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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 8ème jour de séance, 19ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 19 OCTOBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

TRAITEMENT SOCIAL DES RESTRUCTURATIONS 2

POLYNÉSIE FRANÇAISE 3

STATUT DES ENSEIGNANTS
DES ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS SOUS CONTRAT 4

DÉLOCALISATIONS 4

LUTTE CONTRE LES MARGES ARRIERE
DANS LA DISTRIBUTION 5

RÉINSERTION DES ANCIENS DÉTENUS 6

HAUSSE DU PÉTROLE 7

DÉCENTRALISATION ET FISCALITÉ LOCALE 8

TÉLÉPHONIE MOBILE 9

PRATIQUE DES PRIX
DANS LA GRANDE DISTRIBUTION 9

SÉCURITÉ MARITIME 10

RAYONNEMENT CULTUREL
DE LA FRANCE EN CHINE 11

LOI DE FINANCES POUR 2005
(première partie) 11

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 30

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

TRAITEMENT SOCIAL DES RESTRUCTURATIONS

M. Alain Cortade - Le taux de chômage atteint aujourd'hui en France près de 10 %. Il est particulièrement élevé chez les jeunes et chez les plus de cinquante ans. Aussi est-il urgent de donner à notre société les moyens de travailler mieux et plus. C'est ce à quoi s'attache le Gouvernement depuis 2002, en libérant les énergies, en soutenant la création d'entreprises, en réaffirmant la valeur du travail, en revalorisant le SMIC et le pouvoir d'achat. Il faut continuer en ce sens pour lever les contraintes qui pèsent excessivement sur les Français qui veulent travailler. Vous avez ainsi mené pendant dix-huit mois, Monsieur le ministre délégué aux relations du travail, des discussions avec les syndicats et les organisations patronales pour élaborer un avant-projet de loi sur le traitement social des restructurations, sur lequel le Conseil d'Etat a rendu hier un avis favorable.

Quels sont les objectifs de ce texte ? Qu'apportera-t-il aux salariés et aux entreprises de notre pays ? Comment s'inscrit-il dans la perspective du soutien de l'emploi en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Il est vrai que nous entendons souvent raconter n'importe quoi, depuis quelques jours, sur l'anticipation des mutations économiques...Je remercie le Premier ministre d'avoir entendu les voix qui se sont exprimées en faveur de cette réforme importante pour nos entreprises et pour nos emplois.

Notre législation souffre, en matière de licenciements économiques, de trois paradoxes. Elle est toute entière tournée vers la gestion de la crise à chaud et n'incite ni les entreprises, ni les salariés à anticiper sur les mutations de l'emploi. Elle ne concerne qu'une faible minorité de salariés,à qui elle n'offre qu'une protection illusoire. Ses règles touffues, presque exclusivement procédurales, incitent davantage à la confrontation qu'au dialogue. Plus grave, elles sont profondément inégalitaires : seuls les salariés des grandes entreprises ont droit à un véritable mécanisme de reclassement. Les autres - soit près de 80 % des salariés - ne disposent, depuis la suppression des conventions de conversion en 2001, d'aucun accompagnement sur le long terme. En cas de licenciement économique, l'essentiel est pourtant d'aider les salariés à accéder le plus rapidement possible à un nouvel emploi.

Cette situation ne pouvait perdurer. Le Gouvernement a donc suspendu en janvier 2003 les dispositions issues de la loi de modernisation sociale pour proposer aux partenaires sociaux de négocier des règles plus efficaces et plus équilibrées. Ceux-ci n'ayant pu mettre à profit - et nous le regrettons - le délai de vingt mois dont ils disposaient, nous avons élaboré avec Jean-Louis Borloo un avant-projet de loi sur l'anticipation des mutations économiques et la création d'un droit au reclassement pour l'ensemble des salariés, qui opère trois avancées : il crée un droit au reclassement personnalisé pour tous les salariés des PME et des TPE, associant allocation, accompagnement et formation. Il encourage la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et il permet un traitement négocié des restructurations. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et républicain). Le Premier ministre a donc décidé d'en inscrire les dispositions législatives à l'ordre du jour du Conseil des ministres, pour qu'elles soient examinées dans le cadre du plan de cohésion sociale. C'est leur place : c'est un travail pour l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

POLYNÉSIE FRANÇAISE

M. Christian Paul - Monsieur le Premier ministre, en Polynésie française (« Ah ! sur les bancs du groupe UMP) s'est déroulée samedi une marche pacifique historique par son ampleur, pluraliste - elle rassemblait toutes les forces politiques à l'exception d'une seule. Sous nos yeux - René Dosière et Bernard Roman peuvent en témoigner avec moi - des dizaines de milliers de Polynésiens ont exprimé, d'abord, le désir de changement qu'incarne aujourd'hui le président Oscar Temaru, ensuite leur ferme opposition au retour d'un système, celui de la corruption dont les tribunaux sont saisis, connu pour le gaspillage de l'argent public. Le groupe socialiste demande aujourd'hui la création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'usage de l'argent public en Polynésie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Un système où la presse n'est pas libre, un système qui menace les libertés. Surtout, ils ont exprimé le souhait que la dissolution de l'assemblée de Polynésie permette au suffrage universel de dénouer la crise institutionnelle. Nous en avons la preuve, au sein même du Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe UMP) la tentation existe de caricaturer ou d'étouffer ces aspirations.

Dans la République, on ne fait pas impunément violence à la démocratie. Ecouterez-vous le message des Polynésiens, ou avez-vous décidé de soutenir jusqu'au bout - pais à quel prix et dans quel but - le système de M. Flosse ? Entendrez-vous le demande d'une dissolution permettant de redonner la parole au peuple, ou mettrez-vous durablement en cause par aveuglement, la paix civile en Polynésie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - (Huées sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le statut de la Polynésie française na prévu ni en 2004, ni en 1984, sous la gauche, que l'assemblée doive être dissoute après une motion de censure. Contrairement à vos affirmations, le rôle de l'Etat en Polynésie française se limite à faire respecter la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je vous demande de cesser d'attaquer l'Etat et son représentant sur place (Huées bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP), que vous soupçonnez de partialité. J'ai entendu parler de coup d'Etat légal, de putsch juridique. Ces propos indignes sont en outre infondés puisque le Conseil d'Etat a rejeté hier soir le recours d'un de vos amis indépendantistes. Je vous remettrai ces deux décisions qui valident la procédure suivie par le haut-commissaire, qui prévoit que l'assemblée se réunira le 19 octobre, ou le 22, pour élire le président de la Ploynésie. Je vous demande de respecter le travail de ce grand préfet, qui exerce avec vigilance et compétence le contrôle de légalité. C'est d'ailleurs vous qui l'avez nommé le 26 octobre 2001 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je demande aussi à l'ensemble du groupe socialiste de ne pas soutenir les menées illégales des indépendantistes (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste)... car c'est cautionner le non-respect de l'Etat de droit et la violation de la loi organique que vous avez votée (Mêmes mouvements). Je le demande à nouveau : laissons se poursuivre le processus institutionnel jusqu'à son terme sans préjuger le résultat du scrutin qui va intervenir (Mêmes mouvements). Quant à vous, Monsieur Paul, je vous remercie, comme les autres élus socialistes, car vous avez osé porter votre écharpe tricolore (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste)... au milieu des manifestants qui défilaient sous le drapeau blanc et bleu des indépendantistes (Huées sur les bancs du groupe socialiste ; vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP). (Mme la ministre fait porter les arrêtés du Conseil d'Etat à M. Paul).

STATUT DES ENSEIGNANTS DES ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS SOUS CONTRAT

M. Yvan Lachaud - Par ma question, à laquelle j'associe mes collègues Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet et François Rochebloine, je traiterai d'équité, et particulièrement de l'équité qui doit valoir pour les 145 000 enseignants du secteur privé sous contrat. Ils sont, comme les maîtres de l'enseignement public, rémunérés par l'Etat, et soumis aux mêmes obligations qu'eux ; malgré cela, leurs cotisations de retraite sont de quatre à cinq points plus élevées que celles de leurs collègues, et leur pension de quelque 20 % inférieure (« C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP). Bien que la réforme des retraites se soit voulue équitable, cette inégalité demeure, le Gouvernement ayant obstinément refusé les amendements du groupe UDF qui tendaient à la corriger. Même si, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, quelques assurances apparaissent, rien n'est dit des retraites, et cette situation est très mal vécue, à juste titre, par les intéressés, qui demandent légitimement le rétablissement de l'équité. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre à cet effet, et dans quels délais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Monsieur Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - De fait, les droits à pension des maîtres du secteur public et du secteur privé sous contrat ne sont pas comparables : et c'est ce qui a justifié la proposition de loi que vous avez cosignée avec votre collègue Censi. Il faut traiter la question du statut, celle de la retraite et celle du financement. Il s'agit d'une mesure de justice sociale, qui sera clairement abordée, pour partie, dans le PLFSS pour 2005. Il convient en particulier de clarifier la situation de ces enseignants en spécifiant que leur contrat et passé avec l'Etat, ce qui répondra à une revendication légitime. La proposition de M. Censi et vous-même avez présentée tend également à instaurer un régime de retraite additionnel pour les personnels considérés. Nous parviendrons, par le dialogue et la concertation, à plus de justice sociale, et ces mesures aboutiront dans les meilleurs délais. Ainsi, je suis certain que, dès l'examen du PLFSS, chacun aura à cœur de favoriser ce progrès social (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DÉLOCALISATIONS

M. Maxime Gremetz - Notre pays est frappé d'une vague de délocalisations sans précédent. Un seul objectif : assurer toujours plus de profit aux entreprises, au prix de milliers de licenciements et du saccage de territoires entiers. C'est ainsi qu'en Picardie seulement, quinze entreprises ont délocalisé leurs activités récemment, en sacrifiant des centaines d'emplois. Or, le Gouvernement s'est limité à faire rejeter la proposition de loi du groupe communiste, qui tendait à imposer des mesures de rétorsion contre ces patrons voyous, au nombre desquelles le remboursement des aides publiques. Mais cela n'est pas tout : vous multipliez les provocations à l'égard du monde du travail en donnant toujours plus de libertés aux MEDEF pour licencier, comme le prouve le projet Larcher-Seillière (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Mais le livre de chevet de M. Sarkozy - le rapport Camdessus - va encore plus loin en donnant libre cours à la loi du plus fort dans les entreprises, que le Gouvernement envisage de laisser délocaliser et licencier sans aucune limite. Monsieur le ministre de l'économie, allez-vous enfin entendre les revendications des organisation syndicales et celles de nos concitoyens les plus inquiets et les plus menacés par vos projets ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le rapport Camdessus est un rapport remarquable. Son auteur se pose la question que nous devrions tous nous poser : pourquoi, depuis vingt-quatre ans, l'économie française connaît-elle systématiquement une croissance d'un point inférieure à celles des économies des autres pays développés ? Cette question transcende la couleur politique des gouvernements successifs. Quant à Michel Camdessus, vous devriez lui montrer davantage de respect, car il a toujours fait honneur à la France dans ses fonctions internationales successives (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Que nous dit-il ? Que la solution est en nous (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)... car il n'y a pas de fatalité. Le fait est que la France compte plus de chômeurs, et singulièrement plus de jeunes chômeurs, que les chômeurs y sont sans emploi plus longtemps qu'ailleurs et que, dans le même temps, le nombre de jeunes préretraités y est particulièrement élevé. (Mêmes mouvements) Messieurs de l'opposition, avec le bilan que vous avez, vous devriez être plus calmes (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Vous feriez mieux, plutôt que de donner des leçons, d'être attentif à ce que dit M. Camdessus ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Si l'on veut que notre pays crée davantage d'emplois et de richesses, il est urgent d'y réhabiliter le travail, que vous avez, vous, découragé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Pour gagner plus, il faut travailler plus, voilà la clé de tout. M. Camdessus nous exhorte enfin à faire preuve d'audace et je veux relayer son interrogation : comment se fait-il qu'alors que le droit social français n'a jamais été aussi protecteur, un nombre toujours croissant de salariés se sentent en situation de précarité ? Avant d'envisager la réponse, il fallait déjà se poser la question ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

LUTTE CONTRE LES MARGES ARRIERE DANS LA DISTRIBUTION

M. Jean-Paul Charié - Monsieur le ministre d'Etat, la loi Galland à fixé les règles de calcul du seuil de revente à perte. Ce texte a donc fait disparaître la baguette à quinze centimes ou la vente de la longe de porc à moins de cinquante pour cent de son coût de production et le commerce de centre ville ne se trouve plus disqualifié. Las, les fausses coopérations commerciales se sont considérablement développées. Pourtant interdites par la loi, ces fausses factures - dites marges arrières - ont obligé les fournisseurs à augmenter leurs tarifs, ce qui est contraire à leur intérêt comme à celui des consommateurs. Sur ce dysfonctionnement grave de notre économie, le rapport de la commission Canivet comporte nombre de propositions très positives, tendant à rétablir une situation de partenariat gagnant-gagnant. Par contre, l'abaissement du seuil de revente à perte, en incluant tous les avantages obtenus - ce que nous appelons le trois fois net - semble incompatible avec la préservation des acquis incontestables de la loi Galland.

Une autre solution consiste à contrôler de manière effective les marges arrières et à plafonner les possibilités de coopération commerciale. Cette option aurait l'avantage de faire baisser les tarifs des industriels, tout en leur redonnant des marges pour innover. Elle serait profitable au monde agricole, aux PME et aux grandes marques, tout en permettant aux revendeurs - qu'ils soient grandes surfaces ou petits commerçants - de retrouver une liberté de concurrence sur les prix et la qualité.

Quelle est, Monsieur le ministre d'Etat, votre orientation ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Monsieur le député, vous êtes un expert de ces questions qui m'apparaissent comme l'un des sujets les plus complexes de l'économie française. Vous invoquez les acquis de la loi Galland. Certains sont incontestables. Mais, dans ces conditions, comment expliquer que tout le monde soit mécontent ?

Les agriculteurs, qui trouvent que les prix sont trop bas (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UDF) ; les PME - dont vous êtes un ambassadeur fidèle et très vigilant -, qui se plaignent à bon droit de ne pas disposer d'assez de linéaires de vente et de n'être pas en position de force pour négocier avec la grande distribution ; les consommateurs, qui ont à déplorer depuis cinq ans une hausse de prix sensiblement plus forte qu'ailleurs ; les grandes surfaces enfin - et n'est-ce pas un comble ? -, qui perd de ce fait des parts de marché au profit du hard discount...

Quant au commerce de centre ville, je n'ai pas entendu un seul député, de droite comme de gauche, me dire qu'il se porte bien ! Dès lors, étrange raisonnement que celui qui conduirait à dire : « puisque tout va mal, ne changeons rien ! »

La commission Canivet présente, vous l'avez dit, deux solutions. La première, la plus forte, consiste à généraliser la pratique du triple net dans la distribution, dans l'esprit de libre concurrence des ordonnances de 1986. Avantage de cette option, une baisse des prix pour le consommateur, mais le risque est dans l'absence de mécanismes stabilisateurs. La deuxième solution, consiste à retenir la pratique dite du double net, à la fois moins risquée et moins avantageuse. Je réunirai l'ensemble des parties intéressées la semaine prochaine, de manière à dresser un bilan global de la situation pouvant déboucher sur le dépôt d'un projet de loi dans les quinze jours. Le Premier ministre a fait de la baisse des prix une priorité de l'action gouvernementale. C'est en effet le meilleur moyen de redonner du pouvoir d'achat aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

RÉINSERTION DES ANCIENS DÉTENUS

M. Christian Kert - Monsieur le Garde des Sceaux, vous êtes venu hier à Marseille...

M. Jean Glavany - Pas trop vite, j'espère !

M. Maxime Gremetz - A 160 ! Qu'en pense M. de Robien ?

M. Christian Kert - ...pour évaluer l'activité d'un chantier de réinsertion. Pour exemplaire qu'elle soit, cette opération reste malheureusement isolée. Depuis trop longtemps, en effet, l'effort de réinsertion dans la société des personnes ayant été détenues reste insuffisant et, à l'exception notable du bracelet électronique - lequel a concerné cette année plus de 800 personnes -, les mesures alternatives à l'emprisonnement ne se sont pas généralisées. Le dispositif actuel ne prend pas la mesure du nombre de détenus présents dans les prisons françaises, non plus que la structure de cette population, souvent jeune et sans formation. Or il est de notre devoir d'organiser la sortie de prison de ces jeunes, en lançant leur démarche de recherche d'emploi plusieurs semaines avant leur libération.

Une meilleure réinsertion passe aussi par l'amélioration des dispositifs alternatifs à l'incarcération, qu'il s'agisse du bracelet électronique, du placement extérieur ou de la semi-liberté, tous concourant à l'équilibre de notre société. Monsieur le Garde des Sceaux, quelle est votre position à ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Je me suis en effet rendu hier à Marseille pour évaluer les résultats du chantier de réinsertion occupant vingt jeunes détenus à la rénovation d'un ancien hôpital. Il y a là une forme de réponse au problème très délicat de l'accompagnement des détenus vers la liberté, l'enjeu étant d'améliorer les situations individuelles et de se prémunir contre la récidive.

Comment développer ce type d'intervention ? En mars dernier, vous avez adopté des dispositions créant, pour toute personne condamnée à une peine d'une durée de six mois à cinq ans, une obligation d'aménager les trois à six derniers mois de la peine, selon un régime de semi-liberté, de placement en chantier extérieur ou de port d'un bracelet électronique. 13 000 détenus en bénéficieront chaque année. L'entrée en vigueur de ce dispositif automatique et obligatoire dépend de la capacité de l'administration pénitentiaire et des juges d'application des peines à traiter les 13 000 dossiers correspondants, et à accueillir ces personnes soit dans des centres de semi-liberté, dont je multiplie les constructions, soit dans des chantiers comme celui dont vous avez parlé, ou à les équiper de bracelets électroniques. Il en va de la préparation au retour à la liberté et de l'efficacité de la lutte contre la récidive. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

HAUSSE DU PÉTROLE

M. François Hollande - Je vous demande, Monsieur le Premier ministre, de faire savoir à votre ministre de l'outre-mer (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) que les parlementaires sont libres de porter leur écharpe tricolore là où ils le veulent, parce qu'ils la tiennent du suffrage universel et de lui seul. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

J'en viens à ma question, qui porte sur les conséquences de la forte hausse mondiale du prix du pétrole - 70 % en un an - pour l'économie française et pour les Français eux-mêmes.

