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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 16ème jour de séance, 38ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 2 NOVEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

PRÉVENTION DES CONFLITS
DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT 2

SITUATION POLITIQUE EN POLYNÉSIE 2

RESTAURATION DU PATRIMOINE 4

FUSION DE LA SAGEM ET DE LA SNECMA 5

LUTTE CONTRE LE CANCER 6

PROTOCOLE DE KYOTO 6

LOI DE 1905 7

CONTRATS DE PROFESSIONNALISATION 8

LOGEMENT SOCIAL 8

PROTECTION SOCIALE AGRICOLE 9

AVENIR DE LA RECHERCHE 10

COÛT DE L'ENLÈVEMENT
DES ORDURES MÉNAGÈRES 10

FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2005 (suite) 11

LOI DE FINANCES POUR 2005
-deuxième partie- (suite) 16

INTÉRIEUR 17

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 42

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

PRÉVENTION DES CONFLITS DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT

M. Patrick Ollier - Notre majorité est soucieuse du respect des deux principes de valeur constitutionnelle que sont le droit de grève et la continuité du service public. A cet égard, nous refusons que les Français puissent être à nouveau pris en otages par des conflits qui ne les concernent pas directement... (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) Ici même, à l'occasion du débat du 9 décembre 2003 sur les transports, nous vous avons demandé, Monsieur le ministre des transports de rouvrir le dialogue social en vue de dégager une solution en concertation avec les syndicats. Neuf mois après, prévisibilité et prévention des conflits semblent être les fondements de l'accord signé jeudi dernier par certaines organisations, dont la CGT, majoritaire à la SNCF (« Ah ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Administrateur de cette société, je mesure le caractère exceptionnel de l'accord et je vous remercie du rôle que vous avez joué dans sa conclusion. Je tiens également à dire aux syndicats signataires et au président Gallois notre reconnaissance pour cette grande victoire du dialogue social. Bravo pour le travail accompli.

Même si tout n'est pas réglé, pouvez-vous nous indiquer en quoi cet accord est - pour reprendre vos propres termes - « historique et prometteur » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; « Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Monsieur le Président Ollier, après le débat de décembre dernier, j'avais, dès le mois de mars, invité les entreprises de transport à travailler sur la prévention des conflits. Nous avons tous été heureux de constater qu'un accord - que je n'hésite pas à qualifier d'historique - était intervenu à la SNCF la semaine dernière. Il a été signé par sept organisations syndicales sur neuf, les signataires représentant 80 % de l'effectif de la société. Quelques jours après l'accord sur les salaires, cette nouvelle avancée a fait du mois d'octobre une période particulièrement positive pour le dialogue social. Il s'agit d'un accord de prévention des conflits, destiné à améliorer considérablement le dialogue social en vue de limiter les préavis de grève. Nous ne pouvons cependant pas nous satisfaire de ce seul accord, pour deux raisons. La première, c'est que tout le champ du transport français n'est pas touché, l'accord concernant exclusivement la SNCF. Deuxième réserve, l'accord ne nous dispense pas de continuer à travailler sur la prévisibilité des conflits et sur la continuité du service public en cas de grève - laquelle demeure, vous l'avez bien dit, un droit constitutionnel.

Prometteur, cet accord l'est en ce qu'il démontre que la méthode contractuelle, ça marche dans ce pays.

M. Maxime Gremetz - C'est le Gouvernement qui ne marche pas !

M. le Ministre de l'équipement - Et je salue les organisations syndicales et la direction de la SNCF pour leur détermination à parvenir à un accord. Prometteur ensuite, car l'on peut gager que les signataires seront soucieux de respecter le texte qu'ils ont eux-mêmes négocié. Enfin, je communiquerai demain à vos commissions des lois et des affaires sociales un nouveau calendrier, tendant à démontrer que l'on peut encore avancer dans la voie de la prévisibilité et de la prévention des conflits dans tout le champ du transport (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

SITUATION POLITIQUE EN POLYNÉSIE

M. Jean-Marc Ayrault - Monsieur le Premier ministre, la crise politique...

Un député UMP - Au PS !

M. Jean-Marc Ayrault - ...en Polynésie est une affaire d'Etat. La volonté populaire exprimée dans les élections territoriales du 23 mai a été bafouée par des manœuvres de déstabilisation...

Un député UMP - Les vôtres !

M. Jean-Marc Ayrault - ...auxquelles nous pouvons craindre, hélas, que votre gouvernement ne soit pas étranger. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP) La légalité des procédures, que vous avez invoquée, est une plaisanterie au regard des coups tordus ourdis depuis cinq mois contre la majorité plurielle de M. Temaru. La réponse ne saurait se limiter aux seuls aspects juridiques car elle est désormais politique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains). Aujourd'hui, le blocage des institutions polynésiennes menace la paix civile. Du territoire polynésien, dont le Président de la République et votre gouvernement sont les garants, et pour éviter toute escalade, une délégation de la majorité plurielle de M. Temaru est venue à Paris - elle est d'ailleurs présente dans l'hémicycle. (Mêmes mouvements) Elle veut être reçue, et surtout entendue, par le chef de l'Etat et par les autorités de la République. Elle ne demande pas l'indépendance, ni même un nouveau statut d'autonomie. Elle est par contre porteuse d'une pétition signée par quarante mille électeurs polynésiens, soit un tiers du corps électoral, demandant que de nouvelles élections soient organisées pour trancher le conflit. A ce jour, elle n'a reçu aucune réponse, ni de l'Elysée, ni de Matignon. Cette forme d'indifférence est coupable, tant elle menace l'équilibre même de la Polynésie.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous recevoir personnellement la délégation de M. Temaru ? Quelle réponse allez-vous faire à sa demande de retour devant les électeurs ? Quelle sera l'attitude du Gouvernement le 23 novembre prochain, ici-même, à l'occasion du vote sur la proposition de résolution du groupe socialiste tendant à créer une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie ? La gravité de la situation commande une réponse claire et précise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - La parole est à Mme Girardin. (Huées sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Roman - La question s'adresse au Premier ministre !

M. Jean Glavany - Il faut respecter la tradition parlementaire !

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - (« Démission ! Démission ! » sur les bancs du groupe socialiste) Il est tout à fait conforme à mes fonctions de recevoir au ministère de l'outre-mer tous les élus de l'outre-mer, quelles que soient leurs convictions, dès lors qu'ils le demandent, et je recevrai la délégation de M. Temaru comme celle de M. Flosse, les deux étant d'ailleurs présentes aujourd'hui dans les tribunes...

Mme Martine David - Ce n'est pas la question !

Mme la Ministre de l'outre-mer - Vous refusez les raisons juridiques mais si nous proposions aujourd'hui au Président de la République un décret pour dissoudre l'assemblée de Polynésie, il serait entaché d'illégalité et le juge des référés pourrait le suspendre...(« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste)

    M. Bernard Roman - C'est faux !

Mme la Ministre de l'outre-mer - Les conditions légales de la dissolution ne sont pas aujourd'hui réunies, car il n'y a pas d'impossibilité pour les institutions de fonctionner. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Comme je l'ai déjà dit, il reviendra au Conseil d'Etat de décider, le 8 novembre prochain, à l'occasion de l'examen des différents recours déposés, si l'élection du 23 mai s'est déroulée dans des conditions régulières. M. Ayrault a évoqué la pétition signée par de nombreux Polynésiens : je lui rappelle que c'est nous qui avons introduit le droit de pétition dans le statut de la Polynésie (Huées sur les bancs du groupe socialiste) et que ce droit ne peut s'exercer que sur une compétence de l'Assemblée de Polynésie. Or celle-ci n'a pas compétence pour se dissoudre elle-même.

Enfin, même si cela vous irrite, le rôle de l'Etat est de faire respecter la loi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Sans cela, il n'y a pas de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Bernard Roman - Affligeant !

RESTAURATION DU PATRIMOINE

M. Claude Leteurtre - Nous venons d'examiner les crédits de la culture, donc du patrimoine. Suite à la tempête de Noël 1999, de nombreux édifices de Falaise ont subi de graves dégâts. L'Etat avait alors affirmé qu'il ferait son devoir. Cinq ans plus tard, les compagnies d'assurance ont versé leur participation, le conseil général et la Ville leurs fonds de concours à la DRAC, chargée d'organiser les travaux. Les marchés ont été signés, mais les entreprises n'ont pas reçu l'ordre d'exécution, et le patrimoine continue à se dégrader.

En effet, les crédits sont retournés à l'échelon central, où ils ont été utilisés pour d'autres opérations...

M. Maxime Gremetz - Et voilà !

M. Claude Leteurtre - ...Et il n'y a plus d'argent à l'échelon régional pour financer ces travaux. Cela ressemble à un détournement de fonds.

M. Augustin Bonrepaux - C'est vrai !

M. Claude Leteurtre - Malheureusement, ce n'est pas un cas isolé. La DRAC de Picardie est en cessation de paiements depuis le printemps, et selon les entreprises de restauration historique les impayés ont atteint 80 millions en 2004. Or les crédits de paiement baissent de 25 % dans le budget 2005 ; les crédits pour le patrimoine qui s'élevaient à 538 millions dans le budget 2002 et à 300 millions dans celui de 2004, passeraient ainsi à 220 millions seulement. Les entreprises devront licencier, puisque 60 % des crédits du patrimoine servent à rémunérer la main-d'œuvre. Allez-vous donner des crédits aux DRAC pour leur permettre de tenir leurs engagements en 2004 ? Allez-vous régulariser la situation en 2005 pour que l'on puisse sauver ces 40 000 monuments qui représentent notre patrimoine, ainsi que des emplois extrêmement nobles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste) )

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Vous avez raison de rappeler ce que représente, pour le rayonnement de notre pays et pour les Français, le patrimoine, qu'il s'agisse d'une cathédrale ou d'une façade de café dans un village (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Ce patrimoine est en mauvais état, malgré les efforts consentis par l'Etat et par les collectivités ces dernières années. Il faudrait 5 milliards pour le restaurer.

Le Gouvernement a décidé en 2003 un plan pluriannuel de restauration qui a été exécuté chaque année.

M. Patrick Bloche - Et l'argent ?

M. le ministre de la culture - En 2004, nous avons pu, pour la dernière fois, utiliser des reports de crédits. Nous avons également fait des efforts de gestion. Cet été 20 millions, et la semaine dernière 1,7 million encore, ont été accordés. Dans ce budget 2005, les arbitrages du Premier ministre ont permis d'augmenter de 10 % les autorisations de programme et de 25 % les crédits de paiement. Est-ce suffisant ?

Plusieurs députés socialistes - Non !

M. le ministre de la culture - Je pourrais avoir la cruauté de vous rappeler les montants inscrits lorsque vous étiez au gouvernement, c'est chose aisée !

Nous avons une responsabilité à assumer. La loi de finances y suffit-elle ? J'espère - je me tourne en disant cela vers le Premier ministre - que, dans les semaines ou mois qui viennent, de bonnes décisions seront prises. Nous en mesurons tous la nécessité, et j'ai reçu la semaine dernière les entreprises du secteur (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

FUSION DE LA SAGEM ET DE LA SNECMA

M. Jacques Brunhes - Monsieur le Premier ministre, à la veille de la Toussaint, en catimini, les directions de la SAGEM et de la SNECMA ont, avec votre aval, annoncé par surprise la fusion. De ce passage en force, salariés et élus, y compris ceux de la représentation nationale, n'ont eu connaissance que par les médias. Le conseil d'administration de la SNECMA, faute de quorum, n'en a pas débattu, et se réunit en ce moment même. Or il ne s'agit de rien d'autre que de la privatisation de la SNECMA, rejetée massivement par ses salariés.

Après la fusion, l'Etat ne détiendra que 35 % du capital, et M. Béchat, l'actuel PDG de la SNECMA, a indiqué que sa présence n'avait pas vocation à être durable. Après l'ouverture du capital en juin 2004, c'est la fuite en avant, sans stratégie industrielle, par pur souci de rentabilité financière. Outre que la synergie industrielle entre les deux ensembles n'est pas évidente, la privatisation se soldera par la perte de la maîtrise politique des choix dans le domaine aéronautique et spatial, donc aussi par celle de la maîtrise citoyenne des questions de sécurité, et par le bradage d'un fleuron de notre technologie. Vous préparez de fait l'entrée de General Electric dans le groupe.

Dès lors, comment croire à votre promesse de maintenir l'emploi ? Vous privilégiez le financier par rapport au social. Les salariés du groupe s'inquiètent, sur tous les sites, notamment Hispano-Suiza à Colombes et Hurel-Hispano dans la région du Havre.

