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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 9ème jour de séance, 22ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 20 OCTOBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2005
      première partie - (suite) 2

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 21 OCTOBRE 2004 26

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2005 - première partie - (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - Un mot rapide, pour vous présenter une nouvelle fois les excuses du ministre d'Etat, qui participe en ce moment à Luxembourg à la réunion de l'Eurogroupe, et pour vous indiquer que je répondrai globalement à l'ensemble des orateurs.

M. Luc-Marie Chatel - Lorsque le présent projet de budget a été présenté en conseil des ministres, j'ai déclaré que ce budget était historique à plus d'un titre. D'abord, parce que ce gouvernement met fin à la spirale infernale de la dépense et s'attaque enfin de front à la dette, qui plombe notre économie et nos investissements. Notre Etat vit à crédit depuis des décennies. Quel ménage pourrait dépenser durablement 25 % de plus que ce qu'il gagne ? La solution de facilité pour sortir de cette spirale, c'est d'augmenter les impôts et nos prédécesseurs ne s'en sont pas privés. C'est bien sous la législature précédente que le taux record de 45,5 % de prélèvements obligatoires a été atteint et que dix-neuf impôts et taxes ont été créés. L'autre option, beaucoup plus exigeante, consiste à stopper les dépenses. Nous nous y employons pour la troisième année consécutive. Autre acquis historique, le déficit sera diminué de 10 milliards.

Ce budget est aussi celui des engagements tenus devant les électeurs, qu'il s'agisse des trois lois de programmation touchant les fonctions régaliennes - justice, sécurité, défense -, de l'harmonisation par le haut des six SMIC hérités des lois Aubry - effective à compter du 1er juillet prochain -, de la priorité donnée à la recherche ou de la lutte contre les délocalisations, grâce notamment aux pôles de compétitivité.

Certains nous reprochent de soutenir un budget favorable aux privilégiés. Quelques chiffres pour leur répondre : 17 millions de contribuables paient 10 % d'impôt sur le revenu de moins aujourd'hui qu'il y a deux ans, et il y a tout lieu de penser que les montants correspondants ont été réintroduits dans le circuit économique ; les 8 millions de titulaires de la PPE ont bénéficié d'une amélioration continue de leur pouvoir d'achat...

M. Augustin Bonrepaux - L'Etat est en cessation de paiement et l'investissement est en panne !

M. Luc-Marie Chatel - Quant aux salariés payés au SMIC le plus bas - lequel accusait tout de même 112 € d'écart avec le plus élevé -, ils bénéficient désormais de l'équivalent d'un treizième mois. N'oublions pas que c'est aussi ce gouvernement qui a introduit le tarif social d'EDF. Outre leur impact individuel, toutes ces mesures ont directement contribué à la reprise de la consommation et, partant, à la progression du PIB. Juste et équilibré, ce budget permettra assurément de remettre la France dans le bon sens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Rodet - Ceux qui ironisaient sur la cagnotte en 1999 sont pris à leur propre piège. Contrairement à ce que prétend M. Sarkozy, les cours du brut flambent non pas depuis août mais depuis des mois, et le Gouvernement, en restant sourd à nos alertes, a tardé à réagir. Nous demandons en effet depuis le printemps que les effets de la hausse du pétrole soient répercutés sur la fiscalité des ménages. Las, avec quelque désinvolture et beaucoup d'obstination, le Gouvernement a différé les mesures de bon sens qui s'imposaient et se trouve aujourd'hui contraint d'improviser des solutions maladroites.

M. Augustin Bonrepaux - C'est bien comme cela que les choses se présentent. Il fallait le dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Rodet - Autre hypothèse - à laquelle les Français sont nombreux à souscrire -, le Gouvernement aurait profité de l'emballement des cours du brut pour laisser dériver les effets cumulés de la TVA et de la TIPP afin de se constituer une cagnotte secrète...

M. Guy Geoffroy - Fantasme !

M. Alain Rodet - Quoi qu'il en soit, l'attentisme du Gouvernement n'est pas sans incidence sur la croissance, car il pèse à la fois sur la consommation des ménages et sur l'investissement des entreprises. Le temps perdu ne se rattrape jamais, et c'est une faute que de n'avoir pas amorti les effets de ce nouveau choc pétrolier. En juin, lors du débat d'orientation budgétaire, contre l'avis des experts les plus éminents de vos propres services, vous avez feint de croire que la hausse des cours était conjoncturelle. Chacun sait qu'il n'en est rien, et que vous avez été fort mal inspiré de suivre le précepte du président Queuille selon lequel « les problèmes ne sont pas faits pour être résolus mais pour être contournés ». (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Les Français sont aujourd'hui pénalisés par votre immobilisme, et nous ne pouvons que déplorer que notre rapporteur général ait cru bon de couvrir au-delà du raisonnable la position du Gouvernement. Alors qu'il n'hésitait pas, il y a un an, à préconiser d'affecter les recettes supplémentaires de la TIPP à RFF, il se montre aujourd'hui bien discret. Alors, Monsieur le rapporteur général, qu'allez-vous suggérer comme affectation pour les recettes considérables qui proviendront de la fiscalité sur les carburants pour 2004 ?

M. le Secrétaire d'Etat - Ce n'est pas vrai.

M. Alain Rodet - Elles pourraient servir à rendre moins douloureux les nombreux gels de crédits qui se sont succédé depuis le début de l'année. « Le temps use l'erreur et polit la vérité », dit-on dans ma région. Mais il est sans doute trop tard pour réparer tous les dommages que votre imprévoyance a causés à notre économie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Denis Merville - Dans un contexte difficile, vous affichez clairement vos priorités. Il s'agit d'abord de rétablir la confiance chez les Français et chez nos partenaires en ramenant le déficit en dessous des 3 % du PIB, soit à 45 milliards contre 55 milliards en 2004. La réduction de la dette sera la plus forte que notre pays ait connue d'une année sur l'autre. En même temps, le volume des dépenses publiques est maintenu pour financer les secteurs prioritaires, justice, sécurité, éducation, recherche. Mais la norme « zéro volume » s'appliquera pour la troisième année, car on ne saurait réduire les prélèvements publics sans cette maîtrise des dépenses.

Les recettes augmenteront, en partie grâce à votre politique économique, et ce budget est établi sur des prévisions réalistes, même si la hausse du prix du pétrole crée quelques incertitudes. Il comporte des mesures pour soutenir l'emploi, qui est notre priorité. Je salue votre engagement en faveur de la reprise économique et de la consommation. Les mesures en faveur des donations entre parents et enfants portent déjà leurs fruits, puisque en quatre mois deux milliards ont été transmis et que le nombre des donations a doublé pour atteindre 130 000. La déduction des intérêts des prêts à la consommation a permis à de nombreux ménages de réaliser leurs projets. Enfin, la baisse des prix dans les grandes surfaces a profité au pouvoir d'achat.

Ce budget poursuit dans le même sens. Pour les ménages les plus modestes, le SMIC sera de nouveau augmenté au 1er juillet prochain, soit un gain de 3,7 %, et la prime pour l'emploi sera revalorisée de 4 % au 1er janvier pour 8,2 millions de bénéficiaires. A la place du prêt à taux zéro, vous proposez un dispositif plus social...

M. Jean-Louis Dumont - Cela reste à prouver.

M. Denis Merville - ...qui porte aussi sur le logement ancien et devrait permettre de doubler le nombre de bénéficiaires.

En faveur des entreprises, vous proposez de prolonger l'exonération de taxe professionnelle de six mois et de supprimer la surtaxe de 3 % sur les bénéfices pendant deux ans. Cet allégement de charges renforcera leurs possibilités d'investissement et l'attractivité de notre pays. Enfin, vous cherchez à faciliter les relocalisations par un crédit d'impôt et à favoriser l'apprentissage.

Je voterai bien sûr ce budget, mais je souhaiterais que les classes moyennes soient plus concernées par les allégements de charges, notamment les familles dont un ou deux enfants sont étudiants. Ceux-ci peuvent demander à être rattachés au foyer fiscal de leurs parents qui peuvent alors opter pour l'octroi d'une demi-part par enfant étudiant de moins de 25 ans ou pour un abattement forfaitaire correspondant aux charges de l'étudiant. Le gouvernement Jospin a réduit la déduction existante sous Edouard Balladur. Pourtant, les familles ont des charges importantes notamment en province, quand l'université est éloignée.

M. Edouard Landrain - C'est vrai.

M. Denis Merville - Pour mieux les soutenir, je propose par amendement de porter l'abattement de 600 à 5 000 euros. D'autre part, les étudiants ne résidant pas en cité universitaire devraient être exonérés de la redevance audiovisuelle.

M. Jean-Louis Dumont - Qu'on la supprime !

M. Denis Merville - Enfin, les mesures prises pour les successions ne pourraient-elles pas être étendues, sous certaines conditions, aux frères et sœurs âgés de plus de 50 ans ou handicapés ?

La sécurité routière est une de nos priorités et les progrès sont importants, mais insuffisants. Ils passent par une meilleure formation. Je propose donc que le taux de TVA soit réduit pour l'éducation à la sécurité routière. Il faut certes l'accord de l'Union européenne, mais la France pourrait prendre cette initiative.

Pour les collectivités locales, ce budget est bon, dans le contexte actuel. Toutefois la dotation forfaitaire des communes, bloquée depuis des années, devrait augmenter. La commission des finances a voté mon amendement en ce sens et j'espère que le gouvernement l'acceptera.

Je souhaite également que les variations de la dotation forfaitaire par habitant soient ramenées de 1 à 2,5, amplitude excessive, à un écart du simple au double. La commission des finances y a été favorable, j'espère que vous le serez aussi.

Enfin, les communes perçoivent une dotation de compensation pour les recettes qu'elles ont perdues lorsque la structure intercommunale dont elles font partie est passée à la taxe professionnelle unique. Mais cette dotation étant gelée, elles sont progressivement asphyxiées. Je propose par amendement que la dotation soit au moins indexée sur l'inflation. Il ne s'agit nullement de remettre en cause l'intercommunalité, mais dans les faits elle est souvent synonyme de dépenses supplémentaires alors que les économies d'échelle promises par les technocrates ne sont pas toujours réelles.

M. Alain Gest - C'est bien vrai !

M. Denis Merville - Je vous demande d'y regarder de plus près, puisqu'il faut maîtriser les dépenses et introduire plus de transparence. Les Français ne s'y reconnaissent plus dans cet empilement de structures, et c'est la démocratie qui en pâtit.

Dans le même esprit, il faut recentrer les contrats de plan État-région, car cette dernière intervient souvent dans des domaines qui relèvent du département.

M. Alain Gest - Tout à fait !

M. Denis Merville - Nous sommes également attachés à la réforme de l'Etat, car on a créé trop de commissions dont l'efficacité reste limitée.

Pour terminer, je vous félicite pour les mesures prévues en faveur des victimes de l'amiante, nombreuses dans mon département.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Denis Merville - En mettant en place le FIVA, François Fillon les avait assurées de la solidarité nationale ; vous la traduisez dans ce budget en exonérant leurs indemnités d'impôt sur le revenu et de droits de succession (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Chamard - Je m'adresserai d'abord à l'opposition. Elle joue son rôle en appuyant là où elle pense que cela fait mal, tout en se montrant sélective. Il est donc normal qu'elle souligne que certaines dépenses ont été transformées en moindres recettes, oubliant toutefois et l'inflation, estimée à 1,7 %, et la fiscalisation du FOREC. Il est normal également qu'elle s'oppose aux trois amendements votés par la commission des finances sur l'ISF, oubliant que l'un correspond à l'amendement Bérégovoy et un autre à l'indexation sur les prix qui figurait dans toutes les lois de finances sous Lionel Jospin.

M. le Rapporteur général et M. Michel Bouvard- Excellent !

M. Jean-Yves Chamard - Je trouve non moins logique que vous estimiez la prévision de croissance à 2,5 % un peu trop élevée. Avec un pétrole à 35 $ le baril, le consensus aurait pu se faire sur 2,4 %, mais on ne tombe jamais juste. Ainsi, nous avions prévu 1,7 % pour 2004, ce que vous nous aviez reproché, et nous aurons 2,5 %.

M. Didier Migaud - Nous n'avons rien dit.

M. Jean-Yves Chamard - En revanche, dire en permanence que ce budget n'est pas sincère...

Plusieurs députés socialistes - c'est vrai !