Le budget que vous avez préparé se fonde sur une hypothèse de 36,5 $ le baril alors qu'on est aujourd'hui à 55 $ et que l'on ira hélas sans doute plus haut. Du coup, votre prévision de croissance à 2,5 % ne pourra être respectée et l'on pourrait bien se situer un point en dessous.

Mais les conséquences sont lourdes aussi pour le pouvoir d'achat de nos compatriotes, avec une hausse de 30 % du fioul domestique et de 25 % du litre de gazole. Là aussi, la consommation et la croissance pourraient en être affectées.

Vous avez servi, et c'est normal, un certain nombre de personnes qui avaient exprimé leurs revendications. Mais vous avez tout simplement oublié les salariés et tous les Français dans vos largesses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Allez-vous, dans ces conditions, rétablir le mécanisme de la TIPP flottante ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). A défaut, allez-vous au moins préférer une réduction de la fiscalité pétrolière au bénéfice de tous les Français à ces cadeaux, telle la réduction de l'ISF, que vous destinez à votre clientèle ? (Mêmes mouvements)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Vous parlez de « largesses » : quel mépris pour les agriculteurs, les routiers, les marins-pêcheurs, pour la France qui travaille ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Vous aimer vous référer à votre bilan : en 2000 le prix du pétrole avait augmenté de 15 centimes, vous avez diminué la TIPP de 2 centimes... Votre système était injuste et inefficace et vous n'avez aucune leçon à donner ! (Mêmes mouvements)

Par ailleurs, vous avez raison de vous préoccuper du coût de l'énergie, mais dans ce cas, pourquoi n'avez-vous pas voté le déclenchement de la quatrième génération des centrales nucléaires, avec l'EPR ? Quelle inconséquence ! (Mêmes mouvements)

M. Yves Cochet - Ça n'a rien à voir !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Mais vous avez raison, il serait anormal que l'Etat bénéficie d'une augmentation de recettes par le biais de la TVA et de la TIPP et qu'il ne la redistribue pas aux Français. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé, sous l'autorité du Premier ministre, qu'une commission (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) composée d'experts et de parlementaires se réunira le 15 décembre pour calculer en toute transparence ces recettes supplémentaires et que le Gouvernement redonnera le 1er janvier, sous forme d'une baisse de la fiscalité sur le pétrole, les excédents engrangés en 2004, sans dégrader les comptes. Cela s'appelle la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Pour sa part, votre proposition coûterait 3,5 milliards et je comprends mal comment vous pouvez à la fois reprocher au Gouvernement de ne pas assez réduire le déficit et, comme à l'habitude, proposer de nouvelles dépenses sans avoir la moindre idée de la façon dont on les financera ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DÉCENTRALISATION ET FISCALITÉ LOCALE

M. Christian Estrosi - Afin de rapprocher les lieux de décision de nos concitoyens, ce gouvernement a fait voter une loi de décentralisation qui garantit que chaque transfert de compétence sera assorti des moyens matériels, financiers et humains nécessaires pour ne pas entraîner une hausse de la fiscalité locale.

Or, depuis quelques mois, la plupart des présidents de gauche des exécutifs régionaux et départementaux entretiennent une polémique en laissant croire que c'est à cause de ces transferts que la fiscalité locale augmente. Mais ce sont des décisions du gouvernement Jospin qui sont à l'origine ! Ainsi, c'est la gauche qui a confié l'APA aux départements, qui a appliqué les 35 heures dans les collectivités locales, qui a augmenté de façon considérable les budgets des SDIS, sans jamais transférer les moyens correspondants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) La tromperie des présidents d'exécutifs de gauche ne vise donc qu'à justifier une hausse de la fiscalité locale destinée à financer les promesses électorales.

Je souhaite donc que le Gouvernement éclaire les Français sur les moyens qu'il compte engager, à l'euro près, pour financer les transferts de compétences. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Votre démonstration est limpide : la réussite de la décentralisation suppose que l'on rétablisse une confiance ébranlée entre l'Etat et les collectivités locales. C'est bien pourquoi nous nous sommes attachés depuis six mois à tenir scrupuleusement nos engagements : l'autonomie financière, c'est fait ; la nouvelle décentralisation, c'est voté ; la TIPP modulable pour les régions, la première étape, devant la Commission, est franchie, la seconde, avec les Etats membres, est engagée ; la réforme des dotations et de la péréquation, nous la faisons.

A tous ces rendez-vous, nous sommes présents. Il reste un point clé, la décentralisation, qui va monter en puissance sur les trois prochaines années, et revêtir toute son importance en 2007. D'ici là, nous avons été clairs, la décentralisation sera financée à l'euro près, et les collectivités qui choisiront d'augmenter leurs impôts le feront pour remplir des promesses électorales, telles la gratuité des transports scolaires ou des livres scolaires, mais pas la décentralisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

TÉLÉPHONIE MOBILE

M. Yves Coussain - Le Gouvernement a fait de la lutte contre la vie chère l'une de ses priorités, et le débat sur la baisse des prix dans la grande distribution en témoigne. Dans le secteur de la téléphonie mobile, la consommation ne cesse de se développer, malgré la surfacturation des communications d'un fixe vers un mobile, sur lesquelles, à chaque minute, l'opérateur mobile prélève 15 centimes d'euro, alors que le coût de revient est estimé entre 6 et 8 centimes. Cette taxe, justifiée lors du lancement de la téléphonie mobile pour financer le réseau, n'a plus de raison d'être, et a du reste été condamnée par le Conseil de la concurrence. L'ART a annoncé un objectif de baisse de 50 % sur trois ans. Les sommes en jeu sont considérables, aussi souhaiterais-je connaître les intentions du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - C'est vrai, l'interconnexion est payée 15 centimes d'euros la minute alors que le prix de revient varie entre 6 et 8 centimes, et que la directive européenne, comme la loi interne, prévoient que le tarif de l'interconnexion doit se rapprocher le plus possible du prix de revient. C'est une véritable mesure antisociale, qui pénalise ceux qui ne disposent pas de téléphone mobile, à savoir, généralement, des personnes plus modestes que les autres. 800 millions d'euros sont ainsi confisqués chaque année au détriment de cette population, aussi en sommes-nous arrivés à mettre au point un dispositif pour faire croire que l'on appelle d'un mobile quand on utilise en réalité un fixe, et supprimer la surprime. 200 millions seraient ainsi gagnés grâce à cette technique qu'on nomme, dans le jargon, le « hérisson ».

Le Gouvernement veut cependant mettre fin à cette pratique, et restituer les 800 millions d'euros aux consommateurs. Il prépare à cette fin un décret, qui sera prêt à la fin de l'année, et donnera à l'ART les moyens d'agir pour contraindre les opérateurs à cette baisse, au cas où ils ne s'y résoudraient pas d'eux-mêmes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PRATIQUE DES PRIX DANS LA GRANDE DISTRIBUTION

M. Henri Emmanuelli - Monsieur Sarkozy, au moins pourrions-nous nous entendre pour ne faire dire aux gens le contraire de ce qu'ils ont dit : M. Hollande a trouvé les baisses catégorielles légitimes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) .

Monsieur le Premier ministre, malgré le retour de la croissance, le chômage a continué d'augmenter. Cette croissance est aujourd'hui menacée par la hausse du prix de l'énergie. Au printemps, le ministre de l'économie a redécouvert l'importance de la demande intérieure et, partant, du pouvoir d'achat des Français, d'où la baisse de 2% dans le secteur de la grande distribution. Il est un peu tôt pour juger de cette opération, d'autant plus que les intéressés l'ont transformée en opération marketing, mais nous croyons que les marges commerciales pratiquées dans ce secteur sont fort supérieures à celles qui avaient justifié, au départ, l'essor de ce type de distribution. Le rapport Canivet révèle même que si l'on modifiait la loi Galland, on pourrait obtenir des baisses de 15 à 60% ! De surcroît, l'arrivée de l'euro a modifié les prix dans certains domaines (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Pour ces raisons, nous souhaitons que le Parlement se saisisse de cette affaire et que l'on constitue une commission d'enquête pour contrôler les marges commerciales dans les grandes surfaces.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Le Gouvernement a bien noté que la demande intérieure était l'un des moteurs principaux de notre croissance, de un point supérieure à celle des pays de la zone euro. Je suis fier d'être à la tête du Gouvernement qui a augmenté le SMIC, et la prime pour l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) .

S'agissant du rapport Canivet, c'est vrai, il faut moderniser certains dispositifs, décidés il y a dix ans. A cette fin, nous devons nous appuyer sur trois critères. Tout d'abord, le consommateur. Vous avez raison de souligner que, du fait du système antérieur, un même produit peut coûter en France 20 à 25 % plus cher qu'en Allemagne, en Italie ou en Espagne. Le consommateur doit être le premier à profiter de l'évolution de notre règlementation.

Deuxième élément : l'emploi. Il est évident que les grandes surfaces doivent accueillir les productions des petits producteurs agricoles et des PME avec dynamisme dans le cadre de conventions et de partenariats pluriannuels afin de soutenir l'emploi. C'est précisément parce que nous voulons soutenir l'emploi dans les PME que le ministre de l'économie parlait d' « amortisseurs » et de « régulateurs ».

Troisième élément : la proximité. Nous avons trop encouragé, par le passé, le développement des grandes surfaces (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) et le commerce de proximité en a été affaibli. Il est temps de travailler à un rééquilibrage dans le respect des règles qui fonderont la nouvelle politique commerciale de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Emmanuelli - Vous n'avez pas répondu à ma question !

SÉCURITÉ MARITIME

M. Aimé Kerguéris - Nous nous souvenons tous des catastrophes maritimes, de l'Erika, du Prestige, qui ont pollué nos côtes et les fonds marins. Certains commandants de navires sont irresponsables, et nos mers sont souillées par des dégazages sauvages. Le Gouvernement a initié dès 2002 de nouvelles dispositions pour faire face à cette situation.

M. Gilbert Le Bris - Depuis 2001 !

M. Aimé Kerguéris - Nous savons en effet que plusieurs navires pris en flagrant délit ont été déroutés. Est-il possible de faire un point précis de la situation ?

De plus, de nouvelles dispositions ont été adoptées sur un plan international concernant la sécurité des navires et des ports. Qu'en est-il de leur application ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - Vous savez mieux que personne que notre politique de sécurité maritime a considérablement changé depuis 2002.

M. Gilbert Le Bris - Depuis 2001 !

M. le Secrétaire d'Etat - Nous avons été condamnés par la cour de justice en 2000 parce que les contrôles dans les ports étaient insuffisants. Pour la première fois, nous avons dépassé en 2003 le seuil des 25% de navires contrôlés, taux qui sera à nouveau respecté en 2004.

D'ici 2007, nous moderniserons en outre les équipements de radars qui contrôlent les navires dans la Manche. Depuis le mois d'octobre, un nouveau dispositif de suivi du trafic en Manche, baptisé « trafic 2000 », a été mis en œuvre. Nous avons veillé à ce que le PLF pour 2005 comporte les dotations budgétaires nécessaires.

En ce qui concerne les dégazages, les réformes engagées en 2002 par le Premier ministre portent aujourd'hui leur fruit. Où précédemment un ou deux navires seulement étaient déroutés, ils sont seize depuis le 1er janvier de cette année. Leurs responsables seront lourdement sanctionnés.

Tous les navires de commerce français qui, depuis le 1er juillet 2004, sont effectivement soumis à une convention internationale signée en 2002 concernant la sécurité maritime ont obtenu leur certificat international de sûreté. Nous recruterons enfin 40 officiers de ports afin de renforcer la sécurité.

Dans un contexte de maîtrise des dépenses, l'Etat ne transige pas dès lors qu'il en va de la sûreté du trafic et des installations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

RAYONNEMENT CULTUREL DE LA FRANCE EN CHINE

M. Yves Censi - Le Président de la République, à l'occasion de son voyage en Chine du 9 au 12 octobre, a lancé l'année de la France en Chine, opération qui comprend un important volet culturel. M. le ministre de la culture, qui l'accompagnait, a participé à une rencontre internationale sur la diversité culturelle.

La Chine est un géant démographique et économique. Son poids culturel est également de plus en plus important. Ce déplacement aura-t-il un impact sur notre rayonnement culturel ? Quels résultats ont-ils été obtenus en faveur de nos industries culturelles, et notamment audiovisuelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - La mondialisation, l'internationalisation des échanges et les délocalisations donnent parfois le sentiment que notre influence diminue. Or, l'ouverture de l'année de la France en Chine nous a d'ores et déjà permis de mesurer l'ampleur de notre rayonnement.

Quarante ans après le voyage du général de Gaulle, la France est ainsi le premier pays autorisé à ouvrir un centre culturel en Chine.

Nombre de manifestations culturelles ont été organisées : les images du spectacle de Jean-Michel Jarre ont ainsi été reçues par 650 millions de Chinois, de même que ces derniers ont pu voir nos trois couleurs sur l'ancienne muraille de Pékin ou prendre connaissance des citations de Victor Hugo ou des extraits de la Déclaration des droits de l'Homme.

La France est en compétition avec les institutions des plus grands pays, et notamment avec les Américains, pour animer un centre culturel particulièrement important à Hong-Kong.

Enfin, une réunion très importante sur la diversité culturelle et la préparation d'une convention à l'UNESCO a eu lieu à Shanghai pour que chaque Etat puisse défendre sa politique culturelle et ses artistes : sur ce plan, la Chine nous a soutenus.

Le bilan économique et culturel de cette visite d'Etat est d'ores et déjà considérable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à est reprise à 16 heures 20

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2005 (première partie)

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2005.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - J'ai l'honneur de vous présenter le budget de la France pour 2005, en compagnie de Dominique Bussereau.

A lui seul, un budget ne fait pas basculer un pays dans une situation bonne ou mauvaise, mais il est essentiel parce que ses choix engagent et qu'il s'inscrit dans une politique économique. Au-delà des contraintes bien réelles qui pèsent sur ce budget et du volontarisme non moins réel qui nous anime, j'organiserai mon propos autour de trois questions.

D'abord, que voulons-nous pour notre économie ? Il ne s'agit pas d'améliorer tous les indicateurs, de l'emploi à l'inflation et au commerce extérieur, mais de définir un but. Et ce but ultime, autour duquel toute notre action doit s'ordonner, c'est une croissance plus soutenue et surtout plus durable.

Ensuite, dans quel contexte agissons-nous ? Aux contraintes internationales et européennes s'ajoutent celles qui sont propres à notre économie et à nos finances publiques.

Enfin, comment ce budget poursuit-il cet objectif en s'inscrivant dans ce contexte ?

La croissance doit être au cœur de l'action. Il ne s'agit pas de faire le moins mal possible, mais d'opérer un véritable sursaut national. Le diagnostic a été rapide à établir. Pourquoi la France fait-elle durablement moins bien que d'autres grands pays ? A mesure que le temps passe, on conteste de moins en moins ce retard. On passe d'ailleurs plus de temps à se demander si nous avons eu 0,4%, 0,5% ou 0,6% de croissance au trimestre précédent qu'à réfléchir au moyen de faire 3% l'an prochain. Il y a là une résignation que nous devons refuser.

A l'évidence, nous faisons un point de croissance de moins que les autres depuis vingt ans. Il ne s'agit pas de faire l'apologie des pays anglo-saxons, ni de courir derrière les performances à tout prix, mais d'ouvrir les yeux sur ce qui se passe autour de nous. Ce que les autres font, pourquoi ne trouvons-nous pas en nous-mêmes les ressources pour y parvenir ?

J'avais demandé en mai dernier à Michel Camdessus de réfléchir sur les obstacles à la croissance.

M. Jean-Pierre Brard - C'est un mercenaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre d'Etat- Il a remis un rapport d'une grande qualité, d'une grande hauteur de vue...

M. Jean-Pierre Brard - Au-dessus du flacon de parfum de Mme Bettencourt (Mêmes mouvements)

M. le Ministre d'Etat - Vous qui aimez tant que l'on vous respecte, respectez les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Il y a des moments, Monsieur Brard, où votre humour a des limites.

M. Jean-Pierre Brard - Je vous respecte, mais pas quelqu'un qui a une mentalité de lansquenet !

M. le Ministre d'Etat - Ce rapport fera date dans notre réflexion économique. Il diagnostique une croissance trop faible sur les dix dernières années. Sur cette période, elle n'est supérieure qu'à celle de l'Allemagne (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux - Et entre 1997 et 2002 ? Ne commencez pas par mentir !

M. le Ministre d'Etat - Tous les autres pays ont connu une croissance par habitant supérieure, y compris des pays qui n'étaient pas en train d'opérer un rattrapage sur la France. C'est le cas du Royaume-Uni, de la Belgique, des Pays-Bas, de la Suède et de la Finlande. La polémique est vraiment inutile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Augustin Bonrepaux - Je rétablis la vérité.

M. le Ministre d'Etat - Pourquoi la croissance a-t-elle été de 3 % en moyenne aux Etats-Unis et de 2 % en France ? Ce point qui nous manque, c'est celui qu'il nous faudrait pour réduire chaque année notre déficit d'un demi-point, c'est-à-dire de 8 milliards...

M. Augustin Bonrepaux - Inspirez-vous de vos prédécesseurs !

M. le Ministre d'Etat- ...et pour faire reculer le chômage de plusieurs points. Les gouvernements successifs se sont épuisés à le maintenir autour de ce seuil mythique des 10 %, mais lorsque la croissance a été plus forte, nous n'avons jamais réussi à le faire descendre en dessous de 8,5 %, ce qui est beaucoup plus élevé que dans nombre de pays comparables qui sont à 5 %.

M. Augustin Bonrepaux - Mais mieux que vos 9,5 % !

M. le Ministre d'Etat - Ne nous jetons pas les chiffres à la figure, mais essayons de trouver ensemble la solution.

Pis encore, le rapport Camdessus montre que si nous ne faisons rien, compte tenu du vieillissement de notre population, notre rythme de croissance ne sera pas légèrement au-dessus de 2 %, mais de 1,5 %. On prétend parfois que le vieillissement de la population est une bonne nouvelle pour la baisse du chômage, c'est faux.