Je vous demande de mettre fin à cette démarche purement financière et de faire respecter les prérogatives légales des instances représentatives du groupe afin qu'elles puissent obtenir des informations sérieuses et élaborer d'autres solutions, et enfin d'organiser un débat au Parlement sur les risques et les alternatives à cette fuite en avant, à partir d'un bilan des privatisations déjà effectuées (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - D'abord, ce projet industriel, pour une fois, est venu des acteurs eux-mêmes, et non des pouvoirs publics jouant au meccano . Ensuite, cette fusion va nous permettre d'avoir un acteur de taille européenne (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

En portant, en outre, la force de recherche-développement à 14 000 ingénieurs, elle va considérablement accroître le potentiel d'embauches, qui devrait être votre souci.

Certes l'Etat ne détiendra plus que 35 % du capital de l'ensemble, alors qu'il détenait 62 % de celui de la SNECMA ; mais sa participation sera beaucoup mieux valorisée au sein d'un groupe performant que dans une entreprise moyenne. Avec cette opération, notre pays se hisse dans ce secteur à une dimension mondiale. Au lieu de verser des larmes par conservatisme désuet, considérez plutôt l'avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

LUTTE CONTRE LE CANCER

M. Jean-Marie Demange - La Ligue nationale contre le cancer organisait jeudi dernier, au Parc floral de Paris, ses troisièmes Etats généraux des malades du cancer et de leurs proches. A cette occasion, le Président de la République a beaucoup insisté sur la nécessité de lutter contre les discriminations, dans le travail mais aussi dans l'accès aux prêts bancaires et aux assurances. Un groupe de travail est en train de revoir la convention Belorgey, qui vise notamment à améliorer l'accès aux emprunts pour les personnes présentant un risque aggravé en matière de santé ; pouvez-vous nous dire, Monsieur le ministre de la santé, quelles suites vous entendez donner à ses propositions ? D'une façon générale, pourriez-vous faire le point sur le plan anti-cancer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ?

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Le plan cancer présenté il y a dix-huit mois par le Président de la République s'articule autour de trois axes.

D'abord, le dépistage. Premièrement, celui du cancer du sein, qui fait 11 000 décès par an : la mammographie systématique à partir de 50 ans tous les trois ans, remboursée à 100 % par l'assurance maladie, doit être généralisée à tous les départements d'ici à décembre prochain. Deuxièmement, celui du côlon, avec expérimentation sur 22 départements et stratégie nationale à partir de janvier 2005. Troisièmement, celui du col de l'utérus, pour lequel on est passé de 3 000 à 1 000 décès par an.

Ensuite, l'action en direction des personnes chez qui un cancer a été diagnostiqué : généralisation de l'annonce du diagnostic, si importante sur le plan psychologique, et pour les malades et pour les proches ; procédure d'agrément des services en cancérologie, afin que, sur tout le territoire, les malades soient soignés de la meilleure manière.

Enfin, les droits des malades atteints d'un cancer. Désormais, un cancer sur deux est totalement guéri. Il faut donc, de plus en plus, considérer que le cancer est une maladie comme une autre. C'est pourquoi, à la demande du Président de la République et avec l'autorisation du Premier ministre, je vais demander aux banquiers et aux assureurs que toutes les personnes qui ont été atteintes d'un cancer il y a plus de dix ans et qui sont bien portantes puissent obtenir un prêt (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

PROTOCOLE DE KYOTO

Mme Josiane Boyce - Le Sommet de la Terre à Rio, en 1992, avait marqué la prise de conscience internationale du risque de changement climatique dû à la pollution atmosphérique. Les Etats les plus riches y avaient pris la décision de stabiliser leurs émissions de gaz à effet de serre. C'est le protocole de Kyoto qui, en 1997, a traduit cette volonté en engagements quantitatifs et juridiquement contraignants.

Avec le vote par le Parlement russe du projet de loi autorisant la ratification de ce protocole, celui-ci va pouvoir entrer en vigueur, puisque plus de 55 Etats, représentant plus de 55 % des émissions de gaz à effet de serre, l'ont signé. Quelles conséquences en tire le Gouvernement pour les négociations internationales ? Quelle est sa stratégie dans ce domaine (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) ?

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable - La ratification du protocole de Kyoto par la Russie est en effet une étape historique dans la lutte contre le changement climatique, qui est le plus grand défi écologique de ce début du XXIème siècle. Elle est le fruit d'un travail de persuasion incessant de la France et de l'Europe, qui pour leur part ont déjà anticipé sur son application - en particulier à travers la mise en place, d'ici au 1er janvier, du plan national d'allocation de quotas aux industriels, et à travers le plan climat, annoncé en juillet dernier, qui va limiter nos émissions de gaz à effet de serre plus que ne le demande le protocole.

Nous devons maintenant faire revenir autour de la table les pays qui n'ont pas ratifié le protocole de Kyoto, en particulier les Etats-Unis.

M. Pierre Lellouche - Et la Chine ?

M. le Ministre de l'écologie - Nous profiterons de la conférence de Buenos-Aires en décembre prochain pour entamer ces nouvelles discussions, afin de parvenir, à terme, à diminuer de moitié les émissions de gaz à effet de serre (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

LOI DE 1905

M. Michel Charzat - Monsieur le Premier ministre, dans un livre d'entretiens, publié à grand concours de réclame, votre ministre Nicolas Sarkozy célèbre à sa façon l'approche du centenaire de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat. Confondant neutralité de l'Etat et athéisme, il s'en prend à l'Education nationale, trop fermement attachée, selon lui, à une lecture stricte de la laïcité. Pour lui, on ne peut éduquer les jeunes en s'appuyant exclusivement sur des valeurs temporelles, voire républicaines.

Il s'interroge enfin sur l'éventualité du rétablissement du catéchisme.

Cette prise de position est littéralement révisionniste ((Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Elle feint d'ignorer que la laïcité, pierre angulaire de la République selon les propos du chef de l'Etat, garantit la liberté de conscience, que grâce à elle il n'y a ni religion reconnue, ni athéisme consacré, et que, depuis un siècle, la loi de 1905 assure la coexistence harmonieuse des différentes religions, la fraternité de ceux qui croient au ciel et de ceux qui n'y croient pas.

En une curieuse célébration, votre ministre disqualifie cette loi, qu'il juge obsolète. Il s'agirait demain de faire subventionner par des fonds publics les associations cultuelles, la construction de lieux de culte et la formation de clercs, en particulier d'imams. Après le « préfet musulman », voilà donc un projet d'inspiration concordataire et communautariste. Faciliter par des mesures simples et pratiques l'exercice de leur religion par les musulmans, oui, bien sûr, mais pas en démantelant la loi de 1905 ! Je remarque d'ailleurs que les représentants des cultes, notamment les fédérations musulmanes, ont réagi négativement à cette remise en cause de la loi de 1905.

M. Eric Raoult - Réac ! (Exclamations et rires sur divers bancs)

M. Michel Charzat - Monsieur le Premier ministre, les prises de position de votre ministre, hier ministre des cultes, demain président de l'UMP, annoncent-elles un tournant de la politique gouvernementale en matière de laïcité ? Entendez-vous réviser la loi de 1905 ou demanderez-vous à votre ministre de se raviser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Il faut raison garder (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). La loi de 1905 constitue le socle de la laïcité, ce principe intangible de notre République (Applaudissements sur de nombreux bancs) qui garantit la neutralité de l'Etat et la liberté de conscience. L'Etat ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte.

Faut-il pour autant s'interdire de se poser des questions quand apparaissent des problèmes ? Non, Monsieur Charzat. En République, poser une question est à la fois un signe d'humilité et de volonté. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste) Vous le voyez, les ministres de l'intérieur se suivent et se ressemblent ! (Mêmes mouvements)

Or, il y a bien un problème en ce qui concerne l'islam. Nicolas Sarkozy a avancé en créant le Conseil français du culte musulman, mais il faut aller plus loin, notamment en matière de formation des imams. Pour ce qui est du financement, nous avons en main un certain nombre de solutions tout à fait conformes à la loi de 1905 : un financement par les fidèles, comme cela se pratique pour l'ensemble des cultes, avec une rationalisation des aumônes, ainsi que du marché de la viande halal ; des baux emphytéotiques ; des garanties d'emprunts ; des financements étrangers, enfin, mais strictement encadrés et transparents. Nous entendons donc à la fois respecter la loi de 1905 et répondre aux problèmes d'aujourd'hui. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

CONTRATS DE PROFESSIONNALISATION

M. Olivier Dosne - Le contrat de professionnalisation, qui est entré en vigueur le 1er octobre, remplace le contrat de qualification, unanimement reconnu comme l'un des meilleurs dispositifs d'insertion professionnelle des jeunes, en y apportant davantage de souplesse. Il est en effet adapté à chaque branche, en fonction des débouchés professionnels constatés et prévus.

Pour laisser aux branches le temps de s'organiser, vous aviez obtenu, Monsieur le Secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes, la prolongation des contrats de qualification jusqu'au 15 novembre 2004. Pouvez-vous donc nous indiquer l'état d'avancement du dossier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes - Le nouveau contrat de professionnalisation constitue une transformation en profondeur de la formation professionnelle. Il faut en rendre hommage aux partenaires sociaux qui, de la CGT au MEDEF, ont unanimement souhaité la mise en place de ce nouvel outil. Respectueux de leurs compétences, le Gouvernement intervient de trois manières.

D'abord, il permet l'application du nouveau contrat. Les décrets sont sortis de façon à assurer son entrée en vigueur au 1er octobre et la loi de finances pour 2005 prévoit l'exonération de charges de 180 000 contrats, dont 40 000 pour des adultes chômeurs de longue durée, comme l'a souhaité le Premier ministre.

Ensuite, l'Etat veille à ce que la période allant du 1er octobre au 15 novembre soit sécurisée pour les jeunes. Ceux-ci pourront en effet recourir tant au nouveau contrat qu'à l'ancien. Les deux dispositifs se conjuguent donc au service des jeunes.

Enfin, M. Borloo et moi-même suivons branche par branche les négociations des partenaires sociaux. Actuellement, 20 ont signé un accord. D'autres - banques, électroménager, audiovisuel - passent des accords de transition, qui allongent jusqu'à 24 mois la durée du contrat de qualification. L'Etat invite celles qui ont des difficultés de négociation à faire de même et veillera à ce que l'ensemble des salariés français soient concernés par ce nouveau dispositif d'alternance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

LOGEMENT SOCIAL

Mme Maryvonne Briot - L'ampleur de la crise du logement appelle des réponses fortes et rapides. Le plan de cohésion sociale et la loi de programmation en cours d'examen au Sénat prévoient des moyens qui devraient notamment permettre de doubler la production de logements sociaux. Les retards accumulés ces dix dernières années seraient ainsi résorbés en cinq ans.

Mais les organismes de logement social ne peuvent lancer des opérations nouvelles que si ces dernières sont financièrement équilibrées, ce qui suppose des concours autres que les seules aides de l'Etat. Les partenaires du 1 % logement vont-ils donc suivre l'Etat en apportant des moyens comparables et s'engager clairement, comme lui, pour les cinq années à venir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville - Dans trois semaines, l'Assemblée examinera la loi de programmation financière liée au plan de cohésion sociale. Si celui-ci est une affaire d'Etat, il ne doit pas pour autant être l'affaire du seul Etat. C'est pourquoi nous avons mobilisé tous les acteurs du logement, les organismes publics et privés de HLM mais aussi les partenaires du 1 % logement - patronat et syndicats - qui nous apportent un concours précieux dans le relèvement du défi dont vous avez parlé.

Nous avons signé la semaine dernière deux importantes conventions. La première concrétise les modalités financières et foncières du 1 % logement, s'agissant de la loi de rénovation urbaine que Jean-Louis Borloo a fait voter le 1er août 2003. Tous les moyens financiers annoncés sont au rendez-vous, et à la fin de cette année nous aurons mobilisé près de 6 milliards d'euros de moyens publics sur la rénovation urbaine (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

La seconde convention nous permet de bénéficier du 1 % logement, soit 210 millions, pour la construction, sur cinq ans, de 500 000 logements locatifs sociaux. Cela va au-delà des objectifs que nous nous étions fixés.

Dans cette affaire, l'action remplace les discours d'hier ! Le plan de cohésion sociale, c'est un cap que nous nous sommes fixés, mais aussi des moyens et un objectif qui seront atteints ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

PROTECTION SOCIALE AGRICOLE

M. Germinal Peiro - Monsieur le ministre de l'agriculture, la protection sociale agricole concerne 5 à 6 millions de nos concitoyens. Mme Jeannette Gros, présidente de la Mutualité sociale agricole annonce pour 2005 un déficit de 1,5 milliard du Fonds de financement de la politique sociale agricole, qui va remplacer le BAPSA au 1er janvier. En effet, il ne bénéficiera plus d'une partie des recettes de la TVA, ni de la subvention d'équilibre de l'Etat.