M. Jean-Yves Chamard - ...c'est faire preuve d'impudeur ! J'étais député en 1992...

M. Jean-Pierre Brard - Les électeurs vous ont déjà puni, attention !

M. Jean-Yves Chamard - Pierre Bérégovoy avait alors inscrit dans son projet de budget une prévision de croissance de 1,5 %, contre l'avis de tous les économistes. Mais le résultat fut : moins 1% ! Soit un écart de deux points et demi entre les prévisions et la réalité. Quand on a ce genre d'erreurs à son actif, on modère ses critiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il est normal que vous insistiez sur le mauvais état des finances publiques, M. Bonrepaux en a même fait une description apocalyptique, mais alors ne passez pas ensuite tout votre temps à réclamer des dépenses supplémentaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

En fait, je me demande s'il existe une seule loi votée par la gauche qui ait tenté de contraindre la dépense publique. Je ne le crois pas. Et lorsque nous, nous essayons de la maîtriser, par exemple en réformant les retraites et l'assurance maladie, deux réformes indispensables, vous vous y opposez de toutes vos forces et de tous vos amendements.

J'en viens à vos reproches concernant la fiscalité locale. Pour avoir pris en 1982 la responsabilité des finances de mon département, je sais que tous les gouvernements - plutôt ceux de gauche tout de même - ont essayé de « refiler » aux collectivités locales un petit quelque chose. Chaque année, un ou deux points de fiscalité locale étaient ainsi dus à des transferts. Mais en 2001-2002, ce fut véritablement le séisme financier, du fait du non-financement de l'APA, de la réforme des 35 heures et de celle des services d'incendie et de secours. Ces trois mesures ont entraîné dans mon département une hausse de 25 points de fiscalité ! On n'avait jamais vu cela ! Et on ne le verra plus puisque nous avons modifié la Constitution pour empêcher ce genre de choses (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

On peut discuter du dynamisme de telle ou telle recette, mais essayer de faire croire que la première vague de décentralisation, qui sera compensée la première année à l'euro près, explique les hausses fiscales auxquelles procèderont certaines régions, cela relève de l'imposture.

M. Jean-Pierre Brard - A l'euro près ? Vous y croyez vraiment ? Vous avez la foi !

M. Jean-Yves Chamard - La vérité est qu'au fond, ce budget n'est pas si facile à critiquer. Il n'est certes pas parfait, car la perfection n'est pas de ce monde et aussi parce que nous avons hérité de finances très dégradées, mais il est bon (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), et nous sommes en train de commencer à maîtriser la dépense publique. Bravo, donc, aux pères de la LOLF - dont fait d'ailleurs partie M. Migaud. Grâce à elle, nous pourrons traquer la dépense, vérifier où passe l'argent et voir comment les indicateurs se comportent d'une année sur l'autre. Je souhaite que l'on se livre aussi à des comparaisons internationales. Cela nous permettrait par exemple de voir qu'en France le coût de formation d'un élève dans le secondaire est supérieur de 25 % à la moyenne de l'OCDE, et ce pour des résultats identiques. Cela signifie qu'il ne suffit pas de dépenser toujours plus pour avoir de meilleurs résultats.

C'est dans la durée et dans la volonté que doit s'inscrire l'effort. Si un ministre nous explique que son budget est bon parce qu'il va pouvoir faire la même chose avec plus d'argent, nous devons être capables de dire non. Mais si un ministre nous explique qu'il va faire plus avec le même argent, ce sera oui. Nos électeurs ont été trop longtemps drogués à la dépense publique. Mais nous sommes maintenant arrivés à une limite, même si les Français ne comprennent pas toujours l'ampleur du déficit. Lorsque nous parlons des 3 %, ils croient parfois que cela veut dire que le déficit ne représente que 3 % du budget, alors qu'en réalité le déficit atteint 20 % du budget. A partir du 15 octobre, nous payons tout à crédit ! Cela ne peut pas continuer ainsi. Cette situation, mes chers collègues socialistes et communistes, vous nous l'avez léguée et je ne crois pas que cela vous autorise à donner en permanence des leçons à la majorité et au Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Paul Giacobbi - La tradition des finances publiques françaises est particulièrement contrastée puisque nos classiques budgétaires vont de l'orthodoxie à l'acrobatie. Mais celui-ci présente la particularité de tenter une synthèse de l'acrobatie et de l'orthodoxie ! Vous ne parvenez, en effet, à afficher l'orthodoxie que grâce à vos acrobaties ! (Sourires)

Avec un tel chef aux fourneaux, nous étions tous impatients de connaître la recette qu'il nous concocterait, malgré la maigreur des ingrédients, l'insuffisance manifeste des ustensiles et la cherté prévisible du combustible nécessaire à la cuisson ! Nous ne sommes pas déçus : le plat est superbe. Reste à savoir s'il tiendra longtemps dans cet état et si la France pourra le digérer !

Au titre des acrobaties, il y a d'abord les affirmations notoirement inexactes. Par exemple dire que l'endettement de l'Etat diminuera ainsi que la charge de la dette alors que l'un et l'autre augmentent pour l'exercice 2005. Il y a ensuite ce que j'appellerais la mauvaise foi comptable, une sorte de transposition budgétaire de l'abus de droit, bien connu des fiscalistes. L'affaire de la soulte d'EDF est, à cet égard, très caractéristique. Le versement de la soulte devrait, en bonne logique comptable, se traduire dans les comptes de la caisse d'assurance vieillesse par une provision pour charge future. Le résultat serait alors neutre sur l'exercice et sur le calcul du déficit.

Mais l'acrobatie la plus remarquable est celle qui consiste à vous cramponner à une appréciation parfaitement irréaliste de la croissance, des taux d'intérêt et du cours du pétrole.

M. Richard Mallié - Vous avez la mémoire courte !

M. Paul Giacobbi - Je voudrais faire quatre remarques à ce sujet. D'abord, vous ne pouvez pas prétendre avoir été surpris par l'évolution du prix du pétrole et des autres matières premières - car il n'y a pas que le pétrole qui évolue très vite, il y a aussi, entre autres, le cuivre et l'acier, c'est-à-dire des matières indispensables à la croissance industrielle. La croissance spectaculaire des grands pays émergents d'Asie provoque en effet plusieurs goulots d'étranglement. Ce n'est pas une affaire de conjoncture propre à telle ou telle production, c'est une donnée structurelle de la croissance mondiale. Je ne partage pas pour autant l'inquiétude à long terme exprimée par M. Cochet, car, comme vous le savez, l'âge de pierre ne s'est pas terminé parce qu'il n'y avait plus de pierre mais parce qu'on a trouvé autre chose ! (Rires) Il en ira de même pour le pétrole.

Il n'en demeure pas moins vrai qu'à court terme, voire sur un cycle relativement long, l'ajustement de l'offre et de la demande sera très difficile. Vous auriez pu et dû le prévoir.

En juin dernier, dans vos orientations budgétaires, vous parliez de 28 $ le baril et je vous faisais déjà observer que ce chiffre était très inférieur au cours constaté comme aux cours prévisibles pour 2005. Aujourd'hui encore, face à l'évidence, vous ne changez pas votre prévision, feignant de croire à une baisse miraculeuse du cours.

C'est d'autant plus étrange que votre gouvernement nous rebat les oreilles avec le « chaos irakien », la « boîte de Pandore », le risque terroriste qui serait plus fort qu'il n'a jamais été au Moyen-Orient, cœur de la production pétrolière - ce qui est du reste vrai. Mais quand nous en arrivons à l'économie, le chaos s'efface, la boîte de Pandore se referme. Il ne s'agit plus que d'un problème conjoncturel qui passera dans quelques mois.

Deuxième erreur : vous admettez que le risque existe mais vous n'en tirez pas les conséquences. Or, si le pétrole est à 50 $ le baril en moyenne sur 2005 - scénario médian - vos hypothèses s'effondrent. Que devient votre budget dans ces conditions ? Le résultat serait un manque à gagner de recettes de près de 10 milliards d'euros, une charge nette de la dette en augmentation de 1 milliard d'euros la première année et, à terme, une charge supplémentaire annuelle de plus de 8 milliards d'euros.

Vous vous contentez de dire dans votre rapport : « gestion prudente et réactive des finances publiques ». Je vous invite plutôt à être prudent et réactif dès maintenant, c'est-à-dire à revoir d'emblée vos prévisions et à ne pas réserver à votre successeur 10 milliards d'euros d'économie supplémentaires à trouver !

Ces 10 milliards d'euros, conséquence de l'écart entre vos prévisions et celles que vous auriez dû faire, correspondent précisément au montant de l'amélioration du solde dont vous faites tant de cas. Autrement dit, vous ne parvenez à l'apparence de la vertu que parce que vos prévisions ne sont pas prudentes.

En troisième lieu, procéder de la sorte, en privilégiant un scénario optimiste, c'est violer le fondement même de toute construction budgétaire et comptable. La règle comptable, ce n'est pas de prendre ses souhaits pour la réalité : c'est, à l'inverse, réduire ses ambitions à la réalité. Si le pétrole est à 5 dollars le baril, vous devez bâtir votre hypothèse sur ce chiffre - quitte à constater, si les choses s'améliorent, que l'Etat dispose d'un surplus qu'il affectera à une diminution de l'endettement.

Par ailleurs M. le ministre d'Etat a dit récemment au congrès des buralistes : «Je ne suis que le directeur financier de la société ». S'il était ici, je lui demanderais : croyez-vous que si vous étiez une société cotée en bourse, la COB accepterait de viser votre plaquette ? Croyez-vous qu'une société dont les résultats dépendent des fluctuations du cours du pétrole pourrait, sans être sanctionnée, fonder sa communication sur une prévision moyenne à 36,5 $ le baril pour 2005 ?

Mais vous ne vous contentez pas de l'acrobatie. Vous vous posez en précurseur, en visionnaire d'une révolution budgétaire. Précurseur, vous ne l'êtes pas vraiment, car cette révolution budgétaire a été faite dans les dernières décennies dans des pays comme le Canada, la Nouvelle-Zélande ou l'Australie. Mais son succès dans ces pays repose sur deux facteurs. L'un est une vérité comptable, c'est-à-dire un courage financier exceptionnel. L'autre est un outil informatique intégré pour les finances publiques. Or, vous n'avez ni l'un, ni l'autre. J'ai déjà évoqué votre vérité comptable ; quant à l'outil informatique, après le fiasco du projet informatique ACCORD II, les conditions d'entrée en vigueur de la LOLF sont modifiées.

M. le Secrétaire d'Etat - Seriez-vous contre la loi ? Il y avait un avis de la commission...

M. Paul Giacobbi - Je ne suis pas contre la loi : je constate que nous en sommes là. C'est bien un fiasco, sur lequel la Cour des Comptes enquête. Vous devez donc travailler avec des outils intermédiaires, plus ou moins adaptés et plus ou moins cohérents. Je sais que le ministère des finances a beaucoup travaillé depuis plusieurs mois pour mettre en place un système intermédiaire. Mais c'est là, Monsieur le ministre, que vous devez faire preuve de volontarisme pour construire un bon système d'information, et non pour ajuster vos prévisions à vos contraintes.

Enfin, les bons comptes faisant les bons amis, j'ai le regret de vous dire, Monsieur le ministre, que les comptes du programme exceptionnel d'investissement pour la Corse ne sont pas bons. D'abord, il faudrait que vous soyez en état de fournir des chiffres concordants. Ainsi, pour l'exercice 2003, les engagements d'autorisation de programme s'élèvent à 37,5 millions d'euros selon votre cabinet, à 34,8 millions pour la 5e sous-direction du budget, et à 4,13 millions d'euros selon ce que me communiquait le 4 octobre M. Méhaignerie, selon qui il s'agit d'un chiffre définitif. Quant à la consommation des crédits de paiement, il n'y en a pratiquement pas. C'est pourquoi, le 23 juin dernier, j'ai demandé par écrit des précisions comptables, et je vous remercie par avance, Monsieur le ministre, de bien vouloir me les faire tenir. Vous devez cette information à un parlementaire, et M. le ministre d'Etat aurait dû me la transmettre avec plus d'empressement qu'à tout autre élu. Il serait convenable qu'elle me parvienne avant le débat budgétaire relatif au ministère de l'intérieur.

