat, réalisée sur 36 583 hommes d'âge moyen et en bonne santé, confirme l'effet bénéfique du vin chez les hommes atteints d'hypertension artérielle. Les buveurs modérés présenteraient ainsi un risque de mortalité inférieur de 23 à 37 % à celui des abstinents.

Le ministère de la santé britannique vient, quant à lui, de prendre position en indiquant que les femmes enceintes peuvent boire sans risque jusqu'à deux verres de vin par jour.

Si nous, Français, sommes le seul peuple à inscrire sur les étiquettes de nos bouteilles de telles inepties, nous achèverons une profession déjà en plein désarroi. Ne faudrait-il pas plutôt faire figurer ces messages d'alerte sur les bouteilles de sodas sucrés dont la consommation provoque de multiples dégâts ?

La modification technique de la loi Evin prévue par la commission, qui reprend l'essentiel d'un amendement sénatorial inspiré de ma proposition de loi, n'encourage en aucune façon l'alcoolisme. Bien au contraire, il s'agit d'autoriser une publicité collective donnant une information sur un produit de qualité dont la consommation peut parfaitement être modérée. Comment admettre que les interprofessions viticoles ne puissent pas communiquer sur le vin alors qu'elles ont été créées à cette fin ? Comment admettre que cette interdiction résulte simplement du silence de la loi sur ce point ? En effet, la loi Evin n'ayant pas prévu cette communication collective, celle-ci est tout bonnement interdite.

Comment admettre d'ailleurs que les restrictions existent pour le vin, mais non pour les boissons alcoolisées ? Les publicités pour whiskies, vodkas ou bières s'étalent sur les écrans ou dans les journaux alors que le simple slogan du conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux « boire moins pour boire mieux » a été condamné !

Le vigneron, passionné par son métier, est soudé à son terroir et à ses traditions. Son savoir et sa culture sont enviés dans le monde entier. Son travail de qualité nous permet de vivre des moments de convivialité. De précautions en interdictions, nous n'arriverons qu'à désespérer et déresponsabiliser nos concitoyens, au lieu de leur permettre de mieux choisir les meilleurs produits. Le vin fait partie intégrante de la culture de notre pays et de son histoire. Préservons son avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Quel plaidoyer !

M. Jean Launay - Malgré son titre, les orientations de ce texte sont bien éloignées du « développement des territoires ruraux ». Sur le plan politique d'abord, l'incertitude financière dans laquelle vous tenez les collectivités territoriales ne peut que leur nuire. Le problème du financement du plan Borloo est tout aussi révélateur : le Gouvernement entretient un rideau de fumée en renvoyant à une solidarité des collectivités locales entre elles, tout en organisant le retrait financier de l'Etat. Le débat sur la cohésion sociale apparaît de plus en plus comme urbain : les zones rurales vont être une fois de plus marginalisées. Quant aux services publics, l'incertitude prévaut plus que jamais. Nous avions tenté de juguler la fermeture des classes en zone de revitalisation rurale avec l'article premier undecies du projet, mais le Sénat l'a supprimé. La majorité annonce un jour la nécessité de fermer 6 000 bureaux de poste et le lendemain son souci de maintenir un réseau dense sur le territoire.

Sur le plan économique, la désindustrialisation et les délocalisations touchent aussi les territoires ruraux. La suppression par le Sénat de l'article 1 ter, qui imposait le remboursement des aides pour les entreprises qui délocalisent leur activité durant la période de soutien, est un recul, voire une provocation. Dans le domaine touristique, vous utilisez le levier fiscal, toujours au motif de favoriser l'investissement et l'initiative. Mais si les dispositions relatives aux travaux de réhabilitation sont étendues à l'ensemble du territoire, les investissements à caractère touristique ne profiteront plus aux zones de revitalisation rurales.

Dans le domaine de l'environnement, il y a loin entre vos affirmations sur le développement durable et votre texte, après son passage à la moulinette par le Sénat : amoindrissement de la reconnaissance de l'agriculture biologique, marche arrière sur tous les amendements relatifs à la production trufficole que j'ai présentés, qui étaient largement soutenus par votre majorité, limitation des moyens d'action du Conservatoire du littoral, distinction entre des catégories de zones humides contraire au bon sens, qui exige qu'on prenne en considération le bassin versant...

Dans le domaine de l'organisation sociétale, l'inspiration libérale du Gouvernement se traduit partout : vision économique de la chasse, suppression, au Sénat, de la prise en compte des logements des travailleurs saisonniers dans les programmes de construction des stations de tourisme, réduction par le même Sénat des contraintes que nous avions voulu instaurer sur l'extension des grandes surfaces...

Nous reprendrons donc notre travail avec l'esprit le plus constructif possible, mais sans véritable illusion après les reculs enregistrés au Sénat sur un texte qui n'apportait déjà aucun souffle nouveau pour les territoires ruraux. Nous sommes bien loin de la déclaration de la Conférence européenne sur le développement rural de Cork, et la France rate encore une bonne occasion d'entraîner derrière elle ses voisins et de faire prendre en Europe un nouveau départ au développement rural (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Daniel Spagnou - Les 2500 amendements parlementaires ont produit dans ce texte des avancées significatives pour l'avenir de la ruralité et de la montagne. Ainsi que l'a déclaré le Président de la République, « le monde rural a été oublié trop longtemps ». Il est juste de rendre hommage au Gouvernement qui a compris l'ampleur des problèmes et cherché des solutions. La France rurale n'a plus le sentiment d'être abandonnée : cela faisait 25 ans que ses élus attendaient un signe d'intérêt ! Je remercie les ministres de l'agriculture et l'aménagement du territoire pour le travail qu'ils ont accompli.

Elu d'un département de montagne, j'applaudis à la reconnaissance du pastoralisme et de la spécificité montagnarde. En ce qui concerne le loup en revanche, même si le geste du ministre de l'agriculture à Sisteron a calmé les esprits, de nouvelles attaques ont plongé, cette semaine, des bergers et des éleveurs dans la détresse. Il faut trouver de nouvelles solutions, car le dernier plan loup est inefficace et coûteux.

Ce projet de loi va dans le bon sens. Je souhaite que le projet de loi de modernisation agricole, prévu pour 2005, affirme la volonté du Gouvernement d'aller plus loin dans sa reconnaissance du monde rural, afin que tous ses acteurs, qui contribuent à la richesse de notre territoire, puissent considérer qu'ils n'ont pas été floués. J'affirme également une nouvelle fois la nécessité de maintenir des services publics efficaces et en nombre suffisant dans les zones rurales et de montagne. Il en va de leur survie. Chaque fois que l'on supprime une bureau de poste, une école ou une perception, on anéantit les efforts de développement engagés par la collectivité. Nous ne pouvons nous satisfaire de décisions basée sur la stricte rentabilité. Nous lui préférons la solidarité nationale.

Mon département est particulièrement touché par ce que j'appelle le « déménagement du territoire ». J'applaudis à la mise en place par le Gouvernement de groupes de travail sur l'agriculture, l'emploi, l'aménagement foncier ou l'urbanisme par exemple, qui permettront de faire avancer notre pays dans le XXIe siècle. En revanche, les critiques de l'opposition me semblent injustes et malvenues. Pourquoi, en cinq ans de gouvernement, n'a-t-elle pas proposé une loi sur la ruralité et la montagne ? Il est plus facile d'être démagogue que constructif ! Jean Lassalle a parfaitement souligné, hier, le courage et le mérite dont font preuve les ministres (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales - Au nom de M. Gaymard et de M. de Saint-Sernin, je voudrais apporter quelques réponses à ces interventions, particulièrement riches pour une deuxième lecture. J'ai bien noté que des ajustements sont souhaités dans le domaine des zones de revitalisation rurales, de la montagne, de la chasse et du vin par exemple. Les groupes de travail qui ont été constitués ont permis d'avancer beaucoup entre les deux lectures. Je remercie particulièrement les parlementaires qui ont tenu des discours très positifs sur le monde rural. Le Gouvernement y est très sensible. Sachons regarder enfin les campagnes comme une chance ! Il faut défendre cette vision contre le pessimisme exprimé notamment par MM. Chassaigne ou Brottes, lequel a formulé des critiques quelque peu excessives envers le Sénat, eu égard à tout ce que ce dernier a accompli pour enrichir et simplifier le texte.