M. Jacques Myard - Tout à fait faux !

M. le Ministre d'Etat - Il signifie diminution de la consommation et de la croissance. Attendre la baisse du chômage d'une baisse de la population active est un non-sens économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je soulignerai deux phénomènes fondamentaux. D'abord, la France travaille moins que ses partenaires et je ne pense pas seulement aux 35 heures, mais aussi au travail des moins de 25 ans et à celui des quinquagénaires, qui ne demandaient qu'à continuer à travailler. Il devrait y avoir consensus pour reconnaître que le taux d'activité en France est très inférieur à la moyenne. Nous sommes en avant-dernière position parmi les pays de l'OCDE pour le nombre d'heures travaillées par an par personne en âge de travailler. Or sans un niveau suffisant de travail, il n'y a pas de création de richesse. Qu'on ne s'étonne donc pas si notre taux de croissance est faible : notre taux d'activité est faible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Sophisme !

M. le Ministre d'Etat - Si cette vérité dérange, c'est que l'on ne veut pas voir la réalité : tout doit être mis en œuvre pour encourager le travail. Or, ces dernières années, tout a été mis en œuvre pour le décourager. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Eric Besson - Et qu'avez-vous fait ?

M. le Ministre d'Etat - Ensuite, notre endettement a atteint le niveau insupportable de 1000 milliard d'euros, alors que même que nous investissons de moins en moins pour l'avenir. Aucun gouvernement ne saurait échapper à cette réalité : dès lors que la dette vous étouffe, vous n'avez plus de marge de manœuvre pour investir. Avec 40 milliards d'intérêts par an, le service de la dette est devenu le deuxième budget civil de la nation : voilà le résultat de vingt-trois années consécutives de déficit, dont la gauche peut revendiquer une large part. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et applaudissements sur les bancs du groupe UMP) J'accepte tout autant que nous en assumions notre part !

La France se retrouve ainsi dans la situation d'un ménage qui, peinant à rembourser ses dettes et n'ayant pas encore installé ses enfants, choisirait délibérément de travailler moins. On peut sans risque lui prédire des difficultés. Eh bien, nous y sommes : de la dette, des déficits, du travail en moins, et l'on s'étonne que le nombre des chômeurs augmente ! Voilà le constat.

Résumons la stratégie que le Gouvernement vous propose : plus de croissance par davantage de travail et davantage de travail par plus de réformes. Il faut pour cela lever tous les obstacles...

M. Jean-Pierre Brard - La vérité selon Saint Nicolas !

M. le Ministre d'Etat- ...qui freinent la création d'emplois et dissuadent le travail.

Il nous faut bien sûr tenir compte des protestations syndicales...

M. Jean-Pierre Brard - Quand même ! Vous allez voir ça !

M. le Ministre d'Etat- ...dissiper les malentendus et apaiser les inquiétudes. Mais les protestations des uns et des autres, je le dis solennellement, ne doivent pas nous conduire à l'immobilisme. Car les mêmes qui nous reprochent d'aller trop vite seraient les premiers à nous sanctionner pour avoir avancé trop lentement. Les Français jugeront aux résultats. Ce n'est pas en ne tentant rien qu'on infléchira la douloureuse réalité qui voit depuis vingt ans notre pays faire moins bien que les autres en matière de chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Protestations et inquiétudes ne doivent en aucun cas nous conduire à un immobilisme mortel pour une majorité, pour un gouvernement et, plus grave, pour un pays.

M. Eric Besson - Cela fait deux ans et demi que vous le dites !

M. le Ministre d'Etat - Quelles sont les contraintes ? La croissance mondiale en 2004 - 4,5% - est l'une des plus fortes des trente dernières années, avec 4 % aux Etats-Unis et près de 10 % en Chine. Les experts s'attendent à un léger ralentissement en 2005, sous l'effet des déséquilibres de l'économie américaine dont le premier est l'extraordinaire faiblesse du taux d'épargne des ménages - 1,3% contre 15,4% en France. N'oublions pas, parmi les déficits américains, celui des ménages : la plus grande puissance mondiale, qui devrait être structurellement prêteuse, est structurellement emprunteuse. Que se passera-t-il quand l'épargne asiatique ne sera plus investie en bons du Trésor américains ?

La croissance restera cependant forte : 4 % en 2005, dont 3 % aux Etats-Unis au lieu de 4 %. Un taux de croissance que nous serions bien heureux d'avoir et que nous définirions comme excellent ! Mais ce qui est excellent pour nous devient médiocre pour les autres : ce n'est pas le moindre des paradoxes de ce qu'il faut bien appeler un soupçon d'arrogance de la part de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

En Europe, la reprise se poursuit. La croissance de la zone euro s'est établie en rythme annuel à 2,5 % au premier semestre 2004, alors que la croissance française sur la même période dépassait les 3 %. Permettez-moi de le souligner, car si la France avait fait moins bien que les autres, il ne manquerait pas de voix ici pour le reprocher au Gouvernement ! Ces mêmes voix reconnaîtront donc bien volontiers, je n'en doute pas, que c'est grâce au Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

En France, la reprise a d'abord été soutenue par la consommation des ménages, qui a augmenté de 2,8% au deuxième trimestre 2004. Les derniers chiffres font certes état d'un tassement cet été, mais la progression devrait se maintenir entre 2 % et 2,5 % cette année, soit un point de plus que la moyenne de la zone euro.

La demande des ménages est relayée par une relance de l'investissement. Il était temps : voilà deux ans qu'il diminuait. En 2004, les investissements dans l'industrie concurrentielle ont progressé de 8 % en valeur, soit la progression la plus élevée depuis 1991.

Nos exportations, après quatre trimestres de recul entre la mi-2002 et le mi-2003, ont augmenté de 1,1 % au deuxième trimestre 2004, tendance qui devrait se poursuivre au vu des carnets de commandes de nos industriels.

Toutefois, ces résultats sont fragiles. En effet, notre commerce extérieur est très orienté vers l'Italie et l'Allemagne, deux économies qui comptent aujourd'hui parmi les moins dynamiques de la zone Europe.

Le retour de la croissance en France n'est pas dû au seul contexte international. Il tient aussi au cap qui a été fixé de la réduction des déficits. Les Français épargnaient davantage que les autres pays de la zone euro : à force de voir l'Etat dépenser de l'argent qu'ils n'avait pas, ils ont stocké une épargne de précaution. C'est un phénomène connu.

M. Jean-Pierre Brard - Mon boulanger me l'a bien dit !

M. Le Ministre d'Etat - Depuis que nous avons fixé le cap de la réduction des déficits, le taux d'épargne des Français a diminué de 1,2 point : les Français ont recommencé à consommer.

M. Jean - Pierre Brard - C'est ce que votre femme de ménage vous a expliqué !

M. le Ministre d'Etat - Il faut rendre du pouvoir d'achat aux Français. Or il n'y a ni marge de manœuvre budgétaire, ni marge de manœuvre fiscale, ni marge de manœuvre monétaire. Il faut donc agir sur tous les leviers de croissance possibles.

M. Jean-Pierre Brard - Superman !

M. le Ministre d'Etat - C'est le sens de l'accord sur la baisse des prix des produits de la grande distribution. L'INSEE a estimé le gain de pouvoir d'achat induit à 0,3 point d'ici au début 2005, alors que les prix des produits alimentaires avaient augmenté de 3 % par an entre 2000 et 2003. C'était une véritable injustice sociale dont personne ne parlait. Il est donc heureux que la question des prix soit clairement posée aujourd'hui. Nous n'avons certes pas tout résolu, Monsieur Charié. La formation des prix dans la grande distribution ne répond pas à des critères objectifs ; et ces prix étaient trop élevés. Ce n'est pas le moindre des paradoxes : alors que les indices font état d'une inflation contenue, les consommateurs pensent que la vie est chère. Ce décalage devrait nous inciter à revoir des indices sans doute devenus trop théoriques pour représenter quelque chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous avons incité les ménages à consommer. Entre juin et septembre, il y a eu 130 000 donations exceptionnelles dans la limite des 20 000 euros. Ce sont 2,2 milliards d'euros qui sont venus soutenir l'activité sans dégrader d'un centime le déficit public. Pourquoi s'en priver ? Il se trouve que l'on a davantage de moyens à l'âge où l'on a moins de besoins. C'était donc une mesure utile, simple, et elle a marché.

Mieux, la déduction des intérêts sur les prêts à la consommation a permis de contracter 900 millions d'euros de prêts supplémentaires. Il fallait décomplexer l'acte d'emprunt.

En effet, un pays où l'on emprunte est un pays qui a confiance en son avenir, et qui croit au progrès social pour les générations montantes.

Quant à la possibilité de déblocage anticipé de la participation, elle a permis depuis septembre seulement, que 385 000 salariés réinjectent 1,1 milliard dans l'économie sans que le déficit en soit aggravé. Je ne doute pas qu'au cours du débat à venir, d'autres idées intéressantes fusent, qui me permettront de repartir la musette pleine, mais, les mesures appliquées nous ont déjà fait gagner 0,5 point de PIB supplémentaire.

De ce fait, le budget est fondé sur une prévision de croissance fixée à 2,5 % en 2005, davantage, donc, que la prévision moyenne de 2,2 % pour la zone euro. De cette croissance, nous attendons la création de 190 000 emplois dans le secteur marchand, et une augmentation de 2,2 % du pouvoir d'achat des ménages. Bien sûr, la question se pose des tensions induites par l'augmentation continue du prix du pétrole, passé de 44 dollars le baril le 22 septembre, date à laquelle le projet a été présenté au Conseil des ministres, à quelque 55 dollars aujourd'hui pour le baril de brent. Dans un tel contexte, que faire ? A court terme, il faut aider certains secteurs, dont l'agriculture, qui sont immédiatement vulnérables car ils ne peuvent répercuter dans leurs prix de vente le prix des matières premières - ni, donc, celui du fuel. Ce n'est donc pas par « clientélisme » que nous avons décidé de les aider...

M. Jean-Louis Dumont - Si vous aidez, n'oubliez personne !

M. Jean-Pierre Brard - Faites donc la même chose pour les salariés !

M. le Ministre d'Etat - ...et vous aurez noté que nous n'avons pas adopté le même mécanisme pour les marins pêcheurs et pour les routiers. Il n'empêche que notre action a dû être jugée efficace et juste, puisqu'aucune raffinerie n'a été occupée ni aucune route bloquée !

M. Jean-Louis Dumont - Si c'est de justice qu'il s'agit, n'oubliez pas que les charges locatives ont augmenté, elles aussi !

M. le Ministre d'Etat - A plus long terme, une réflexion d'ensemble s'impose puisque, aux dires des spécialistes, les réserves pétrolières mondiales seront épuisées dans 35 à 50 ans, et les réserves de gaz dans 80 à 100 ans. L'absolue dépendance de l'économie mondiale au pétrole doit donc conduire à poser clairement la question des énergies de substitution (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est pourquoi le Gouvernement a proposé dans la loi sur l'énergie, le lancement de l'EPR, la nouvelle génération de centrale nucléaire. Toutefois, il faudra sept années avant que ne soit ainsi obtenu le premier Kw/H. Autant dire que la proposition formulée par le groupe socialiste de constituer un groupe de réflexion n'était pas la plus pertinente, ce qui explique d'ailleurs notre choix de ne pas les attendre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Plus largement encore, l'Union européenne doit se doter d'urgence d'une politique énergétique commune, ce qui suppose une politique nucléaire commune du couple franco-allemand.

Mais l'on ne peut s'en tenir là, au moment où la croissance mondiale est, pour la première fois, tirée par l'ensemble des régions du monde. La Chine, à elle seule, compte pour quelque 8 % de la consommation de pétrole totale, et l'on ne voit pas pourquoi cette tendance s'inverserait. J'ai donc décidé de réunir prochainement les professionnels du bâtiment, de l'automobile et du secteur pétrolier, pour parler avec eux des nécessaires économies d'énergie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Nous avons, trop vite, renoncé à la « chasse au gaspi »...

M. Augustin Bonrepaux - Evidemment ! Vous avez tué l'ADEME !

M. le Ministre d'Etat - ... mais les économies d'énergie doivent reprendre. Différentes propositions ont été faites à propos des biocarburants, et le Gouvernement s'y montrera ouvert. On le voit, d'importants efforts de recherches doivent être menés, qu'il s'agisse des économies d'énergie, des énergies renouvelables ou de l'énergie nucléaire.

Pour autant, il serait antiéconomique de compenser par une baisse de la fiscalité la hausse des matières premières et notamment du pétrole. Comment peut-on, en même temps, dire : « économisez l'énergie » et inciter à la consommation en abaissant la fiscalité - ce qui, concomitamment, creuserait le déficit - ? Mais je sais que les Français ont le sentiment que l'Etat s'enrichit à mesure que le prix du carburant augmente. Pourtant, la TIPP est perçue à taux fixe sur le volume... (« On le sait ! » sur les bancs du groupe socialiste). Quelle arrogance ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). De par ce mécanisme, lorsque le prix du carburant s'élève, la TIPP n'augmente pas, et elle peut même diminuer, puisqu'elle s'applique sur les volumes consommés, lesquels ont tendance à décroître lorsque les prix augmentent (Mêmes mouvements). Ne pas admettre cela, c'est avouer sa méconnaissance complète de la question (Mêmes mouvements). En revanche, la TVA, elle, augmente à mesure que le prix s'élève.

Pour tenir compte de ces mouvements, le Gouvernement propose donc la création d'une commission impartiale (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)... puisque composée de parlementaires de tous les groupes politiques. Cette commission, appelée à se réunir à très bref délai, sera chargée de calculer les éventuelles recettes supplémentaires au titre de la fiscalité sur le carburant, en comparant les recettes prévues dans la loi de finances initiale pour 2004 et les recettes obtenues à ce titre à la fin de l'année. S'il apparaît que des recettes supplémentaires ont été perçues, le Gouvernement s'engage à répercuter ce supplément sur la fiscalité dès le 1er janvier 2005.

M. François Hollande - Et pourquoi pas immédiatement ?

M. le Ministre d'Etat - Parce qu'il ne semble pas inutile d'attendre l'arrêté des comptes pour connaître la situation exacte. Mais si l'accord se fait sur le principe, et si la seule question pendante est celle du calendrier, le Gouvernement se montrera ouvert aux propositions qui lui seront faites, tant le consensus sur cette question lui semble important (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Le mécanisme envisagé est plus juste que la TIPP flottante, qui n'a jamais fonctionné et qui, fonctionnerait-elle, creuserait le déficit.

La dernière question qui se pose est ardue : c'est celle de l'hypothèse de croissance sur laquelle est fondée le projet de budget. J'observe que l'on se bat à ce sujet durant toute la discussion budgétaire, puis que l'on oublie s'être écharpé pour savoir s'il convenait de plutôt retenir 2,5 % ou 2,2 % ou 2,6 %... Et pour cause : il s'agit d'une prévision. Je l'ai dit, le projet est fondé sur une croissance de 2,5 %. Les principaux instituts de prévision internationaux tablent, pour la France, sur une croissance comprise entre 2,2 % et 2,5 %. Où est la vérité, à un dixième près ? Cela dit, il n'est pas dans mon rôle de vous proposer un taux de croissance inférieur en 2005 à celui de 2004, d'autant que, grâce à nos mesures volontaristes, nous prévoyons déjà une augmentation certaine de 0,5 %.

Pour ce qui est du prix du pétrole, nous avons choisi l'hypothèse d'un baril à 36 dollars en moyenne en 2005, au lieu de 28 dollars en 2004. Personne n'a de certitude à ce sujet, mais ce n'est pas une raison pour revoir les hypothèses budgétaires dans la panique, comme certains le demandent.

Quand on a la charge de présenter un budget, il faut garder son sang froid !

Nous voulons croire aussi que les consommateurs allemands et italiens sortiront de la situation de torpeur qui les caractérise aujourd'hui...

M. Jean-Pierre Brard - Grâce à Berlusconi ?

M. le Ministre d'Etat - En Allemagne, ce sont vos amis qui sont aux commandes et je ne doute pas de leur capacité à relancer la consommation !

J'en viens aux contraintes qui s'exercent sur nos finances publiques. La Commission européenne et le FMI ont salué nos efforts : nous serons au rendez-vous des 3 %. Le déficit public n'excédera pas 3 % de la richesse nationale. Et l'effort est d'autant plus méritoire qu'un budget qui consacre plus à la charge de la dette qu'aux politiques de l'emploi est pour ainsi dire privé de toute marge de manœuvre ! La vérité, c'est que pour la première fois depuis plus de vingt ans, le déficit diminue de 10 milliards d'euros d'un exercice à l'autre. Moins dix milliards entre 2004 et 2005, jamais un tel résultat n'avait été obtenu.

M. Augustin Bonrepaux - C'est une diminution artificielle !

M. Jean-Pierre Brard - Obtenue au prix d'un hold-up sur EDF !

M. le Ministre d'Etat - Monsieur Brard, ne faites pas étalage de votre incompétence. Je vous mets au défi de démontrer qu'un seul centime de la soulte EDF - laquelle ne va pas dans le budget de la nation - compte dans la réduction du déficit.

M. Pascal Terrasse - Mais si ! C'est un artifice de présentation.

M. le Ministre d'Etat - Nullement. Parallèlement, nous n'augmentons pas les prélèvements obligatoires. Ceux dont le produit est affecté au budget de l'Etat diminuent de 6 milliards,...

M. Augustin Bonrepaux - Reportés sur les collectivités locales !

M. le Ministre d'Etat - ...et ceux destinés au budget de l'assurance maladie augmentent de 4 milliards. Certes, l'autonomie financière des collectivités et des comptes sociaux nous priveront d'une variable d'ajustement du déficit du budget de l'Etat, mais faut-il le regretter ? Nos prédécesseurs avaient trouvé un taux de prélèvements obligatoires de 44,8 % du PIB et ils l'ont porté à 45,5 % ; nous, nous le diminuons !