Ce budget est celui de M. le ministre d'Etat, et le restera même s'il quitte le Gouvernement. Il est même tellement sien et tellement particulier qu'il peut le poursuivre au-delà de 2005... (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Richard Mallié - La politique de soutien au pouvoir d'achat et à la consommation menée par le Gouvernement tout au long de l'année 2004 montre aujourd'hui ses effets bénéfiques. La France a renoué avec la croissance, et cela devrait se confirmer en 2005. Avec une prévision à 2,5 %, nous nous situons bien au-dessus de la moyenne européenne. Nous récoltons les fruits de la politique courageuse et réaliste du Gouvernement. Et le présent projet, Monsieur le ministre, donne à votre majorité toutes les raisons de croire que le courage et le réalisme seront aussi les clés de l'action menée en 2005. Je salue notamment l'énergie et la ténacité que vous attachez à la réduction du déficit public. Présentant un budget en déficit depuis vingt-trois ans, la France est handicapée par une dette abyssale. Au rythme actuel, elle atteindrait 100 % du PIB en 2020 ! Courageuse et réaliste, votre politique budgétaire se veut aussi juste et efficace, mettant l'accent sur le soutien à la croissance et à l'emploi, notamment par l'augmentation de la prime pour l'emploi. Parmi les priorités du Gouvernement, je retiens notamment les mesures prises pour retenir, mais aussi faire revenir, nos entrepreneurs. La délocalisation est en effet un véritable fléau, source de chômage et de manques à gagner fiscaux et sociaux.

Après ce constat général, permettez-moi toutefois d'attirer votre attention sur trois points.

Tout d'abord, si la défense de nos PME-PMI passe par la lutte contre les délocalisations, elle passe aussi par la préservation d'un actionnariat fort. En effet, c'est à ce prix que nous préserverons nos entreprises françaises de la menace de rachats étrangers. Cette menace, je sais que vous la mesurez, Monsieur le ministre : votre détermination dans le sauvetage d'Alstom nous en donne la preuve. Alors qu'il y a un an on ne donnait pas cher de l'entreprise, Alstom est aujourd'hui l'un des grands gagnants du voyage en Chine du Président de la République. Et dans ce sauvetage, on doit reconnaître le rôle éminent du plan de redressement que vous avez élaboré.

S'il faut se réjouir de cette issue, on ne peut ignorer le climat maussade qui règne chez nos petits épargnants. Deux enquêtes récentes de la SOFRES révèlent que depuis l'an dernier, 500 000 petits porteurs ont jeté l'éponge. Ce départ de la Bourse est inquiétant, et plus encore si l'on note que c'est parmi les plus jeunes que la confiance est au plus bas. Les séquelles de l'affaire Eurotunnel sont lourdes. Il est donc vital pour notre économie de rétablir la confiance perdue par nos petits épargnants, faute de quoi nous verrons fleurir en France un capitalisme international sans foi ni loi, aveugle aux intérêt locaux, et qui demain fera peu de cas de nos emplois si le ciel économique s'assombrit.

En second lieu, j'appelle votre attention sur la nécessité d'engager notre pays dans un véritable champ de réformes pour accroître notre croissance. Il est notamment nécessaire d'engager notre pays dans une politique forte et courageuse en faveur de la natalité, très dégradée depuis des années. Depuis 1974, la France ne renouvelle plus ses générations : il faudrait en effet 2,1 enfants par femme alors que nous sommes aux environs de 1,9.

M. Jean-Pierre Brard - Non ! La descendance finale est supérieure à 2 !

M. Richard Mallié - C'est pourquoi je proposerai deux amendements visant à encourager la natalité, facteur de la croissance, donc de l'activité, donc de la création d'emplois. Le premier consiste à déplafonner le quotient familial pour la demi-part supplémentaire accordée au troisième enfant. Ce plafonnement est en effet pour l'heure un facteur de dénatalité préjudiciable. Le second amendement consiste à faciliter le recours à la garde à domicile pour les familles nombreuses, en familialisant le dispositif de plafonnement des dépenses éligibles à la réduction d'impôt. Pour cela, je propose de porter la limite de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile de 10 000 à 12 000 €, plus 3 000 € par enfant à charge. Ce serait rejoindre la volonté des Français qui, selon un sondage de la SOFRES, sont 43 % à penser que de plus grandes incitations financières et fiscales sont le moyen le plus efficace pour relancer la natalité.

Mais, pour une politique d'aide à l'entreprise comme pour soutenir la natalité, il importe aussi de refondre un aspect particulièrement dissuasif de notre fiscalité : les droits de succession. Si l'allégement que propose le Gouvernement, permettant d'exonérer totalement une succession de 100000 euros, est déjà une avancée, il se révèle particulièrement inéquitable dans le cas où il y a plusieurs enfants. Je proposerai une modification de ce dispositif afin de réduire l'inégalité entre héritiers, en prévoyant un abattement général de 40 000 € plus 60 000 par enfant. J'ai l'outrecuidance, Monsieur le ministre, d'espérer un avis favorable à cette proposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), car l'ambition d'un gouvernement se mesure éminemment au projet de loi de finances qu'il propose. Les arbitrages opérés, les crédits accordés dessinent les choix politiques qui seront faits.

M. Jean-Pierre Brard - C'est bien vrai !

M. Richard Mallié - Et la discussion générale sur Ie budget est une occasion majeure pour Ies parlementaires de faire entendre un peu plus fort les voix de la Nation. J'ose croire qu'avec la réforme entreprise à travers la LOLF, les bancs de cet hémicycle ne verront plus les parlementaires que nous sommes voter de manière insipide et sans contestation aucune le projet proposé. C'est là le signe de la bonne santé de notre démocratie (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - La prise du Palais d'Hiver est proche ! (Sourires )

M. Edouard Landrain - Votre budget est honnête, sincère, réfléchi ; bref, il est bon. Certes des incertitudes demeurent, notamment sur le cours du pétrole. Mais nous constatons une baisse - justifiée - des effectifs de l'Etat, la baisse des crédits de certains ministères, la hausse - légitime - pour d'autres, comme la culture, la communication, la recherche ; une dette publique qui reste cependant au dessus des 60 % qu'exige le pacte de stabilité ; mais un déficit significativement réduit...

Tout cela, il fallait le faire !

M. Jean-Pierre Brard - Ca, c'est vrai : il fallait le faire !

M. Edouard Landrain - Même si je suis de ceux qui auraient aimé qu'on aille plus loin. Certes il faut être prudent vis-à-vis du secteur social et de l'économie, mais quand on est en difficulté financière il faut savoir se serrer la ceinture, ou « réduire la toile », comme disent les marins... On le fait dans un ménage, mais l'Etat, quand il a moins d'argent, continue parfois à dépenser autant : là est la différence entre un budget de gauche et un budget de raison, de droite...

Je n'évoquerai qu'un point : le budget de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Il reste faible, mais stable. Compte tenu de l'intérêt de nos compatriotes pour le sport, on pouvait toutefois espérer mieux. Vingt-cinq millions de Français s'intéressent au sport, il y a quatorze millions de licenciés, des succès populaires à la télévision et dans les stades, les Jeux Olympiques en perspective - mais peu de moyens...

Heureusement il y a le FNDS. Mais sa disparition en tant que compte d'affectation spéciale est prévue dans le cadre de la LOLF. Quel est son avenir ? On a envisagé de lui donner la forme d'un établissement public, le CNDS, qui gérerait une part du produit, l'autre l'étant par le budget de l'Etat. Où en est-on ? Le 1er janvier 2006 les choses devront être en place. Sans le FNDS, le ministère de la Jeunesse et des sports serait exsangue : il doit continuer à le gérer ! Les sportifs souhaitent être rassurés. Il faut penser à eux, Monsieur le ministre, et pas seulement les jours de gloire et de victoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Schreiner - Du budget pour 2005, je retiens la volonté du Gouvernement d'aborder la situation des finances de l'Etat sans faux-fuyant et de regarder la vérité en face. Depuis vingt ans, nous assistons à une lente mais inexorable dégradation des finances publiques, laquelle hypothèque le retour de la croissance. Comment en effet créer des emplois, améliorer la compétitivité de nos entreprises, encourager l'innovation et assurer le bien-être de nos concitoyens quand près de 15 % du budget de l'Etat est absorbé par les intérêts de la dette ? En se fixant comme priorité de réduire le déficit, le Gouvernement a fait le bon choix pour l'avenir. En effet, sans baisse importante du déficit, pas de marges de manœuvre, pas d'investissements possibles. Nos concitoyens l'ont bien compris, un Etat peinant à payer ses dépenses courantes et incapable de rembourser sa dette ne peut être ni crédible ni respecté.

Pour autant, le remboursement de la dette ne saurait tenir lieu de programme de gouvernement, et les Français sont en droit d'attendre autre chose. A cet égard, le volet social de ce budget ne déçoit pas. Le plan de cohésion sociale bénéficiera d'un milliard d'euros pour son lancement en 2005 ; le Smic augmentera fortement au 1er juillet 2005 et le barème de la prime pour l'emploi sera revalorisé de 4 %.

Conciliant les impératifs d'une saine gestion des deniers publics et de la solidarité indispensable à l'égard des plus défavorisés, ce budget pour 2005 est audacieux.

M. Jean-Pierre Brard - On a connu mieux !

M. Bernard Schreiner - La hausse du prix des matières premières n'est toutefois pas sans inquiéter. Si les dérapages observés devaient perdurer, toutes les entreprises tributaires du pétrole, ainsi que l'ensemble de nos concitoyens auraient à craindre une forte hausse de leur facture de transport et de chauffage. Je suis néanmoins convaincu que le Gouvernement saura prendre les mesures nécessaires pour que la confiance, préalable indispensable au retour de la croissance, n'en soit pas altérée.

Bien entendu, je voterai ce budget sans aucun état d'âme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Georges Tron - Si la plupart de mes collègues ont abordé le volet recettes de ce budget, je souhaite, pour ma part, traiter du volet dépenses, car c'est bien en limitant les dépenses de l'Etat que plusieurs pays comparables au nôtre sont parvenus à maîtriser leurs comptes publics. Ainsi en Italie,...

M. Jean-Pierre Brard - Pour vous, c'est un bon exemple ?

M. Georges Tron - ...la réforme drastique engagée dans les années 90 a porté ses fruits. Aux Etats-Unis, c'est le président Clinton lui-même qui a mis en place une planification par objectifs, guidée par des indicateurs de résultat.

M. Jean-Pierre Brard - Et le déficit ?

M. Georges Tron - Au Canada, le gouvernement de M. Chrétien a, dès 1993, fait procéder à un examen approfondi de l'ensemble des dépenses publiques pour supprimer les administrations devenues inutiles, fusionner celles qui pouvaient l'être avantageusement et adapter les effectifs en conséquence. Dans ces trois pays, cette politique a réussi. Pourquoi ne le pourrait-elle pas en France ? Je ne crois pas à une spécificité française en ce domaine.

Affichant une ferme volonté de maîtriser les dépenses de l'Etat, le budget pour 2005 va dans la bonne direction, n'inversant surtout pas le cap, malgré le retour de la croissance - ce qui fut malheureusement le cas sous la législature précédente. Après qu'en 2004 les dépenses de l'Etat ont été stabilisées en volume pour la deuxième année consécutive, en 2005 la tendance se poursuit, et un coup d'arrêt semble avoir été porté à leur dérive incessante depuis des années. Il faut toutefois savoir que deux postes, à eux seuls, infléchissent très largement le budget de l'Etat. Le service de la dette - qui absorbe 14 % du budget général -, augmentera encore de 1,3 milliard d'euros en 2005, et celui des pensions des fonctionnaires, lui, de plus de 2 milliards d'euros.

Cela étant dit, le Gouvernement pouvait-il faire moins ? Avait-il le choix d'une autre politique ? Non, car rien ne peut nous prémunir d'un infléchissement de la conjoncture internationale - je salue à cet égard la grande prudence du Gouvernement qui n'a exclu aucune hypothèse, y compris les plus défavorables concernant le prix du baril de pétrole. Non aussi, car notre pays a le triste privilège d'avoir un taux de prélèvements obligatoires et un ratio des dépenses publiques par rapport PIB de cinq à sept points supérieur à celui de ses voisins, ce qui explique très largement les délocalisations et la perte de compétitivité de la France.

Deuxième question : faut-il aller plus vite et plus loin ? Bien sûr, et pour s'en convaincre, il suffirait de lire le rapport Camdessus...