M. Gaubert s'écriait à l'instant : « C'est beau, la foi ! » Eh bien, justement, le Gouvernement a la plus grande foi dans le monde rural, et il tient à vous la faire partager. C'est pourquoi il a, lui, proposé un texte sur le monde rural, qui fait partie d'un ensemble d'outils mis en œuvre depuis deux ans pour donner aux territoires ruraux les moyens d'avancer et de mettre leurs atouts et leurs richesses en valeur. Sortons d'une vision misérabiliste ! Jean Launay s'est montré très pessimiste, à propos des services publics notamment, mais je dois remarquer que, dans mon département d'origine, les premiers regroupements de trésoreries ont été accomplis bien avant que ce Gouvernement soit au pouvoir, et qu'il y a toujours eu des adaptations de la carte scolaire. Une vision positive, constructive, voilà ce que propose le Gouvernement. Au passage, vous nous accusez d'avoir fait marche arrière sur la truffe. Ce n'est pas vrai, le Sénat a fait progresser les choses.

Nous avons bien noté vos remarques et certaines positions fermes de l'Assemblée nationale et nous sommes tout à fait disposés à les prendre en compte lors de cette deuxième lecture. Nous travaillerons ensuite rapidement aux décrets d'application, pour donner toutes ses chances au monde rural. Un mot encore sur la crise des fruits et légumes : nous avons bien entendu votre appel, et si Hervé Gaymard n'est pas avec nous ce matin, c'est qu'il travaille avec les producteurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission.

M. Henri Nayrou - Le renvoi en commission demandé par le groupe socialiste est de bon sens. En effet, en première lecture vous avez manqué le rendez-vous avec la ruralité, affectée par une crise grave ; c'est dans la précipitation qu'a été organisée cette deuxième lecture ; enfin, le texte est si insuffisant qu'il faut le remodeler patiemment, sereinement, ce qui exige de revenir en commission.

Ce projet manque d'une vision politique pour les territoires ruraux du XXIème siècle et il manque de moyens. La ruralité méritait mieux. Comment s'étonner dès lors que l'accueil ait été si tiède ? Comment s'étonner que notre collègue Lassalle, hier soir, ait eu des accents si pathétiques ? Nous nous étonnons en revanche de l'autosatisfaction des quatre ministres qui nous ont chanté l'air « la ruralité est sauvée » !

En janvier dernier, le Gouvernement déclarait l'urgence sur ce texte, en raison peut-être de la proximité d'élections qui s'annonçaient délicates. J'avais alors changé de commission pour travailler sur cette ruralité qui est à la fois mon espérance et mon chagrin et j'avais été sidéré par le peu de respect manifesté aux membres de la commission...

M. Yves Coussain, rapporteur - Vous êtes le seul.

M. Henri Nayrou - La machine s'était emballée. Les amendements défilaient à grande vitesse, tantôt sectoriels, tantôt de circonstance, pour ne pas dire de circonscription, tantôt génériques et tantôt généreux. Dans ces conditions, l'examen en séance publique a tenu, effets de manche en plus, de la réunion de commission ou de groupe de travail. Pour justifier cet empressement, le Gouvernement annonça qu'il laisserait les parlementaires prendre tout leur temps au cours de la seconde lecture - forcément moins urgente puisque les échéances électorales seraient lointaines.

Cette promesse se révéla vaine, et c'est la deuxième raison pour voter le renvoi en commission. En effet, ce texte a été inscrit au deuxième jour de la session, la commission a travaillé dans des conditions inacceptables, nos amendements ont été systématiquement rejetés, malgré une inflation due au nombre d'articles. Des membres de la majorité exprimèrent la même frustration que nous. Finalement, nous avons travaillé de nouveau dans la précipitation. Le Gouvernement préfère-t-il donc faire voter un texte décousu pour alléger un ordre du jour surchargé ? Quant à l'unique réunion de la commission compétente, mieux eût valu la fixer un autre jour que le 29 septembre, au milieu des journées parlementaires des groupes.

M. Yves Coussain, rapporteur - La veille.

M. Henri Nayrou - Le refus de nos amendements, notamment sur la montagne, donnait ce même sentiment qu'on voulait « expédier » le texte. En revanche, l'inflation du nombre d'articles accentuait l'impression de fouillis, puisque de 76 à l'origine, on en était à 179 après l'examen par l'Assemblée, et 198 après passage au Sénat, qui a voté conformes 61 articles, en a supprimé 30 mais en a ajouté 49 autres, sur lesquels nous serons des censeurs plus magnanimes que nos collègues du Luxembourg.

Enfin, s'il faut revenir en commission, c'est que depuis le début, au lieu de définir un grand dessein pour monde rural, dont M. Gaubert vient de rappeler qu'il est une chance pour la France, de définir une grande ambition pour des territoires promis à un bel avenir face aux excès de la concentration urbaine et à l'exigence de qualité de vie, le Gouvernement et sa majorité ont joué petit bras, cédé à tous les lobbys, empilé les mesures parfois judicieuses...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Enfin !

M. Henri Nayrou - ...mais finalement disparates, multiplié les cavaliers, pour aboutir à un ensemble qui n'est guère à même de remobiliser les ruraux.

En première lecture, je m'étonnais du nombre d'articles consacrés à l'agriculture, alors qu'était annoncée une loi de programmation sur ce sujet. Il en va de même pour la chasse, qui aurait mérité un projet spécifique. Et comment ne pas rêver d'une nouvelle mouture de la loi montagne, vingt ans après, au lieu de quelques amendements grappillés ça et là, comme si la montagne pouvait survivre à coup d'expédients, avec le tourisme d'été et de week-end ? Finalement, ne nous étonnons pas que la presse, hier, se soit contentée pour présenter ce projet « rural » de parler de la viticulture !

Une loi sur la ruralité du XXIème siècle ne saurait être un conglomérat de mesures sectorielles, si justifiées soient-elles.

Une loi sur la ruralité aurait dû préparer l'avenir de millions de Français qui veulent vivre loin des villes en assurant l'égalité des citoyens sur tout le territoire. Elle aurait dû accompagner cette tendance de fond qui fait qu'on ne peut plus parler désormais de 20 % de ruraux qui vivent sur 80 % du territoire mais bien, selon l'INSEE, de 40 % de nouveaux « rurbains » qui occupent 60 % de l'espace national. Ces derniers veulent savoir ce que le Gouvernement leur propose pour l'emploi, les services, le logement, l'accès au haut débit.

M. André Chassaigne - C'est là l'essentiel.

M. Henri Nayrou - Là plus qu'ailleurs il faut inventer, organiser développement économique, services publics, logement, transports, désenclavement. Où sont vos projets ? Ils sont absents faute de volonté politique, faute de moyens aussi, car le monde rural a besoin de l'argent public pour compenser ses handicaps, et votre dogme libéral, c'est la loi du plus fort sur le marché. Mais rural ne peut rimer avec libéral.

M. André Chassaigne - Très bien !

M. Henri Nayrou - Sans intervention publique, le déclin économique se poursuivra. En mai 2003, Augustin Bonrepaux avait proposé de doter les secteurs ruraux en forte déprise de zones franches similaires à celles des banlieues en difficulté. Refusé ! Pourtant, la discrimination positive est bien la méthode la plus efficace pour créer de l'emploi là où il n'y en a plus. M. Coussain se félicite de ce que les zones de revitalisation rurales soient alignées sur les zones franches urbaines. Il pêche par excès d'optimisme, car cela n'a pas la même portée.