S'agissant des retraites, en y consacrant 22 milliards de francs, le gouvernement Jospin avait relevé, entre 1998 et 2002, de 29 % la retraite de base pour des chefs d'exploitation, de 49 % celle des veuves, et de 79 % celle des conjoints et des aides familiaux. Aujourd'hui, en dehors de la mise en place de la retraite complémentaire obligatoire et de la mensualisation, votre bilan est éloquent : 0 % de revalorisation en 2003, 2004, et 2005 ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Blazy - Triple zéro !

M. Germinal Peiro - Alors que votre gouvernement baisse les impôts des plus favorisés, les retraités agricoles ne demandent pas la charité, mais la justice et la simple reconnaissance de leur travail. Ils attendent aujourd'hui la réduction des minorations, le relèvement de la retraite de base, et l'accès à la retraite complémentaire obligatoire pour les conjoints.

Après l'abandon de l'idée d'une nouvelle taxe sur les tabacs, comment allez-vous financer en 2005 le régime de protection sociale des agriculteurs ? Allez-vous revaloriser les retraites les plus basses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales - Le parti auquel vous appartenez a gouverné les trois quarts du temps depuis vingt-trois ans. S'il était si facile de prendre ces mesures, que ne l'avez-vous fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je rappelle que ce sont les gouvernements de MM. Balladur et Juppé, qui ont engagé la revalorisation des retraites agricoles, tandis que celui de M. Raffarin a mis en place la mensualisation. Ne nous donnez donc pas de leçons !

Sur l'évolution du revenu des agriculteurs, je rappelle que sous le gouvernement Jospin, alors que nous étions en pleine croissance, le revenu des agriculteurs et celui des retraités ont stagné, voire reculé. Pourquoi ?

Nous, nous avons engagé une politique sérieuse en ce domaine, et nous continuerons dans cette voie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) .

AVENIR DE LA RECHERCHE

M. Jean-Pierre Door - Monsieur le ministre délégué à la recherche, les Etats généraux de la recherche, organisés à l'initiative du mouvement des chercheurs, ont eu lieu il y a quelques jours à Grenoble. Votre présence, ainsi que celle du ministre de l'Education nationale, confirment l'intention du Gouvernement d'assumer ses responsabilités, et de tenir ses engagements pour que la recherche française retrouve sa place dans le peloton de tête des pays industrialisés.

Parallèlement, l'Office parlementaire et l'Assemblée nationale vous feront part dans quelques semaines des résultats de leurs travaux, afin d'enrichir votre projet de loi d'orientation et de programmation. A Grenoble, le Comité d'initiatives et de propositions, créé le 17 mars et co-présidé par les professeurs Beaulieu et Brézin, vous a informé de ses principales conclusions.

Pourriez-vous nous tenir au courant de vos intentions ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche - Ces Etats généraux furent un moment fort dans la réflexion sur l'avenir de notre recherche, qui doit être plus compétitive. Le CIP, sous l'impulsion de MM. Beaulieu et Brézin, va prochainement présenter ses conclusions à M. Fillon et à moi-même, et nous en tiendrons le plus grand compte, car il s'agit de points essentiels, tels que l'avenir des jeunes, la nécessaire évaluation de notre système de recherche, la tout aussi nécessaire simplification administrative, ou encore la dimension européenne.

La loi d'orientation et de programmation sera présentée au Parlement au deuxième trimestre 2005, et je pense qu'elle permettra de relever les principaux défis de la recherche en France (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

COÛT DE L'ENLÈVEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES

M. Denis Merville - Monsieur le secrétaire d'Etat au budget, nos concitoyens viennent de recevoir leurs feuilles d'impôts locaux, et ils ont pu constater la nouvelle augmentation du coût d'enlèvement de leurs ordures ménagères. Nous en connaissons les raisons, qu'il s'agisse de l'exigence toujours croissante des directives européennes en matière de protection de l'environnement, du coût de la collecte sélective à laquelle se prêtent 80 % des Français, ou de l'augmentation du volume des déchets, - qui dépasse 460 kilos par personne et par an - incontestablement, des efforts restent à faire pour réduire ce volume et nous devons y réfléchir.

Le coût d'enlèvement - et notamment celui de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères - qui s'ajoute à la taxe foncière paraît lourd et injuste pour nombre de nos concitoyens, car les familles peu nombreuses ou les personnes seules disposant d'un grand logement paient beaucoup. Quant à la redevance, payée en fonction du volume des déchets produits, elle est également injuste puisqu'elle pénalise les familles nombreuses.

Depuis deux ans, les élus locaux alertent le Gouvernement sur ce problème. M. Lambert avait accepté le principe d'un groupe de travail associant représentants des ministères et élus locaux, afin de trouver les voies d'une réforme équitable. Où en sont ces réflexions ? Je vous rappelle enfin que les élus locaux devaient voter le taux de cette taxe pour le 15 octobre, mais est-il possible, ce délai paraissant trop rapproché, d'envisager un report ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - Vous avez raison : les modalités actuelles de la collecte et de l'élimination des déchets ménagers ne sont pas satisfaisantes, et le Gouvernement est conscient des problèmes d'application posés par l'article 107 de la loi de finances pour 2004 : soit la contribution des ménages a trop augmenté, soit les structures intercommunales ont des difficultés à appliquer le nouveau dispositif. C'est pourquoi je vous confirme qu'à la demande du Premier ministre, le Gouvernement a décidé de repousser l'échéance du 15 octobre au 15 janvier.

Nous devons concilier deux logiques, celle de la redevance - pour service rendu à l'usager - et celle de la taxe - assise sur la valeur locative des résidences. Nous avons donc mis en place, avec M. Copé, un groupe de travail composé de parlementaires de toutes sensibilités politiques, et nous prenons l'engagement de vous proposer une solution réaliste et équitable avant la fin de l'année (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20.

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2005 (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

M. le Président - Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 65, alinéa premier, du Règlement.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - Nous voici arrivés au terme de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

Je remercie l'ensemble des députés qui ont participé au débat. Votre engagement dans la discussion a montré toute l'importance que vous attachez, sur tous les bancs de cette Assemblée, à la sécurité sociale. Si nous avons légitimement des conceptions différentes, ce débat a montré que ce sujet était bien au cœur des grands enjeux de notre pacte républicain.

Je remercie le président de la commission, Jean-Michel Dubernard, ainsi que les rapporteurs, MM. Perrut, Door et Colombier, qui ont effectué un travail remarquable dans un calendrier serré. Je salue également Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Vous avez tous concouru à améliorer le travail du Gouvernement. Nous vous en sommes, avec Xavier Bertrand, Marie-Josée Roig et Marie-Anne Montchamp, extrêmement reconnaissants. Ils s'associent à moi pour remercier le personnel de l'Assemblée nationale, qui nous permet de travailler dans les meilleures conditions.

Ce texte traduit les réformes engagées par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin depuis deux ans : les retraites, l'assurance maladie, la solidarité pour l'autonomie. Confrontée à une crise de confiance, à une crise financière, à une crise d'organisation, notre Sécurité sociale semblait à la dérive. Nous la remettons sur les rails et nous restaurons la confiance de nos concitoyens.

Cette tâche est ardue, et nous mesurons tous le chemin qui reste à parcourir. Le redressement des comptes s'amorce même si les déficits restent importants. Le Gouvernement engage un redressement structurel, notamment de l'assurance maladie, qui portera progressivement ses fruits.

Les réformes demandent une mobilisation de tous. Nous avons, avec Xavier Bertrand, installé jeudi dernier le nouveau conseil de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés. La détermination des partenaires sociaux à s'engager dans cette nouvelle gouvernance est entière. Nous installerons dans une semaine l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, qui sera aussi un acteur central de la réforme.

Je voudrais souligner les apports du PLFSS : la consolidation de la tarification à l'activité, la contribution des employeurs au financement du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, et enfin la traduction de l'accord auquel nous sommes parvenus sur la soulte EDF-GDF, qui garantit la réussite de l'opération d'adossement dans des conditions de stricte neutralité pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse et les salariés du régime général.

Ce PLFSS est un texte resserré : l'heure est d'abord aux réformes. Je sais pouvoir compter sur votre soutien pour garantir la pérennité de notre Sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Jacqueline Fraysse - Au terme de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, que faut-il retenir ?

En dépit des immenses besoins de prise en charge non satisfaits, vous avez délibérément orienté ce texte vers des mesures d'économie au lieu de réfléchir à des propositions de financement permettant, dans une démarche de justice sociale et d'efficacité économique, de donner à notre Sécurité sociale les moyens d'améliorer la prise en charge socialisée des dépenses de santé. Vous avez rejeté toutes les propositions de financement, préférant multiplier les mesures de restriction, de sanction et de contrôle, à l'égard des assurés sociaux comme des professionnels de santé.

Votre obstination nous autorise à mettre en cause le bien-fondé de votre démarche et votre attachement même aux principes de notre protection sociale. Non seulement les besoins actuels ne sont pas couverts, mais vous vous appliquez désormais à faire des économies sur ceux qui le sont.

Vous préférez faire payer toujours plus les assurés sociaux - augmentation de la CSG, de la CRDS et des taxes en tous genres, notamment sur les tabacs, au lieu de prendre l'argent où il est, là où se créent les richesses, ce qui est pourtant le fondement historique du financement de la sécurité sociale.

Et tout ceci pour quels résultats ? Vous invoquez l'équilibre des comptes. Mais le déficit du régime général, qui était de 3,4 milliards d'euros en 2002, atteint 14 milliards cette année ! Pour la branche maladie, il est passé de 6 à 13,2 milliards cette année. Depuis votre arrivée aux affaires, le déficit du régime général a donc quasiment quintuplé, et celui de la branche maladie doublé.

Ce record s'explique par votre refus persistant de réformer l'assiette des cotisations pour augmenter les recettes de la Sécurité sociale. Les conséquences de ce choix sont lourdes pour les assurés sociaux qui verront augmenter encore les économies réalisées sur les prestations : économies sur les affections de longue durée - 800 millions d'euros - ; économies sur les arrêts de travail et diminution des indemnités journalières - 300 millions - ; économies sur les remboursements de médicaments - 700 millions - ; économies sur le remboursement des consultations médicales - un milliard et demi - ; économies sur l'hôpital - 850 millions auxquels s'ajoute un déficit de trésorerie de 850 millions, ce qui porte à 1,7 milliard le manque de financement.

Outre l'étranglement financier des hôpitaux, auquel vous ne remédiez pas, vous poursuivez le plan Hôpital 2007, qui va aggraver les difficultés de l'hôpital avec la suppression de 20 à 30% des plateaux techniques, la mise en place de pôles de compétences en quête de rentabilité et la voie ouverte à un déséquilibre de la couverture nationale en établissements de santé propre à accentuer la désertification et les inégalités régionales.

Malgré les témoignages inquiets des professionnels attachés au service public hospitalier et les expériences fâcheuses des pays voisins, vous persévérez dans l'engrenage qui condamne les spécificités de nos établissements, en particulier les missions de service public de l'hôpital, mêlant l'accueil, les soins de qualité pour tous, la recherche et la formation des médecins et des personnels soignants.

Enfin, vous avez volontairement fixé un ONDAM trop faible qui sera dépassé puisqu'il ne tient pas compte de la réalité.

En définitive, ce PLFSS est la concrétisation de votre objectif de remise en cause de notre système solidaire de Sécurité sociale. Il s'inscrit dans un plan de démantèlement de l'ordre public social : atomisation du code du travail, privatisation des services publics, destruction des fondements solidaires de notre système de protection sociale - retraites, santé, chômage.

Ne comptez pas sur nous pour soutenir cette véritable marche forcée vers la déréglementation sociale qui s'exerce au mépris de nos concitoyens. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Richard Mallié - Les débats sur ce texte ont montré combien la santé reste une problématique chère aux Français. Si une bonne santé ne s'achète pas, l'accès à des soins de qualité y contribue à l'évidence et le Gouvernement a, cette année encore, bien compris la nécessité de mobiliser des moyens considérables pour les mettre au service de cette priorité.

Pour l'essentiel, les critiques de l'opposition ont porté sur la hausse de l'ONDAM - jugée insuffisante - et sur la situation faite à l'hôpital public. Or, pour ce dernier, alors que les budgets afférents avaient augmenté de 2,5 % entre 1997 et 2002, la progression prévue dans le présent PLFSS s'élève à 3,6%, en vue de réanimer un hôpital public asphyxié par nos prédécesseurs, du fait de l'application des 35 heures. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP) Il s'agissait d'une réforme purement idéologique, dont les modalités pratiques de mise en œuvre - notamment pour ce qui concerne les moyens en personnels - n'avaient pas été prévues. Le Gouvernement s'est donc vu contraint, dans le plan Hôpital 2007, de mobiliser des moyens nouveaux, notamment pour le cancer et la périnatalité, tout en exigeant une gestion plus saine.