M. Jean-Pierre Brard - La nouvelle Bible !

M. Georges Tron - ...selon lequel la stabilisation en volume des dépenses de l'Etat pendant quinze ans ne suffirait pas à éviter le dérive insupportable de notre dette. Il nous faut donc réformer l'Etat en profondeur et moderniser la fonction publique.

Ayons le courage de le dire : l'Etat doit se consacrer à ses missions régaliennes et n'a pas à intervenir dans des domaines qui ne sont pas de sa compétence...

M. Jean-Pierre Brard - Des exemples ?

M. Georges Tron - Monsieur le ministre, vous avez décidé, et vous avez bien fait, d'externaliser la gestion des allocations familiales et commandé un rapport sur la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat, rapport qui apporte la preuve que l'Etat fait mal ce qu'il croit bien faire. Il convient d'en tirer les conclusions.

Nous devons également demander aux ministres, avec peut-être plus d'insistance que nous ne l'avons fait en commission, de se consacrer avec tout le sérieux nécessaire aux stratégies ministérielles de réforme, ce qui exige de remettre à plat toutes les missions et le fonctionnement même de leurs administrations. Nous avons eu le sentiment que le message n'était pas encore passé auprès de tous et avons noté que si des gains de productivité substantiels étaient attendus de ces réformes, peu était dit de l'amélioration du service rendu qu'elles peuvent apporter. Pour terminer sur ce point, j'insiste sur la nécessité de mieux identifier et articuler ce qui relève de ces stratégies et ce qui relève de la LOLF. Je salue à cet égard le travail de la commission des finances, qui devrait rendre le contrôle du Parlement plus efficace.

Pour ce qui est de la fonction publique, il est temps d'en finir avec l'approche quantitative. Depuis 1990, 60 % de l'augmentation du budget général de l'Etat résulte de l'augmentation conjuguée des rémunérations et des pensions des fonctionnaires. 85 000 fonctionnaires civils ont été recrutés par l'Etat depuis lors, alors même que la décentralisation était largement engagée. Le service rendu est-il meilleur ? Même si ce n'est ni le lieu ni le moment de répondre à cette question, je dirai que cela n'a rien d'évident. Enfin, les fonctionnaires gagnent-ils à cette politique d'accroissement incontrôlé des effectifs ? Non, assurément. J'approuve donc totalement la politique du Gouvernement qui tente de mettre fin à cette spirale infernale. Ce que les fonctionnaires attendent aujourd'hui, et c'est ici le rapporteur du budget de la fonction publique qui parle, c'est d'être davantage responsabilisés et mieux payés. Tout d'abord, plus de transparence serait nécessaire en matière de rémunérations. On ignore par exemple le nombre, ou même le pourcentage, de fonctionnaires concernés par l'augmentation annuelle du GVT ou des mesures catégorielles.

Il faut aussi responsabiliser les fonctionnaires, de manière qu'ils se considèrent comme pleinement associés à la mise en œuvre de la politique gouvernementale. C'est ce qui a été fait au ministère des finances grâce à l'instauration de primes, et c'est une bonne chose. En conclusion, le budget 2005 va incontestablement dans la bonne direction, mais cela ne doit pas nous dispenser de nous doter des outils indispensables pour réformer l'Etat. Les comptes publics s'en trouveront mieux assurés (Applaudissements).

M. Jean-Yves Cousin - On se félicitera que notre pays se conforme à nouveau aux critères de Maastricht. Ce budget de confiance et de croissance le permettra. Mais je tiens à souligner qu'il s'agit aussi d'un budget de justice sociale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). A cet égard, j'évoquerai plus particulièrement le cas dramatique des personnes atteintes d'asbestose, particulièrement nombreuses à Condé-sur-Noireau dans ma circonscription, si bien que mon collègue Jean Lemière et moi-même avons créé un groupe de travail consacré à cette douloureuse question. Au cours de sa première réunion, le groupe s'est penché sur l'imposition des indemnités perçues par les malades...

M. Jean-Marie Le Guen - Et pourquoi l'Etat s'est-il désengagé du FIVA ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Yves Cousin - C'est faux !

M. Michel Bouvard - Mais M. Le Guen ne connaît rien au dossier !

M. Jean-Yves Cousin - Ces indemnités sont taxables à l'impôt sur le revenu et soumises aux droits de mutation à titre gratuit en cas de succession. Il s'agit d'une inégalité flagrante, puisque cette taxation ne s'applique pas aux personnes indemnisées au titre de la contamination par le VIH ou par la maladie de Creuzfeldt-Jacob. Nous avons évoqué cette question avec Mme Guedj puis avec vous, Monsieur le ministre, et vous avez bien voulu nous entendre. De ce fait, sont insérés dans le projet de loi de finances deux mesures distinctes, la première tendant à la non-imposition, au titre de l'impôt sur le revenu, des indemnités versées par le FIVA ou par décision de justice, la seconde étendant aux victimes de l'amiante le dispositif de l'article 775 bis du CGI relatif aux droits de succession. Ces dispositions ont été adoptées par la commission et je ne doute pas qu'avec l'ensemble de la représentation nationale, le Gouvernement les confirmera. Avec cette harmonisation, il aura ainsi permis une plus grande équité et fait progresser la justice sociale. Je l'en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Myard - Le budget qui nous est présenté va dans le bon sens, c'est vrai. Cependant, le ministre des finances ne cesse de répéter, à juste titre, qu'il n'a aucune marge de manœuvre en raison du poids de la dette publique. Or, cette dette résulte des choix faits au cours des dix ou quinze dernières années, choix qui nous asphyxient. Quels sont-ils ?

Sur le plan intérieur, depuis 1981, la France économise son travail. Quel autre Etat que le nôtre s'est offert le luxe de payer comme 40 heures 39 heures travaillées, d'accorder une cinquième semaine de congés payés puis de payer 39 heures une semaine de 35 heures travaillées ? C'est une impardonnable faute de civilisation qui a été commise là, et les Français risquent de la payer très cher. M. Camdessus a donc raison de dire qu'ils devront travailler davantage ; prétendre le contraire, c'est leur mentir.

M. Augustin Bonrepaux - Encore faudrait-il qu'ils trouvent du travail !

M. Jacques Myard - D'autres choix néfastes ont été faits en matière de fiscalité et notamment de fiscalité de l'épargne, si bien que l'impôt sur le revenu, l'ISF et les droits de succession étant ce qu'ils sont, ce sont plus de 20 000 entreprises par an qui se déglinguent. Je salue donc les mesures qui nous sont proposées à ce sujet.

Il faut aussi parler du droit du travail, qui est un droit légitime. Je ne souscrirai jamais à certaines des mesures voulues et demandées par le MEDEF (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) mais il n'empêche : une plus grande souplesse est nécessaire pour éviter une paralysie qui se retourne contre les salariés eux-mêmes.

D'autres choix ont été faits hors de nos frontières, qui ne sont pas sans conséquences. Qui ne s'est rendu compte que l'économie des pays européens qui n'appartiennent pas à la zone euro a toujours crû plus vite que la nôtre ? C'est le résultat de la politique de rentier menée par M. Trichet, une politique monétaire inadaptée à une stratégie de croissance, et donc néfaste. Il est temps que le conseil des ministres de l'Union puisse donner des directives au gouverneur de la Banque centrale européenne !

M. Paul Giacobbi - Et vous pensez sans doute que M. Camdessus a une politique différente ?

M. Jacques Myard - M. Camdessus penche plus à gauche qu'à droite (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste). J'en viens aux délocalisations, pour souligner que, depuis dix ans, la préférence communautaire, qui a fondé le Traité de Rome, a été mise à mal, sinon descendue en flammes par nos partenaires, atteints d'un libéralisme effréné, si bien que la mondialisation est tout sauf harmonieuse. Relisez donc, d'urgence, ce qu'écrivait Maurice Allais il y a deux ans, dans son ouvrage intitulé « La Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance - l'évidence empirique » ! En 1994 déjà, le seul Prix Nobel français d'économie décrivait ce qui se passe aujourd'hui sur notre territoire et expliquait que l'accroissement du secteur des services ne suffirait jamais à compenser la perte des emplois industriels. Rien ne sert donc de vouloir réinventer la poudre, il suffit de regarder la réalité en face. En d'autres termes, il faut, certes, économiser, mais sûrement ni sur la recherche et le développement, ni lorsqu'il s'agit de l'action extérieure de la France. Cela étant dit, je salue le courage des mesures prises en faveur de l'aide à l'investissement, et c'est pourquoi je soutiendrai ce projet, tout en incitant les ministres concernés à méditer ce que disait Maurice Allais il y a une décennie, et qui demeure d'une actualité brûlante (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Bernard Carayon - Je salue les réformes de l'organisation du ministère des finances engagées par le Gouvernement. La réforme de l'Etat constitue en effet l'une des rares marges de manœuvre à notre disposition au service de l'emploi et de la compétitivité des entreprises. Par ces réformes, le ministère démontre que l'action publique peut s'adapter à la mobilité de marchés, comme l'ont fait, en leur temps, les entreprises. Parmi vos initiatives récentes, la création d'un service consacré à l'intelligence économique me tient particulièrement à cœur, intelligence économique que j'ai été conduit à définir, dans le rapport que j'ai remis au premier ministre, comme une politique publique de sécurité économique, de conquête des marchés extérieurs, d'influence auprès des organisations internationales où s'élaborent les normes professionnelles et juridiques, de formation enfin. Cette politique publique nouvelle est destinée en priorité aux marchés stratégiques, ceux qui créent non seulement richesse et emplois mais aussi puissance. Il s'agit par exemple des marchés de la défense, des technologies de l'information, de l'énergie ou de la pharmacie.

Je me réjouis que le Gouvernement ait retenu cette analyse. Les conditions de succès de cette politique, qui nous permettra de prendre conscience de nos faiblesses, de lutter à armes égales avec nos concurrents et de peser sur les normes internationales, qui influent directement sur notre industrie et notre recherche, reposent sur des méthodes et des modes de pensée nouveaux.

Une première exigence est celle de la mutualisation des compétences publiques et privées. Ainsi, l'effort d'identification des technologies clés, entrepris il y a dix ans par le ministère de l'industrie, n'a pas porté tous ses fruits parce qu'il n'avait été ni étendu à un niveau interministériel, ni nourri d'analyses privées. De même, alors que la conquête des marchés extérieurs, aux Etats-Unis, associe systématiquement l'information publique et privée, elle ne concerne en France que l'administration, qui ne connaît que sa culture du cloisonnement et du contentieux.

Il faut également développer la capacité d'anticipation et de prospective de l'Etat, seul légitime pour établir une synthèse puisqu'il représente l'intérêt général. Si le rapport de Georges Tron avait dénombré 600 comités rattachés à Matignon, leur production n'a jamais été rassemblée, pas même sous la forme d'un intranet gouvernemental ! De la même façon, notre représentation permanente à Bruxelles ne dispose pas des moyens d'intervenir très en amont dans la production des normes.

M. Christian Cabal - C'est dramatique !

M. Bernard Carayon - Nous avons besoin d'une vigie qui construise nos réseaux, accompagne la carrière de nos ressortissants dans les institutions européennes et fasse passer l'information.

Enfin, il faut améliorer notre sécurité. Nos points de vulnérabilité sont décrits dans mon second rapport, tant sur le plan technologique - vulnérabilité des réseaux d'information, absence d'industrie des moteurs de recherche - juridique, faute d'un véritable droit du secret des affaires en France ou financier, faute de fonds d'investissements dédiés, alors que les Anglo-saxons ont développé en ce domaine des outils considérables et se comportent parfois comme des prédateurs contre les industries françaises ; vulnérabilité enfin dans les métiers stratégiques, faute de constitution de véritables groupes professionnels. Les métiers du conseil, de l'audit, de l'assurance, de la certification ou de l'expertise comptable par exemple permettent d'accéder à l'intimité, au cœur même des entreprises.