Quant aux services publics, ils devraient être les piliers du développement rural et l'Etat, garant de la solidarité territoriale, devrait jouer tout son rôle dans ce domaine. Mais cela a un coût, que vous ne pouvez assumer, en raison des difficultés financières dans lesquelles vous vous êtes empêtrés.

Pour ne rien arranger, le Sénat est revenu sur les quelques acquis de notre Assemblée en supprimant les articles 37 A à 37 E qui garantissaient le maintien et l'égalité devant les services publics. Ces articles ont été remplacés par un article 37 F nouveau qui nous paraît passablement insuffisant : si l'idée de faire du préfet le pivot de la procédure d'alerte et de concertation va dans le sens du rapport que j'ai rédigé en 2001 pour la Délégation à l'aménagement du territoire, ce dispositif a un caractère par trop défensif et a déjà fait la preuve de son inefficacité.

Deux grands principes doivent guider la politique relative aux services publics : tous doivent avoir un égal accès à ceux-ci et il faut se garder de toute référence systématique à une notion de rentabilité. La gestion de ces services suppose à la fois des actes de solidarité territoriale et sociale, le respect de choix de vie des citoyens, le souci de l'aménagement du territoire et la volonté de rendre espoir.

De cela, je prendrai quatre exemples. Le premier a trait au nouveau profil sociologique du monde rural : un récent Atlas des nouvelles fractures sociales a confirmé une paupérisation que nous pressentions. « Les populations modestes tendent à se concentrer à la campagne, où les prix du logement sont les plus accessibles », écrivent les deux auteurs. Pis : ils expliquent que, « loin du mythe du départ à la campagne des cadres et autres néo-ruraux reliés par Internet, ces nouvelles populations sont même souvent exclues du monde du travail » et que « près de la moitié des ménages arrivés depuis cinq ans sont des ménages en situation précaire ou pauvres ». Ce que je constate en Ariège ne peut que leur donner raison et, de ce point de vue, votre projet apparaît bien insuffisant et inconséquent.

S'agissant d'autre part des maisons de services publics, vous n'avez rien trouvé de mieux que d'en confier la gestion au privé. Comme si ce tour de passe-passe allait régler les problèmes administratifs qui pourrissent parfois la vie des ruraux !

Quant à la Poste, il faudrait que ce gouvernement de libéraux cesse de se cacher derrière son petit doigt : la responsabilité majeure incombe bien à l'Etat qui ordonne les missions de service public et doit donc en payer le prix ! S'il oubliait cette évidence, gageons que les élus locaux, qui ont adopté 5 400 délibérations sur le sujet, sauront la lui rappeler, ainsi que les syndicats. Dans le prolongement de la loi de régulation postale, la direction de la Poste vient d'adopter un « plan d'évolution » qui compromet l'égalité d'accès à ses services et ouvre à terme la voie à une privatisation. Ce plan est tout à fait inacceptable, comme est inacceptable la fermeture programmée de 6 000 bureaux de plein exercice, sur les 11 422 ouverts. Or chacun se souviendra que la première annonce en fut faite, dans Le Parisien, le 17 septembre 2003, par le président Ollier - annonce aussitôt démentie, naturellement, mais qui se trouve vérifiée aujourd'hui, au grand désespoir des ruraux !

M. le Président de la commission des affaires économiques - Interprétation mensongère !

M. Henri Nayrou - J'ai la référence ! Et vous avez eu raison...

Dernier exemple : l'absence de transversalité, s'agissant des grands enjeux de la ruralité. Sur le modèle de ce qui fut fait pour les villes avant qu'elles n'aient leur ministère, une Délégation interministérielle à la ruralité serait pourtant utile pour évaluer les différentes politiques publiques et pour favoriser le décloisonnement entre administrations. Ce serait un centre de ressources et de proposition, capable de définir des critères opératoires, de constituer des tableaux de bord permettant d'apprécier l'impact de ces politiques... et, éventuellement, d'éviter que quatre ministres s'expriment sur un seul texte ; elle pourrait même susciter des débats sincères sur le manque de médecins, de vétérinaires, de déneigeurs, de postiers - en fait, sur le manque de tout qui sévit dans le monde rural.

Argent ou volonté, je ne sais ce qui vous manque le plus. Toujours est-il que ce projet souffre de l'absence d'engagements financiers. Face à des territoires sans le sou et en attente d'espoir, l'Etat se présente les poches retournées. Quel crédit peut alors avoir un projet dépourvu à la fois de souffle et de moyens ? Déjà, des catastrophes budgétaires viennent affecter le fonctionnement des contrats de plan et l'emploi des fonds structurels. Pour ce qui est des premiers, vous avez gelé 4 milliards de crédits, plus 6,7 milliards dont une partie a été définitivement annulée : même la Cour des comptes s'en est émue ! Quant aux fonds structurels, ils ont été captés indûment par l'Etat. Les députés de la majorité qui sillonnent comme nous leur circonscription savent bien la désespérance qui en résulte parmi les élus dont les projets sont désormais en panne.

Certes, le renvoi en commission ne rendra pas aux territoires floués les milliards d'euros envolés, mais nous ne pouvons admettre que le Gouvernement élude les questions et les contributions des élus ruraux. A quoi servirait alors le travail législatif ? Vous parlez de boîte à outils, vous prétendez mettre fin par ce projet à la dispersion des politiques, mais nous ne voyons qu'étal de bricolage. Or, le monde rural qui se sent doublement abandonné mérite mieux, et d'abord un examen plus attentif de ce texte qui est pour l'instant comme un visage sans regard, dirai-je pour paraphraser M. Chassaigne. Donnons-nous donc le temps de cet examen ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président de la commission des affaires économiques - Certes, notre collègue vient de se livrer, avec une certaine difficulté d'ailleurs, à un exercice convenu. Je comprends bien qu'il était en mission - en mission politique -, mais, dans son propos, je n'ai pas retrouvé celui qui défend avec constance la cause de la montagne et du monde rural.

Il a défendu une motion de renvoi en commission des affaires économiques mais, étant membre de la commission des affaires sociales, il aurait dû s'enquérir de la façon dont nous avons travaillé. Dès le départ, nous avons dit que les 76 articles présentés ne constituaient pas une véritable politique d'aménagement du territoire et, avec l'accord du Gouvernement, nous nous sommes employés à renforcer le dispositif. S'agissant de la loi montagne, M. Brottes par exemple nous a apporté un certain nombre d'idées. Ce travail que j'ai donc voulu consensuel nous a amenés à examiner 1 500 amendements en première lecture. Pour cette lecture-ci, nous en avons vu plus de 600. Au total, nous avons consacré 33 heures à la discussion de ce texte qui est parti au Sénat fort de 182 articles et qui nous revient avec 200. Je reconnais que nous avons travaillé rapidement cette fois-ci, mais on peut travailler vite et bien, Monsieur Nayrou ! En tant que président de la commission, je ne saurais admettre ce que vous avez dit...

M. André Chassaigne - N'en rajoutez pas !

M. le Président de la commission des affaires économiques - Je me borne à énoncer des faits.

Après avoir fait le tri parmi les 600 amendements présentés, nous allons maintenant proposer 30 articles nouveaux. Il est rare qu'on puisse faire un travail aussi constructif et j'exprime ma reconnaissance à tous ceux qui l'ont permis, mais c'est pourquoi je ne puis accepter la charge à laquelle s'est livré M. Nayrou. Attaché à la cause qu'il défend, notre collègue devrait d'ailleurs savoir que la pire des choses pour celle-ci serait que ce texte revienne en commission. Il y a urgence à statuer, dans l'intérêt du monde rural, et je demande donc le rejet de cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat - Il ne m'appartient pas d'intervenir dans les relations internes à l'Assemblée, mais le Président Ollier a dit ce qu'il fallait sur cette motion dont, je l'avoue, j'ai été surpris : il me semblait que les commissions, la commission des affaires économiques en particulier, avaient bien travaillé. Mais la démarche était sans doute avant tout politique, en effet.