Le PLFSS fixe à 365,5 milliards les prévisions de dépenses, soit 20 milliards de plus qu'en 2003. Selon les projections disponibles, les régimes de base devraient enregistrer en 2005 un déficit de 10,9 milliards, soit 3,2 milliards de moins que cette année. Grâce aux effets attendus de la réforme, le Gouvernement prévoit de ramener le déficit de la branche maladie pour 2005 à 7,2 milliards, contre 13,2 milliards cette année. A cette prévision de redressement de l'assurance maladie s'ajoute un quasi retour à l'équilibre des branches famille et accidents du travail. Après une dégradation en 2004 due à des transferts vers le FSV, le solde de la branche famille devrait rester proche de l'équilibre. De même, si la branche AT-MP dégage un résultat déficitaire depuis 2002, celui-ci devrait se stabiliser en 2004 et en 2005 à son niveau de 2003. L'origine du déficit se trouve pour l'essentiel dans la dotation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

Seuls les comptes de la branche vieillesse demeurent préoccupants et cela montre tout l'enjeu de la réforme des retraites. Si la situation du FSV est aujourd'hui critique, c'est à raison des ponctions extravagantes réalisées par la gauche pour financer l'APA et les 35 heures. Sans cela, le FSV serait à l'équilibre. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe UMP)

Pour avoir prêté une oreille attentive aux vociférations de l'opposition au cours de ces débats (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), j'ai pu remarquer qu'en réalité, la gauche confirmait que sa conception de l'organisation des soins remettait en cause l'équilibre de notre système, à savoir le paiement à l'acte, la liberté d'installation, le libre choix du praticien et la liberté de prescription.

Mme Catherine Génisson - N'importe quoi !

M. Richard Mallié - Pourtant, nous restons convaincus qu'il est possible de sauvegarder notre régime, tout en préservant l'exercice de la médecine, en responsabilisant l'ensemble des acteurs - malades, professionnels de santé et gestionnaires de l'assurance maladie. Notre majorité, elle, s'est donnée les moyens de freiner la progression de l'ONDAM, grâce à la loi du 13 août 2004 et aux outils de maîtrise médicalisée. En dépit du contexte favorable dont elle a bénéficié, la gauche n'en a jamais eu le courage !

Au reste, nous nous conformons à la volonté des Français, qui acceptent une réforme en profondeur de l'assurance maladie car ils perçoivent bien qu'elle constitue notre seule chance de conserver notre Sécurité sociale à la française, système libre et solidaire où chacun cotise selon ses moyens et est soigné selon ses besoins. Ce système original qui fait notre fierté et que le monde nous envie, l'UMP y est très attachée. Il est de notre devoir de le préserver et notre groupe votera le présent PLFSS. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Bapt - Vous nous proposez, messieurs les ministres, une loi de financement pour 2005 alors que, pour la première fois dans l'histoire de la Sécurité sociale toutes les branches vont être déficitaires : la maladie, les accidents du travail, la famille et la vieillesse. Les autres régimes sociaux - BAPSA, FSV, fonds CMU - sont également dans le rouge, tout comme l'UNEDIC. Le déficit du régime général va atteindre en 2004 le niveau historique de presque 14 milliards, soit plus de trois fois plus qu'en 2002. Et comme l'a rappelé la Cour des comptes, il s'agit de la plus forte dégradation financière de l'histoire de la Sécurité sociale !

Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie avait évalué, dans le consensus, que cette dégradation était liée pour un tiers à des causes conjoncturelles liées au contexte économique global, que l'action du Gouvernement a du reste constamment aggravé en abandonnant la priorité donnée aux politiques de l'emploi. Pour les deux tiers restants, cette dégradation historique des comptes tient à des causes structurelles, relevant de votre responsabilité directe. Ce déficit historique, force est d'admettre que vous l'avez voulu et organisé depuis juin 2002 ! Vous avez laissé filer les déficits, renoncé à toute démarche de maîtrise des dépenses de santé, tardé à engager toute réforme de l'organisation de l'offre de soins et accru les dépenses en satisfaisant certaines revendications corporatistes sans contreparties ! Vous avez organisé la faillite de la sécurité sociale, pour appeler ensuite à son sauvetage ! (Huées sur les bancs du groupe UMP)

Et ce que vous appelez le sauvetage de la sécurité sociale, la réforme de la dernière chance, c'est une réforme libérale qui consiste à afficher le retour à l'équilibre en 2007 moyennant deux axes majeurs. Le premier est de vous débarrasser de la dette accumulée sur les générations futures, au travers de la CADES. Dès cette année, en transférant 50 milliards du déficit cumulé de 2002 à 2004 ; l'an prochain, en transférant 15 milliards du déficit à venir en 2005 et en 2006 ; et, de l'avis de tous les experts - y compris ceux de Bercy-, en transférant 70 à 80 milliards d'ici à 2007 sur les générations futures. La réalité, c'est que vous faites payer à nos enfants et petits-enfants vos déficits d'aujourd'hui et de demain. (Mêmes mouvements) Nous connaissions déjà l'impôt Raffarin sur la décentralisation ; nous aurons aussi l'impôt Raffarin sur les nourrissons ! Car qui pourrait affirmer que la CRDS, que vous augmentez à compter du 1er janvier 2005, ne sera pas encore en vigueur en 2025, dans le contexte de remontée durable des taux d'intérêt ?

Le deuxième axe de votre réforme, c'est la privatisation. Vous avez accru les prélèvements, pour l'essentiel sur les assurés et les patients. Vous avez aussi agi en créant les conditions de nombreux déremboursements qui, sous couvert de responsabilisation, nuisent avant tout aux patients. Si vous avez reculé cet été sur des baisses massives de remboursement concernant les dispositifs médicaux pour les diabétiques et les maladies chroniques, tout laisse à penser que ce n'est que partie remise. Nous en reparlerons en juin prochain !

Votre objectif est bien de transférer progressivement le poids des dépenses de santé vers le financement individuel et l'assurance privée. Ainsi est confirmé ce que nous annoncions dans la torpeur estivale : vous avez enclenché un mécanisme de privatisation qui va mener très vite à une médecine à deux vitesses. Le libre choix de son médecin et l'accès à des soins de qualité vont se heurter à des conditions de revenus, car vos perspectives de réduction du déficit de l'assurance maladie sont artificielles, irréalistes et insincères. Artificielles, parce que les économies de gestion que vous attendez ne sont pas crédibles. Irréalistes, car elles reposent sur une prévision de progression de la masse salariale pour 2005 de 4 %. Insincères enfin, parce que nombre de dépenses programmées n'ont pas été prises en compte.

En matière de financement, vous détournez l'essentiel des droits sur les tabacs et les alcools vers le budget de l'Etat, alors qu'ils devraient revenir à l'assurance maladie. Au moment où les prélèvements sociaux vont augmenter de 6,5 milliards, vous retirez la cotisation sur les boissons alcooliques de plus de 25 degrés - laquelle rapporte la bagatelle de 370 millions - à l'assurance maladie, pour financer l'aide directe d'acquisition de la CMU complémentaire, réduisant ainsi les fonds sociaux destinés aux assurés en difficulté. De même en est il des ressources de la CNSA, financée par les seuls salariés par la suppression d'un jour férié.

On s'interroge aussi sur votre immobilisme au vu des 2,2 milliards de déficits cumulés des prestations agricoles, au sujet desquels vous vous contentez de demander un rapport.

S'agissant des pensions de réversion, vous avez suspendu le décret du 24 août 2004, devant le tollé général qu'il a déclenché jusque dans votre majorité. Mais vous avez refusé l'amendement de suppression de l'article 31 de la loi sur les retraites, en évoquant une simple correction du décret. Vous refusez donc de revenir sur la transformation d'un droit ouvert par cotisation du conjoint décédé, en une aide sociale sous plafond de ressources révisable chaque année. Tous les retraités vont voir leur pouvoir d'achat baisser à nouveau en 2005, et ceux qui sont imposables subiront l'augmentation de la CSG.

En matière familiale, enfin, vous ne cessez de faire des économies sur les familles les plus modestes. Après un premier recul à l'occasion de l'instauration de la PAJE, vous avez modifié par décret la base de ressources des prestations familiales. Il en résulté que 6 000 familles ne bénéficieront plus de l'allocation de rentrée scolaire ou de l'allocation de base de la PAJE et que 220 000 familles ne percevront plus l'allocation logement. Dans le même temps, vous élevez le plafond de réduction d'impôt pour emploi de maison à temps plein pour 30 000 familles privilégiées. Pourtant, c'est bien l'ensemble des familles qui subiront la hausse des cotisations sociales et mutualistes, des impôts locaux, ainsi que du gaz et de l'électricité.

Parce qu'il est injuste, irréaliste et inefficace, parce qu'il pèse sur la masse des assurés sociaux, des retraités et des familles au profit d'une petite minorité, parce que vous renvoyez vos déficits aux générations futures, parce que vous malmenez l'égalité d'accès aux soins et mettez en danger l'hôpital public, votre PLFSS pour 2005 rencontre l'opposition la plus déterminée du groupe socialiste ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel - Nous sommes donc appelés à nous prononcer sur la somme considérable de 365 milliards, consacrés à la politique sociale du pays : santé, retraite de base, politique familiale. La loi est très succincte, le rapport annexé très ramassé. L'UDF a tenté, dans une ambiance relativement détendue, de l'améliorer et le Gouvernement a finalement accepté huit de nos amendements, mineurs il est vrai, sur les soixante-dix que nous avions déposés.

Mais les questions essentielles que nous avions posées demeurent sans réponse. Le déficit de l'ensemble des branches sera certainement supérieur aux dix milliards prévus. En effet, les recettes ont été calculées sur un taux de croissance de 2,5 % et de la masse salariale de 4 %, que nous espérons tous, mais sur lesquels peu d'économistes tablent encore aujourd'hui.

Pour la santé, la progression de l'ONDAM - c'est-à-dire des dépenses remboursées - est très volontariste, avec un taux d'augmentation de 2,9 %. Cet ONDAM économique, mais « pifométrique » et non médicalisé, a peu de chances d'être tenu. Dès lors, le comité d'alerte, qui doit intervenir en cas de dépassement de 0,75 %, transformera la fameuse maîtrise médicalisée en une maîtrise comptable, pourtant rejetée par l'ensemble des professionnels.

En réalité, l'ONDAM sera dépassé. Comment en effet faire le milliard d'économies attendues alors que le dossier médical personnel et le parcours de soins ne sont pas encore en place ? Comment économiser 700 millions sur le médicament alors qu'on attend la mise sur le marché de nouveaux produits onéreux ? Comment les hôpitaux économiseraient-ils 200 millions alors que beaucoup sont en déficit et qu'on ne leur a accordé que 300 millions sur les 776 millions dont ils auraient besoin ?

En revanche, des dépenses supplémentaires sont déjà prévues : 200 millions pour la classification commune des actes médicaux, la revalorisation des astreintes, l'augmentation des actes techniques chirurgicaux de 25% en 2005, la revalorisation de la grille tarifaire dans la future convention.

Et malgré nos demandes, les questions de démographie médicale, de permanence des soins, des urgences, du dépistage des cancers, passées sous silence dans le rapport annexé n'ont pas été abordées comme si elles étaient résolues !

S'agissant des retraites, l'UDF a soulevé trois problèmes majeurs. D'abord, le taux d'augmentation prévu pour les retraites ne permettra pas le maintien du pouvoir d'achat compte tenu de l'inflation et du prélèvement de CSG de 0,4 % au 1er janvier. Ensuite, la retraite des enseignants du privé n'est toujours pas alignée sur celle du public. Enfin, on n'a pas mis en extinction les régimes spéciaux, comme nous le demandions lors de la réformes des retraites et, pour ouvrir le capital d'EDF, le gouvernement propose d'adosser le régime des industries électriques et gazières au régime général. La première soulte est de 9 milliards et la soulte pour les régimes complémentaires devait être du même ordre, mais le reste du financement n'est pas assuré. C'est le contribuable et le consommateur qui financeront le maintien de ces avantages qui, finalement, ruineront EDF.

En ce qui concerne la famille, le groupe UDF salue les mesures nouvelles en faveur de l'adoption, mais refuse à nouveau le hold-up, cher à Bernard Accoyer, effectué sur la branche famille pour financer les majorations pour enfants dans les retraites.