M. Augustin Bonrepaux - Citez aussi les chiffres de 2002 ! Et où en sommes-nous aujourd'hui ?

M. le Ministre d'Etat - Je comprends que certaines vérités soient dures à entendre mais elles s'imposent à tous : vous avez augmenté le taux de prélèvements obligatoires sans réduire le déficit ; nous obtenons le résultat inverse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Pour la troisième année consécutive - et c'est là encore un résultat sans précédent -, les dépenses publiques augmentent de zéro, compte tenu d'une hypothèse d'inflation extrêmement limitée - et non artificiellement gonflée pour se donner des marges de progression. L'objectif est donc tenu : la part de la dépense publique dans la richesse nationale diminue.

Cela m'amène tout naturellement à aborder la question passionnante - mais épineuse - des effectifs, sachant que les dépenses de personnel - traitements et pensions - représentent 40 % du budget de l'Etat. Je veux dire avec la plus grande fermeté que nous assumons le choix de ne pas remplacer tous les départs en retraite. Ne pas réduire les effectifs de la fonction publique nous priverait de toute capacité d'agir sur le déficit. Il faut choisir. Soit on maintient les effectifs à leur niveau antérieur et on ne s'attaque pas au déficit, soit on agit sur la variable essentielle du budget pour le maîtriser. C'est évidemment la deuxième option que nous retenons : 10 000 postes non remplacés, 3 000 créés dans les ministères prioritaires, cela donne au final 7 000 postes non remplacés...

Plusieurs députés UMP - Il faut aller plus loin !

M. le Ministre d'Etat - Peut-être, mais veuillez considérer qu'aucun budget comportant autant de non-remplacements de postes de fonctionnaires ne vous a été soumis depuis vingt ans ! Il faut croire que l'exercice est suffisamment difficile pour que tous nos prédécesseurs y aient renoncé...

Les priorités du Gouvernement sont financées. Un milliard est dégagé pour la recherche...

M. Augustin Bonrepaux - On le cherche encore ! Où est-il dans le PLF ?

M. le Ministre d'Etat - ...et les trois lois de programmation - justice, sécurité, défense - sont scrupuleusement respectées pour la troisième année consécutive, à l'issue, je vous l'accorde, de discussions parfois un peu tumultueuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Enfin, sur les 17 milliards de marge de manoeuvre, 10 sont affectés à la réduction du déficit, 5 au financement des priorités du Gouvernement et 2 à la baisse de la fiscalité.

M. Augustin Bonrepaux - Au détriment de l'investissement !

M. le Ministre d'Etat - J'assume le choix politique d'une pause dans la baisse de l'impôt sur le revenu...

Plusieurs députés socialistes - Qu'en pense M. Chirac ?

M. le Ministre d'Etat - ...car un pays qui accuse plus de 1000 milliards de dettes doit d'abord affecter les recettes de la croissance à la réduction du déficit et à la maîtrise de la charge de la dette...

M. Augustin Bonrepaux - Sans oublier quelques cadeaux fiscaux plus ou moins apparents !

M. le Ministre d'Etat - La baisse de l'IR, j'y crois, mais il faut d'abord s'attaquer au déficit et à la dette. A cet égard, nous proposons d'inscrire dans la LOLF que tout Gouvernement doit rendre compte de l'utilisation qu'il choisit de faire des recettes de la croissance. Ne répétons pas les erreurs du passé... (« La cagnotte ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) Monsieur Strauss-Kahn, quand la croissance est partie, les charges nouvelles que vous aviez créés en 1999 sont restées, et nous n'avions plus rien pour les financer ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Notre propos n'est évidemment pas d'entraver la liberté des futurs gouvernements. Libre à eux d'affecter d'éventuelles recettes supplémentaires liées à la croissance à des mesures nouvelles. Mais la nation doit être informée de ce choix politique. Il y aura les cigales qui choisissent de tout dépenser, et les autres. Le peuple souverain tranchera entre les deux options. Songez que la Russie vient de se doter d'un fonds de précaution pour la modernisation de son économie. Sachons tirer profit des expériences étrangères...

Soutenir résolument la croissance, la consommation et l'emploi, c'est aussi tordre le cou à deux préjugés. Premier poncif, répété à l'envi, « il n'y a rien à faire ». Comme naguère pour l'insécurité, il n'y aurait rien à faire pour lutter contre les délocalisations ou contre la perte de compétitivité de certaines filières ; deuxième ineptie, par une étrange fatalité - comparable à celle qui voulait jadis que les pays d'Europe orientale ne soient pas « faits pour la liberté » -, la France serait incapable de se réformer.

Le principe fondamental de ce budget, c'est qu'il n'y a pas de fatalité.

M. Eric Besson - Des mots ! En matière de lutte contre les délocalisations, que nous avez-vous proposé de concret ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre d'Etat - Prenons justement un exemple concret. Depuis des décennies, la France entretient un complexe par rapport à l'Allemagne au sujet de l'apprentissage. Outre-rhin, la situation serait formidable ; ici, l'apprentissage se meurt. Nous proposons dans ce budget une réforme sans précédent de l'apprentissage, assise sur une modulation de la fiscalité. Dorénavant, toute entreprise n'accueillant aucun apprenti verra sa taxe d'apprentissage majorée, cependant que les entreprises vertueuses offrant plusieurs postes bénéficieront d'un allégement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) N'en déplaise à ceux qui invoquent à longueur d'année les pesanteurs du système et les réticences des différents acteurs, nous avons bon espoir de porter le nombre d'apprentis de 350 000 à 500 000 par an, à très brève échéance. (« Excellent ! » sur les bancs du groupe UMP)

On déplore aussi depuis longtemps que nos PME n'exportent pas assez, ou bien encore qu'elles n'aient pas suffisamment la « culture de l'exportation ». Plutôt que de l'admettre comme une fatalité, il faut s'attaquer aux causes du mal et admettre qu'exporter, pour une PME, cela coûte très cher. C'est pourquoi nous proposons un crédit d'impôt égal à 50 % des dépenses de prospection commerciale en dehors de l'espace économique européen, dans la limite de 15 000 €.

Je refuse aussi la fatalité sur les délocalisations. Depuis notre débat de la semaine dernière, le Congrès d'une grande nation libérale a décidé d'accorder des déductions d'impôt aux entreprises qui produisent sur le territoire américain. Et, parce que nous osons simplement débattre de cette question, on nous accuse de manquer de solidarité avec l'Ets, de générosité avec l'Afrique et on nous taxe de populisme et de démagogie !

Dans ces conditions, nous proposons simplement de réduire de 6 % le coût du travail - et de plus encore pour les entreprises qui relocaliseraient dans des zones éligibles à la PAT. Cela mérité d'être essayé : si ça marche, nous essaierons de faire mieux, si ça ne marche pas, on ne pourra pas dire que le dispositif est onéreux...

Bien évidemment, si vous avez d'autres idées, n'hésitez pas à les faire connaître...

M. Eric Besson - Parce que c'est tout de votre part ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nadine Morano - Vous n'avez rien fait !

M. le Ministre d'Etat - S'agissant du soutien au pouvoir d'achat et à la croissance, ce budget est un budget de justice sociale... (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Brard - Pinocchio !

M. le Ministre d'Etat - ...avec une progression sans précédent de 5,5 % du SMIC (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Or, compte tenu de l'allégement des charges, lorsque les entreprises augmentent le SMIC, c'est l'Etat qui paie. Cette hausse assumée confortera la consommation, car quand on augmente les bas salaires, ils n'épargnent pas.

M. Jean-Pierre Brard - Vous le comprenez enfin...

M. le Ministre d'Etat - Dans l'hôtellerie, nous avons augmenté le SMIC de 11 %, mettant ainsi fin au SMIC hôtelier, qui n'avait jamais gêné la gauche, laquelle a toujours accompagné ses grands discours de toutes petites décisions... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jacques Myard - Ce sont des affameurs du peuple !

M. le Ministre d'Etat - La gauche, qui est aussi toujours prompte à parler du Pacs, mais qui n'a pas fait ce que nous faisons aujourd'hui : aligner son statut fiscal sur celui des couples mariés. C'est, encore, une mesure de justice !

Mme Nadine Morano - Très bien !

M. le Ministre d'Etat - J'en viens à l'allègement de l'impôt sur les sociétés.

M. Jean-Pierre Brard - Ah !

M. le Ministre d'Etat - Alors que l'imposition moyenne des bénéfices est de 20 % en Asie et de 28 % en Europe, même avec cet allègement, elle demeurera de 33 % en France.

A ce propos, je veux expliquer la proposition que je défendrai la semaine prochaine en Hongrie et en Tchéquie. La concurrence en Europe est certes nécessaire, mais elle doit être loyale. Aussi, je ne juge ni utile et intelligent qu'un pays décide de ramener son taux d'IS à 0 % et je comprends mal qu'il puisse être à la fois suffisamment riche pour le faire et assez pauvre pour demander aux autres de le soutenir par les fonds structurels ! Qui peut croire que les pays d'Europe de l'est ont intérêt à une politique fiscale si agressive ?

M. Jacques Myard - La Commission !

M. le Ministre d'Etat - Je propose donc qu'un pays qui se situe dans la moyenne fiscale européenne - on ne peut quand même pas lui demander d'être aussi mauvais que nous... - puisse se voir attribuer la totalité des fonds structurels auxquels il a droit, qu'au cas où sa fiscalité serait inférieure de 50 % à cette moyenne, il n'ait droit qu'à la moitié de ces fonds et qu'au cas où elle serait inférieure de 100 %, il n'ait droit à rien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Cela ne m'apparaîtrait nullement comme un manquement à la solidarité. Quant au précédent irlandais, je rappelle qu'il ne s'agissait que d'un pays de quatre millions d'habitants, tandis que nous venons d'en accueillir 80 millions, et que la Grande-Bretagne avait alors crié à la concurrence déloyale.

Enfin, il faut rappeler que certaines régions où le taux de chômage atteint 30 % se voient aujourd'hui privées des fonds structurels et qu'il y a quelque paradoxe, de la part de la Commission, à nous demander en même temps de réduire nos déficits et d'augmenter le budget européen...

S'agissant de la mesure relative aux emplois familiaux, j'invite à applaudir la gauche, qui a eu cette bonne idée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je n'imagine donc pas qu'une simple question de montant nous sépare, d'autant que le gouvernement est ouvert à la discussion.

M. Jacques Myard - 15 000 euros !

M. le Ministre d'Etat - Je pense qu'il faut d'abord se préoccuper de celui qui est employé : qu'il bénéficie d'un emploi et d'une protection sociale parce que celui qui a de l'argent s'en sert pour créer un emploi me paraît une bonne chose, d'autant qu'il y a là un formidable gisement d'emplois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le Gouvernement propose donc qu'une famille qui rémunère un emploi familial au SMIC puisse déduire l'équivalent des charges qu'elle supporte.

M. Pascal Terrasse - C'est déjà le cas.

M. le Ministre d'Etat - Non !

Je suis ouvert aux amendements, mais il faut éviter que cette mesure ne soit comprise par personne. Certains veulent familialiser la mesure, d'autres la lient à la présence à domicile d'une personne de plus de 70 ans - il est vrai que c'est un cap... - (Rires) ou d'un enfant handicapé. Toutes ces mesures sont justes, mais à l'arrivée, on n'y comprendra plus rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) . Monsieur Mariton, tout le monde n'est pas polytechnicien ! Si vous n'êtes pas le premier à vous plaindre de la complexité de la loi, vous n'êtes pas le dernier à y contribuer !(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

Le Gouvernement propose de déduire les charges. Si vous voulez faire autrement, on écoutera vos propositions, mais ne vous plaignez pas après !

Enfin, dernière mesure, nous proposons de revaloriser de 4% la prime pour l'emploi, pourcentage à comparer au taux de 1,8 % d'inflation prévu.

Voici un budget volontariste, juste, et qui utilise au mieux les faibles marges de manœuvre d'une nation qui, depuis 23 ans, présente des budgets en déficit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bur remplace M. Debré au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - Nicolas Sarkozy vient de vous présenter notre ambition avec force et talent.

M. Jean-Pierre Brard - Et imagination !

M. le Secrétaire d'Etat - Il s'agit de recréer des marges de manœuvre pour accompagner la reprise économique et maintenir notre pays sur la voie d'une croissance durable, au service de l'emploi.

Permettez-moi de rappeler tout d'abord comment le budget porte, en pratique, les grands choix qui ont été rappelés.

Le premier choix est celui de la responsabilité budgétaire : maîtriser la dépense, contenir la dette, réduire le déficit. En 2005, celui-ci sera ramené à 44,9 milliards d'euros, soit 10 milliards de moins qu'en 2004, ce qui représente un record dans notre histoire budgétaire.

Nous le devons tout d'abord au retour de la croissance, grâce à notre politique économique.

Les prévisions de recettes fiscales pour 2005 - 272,1 milliards d'euros - se fondent sur une base 2004 revue sensiblement à la hausse. Le ralentissement de l'économie, entamé en 2001, s'est prolongé jusqu'à la fin 2003, et a mécaniquement affecté nos recettes en 2002 et 2003. Dans un contexte économique difficile, nous avons opté pour une attitude responsable, en laissant jouer les stabilisateurs économiques plutôt qu'en tentant de compenser les baisses de recettes. Nous avons ensuite soutenu efficacement la consommation et l'investissement, créant ainsi les conditions d'un redémarrage rapide, dés 2004, qui nous permet aujourd'hui d'anticiper 5 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires en 2004, entièrement affectées à la réduction du déficit. Et je ne parle pas de notre effort permanent pour maîtriser les dépenses.

Je me contenterai de vous livrer quelques données globales du budget 2005. Les dépenses nettes de l'Etat, à structure constante, n'augmentent pas plus que l'inflation : l'objectif « zéro volume », fixé par le Premier ministre est donc tenu pour la troisième année consécutive !

Chacun connaît les facteurs de rigidité extrême de la dépense publique, qui tiennent tout d'abord au service de la dette - près de 14 % du budget général. Rien qu'en 2005, avec des taux d'intérêt pourtant modérés, la charge de la dette augmente mécaniquement de 1,3 milliard d'euros.

L'Etat est de surcroît confronté à la montée en charge des dépenses de retraite des fonctionnaires - plus 2 milliards d'euros en 2005.

La stabilisation des dépenses de l'Etat en volume a réclamé un effort considérable, mais nous n'avons pas baissé les bras. Grâce à des choix courageux et clairs, nous avons dégagé des marges de manœuvre que nous pourrons affecter au respect de nos lois de programmation - défense, sécurité intérieure et justice - ainsi qu'à l'aide publique au développement, à la recherche et à la cohésion sociale.

Le projet de loi de finances est, par ailleurs, un outil de modernisation et de réforme pour notre pays.

La réforme budgétaire va s'accélérer en 2005. La loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, ne sera pleinement opérationnelle que l'année prochaine, mais nous la testons dés cette année, en mettant à votre disposition deux versions du budget pour 2005 : celle en vigueur depuis 1959, et la nouvelle, où les moyens de l'Etat sont présentés par finalité.

Ceci n'est pas un simple changement de nomenclature mais une évolution radicale, justifiée par un souci de transparence et de performance. Prenons l'exemple du budget du ministère de la justice. La présentation classique met en évidence un total de 5,5 milliards d'euros, décomposés en 4,8 milliards de crédits de fonctionnement, 326 millions de crédits d'intervention, 299 millions d'investissements et 13 millions de subventions d'investissement, mais de l'action menée par le Garde des Sceaux, nous ignorons tout. En revanche, en mode LOLF, nous savons quel montant est affecté à la justice administrative - 193 millions -, à la justice judiciaire - 2,178 milliards -, à l'administration pénitentiaire - 1,8 milliard -, à la protection judiciaire de la jeunesse - 677 millions  -, au programme « accès au droit et à la justice » - 333 millions - ou encore aux fonctions de soutien - 20 millions.

Grâce à cette présentation, vous saurez, en outre, pour chacune de ces politiques, combien va à l'investissement, aux interventions et au fonctionnement, et avec quels effectifs. Jamais un tel niveau de lisibilité n'avait été apporté dans le budget et les comptes de l'Etat.

M. Alain Gest - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Chacun pourra connaître précisément les moyens consacrés aux actions de l'Etat, et juger de leur utilité, de leur coût et de leurs résultats. Et la ventilation précise des moyens en personnel doit redonner toute sa portée à l'autorisation parlementaire tout en invitant les responsables de programme, à une gestion plus moderne des ressources humaines.

Trois autres innovations sont à souligner.

Tout d'abord, une nouvelle comptabilité, inspirée de celle des entreprises, et qui ouvre la voie à la certification des comptes de l'Etat par la Cour de comptes, comme ceux d'une entreprise.

Ensuite, la réforme du contrôle financier, en allégeant les visas, et en introduisant un interlocuteur comptable et budgétaire unique pour représenter le ministre chargé des finances dans les autres ministères.

Enfin, une refonte de la procédure budgétaire pour accélérer et faciliter les arbitrages budgétaires. Le Premier ministre l'a rappelé la semaine dernière devant les directeurs d'administration centrale, nous devons sortir de la culture de confrontation.

Une page de notre histoire budgétaire se tourne ainsi pour faire place à un budget plus clair, une loi de finances qui donne aux parlementaires les moyens d'un contrôle élargi, un budget qui redonne aux agents de l'Etat le goût de participer au service public, en les faisant entrer dans une véritable culture de la performance.

Qu'entend-on par performance ? Il s'agit d'orienter la gestion de l'Etat vers les résultats.

Nous avons transmis aux parlementaires des documents novateurs : il s'agit de la première version des stratégies, des objectifs, des indicateurs de résultats associés à chaque politique publique et sur lesquels vous jugerez désormais les ministères et les responsables de programmes.

Soit le programme fiscal de la mission « gestion et contrôle des finances publiques ». La stratégie est claire : le civisme fiscal ; l'objectif : faciliter le paiement de l'impôt ; les indicateurs : par exemple, le taux de réponse effectif donné aux appels téléphoniques ou aux courriers de nos concitoyens qui s'adressent à l'administration des impôts. A cela s'ajoute le contrôle de gestion interne de chaque administration.

Ces avant-projets annuels de performance remplaceront, en 2006, les habituels « bleus » budgétaires. Ils vous ont été soumis pour avis, comme nous l'avons fait pour tous les aspects importants de la LOLF, et nous souhaitons évidemment connaître vos commentaires. Nous souhaitons en effet maintenir avec le Parlement un dialogue fécond, une étroite association avec le Gouvernement, une ambition partagée pour la rénovation de l'action publique.