De plus, comme M. Ollier l'a rappelé et conformément aux engagements que nous avions pris, des groupes de travail ont été mis en place entre les deux lectures pour préparer certaines dispositions techniques.

Trois remarques sur le fond de votre intervention.

Contrairement à ce que vous avez prétendu, ce texte a bel et bien été enrichi par le Parlement, puisque son nombre d'articles a doublé !

Ce serait, dites-vous, un texte fouillis. Non ! Il reflète simplement la diversité des problématiques du monde rural, à laquelle doit répondre une diversité d'outils. Pourquoi diable ne devrait-il pas contenir des dispositions relatives à l'agriculture, alors que certaines dispositions font l'objet d'un consensus et sont attendues avec une grande impatience - je pense notamment à la DJA ?

M. Jean Dionis du Séjour - Très bien !

M. Henri Nayrou - La loi de programmation arrive !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat - Enfin, le Gouvernement serait selon vous aux abonnés absents. Sans doute parlez-vous du gouvernement précédent... Sur 22 ans, votre famille politique a été plus de 15 ans au pouvoir : on peut en conclure qu'elle est responsable à hauteur des trois quarts des difficultés du monde rural (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Ce gouvernement et sa majorité, au contraire, mettent en place des outils diversifiés pour relever le défi de son développement. Je suis certain que très bientôt, vous vous associerez à cette démarche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. André Chassaigne - Cher Président Ollier, nous ne remettons pas en cause le travail en commission dans sa forme, même s'il faut bien reconnaître que nous n'avons pas pu faire un travail très approfondi pour cette deuxième lecture - la preuve en est que nous devons nous réunir à nouveau tout à l'heure pour examiner des amendements que nous n'avions pas encore eu le temps d'étudier.

M. le Président de la commission - Non, des amendements qui ont été déposés après notre dernière réunion !

M. André Chassaigne - Si le renvoi en commission est nécessaire, c'est pour une raison simple : ce projet ne traite pas des problèmes de fond. Comment se contenter d'un texte qui ne règle pas la question essentielle des services à la population ? Comment maintenir une vie dans le monde rural si l'Etat se décharge sur les collectivités territoriales de ce qui relevait précédemment de la solidarité nationale ? Ce projet consiste en effet avant tout en un extraordinaire désengagement de l'Etat, qui en le présentant se donne bonne conscience ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Brottes - Monsieur le Président de la commission, nous ne pouvons pas admettre que vous mettiez en doute les convictions d'Henri Nayrou, qui a prouvé depuis longtemps qu'en matière de défense des territoires ruraux, il n'avait pas de leçons à recevoir. Au demeurant, il a défendu cette motion de renvoi en commission au nom du groupe socialiste tout entier.

Nous ne pouvons davantage vous suivre quand vous prenez nos propos comme une critique personnelle : le Gouvernement maîtrise l'ordre du jour, et vous n'y êtes pour rien. C'est lui qui a décidé d'inscrire ce texte en début de session. J'ajoute que pour certains de ceux qui sont au banc du Gouvernement, il s'agit d'une première lecture à l'Assemblée nationale. D'ailleurs, le Gouvernement a déposé des dizaines d'amendements, et pas des moindres ; ces sujets nouveaux auraient mérité un débat serein en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Dionis du Séjour - Renvoyer ce texte en commission, certainement pas ! Certes le calendrier est serré, mais on ne peut pas nier que la commission ait fait un travail de fond. Et surtout, il y a vraiment urgence. J'ai déjà cité le cas de la filière des fruits et légumes et, oui, je le dis avec le ministre, il faut à cette loi un volet agricole.

Non pas un renvoi frileux un commission, mais de l'audace, encore de l'audace et toujours de l'audace, voilà ce qu'il faut ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Garrigue - Nos amis socialistes ont une position surprenante : pendant les cinq ans où ils ont été majoritaires dans cet hémicycle, ils n'ont pris pratiquement aucune mesure concernant les services publics en milieu rural (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ! Nous essayons, nous, de rattraper le temps perdu, et tout ce qu'ils trouvent à dire, c'est qu'il faut renvoyer ce texte en commission ! Soyez sérieux, chers collègues, et mettez-vous donc au travail sur la question des services publics en milieu rural !((Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La séance, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 15.

M. le Président - J'appelle, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique. Du fait de l'ampleur de ce texte, je vais vous donner quelques informations sur l'organisation générale de nos débats.

Par accord entre le Gouvernement et la commission, et dans le souci de regrouper les thèmes de discussion, l'ordre d'appel des articles sera le suivant : la discussion commencera aujourd'hui par les dispositions relatives aux zones de revitalisation rurale, à l'accès aux services publics ainsi qu'à la montagne. Le mardi 12 octobre sera consacré aux dispositions relatives aux zones humides, aux sites Natura 2000 et à la chasse. Le mercredi 13 octobre, la discussion commencera par les dispositions relatives à la santé, puis se poursuivra avec les autres articles suivant leur ordre d'insertion dans le texte.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. François Brottes - M. Nayrou a déjà eu l'occasion de dire l'intérêt qu'aurait la création d'une Délégation interministérielle à la ruralité. Tel est le sens de notre amendement 481.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais j'y suis défavorable à titre personnel, comme je le serai pour tous les amendements qui visent à créer de nouvelles structures. L'article premier crée une conférence annuelle de la ruralité qui me semble suffisante. J'ajoute que le Gouvernement comprend déjà un ministre des affaires rurales, un secrétaire d'Etat aux affaires rurales et un secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire... (Sourires)

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat - En effet, nous avons un ministre des affaires rurales mais aussi une Délégation à l'aménagement du territoire qui s'intéresse depuis des années au développement des territoires ruraux. Non seulement nous disposons déjà de suffisamment de structures, mais l'amendement défendu par M. Brottes ne dit rien à propos du financement de la Délégation qu'il souhaiterait créer.

Enfin, j'ai personnellement soutenu l'idée de la conférence annuelle de la ruralité qui répond également à la préoccupation de M. Brottes.

Avis défavorable, donc.

M. François Brottes - J'aurais souhaité que M. le secrétaire d'Etat nous dise le nom du délégué à l'aménagement du territoire - peut-être le saurons-nous avant la fin de l'année...

L'amendement 481, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Jean Dionis du Séjour - L'amendement 357 vise à rétablir un amendement adopté par l'Assemblée en première lecture, concernant l'exonération de la taxe professionnelle dans les ZRR.

Notre rédaction est selon nous préférable à celle des amendements qui ont le même objet, puisque nous avons tenu compte des travaux de la commission des finances du Sénat.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - L'amendement 199, qui a le même objet, est défendu.

M. François Brottes - L'amendement 467 rectifié vise aux mêmes fins, mais je tiens à dénoncer la perfidie du Sénat qui, sans explicitement supprimé cette disposition, a usé d'un artifice rédactionnel susceptible de leurrer des lecteurs peu attentifs, et qui aboutit à une suppression de fait. L'Assemblée nationale ne se laissera pas « avoir » par de telles méthodes.

M. Michel Bouvard - L'amendement 527 de M. Vannson, qui est identique, est défendu.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable à l'ensemble des amendements. Je rappelle que le dispositif en question avait été introduit en première lecture à l'Assemblée contre l'avis du rapporteur et du Gouvernement. En outre, ces amendements conduiraient à faire bénéficier des unités urbaines de mesures concernant les ZRR : s'il est en effet possible de concevoir une fourchette de population qui irait de 2 000 à 15 000 habitants, que dire de 50 000 habitants ?

Enfin, le mécanisme d'exonération proposé est redondant...

M. François Brottes - Complémentaire !

M. Yves Coussain, rapporteur - ...avec celui qui existe déjà, sauf, il est vrai, lorsqu'il s'agit de reprises d'entreprises...

M. François Brottes - C'est très important !

M. Yves Coussain, rapporteur - ...mais un amendement de la commission résoudra précisément cette question.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire - Les propos tenus sur le Sénat sont très excessifs. Le Sénat, dont la sagesse est légendaire...