Voici quelques-uns des enjeux de cette nouvelle politique, face à une guerre sans morts ni images certes, mais qui détruit nos emplois, nos marges de manœuvre et notre potentiel. Votre initiative comble un vide. Je souhaite que d'autres départements ministériels, comme la défense, les affaires étrangères ou l'intérieur, la suivent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - Nous ne discutons pas ce soir que du budget de l'Etat : les arbitrages qui ont été rendus sous l'autorité du ministre des finances, et, je l'imagine, du Premier ministre, concernent également les comptes sociaux de notre pays. De ce point de vue, nous sommes dans une situation particulière : l'ensemble de nos comptes sociaux seront cette année dans le rouge. C'est le cas bien sûr de l'assurance maladie, ce qui n'est pas nouveau sous ce gouvernement, mais aussi de l'assurance vieillesse, des allocations familiales et d'autres caisses comme le FSV ou la CNRACL. Cette situation est suffisamment inquiétante pour qu'un de nos collègues de la commission des affaires sociales, représentant d'une circonscription agricole, ait proposé une augmentation des taxes sur le tabac de 16 % !

Nous trouvons-nous dans une situation de crise exceptionnelle ? Absolument pas. Pour un certain nombre de caisses, les difficultés sont maintenant récurrentes. Par ailleurs, la conjoncture n'a rien de particulièrement difficile : à entendre le Gouvernement, nous devrions même espérer la croissance et retrouver l'emploi ! Malgré cela, les difficultés sont telles que la loi sur l'assurance maladie de cet été a procédé à un transfert massif des déficits cumulés sur la dette sociale des Français. Tous ceux qui sont ici ce soir connaissent la gravité exceptionnelle de la situation et je n'insiste pas sur cette décision scandaleuse du Gouvernement, qui a décidé de faire payer aux générations à venir son incapacité à arbitrer.

M. Jean-Yves Chamard - C'est pourquoi vous n'avez voté aucune réforme : ni les retraites, ni l'assurance maladie !

M. Jean-Marie Le Guen - Nous avons juste fait en sorte que les comptes sociaux soient équilibrés, ce qui ne semble pas à la portée de tout le monde !

M. Guy Geoffroy - Vous n'avez rien fait !

M. Jean-Marie Le Guen - Il y a deux ans, nous vous avions avertis de vos erreurs en matière de prévisions et vous avions exhorté à être plus prudents. L'année dernière, alors que vous acceptiez de nouveau la perspective de déficits considérables, nous vous avions montré les risques que vous preniez et nous étions demandé comment vous pourriez résoudre la situation. Nous n'avions pas imaginé un instant que vous auriez le cynisme de transporter la dette sur les générations à venir ! Mais aujourd'hui, il ne s'agit plus d'erreur : nous voyons clairement une ligne politique !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - Parfaitement !

M. Jean-Marie Le Guen - Vous voulez mettre, de façon parfaitement déterminée, l'ensemble de nos régimes sociaux dans le rouge afin qu'ils perdent leur légitimité et que nous n'ayons plus, en revenant au pouvoir, la faculté de les redresser ! Et vous faites cela au nom de ce que vous appelez la réforme, et nous la régression sociale !

Au-delà de l'aspect financier, le contenu politique de vos mesures est aussi parfaitement clair. En matière de politique familiale, vous avez restreint par décret les allocations d'un certain nombre de Français - pas les plus défavorisés, mais les 130 000 familles des couches moyennes. Puis, pour compenser les faiblesses de la solidarité, vous avez décidé d'utiliser la politique fiscale - et avez augmenté le dégrèvement d'impôt qui profite aux 40 000 familles les plus riches du pays !

M. le Secrétaire d'Etat - Pas du tout !

M. Jean-Marie Le Guen - En matière de retraites, si le Gouvernement s'est longtemps vanté d'avoir agi pour l'avenir , il a tout de même fallu que la caisse nationale d'assurance vieillesse lui rappelle ses devoir envers les régimes des travailleurs du privé - dont il prétend pourtant être le défenseur. Vous vous apprêtiez à subtiliser deux milliards, en commençant par EDF et en poursuivant sans doute par la Poste ! Vous alliez dérober ces sommes considérables alors même que vous remettiez en cause - vous nous dites maintenant que nous avons mal compris le décret... - les pensions de réversion des veufs et veuves ! M. Douste-Blazy réunit des commissions à tour de bras, mais son décret n'était rien d'autre que la transposition pure et simple de la loi Fillon ! Lorsque nous attirions l'attention sur l'injustice profonde de cette réforme, nous avions tort, mais vous êtes aujourd'hui confronté à un refus massif de nos concitoyens !

Pour en revenir à l'assurance maladie, les augmentations du prix du tabac de ces dernières années ont été assumées, la main sur le cœur, par le ministre, pour le bien de nos concitoyens et de la sécurité sociale. Mais on réalise que, pour l'essentiel, ces ressources exceptionnelles - je ne parle même pas de la TVA ! - restent dans le budget et ne profitent pas à l'assurance maladie ! Et ce gouvernement, qui se prononce contre la hausse des prélèvements sociaux, organise en même temps la hausse de la CSG sur les salaires et les retraites ! Les déficits ne vont pas diminuer, mais les prélèvements et la dette vont certes augmenter !

Du reste, nous savons ce que pense Bercy de la fiabilité des prévisions de dépense de l'assurance maladie. Nul doute que nous connaîtrons encore à l'avenir des dérapages extravagants des dépenses de santé, car tout ce qui vient alourdir le fardeau des régimes de solidarité sert votre politique de démantèlement des acquis sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Daniel Garrigue - Bien qu'ils pèsent sur les choix fondamentaux qui orientent notre politique budgétaire, les enjeux européens ne sont guère présents dans ce débat. Or la France ne cesse de regagner du crédit auprès de nos partenaires européens en s'engageant dans une politique très volontaire de réduction du déficit - la perspective de le ramener à 3 % du PIB devenant chaque jour plus réaliste - et de désendettement, en vue de rétablir la confiance de se prémunir d'une dérive des taux d'intérêt. Ces efforts sont appréciables, au moment où se rouvre le débat sur le pacte de stabilité et où M. Sarkozy plaide pour un véritable gouvernement économique de l'UE. La récente proposition de la Commission européenne d'apprécier le respect du pacte de stabilité par les différents Etats membres en fonction de leur situation respective - notamment pour ce qui concerne leur taux d'endettement -, tout en les encourageant à procéder aussi rapidement que possible aux ajustements nécessaires, mérite d'être considérée.

En vue de renforcer le pouvoir d'attraction et la compétitivité du pays, le Gouvernement propose plusieurs mesures très volontaires sur les droits de succession, tendant à relancer la consommation et à mieux répartir le capital entre les générations. Il doit être aussi conscient d'aménager l'ISF, en revalorisant son barème et en revenant sur le plafonnement. Au-delà de ces évolutions, le moment n'est-il pas venu d'engager une véritable réflexion sur l'imposition du capital ? Il faut rompre avec les approches idéologiques de l'imposition du capital et tout faire pour privilégier l'investissement productif.

Le projet de budget comporte plusieurs dispositions novatrices tendant à prévenir les délocalisations et à favoriser la prospection commerciale de nos entreprises sur les marchés extérieurs. A l'évidence, il faut en la matière dépasser la logique de l'accompagnement fiscal et mener une politique très volontaire à l'échelle européenne, visant tout à la fois à réglementer les concentrations d'entreprises et à jeter les bases d'une véritable politique industrielle. L'effort de recherche doit être amplifié et nos relations avec les nouveaux entrants de l'Est doivent tendre à affirmer un impératif de solidarité tout en prévenant certaines dérives.

Le moment est venu de faire des propositions beaucoup plus ambitieuses à nos partenaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - La parole est à M. Fourgous.

M. Gérard Bapt - Ah ! Place à l'ultralibéralisme !

M. Jean-Michel Fourgous - Il est toujours un peu étrange d'être taxé d'ultralibéralisme lorsque l'on se propose simplement de rendre compte de réalités économiques accessibles à un enfant de douze ans !

Louis Giscard d'Estaing a justement évoqué le devoir de mémoire. S'il est en effet un chiffre que nous ne devons pas oublier, c'est bien celui du niveau de la dette - 64 % du PIB -, à retenir comme postulat pour comprendre l'ensemble de ce budget.

Nos prédécesseurs nous ont offert deux décennies de chômage et les déficits. Nous, nous apportons la croissance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il faut comprendre que ce sont les entreprises qui créent les emplois et diffuser dans tout le pays une véritable culture de la croissance.

Malgré les freins des 35 heures, ce projet de budget réussit la prouesse de tabler sur une hypothèse crédible de croissance de 2,5 %, et il tient l'équilibre entre croissance, emploi et réduction de la dette. Je veux dire ceci à une gauche française aussi « travaillophobe » que « capitalophobe » : la croissance est un état d'esprit, où se conjuguent la valorisation du capital et le respect du travail ; elle repose sur la confiance. Sortons des affrontements de classes inspirés du schéma marxiste que la vieille gauche française nous ressert depuis cent cinquante ans.

Pour reprendre les mots de M. Mariton, « l'objectif essentiel c'est la croissance, car sans la croissance, on ne peut rien ». L'entreprise, la capital et le travail ne sont pas les ennemis de la France ; notre ennemi, c'est le chômage. Et le vrai piège politique - je le dis au Gouvernement et même au-delà -, ce n'est pas l'ISF mais le chômage, que l'on ne combat pas à coup de symboles...

M. Gérard Bapt - Et pas davantage à coups de cymbales !

M. Jean-Michel Fourgous - Il faut admettre que le chômage français est devenu structurel et tout faire pour aider nos entreprises à créer des emplois. Héritage d'idéologies à l'agonie, l'ISF reste un tabou. Je le déplore. Il n'est que temps de débarrasser la droite française de ses complexes. Quant aux « solutions alternatives » de M. Sandrier, elles sont mortes en 1989, avec l'effondrement du Mur de Berlin.

Ce projet de budget propose nombre d'évolutions positives mais il faut aller plus loin. C'est ainsi que nous défendrons un amendement tendant à soutenir l'investissement dans les jeunes entreprises à fort potentiel de croissance dont le capital est compris entre 100 000 euros et un million. Elles ont un besoin vital de capitaux et ce sont près de 100 000 emplois immédiatement disponibles qui sont en jeu.

La mise à jour normale du barème de l'ISF n'est en soi une réforme car c'est vraiment le moins que l'on puisse faire. Et ce n'est pas un « cadeau aux riches » mais la perspective d'un emploi pour chacun. Il en va du reste de même des emplois familiaux. N'en déplaise à la gauche, la réduction d'emploi afférente n'est pas un cadeau pour le château mais une chance de pérenniser un emploi stable et déclaré...

M. Gérard Bapt - Ce n'est pas du social, c'est de la charité !

M. Jean-Michel Fourgous - Encore les grands mots, mais toujours aussi peu de contenu ! La vérité, c'est que la France est le seul pays d'Europe à conserver un impôt aussi archaïque que contreproductif. Inique, dirait M. Descamps, et, à mes yeux, contraire à l'intelligence française. Il faut avoir le courage de reconnaître que l'ISF est une atteinte au génie national.

Votre projet de budget comporte plusieurs mesures visant à réhabiliter le travail, qu'il s'agisse des dispositions relatives à l'apprentissage ou à la formation professionnelle, des emplois familiaux ou du formidable vivier des emplois de services à la personne.

En France, le travail a été malmené par la gauche.

M. Gérard Bapt - Oubliez-la un peu !

M. Jean-Michel Fourgous - Les 35 heures sont la mesure qui a coûté le plus en emploi et en impôt. Il faudra rendre des comptes, et d'ici 2007 nous allons en étudier le coût !

Plusieurs députés socialistes - On a peur !

M. Jean-Michel Fourgous - Les Français ont le droit à la vérité. Le travail est une valeur qui leur est chère, n'en déplaise aux socialistes. Ils savent que l'emploi, c'est la croissance.

Pour conclure, s'agissant de la dépense publique, ce budget reste perfectible. Je vous suggère donc de mettre en place les nouvelles méthodes d'évaluation et de contrôle des dépenses publiques que nous vous proposons. Globalement, dans un contexte difficile, que la gauche a laissé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), c'est un bon budget et nous vous soutiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud - Continuez à soutenir le Gouvernement comme ça, vous nous aidez !

M. François Guillaume - Avec ce budget, vous profitez de l'activité pour réduire le déficit et la dette sans casser la croissance. Bien que préparé par les réformes des retraites et de la Sécurité sociale, l'exercice n'est pas facile lorsqu'on s'interdit d'accroître la pression fiscale sur les entreprises et sur les ménages. De plus, vous ne disposez pas, comme les socialistes, des marges de manœuvre que procure une croissance soutenue et une conjoncture boursière propice à la vente des actifs de l'Etat dans des sociétés qu'il ne contrôle pas - à preuve le désastre du Crédit Lyonnais.