La réforme budgétaire ne concerne pas seulement Bercy mais elle doit être relayée sur l'ensemble du territoire. L'expérimentation concernera dès cette année 500 services, 600 000 agents de l'Etat, pour un montant de 28 milliards d'euros de crédits. Nous voulons ancrer cette réforme sur le terrain de manière à ce que les services déconcentrés aient une vision plus concrète de leurs dépenses, notamment des dépenses de personnels qui jusqu'alors étaient suivies de façon trop centralisée.

En ce qui concerne la redevance audiovisuelle, la réforme de son mode de recouvrement permet de concilier efficacité et simplification administrative. Les ressources publiques des chaînes augmenteront de 2,4% en 2005.

M. Michel Bouvard - C'est trop !

M. le Secrétaire d'Etat - Le coût de recouvrement de la redevance était excessif - 3,2% du total collecté -, nombre de nos compatriotes ne la payaient pas, les plus modestes d'entre eux pouvaient connaître des difficultés de paiement. Pour les entreprises, la redevance sera associée à la TVA et pour les ménages, à la taxe d'habitation. Une seule redevance sera due par foyer, quel que soit le nombre de résidences ou de téléviseurs. Le contribuable pourra bénéficier de deux nouveaux avantages de paiement : la mensualisation ou le télépaiement. Enfin, non seulement les foyers déjà exonérés le resteront mais un million de foyers supplémentaires seront exonérés, notamment les érémistes.

Ce projet de loi de finances est particulièrement favorable aux collectivités locales. Le contrat de croissance et de solidarité qui les associe aux fruits de la croissance économique est prolongé en 2005. La hausse de la seule DGF, qui représente 60% des concours de l'Etat, sera de 3,29%.

Il met en oeuvre deux réformes importantes, tout d'abord, en organisant le financement des transferts de compétences liés à la décentralisation. En 2005, les régions bénéficieront de l'affectation d'une part de la TIPP pour un montant de près de 400 millions. Les départements bénéficieront, eux, de la taxe sur les conventions d'assurance contre les risques relatifs aux véhicules pour un montant supérieur à 120 millions. Ces sommes progresseront au rythme des transferts de charges.

S'agissant de la DGF, les modalités de répartition de ce concours de l'Etat entre les collectivités locales sont un enjeu majeur pour le développement des territoires puisqu'il se chiffre à 37 milliards. Nous renforçons en 2005 la péréquation entre collectivités afin d'accroître la part des collectivités les plus défavorisées sans pénaliser les autres. La première étape de cette réforme était inscrite dans le PLF de 2004 et a regroupé dans une nouvelle DGF 62% des concours de l'Etat. Le second volet de la réforme rationalise la dotation forfaitaire des communes qui se décomposera en une dotation de base en euros par habitant, une dotation calculée en fonction de la superficie des collectivités, un complément garantissant à toutes les communes le maintien de leur dotation de 2004. Le budget de 2005 rénove les critères d'attribution afin de mieux diriger les dotations vers les collectivités qui ont le plus de difficultés. Cette réforme a fait l'objet d'une concertation approfondie avec les élus locaux et permettra d'assurer un financement de base à toutes les collectivités.

Telles sont les quelques voies de modernisation que je souhaitais présenter en complément de l'intervention de M. Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement.

Certains propos sont particulièrement choquants.

M. le Ministre d'Etat - En effet.

M. Jean-Pierre Brard - M. le ministre d'Etat a dit tout à l'heure que nous ne pouvions demander à la Tchéquie et à la Hongrie d'être aussi mauvais que nous. Nous sommes tous fiers d'être Français, enfants des valeurs universalistes de la Révolution, héritiers du Front Populaire et de la Résistance, et je suis meurtri d'entendre de tels propos.

On vous en a prêté d'autres, Monsieur le ministre d'Etat, et comme je ne les ai pas entendus personnellement, j'attends que vous les confirmiez ou que vous les infirmiez.

M. le Président - C'est un rappel au Règlement, Monsieur Brard. Vous aurez l'occasion de vous exprimer tout à l'heure.

M. Jean-Pierre Brard - Il en va précisément de la sérénité de nos débats.

M. Sarkozy aurait donc déclaré : « La France admire les USA. Je me sens étranger dans mon propre pays. Il manque un Powell en France. Le monde admire et respecte les USA ». Le numéro deux du Gouvernement a-t-il pu tenir pareils propos, qui feraient d'ailleurs écho à ceux qui ont été prononcés tout à l'heure ?

M. le Président - Nous nous éloignons du débat. Il faut respecter la procédure, et M. Brard aura l'occasion de s'exprimer. Respectons nous les uns les autres afin de conserver à nos débats toute la sérénité dont ils ont besoin.

M. le Ministre d'Etat - Les propos de M. Brard sont tellement ridicules qu'ils ne méritent pas de réponse.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - La discussion du PLF est un moment clé de notre activité parlementaire.

Je rappelle que la politique budgétaire est l'instrument essentiel de notre politique économique nationale puisque la politique monétaire est désormais menée à l'échelle européenne. Si nous avons un bon projet de budget, c'est en raison des choix avisés du Gouvernement au cours des deux dernières années.

En 2003, l'Europe a connu un fort ralentissement économique et le Gouvernement a décidé, tout en maîtrisant les dépenses, de ne pas aggraver la crise en cherchant à faire des économies supplémentaires pour compenser les baisses de recettes par rapport aux prévisions . Il a ainsi permis d'accélérer le retour d'une croissance que nous estimions l'an dernier à 1,7% alors qu'il est possible qu'elle atteigne 2,5 % à la fin de l'année. Cela relativisera les critiques à venir de la gauche quant au réalisme de nos prévisions de croissance pour 2005.

Grâce à la politique du Gouvernement, notre taux de croissance est supérieur à la plupart de nos voisins européens car nous avons su maintenir la consommation des ménages.

M. Lionnel Luca - C'est le bilan Raffarin, et non celui de Jospin.

M. le Rapporteur général - Certes, des incertitudes demeurent pour 2005, mais elles sont liées à la situation internationale et elles se manifestent en particulier à travers les cours du pétrole.

Mais rien ne permet de remettre en cause les prévisions macro-économiques qui sous-tendent ce budget. En effet, nous sommes moins dépendants du pétrole que les autres pays européens, grâce à la politique d'indépendance énergétique lancée par le général de Gaulle (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) et malgré une grave inflexion en 1997-1998 -, grâce aussi, après le premier choc pétrolier, à un programme exemplaire d'économies d'énergie.

Nous avons certes un problème actuellement. Mais le ministre a eu raison de ne pas chercher à monter une usine à gaz du genre de la TIPP flottante, à laquelle personne ne comprend rien (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Il a dit quelque chose de tout simple : l'Etat ne s'enrichira pas au détriment des Français si le prix du baril augmente.

M. Gilbert Meyer - Ça, c'est simple !

M. le Rapporteur général - Chaque euro gagné sur le cours du pétrole leur sera restitué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Une commission transparente examinera la question dès le 15 décembre.

M. Didier Migaud - On n'a pas besoin d'une commission !

M. le Rapporteur général - Et le Gouvernement n'a pas attendu pour prendre des mesures, ces dernières semaines, pour les marins-pêcheurs, les agriculteurs, les transporteurs routiers. Il a réagi vite et propose aujourd'hui des solutions claires et efficaces.

Ce budget 2005 est un bon budget qui permettra de continuer à restaurer la confiance dans le rétablissement des comptes publics. Jamais le déficit n'aura diminué dans de telles proportions d'une loi de finances à l'autre : 10 milliards d'euros, 70 milliards de francs en moins entre celle de 2004 et celle de 2005. Cela ne s'était jamais produit en cinquante ans d'histoire budgétaire. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

De même, pour la troisième année consécutive, la dépense publique n'augmentera pas plus que l'inflation. Cela non plus ne s'était jamais vu. Je remercie les ministres d'avoir contribué, ces derniers mois, à faire prendre conscience à l'opinion de la nécessité de rétablir les comptes publics. L'endettement a atteint 1000 milliards, la charge de la dette représente 15% du budget, c'est-à-dire le montant cumulé des budgets de la recherche, de l'enseignement supérieur, de la santé, de la cohésion sociale et de la ville !

Comment en sommes-nous arrivés là ? La responsabilité se situe clairement à gauche. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Bouvard - Oh oui !

M. le Rapporteur général - C'est depuis 1981 que l'on a pris l'habitude de dépenser chaque année 10 à 20 % de plus que ce que l'Etat percevait

M. Louis Giscard d'Estaing - Absolument !

M. le Rapporteur général - Les comptes se sont dégradés à toute vitesse et en 1986-1987, malgré un effort considérable, nous n'avons pas eu le temps de les redresser. A peine une autre majorité était-elle de retour en 1988, que de nouveau la dépense redevenait prioritaire. On ne dira jamais assez combien la situation budgétaire était dégradée en 1993. Un déficit à 6% du PIB, record toutes catégories ! Il a fallu « ramer » pour rétablir les comptes.

M. Jean-Pierre Brard - Avec Edouard, c'était plutôt la brasse coulée !

M. le Rapporteur général - Mais nous avons fini par en sortir. Malheureusement après la dissolution,.. 

M. Didier Migaud - Et pourquoi donc y a-t-il eu dissolution ?

M. le Rapporteur général - Le processus infernal de dégradation des comptes publics a repris malgré la croissance. Si nous avons eu un tort en 2002, c'est de ne pas avoir expliqué suffisamment aux Français combien la précédente majorité avait dégradé les comptes publics.

M. Didier Migaud - Il y a eu un audit.

M. le Rapporteur général - Il nous faut regagner des marges de manœuvre pour financer la formation, la recherche, l'innovation, sans lesquelles il n'est pas de croissance. En aucun cas, il ne faut présenter les contraintes imposées par Bruxelles comme alibi pour nous exonérer de nos responsabilités.

M. Jean-Pierre Brard - Cela, c'est vrai !

M. le Rapporteur général - Notre endettement de 1000 milliards est un problème français. Il faut tout faire pour rétablir les comptes. Mais l'effort fait pour le budget de l'Etat devra l'être aussi pour les comptes sociaux. Il faudra la même rigueur pour faire face au vieillissement et à l'augmentation inexorable des dépenses d'assurance maladie. Je me félicite donc que, le 18 novembre, nous ayons une discussion pour compléter la loi organique à propos de l'affectation des surplus de recettes. J'ai très mal vécu, en 1999, la dissimulation de la « cagnotte », qui a permis d'en affecter l'essentiel à des dépenses nouvelles comme les 35 heures.

M. Edouard Landrain - Eh oui !

M. le Rapporteur général - Les recettes ont disparu, les dépenses sont restées, le déficit s'est creusé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Dès lors qu'on parle de surplus, on doit aussi s'interroger sur la qualité de nos prévisions de recettes. Celles-ci sont réalistes et, si le taux de croissance n'était pas de 2,5% mais de 2,2% ou 2,3%, l'analyse impôt par impôt permet de dire que le montant des recettes ne serait pas modifié.

Quand aux dépenses, elles sont seulement reconduites pour la troisième année. C'est indispensable. Plus le temps passera, plus cette stabilisation obligera à la réforme de l'Etat. La première année, on pouvait faire des gains de productivité ; la seconde année c'était plus difficile. En 2005, il faudra faire de grands progrès dans la réforme de l'Etat. Le projet de budget en permet. Ainsi, la réforme de la redevance, que nos prédécesseurs n'ont pas eu le courage de mener à bien, permettra d'économiser 1 000 emplois, tout en diminuant la fraude et en simplifiant la vie des Français. Mais le projet reste bien timide : nous ne regagnerons de marge de manœuvre qu'en étant très rigoureux pour ne pas remplacer les départs en retraite. Or, un objectif de 7 200 postes sur 2,3 millions de fonctionnaires reste trop timide. Le rapport Camdessus dit très clairement que la productivité doit concerner l'Etat , ce qui passe par une diminution du nombre des fonctionnaires.

Sur d'autres aspects, nous avons été exaspérés : ainsi de la politique immobilière. On prévoyait 500 millions de recettes en 2004, on atteindra 50 millions si tout va bien. Sur les logements des gendarmeries, on peut renvoyer dos à dos le ministère de l'Intérieur et celui de l'Économie, mais rien ne se passe. Par ailleurs, on ne cesse de multiplier les infrastructures. Mais est-il sage de créer un Haut Conseil de l'intégration entièrement autonome en recrutant cent fonctionnaires supplémentaires, quand on aurait parfaitement pu intégrer ses services à ceux du Médiateur de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Ce budget se caractérise avant tout par la réhabilitation du travail. Sous la précédente législature, à force de présenter le travail, même inconsciemment, comme un fardeau, comme une contrainte, on l'a dévalorisé. Les 35 heures ont été un handicap pour le budget, puisqu'elles coûtent plus de 10 milliards, elles ont été un handicap pour les entreprises, mais aussi un handicap culturel, en créant une distanciation du travail. Le revaloriser, c'est la clé de l'avenir, de la croissance et de la baisse du chômage. Dans ce budget, on a réunifié les SMIC au bénéfice des salariés qui étaient encore aux 39 heures. En tenant compte de cette revalorisation et de celle de la prime pour l'emploi, ces travailleurs auront gagné 1 700 euros de pouvoir d'achat entre 2003 et 2005. Cela ne s'était jamais vu.

Cette politique trouve un vrai fondement économique : elle a permis d'alimenter le pouvoir d'achat et de soutenir la croissance.

Le ministre a rappelé avec raison la décision prise au mois de juin de mettre fin au SMIC hôtelier, qui était indigne. Il n'était pas normal que rien n'ait été fait pour cela sous la précédente législature.

Autre mesure importante pour valoriser le travail, la réforme de l'apprentissage représente une simplification en même temps qu'une forte incitation à embaucher des apprentis, puisque le crédit d'impôt par apprenti, prévu par le projet de loi sur la cohésion sociale, sera compris entre 1600 et 2200 euros. Cela nous permettra d'atteindre l'ambitieux objectif de porter le nombre d'apprentis de 300 000 à 500 000.

Il faut revaloriser le travail pour dynamiser la croissance : c'est la seule possibilité d'augmenter le niveau de vie et de restaurer de véritables marges pour la redistribution. Nous sommes en effet arrivés aux limites du modèle d'assistance et de redistribution. Nous sommes allés voici deux semaines avec Pierre Méhaignerie au Danemark : avec un taux d'activité de dix points plus élevé que le nôtre, ce pays connaît un chômage presque deux fois inférieur et un taux de croissance des plus respectables.

La politique que nous avons suivie pendant des décennies, consistant à partager un travail perçu comme une denrée rare, fut une erreur. Ce budget assume donc un choix nouveau.

J'en viens à plusieurs mesures fiscales positives en faveur des ménages. Celle relative aux successions concerne tous les Français. A l'instar du ministre, je souhaite qu'elle conserve sa simplicité, qui est l'une des raisons de son succès : un abattement général de 50 000 euros, un abattement par héritier. Désormais, tout patrimoine de moins de 100 000 euros sera transmis en franchise totale de droits de succession.

L'excellente réforme du prêt à taux zéro va permettre de doubler le nombre de ses bénéficiaires. Contrairement à la gauche, nous croyons, nous, à l'accession sociale à la propriété. Qui a laissé dépérir le prêt à taux zéro, dont le nombre est passé de 130 000 en 1997 à moins de 90 000 en 2002 ? Nous allons relancer l'accession sociale à la propriété, en l'étendant à la construction ancienne et en améliorant son barème pour les ménages les plus modestes dans la construction neuve.

J'ai entendu déplorer que l'on transforme une dépense budgétaire en crédit d'impôt et en arguer pour dire que le budget n'était pas sincère.

M. Paul Giacobbi - S'il n'y avait que cela !

M. le Rapporteur général - Oui, 240 millions d'euros de dépenses budgétaires seront transformés en dépenses fiscales. Mais nous avons eu le courage, nous, de réintégrer le FOREC, qui représente pour 2005 1,2 milliard de dépenses à intégrer. Nous nous sommes donné une contrainte vertueuse, alors que la précédente majorité avait inventé des usines à gaz pour dissimuler le coût des 35 heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les entreprises bénéficieront de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, grâce à la suppression, à l'horizon 2006, de la surtaxe créée en 1995. Le taux de l'IS sera ainsi ramené à 33%. Je partage toutefois l'analyse de Nicolas Sarkozy : si le taux moyen européen est à 28%, nous devons refuser tout dumping fiscal, notamment avec les nouveaux membres de l'Union qui ont des taux à 10 ou 15%. L'harmonisation fiscale a un sens, mais il faut maintenir un taux moyen à 25 ou 30%.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. le Rapporteur général - La réforme de la taxe professionnelle est poursuivie, avec la prolongation du dispositif d'exonération des nouveaux investissements. Quant aux mesures de lutte contre les délocalisations et d'encouragement aux relocalisations, elles devront faire l'objet d'une évaluation. Elles privilégient la taxe professionnelle, ce qui est un excellent choix, car elle pénalise fortement les entreprises.

C'est aussi un très bon budget, Dominique Bussereau l'a déjà dit, pour les collectivités locales, qui voient progresser l'ensemble des concours de l'Etat de 2,9% - soit un point de plus que le budget - et la DGF de 3,3%. Cela permettra d'amorcer en 2005 l'effort de péréquation...

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas de la péréquation ! On privilégie les privilégiés ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur général - ...et de solidarité à l'égard des villes en difficulté - avec la DSU - et des communes rurales - avec la dotation de solidarité rurale.

Le transfert d'une fraction de TIPP aux régions et d'une part de la taxe sur les conventions d'assurance aux départements compenseront à l'euro près les transferts de charges opérés dans le cadre de la décentralisation. Si certaines collectivités, dont j'observe qu'elles sont immanquablement gérées par la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), annoncent de fortes hausses d'impôts en 2005, ce n'est pas plus lié à un désengagement de l'Etat qu'à des transferts de compétences mal compensés : c'est la conséquence exclusive de promesses électorales inconsidérées ! (Protestations sur les mêmes bancs)

La commission s'est penchée sur les problèmes suscités par la hausse des cours du pétrole. Elle a estimé que le Gouvernement avait raison de privilégier en premier lieu les professionnels, mais qu'il fallait afficher le principe d'une restitution des gains éventuels à l'ensemble des Français. Vous l'avez annoncé cet après-midi, Messieurs les ministres, et nous vous en félicitons. Il faut tenir néanmoins un langage de vérité : le cours du baril ne baissera pas dans les vingt ou trente années qui viennent. Nous avons été exemplaires dans la politique de maîtrise de l'énergie, dans la politique des énergies substitutives et dans celle de l'environnement ; il nous faut poursuivre cet effort. Les mesures prises en matière de sécurité routière l'ont d'abord été pour préserver des vies, mais elles ont aussi conduit à une diminution de la consommation de carburant.