M. François Brottes - Elle n'est plus que cela ! (Sourires)

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - ... a beaucoup travaillé. Il s'est agit en fait de rétablir la cohérence de l'article premier, qui fixe clairement les critères d'éligibilité des ZRR.

Ces amendements conduiraient de facto à étendre l'exonération de TP à l'ensemble des activités commerciales et artisanales, ce qui serait susceptible de susciter des effets d'aubaine.

Enfin, ils pourraient créer un plafond pour les exonérations de base fiscale, ce qui rendrait le dispositif moins attractif pour les implantations industrielles.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Je souhaite que le dispositif d'exonération soit renforcé, certes, mais je souhaite également que les amendements soient clairement rédigés : qu'est-ce qu'une unité urbaine ? Et peut-elle sérieusement en ZRR dépasser 50 000 habitants ?

Plusieurs amendements, dans le cadre de la discrimination positive et de la fiscalité dérogatoire, renforceront les ZRR. J'espère que nous les voterons tous. Ceux dont il vient d'être question doivent être en revanche repoussés.

M. François Brottes - Il y a trois sujets dans cet amendement. Il faut bien définir, Monsieur le président Ollier, les zones éligibles au dispositif ! J'accepte volontiers vos remarques sur les unités urbaines, mais notre souci est ici de préciser quelles sont les zones qui pourront bénéficier des mesures de discrimination positive, et d'opérer une distinction selon qu'il y a beaucoup d'habitants ou un peu moins.

Deuxième sujet : le montant des exonérations. Il faut en effet nous montrer plus ambitieux qu'aujourd'hui, et c'était le deuxième objet de nos amendements.

Troisième sujet : les bénéficiaires du dispositif. Le rapporteur a fait une proposition en commission, visant à intégrer les reprises d'entreprise. Les entreprises de services sont-elles concernées par son amendement ?

M. Yves Coussain, rapporteur - L'article premier définit les zones de revitalisation rurale qui sont concernées par ces dispositifs. Or, je crains que ces amendements n'obscurcissent le texte au lieu de le clarifier. L'amendement 407 qui va être examiné dans quelques instants vous proposera d'exonérer de taxe professionnelle toutes les entreprises implantées en ZRR, y compris, donc, les entreprises de services.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Je prends note des observations du Gouvernement. Je vous reconnais volontiers, Monsieur Ollier, la paternité des ZRR, mais l'enfant grandit ! Il faudra, de plus en plus, mettre en œuvre des dispositifs de discrimination positive en faveur du monde rural. Allons donc jusqu'au bout, même si le terme de zone franche rurale peut heurter.

M. le Président de la commission - Qu'il n'y ait pas de malentendu : le dispositif des ZRR mérite certes d'être renforcé, mais la rédaction des amendements pose problème. L'amendement de la commission répondra à votre souci, Monsieur Morel-A-l'Huissier, en étendant le champ des exonérations.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Je suis pleinement d'accord avec vous. Je retire donc mon amendement.

L'amendement 199 est retiré.

M. Jean Dionis du Séjour - Au nom de M. Lassalle, je retire l'amendement 357, la notion d'unité urbaine étant en effet confuse.

L'amendement 357 est retiré.

M. François Brottes - S'il n'en reste qu'un, je serai celui-là !(Sourires)

Les amendements 467 rectifié et 527, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Coussain, rapporteur - L'amendement 407 reprend l'idée d'une exonération de taxe professionnelle au profit des repreneurs d'une entreprise commerciale ou artisanale en ZRR.

Avec l'ensemble des mesures que nous avons adoptées en première lecture - et le Sénat y a largement contribué s'agissant de cet article 1er - et les nouveaux amendements que propose la commission, nous devrions parvenir pour les ZRR, Monsieur Morel-A-l'Huissier, à un dispositif très voisin de celui des ZFU.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'y suis évidemment très favorable : il n'est en effet pas concevable que le repreneur d'une activité exonérée de taxe professionnelle ne bénéficie pas d'un « droit de suite ». Si cet amendement n'était pas adopté, c'est l'efficacité de tout le dispositif en faveur des zones rurales qui serait mise en cause. Je souhaite donc qu'il soit voté.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - Cet amendement est sans doute inconstitutionnel. En principe, l'exonération est accordée de droit et compensée par les collectivités territoriales. Or, l'amendement a pour effet d'accroître la part des compensations dans les ressources des collectivités concernées, alors que la réforme constitutionnelle de l'année dernière vise précisément à préserver le niveau de ressources de chaque catégorie de collectivité. Il faut un équilibre entre les dotations et les ressources propres. Je vous demande donc de bien vouloir retirer l'amendement.

M. Michel Bouvard - Tous ces amendements ont évidemment des conséquences fiscales qui peuvent interpeller à l'approche de l'examen de la loi de finances. Le Gouvernement pourrait-il nous donner sa position quant au fond ? S'il est favorable, il lui sera en effet loisible de nous donner satisfaction dans le cadre de la discussion budgétaire.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Notre débat est des plus intéressants, et je comprends bien l'argument du ministre. Mais c'est, me semble-t-il, l'équilibre global des finances des collectivités qui est visé par la réforme constitutionnelle. Une activité exonérée de taxe professionnelle n'en dégage pas moins des recettes qui reviendront, via la fiscalité, à la collectivité. Je suis prêt à en discuter : j'avoue ne pas être en mesure de dire si le Gouvernement a tort ou raison. Mais il faudrait au moins établir un calcul comparatif. Aussi souhaiterais-je que cet amendement soit voté.

M. Yves Coussain, rapporteur - Je précise que l'amendement a été déclaré recevable au titre de l'article 40. Nombre d'entreprises rurales disparaissent au moment d'un départ à la retraite, faute de repreneur. Il faut donc favoriser les reprises si l'on ne veut pas vider l'article premier d'une partie de son sens.

M. François Brottes - Nous trouvons cet amendement excellent et nous nous y rallierons. Je salue l'audace du rapporteur et du président de la commission. Le Gouvernement a le temps de purger ce texte, qui ne viendra pas en deuxième lecture au Sénat avant quelques semaines, de toute disposition qui relèverait de la loi de finances. En tout état de cause, il est utile de voter cet amendement.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - Cet amendement touche à des sujets qui me préoccupent moi aussi, en tant qu'élu rural, et soulève des problèmes constitutionnels. J'aimerais que nous puissions nous réunir avant la deuxième lecture au Sénat, qui aura probablement lieu en janvier, pour parvenir à une rédaction commune. Je vous demande donc d'accepter cette solution de compromis.

M. Yves Coussain, rapporteur - J'aimerais sincèrement être agréable au ministre, mais outre que cet amendement, si je le retirais, serait immédiatement repris, je le considère tellement important pour la suite du débat que je ne peux que le maintenir.

L'amendement 407, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Il serait sans doute exagéré, Monsieur le ministre, de vous demander de lever le gage... (Sourires).

M. Jean Gaubert - L'amendement 482 permet de mieux tenir compte de la réalité : une définition qui ne retient que la forte proportion d'emplois agricoles est trop restrictive. Dans certaines vallées, par exemple, les activités artisanales ou industrielles sont plus importantes que l'activité agricole. Il faut donc remplacer ce critère par celui de mono-activité économique.

M. Yves Coussain, rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné en commission. A titre personnel, je n'y suis pas favorable. La définition du zonage est dorénavant bien établie. Remplacer la notion d'activité agricole par celle de mono-activité ne me semble pas bienvenu.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - Les zonages peuvent avoir des effets pervers, des effets de seuil notamment. Il faut donc défendre le principe de sélectivité. Or, cet amendement aura pour effet d'étendre les zones concernées. J'y suis donc défavorable.