Malgré ces obstacles, ce que vous faites est bien fait. Les choix sont clairs. Les mesures sont simples et compréhensibles, et justes aussi, puisqu'elles privilégient le travail, notamment celui des salariés les plus modestes qui bénéficient du relèvement du SMIC et de la prime pour l'emploi.

J'apprécie donc votre rigueur et le soutien que vous apportez à une économie encore fragile. Peut-on faire mieux sans porter atteinte à la justice sociale ? Le ministre d'Etat et vous-même avez assez d'autorité pour cela.

Je me permets donc de faire quelques suggestions, qui pourraient au moins être étudiées faute d'une application immédiate.

Notre endettement est dramatique. Depuis Edouard Balladur, vous êtes les premiers à mettre le doigt sur cette plaie. Nos 1000 milliards de dettes obligent à rembourser 40 milliards d'intérêts par an, le second poste du budget, nous privant de toute marge de manœuvre. Depuis des années, je m'insurge contre la nonchalance de notre pays face à ce danger. De 1997 à 2001, le gouvernement socialiste a renoncé à vendre des actifs pour se désendetter, sous la pression des plus doctrinaires de sa majorité. Aujourd'hui, le CAC 40 n'atteint plus que les deux tiers de son niveau de l'année 2000. Mais il faut accélérer les dénationalisations, en vendant les actifs les moins dévalorisés. Je préconise notamment la vente de France Télévision, ce qui aura aussi l'avantage de supprimer la redevance et de mettre la société face à la vérité du marché.

Cette dette accumulée est due au laxisme des gouvernements de gauche. Vous êtes sur la voie du retour à l'équilibre. Puisque vous vous interdisez d'accroître la pression fiscale, il ne vous reste qu'à réduire le train de vie de l'Etat. Supprimer 7 000 postes dans la fonction publique, c'est trop peu. La France est suradministrée, ce qui ne signifie pas bien administrée. La complexité de notre système agace, déroute et finalement pénalise nos concitoyens, à commencer par les plus modestes. Au siècle de l'informatique, a-t-on besoin de tant de personnel dans les administrations ? Certes, nous avons de bons fonctionnaires et il en faut. Mais le secteur public ne peut se dispenser d'un effort de productivité. On ne réduira pas les effectifs sans développer une culture de l'économie de moyens, par exemple dans l'éducation nationale, adepte du toujours plus et sans simplifier nos lois et règlements. Nous sommes responsables, autant que les gouvernements, de cette inflation de textes. Mais tout le monde s'indigne, et personne ne fait rien.

J'en viens à l'emploi. J'apprécie votre soutien aux emplois familiaux. Mais avant de créer des emplois, il faut protéger ceux qui existent. Or le libre échange généralisé, qui tolère tous les dumpings, favorise les départs. Je le constate en Lorraine, dans les zones frontalières. L'une des raisons, c'est l'ISF. Je propose donc par amendement, non de la supprimer, mais d'en changer l'assiette en majorant le pourcentage des dernières tranches de l'impôt sur le revenu en compensation. Ainsi, la justice sociale serait préservée, la recette fiscale maintenue, l'impôt reposerait sur un revenu réel et non plus virtuel, et ne serait plus l'objet de polémiques. Surtout, la délocalisation et l'évasion de capitaux ne prendraient plus prétexte d'un impôt jugé confiscatoire.

Ce budget volontariste répare les erreurs de la gestion passée et trace des perspectives réalistes. Les Français vous comprennent d'autant mieux que c'est un budget de justice sociale. Soyez assurés de notre soutien sans faille. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Dumont - Hier, le ministre d'Etat nous a longuement exposé les conséquences de l'évolution des prix du pétrole et nous a expliqué pourquoi des mesures avaient été prises pour les agriculteurs, les bateliers, les marins pêcheurs, demain, peut-être d'autres catégories. Il nous a dit aussi que l'Etat redistribuerait le surplus de recettes fiscales, aux automobilistes peut-être, pas forcément aux consommateurs en général.

A plusieurs reprises, je l'ai interpellé pour lui demander : « Et les locataires ? » Il a fait la sourde oreille. Je répète donc ma question, Monsieur le secrétaire d'Etat, car il s'agit de trois millions de personnes.

Ces dernières années, l'APL a diminué, et leurs charges se sont donc accrues. Déjà, les locataires supportent des prix plus élevés pour le chauffage, qu'il soit au gaz, aux dérivés du pétrole ou à l'électricité. Comme ce sont en général des salariés, qu'ils doivent se rendre sur leur lieu de travail, ils supportent aussi des frais de déplacement plus élevés. Qu'allez-vous faire pour ces ménages ? Je ne voudrais pas faire de misérabilisme, Monsieur le ministre, mais il faut vraiment prendre des mesures.

On pourra toujours me dire que le « parcours résidentiel » va continuer puisque, contrairement à ce qui se disait à un moment, le prêt à taux zéro ne sera pas supprimé et pourra continuer à animer une politique dynamique d'accession à la propriété. Mais il va changer de forme et nous nous demandons ce que cela va donner sur le terrain. Si l'on nous disait simplement qu'il faut débudgétiser un certain nombre de dépenses pour se conformer plus vite aux critères européens, nous pourrions l'entendre, car c'est quelque chose qui a déjà été pratiqué à d'autres époques, y compris par des gouvernements de gauche. Qu'on élargisse l'utilisation du PTZ à l'ancien ne peut être qu'une bonne nouvelle, mais j'attire votre attention sur les conséquences qu'aurait une réduction de l'activité du bâtiment. Mon souci est que l'on puisse répondre aux besoins de tous ceux qui attendent un logement digne de ce nom. Pensant aux besoins d'intervention dans l'ancien, en particulier pour l'isolation, je m'inquiète aussi de l'amoindrissement des crédits PALULOS.

Autre inquiétude : les débitants de tabac. Je comprends que le Gouvernement ait pris des mesures contre le tabagisme, problème de santé publique, mais il faut bien voir que cela a des conséquences dramatiques pour les débitants de tabac, en particulier pour ceux qui se trouvent près d'une frontière. Les gens vont faire le plein de cigarettes de l'autre côté de celle-ci, quitte à en revendre une partie à leurs amis. Lorsque les pouvoirs publics ont décidé de fermer nombre des stations services qui étaient disséminées dans les campagnes, une prime au départ a été accordée. Dans le même esprit, lorsqu'un agriculteur quitte la production laitière, il reçoit une aide. Nous devons pareillement aider les débitants de tabac à passer ce cap difficile, et ce, de toute urgence.

Comme il a beaucoup été question ici de la dette de la France, je voudrais parler d'une dette d'une autre nature : une dette d'honneur. Celle que la France a envers les « tirailleurs sénégalais », terme générique qui regroupe tous ces enfants des anciennes colonies qui sont venus délivrer le pays et qui ont cru que la République leur en serait reconnaissante. Le président Wade les a évoqués à Reims, en présence de Mme Alliot-Marie, de M. Dutreil et d'autres membres du Gouvernement. Je souhaite que nous entendions son appel. Ayant longtemps été le rapporteur du budget des anciens combattants, je sais ce que ce geste aurait coûté il y a une vingtaine d'années, mais l'heure est venue de faire un geste nécessaire. Sinon, des pays amis risquent de nous tourner le dos.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean-Louis Dumont - Un mot, pour finir, sur l'aide au développement. Le rapport du CNUD est sorti en juillet. Je mets le Gouvernement et la majorité en garde contre les conséquences de la baisse des crédits en ce domaine ! Il ne faudra pas demain pleurer parce qu'à Genève, on s'apercevra que la France a renoncé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Lellouche - Le projet de loi de finances pour 2005 qui nous est présenté aujourd'hui s'inscrit résolument dans un refus de la fatalité. Les Français se demandent parfois si nous servons encore à quelque chose, à force d'entendre répéter que nous sommes impuissants face au chômage, à l'insécurité, à la pauvreté, à la précarité, à l'exclusion... En vérité, dans le domaine économique comme dans bien d'autres, il ne saurait y avoir de fatalité si les problèmes que rencontrent les Français sont abordés avec la volonté, la détermination et l'enthousiasme nécessaires à leur résolution. Il n'y a pas plus de fatalité au chômage qu'il n'y a de fatalité aux délocalisations, à une croissance apathique ou aux déficits publics.

Le premier mérite de ce budget est justement de lutter résolument contre les déficits publics qui depuis trop longtemps étouffent la France. L'endettement de notre pays s'élève à 1.000 milliards d'euros, ce qui, si rien n'était fait, condamnerait notre pays à des prélèvements obligatoires de plus en plus élevés et à une compétitivité amoindrie. Rappelons à ceux qui, par laxisme ou par lâcheté, n'ont pas voulu lutter contre les déficits de l'Etat que le seul remboursement des intérêts de la dette publique constitue - avec près de 40 milliards d'euros - le deuxième poste budgétaire de l'État.

En 2005, le budget de l'État verra son solde s'améliorer de plus de 10 milliards d'euros par rapport à la LFI 2004, ce qui sera dans notre histoire budgétaire la plus forte réduction du déficit réalisé d'une année sur l'autre. Pour la première fois depuis 2001, les déficits publics seront inférieurs à 3 % du PIB. Pour la troisième année consécutive, les dépenses de l'État progresseront d'une façon rigoureusement égale à l'inflation prévisionnelle. Au total, une marge de 17 milliards d'euros a été dégagée : 10 milliards iront à la réduction du déficit, 5 aux priorités du gouvernement et 2 à des mesures fiscales pour la croissance et l'emploi.

Le deuxième mérite de ce budget est d'établir les conditions d'une croissance durable et soutenue : en dotant notre pays d'une première série de mesures pour lutter contre les délocalisations ; en faisant de la recherche une priorité pour la croissance ; en encourageant les Français à créer des emplois avec, par exemple, les mesures en faveur de l'apprentissage ; ou encore en améliorant notre compétitivité par l'allégement des charges pesant sur les entreprises et sur l'emploi.

Je me réjouis que le débat sur l'ISF soit enfin ouvert et je rappelle qu'au sein de l'Union européenne, seuls l'Espagne, la Finlande, le Luxembourg, la Suède et la France perçoivent encore chaque année un impôt national sur la fortune. Le Danemark, l'Allemagne et les Pays-Bas l'ont supprimé. La France, elle, non seulement ne l'a pas supprimé mais elle l'a même alourdi au cours des dernières années en ne procédant pas à une actualisation du barème.

Au-delà de cette actualisation nécessaire, je crois qu'il faut envisager une réforme plus ambitieuse de cet impôt, ne serait-ce qu'au nom de la justice sociale. En effet, il pèse aussi, en particulier en Ile-de-France, sur des foyers aux revenus moyens, dont le seul «crime» fiscal est d'être propriétaires de leur logement. Je pense par exemple à ce couple de personnes âgées qui ne comprend pas qu'après s'être sacrifiés pendant dix-huit ans pour payer leur résidence principale à Nanterre, ils soient obligés de prendre sur leurs économies pour s'acquitter de l'ISF. Pour ma part, j'ai déposé un amendement tendant à ce que la résidence principale ne soit pas comprise dans la base d'imposition.

Le troisième mérite de ce budget est d'être un budget pour tous. A titre d'exemple, rappelons simplement à la gauche que les allégements de charges permettront au 1er juillet 2005 de revaloriser le SMIC de 3,7 % de plus que l'inflation, c'est-à-dire de 5,5 % en prévisionnel. Rappelons à la gauche que la prime pour l'emploi verra son barème revalorisé de 4 % au bénéfice de 8,2 millions de Français les plus modestes.

Rappelons à la gauche qu'un effort particulier sera consacré au logement social et à la rénovation urbaine : 90 000 nouveaux logements sociaux devraient voir le jour en 2005, un niveau de construction sans précédent depuis les années 80. Les familles ne sont pas oubliées, avec notamment le relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour les emplois à domicile. Quant aux modalités d'imposition des personnes liées par un pacte civil de solidarité, elles seront désormais alignées sur celles applicables aux contribuables mariés.