La commission a aussi abordé la question de l'ISF. Au terme d'une discussion de grande qualité, elle a adopté deux amendements. Le premier vise à indexer le barème de l'ISF. Nous avons voulu prendre en compte l'élément de l'assiette qui pose le plus de problèmes : la résidence principale, pour laquelle nous proposons de faire passer l'abattement de 20 à 30 %. Chaque année, 10 000 à 15 000 contribuables nouveaux entrent en effet dans l'ISF du seul fait du coût de l'immobilier, notamment dans les grandes villes.

M. Augustin Bonrepaux - Beau cadeau pour les privilégiés !

M. le Rapporteur général - Le deuxième amendement vise à rétablir le plafonnement Bérégovoy qui existait jusqu'en 1995.

M. Augustin Bonrepaux - Troisième cadeau pour les privilégiés !

M. le Rapporteur général - Nous sommes tous soucieux de l'attractivité de notre pays. Or nous sommes devenus le seul pays développé où l'on peut payer plus d'impôts que ce que l'on gagne. Nos concurrents ne se privent pas de brandir cet argument, qui est dévastateur.

M. Jean-Pierre Brard - Et pourquoi viennent-ils quand même ?

M. le Rapporteur général - On ne peut, d'ailleurs, faire l'impasse sur la valeur de l'argument juridique de l'impôt « confiscatoire » au moment où la France est poursuivie devant la Cour européenne des Droits de l'homme à ce sujet.

Je ne conclurai pas sans parler des collectivités locales en difficulté, à l'égard desquelles un effort considérable est consenti, puisque la DSU augmente de 120 millions et la DSR de 80 millions. Mais l'on ne peut oublier les autres communes ; c'est pourquoi la commission proposera un amendement majorant de 1 % la dotation de garantie.

Vous l'aurez compris, la commission des finances vous propose d'adopter la première partie du projet de loi de finances pour 2005 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement !

M. le Président - A la condition que vous vous y teniez bien, ce qui n'a pas été le cas précédemment, je vous donne la parole.

M. Jean-Pierre Brard - Evidemment. Nous allons débattre des politiques de santé, d'éducation et de transports, qui sont autant de sujet de fierté pour notre Etat. Mieux vaut en effet être français qu'italien ou britannique si l'on souhaite voir ses aspirations comblées en matière de service public. Pour autant, certains s'expriment à l'inverse de ce qui devrait être...

M. le Président - Monsieur Brard, il vous reste dix secondes pour conclure ce qui n'a qu'un lointain rapport avec un rappel au Règlement.

M. Jean-Pierre Brard - Pas du tout ! Tout à l'heure, M. Sarkozy a cru bon de dire que les Français ne travaillent pas assez au regard des autre Européens. J'en assez d'entendre répéter que nous serions paresseux, alors que nous sommes parmi les plus productifs. Je ne cesserai d'interpeller le Gouvernement à ce propos, jusqu'à obtenir réponse.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Chacun sait que l'incertitude sur le cours du pétrole a fortement pesé sur l'élaboration du projet de budget. A cette incertitude, le Gouvernement vient de répondre d'une manière satisfaisante, car l'on ne peut concevoir que l'Etat s'enrichisse à mesure que le prix du pétrole augmente. Au-delà des mesures intérieures que nous nos apprêtons à prendre, une réflexion européenne s'impose. J'observe par ailleurs que le projet tient compte des préoccupations sociales...

M. Didier Migaud - Allons ! Ce n'est pas sérieux !

M. le Président de la commission - ...comme le démontre la série de mesures décidées en faveur des ménages : l'harmonisation des SMIC, la prime pour l'emploi, l'allégement de la redevance pour les rmistes, le mécanisme complémentaire d'accession à la propriété, la péréquation entre les collectivités...

M. Augustin Bonrepaux - Pas ça ! Arrêtez ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission - Toutes ces mesures pèsent bien davantage que celles dont que l'on nous présente comme injustes. Mais, pour l'UMP comme pour l'UDF, la qualité essentielle de ce projet est sa cohérence, puisqu'il est tout entier destiné à conforter une stratégie de croissance. Depuis vingt ans, la France a pris un retard constant sur ses voisins, la croissance économique y étant de trois quarts de point inférieures, en moyenne, à celle de ses partenaires. Or qui, sinon Dominique Strauss-Kahn, expliquait qu'un demi-point de croissance en plus ou en moins distingue un pays qui réussit d'un pays qui ne réussit pas ?

M. Augustin Bonrepaux - Et que s'est-il donc passé entre 1999 et 2002 ?

M. le Président de la commission - Vous ne cessez de rappeler cette période, qui demanderait un examen minutieux. Mais si l'on fait abstraction des mesures artificielles prises à cette époque (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), on doit constater que la France a créé moins d'emplois marchands que les autres pays européens au cours des mêmes deux décennies.

Ce projet de budget, équilibré, nous est présenté dans un tout autre contexte que celui de l'année dernière. Qui aurait pu prédire, il y a un an, que la croissance française serait supérieure à celle des autres pays de l'Union...

M. Didier Migaud - Mais qui en a bénéficié ?

M. le Président de la commission - ...et que, dans le même temps, le déficit serait réduit ? Quant à la critique selon laquelle le Gouvernement ferait des « cadeaux aux entreprises », elle est infondée, puisque celles-ci supporteront des taxes supplémentaires qui ne sont pas compensées, tant s'en faut. Charles de Courson estime, lui, qu'il s'agit d'un budget « faussement rigoureux ». On aurait peut-être pu lui donner raison si ses amis politiques ne cessaient de dire que le budget des sports ou celui des anciens combattants sont insuffisants... J'espère donc qu'il pèsera de tout son poids pour éviter de telles contradictions...

En conclusion, la commission considère que la réduction du chômage suppose de surmonter deux handicaps. En premier lieu, nous sommes arrivés aux limites de l'Etat-providence et nos voisins ont, mieux que nous, contenu la dépense publique. Dans le même temps, on ne cesse de nous accuser de procéder à une « casse sociale », alors que les dépenses sociales ont crû de plus de 12 %.

Ensuite, je souhaite vivement que l'année 2005 soit l'An I de la réforme de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il faut en finir avec ces giboulées de nouvelles structures, d'observatoires et de commissions. Nous disposions déjà d'un outil de choix, la LOF ; nous aurons aussi un levier, le rapport Camdessus (« Excellent rapport !» sur les bancs du groupe UDF). Et suivons le président Debré, qui nous invite à nous consacrer au contrôle de la dépense publique plutôt qu'à légiférer de manière excessive ! Tous nos voisins le disent : la France est sur-administrée et sous-organisée, mais c'est aussi le pays qui dispose du plus grand nombre d'atouts potentiels. Engagons-nous donc résolument sur la voie de la réforme, et nous retrouverons la confiance en l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre d'Etat - Dès la semaine prochaine, le Gouvernement proposera la création de la commission destinée à faire le clair sur l'excédent...

M. Michel Bouvard - Eventuel !

M. le Ministre d'Etat - ...éventuel, en effet, des recettes dues à l'augmentation du prix du pétrole. Je suggérerai que cette commission soit composée d'un membre par groupe politique et par assemblée parlementaire, d'un rapporteur issu de l'inspection générale des finances et d'un membre de la Cour des comptes. Je proposerai qu'elle se réunisse aux alentours du 15 novembre, date à laquelle seront connues les recettes fiscales d'octobre. Une décision sera prise, fin novembre, qui se traduira éventuellement par une inscription dans le collectif budgétaire de fin d'année. Ainsi les Français auront-ils l'assurance que l'Etat ne profite pas de l'envolée des prix du pétrole, le Parlement sera informé et, dès la fin de l'année, la fiscalité pétrolière sera aménagée en tant que de besoin.

M. Pascal Terrasse - Par une réduction de la TIPP ?

M. le Ministre d'Etat - Bien sûr, puisque celle de la TVA n'est pas possible.

Par ailleurs, demain, à Luxembourg, j'inciterai mes collègues de l'eurogroupe à prendre une initiative macro économique, de sorte que l'ensemble des pays de la zone réagissent de la même façon à un problème qui se pose à chacun d'eux. Une telle procédure permettra de garantir la transparence de l'information, et je ne doute pas qu'elle soit de nature à faire cesser toutes les polémiques (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Brard - N'ayant pas obtenu de réponse à ma question, je demande une suspension de séance (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 18 heures 45, est reprise à 18 heures 55.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Didier Migaud - Messieurs les ministres, depuis juin 2002, la continuité de votre action avec celle de vos prédécesseurs est indéniable. Malgré les échecs, malgré votre impuissance à endiguer le reflux du chômage ou à relancer la consommation, malgré l'explosion de la dette publique, nulle modification de votre stratégie fiscale et budgétaire n'est intervenue. Quant à votre PLF pour 2005, s'il est sans aucun doute mieux présenté et mieux vendu que les précédents, du fait de l'indéniable savoir-faire du ministre d'Etat en matière de communication, il traduit la même absence de politique économique et sociale mise au service de la croissance et de l'emploi.

Reconnaissons cependant que le ministre d'Etat est resté fidèle à ses convictions. Soutenant les mêmes orientations qu'il y a dix ans, traquant la dépense publique, il reste le plus ardent défenseur de la France des propriétaires. Certes, chaque mesure est aujourd'hui présentée au nom de l'emploi, mais sans que rien vienne soutenir cette assertion. Dans le fond, rien n'a changé depuis 1994, et M. Sarkozy reste le champion d'une politique de droite bien affirmée.

La soumission du projet de budget aux impératifs de la communication a conduit à multiplier les mesures visant à masquer la dégradation de l'évolution de la dépense publique, aujourd'hui manifestement non maîtrisée. Voyez à cet égard l'insincérité flagrante des hypothèses de cadrage !

Pis, votre budget tend à accentuer l'injustice de traitement entre les ménages les plus aisés - auxquels sont consentis toujours plus de cadeaux fiscaux -, et l'immense majorité des Français, condamnés à subir de plein fouet une hausse continue de la quasi-totalité des prélèvements. Ce décalage est d'autant plus malvenu que l'urgence d'une politique de croissance et d'emploi fondée sur le progrès social se fait plus pressante, du fait des conséquences des délocalisations sur l'emploi et des autres effets pervers de la mondialisation.

Parce qu'elles sont douteuses, les prévisions sur lesquelles votre budget se fonde font redouter que l'autorisation budgétaire ne soit malmenée. La France attendait le retour de la croissance. Elle est finalement arrivée - avec retard - mais notre pays n'a pas su en profiter, au point que son effet reste insuffisant pour compenser votre absence de stratégie en matière d'emploi. Force est d'admettre aujourd'hui que rien ne permet d'envisager une quelconque forme de rattrapage. Certes, depuis un an, la croissance est de l'ordre de 3%, mais à qui profite-t-elle ? Vous ne répondez jamais à cette question, mais il est évident que les Français sont privés de ses fruits puisque le chômage augmente et que le pouvoir d'achat est amputé.

Puisque le rapporteur général et le président de la commission aiment les comparaisons, comparons 1999 et 2004. En 1999, avec un taux de croissance de 2,7 %, la majorité d'alors a su favoriser la création d'emplois, réduire les déficits publics, augmenter le pouvoir d'achat. La hausse des prix était limitée à 0,5 %, au lieu d'un rythme de 2,4 % cette année. Le pouvoir d'achat et la consommation des ménages progressaient respectivement de 2,8% et 3,2% alors qu'ils n'augmenteront en 2004 que de 2,4% et de 1,5%. En 1999, pour la première fois depuis vingt ans, l'équilibre primaire des comptes publics était atteint, permettant la réduction du poids de la dette publique ; le taux de chômage passait de 11,2% à 9,8%, soit une baisse de 13% ; l'emploi total augmentait de 2%. A l'inverse, depuis un an, le taux de chômage a crû de 0,1 point pour atteindre 9,9% en août 2004. Nos mesures fiscales consistaient en la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle pour encourager l'emploi et la baisse de la TVA, payée par tous. Les vôtres ne visent que les plus aisés, à travers la réduction d'impôt pour emploi à domicile et la remise en cause des droits de succession. Ces bilans valent d'être comparés !

M. Richard Cazenave - Comparez aussi les ardoises !

M. Didier Migaud - Si le ralentissement en cours aux Etats-Unis et en Chine était brutal, cela aurait un fort impact sur la croissance française. Or la prévision est de 2,9 % aux Etats-Unis, contre 4,1 % en 2004 et de 3,7 % contre 4,5 % pour l'économie mondiale.

Cette situation est rendue préoccupante par la remontée graduelle des taux d'intérêt aux Etats-Unis. Une décision analogue de la Banque centrale européenne alourdirait le poids de notre dette publique. Comme le souligne la Cour des comptes, si le taux d'intérêt moyen de la dette de l'Etat était aujourd'hui au même niveau qu'en 1998, son service net représenterait 21,8 % des recettes nettes !

Mais le risque principal tient au prix du pétrole, qui atteint un record historique. Les automobilistes et ceux qui se chauffent au fioul domestique ont pu le constater, la hausse est vertigineuse depuis 2002, avec 18 % de hausse pour le diesel et 28 % pour le fioul domestique. Vos seules réponses visent à limiter les conséquences médiatiques et à calmer les légitimes revendications des professions les plus directement exposées. Mais vous oubliiez - jusqu'à tout à l'heure - les ménages...

M. le Ministre d'Etat- Cela avait été écrit avant mon intervention...

M. Didier Migaud - Vous êtes un adepte de la méthode Clemenceau : quand il y a un problème, on crée une commission ! Mais vous disposez déjà des éléments qui vous permettraient de réduire la facture pétrolière pour tous nos concitoyens.

Alors que les documents de présentation de ce budget montrent un risque de 0,5 à 1 point de croissance en moins si les cours du pétrole s'installaient durablement au-dessus de 50 dollars vous tentez maintenant de faire oublier ces déclarations. Où est ici la bonne gestion ? Alors que le budget repose sur une hypothèse présentée comme « prudente » d'un prix du pétrole de 36,5 dollars, les conjoncturistes présentent aujourd'hui des scénarios indiquant que le pétrole pourrait s'installer durablement au-dessus de 50 dollars, voire atteindre 60 dollars fin 2005.

Outre la remise en cause de la croissance, cela entraînerait une inflation bien supérieure aux prévisions et une remontée des taux d'intérêt, dont les ménages modestes seraient, une nouvelle fois, les premières victimes. Et ce n'est pas le très hypothétique effet des baisses de prix dans la grande distribution qui leur redonnera du pouvoir d'achat, votre véritable objectif étant de remettre en cause les règles d'organisation du secteur.

Vous insistez sur le prétendu effet des mesures que vous avez fait voter cet été, en soulignant le nombre des donations, qui a effectivement fortement progressé grâce à vos nouveaux cadeaux fiscaux, et le déblocage de l'épargne salariale, même s'il nuit au financement des investissements. Vos mesures ont du succès car l'effet d'aubaine joue à plein, mais elles ont peu d'effets sur le pouvoir d'achat et la consommation des ménages...

M. André Schneider - N'importe quoi !

M. Didier Migaud - Etes-vous en mesure de le prouver ? La méthode Coué a ses limites...

Après le malheureux crash auquel de 2003 avec une croissance de 0,5 % au lieu de 2,5 % prévus, nous sommes devenus méfiants et les Français avec nous. Echaudé, le Gouvernement n'avait prévu que 1,7 % pour 2004 alors que la croissance sera sans doute proche de 2,7 %. Mais, cette année, votre prévision paraît en décalage avec les estimations disponibles, ce qui pose la question de la sincérité de votre budget. Auriez-vous retenu une croissance de 2,5 % au lieu de 2,3 % et une inflation de 1,8 % au lieu de 1,5 % à seule fin de vous ménager une marge de manœuvre dans la bataille pour tenter d'équilibrer votre budget ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre d'Etat - Ça, c'était vos procédés à vous...

M. Didier Migaud - Dès l'origine, vous avez choisi une hypothèse singulièrement optimiste, alors que les rapporteurs généraux de l'Assemblée et du Sénat annonçaient 2,2 à 2,4 %. Aujourd'hui, vous refusez de prendre en compte les effets de la hausse des prix du pétrole, alors que vous déclarez vous-même que « cela ne risque pas de s'arranger ». Comment s'étonner, dès lors, que vous prévoyiez d'ores et déjà des mesures de régulation dès le début de 2005 et tout au long de l'année ? C'est d'ailleurs annoncé dans le dossier de presse qui accompagne le projet du budget : « Ces incertitudes sur la croissance nécessitent une gestion prudente et réactive des finances publiques, afin de tirer les conséquences des fluctuations à la hausse ou à la baisse de la conjoncture. C'est le sens des procédures de mise en réserve pour veiller à respecter les crédits votés par le Parlement : elles seront poursuivies le cas échéant en 2005 ». Je dirai même qu'elles seront poursuivies coûte que coûte, en dépit de leurs conséquences catastrophiques, car vous êtes engagé dans une remise en cause systématique et idéologique de la dépense publique. Ainsi, en dépit de recettes fiscales supplémentaires en 2004, vous avez annulé 1 milliard de crédits début septembre.

Faute d'informations, nous tentons de déterminer l'ampleur de la dégradation du déficit lié à un ralentissement de la croissance et des annulations de crédits. Une diminution d'un point du taux de croissance réduirait le niveau des recettes disponibles de plus de 5 milliards, et même de 9,25 milliards dans la mesure où moins la croissance est forte, moins l'élasticité est grande.

Si vous contestez ces chiffres, il est essentiel que vous nous donniez une vision claire de la manière dont seront exécutées les dépenses que nous allons voter dans les semaines qui viennent.