L'amendement 482, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes - Nous revenons, avec les amendements qui vont suivre, sur un sujet dont nous avons déjà largement débattu en première lecture. Actuellement, 2 452 petits bourgs-centres assument des charges lourdes dans des secteurs ruraux très défavorisés. Les critères d'éligibilité aux ZRR étant liés à la population de l'établissement public intercommunal et non au nombre de communes éligibles qu'il englobe, ils sont exclus des ZRR. Les élus demandent donc la révision de ces critères. C'est l'objet de l'amendement 464.

M. Michel Bouvard - Les amendements 524 de M. Vannson et 606 de M. Spagnou sont identiques.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - L'amendement 607 également.

Mme Henriette Martinez - L'amendement 608 aussi. Il s'agit de défendre les petits centres-bourgs et les petites communautés de communes, qui sont exclus des ZRR qui les entourent. Des poches vont donc se créer, qui ne bénéficieront pas des avantages des zones de revitalisation, dissuadant les entreprises de venir s'installer. Le rôle moteur des petits bourgs-centres, qui ont une dynamique un peu plus forte que leur environnement exclusivement rural, en sera d'autant amoindri, alors que leur développement profite à tout leur entourage.

Je vous demande instamment, Monsieur le ministre, d'entendre cette revendication. Les ZRR sont un outil formidable pour le monde rural. Si on en exclut les seules zones qui ont une petite capacité au motif que leur population dépasse de quelques têtes le seuil fixé, on aboutit à l'inverse de ce qu'on recherche ! Il faut donc encourager les bourgs-centres. Avec votre dispositif, les activités s'installeront dans n'importe quelle petite commune sauf le bourg-centre... ou plus sûrement encore dans le chef-lieu du département, qui ne bénéficie pas plus des avantages de la ZRR mais qui constitue un pôle économique et de développement. Bref, on fait l'inverse de ce qui est recommandé par le CIADT, et qui est appliqué dans les zones urbaines ! Au lieu de constituer des pôles de développement qui irradient leur territoire, on pousse à la dispersion et on perd des entreprises. On marche sur la tête ! On n'aboutira ainsi qu'à augmenter la fracture entre les campagnes et les villes.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour - Il est vrai, Monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faut éviter le saupoudrage des crédits d'aménagement du territoire et concentrer les interventions sur la ruralité en déclin. Mais on ne peut pas ignorer la solidarité naturelle entre les bourgs et les campagnes ! Les critères actuels d'éligibilité aux ZRR peuvent donner lieu à de graves incohérences qui réduisent à néant les logiques de projet portées par les EPCI. Il n'est pas raisonnable de penser la campagne sans le bourg-centre : les zones artisanales, par exemple, ne peuvent s'implanter n'importe où ! Il y a des nécessités de réseaux d'assainissement, d'électricité... Et l'organisation de services publics doit être pensée à partir du bourg-centre. Il s'agit d'un sujet extrêmement important.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission a rejeté ces amendements. Dans le projet de loi tel qu'il est, un EPCI est intégré dans une zone de revitalisation rurale quand la moitié de sa population appartient à des communes qui répondent aux critères. Vous demandez qu'il le soit lorsque 80% des communes adhérentes sont en ZRR. Cela permettrait, soit dit en passant, d'inclure en ZRR des communes relativement importantes !

M. Michel Bouvard - Ce n'est pas vrai ! Nos amendements ne concernent que les communes de moins de 10 000 habitants !

M. Yves Coussain, rapporteur - Le dispositif d'exonération ne peut être efficace que s'il cible au plus juste les populations à aider. Par ailleurs, le problème des bourgs-centres a été réglé par la définition adoptée en première lecture. On a alors augmenté d'environ 10 % la population incluse dans des ZRR, soit 5 millions au lieu de 4,5 millions. Je crains que votre définition n'étende encore beaucoup plus le dispositif et vide les ZRR de leur substance.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - Nous avons procédé à des simulations sur chacune des hypothèses. Le système proposé par le Gouvernement permet de rattraper 216 communes, au lieu de 89. Madame Martinez, même si je suis très sensible à vos arguments, pour que le dispositif englobe les Hautes-Alpes, il faudrait l'étendre à 25 départements et à 2,5 millions d'habitants supplémentaires ! Le principe du zonage ne vaut que par la sélectivité. Si l'on étend trop les critères, on noie le dispositif des ZRR.

M. Jean Gaubert - Nous n'avons pas les moyens de contester ces simulations sur le champ. Mais il est évident que si l'on exclut les petits pôles ruraux isolés où l'on trouve le pharmacien, quelques artisans, et qui peuvent retenir quelques activités économiques, les ZRR ne seront pas efficaces. D'autre part, la coopération intercommunale se développe dans le monde rural et ce sont dans les petits EPCI que les projets s'implantent. Or on va donner plus de poids à un découpage arbitraire qu'à la cohérence territoriale. Dans ces conditions, mieux vaudrait voter les amendements, quitte à ce qu'ils soient retravaillés par le Sénat.

Mme Henriette Martinez - J'adhère complètement à ces propos. En toute objectivité, je ne prends pas en considération tel canton ou telle communauté de communes, mais un département, comme celui des Hautes-Alpes. Comment va-t-on y justifier la cohérence de ces dispositions ? Comment justifier que Briançon, avec plus de 10 000 habitants et 383 habitants au km2 soit en ZRR grâce à l'intercommunalité, tandis que de petits cantons ruraux où la densité est de 20 habitants au km2 en sortent ? Que Tallard, avec sa communauté de communes, sa zone d'activités et son pôle aéronautique en développement y entre, parce qu'elle fait partie de la même entité que le canton de Barcillonnette, tandis que La Bâtie-Neuve en sort ? Pour ma part, je suis incapable d'aller l'expliquer sur le terrain !

Il y a les chiffres, et il y a la logique des territoires. Telle ville qui refuse l'implantation d'entreprises parce qu'elle n'a plus d'espace entre en ZRR, le canton voisin dont la zone est vide en sort. Je ne peux pas admettre des critères aussi absurdes et je ne peux l'expliquer en revenant chez moi, même si je ne parle pas de mon canton en particulier et de sa communauté de communes, qui resteront hors ZRR alors que cinq des sept communes pourraient y figurer en raison de leur faible population et que le bourg centre est en déclin démographique.

M. le président de la commission des affaires économiques - Vous avez raison en ce qui concerne le canton de Laragne, qui n'est pas en ZRR et qu'il s'agit d'y faire entrer. Effectivement, dans ce département, toutes les communes ont été classées sauf la ville de Gap et le canton que vous représentez. Il ne s'agit pas de faire une loi pour un canton, et tous les zonages ont des effets pervers : il s`agit de les rendre efficaces.

Mais pour régler ce problème, ...

Mme Henriette Martinez - Pas seulement !

M. le président de la commission des affaires économiques- ...on ne peut ouvrir les ZRR à 2 500 000 personnes dans 25 départements. C'est en quelque sorte faire jouer la discrimination positive pour l'ensemble du monde rural, ce qui provoquera des effets d'aubaine et dénaturera un système qui vise au contraire à diriger l'activité là où on en a vraiment besoin. Cependant, d'ici la deuxième lecture au Sénat, ne peut-on réparer cette injustice que signale Mme Martinez ? Je souhaiterais que nous ayons une piste, car sur ce cas particulier elle a raison.

M. Michel Bouvard - Les zonages posent toujours problème. Nous sommes bien conscients que, ne serait-ce qu'au regard des règles de la concurrence au niveau européen - puisque la carte de la ZRR doit être notifiée à la Commission - on ne peut étendre les périmètres dans des proportions telles que pratiquement tout le monde rural serait couvert. Mais nous allons examiner ensuite des dispositions concernant la montagne. La loi montagne de 1985 légitime qu'on y tienne compte des surcoûts, et des délais de transport, et le fait de ne pas être classé dans telle ou telle zone peut être un handicap supplémentaire. Une solution ne serait-elle pas de retenir le critère de 80 % des communes en zone de montagne ? Modifier mon amendement 608 en ce sens résoudrait cette difficulté en permettant de respecter l'homogénéité d'un territoire, qui est souvent celui d'une vallée.