Reste le problème de la pension de réversion. Après le tollé soulevé par le décret du 24 août, le Premier ministre en a suspendu l'application - ce qui est assez curieux car il ne faisait que décliner les dispositions de la loi votée dans l'enthousiasme par l'UMP en juillet.

Au nom de l'UDF, j'avais déposé des amendements pour assurer aux jeunes veuves une pension au moins égale à l'ancienne allocation de veuvage, et pour refuser la transformation d'un droit acquis en allocation différentielle révisable. Le Gouvernement les a refusés. Pourtant, il est clair qu'il faudra changer la loi.

Pour conclure, ce projet de loi de financement, très succinct, n'est guère satisfaisant. Le déficit sera certainement supérieur aux prévisions. Sur la maîtrise comptable, le sort des veuves, les retraites agricoles, celle des salariés d'EDF, l'UDF n'a pas eu de réponse satisfaisante. C'est pourquoi l'ensemble du groupe ne peut voter cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

A la majorité de 340 voix contre 200 sur 540 votants et 540 suffrages exprimés, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 50, est reprise à 17 heures sous la présidence de M. Eric Raoult.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005.

INTÉRIEUR

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Nous sommes à un tournant dans la politique de sécurité de notre pays. Je veux en effet renforcer l'autorité de l'Etat ; c'est une attente forte de nos concitoyens et, même si des progrès considérables ont été réalisés en matière de sécurité depuis plus de deux ans, nous devons rester mobilisés. Trop souvent nos valeurs fondamentales sont bafouées par des gestes, des paroles ou des comportements qui mettent en danger la cohésion nationale. A l'école, dans les quartiers difficiles, face aux communautarismes, l'Etat doit affirmer et défendre nos principes : égalité, laïcité, tolérance, refus de toutes les discriminations.

Depuis le début de l'année, la délinquance générale a baissé de plus de 4 % et la délinquance de voie publique a reculé de plus de 8 % : cela fait 130 000 victimes de moins qu'en 2003. Nous avons également obtenu des résultats significatifs dans la lutte contre des violences particulièrement graves et difficiles à traiter : nous avons réussi à stabiliser depuis deux mois les violences aux personnes ; notre mobilisation contre les violences racistes et antisémites commence à porter ses fruits, puisque depuis trois mois nous avons enrayé la hausse constatée depuis le début de l'année 2004.

Ma première priorité sera d'ancrer ces résultats dans la durée. Pour cela je veux agir en amont, grâce à une politique plus efficace envers les primodélinquants et les réitérants : ce sera l'objet du projet de loi sur la prévention de la délinquance que je prépare avec le Garde des Sceaux.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Très bien.

M. le Ministre - Deuxième priorité : lutter plus efficacement contre la criminalité organisée. Dans ce combat, nous devons changer d'échelle. D'abord par une plus grande synergie entre tous les services compétents, qui va se traduire notamment par la création d'un comité opérationnel de lutte contre les trafics. Ensuite, par une meilleure exploitation de l'arme financière pour asphyxier les réseaux mafieux : en matière de lutte contre la drogue, j'ai retenu la proposition de Jean-Luc Warsmann de créer une cellule d'identification des patrimoines, qui nous permettra de multiplier les saisies en France et à l'étranger.

Troisième priorité : mieux protéger les Français face aux nouvelles menaces. Nous ne pouvons pas lutter contre le terrorisme avec des méthodes d'avant le 11 septembre ou le 11 mars. L'étape de la réflexion sur ce sujet est désormais terminée. J'ai décidé de créer un comité du renseignement intérieur et de moderniser les instruments ; nous avons débloqué 12 millions à cette fin.

L'Europe constitue une formidable chance pour renforcer la sécurité des Français. J'ai fait au cours des derniers G5 une série de propositions dans ce domaine, pour la plupart acceptées.

En ce qui concerne la lutte contre les trafics de stupéfiants, nous allons mutualiser nos moyens pour couper les routes de la drogue. Des officiers de liaison européens vont être envoyés dans les pays producteurs d'Amérique latine, du Moyen-Orient et d'Asie pour aider les forces de sécurité locales, et nous allons installer des plates-formes communes sur la façade atlantique et dans les Balkans pour renforcer les contrôles aux portes de l'Europe.

S'agissant de la lutte contre le terrorisme, la création d'un poste de coordonnateur constitue une première étape. Au G5 de Sheffield, nous sommes convenus à mon initiative d'échanger systématiquement nos listes d'islamistes radicaux ayant fréquenté des camps d'entraînement.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité intérieure - Très bien.

M. le Ministre - Concernant la lutte contre l'immigration irrégulière, nous allons renforcer les contrôles aux frontières et au sein de l'espace Schengen. Nous voulons également mutualiser nos moyens en matière de reconduite des étrangers en situation irrégulière. Enfin, l'Europe doit développer une politique de coopération beaucoup plus ambitieuse avec les pays d'origine.

Bien entendu cela implique que chaque pays, à son échelle, lutte activement contre l'immigration illégale. C'est ce que nous faisons, avec une augmentation de 60 % des reconduites aux frontières depuis le début de l'année. Nous avons également fait de l'augmentation des places en centres de rétention une priorité : un million d'euros y avaient été consacrés l'année dernière, cette année ce seront 33 millions.

Doté de 13 milliards 498 millions et en progression de 3,2 % par rapport au PLF 2004, le budget de mon ministère pour 2005 témoigne de la volonté du gouvernement de poursuivre la mobilisation en faveur de la sécurité. Hors collectivités locales et hors crédits consacrés aux élections, il s'élève à 10 milliards 657 millions, soit une augmentation de 4,14 %.

Il me permettra d'abord de mobiliser les hommes et les femmes qui s'engagent au quotidien pour la sécurité des Français. Nous avons besoin de fonctionnaires plus responsabilisés ; aussi ai-je engagé la réforme des corps et carrières de la Police nationale, qui va profondément transformer le visage et l'action de cette institution. L'encadrement sera restructuré, les niveaux généraux de qualification seront relevés, une gestion plus rigoureuse du temps de travail nous permettra de progresser sur le plan opérationnel. Le coût de la réforme excèdera 71 millions l'année prochaine, dont près de 50 au seul titre de la tranche 2005.

Je veux ensuite des fonctionnaires plus nombreux dans les secteurs prioritaires comme la police aux frontières, le renseignement, la police technique et scientifique : 1000 emplois seront créés l'an prochain - 500 emplois de policiers actifs, 500 emplois de personnels administratifs, scientifiques et techniques. Afin d'éviter la dispersion des moyens, je veillerai à une répartition objective et transparente sur le territoire, fondée sur des critères affichés et incontestables.

Je compte aussi m'appuyer sur des fonctionnaires plus motivés : nous allons doubler les crédits affectés à la prime de résultat, qui atteindront 10 millions ; par ailleurs, la réforme des corps et carrières offre aux gardiens de la paix de nouvelles possibilités de promotion.

Enfin, je veux que les fonctionnaires de police soient mieux considérés. C'est pourquoi je soutiens le développement de l'action sociale, notamment grâce à une progression de 37 % des crédits destinés au logement des fonctionnaires.

Afin de doter la police nationale des moyens opérationnels nécessaires à ses missions, nous allons appliquer la troisième tranche de la LOPSI : à la fin de l'année 2005, 68 % des crédits prévus sur la période 2003-2007 auront été ouverts. Ces crédits seront d'abord consacrés à mieux équiper nos services, avec notamment 31 000 pistolets SIG SAUER, 10 000 gilets pare-balles, 25 000 uniformes et 1 300 tenues NRBC. Ensuite, la passation du nouveau marché permettra d'accélérer le programme ACROPOL qui sera achevé fin 2006. Enfin, pour mettre un terme aux difficultés que j'ai pu constater à l'occasion de mes déplacements sur le terrain, les crédits immobiliers progresseront de plus de 9% : nous atteindrons l'année prochaine les 100 000 m2 de mises en chantier.

L'attribution de ces moyens nouveaux ne nous empêchera pas, bien au contraire, de faire des économies de moyens. D'abord, j'ai souhaité amplifier l'externalisation des fonctions de réparation et d'entretien des véhicules, et nous serons à 30% à la fin de cette année. Ensuite, nous allons rationaliser notre organisation territoriale. J'ai confié pour cela une mission de réflexion à l'Inspection générale de l'administration et à l'Inspection générale de la police nationale: j'attends ses conclusions pour la fin de cette année. Enfin, nous allons réaliser des économies d'échelle grâce à la passation de marchés communs avec la gendarmerie, comme nous l'avons fait pour le marché des menottes ou du nouveau pistolet SIG SAUER.

Ce budget doit également nous permettre de poursuivre nos efforts en matière de réforme et de modernisation de l'action publique.

Ma stratégie est claire : elle s'appuie sur l'outil informatique et, plus précisément, sur deux projets de simplification et de sécurisation. Premier projet : l'identité nationale électronique sécurisé, qui va refondre complètement nos documents d'identité et de nationalité. Je présenterai un projet de loi au conseil des ministres avant la fin de cette année. Second projet : le système d'immatriculation des véhicules, dont le cahier des charges devra être achevé au cours du premier trimestre 2005.

Au-delà de ces objectifs, j'entends entreprendre une véritable stratégie ministérielle de réforme dans tous les domaines d'action de mon ministère. Cette stratégie concerne d'abord les préfectures et les sous-préfectures, qui seront amenées à effectuer de moins en moins de tâches de guichet : nous allons donc supprimer dès l'an prochain 116 emplois d'exécution dans les préfectures et 30 en administration centrale. Les préfectures et les sous-préfectures pourront ainsi se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée : animation interministérielle au plan local, conseil, contrôle. Nous adapterons en conséquence le niveau des postes et des qualifications.

Ensuite, l'action du corps préfectoral à la tête de l'administration déconcentrée de l'État devra profondément évoluer. J'ai d'ores et déjà confié au préfet de région de nouvelles prérogatives visant à en faire un véritable animateur de l'action des représentants de l'État au niveau régional. En regroupant autour de son autorité les services de chacun des huit pôles régionaux, nous parviendrons à une plus grande mutualisation de nos moyens et à une meilleure visibilité de l'action de l'Etat. Sur le plan départemental, je soumettrai au Premier ministre un plan de réorganisation à partir des propositions qui m'ont été transmises par l'ensemble des préfets. Cette réorganisation pourrait intervenir au tout début de l'année 2005. Nous devrons sans doute réviser la carte territoriale des arrondissements afin de mieux l'adapter aux nouveaux modes d'administration du territoire.

Enfin, une évolution de notre patrimoine immobilier s'impose. Elle implique notamment que toutes les préfectures soient dotées de salles opérationnelles.

Pour adapter l'action de l'Etat aux attentes de nos concitoyens, je souhaite professionnaliser la gestion des crises. C'est pourquoi le budget de la sécurité civile progressera de 20 % en 2005. 47 emplois supplémentaires seront créés en faveur du groupement des moyens aériens et des états majors des zones de défense. Il y a très longtemps que de telles créations d'emplois en faveur de la sécurité civile n'avaient pas eu lieu. J'ai veillé à ce qu'elles soient compensées par des suppressions d'emplois dans d'autres domaines d'intervention de mon département ministériel.

J'ai voulu par ailleurs moderniser nos moyens d'intervention. Nous ferons donc l'acquisition, en 2005, de deux avions gros porteurs DASH 8Q400, grâce à une mesure nouvelle de 38,4 millions d'euros.

Outre le renforcement de son propre dispositif, l'État aidera aussi les collectivités locales. Le fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours - FAI - progressera de 42,7 % en crédits de paiement. L'Etat fera aussi un effort particulier en faveur des volontaires en finançant à hauteur de 20 millions d'euros une part des cotisations de leur avantage retraite.

Le projet de budget que je vous ai présenté répondra à une double exigence : le respect scrupuleux des engagements pris devant nos concitoyens et la poursuite d'une modernisation en profondeur de l'Etat. Grâce aux importants moyens nouveaux qui me sont donnés, il traduit la volonté claire du gouvernement d'amplifier sa politique en faveur de la sécurité des français.

Mais ce budget nous oblige aussi : forts de ce soutien, il nous appartiendra à chaque instant de veiller à une utilisation optimale des crédits qui nous sont alloués et d'agir comme un acteur exemplaire de la réforme de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Comme j'ai eu l'occasion de vous l'indiquer lors de l'examen par votre assemblée, il y a quelques jours, du prélèvement sur recettes, le Gouvernement fait en 2005 un effort considérable en faveur des collectivités locales, dans un contexte budgétaire très contraint.