Répondez donc à ces questions simples : avez-vous déjà prévu un gel et des annulations de crédits pour début 2005 ? Quelle en sera l'ampleur ? Quelle en sera la ventilation par ministère ? La loi organique relative aux lois de finances vous oblige à répondre. Vous ne l'avez pas fait en 2004 ; qu'en sera-t-il en 2005 ?

Faute de précisions, les parlementaires seraient à nouveau contraints de discuter d'un budget virtuel, uniquement conçu dans le cadre d'une campagne de communication. C'est bien de proclamer qu'un bon budget n'est pas forcément un budget qui augmente, mais aucun ministre ne respecte un tel principe, chacun succombant à la tentation de surestimer les crédits inscrits en loi de finances initiale !

Permettez-moi de citer à nouveau Pierre Méhaignerie qui, en 2003, fustigeait les gels et annulations de crédit qui réduisent la qualité et l'intensité du débat budgétaire. La régulation budgétaire, en soi, n'est pas une pratique condamnable, tant qu'elle respecte l'esprit de la loi organique qui l'encadre : prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire et ne pas dépasser 1,5% des crédits ouverts par la loi de finances. Elle ne saurait devenir un automatisme qui permettrait à des ministres de présenter au Parlement un budget « acceptable » car surestimé de 1,5% !

J'ajoute que la réflexion sur la pratique de la régulation et sur la sincérité des hypothèses de croissance est indissociable du débat sur l'affectation des éventuels surplus de recettes fiscales. Le projet de loi organique visant à modifier l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances n'est en réalité qu'une mesure d'affichage.

Les prétendus surplus de recettes fiscales dépendent des hypothèses initiales de croissance du PIB et de progression des recettes, déterminées de façon discrétionnaire par le Gouvernement. A moins d'accepter enfin, comme je vous le demande, que la commission des comptes de la nation y participe, le débat ne pourra être que faussé. Vous vous apprêtez une nouvelle fois à trahir le principe de sincérité.

Par ailleurs, vous avez cette année innové, en matière de régulation budgétaire, en omettant de vous conformer à l'exigence, posée par la loi organique relative aux lois de finances, d'une communication préalable auprès de la commission des finances. De surcroît, malgré une croissance supérieure de plus de 0,8 point à celle de l'année dernière, vous avez pratiqué des gels préventifs, en invitant l'ensemble des ministères à identifier eux-mêmes les crédits à mettre en réserve.

Pis, votre politique économique ne pourra pas jouer le rôle de soutien de la croissance, tant vous vous refusez à soutenir le pouvoir d'achat de l'ensemble des ménages. Votre politique est marquée par l'injustice fiscale. Alors que vous n'avez cessé d'insister sur la nécessité absolue de baisser l'impôt sur le revenu à un moment où les recettes fiscales ne progressaient pas autant qu'aujourd'hui, vous estimez aujourd'hui qu'une nouvelle baisse ne serait pas possible ! L'objectif d'une baisse de 30 % de l'impôt sur le revenu d'ici 2007 serait-il définitivement abandonnée ? Vos arguments ont changé, mais pas l'injustice de votre mesure, qui va bénéficier à un nombre encore plus restreint de ménages, parmi les plus privilégiés. J'en veux pour preuve la hausse de 50 % du plafond de prise en compte des dépenses pour l'emploi d'un salarié à domicile, qui porte à 118 % la hausse totale du plafond de cette mesure depuis votre arrivée au pouvoir. Comparez donc cette augmentation à celle de la prime pour l'emploi !

Vous vous défendez en nous opposant que ce dispositif a été créé par les socialistes avant 1993. Oui, et nous en sommes fiers, mais de là à en rehausser si massivement le plafond à chacun de votre retour au ministère de l'économie ! Initialement fixé à 3 811 euros, il a ainsi été porté à 3 964 euros par la loi de finances pour 1994, et à 13 720 euros dans le cadre du budget pour 2005 !

Je me souviens encore de cet échange que vous aviez eu avec M. Gantier...

M. le Ministre d'Etat - Il vous a marqué !

M. Didier Migaud - Il vous titillait sur la réduction nécessaire de l'impôt sur le revenu à une heure ou deux heures du matin, et vous lui avez démontré que les réductions de l'impôt sur le revenu avec les emplois à domicile étaient bien plus efficaces !

M. le Ministre d'Etat - C'est un des premiers sarkozistes, il se souvient de tout !

M. Didier Migaud - Je tiens à souligner la constance de vos engagements !

M. le Ministre d'Etat - Encore un compliment ! C'est trop !

M. Didier Migaud - Mais vous êtes capable de les supporter (Rires sur tous les bancs).

Nous avons réduit de moitié, lors de la précédente législature, ce plafond. Aujourd'hui, vous nous demandez de penser à ceux qui pourraient retrouver un emploi grâce à cette mesure. J'espère que vous reconnaîtrez au moins que nous n'avons jamais partagé le même sentiment en la matière. Les chiffres du Conseil des impôts sont incontestables. La mesure qui ne profite déjà, actuellement, qu'à 70 000 familles, soit 0,2% des foyers fiscaux, voit son impact encore réduit à moins de 30 000 familles, parmi les plus aisées. Et elle continue d'exclure les foyers non imposables. Pour cette raison, le Conseil préconisait de transformer ce mécanisme en crédit d'impôt, ce qui aurait permis, en baissant à due concurrence le plafond de dépenses pris en compte, de faire profiter un million de ménages non imposables de cette mesure. Mais vous avez refusé de retenir cette solution, en raison de son coût, évalué à 750 millions d'euros.

La seule chose qui semble préoccuper les parlementaires de la majorité, c'est l'ISF, car celle-ci a en effet déposé 26 amendements sur ce seul sujet...

M. le Rapporteur général - Il y en a eu 100 sur la fiscalité agricole !

M. Didier Migaud - ...ce qui représente près de 10% de l'ensemble des amendements discutés. L'exhortation de M. Méhaignerie à ne pas craindre les « réactions salivaires » de l'opposition semble avoir levé toutes les inhibitions, surtout chez ceux qui salivent eux-mêmes à l'idée de réduire l'ISF. La frénésie de l'UMP a conduit une majorité de députés membres de la commission des finances à voter en première délibération une exonération totale de la résidence principale au titre de l'ISF. Cela ne s'est pas fait par inadvertance, comme l'a expliqué M. Méhaignerie, car le vote a eu lieu à deux reprises par assis et levés. Finalement, après maintes tractations, deux dispositions principales ont été proposées - tout en disant qu'il conviendrait d'attendre un texte futur pour faire passer cette réforme plus discrètement.

M. le Président de la commission - Fantasme !

M. Didier Migaud - Il s'agit tout d'abord d'actualiser le barème en fonction de l'inflation. Le sénateur Marini, Robin des Bois à rebours, estime, dans un rapport fort intéressant, que l'impôt rendu aux contribuables serait ainsi de 190 millions s'il y avait actualisation par rapport à 1997. En l'état, c'est-à-dire avec une indexation se limitant à la hausse des prix prévisionnelle, le coût serait de 35 millions.

Vous mettez sans cesse en avant le cas d'un contribuable dont le patrimoine serait constitué uniquement de sa résidence principale, bien immobilier dont la valeur atteindrait 900 000 euros. Faut-il rappeler que la valeur moyenne des logements possédés est de 136 600 euros et que 56 %seulement des Français sont propriétaires ?

En second lieu, la commission a voté l'augmentation de l'abattement sur la valeur de la résidence principale, qui passe de 20% à 30%. Si l'on combine les deux dispositifs, le seuil d'entrée dans l'ISF est relevé de plus de 16%, soit un taux quatre fois supérieur à celui prévu pour la prime pour l'emploi. Actuellement, un contribuable dont le patrimoine est constitué de sa résidence principale ne devient imposable que si celle-ci a une valeur vénale réelle au moins égale à 900 000 euros. Compte tenu des amendements adoptés par la droite en commission, ce serait désormais 1,050 million !

S'agissant d'un impôt qui toucherait moins de 300 000 foyers en 2003, soit moins de 1 % des foyers fiscaux, tant d'obstination intrigue car le discours selon lequel la baisse de l'ISF serait favorable à l'emploi est mensonger. Au total, 350 à 370 redevables de l'ISF quitteraient le territoire chaque année - sans que la cause de ce mouvement soit précisément connue - et plus de 100 y reviennent. Et selon le Conseil des impôts, les conséquences économiques ne budgétise de ces expatriations sont très limitées.

En ce qui concerne la suppression du dispositif dit de « plafonnement du plafonnement », je rappelle qu'en 2002 étaient concernés 1 742 contribuables, dont le patrimoine taxable excède la limite supérieure de la troisième tranche du barème de l'ISF, soit 2,300 millions.

Vous invoquez souvent les socialistes, en affirmant que ce que vous proposez ne serait qu'un retour au dispositif Bérégovoy-Rocard. Ce n'est pas très convenable, comme aurait dit un ancien Premier ministre, car vous isolez une mesure spécifique des autres mesures fiscales dans lesquelles elle s'inscrivait. Nous ne sommes pas opposés à ce que l'on revoie la question de l'ISF, mais à condition de tout remettre sur la table. En revanche, baisser le rendement de l'ISF est bien votre seule préoccupation !

M. Jean-Pierre Brard - Ils veulent tout remettre sur la table mais pour remplir l'assiette des plus modestes ! (Sourires)

M. Didier Migaud - Vous proposez également la baisse - c'est même presque une disparition - des droits de succession, au profit de moins de 20 % seulement des ménages concernés. Pour une fois, vous faites preuve de rigueur intellectuelle puisqu'il s'agit d'une des rares mesures dont vous ne dites pas qu'elle serait bénéfique pour l'emploi... Mais vous êtes moins rigoureux lorsque vous tentez de convaincre les Français qu'une grande majorité d'entre eux bénéficiera de cette mesure. M. le ministre d'Etat tient en fait les mêmes propos que lorsqu'il était ministre du budget dans le gouvernement de M. Balladur : il s'agit d'encourager la France des propriétaires. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Cette mesure, qui consiste en un nouvel abattement général de 50 000 euros sur le montant global de la succession et en la hausse de certains abattements existants accordés en fonction des liens de parenté, est particulièrement ciblée, car 20% seulement des successions font l'objet de droits actuellement. Vous faites référence à la valeur moyenne des successions, effectivement proche de 100 000 euros, mais vous oubliez de signaler que moins d'une succession sur deux atteint 55 000 euros. Vous oubliez enfin de rappeler que la hausse des abattements s'applique à des niveaux déjà très importants et ne jouera donc que marginalement : l'exonération était déjà de 46 000 euros pour les enfants, et un abattement de 20 % existe sur la valeur de la résidence principale. Comme le constatait en 2000 Philippe Marini dans son rapport sur la fiscalité des mutations à titre gratuit, ce sont près de 90% des transmissions entre époux et 80% en ligne directe qui ne donnent pas lieu à perception de droits. C'est un démenti cinglant aux affirmations du ministre d'Etat.

Enfin, vous passez totalement sous silence le fait que l'assurance vie permet une transmission de 152 000 euros par bénéficiaire avec exonération totale. Une réforme globale des droits sur les successions devrait en tenir compte. Alors que l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme prévoit une contribution des citoyens « en proportion de leurs facultés », vous réduisez celle des plus aisés en augmentant celle de presque tous les ménages. Pour votre défense, vous jouez de l'ambiguïté entre prélèvements obligatoires et impôts d'Etat autorisés dans le cadre du budget. Vous vous attribuez aussi la hausse du SMIC, et donc du pouvoir d'achat des plus modestes. Mais cet alignement des garanties mensuelles de rémunération a été décidé il y a plus de deux ans, et était même inscrit dans la réforme des 35 heures.

Finalement vous renvoyez la responsabilité des prélèvements à d'autres que vous, y compris au sein du gouvernement. En effet, contrairement à ce que vous affirmez avec aplomb, le rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances indique que le taux de prélèvements obligatoires atteindrait en 2005 43,7 % du PIB, contre 43,6 % en 2004. En 2003, ce taux était resté stable, à 43,8 % comme en 2002. En réalité, l'évolution spontanée aurait abouti à une diminution. Mais les mesures que vous avez prises s'agissant des collectivités locales et de la Sécurité sociale ont représenté une hausse de 0,1 point. En 2004, en raison de l'effondrement de la croissance, il y aurait eu une diminution spontanée de 0,3 point. Vos décisions font augmenter le taux de 0,1 point.

En 2005, les prélèvements entameront largement le pouvoir d'acte. Une donnée résume leur ampleur et leur injustice : alors que le projet de loi de finances prévoit 2 milliards d'allégements, dont 800 millions pour les ménages ou plutôt pour les plus aisés d'entre eux, l'élargissement de l'assiette de la CSG et de la CRDS votée cet été représente un prélèvement supplémentaire d'un milliard, au détriment de ceux qu'on appelle improprement « non imposables » - et qui ne le sont que sur le revenu. Avec 560 millions de CSG sur les retraités, 645 millions sur les revenus du patrimoine, ce total est même supérieur à deux milliards pour les seuls ménages, sans compter l'euro non remboursé sur chaque consultation, médicale, la hausse du forfait hospitalier - estimée à 800 millions en 2005 et à près d'un milliard en 2007 - et la perte liée à la suppression d'un jour férié.

De plus, les impôts locaux augmenteront en 2005 après une pause en 2004 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Secrétaire d'Etat - A cause des socialistes !

M. Didier Migaud - Non, à cause de la décentralisation Raffarin ! Le rapport annexe sous-estime l'ampleur de ces hausses, compte tenu de l'impasse financière dans laquelle vous placez les collectivités locales avec la décentralisation des déficits de l'Etat par la loi relative aux responsabilités locales (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - Contre-vérité !

M. Didier Migaud - Le coût des transferts de compétences est estimé a minima et les dotations qui y correspondent sont insuffisantes. La majorité tient un double discours : ici, elle conforte les erreurs du gouvernement, mais dans les associations d'élus elle vote des résolutions sévères à son endroit (Protestations sur les bancs du groupe UMP). On a ainsi travesti le principe d'autonomie financière des collectivités locales. Les politiques publiques sont remises en cause, tandis que les impôts locaux sont voués à augmenter. L'effort de solidarité envers certaines communes, que nous acceptons, ne peut se faire au détriment d'autres dont la situation n'est guère plus enviable, et les assouplissements envisagés sont très insuffisants.

Enfin, l'Etat ne respecte pas sa parole. Après quinze mois de demandes répétées à la commission des finances, nous avons fini par obtenir qu'Augustin Bonrepaux établisse un rapport à ce sujet. Ce reniement de la parole de l'Etat, que vous entérinez ici tout en le dénonçant sur le terrain, nuit à la construction d'infrastructures et donc à l'attractivité de notre pays, et allonger la durée des contrats de plan n'est qu'un faux semblant.

Vous tentez de concentrer l`attention sur la seule norme d'évolution des dépenses, et le célèbre « zéro volume ». Les dépenses de l'Etat ne devraient pas augmenter au-delà de l'inflation. Au nom de cette norme, vous remettez en cause des pans entiers des politiques publiques. Or, « laisser jouer les stabilisateurs économiques » en période de ralentissement de la croissance, contrairement à ce que dit le rapporteur général, ce n'est pas baisser les impôts en comprimant les dépenses publiques. A la rigueur, ce pourrait être ne pas augmenter les prélèvements sur les plus nombreux, en laissant la dépense s'ajuster aux besoins accrus, notamment en matière sociale.

Compte tenu de la multiplication des annonces, j'insisterai sur les maquillages budgétaires qui remettent en cause une présentation sincère des ressources et des charges.

D'abord, vous multipliez les crédits d'impôt, surtout pour limiter la dépense publique ; c'est là « un bon outil », dit M. Bussereau. Oui, pour la direction du Budget, non pour les ménages modestes. Sinon, pourquoi refuser de transformer en crédit d'impôt la réduction d`impôt pour emploi à domicile ?

M. Gérard Bapt - Très bien !

M. Didier Migaud - Le crédit d'impôt a l'avantage de réduire la dépense publique tout en repoussant d'un ou deux ans les moins-values fiscales. Ainsi, la façon dont on a annoncé la suppression du prêt à taux zéro est caricaturale. Certes, les motifs sont louables...

M. Michel Piron - Quand même !

M. Didier Migaud - Nous essayons d'être objectifs ! (Rires sur les bancs du groupe UMP) On a dit qu'il s'agissait d'élargir le public concerné et de toucher aussi les logements anciens. Mais si c'est cela, pourquoi ne pas modifier les critères d'attribution de ce prêt qui fonctionnait bien ? Vous souhaitiez en fait réduire la dépense publique de 500 à 800 millions, tout en repoussant les conséquences fiscales à 2006 ou 2007. Que de rendez-vous, d'ailleurs, en 2007 ou 2008 ! Que se passe-t-il donc en 2007 ? Est-ce à cause des élections municipales que vous reportez tant de traites à plus tard ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Quand nous demanderons un audit des finances publiques, le résultat risque d'être bien pire que celui de 2002 ! (Mêmes mouvements) Cet audit avait fait apparaître un déficit de 2,6 % du PIB. Pourquoi êtes-vous contraints à tant d'expédients pour repasser sous le seuil des 3 % ? C'est que, depuis 2002, vos mesures ont fait se dégrader la situation des finances publiques.

M. le Ministre d'Etat - Ce n'est pas brillant !

M. Didier Migaud - Ce qui n'est pas brillant, c'est la situation financière que vous allez laisser en quittant vos fonctions !

Nous espérons que cela ne conduira pas à priver les ménages les plus modestes de l'accès au logement, car ce prêt constitue souvent leur seul apport personnel aux yeux des banques, et je regrette que cet argument n'ait pas été pris en compte.

M. le Rapporteur général - C'est faux !

M. Didier Migaud - Encore faut-il le démontrer, et l'on attendrait du rapporteur général qu'il démontre davantage la pertinence des propositions du Gouvernement...

M. le Rapporteur général - Lisez le rapport !

M. Didier Migaud - ...qui nous laissent sceptiques.

La réforme de la taxe d'apprentissage vous offre également l'occasion d'améliorer à moindres frais la situation des comptes publics tout en différant les charges supplémentaires. Le taux de la taxe due par les entreprises serait sensiblement relevé, l'Etat diminuant ses versements de 200 millions d'euros en 2005, de 600 millions en 2007. C'est autant de dépenses en moins, sachant qu'un crédit d'impôt est une nouvelle fois institué au bénéfice des entreprises, qui devraient donc accepter facilement la hausse de la taxe. A une moindre dépense est substituée une perte de recettes qui, constatée avec retard, ne sera pas comptabilisée dans la norme de progression des dépenses.