M. Richard Mallié - Aïe !

M. Pierre Lellouche - Ainsi, les personnes souscrivant un Pacs seront soumises, dès sa conclusion, à une imposition commune. De même s'appliquera l'abattement de 20 % sur la résidence principale en cas de succession. Mais je crois nécessaire d'aller plus loin encore. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement à l'article 7 qui propose d'aligner le montant de l'abattement applicable sur la part du partenaire lié au donateur ou au testateur par un PACS, actuellement fixé à 57.000 €, sur le montant applicable sur la part du conjoint survivant, qui est de 76.000 €.

Enfin, pour permettre aux Français de transmettre le fruit de leur travail à leurs enfants, le projet de loi de finances prévoit un abattement de 100.000 € sur l'actif net successoral. Il convient là encore de ne pas procéder à une discrimination à l'encontre des personnes liées par un Pacs, et donc de permettre au partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité, comme au conjoint survivant, de bénéficier de cet abattement. J'ai déposé un amendement en ce sens.

Ce budget est un bon budget, dans une situation qui n'est pas simple. Je souhaite aller plus loin dans la maîtrise des dépenses publiques, mais nous allons dans la bonne direction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Bapt - A considérer les mesures fiscales de ce projet, on en viendrait presque à regretter ceux des deux années passées ... Vous persistez certes dans l'erreur funeste qui consiste à diminuer les impôts au profit des familles les plus aisées ; vous réduisez certaines recettes fiscales nonobstant la dégradation vertigineuse depuis deux ans des déficits publics, passés de 2,6 % du PIB en 2002 - selon l'audit, incontesté à l'époque, de la Cour des Comptes, à 3,6 % fin 2004, dont 3,2 % pour le seul budget de l'Etat. Ce chiffre de 3,2 % montre que ce qui est en cause, ce n'est pas le dérapage des comptes de l'assurance-chômage et de l'assurance-maladie : ce n'est pas seulement la faute de M. Mattei et de M. Douste-Blazy ! C'est bien le déficit de l'Etat qui est en cause, malgré le regain de croissance qui s'annonce à 2,5 % cette année au lieu des 1,7 % annoncés.

Pour 2005, la réduction annoncée à 2,9 % du déficit public est optique. Sans la soulte versée par EDF, il serait proche du déficit de cette année. Mais les réductions d'impôts proposées ne sont pas seulement un contresens économique au regard de la réalité des comptes publics et de l'absence d'effet sur la consommation. Elles sont particulièrement choquantes à l'heure du constat fait le 17 octobre à l'occasion de la Journée mondiale du refus de la misère. A cet égard aussi, tous les indicateurs sont dans le rouge : le nombre d'allocataires du RMI n'a jamais été aussi élevé : ils sont près de 1,2 million, en hausse de 10 % en un an. Le nombre des personnes qui perçoivent l'allocation parents isolés atteint 195.000, en progression de 8,8 %. Le chômage des jeunes a augmenté de 25 à 50 % en deux ans dans certains quartiers. L'aggravation de la pauvreté se traduit par des difficultés qui deviennent insurmontables pour de nombreuses familles. Le surendettement est en hausse de 22 % sur les quatre premiers mois de 2004 par rapport à la même période de 2003. Le nombre des expulsions locatives et les demandes de logements sociaux grimpe en flèche, et les centres d'hébergement sont saturés. Vous le savez, Monsieur le ministre, la cohésion sociale fait aussi partie des conditions du succès économique. Dans le contexte que j'ai rappelé, les cadeaux fiscaux faits aux familles les plus aisées apparaissent comme une provocation. Ce sont 885 millions d'euros de réduction d'impôts qui seront destinés à quelques dizaines de milliers de familles. Cette politique ciblée sur un nombre encore plus restreint de familles est encore plus injuste !

Une mesure symbolise à elle seule cette injustice fiscale : c'est la hausse de 50 % du plafond de prise en compte des dépenses pour l'emploi d'un salarié à domicile. Cette nouvelle hausse, annoncée par le Premier ministre dans le cadre de la course médiatique qui semble l'opposer au ministre de l'économie...

M. le Secrétaire d'Etat - C'est plutôt la course à l'emploi.

M. Gérard Bapt - ... porte ainsi à 118 % la hausse totale du plafond de cette mesure depuis l'arrivée de M. Raffarin. Vous arguez souvent du fait que cette mesure avait été mise en place par un gouvernement socialiste avant 1993. Mais vu l'insistance avec laquelle vous relevez le plafond, on peut admettre que les changements quantitatifs ont parfois des effets qualitatifs.

M. Michel Piron - C'est du Hegel dans le texte !

M. Gérard Bapt - Dès que vous revenez au pouvoir, vous relevez massivement ce plafond. Initialement fixé à 3 811 €, il a ainsi été porté à 3 964 € par la loi de finances pour 1994 et 13 720 € dans le budget pour 1995. Nous l'avons pour notre part réduit de moitié durant la précédente législature. Vous l'aviez augmenté en 1994 en expliquant que c'était l'équivalent d'une baisse du taux marginal de l'impôt sur le revenu en dessous de 50 %. Aujourd'hui, sans doute parce que vous avez réussi à faire baisser ce taux symbolique en dessous de 50 %, vous nous demandez de penser, non pas aux ménages les plus aisés, mais aux personnes qui retrouveraient un hypothétique emploi grâce à cette mesure. Les analyses du Conseil des impôts en la matière sont pourtant incontestables. La mesure, qui ne profitait qu'à 70.000 familles comme l'avait reconnu le rapporteur général en 2003, soit moins de 0,2 % des foyers fiscaux, voit son impact réduit cette fois aux moins de 30 000 familles les plus aisées. Pour en bénéficier, il faut en effet avoir engagé plus de 10 000 € de dépenses, soit plus de 800 € par mois, et payer initialement plus de 5 000 € d'impôt sur le revenu. Tel est le seuil minimal où votre mesure prend effet : en deçà, rien ne change ! Pour en bénéficier à plein, il faut pouvoir engager 15 000 € de dépenses sur l'année, soit 1 250 par mois. Autant dire que grâce à cette mesure, l'Etat prend à sa charge, au bénéfice des très rares privilégiés concernés, quasiment la moitié du salaire de leur employé payé à temps complet au SMIC.

Comme le soulignait le Conseil des impôts dans son rapport de 2003, ce dispositif bénéficie essentiellement aux foyers fiscaux dont les tranches de revenus sont les plus élevées, et les foyers non imposables ne peuvent en bénéficier. Le Conseil précisait déjà à l'époque que 70 % du coût de la réduction étaient concentrés sur les 10 % de foyers les plus riches. Il proposait la transformation du mécanisme en crédit d'impôt, ce qui aurait permis, en baissant à due concurrence le plafond de dépenses pris en compte, d'en faire profiter un million de ménages non imposables, et ce à coût constant. Cette suggestion vous a échappé, Monsieur le ministre, puisque vous avez déclaré que le principe du crédit d'impôt ne pouvait être retenu en raison de son coût... Il y a trois semaines, j'ai participé avec M. Mariton à un débat télévisé à ce sujet, et il se disait favorable à un crédit d'impôt, annonçant un amendement en ce sens ; nous l'attendons.

Votre obstination en la matière n'a d'égale que celle que vous mettez à vouloir réduire l'ISF. La majorité a consacré à ce sujet vingt-six amendements sur deux cent quarante... Notre collègue Migaud a bien monté que les mesures proposés sur cet impôt ne profiteront qu'à une très petite minorité de contribuables et aggraveront encore l'injustice fiscale.

Développement de la précarité et de la pauvreté, atteintes à la cohésion sociale : tous les indicateurs sont au rouge, qu'il s'agisse du nombre des chômeurs, des érémistes ou des autres allocataires sociaux... Je passe faute de temps sur la quasi suppression des droits de succession, qui bénéficiera à moins de 20 % des ménages concernés. Mon discours est- il archaïque ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP) Suis-je aveuglé par la passion partisane (Mêmes mouvements), ou par le souhait de voir échouer votre politique ? (Mêmes mouvements) Peut-être continuerez-vous à le croire. Pour ma part je suis convaincu, pour être depuis quelque temps déjà élu par mes concitoyens, qu'ils percevront votre budget comme un acte d'injustice sociale et fiscale, et qu'il est du devoir de l'opposition de le combattre, et si possible d'en améliorer les aspects les plus nocifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Victorin Lurel - Ce budget est insincère et injuste. Insincère en raison de prévisions hasardeuses et d'artifices de présentation. Le cadre budgétaire retenu ne pourra être tenu, et ce pour deux raisons principales. D'une part, les comptes publics continuent de se dégrader dangereusement depuis votre arrivée au pouvoir -le déficit public reste de 3,6 % en 2004. D'autre part, votre hypothèse de croissance de 2,5 %, volontariste dites-vous, témoigne surtout d'un optimisme infondé. Ainsi tablez-vous sur un baril de pétrole à 36,5 $ alors que son cours dépasse aujourd'hui 50 $. Il est évident que l'hypothèse est intenable.

S'agissant des artifices de présentation budgétaire, le meilleur exemple est celui du budget de l'outre-mer. La ministre n'hésite pas à le prétendre en hausse de 52 %, alors que cette hausse ne s'explique que par l'intégration de 678 millions d'euros au titre de la compensation des exonérations de charges sociales, qui figuraient auparavant dans le budget de l'emploi et des affaire sociales. Pour effectuer une comparaison à périmètre constant, il convient de retrancher du budget outre ces 678 millions, les 31 millions de la dotation de continuité territoriale, imputés l'an passé sur le budget de l'aviation civile, et les 8 millions du Fonds de péréquation pour la Polynésie française, lequel n'a été créé qu'en février 2004. Pour être totalement honnête, il convient aussi de prendre en compte le transfert de 37,7 millions vers celui de l'intérieur et de 2 millions vers ceux de la santé et de la cohésion sociale. Bref, le budget de l'outre-mer pour 2005 s'élève à 1,027 milliard d'euros contre 1,121 en 2004, soit une baisse de 8,3%... pour une hausse affichée de 52 % ! Au-delà de l'hypothétique censure par le Conseil constitutionnel de cette insincérité budgétaire, les ultra-marins ont, quant à eux, déjà donné, à plusieurs reprises, dans les urnes, et encore tout récemment lors des sénatoriales, leur avis sur ce largage financier de l'outre-mer.

Insincère, ce budget est, plus grave encore, injuste. Les cadeaux fiscaux, que votre majorité pourfend pourtant lorsqu'il s'agit de stigmatiser une certaine « priviligentsia dansant sous les tropiques », atteignent un niveau sans précédent. Fidèle à une certaine conception et une certaine pratique du pouvoir, vous saupoudrez votre clientèle électorale de cadeaux. Mais M. Sarkozy n'a-t-il pas déclaré ici cet après-midi même que « mieux valait faire la politique de ses électeurs que de ses adversaires ». Grâce à vous, les plus riches paieront moins de droits de succession et d'ISF, pourront employer du personnel à domicile et que sais-je encore ! Si je ne connais quasiment pas une seule famille qui profitera de ces cadeaux en Guadeloupe, j'en connais, hélas, beaucoup, qui en paieront cher les conséquences.

En effet, ce budget injuste a été élaboré au détriment de la solidarité nationale et des dépenses publiques. Le « moins d'Etat » pénalise d'abord les collectivités et les ménages les plus modestes. La funeste loi de décentralisation entraînera inévitablement une augmentation importante de la fiscalité locale, les élus de la majorité le reconnaissent eux-mêmes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) De même, les coupes claires rendues nécessaires par vos largesses fiscales s'opèrent principalement dans les budgets qui préparent l'avenir comme ceux de l'éducation, de la recherche, de l'équipement... et les budgets sociaux. La principale victime de la baisse du budget de l'outre-mer est ainsi le FEDOM qui diminue de près d'un tiers, alors qu'il sert à financer les contrats aidés. Bref, le budget de l'outre-mer est devenu une simple variable d'ajustement.

Catastrophique pour la métropole, ce budget pour 2005 est calamiteux pour l'outre-mer. C'est une raison suffisante pour s'y opposer avec la plus grande fermeté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - La parole est à M. le secrétaire d'Etat pour répondre aux orateurs.

M. Didier Migaud - A cette heure tardive ! Quel manque de respect pour la représentation nationale !

M. le Secrétaire d'Etat - Le respect eût été que M. Strauss-Kahn ne parte pas et que nous ayons pu l'écouter exposer sa motion de renvoi.