M. Guy Geoffroy - C'est remarquable !

M. le Ministre délégué - Dominique de Villepin et moi-même tenions à respecter les engagements qui avaient été pris en avril. L'enveloppe dite "normée", qui inclut un grand nombre de concours de l'Etat, augmentera donc de 2,87 % en 2005, ce qui est exactement conforme aux termes du pacte de croissance, pour atteindre 43,9 milliards d'euros.

La DGF progressera à elle seule de 3,29 % pour atteindre 37,9 milliards d'euros.

Cette indexation très favorable, surtout comparée à l'évolution des autres dépenses publiques, montre que les collectivités locales bénéficient pleinement de la reprise de la croissance. L'effort de l'Etat en la matière a été salué sur ces bancs il y a quelques jours, je n'y reviens pas.

Ce qui nous occupe aujourd'hui, ce sont les crédits inscrits dans le budget même du ministère de l'Intérieur et destinés aux collectivités locales. Un effort substantiel a été fait par le gouvernement pour garantir leur progression et pour donner en toute loyauté et transparence les moyens de fonctionner aux collectivités locales.

Indexées sur la formation brute de capital fixe des administrations publiques, les dotations d'équipement progresseront de 3 % en 2005.

Je sais que les élus locaux sont particulièrement sensibles à la dotation globale d'équipement, la DGE, qui permet la participation financière de l'Etat à la réalisation de certains de leurs projets d'investissements. D'un montant total de 931 millions d'euros en autorisations de programme, elle se répartit à hauteur de 441 millions d'euros pour la DGE des communes, contre 428 millions en 2004, et 490 millions d'euros pour la DGE des départements - contre 476 millions en 2004.

La dotation de développement rural, dite DDR, permet quant à elle de financer des projets au profit d'EPCI ruraux. Elle augmente, elle aussi, de 3 % et représentera donc un montant d'AP de 119,6 millions d'euros. Nous tenons là encore nos engagements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La dotation régionale d'équipement scolaire et la dotation départementale d'équipement des collèges passent de 894,6 millions d'euros en 2004 à 921,5 millions en 2005.

J'en viens au sujet sensible - et sur lequel il y a eu une certaine désinformation - des compensations des transferts de compétences.

M. Jean-Pierre Blazy - La démonstration va être plus difficile.

M. le Ministre délégué - Comme vous le savez, le Gouvernement a choisi de compenser les transferts de compétences prévus par la loi du 13 août 2004 par des transferts de fiscalité vers les départements et les régions. Les crédits correspondants sont inscrits en première partie de la loi de finances - 400 millions d'euros en TIPP pour les régions, 120 millions d'euros en taxe sur les conventions d'assurance pour les départements.

Les transferts précédents avaient été compensés par la dotation générale de décentralisation, qui a été pour l'essentiel intégrée dans la DGF. Une part résiduelle a été néanmoins maintenue en crédits budgétaires, qui s'élevera en 2005 pour la DGD des communes, des départements et des régions à 697,5 millions d'euros et pour la collectivité territoriale de Corse à 247,5 millions d'euros.

Je terminerai en évoquant les autres concours de l'Etat, et tout d'abord le fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, qui est la principale contribution de l'État aux dépenses d'investissement des collectivités locales. Son montant prévisionnel pour 2005 s'élève à 3 791 millions d'euros, soit une hausse de 2,18 % par rapport à 2004.

Je sais que les conditions d'éligibilité au FCTVA sont parfois discutables. C'est pourquoi j'ai demandé au secrétaire d'Etat au budget qu'un groupe de travail puisse être rapidement créé pour rediscuter de ces questions.

Le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation routière, d'un montant attendu de 560 millions d'euros en 2005, est partagé entre les collectivités locales et l'Etat, mais vous savez qu'un certain nombre d'élus ont demandé une modification des règles relatives au traitement des amendes de stationnement. Une mission conjointe d'inspection commence à travailler sur le thème de la dépénalisation éventuelle de ces amendes. Je peux vous assurer que Dominique de Villepin et moi-même veillerons en tout état de cause à ce qu'il ne soit en aucun cas porté atteinte aux ressources des collectivités locales concernées.

Ce rapide panorama n'est pas exhaustif. Je souhaite en conclusion rappeler que l'ensemble de l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités locales s'élèvera à 62,318 milliards d'euros, soit une augmentation de 4,7 % par rapport à loi de finances pour 2004.

C'est une contribution remarquable tant par son volume - un cinquième des recettes du budget de l'Etat - que par son indexation, alors que les dépenses de l'Etat n'augmentent que de l'inflation. Nous entrons, il est vrai, dans la première année d'application de la décentralisation, rendez-vous essentiel que personne ne doit manquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité intérieure, la gendarmerie et l'administration générale et territoriale - Si faire de la politique, c'est changer les choses, on peut dire que nous avons fait de la politique en matière de sécurité, car en ce domaine les changements sont notables depuis deux ans et demi. Nos concitoyens en sont conscients et satisfaits. De leur côté, les policiers et les gendarmes ont le sentiment de s'investir dans une tâche prioritaire pour laquelle ils ont la confiance de la nation et le soutien des responsables politiques.

Les résultats sont là, d'autant plus aisés à constater que l'appareil statistique est resté le même. Après s'être stabilisée en 2002, la délinquance a baissé de 3,3 % en 2003 et cette tendance à la baisse s'est accentuée en 2004. Le taux d'élucidation des affaires, autre indicateur important, a progressé sensiblement. Ces résultats sont le fruit d'une politique, c'est-à-dire d'un objectif qui s'applique à différents champs de l'action publique. Les moyens juridiques sont en place. Une lacune demeure cependant : la récidive n'est pas sanctionnée comme elle le devrait. Nous sommes nombreux à souhaiter qu'un signe soit donné en ce domaine.

Des progrès sont encore à relever en matière d'organisation, et tout d'abord pour ce qui concerne la police. Les GIR sont maintenant pleinement efficaces. Les sûretés départementales se développent dans les grands départements et de nouvelles perspectives s'ouvrent pour la police scientifique.

La gendarmerie est également en pleine mutation. Si les brigades cantonales restent le socle de son action, l'ensemble de notre territoire est désormais couvert par les communautés de brigades.

Pour la police comme pour la gendarmerie, les effectifs sont déterminants. La police va compter 1000 fonctionnaires supplémentaires, dont 500 policiers, et nous saluons une évolution très positive dans le domaine de la police scientifique. Quant à la gendarmerie, ce sont 700 postes qui seront créés en 2005.

Cela étant, des gains de productivité sont encore possibles, notamment dans les rapports avec l'autorité judiciaire, qu'il s'agisse de la présentation de détenus, du transfèrement, de la garde de détenus hospitalisés. Qu'en est-il des expérimentations lancées à Nancy et à Metz ?

J'ai visité dernièrement à Roissy un tribunal parfaitement adapté aux besoins de la magistrature, mais malheureusement dédaigné par celle-ci, d'où une noria constante entre Bobigny et la zone de transit des étrangers. Voilà un symbole du gâchis de l'argent public.

S'agissant des forces mobiles, il va falloir s'attaquer à un tabou. Les CRS et la gendarmerie mobile représentent une force de sécurité très importante, et il faut optimiser leur affectation. Ne seraient-ils pas mieux utilisés directement sous l'autorité des directeurs départementaux de la sécurité publique ?

Cette année aura été marquée par la réforme des corps et carrières. La police retrouve enfin une pyramide des grades plus dynamique, qui permet une véritable évolution des métiers des gardiens et des gradés.

Surtout, je voudrais relever que, dans le même temps, nous lançons une réforme pour la gendarmerie, alors qu'il fallait attendre parfois jusqu'à cinq ans, dans le passé, avant que la gendarmerie ne s'aligne sur la police. 5000 postes d'officiers de gendarmerie seront créés entre 2005 et 2012, dont 1000 dés 2005.

Je note aussi l'évolution de la prime aux résultats, voulue par Nicolas Sarkozy.

Ces progrès sont appréciés par les fonctionnaires, comme en témoigne la diminution du nombre des départs à la retraite anticipée. Il faut dire que les moyens évoluent aussi - le gilet pare-balles, l'arme individuelle, le nouvel uniforme pour la gendarmerie, et Acropol pour la police. Je salue à cet égard le partenariat public-privé passé avec EADS. Jusqu'à cette année, Acropol ne progressait que lentement. Dorénavant, grâce à une nouvelle procédure, ce partenariat va nous permettre de couvrir l'ensemble du territoire d'un moyen moderne de communication.

Reste le problème de l'immobilier. Nous ne sommes pas au rendez-vous de la LOPSI. Après 2005, si les prévisions sont respectées, il nous restera à réaliser la moitié du programme police, et près de 70 % du programme gendarmerie. En 2002, le législateur avait prévu un vrai partenariat public-privé, mais nous ne nous en sommes pas donné les moyens. Il faut réformer cette procédure trop lente.

J'en profite pour dire un mot des 500 millions attendus de l'immobilier de la gendarmerie. L'an dernier, le Premier ministre avait annoncé au titre des recettes du budget 500 millions provenant d'un partenariat avec la SNI. En contrepartie du versement d'une soulte de 500 millions, elle devait assurer la gestion des locaux de la gendarmerie et recevoir un loyer de 150 millions. Nous n'avons rien vu venir !

J'en viens maintenant à la sécurité routière. Grâce à la police et à la gendarmerie, le nombre de victimes de la route a considérablement diminué. Cela étant, certaines sanctions apparaissent mesquines, et j'en veux pour preuve cette contravention pour une vitesse de 111 km/h au lieu de 110 ! Rappelons que toute règle doit être appliquée avec mesure.

Par ailleurs, vous aviez annoncé que l'amende allait passer de 90 à 45 euros en cas de dépassement inférieur à 20 km/h : où en sommes-nous ?

Mais l'essentiel est que le nombre de morts sur la route a chuté : 2000 décès en moins en dix-huit mois !

Reste la question du produit des amendes qui rapportent, en année pleine, environ 375 millions. Il faut mettre fin à la rumeur qui veut que cet argent profite aux prescripteurs, et prouver qu'il est affecté à la sécurité routière, aux investissements de sécurité. Pourquoi ne pas l'attribuer aussi aux services de secours, aux services hospitaliers, aux centres des grands traumatisés de la route ?

S'agissant de la sécurité civile, votre budget est en net progrès, puisque les crédits sont au rendez-vous de la loi de modernisation de la sécurité civile, adoptée le 13 août 2004. Avec 20 millions d'euros, l'Etat accompagnera la fidélisation, et je me réjouis que les amendements que j'avais défendus en commission des finances aient reçu votre agrément et soient défendus le 19 novembre.

Je retiens encore le transfert aux Conseils généraux des taxes sur les conventions d'assurance, mais aussi le progrès de l'aide à l'investissement des SDIS - 44 millions en 2003, 54 millions en 2004, 65 millions en 2005.

L'Identité nationale électronique sécurisée fait aussi partie de vos priorités. Dans un souci de sécurité nationale, il s'agit de moderniser les moyens alloués à l'identification de nos concitoyens, et des étrangers qui transitent en France. Vous avez prévu de délivrer les premiers titres au 1er novembre 2006. Ce dispositif, bien plus performant qu'une carte d'identité, pourrait même servir à la sécurisation des transactions commerciales électroniques.

Quant aux préfectures, elles ont réalisé une véritable réforme. Il appartient désormais aux préfets de déterminer les dépenses prioritaires. Cette évolution permet des choix rationnels, et elle sensibilise les administrations aux économies qui sont désormais recyclées en leur faveur. Enfin, cette globalisation donne du grain à moudre au dialogue syndical, mais il faut aller au-delà, et donner au préfet la responsabilité des moyens des services extérieurs.

L'organisation du référendum pose des problèmes financiers nouveaux. En effet, il faudra pour la première fois envoyer à nos concitoyens un document qui, avec l'ensemble de la propagande, pèsera plus de 100 grammes et coûtera entre 40 et 60 millions. Or, à partir d'un tel poids, La Poste n'a plus le monopole des envois et il faudra réaliser un appel d'offre européen pour connaître la structure qui le diffusera. Ainsi, pour la première fois, La Poste risque-t-elle de ne pas être le diffuseur de notre propagande électorale.

De la même manière, comment envisager une équité de financement entre les partisans du oui et ceux du non sachant que les grands partis, vraisemblablement, appelleront à voter oui ? Il en va de la démocratie. Je rappelle que lors du référendum de Maastricht, l'ensemble des dispositifs de financements des partis politiques n'existait pas encore et qu'ils sont de plus élaborés à partir des exigences de la démocratie représentative et peu adaptés à une démocratie directe.