M. le Président - L'amendement de M. Bouvard devient ainsi l'amendement 608 rectifié.

M. Gabriel Biancheri - Nous comprenons bien qu'on ne peut étendre les ZRR à tout le territoire. Mais il nous faut traiter de façon homogène chaque territoire, pour éviter la constitution de poches d'exclusion. La mesure serait alors mieux compréhensible.

M. Jean Dionis du Séjour - Nous sommes d'accord avec le ministre, je l'ai dit, pour ne pas saupoudrer les crédits, mais il y a consensus pour reconnaître le lien stratégique entre bourg centre et campagne. Dans ce qui est proposé, il y a deux variables, les 80 % de communes et le seuil de 10 000 habitants, sur lesquelles on doit pouvoir jouer. Je propose qu'on vote ces amendements, à charge pour la CMP de veiller à ce que la population concerne n'enfle pas outre mesure.

M. Yves Coussain, rapporteur - La proposition de M. Bouvard réduirait considérablement l'extension des ZRR, mais je crains que certains, qui ne sont pas en montagne, ne soient pas d'accord. Si le Gouvernement pouvait s'engager à regarder ce problème de près avant la discussion au Sénat, nous pourrions lui faire confiance pour sortir de l'impasse.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - Je reconnais les difficultés sur le terrain. Les ZRR ont une dizaine d'années et il faut les revoir, et la coopération intercommunale est souvent récente. Si vous acceptez de retirer tous les amendements (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) - il faut savoir qu'ils feraient entrer la côte basque dans les ZRR ! - je propose d'organiser un groupe de travail avec les auteurs de tous les amendements pour trouver une solution convenable avant la deuxième lecture au Sénat.

M. Jean Gaubert - N'étant pas concerné directement dans ma région, je suis très à l'aise pour dire qu'il ne faut pas pousser trop loin le particularisme. Les territoires de montagne ne sont pas seuls à connaître des problèmes : on rencontre les mêmes dans la Creuse ou la Haute-Marne ! On ne peut donc décider en fonction de l'altitude.

Cela dit, la meilleure solution, y compris pour le Gouvernement, consiste à mon avis à voter ces amendements, puis à retravailler le sujet avant la lecture par le Sénat. Si nous ne les votons pas, je vous fiche mon billet que rien ne sera fait !

M. le Président de la commission des affaires économiques - Je ne voudrais pas que cette affaire importante devienne un enjeu dans une guerre entre groupes, ni qu'elle soit réglée en manquant à la solidarité que la majorité doit au gouvernement. Je fais pour ma part confiance à celui-ci, et je pense que M. Dionis du Séjour devrait faire de même : il sait bien que les rendez-vous pris ont toujours été honorés.

Les zones de revitalisation rurale regroupent actuellement 4,5 millions d'habitants. Si ces amendements étaient adoptés, on passerait à 7 millions, ce qui est manifestement trop pour qu'on en décide sans un examen sérieux. Nous sommes ici pour écrire la loi, non pour faire plaisir à tel ou tel. Je souhaite que le problème soulevé par Mme Martinez soit réglé mais, de grâce, n'ouvrons pas la porte à des surenchères ou à des oppositions avec le Sénat. Faisons preuve d'esprit de responsabilité !

Par ailleurs, je n'imagine pas que la majorité ne fasse pas confiance à un gouvernement issu de ses rangs. Je suggère par conséquent que nous nous ralliions à l'avis du secrétaire d'Etat et que la commission désigne quelques-uns de ses membres - par exemple les deux rapporteurs - pour participer au groupe de travail, qui aurait alors à élaborer une solution avant l'examen par le Sénat.

Les amendements 607 et 608 rectifié sont retirés.

M. Jean Dionis du Séjour - Je maintiens pour ma part l'amendement 352. Je ne méconnais pas l'impératif de solidarité majoritaire, Monsieur le Président de la commission, mais nous venons de découvrir, dans le texte adopté par le Sénat, quelque chose qui ne peut que conduire à des erreurs graves. Il faut absolument que nous sortions de ce mauvais pas, ici, à l'Assemblée, étant entendu qu'au nom de mon groupe, je me suis engagé à rechercher une solution à population constante.

Mme Henriette Martinez - Je crois à la parole du gouvernement et j'accepte donc la proposition du secrétaire d'Etat. Je remercie aussi le président Ollier pour sa compréhension. Je ne défendais pas un cas particulier, de fait : je ne faisais que présenter un exemple représentatif d'un véritable problème d'aménagement du territoire.

Les amendements 464, 524 et 606, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 352, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes - L'amendement 462 est défendu.

M. le Président - L'amendement 613 de M. Martin-Lalande est identique.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission ne les a pas examinés, mais j'y suis personnellement défavorable : le dispositif doit demeurer articulé autour des intercommunalités à fiscalité propre.

Les amendement 462 et 613, repoussés par le Gouvernement et mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Coussain, rapporteur - L'amendement 54 est rédactionnel.

L'amendement 54, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

M. François Brottes - L'amendement 463 est défendu.

M. le Président - L'amendement 612 de M. Martin-Lalande est identique.

M. Yves Coussain, rapporteur - Non examinés. Avis défavorable, à titre personnel.

Les amendement 463 et 612, repoussés par le Gouvernement et mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Dionis du Séjour - L'amendement 351 est défendu.

M. Yves Coussain, rapporteur - Rejet. Il semble inutile de proroger au-delà de 2006 le délai laissé aux collectivités pour adhérer à un EPCI.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 351 est retiré.

M. Yves Coussain, rapporteur - Les amendements 55 et 56 sont rédactionnels.

Les amendements 55 et 56, acceptés par le Gouvernement et successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. François Brottes - Je souhaiterais que commission et Gouvernement ne rejettent pas notre amendement 483 en s'écriant : « Encore un rapport ! » (Sourires) Avec l'élargissement de l'Union européenne, nous allons assister à une redistribution des cartes, dont la réforme des fonds structurels n'est pas l'élément le moins important. Or les ZRR dépendent d'un engagement passé entre la France et l'Union. Il serait dès lors utile de se donner rendez-vous le 31 décembre 2006 afin de mesurer l'impact de cette réforme : les territoires fragiles doivent savoir à quelle sauce ils seront mangés.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais, outre qu'en effet nous tendons à accumuler les rapports, l'article premier prévoit déjà une évaluation du dispositif des ZRR avant 2009. M. Brottes a donc au moins satisfaction partielle.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - D'autant que s'y ajoutera à partir de 2005 un rapport de l'Observatoire des territoires. Rejet.

L'amendement 483, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. François Brottes - L'amendement 484 est un amendement de simple morale, sur lequel nous nous étions accordés d'ailleurs en première lecture. Ceux qui recherchent les effets d'aubaine en abandonnant une ZRR pour une zone franche urbaine méritent d'être « taclés » : il faut qu'ils remboursent les aides publiques dont ils ont bénéficié.

M. Yves Coussain, rapporteur - Nous ne pouvons que partager cette volonté de moralisation, mais la commission a adopté après l'article premier ter un amendement qui va dans le même sens que celui-ci.

M. François Brottes - Je m'y rallie.

L'amendement 484 est retiré.

M. André Chassaigne - Défendant l'amendement 428, je me fais le porte-parole d'une dizaine de communautés de communes du Puy-de-Dôme. Et, si nous avons voulu placer cette proposition juste après l'article premier qui traite du développement des activités économiques, c'est qu'il s'agit des agents de développement, indispensables au montage de projets. Or les préfets refusent d'intégrer dans la fonction publique territoriale au motif que leur spécialité n'est nulle part reconnue. Nous demandons donc que cette spécialité, le développement local, soit créée dans le cadre d'emploi des attachés territoriaux.

M. le Président - J'ai l'impression que cela relève du règlement...

M. Yves Coussain, rapporteur - J'allais le dire. La commission n'a pas examiné l'amendement, mais elle avait repoussé le même en première lecture, précisément pour ce motif.