M. Didier Migaud - Devant combien de députés UMP ?

M. M. le Secrétaire d'Etat - Je souhaite dire à M. M. Perruchot et à l'ensemble du groupe UDF que le Gouvernement a bien entendu son message en matière de réduction des déficits - nous prenons d'ailleurs des mesures concrètes en ce sens - ainsi que son appel concernant le développement des biocarburants. Nous essayons également de dissiper l'incompréhension autour de la question des pensions de réversion.

M. Vaxès a déploré un effort insuffisant de l'Etat en faveur des collectivités locales. Avec la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, les concours de l'Etat aux collectivités atteindront au contraire un niveau historique en 2005, en progression de 2,63 %. M. Vaxès a également exprimé un souci particulier concernant une entreprise de sa circonscription : le Gouvernement travaille sur le dossier.

M. Bouvard a souligné la nécessité de réduire les emplois publics. C'est devenu une nécessité absolue, les deux postes du service de la dette et des dépenses de personne atteignant désormais 56 % du budget de l'Etat. En quelque vingt ans, les marges de manœuvre de l'Etat, c'est-à-dire les dépenses hors dette et personnel, ont diminué de 25 %. M. Bouvard nous a également interrogés sur le suivi des emplois dans les entreprises publiques. Je le rassure, dans le cadre de la LOLF, les documents budgétaires indiqueront bien pour chaque opérateur de l'Etat le nombre d'emplois et, éventuellement, ceux pris en charge par l'Etat.

M. Besson s'est attardé sur notre politique économique, dont il est vrai que ce n'est pas celle qu'il souhaiterait. Mais nous, nous avons conduit les réformes qu'attendaient les Français et que vous n'aviez pas menées à bien, comme celle des retraites, de l'assurance maladie ou de la décentralisation. Nous avons refusé la facilité en choisissant d'assainir nos comptes publics et répondons aux inquiétudes de nos concitoyens en nous attaquant résolument aux délocalisations.

M. de Courson a insisté sur la gravité des déficits publics, expliquant que le déficit devrait être ramené à 2,5 % pour stabiliser la dette. C'est l'objectif que nous nous fixons pour 2006. En 2005, le ratio dette/PIB progresse encore, mais il faut voir que nous sommes partis d'un déficit de 4 %. Pour ce qui est du prix du pétrole, sujet évoqué par de nombreux orateurs, M. de Courson juge irréaliste notre hypothèse d'un cours du baril de 36,5 $ en 2005.

M. Didier Migaud - Il n'est pas le seul !

M. le Secrétaire d'Etat - Bien malin serait celui qui pourrait prédire aujourd'hui les cours futurs ou bien encore le taux de change euro/dollar, tant les fluctuations peuvent être rapides. Si le Gouvernement se doit d'être vigilant, il n'a pas à flatter le catastrophisme.

M. de Courson a également évoqué la section de fonctionnement du budget de l'Etat, en effet aujourd'hui déficitaire si l'on appliquait les mêmes règles que les collectivités locales. Mais peut-on faire de l'équilibre de cette section une nouvelle règle de conduite de la politique budgétaire ? Nous en avons longuement débattu lors de l'examen de la LOLF. La frontière entre investissement et fonctionnement est floue. La question peut être posée, mais je ne pense pas que l'on puisse retenir la suggestion de M. de Courson.

M. Sandrier ne semble pas aimer que les entreprises françaises aient de bons résultats. Nous pensons, à l'inverse, que sans ces bons résultats il ne peut y avoir ni croissance ni emplois. Autrement dit, nous n'avons pas la même conception de l'économie que lui, et nous nous félicitons que, cette année, les investissements aient augmenté de 8 %.

M. Mariton a résumé avec talent l'ambition que traduit notre projet, qu'il a jugé performant, cohérent et juste, ce dont je le remercie. Il a aussi évoqué l'évolution du point de la fonction publique dont je rappelle qu'il représente un surcoût de 800 millions par an pour l'Etat. Il convient donc, en effet, de réfléchir à la modernisation des dispositifs en vigueur.

Avec son talent habituel, M. Bonrepaux a animé les débats, mais sa mémoire m'a paru un peu courte. A l'entendre, il y aurait eu, jusqu'à 2002, un paradis quelque part en France, sans doute en Ariège (Sourires), qui serait, depuis lors, devenu une vallée de larmes ... C'est manifestement excessif. Et comment affirmer que notre politique est inefficace quand la consommation sera de 2,5 % en France cette année contre 2,2 % dans la zone euro, et que la consommation française augmentera de 2 à 2,5 % et de 1,2 % seulement chez nos partenaires ?

M. Augustin Bonrepaux - Et le chômage ?

M. le Secrétaire d'Etat - M. Deniaud a été plus raisonnable, qui a souligné que la persévérance paye. Nous en somme convaincus et c'est pourquoi nous inscrivons notre stratégie dans la durée.

M. Balligand a insinué qu'avec ce projet le Gouvernement et la majorité seraient en train de préparer un mauvais coup. Si, par mauvais coups, il faut entendre le retour du déficit aux limites fixées par le traité de Maastricht, la maîtrise de la dépense et l'accompagnement de la croissance, alors nous sommes heureux de les porter !

M. Laffineur a rappelé la nécessité d'investir dans la recherche, et appelé, à juste titre, à une réforme approfondie de l'Etat.

Quant à M. Cochet, il a fait une intervention intéressante sur la rareté croissante de la ressource énergétique. D'évidence, il convient, à titre conjoncturel, de restituer aux Français l'éventuel excès de recettes dû à la fiscalité pétrolière en période de croissance mais, à l'avenir, il faudra privilégier les biocarburants, la recherche sur les énergies renouvelables et reprendre le programme nucléaire.

M. Auberger a souligné la nécessité de simplifier la prime pour l'emploi qui gagnerait en effet à être mieux comprise, le dispositif institué par l'ancienne majorité étant par trop compliqué. Un rapport a été transmis à ce sujet à votre Assemblée ; une réforme du mécanisme devra être étudiée lorsque la convergence des SMIC sera achevée. Il n'empêche : dans l'intervalle, le montant de la prime a été rehaussé.

M. Didier Migaud - De si peu !

M. le Secrétaire d'Etat - M. Giscard d'Estaing a rappelé que le dernier vote sur un budget en équilibre est antérieur à 1980. Il est vrai que, M. Barre étant premier ministre, la dette publique n'était que de 25 % du PIB ; mais sont ensuite venues vingt années de socialisme...

M. Didier Migaud - Vous considérez donc MM. Balladur et Juppé comme socialistes ?

M. le Secrétaire d'Etat - M. Auberger a d'autre part proposé que la LOLF soit complétée pour contraindre le Gouvernement à préciser ses intentions relatives à l'affectation des fruits de la croissance.

M. Terrasse a aimablement convenu que notre projet est « bien ficelé » ; je l'en remercie. Pour sa part, M. Descamps nous a apporté son soutien, ce qui ne l'a pas dissuadé de formuler des interrogations stimulantes.

Mme Aurillac a souligné tout l'intérêt des emplois familiaux et rappelé les difficultés que connaissent les ménages parisiens obligés, de par la hausse des prix immobiliers, à s'acquitter de l'ISF.

M. Chatel a soutenu l'action du Gouvernement. M. Rodet a évoqué plus particulièrement les conséquences de la hausse du prix du pétrole. A ce sujet, je rappelle, après le ministre des finances, que la TIPP est calculée sur le volume des ventes, si bien qu'elle a plutôt tendance à baisser lorsque les prix montent, car cette hausse a tendance à réduire la consommation. Je le répète : l'Etat ne s'enrichira pas indûment, et les plus-values éventuelles de la fiscalité pétrolière seront constatées par une commission indépendante qui, dès le mois de décembre, organisera une éventuelle redistribution.

M. Merville a souligné l'effort très important conduit par le Gouvernement pour maîtriser les dépenses ; il a aussi insisté sur le financement des collectivités territoriales. Avec la verve qu'on lui connaît M. Chamard a rappelé le procès en insincérité que l'on pouvait faire à l'opposition.

M. Giacobbi a parlé du « fiasco » de l'application de la LOLF. Mais nous ne pouvions brûler les étapes et nous avons donc choisi la prudence et la progressivité, comme il se doit.

Je remercie M. Mallié d'avoir souligné que notre objectif est la confiance, qui, seule, permettra de relancer la croissance et donc de réduire le déficit. M. Landrain a traité d'un sujet qui lui est cher : le fonds national de développement du sport. Le compte d'affectation spéciale va en effet disparaître ; il conviendra donc de choisir, après concertation, soit une rebudgétisation, soit la création d'un établissement public ad hoc. Une proposition vous sera fait à ce sujet l'année prochaine.

Je remercie M. Schreiner de nous soutenir dans le rééquilibrage des finances publiques. M. Tron, qui connaît merveilleusement les problèmes de la fonction publique, a évoqué la réforme de l'Etat et la vente de l'immobilier : il est vrai qu'il faudra faire mieux qu'en 2004. Il a également souligné que la LOLF et les politiques de réforme devaient être menées conjointement. Je remercie M. Cousin d'avoir évoqué le dispositif d'exonération des indemnités versées aux victimes de l'amiante, qui est un point important du projet de loi de finances.

M. Myard a rappelé, avec toute sa puissance d'expression, que la France ne travaillait pas assez et qu'elle n'avait plus les moyens de financer ses dispositifs sociaux et de santé. Il a également souligné l'urgence de maîtriser les délocalisations. M. Carayon a évoqué son rapport sur l'intelligence économique ; le ministère des finances vient de mettre en place une structure spécifique. M. Le Guen, spécialiste des affaires sociales, s'est quelque peu trompé de débat. Je veux juste lui rappeler que ce n'est pas le gouvernement Jospin qui a conduit les réformes des retraites et de l'assurance maladie.

M. Garrigue a évoqué le cadre européen des finances publiques et l'évolution du pacte de stabilité et de croissance. Dans le débat qui s'ouvre, le Gouvernement a trois préoccupations : mieux prendre en compte la position du pays dans le cycle économique, pour éviter les politiques pro-cycliques telles que celle qui a été menée entre 1999 et 2001, mieux prendre en compte le poids de sa dette publique et la qualité de sa dépense. Ces points sont discutés au sein de l'Eurogroupe et entre les ministres des finances.

M. Fourgous, soucieux de décaper le débat, a évoqué la culture de la croissance, qui doit constituer une réponse à long terme au chômage. Il a développé une analyse très stimulante, mais je lui ferai remarquer qu'un certain nombre de ses propositions sont déjà dans le projet de loi de finances. Il a par ailleurs raison de répéter qu'il faut revaloriser le travail. Je remercie François Guillaume d'avoir salué la rigueur du Gouvernement et j'ai bien compris qu'il souhaitait que l'Etat se défasse de davantage d'actifs et veille à ses effectifs.

M. Dumont a évoqué tant de sujets qu'il est difficile de lui répondre ! J'ai bien entendu ses propos sur les locataires et je tiens à le rassurer quant au prêt à taux zéro : il ne s'agit pas d'un dossier de Bercy qui chercherait à faire des économies, mais d'une affaire du ministre du logement pour doubler le nombre des bénéficiaires du PTZ. De nombreuses communes ont intérêt à favoriser l'achat dans l'ancien plutôt que de développer leurs zones pavillonnaires. Les banques, que j'ai rencontrées la semaine dernière, sont d'accord pour jouer le jeu et seront prêtes au 1er février.

M. Jean-Louis Dumont - Nous serons attentifs !

M. le Secrétaire d'Etat - M. Lellouche refuse l'idée de la fatalité. Le Gouvernement étudiera de très près ses propositions. M. Bapt n'est pas d'accord avec notre politique fiscale. Cependant, comme il est un parlementaire aguerri et un homme de bonne volonté, je garde l'espoir de le convaincre de l'opportunité de nos mesures et écouterai ses contre-propositions. Enfin, je suis passionné, comme M. Lurel, par l'outre-mer et j'ai longtemps travaillé sur ce domaine au sein de la commission des lois de l'Assemblée. Nous avons voulu réunir toutes les politiques conduites outre-mer dans le même budget pour les présenter au Parlement dans leur globalité. C'est l'intérêt même de l'outre-mer.

J'espère avoir répondu à tous les orateurs et remercie chacun de son attention (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 21 octobre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 21 OCTOBRE 2004

A NEUF HEURES TRENTE - 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800).

Rapport (n° 1863) de M. Gilles CARREZ, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

A QUINZE HEURES - 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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