Ce budget applique la LOPSI adoptée lors de l'été 2002, mais il traduit également la constitution financière qu'est la LOLF, laquelle vise à établir un parallèle entre les objectifs fixés et les moyens attribués. Le principe d'une mission interministérielle réunissant police et gendarmerie est excellent, mais je note que l'ensemble des moyens de la gendarmerie ne figure pas dans cette mission, ce qui n'est pas satisfaisant. Nous serons vigilants quant à l'application de cette nouvelle constitution financière, qui est la condition première d'une vraie transparence.

Au total, je salue un budget ambitieux et positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité intérieure - Il y a un peu plus de deux ans, nous avons voté la LOPSI et nous nous sommes ainsi engagés à faire reculer la criminalité et la délinquance.

M. Christophe Caresche - C'est raté !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - La LOPSI a fixé des objectifs ambitieux et a annoncé pour la police et la gendarmerie des moyens sans précédent. L'opposition exprima alors un scepticisme caricatural, ces engagements relevant, selon elle, de la présomption ou de l'affichage politicien. Mais les résultats sont là.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est faux. Nous en reparlerons.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Oui, la délinquance recule, alors qu'elle avait progressé de près de 16% au cours de la précédente législature. Un mouvement global de baisse s'est amorcé dès le second semestre de 2002...

M. Jean-Pierre Blazy - C'est de la magie !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - ...se confirmant en 2003 et s'amplifiant sur les neufs premiers mois de 2004. C'est ainsi qu'après un reflux de 3,4 % en 2003, nous avons enregistré au mois de septembre dernier une diminution des crimes et délits de 3,8 %.

Je souligne le fort recul de la délinquance de voie publique avec moins 8,9 % en 2003 et moins 8,5 % au premier semestre de 2004 alors que ce type de délit avait augmenté de 9,3 % en 2001.

M. Jean-Pierre Blazy - Qu'en est-il des violences faites aux personnes ?

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Le taux d'élucidation des faits constatés, entre 1994 et 2001, avait chuté de 10 points pour tomber en dessous de 25 %. Au premier semestre de 2004, la part des faits élucidés est remontée à 31,5 %. Ces résultats sont le fruit d'une forte volonté politique.

Mme Nadine Morano - C'est vrai.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Ils témoignent de l'admirable mobilisation des policiers et des gendarmes et confirment la réussite des actions menées dans le cadre de la LOPSI.

Ce budget est satisfaisant car il traduit la volonté du Gouvernement de ne pas relâcher son effort - il convient à ce propos de considérer les crédits affectés à la sécurité intérieure dans leur ensemble, soit, également, ceux réservés à la gendarmerie qui figurent au budget de la Défense nationale.

Je me réjouis de la création d'une mission interministérielle sur la sécurité intérieure regroupant les programmes de la police et de la gendarmerie : c'est la victoire du bon sens. Le PLF pour 2005 comprend ainsi un total de 10,36 milliards de crédits dédiés à la sécurité dont 5,88 milliards à la police - soit une progression de près de 2 % - et 4,48 milliards à la gendarmerie - soit une progression de 3,4 %. Ces efforts sont d'autant plus méritoires qu'ils s'inscrivent dans un contexte budgétaire contraignant.

En trois ans, les moyens des forces de sécurité ont augmenté de 1285 millions, soit une progression de plus de 14 %, ce qui est sans précédent.

Mme Nadine Morano - C'est en effet remarquable.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis - Nous saluons l'adoption des premières mesures en application du protocole d'accord de juin 2004 sur la réforme des corps et carrières de la police nationale et, pour la gendarmerie, du plan d'adaptation aux responsabilités exercées. La police et la gendarmerie ont ainsi engagé une réforme profonde de leurs ressources humaines. L'organisation de leur encadrement va enfin converger avec la déflation des corps de commissaires et des officiers de police ainsi qu'avec le renforcement des cadres de la gendarmerie. Pour les fonctionnaires et les militaires, les recrutements se poursuivront à un rythme soutenu et les rémunérations seront améliorées par des revalorisations indiciaires. Cette rénovation s'accompagnera d'une maîtrise des crédits de personnels qui augmenteront moins vite que les prix. Cette rigueur de gestion pratiquée avec des indicateurs de performances très élaborés permettra de dégager des marges de manœuvre au profit des moyens de fonctionnement et d'équipement. En 2005, ces moyens seront renforcés de 150 millions, soit une progression de 7 %.

Mais il reste des défis à relever. Nous devons ainsi mener une politique de prévention lucide et efficace, car policiers et gendarmes ne doivent pas être les seuls à lutter contre le crime et la délinquance. Le concept de sécurité intégré doit devenir une réalité.

Dans cette attente, c'est le sens de l'intérêt général qui nous invite à approuver ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nadine Morano - Très bien !

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile - L'année 2004 est importante pour la sécurité civile qui, depuis le 13 août dernier, avec la loi de modernisation de la sécurité civile, dispose d'un cadre juridique rénové et adapté aux risques actuels. Ce texte définit les responsabilités de chacun au titre de la sécurité civile, et surtout, apporte à ses premiers acteurs que sont les 240 000 sapeurs-pompiers, civils ou militaires, professionnels ou volontaires, une reconnaissance attendue de longue date.

Ce texte pose les fondements d'un service rénové qui devra relever d'importants défis dans les prochaines années. Emblématique de notre volonté politique, il est aussi porteur de beaucoup d'espoirs, et vous savez qu'en tant que rapporteur, j'en suivrai la mise en œuvre avec attention.

Pour la troisième année consécutive, il m'appartient de vous rapporter l'avis de la commission des lois sur le budget du ministère de l'intérieur pour la sécurité civile. S'il faut saluer les efforts consentis cette année, ces crédits ne sont pas représentatifs des charges supportées par la collectivité : plusieurs ministères contribuent en effet à la prévention des risques, tandis que les collectivités territoriales assument la lourde charge des services départementaux d'incendie et de secours.

En 2005, 406 millions d'euros - soit quelque 4 % des crédits du ministère, hors concours aux collectivités territoriales - permettront ainsi à l'Etat de remplir ses missions de coordination et de renfort des moyens d'intervention locaux.

En progression de 20 %, ce budget tire les enseignements des crises récentes. Il prévoit d'augmenter l'effectif du groupement des moyens aériens en liaison avec le remplacement des hélicoptères, renforce la flotte de bombardiers d'eau par l'acquisition de deux avions gros porteurs et crée des postes de militaires pour conforter les zones de défense. Enfin, la dotation du fonds d'aide à l'investissement des SDIS permettra de rattraper le retard de l'année précédente.

Les moyens des services - 211 millions d'euros - progressent d'un peu plus de 5 % et sont également répartis entre les charges de personnel - 98 millions - et de fonctionnement - 112 millions. Les crédits de personnel progressent de près de 6 %. 2057 emplois budgétaires sont inscrits pour 2005, soit 60 emplois supplémentaires par rapport à l'an dernier ; 23 sont destinés au groupement des moyens aériens et 24 aux états-majors de zone, tandis que 14 emplois de gardiens de la paix seront transformés en emplois de personnels navigants.

Les crédits de fonctionnement, qui enregistrent une progression de 4,5 %, seront notamment employés à des infrastructures destinées aux hélicoptères et à l'adaptation du service de déminage, rendue indispensable suite à l'intégration des artificiers de la police nationale. Ils seront aussi dévolus à l'achat de matériels, au renouvellement très partiel du parc automobile des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, à l'acquisition de matériel de lutte contre les risques NRBC et à l'Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers.

Ces crédits incluent également la participation de l'Etat au financement des services de secours de la Ville de Paris - 71,7 millions d'euros, soit un tiers des crédits inscrits au titre III. Ils permettront la mise à niveau des crédits de personnel, le financement de la quatrième tranche du plan de modernisation de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris comprenant la création de 125 postes, l'acquisition de matériels opérationnels et la création d'une unité spécifique de lutte contre les risques NRBC.

Les crédits d'intervention publique - 14,8 millions d'euros - recouvrent les subventions aux services d'incendie et de secours, les secours d'extrême urgence dispensés aux victimes de calamités publiques, et, pour l'essentiel, les pensions versées aux sapeurs-pompiers victimes d'accidents.

Les crédits d'investissement s'élèvent à 115 millions d'euros, soit environ le quart du budget de la sécurité civile. Ils sont constitués pour l'essentiel des crédits d'acquisition - 52,4 millions - et de maintenance - 54,5 millions - des aéronefs. Leur forte augmentation est liée à la modernisation de la flotte aérienne - acquisition de deux avions gros porteurs et d'un onzième Canadair, actuellement loué, ainsi que d'équipements pour les nouveaux hélicoptères EC145.

Créé par la loi de finances pour 2003, le Fonds d'aide à l'investissement des SDIS, avec 65 millions d'euros de CP et 61, 4 millions en AP, bénéficie d'un rattrapage bienvenu, les SDIS devant faire face à de lourdes charges d'investissement. Cette aide gagnerait cependant à être répartie de manière plus lisible.

Au-delà de ce budget, j'évoquerai les acteurs et les missions de la sécurité civile. Je souhaite que les actions que vous-même et votre prédécesseur avez entreprises depuis le début de la législature et qui se traduisent, cette année encore, par une forte progression du budget de la sécurité civile, perdurent jusqu'en 2007, voire ultérieurement.

Je salue à nouveau l'engagement des 205 mille sapeurs-pompiers volontaires. 35 mille professionnels et les personnels militaires procèdent chaque année à plus de 3,7 millions d'interventions contre deux millions il y a vingt ans. Mais les missions des sapeurs-pompiers, dont la dangerosité a été reconnue par la loi du 13 août dernier, sont encore à l'origine de trop nombreux décès et accidents. Les travaux conduits récemment sur la sécurité des sapeurs-pompiers ont donné lieu à des propositions dont une bonne partie a été reprise par la loi de modernisation de la sécurité civile. Il faut cependant continuer à travailler sur cette question car des améliorations peuvent encore être apportées.

La formation des sapeurs-pompiers et de tous ceux qui concourent aux missions de sécurité civile constitue aussi un enjeu de taille pour demain. Deux projets seront mis en œuvre au cours des prochaines années : l'Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, délocalisée à Aix-en-Provence, et le pôle de défense civile de Cambrai. Mais c'est aussi une véritable culture de sécurité civile qu'il convient d'inculquer à notre pays.

La diffusion d'une culture de sécurité civile, c'est d'abord une sensibilisation aux risques et à la gestion des secours dès le cursus scolaire, comme le prévoit la loi de modernisation de la sécurité civile. C'est aussi l'information des citoyens sur les risques et sur les dispositions à prendre en cas de crise. Les crédits prévus à cette fin pour 2005 sont bienvenus : le retard à combler est en effet important, et je salue les choix qu'opère depuis trois ans notre majorité. C'est enfin, à destination de tous les acteurs du secours comme de la population, la réalisation d'exercices de gestion des crises. Des initiatives ont été prises en ce sens, mais il faut, comme toujours en matière de prévention, poursuivre le travail.

Les acteurs et les structures concourant à la sécurité civile sont multiples. Au cours de mes auditions et à la lecture des études inspirées par les crises récentes, j'ai constaté que la coordination et la communication entre les intervenants méritaient d'être améliorées. Nous avons abordé ces questions dans la loi de modernisation de la sécurité civile. En effet, c'est un défi en termes d'équipement, mais aussi en termes d'organisation et de gestion des secours.

L'année 2004 a été un aboutissement, avec le vote tant attendu de la loi de modernisation de la sécurité civile. Mais elle est aussi un point de départ, dans la mesure où l'évolution des risques demande une vigilance et une réactivité de tous les instants. Permettez-moi, pour conclure, de citer le général de Gaulle : « Etre inerte, c'est être battu.» Au vu de l'effort consenti par la nation sur ce budget, la commission des lois a émis un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la commission des finances pour les collectivités territoriales - Les concours de l'Etat aux collectivités territoriales s'élèveront en 2005 à 61,4 milliards d'euros, en hausse de 3 % par rapport à 2004. Ils représentent un cinquième du budget de l'Etat.

Le volet « collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2005 mérite d'être salué. En dépit d'un contexte budgétaire difficile, le Gouvernement reconduit le contrat de croissance et de solidarité selon des modalités identiques à celles de 2004 : une indexation sur l'inflation, mais également sur un tiers de l'évolution du PIB, ce qui permettra d'associer les collectivités territoriales aux fruits de la croissance.

L'enveloppe normée progressera en 2005 de 2,6 %, soit une augmentation de plus de 1,2 milliard d'euros. Quant à la DGF, elle augmentera de 3,29 %. Votre rapporteur spécial se félicite de la réforme proposée pour cette dotation, qui permettra de rendre plus cohérente la répartition de ses composantes et d'améliorer la péréquation. Cette réforme est d'ailleurs la traduction législative des propositions formulées par le groupe de travail constitué au sein du comité des finances locales.