Enfin, la réforme de la redevance que vous nous proposez combine injustice et hypocrisie (Protestations sur les bancs du groupe UMP). En même temps que vous exonérez les résidences secondaires, supprimant ainsi la raison même de la fraude contre laquelle vous vous targuez de lutter et privilégiant par ailleurs des ménages plutôt aisés, vous remettez en cause pour les années à venir les exonérations dont bénéficient les personnes âgées modestes non imposables qui payent la taxe d'habitation. Vous masquez ce choix en légalisant les exonérations dont bénéficiaient, sur demande, les titulaires du RMI ou de l'ASS - et c'est un point positif - mais surtout en figeant la situation de personnes exonérées qui ne devraient plus l'être que jusqu'en 2007. Enfin, votre réforme remet en cause le principe de compensation intégrale par l'Etat de sa politique d'exonération : l'audiovisuel public y perdra 80 millions d'euros dès 2005.

M. le Secrétaire d'Etat et M. le Rapporteur général - C'est exactement le contraire !

M. Didier Migaud - J'en viens maintenant au plus gros morceau, à savoir l'utilisation qui est faite de la soulte versée par EDF en compensation de la charge que représentera pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse l'adossement du régime de pensions de ses salariés.

M. Richard Mallié - Hors sujet !

M. Didier Migaud - Vous savez bien que je ne confonds pas le déficit du budget de l'Etat avec celui des comptes publics ! Le ministre d'Etat s'y prend là encore à merveille (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Attendez la suite !... A merveille, disais-je, pour tromper le profane. Il passe avec une telle aisance du budget de l'Etat aux comptes publics que ce ne peut être qu'avec la volonté que les gens y perdent leur latin !

La soulte EDF ne rentre pas dans le calcul du déficit budgétaire, mais elle est la bienvenue, s'agissant des comptes publics ! Car grâce à cette opération, conséquence directe de votre décision de privatiser l'entreprise, ce sont 7 milliards d'euros, voire 9 milliards, qui constituent une recette exceptionnelle mais se transformeront en dépense pour la Sécurité sociale ! Telle qu'elle a été calculée, la soulte est d'ailleurs inférieure à la charge réelle, à terme, pour les régimes de base et les régimes complémentaires, dont les gestionnaires s'inquiètent à juste titre.

Ces artifices restent pourtant insuffisants pour afficher une réelle amélioration de la situation des comptes publics. C'est grâce à la seule soulte que vous parvenez à respecter les engagements du pacte de stabilité et de croissance. Il s'agit certes, en soi, d'une performance, puisque ce respect n'est plus assuré depuis votre arrivée au pouvoir. En plus de deux ans de gestion, vous avez conduit la France à un véritable « crash » des finances publiques, le déficit public passant de 2,6 % du PIB - selon le solde de tout compte de l'audit - à 3,6% fin 2004, après un record de 4,1 % en 2003, et le déficit budgétaire atteindra fin 2004 3,2% du PIB. La dette publique dépasse 60% du PIB depuis 2003, pour atteindre 64,8 %.

L'année 2004 est riche d'enseignements. Si le déficit de l'Etat, du fait de l'amélioration de la croissance, se réduit de 0,5 point entre le budget initial - 3,7% et le chiffre retenu aujourd'hui -3,2% - pour 2004, soit 48 milliards d'euros au lieu de 55,5 milliards, le déficit de la sécurité sociale qui avait été affiché à 0,5% du PIB, atteindrait 0,8 %, les mesures d'économie annoncées pour 2004 n'ayant pas eu les effets escomptés. Le déficit du régime général se dégraderait encore de 11,5 milliards d'euros, soit plus du triple de celui de 2002, comme l'a constaté la Cour des comptes, pour laquelle il s'agit de « la plus forte dégradation financière de l'histoire de la sécurité sociale ». Le déficit de la branche maladie, qui a presque doublé entre 2002 et 2003, est « sans précédent».

Enfin, les collectivités locales vont voir leur situation financière se dégrader de 0,2 point en 2004...

M. Richard Mallié - Evidemment, elles sont toutes socialistes !

M. Didier Migaud - Hélas non, pas encore toutes !

La concomitance, en 2004, d'une amélioration de la croissance, d'une réduction du déficit de l'Etat, d'une dégradation du déficit des administrations de sécurité sociale, et d'une stabilisation par rapport à l'estimation initiale du déficit public attire l'attention. En réalité, comme le note le rapporteur général du Sénat, les prévisions initiales ont été volontairement sous-estimées. Je le cite : « Il était paradoxal que le Gouvernement prévoie une croissance du PIB de 1,7% en 2004, soit égale au consensus, alors que sa prévision de déficit public était alors de 3,6% du PIB, contre 4% du PIB dans ce même consensus ». C'est aussi ce que nous avions dit. Dès lors, on comprend mieux la raison de la non - révision du déficit public : elle tient à l'irréalisme des perspectives de maîtrise des dépenses, notamment sociales. Ce constat augure mal de l'évolution des comptes publics en 2005 et à moyen terme, compte tenu des critiques unanimes - des conjoncturistes aux responsables des caisses en passant par les services de votre propre ministère - sur l'irréalisme des conditions d'équilibre de la réforme de l'assurance maladie.

Pour 2005, une fois écartés les artifices de communication et les approximations presque mensongères auxquelles vous vous êtes laissé aller, la situation n'est guère enviable. La réduction du déficit public à 2,9% du PIB, donc sous la barre de 3% exigée par le Pacte de stabilité, est largement optique. Outre qu'il reste supérieur à celui constaté à l'été 2002 par l'audit des finances publiques, il tient compte de la soulte pour plus de 0,4 point de PIB. Sans cette recette exceptionnelle, le déficit public serait de 3,3% du PIB, très proche de la prévision pour 2004.

Vous prétendez pourtant, Monsieur le ministre d'Etat, avoir fait de la réduction des déficits l'objectif principal de votre projet de budget. Vous affirmez même qu'il s'agirait de « la plus forte réduction des déficits de l'Etat jamais prévue en une seule année ». Il n'en est rien.

Le déficit du budget de l'Etat est affiché à 44,9 milliards d'euros, en baisse de 10,2 milliards par rapport au déficit de 55 milliards prévu en loi de finances initiale pour 2004. En réalité, le déficit 2004 est proche, en exécution, de 49 milliards d'euros, soit 3,2 points de PIB, ce qui signifie que l'effort de réduction se limitera à 4 milliards d'euros, et non à 10. La réduction est donc inférieure à celle constatée par exemple...

M. le Rapporteur général - C'est mesquin !

M. Didier Migaud - Je conçois que cela puisse vous gêner, mais c'est la réalité.

A celle constatée, disais-je, entre 1997 et 1998 - 0,6 point de PIB, ce qui équivaudrait à une réduction de 10 milliards d'euros. La réduction prévue aujourd'hui est de 0,2 point de PIB, soit 4 milliards d'euros.

Concernant le déficit public, seul indicateur retenu, au niveau européen, la performance est encore plus décevante. Le rapporteur général regrettait tout à l'heure que le Président de la République ait dissous l'assemblée en 1997. Il oubliait que la situation budgétaire était assez calamiteuse pour entraîner ce choix ! Malgré cela, le gouvernement socialiste a su qualifier la France pour l'euro en réduisant le déficit public de 1,1 point de PIB (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Mallié - Grâce à l'héritage !

M. Didier Migaud - Vous en étiez si peu sûrs que vous avez préféré dissoudre !

Entre 1998 et 1999, le déficit public a été une nouvelle fois réduit de 0,9 point, passant de 2,7 % à 1,8 % du PIB. Aujourd'hui, la réduction serait à peine de 0,7 point de PIB, soulte comprise. Sans la soulte, elle serait de 0,3 point - de 3,6 % du PIB à 3 %.

Surtout, la dette publique, dont vous ne cessez pourtant de souligner le caractère fondamental pour juger de l'état des finances publiques, est encore en augmentation ! Elle atteindrait 65% du PIB, soit une hausse de plus de 10% depuis 2002 - 58,8% en exécution. La programmation pluriannuelle indique pourtant, malgré les hypothèses favorables d'une croissance de 2,5% et d'une faible inflation, qu'elle serait encore de 63,6% en 2007 et serait encore de 62,0% en 2008 : la norme européenne ne serait donc jamais respectée sur la période. L'alternance sera bien nécessaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

En réalité, l'accent mis sur la réduction du déficit sert uniquement à justifier que l'on prive la très grande majorité des Français des fruits de la croissance, tout en réservant des cadeaux fiscaux à quelques milliers de familles très privilégiées.

C'est donc à un changement complet de politique que nous vous invitons. Nous considérons qu'il faut, en priorité, soutenir le pouvoir d'achat des ménages et, à travers lui, le moteur interne de la croissance que constitue la consommation. C'est pourquoi nous proposerons une réelle revalorisation de la prime pour l'emploi. Dans son rapport, M. Carrez montre que l'augmentation n'en sera que de 4 %, ce qui est inacceptable au moment où le Gouvernement fait par ailleurs progresser de 118 % en trois ans le plafond de la réduction d'impôt pour emploi à domicile et relève de plus de 16 % le barème de l'ISF, tout en entretenant la confusion entre les effets très limités de cette mesure et l'achèvement du processus de convergence des SMIC...

M. le Rapporteur général - Qui se traduisent par 1 700 € de plus en trois ans !

M. Didier Migaud - ... alors que tout laisse à penser qu'à l'avenir, on se limitera à une simple indexation sur l'inflation.

Par ailleurs, nous proposons une nouvelle fois la réactivation de la TIPP flottante, mesure dont tous les ménages bénéficieraient. Au lieu de cela, vous proposez de créer une commission...

M. le Secrétaire d'Etat - Qui établira des comptes exacts !

M. Didier Migaud - Le ministre d'Etat parle beaucoup de la réduction des prix dans la grande distribution, et se livre à une intense communication à ce sujet. Mais, comme le montre l'INSEE, les résultats de cette politique demeurent hypothétiques. Vous pourriez, au contraire, agir en réduisant la fiscalité pétrolière dès maintenant, mais vous préférez vendre du vent (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

D'autre part, le budget de l'emploi et du travail stagnent et vous ne proposez aucun infléchissement d'une politique qui a conduit à un échec cuisant en matière de chômage, malgré une croissance de 2,5 %. On notera que cette stagnation des crédits s'accompagne de l'attribution au seul secteur des hôtels, cafés et restaurants d'une aide spécifique, d'ailleurs bien inférieure à ce qui leur avait été promis. Il n'empêche : le Gouvernement table sur la création de 190 000 emplois en 2005, après en avoir annoncé 182 000 dans la loi de finances initiale pour 2004, qui seront 115 000 en fait. Quel décalage entre les prévisions et la réalité ! Le moins que l'on en puisse dire, c'est que vous nous proposez n'est pas à la hauteur de l'enjeu.

Pour financer les mesures que nous vous proposons, nous vous suggérons de remettre enfin en cause les niches fiscales, qui représentent un manque à gagner total de 50 milliards d'euros et qui favorisent les ménages les plus aisés. Au lieu de cela, vous ne cessez d'en créer de nouvelles ou d'en augmenter le plafond. J'observe que, de manière récurrente, le président de la commission des finances se prononce en faveur d'une rationalisation, sans que jamais il donne suite à nos propositions. Je vois là une belle constance, sans efficacité quantifiable... Nous y reviendrons donc.

S'agissant des délocalisations....

M. le Secrétaire d'Etat - Vous n'en avez donc pas terminé ?

M. Didier Migaud - Nous avons écouté le Gouvernement pendant deux heures et demie ; peut-être consentira-t-il à nous entendre encore quelques minutes ? S'agissant donc des délocalisations, vous lancez la France dans une dangereuse course au moins-disant fiscal et social qui lui fera perdre de son attrait. Autant dire que nos appréhensions sont légitimes.

En conclusion, je souhaite redire que ce budget est en très grande partie insincère (Protestations sur les bancs du groupe UMP) en raison des prévisions sur lesquelles il repose et des multiples artifices comptables qu'il contient...

M. Richard Mallié - Et vous savez de quoi vous parlez !

M. Didier Migaud - Mais il est aussi profondément injuste et contraire à l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, puisque vous réservez tous les prélèvements supplémentaires à la majorité de nos concitoyens et privilégiez une infime minorité...

M. Richard Mallié - Caricature !

M. Didier Migaud - Non ! Ce projet de budget est fondé sur une politique du « deux poids, deux mesures », et fait apparaître clairement que, sous ce Gouvernement, mieux vaut être riche et bien portant pour bénéficier de mesures fiscales avantageuses (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Enfin, ce projet engage la France, sans moyens, dans la concurrence fiscale, et brade son avenir. Il remet en cause la capacité d'agir de l'Etat, tout comme celle des collectivités locales, sauf, pour elles, à augmenter très sensiblement les impôts...

M. Richard Mallié - Prétexte !

M. Didier Migaud - Parce que ce projet de budget est dangereux, je vous propose, au nom du groupe socialiste, d'adopter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Secrétaire d'Etat - Les arguments utilisés par M. Migaud pour défendre l'exception d'irrecevabilité étaient en tous points excessif, et la discussion générale nous permettra d'y revenir point par point. Le Gouvernement espère donc qu'après avoir entendu le représentant du groupe UMP, l'Assemblée fera le bon choix en repoussant cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Louis Giscard d'Estaing - M. Migaud a semblé jouer un sketch de Fernand Raynaud (Mouvements divers), à ce détail près qu'il a plutôt prêté à rire à ses propres dépens (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Le groupe UMP a essayé de suivre une argumentation dans laquelle personne n'a retrouvé son latin et qui, selon son auteur, serait objective. On comprendra ce qu'il faut en penser, et le groupe en tirera la conclusion qui s'impose : que s'il est quelque chose d'inconcevable, c'est bien le propos de l'orateur (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Pierre Brard - Une conclusion s'impose, en effet : le Gouvernement, n'ayant plus d'arguments à opposer à M. Migaud, se trouve contraint de dépêcher, en renfort, l'infanterie des lansquenets de Chamalières (Rires sur bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Chacun l'aura constaté : M. Bussereau n'a rien dit, et M. Giscard d'Estaing trois fois rien, (Mêmes mouvements), mais non sans arrogance. Quelle réponse ont-ils apportée aux arguments de Didier Migaud ? Aucune ! Nous devons pourtant nous prononcer sur la conformité de ce projet à la Constitution, et donc à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, dont Didier Migaud a montré qu'elle est violée dans ce texte. Je songeais, en vous écoutant au Tiers-Etat supportant le clergé et l'aristocratie. En fin de compte, le symbole reste le même : le Tiers-Etat moderne, c'est la multitude qui compose les classes modestes et moyennes, et ceux qui nous gouvernent ont bien compris que mieux valait prélever la dîme sur le plus grand nombre que sur une minorité de privilégiés, car le nombre garantit le produit (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Le projet du Gouvernement n'est pas recevable car il viole la Déclaration des Droits de l'homme, (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) laquelle dispose que chacun doit contribuer à proportions de ses facultés. Pour vous, il s'agirait plutôt de prendre toujours plus à ceux qui ont toujours moins !

Non sans humour, le président Méhaignerie a évoqué la maîtrise du déficit et la reprise de la croissance. Las, par pudeur sans doute, il n'a pas été aussi disert sur le chômage, se conformant par là à l'attitude du Rapporteur général. Mais qu'est-ce qui remplit l'assiette du chômeur ? La réduction du déficit ou les mesures favorables à la progression du pouvoir d'achat ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Il faut conclure.

M. Jean-Pierre Brard - Votre politique provoque de la désespérance. Elle n'est dictée que par des choix idéologiques. Sourd aux réactions des Français qui vous ont botté les fesses aux élections du printemps, vous persévérez dans l'erreur.

M. le Président - Votre temps de parole est écoulé.

M. Jean-Pierre Brard - Je ne vous crois pas masochistes au point de ne pas voir le réel, mais bien plutôt victimes de vos obsessions idéologiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Perruchot - L'objet d'une exception d'irrecevabilité est bien connu de M. Migaud, et son propos, très éloigné de cette finalité, visait uniquement à permettre au groupe socialiste de disposer d'un temps de parole plus confortable. Bien entendu, le groupe UDF rejettera l'exception et souhaite qu'une réflexion s'engage sans délai pour que de tels détournements du Règlement - qui font perdre beaucoup de temps - n'aient plus court. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Augustin Bonrepaux - Didier Migaud a démontré l'insincérité de ce projet de budget, laquelle justifie à elle seule l'adoption de cette exception d'irrecevabilité, et aucun argument sérieux ne lui a été opposé. Les conséquences de votre politique sont pourtant désastreuses, en particulier pour les collectivités locales. Dans toutes les régions, les CPER sont paralysés du fait de la réduction drastique des crédits d'investissement. Le développement du ferroviaire en sera durablement affecté. Le ministre d'Etat tient un double langage. Il appelle ici à l'essor de telle ou telle filière, mais il paralyse l'initiative en coupant les crédits (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Quant aux inégalités devant l'impôt que votre action généralise, avons-nous entendu un seul argument tendant à les justifier ? Les résultats sont là : 4 euros de plus chaque mois pour les 8,5 millions de bénéficiaires de la PPE, 180 euros offerts aux privilégiés qui emploient un salarié à domicile...

M. le Secrétaire d'Etat - Allons, il s'agit de familles et de personnes âgées !

M. Augustin Bonrepaux - Et je ne m'attarderai pas sur les autres inégalités, qu'il s'agisse de la redevance audiovisuelle, modulée en fonction de la nature de la résidence, ou de la péréquation entre départements, certes inscrite dans la Constitution, mais, destinée - dans votre esprit - à être plus favorable aux Hauts-de-Seine qu'à la Lozère ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) C'est cela la nouvelle égalité ! La droite applique avec constance un adage immuable : elle ne prête qu'aux riches ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 22 heures 15.

La séance est levée à 20 heures 40.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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