J'ajoute qu'un tel amendement contribuerait à l'incohérence du texte, qu'en défendant son exception d'irrecevabilité M. Chassaigne avait cru devoir dénoncer...

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - Avis défavorable également, la question étant en effet d'ordre réglementaire. Mon département ministériel y travaille avec celui de la fonction publique, afin de répondre à vos préoccupations.

L'amendement 428 est retiré.

ARTICLE PREMIER BIS A

M. Yves Coussain, rapporteur - Notre amendement 57 tend à supprimer cet article introduit par le Sénat, qui n'apporte que des modifications marginales à la loi Pasqua en en compliquant la lecture.

L'amendement 57, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, et l'article premier bis A est ainsi supprimé.

ARTICLE PREMIER TER

M. Yves Coussain, rapporteur - Mon amendement 603 rectifié, que la commission a accepté, réintroduit une disposition adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture et supprimée par le Sénat. Elle a pour but de moraliser le régime des aides aux entreprises, en obligeant toute entreprise qui cesse volontairement son activité en ZRR en la délocalisant dans un autre lieu, à rembourser les sommes qu'elle a perçues.

M. le Président - Les cinq amendements suivants - 201 de M. Morel-A-L'Huissier, 350 rectifié de M. Lassalle, 246 rectifié de M. Bouvard, 529 rectifié de M. Vannson et 469 rectifié de M. Brottes - sont identiques.

M. Michel Bouvard - Je m'étonne de la position prise par le Sénat car je pourrais donner des exemples de telles délocalisations. J'ai vu des entreprises bénéficier d'aides pour s'implanter dans des territoires ruraux et de montagne pour ensuite partir dans des villes nouvelles...

M. François Brottes - Si le rapporteur nous associe à son amendement, je retire le mien.

M. Yves Coussain, rapporteur - Bien volontiers !

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - J'appelle votre attention sur les risques d'effets pervers. Si on améliore l'attractivité des ZRR, on risque d'attirer davantage encore les chasseurs de primes. Et le problème des délocalisations à l'étranger paraît plus épineux que celui de déménagements à quelques dizaines de kilomètres. J'invite donc les auteurs de ces amendements à les retirer ; à défaut, sagesse.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Soyons cohérents avec la position que nous avions défendue en première lecture et avec celle de la mission d'information sur la modernisation de la loi montagne, présidée par M. Brottes et dont le rapporteur était M. Coussain. Monsieur le ministre, vous que je sais très proche du monde rural dans votre si chère Dordogne, convenez qu'il faut être juste : si quelqu'un a profité abusivement d'un effet d'aubaine, il est normal qu'il rembourse. Je souhaiterais que l'amendement de notre commission fasse l'objet d'un vote unanime, après le retrait des autres à son profit.

L'amendement 603 rectifié, mis aux voix, est adopté, et l'article premier ter est ainsi rétabli.

ARTICLE PREMIER QUATER

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - L'amendement 609 du Gouvernement précise les obligations déclaratives liées à l'extension du régime prévu à l'article 1465 A aux entreprises qui exercent une activité professionnelle au sens du premier alinéa de l'article 92 du CGI. Par ailleurs, il supprime la disposition relative à la compensation par un relèvement de la DGF, la compensation étant déjà prévue par le CGI.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis favorable, mais je suggère de porter le délai indiqué de 30 à 60 jours.

M. Michel Bouvard - Est-ce bien là un problème d'ordre législatif ?...

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - D'accord pour cette rectification.

M. François Brottes - M. Bouvard a raison, ces questions relèvent davantage du domaine règlementaire que du législatif, mais l'on ne saurait se permettre de critiquer ainsi le Gouvernement... (Sourires ).

Par ailleurs, je me méfie en général de ce qui est « strictement rédactionnel », et je me méfie encore davantage de la suppression de la disposition prévoyant une compensation par un relèvement de la DGF. Je voudrais être sûr que les communes ne seront pas lésées !

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - Ce sont les dispositions générales qui s'appliquent, et je ne comprends pas les inquiétudes de M. Brottes.

M. le Président - Il faut préciser : « dans les soixante jours de la publication de la présente loi ».

L'amendement 609 rectifié, mis aux voix, est adopté, et l'article premier quater est ainsi rédigé.

ARTICLE PREMIER QUINQUIES A

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - L'amendement 430 rectifié est rédactionnel et tend à accorder une durée d'allègement fiscal plus longue pour les entreprises qui se créent dans les zones de revitalisation rurale.

M. Yves Coussain, rapporteur - Favorable, d'autant plus que nous avons bien vérifié que les termes « ensemble de l'activité » ne remet pas en cause l'article 1465 A qui dispose que 85% de l'activité doit être accomplie dans la zone de revitalisation rurale.

L'amendement 430 rectifié, mis aux voix, est adopté, et l'article premier quinquies A est ainsi rédigé.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER QUINQUIES

M. Jean Dionis du Séjour - L'amendement 349 tient compte de la situation de nombre de sociétés qui sont en ZRR, mais qui, en se développant, ont été amenées à étendre leurs activités en dehors de cette zone. Nous proposons donc d'assouplir encore le dispositif existant en proposant un taux de 75% de l'activité en ZRR.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable, car la loi de finances rectificatives pour 2003 avait déjà assoupli considérablement le dispositif en fixant le plancher à 85%. Descendre encore en-deça de cette exigence reviendrait à étendre le périmètre des ZRR.

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat - Le dispositif actuel est très récent, et je propose qu'on l'expérimente encore un peu avant d'envisager de le modifier.

M. Jean Gaubert - Il n'y a pas de ZRR dans ma circonscription, mais il y en a dans ma région, la Bretagne, et je sais qu'il y a eu quelques problèmes d'interprétation sur la notion d'implantation et sur celle de chiffre d'affaires réalisé en ZRR, les services fiscaux étant toujours à l'affût de la moindre économie pour l'Etat. S'agit-il de l'implantation physique sur la zone, ou du lieu où l'activité est réalisée ? Une entreprise non sédentaire est-elle simplement un commerçant ambulant ou une entreprise, par exemple du bâtiment, implantée sur la zone, mais qui travaille aussi à l'extérieur ?

M. Yves Coussain, rapporteur - Je maintiens la position de la commission. Il serait difficile d'aller au-delà des 15% d'activité autorisés en dehors de la ZRR sans étendre le périmètre de la zone .

M. Jean Dionis du Séjour - Mais non !

M. Yves Coussain, rapporteur - Nous risquons de provoquer un effet d'aubaine, et des entreprises viendront s'installer dans les ZRR uniquement pour bénéficier d'un statut fiscal avantageux, alors qu'elles poursuivront leur activité en ville.

M. Jean Gaubert - Mais que cherche-t-on ? Que des entreprises s'installent en ZRR et y prospèrent ! Comment allons-nous traiter, par exemple, les entreprises de commerce à distance qui vont s'installer en ZRR ? C'est une vraie question ! Si l'on suit l'argumentation du rapporteur, des entreprises qui n'ont plus assez d'activité en ZRR risquent de quitter cette zone !

M. Jean Dionis du Séjour - Il ne s'agit pas d'étendre le périmètre des ZRR, mais c'est vrai qu'il y aura une perte de recettes fiscales pour l'Etat. Cela étant, je comprends que le ministre veuille laisser du temps au dispositif actuel, qui est assez récent, et je vais retirer mon amendement.

M. François Brottes - Ce que l'on veut, c'est créer des emplois en ZRR, et peu importe que les clients soient tous en ZRR !

L'amendement 349 est retiré.

ARTICLE PREMIER SEXIES A

M. Yves Coussain, rapporteur - L'amendement 58 tend à supprimer cet article, introduit par le Sénat, et qui repose sur un dispositif d'unités urbaines, mal adapté aux zones de revitalisation rurale.

M. Jean Gaubert - La fronde anti-Sénat se développe ! (Sourires)

L'amendement 58, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté, et l'article premier sexies A est ainsi supprimé.

L'article premier sexies, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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