La réforme de la dotation forfaitaire des communes rendra plus lisible la répartition de cette dotation, grâce à l'introduction de deux critères objectifs de répartition : la population et la superficie. La dotation forfaitaire comprendra désormais trois composantes principales. D'abord une dotation de base calculée en fonction de l'importance de la population. Pour 2005, le projet de loi de finances proposait de retenir pour celle-ci le produit de la population par un montant compris entre 50 et 125 euros par habitant. La commission a adopté un amendement visant à resserrer ces montants entre 60 et 120 euros par habitant.

Deuxième composante, une dotation proportionnelle à la superficie, égale à trois euros par hectare en 2005. La commission propose cinq euros par hectare pour les communes situées en zone de montagne.

Une troisième composante, le complément de garantie, doit permettre à chaque commune de percevoir en 2005 un montant au moins égal à sa dotation forfaitaire de 2004.

Le projet de loi de finances propose par ailleurs une réforme des règles de répartition des dotations de péréquation communale - DNP, DSR, DSU. Cette réforme vise deux objectifs principaux : mieux mesurer les écarts de richesse et les réduire. Le Gouvernement propose ainsi de substituer au potentiel fiscal un indicateur plus complet des ressources mobilisables par les communes, le potentiel financier, qui prend en compte, outre le potentiel fiscal, la dotation forfaitaire, compte tenu de son mode d'attribution automatique et de l'importance des masses concernées.

Afin de réduire les écarts de richesse, le Gouvernement propose de cibler la croissance de la DSR « bourgs-centres » sur les communes situées en zone de revitalisation rurale, en multipliant leur attribution par un coefficient de majoration égal à 1,5. La commission a abaissé ce coefficient à 1,15 afin de permettre une répartition plus équitable entre tous les bourgs-centres.

Le projet de loi pour la cohésion sociale prévoit pour sa part d'accroître les montants de la DSU destinés aux communes comprenant des zones urbaines sensibles et des zones franches urbaines. Cet objectif s'accompagnerait d'une croissance de la DSU de 120 millions par an pendant cinq ans.

Afin de dégager les meilleures marges pour la péréquation, le projet de loi de finances proposait le gel de la dotation forfaitaire à son niveau de 2004. La commission a adopté un amendement présenté par votre rapporteur spécial, qui fixe le taux de croissance de la dotation forfaitaire à 1 %.

La réforme de la dotation forfaitaire des départements vise elle aussi à mieux prendre en compte la population. Elle distinguera deux composantes : une dotation de base égale à 70 euros par habitant et un complément de garantie. Le Gouvernement propose d'améliorer la péréquation départementale grâce d'une part à la substitution au potentiel fiscal d'un critère de potentiel financier qui prend en compte, outre le potentiel fiscal élargi aux droits de mutation à titre onéreux, la dotation forfaitaire et la dotation de compensation, et d'autre part à la réorganisation de l'architecture des dotations de péréquation départementale autour d'une composante urbaine - la « dotation de péréquation urbaine » - et d'une composante rurale - l'actuelle dotation de fonctionnement minimale, sous une forme élargie.

La dotation de péréquation qui faisait l'objet d'un saupoudrage entre un très grand nombre de départements serait donc supprimée. La création d'une dotation de péréquation urbaine permettrait de remédier aux lacunes du système actuel, qui ne prend pas en compte les difficultés propres au milieu urbain, et l'élargissement de la DFM à tous les départements non urbains permettrait de mettre fin aux effets de seuil actuellement constatés du fait de la forte sélectivité des critères d'éligibilité à la DFM.

S'agissant de la DGF des groupements de communes, le Gouvernement propose une réforme des modalités de répartition de la dotation d'intercommunalité. Il prévoit des mesures favorables aux communautés de communes, c'est-à-dire à l'intercommunalité en milieu rural, et renforce la prévisibilité de la dotation d'intercommunalité à travers une simplification du GIF et une augmentation du poids de la dotation de base.

En troisième lieu, votre rapporteur spécial se félicite que le Gouvernement tienne l'engagement de compenser à l'euro près, et par le transfert de ressources fiscales dynamiques, constituant des ressources propres au sens de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, les transferts de compétences résultant de « l'acte II de la décentralisation ».

Plusieurs réformes introduites par la précédente majorité ont durablement grevé les budgets locaux et terni les rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales, qu'il s'agisse des 35 heures, de l'APA ou de la réforme des SDIS. A contrario, les décisions du gouvernement actuel doivent permettre de renouer des relations de confiance entre l'Etat et les collectivités. A la différence des réformes précitées, les dépenses résultant pour les collectivités de la loi responsabilités locales feront l'objet d'une compensation financière propre à assurer la neutralité de la réforme sur les budgets locaux.

Dès 2005, les régions bénéficieront de l'affectation d'une part de la TIPP pour un montant de près de 400 millions. Ce montant sera augmenté dans les prochaines lois de finances, au fur et à mesure de l'entrée en vigueur des transferts de compétences et de charges entre l'Etat et les régions. A compter de 2006, le produit de TIPP perçu par chaque région devrait être calculé sur une assiette régionale. A compter de 2007, sous réserve de l'accord définitif de nos partenaires européens, les régions pourraient être autorisées à en moduler le taux.

Les départements bénéficieront dès 2005 du transfert d'une part de la taxe sur les conventions d'assurance, pour un montant de 126 millions. Comme pour les régions, ce montant progressera ultérieurement, en fonction de l'entrée en vigueur des transferts. Une assiette départementale de cette taxe devrait être définie, et les départements devraient être autorisés à en moduler le taux à l'horizon 2007. La loi de finances pour 2004 a prévu le transfert d'une part du produit de la TIPP aux départements pour un montant de 4,9 milliards au titre des transferts de compétences résultant de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de RMI et créant le RMA. Elle prévoit également que les ressources transférées aux départements sont équivalentes au montant des dépenses exécutées par l'Etat en 2003 au titre du RMI et de l'allocation de revenu de solidarité. Elle a fixé à titre provisoire le montant de TIPP transféré aux départements et prévu que ce montant serait éventuellement corrigé afin d'assurer l'adéquation entre les ressources transférées et l'augmentation des dépenses auxquelles les départements doivent faire face. Les montants versés aux départements en 2004 devraient ainsi faire l'objet d'une première correction, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2004, afin de tenir compte du montant définitif des dépenses exécutées par l'Etat au titre du RMI en 2003, ainsi que des éventuels surplus de dépenses induits pour les départements par la création du RMA et la réforme de l'ASS. Les engagements seront donc strictement respectés.

Enfin, dans le cadre de la mise en œuvre de la LOLF, le Gouvernement a su tenir compte des préconisations de la représentation nationale. Ainsi, les crédits inscrits au budget du ministère de l'intérieur au titre des collectivités territoriales seront-ils regroupés au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », laquelle regroupe les crédits de l'agrégat 21 ainsi que ceux afférents aux coûts de fonctionnement de la politique de l'Etat envers les collectivités territoriales retracés dans l'agrégat 31. Conformément au souhait du Parlement, cette mission comportera quatre programmes : « concours financiers aux communes et groupements de communes » ; « concours financiers aux départements » ; « concours financiers aux régions » et « concours spécifiques et administration ». Cette nomenclature permettra d'exercer un contrôle détaillé de l'emploi des crédits votés pour chaque niveau de collectivité. Leur regroupement au sein d'une même mission autorisera le Parlement à exercer son droit d'amendement sur l'ensemble de la mission.

Les trois premiers programmes comportent deux actions principales : aide à l'équipement et DGD. Deux indicateurs sont associés à l'action « aide à l'équipement » : évolution du volume des investissements réalisés par les collectivités grâce aux subventions accordées par l'Etat ; et taux moyen de subvention. On peut regretter que ces indicateurs ne puissent être améliorés que par un accroissement des moyens budgétaires, ce qui semble peu conforme à l'esprit de la LOLF. Rappelons en effet qu'ils ont plutôt vocation à permettre d'évaluer la capacité des gestionnaires à mieux utiliser les moyens disponibles.

Votre rapporteur spécial avait souhaité que des objectifs et indicateurs de performance soient associés aux prélèvements sur recettes qui représentent environ les trois quarts des concours de l'Etat aux collectivités. Cette demande a été entendue. Les prélèvements sur recettes feront donc l'objet de fiches « objectifs » et « indicateurs », distinctes, mais complémentaires des projets annuels de performance.

Les concours financiers aux communes, aux départements et régions financés par prélèvements sur recettes seront évalués essentiellement au regard de l'objectif de péréquation. Ainsi, dans une période charnière délicate pour les finances locales, le Gouvernement a eu à cœur de respecter ses engagements envers les collectivités. Les principes d'autonomie financière et de péréquation trouvent dès cette année une application concrète.

La reconduction du contrat de croissance, le second volet de la réforme de la DGF, les modalités de compensation des transferts de compétences ainsi que les modalités de mise en œuvre de la LOLF contribuent à faire de ce budget un excellent budget.

Votre rapporteur spécial souhaite enfin appeler l'attention sur le fait qu'il proposera, dans le cadre de l'examen des articles non rattachés de la deuxième partie du PLF, un amendement visant à revaloriser les bases locatives selon le taux d'inflation.

Bien entendu, la commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'intérieur pour les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la commission des lois pour l'administration générale et les collectivités locales - Il est malaisé de faire en quelques minutes la synthèse des observations qui justifie l'avis positif de la commission des lois sur projet de budget pour 2005 relatif à l'administration générale du ministère de l'intérieur et aux collectivités locales. Aussi me bornerai-je à mettre en lumière quelques points particulièrement significatifs.

Après 2003, 2004 aura été une année phare pour l'acte II de la décentralisation, avec une nouvelle répartition des compétences entre les différents échelons de l'action de l'Etat, assortie d'une garantie des ressources propres aux collectivités et de la juste compensation des transferts de compétences. Concomitamment, l'Etat a engagé la modernisation de son administration centrale et territoriale. La réforme de l'administration générale a été rendue nécessaire par la poursuite de deux chantiers de modernisation aux objectifs convergents : la mise en œuvre de la LOLF - avec la définition de programmes et la recherche d'indicateurs de performances - et la conduite de l'action publique dans le cadre renouvelé d'une organisation décentralisée de la République. Ainsi, dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme arrêtée en 2003, le ministère de l'intérieur s'est enrichi d'un secrétariat général chargé d'améliorer la performance des services. En outre, les élus locaux doivent pouvoir s'appuyer sur des interlocuteurs identifiés, de manière à nouer un véritable partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales.

La loi de finances pour 2005 traduit cette ambition en termes financiers, grâce à l'achèvement de la procédure de globalisation des crédits, dont les résultats sont très encourageants.

Le fait décentralisateur est bien là. Au reste, selon un sondage récent, deux Français sur trois approuvent la décentralisation, et un sur deux cite en tête de ses préoccupations la réforme de l'impôt local, au sujet de laquelle nous attendons nous-mêmes vos propositions. Et nos compatriotes font aussi confiance en priorité aux collectivités pour réduire les inégalités et créer de l'emploi. Au-delà des nouvelles formes d'intervention et de partenariat, la loi responsabilités locales innove en proposant une méthode loyale et transparente de transfert, destinée à permettre aux collectivités de faire face à leurs nouvelles responsabilités. Le gouvernement Raffarin rompt avec la méthode de ses prédécesseurs, qui cherchaient souvent, par de nouveaux transferts de compétences non compensés, à réduire artificiellement le déficit de l'Etat.

L'action réformiste du Gouvernement vise également à assurer plus de proximité, et, partant, davantage de solidarité et d'égalité. Il a jeté les bases d'un Etat véritablement décentralisé, sans renoncer pour autant à garantir son unité.

2005 verra la poursuite de la réforme des dotations d'Etat engagée en 2003. La loi de finances pour 2004 posait déjà les bases d'une réforme d'envergure des concours aux collectivités. C'est dans la même logique de rationalisation et de péréquation que le Gouvernement propose aujourd'hui une profonde modification des mécanismes internes de répartition des dotations, tels que les règles d'éligibilité ou les formules de répartition. Parallèlement, le pacte de croissance et de solidarité est reconduit une nouvelle fois.

L'élément central de la nouvelle architecture qui nous est proposée consiste à assurer, pour chaque niveau de collectivité, une alimentation pérenne de la péréquation. En substituant la notion de potentiel financier à celle de potentiel fiscal, il s'agit aussi de mieux mesurer les écarts de richesse réelle entre collectivités, plutôt que de s'en tenir exclusivement à la richesse fiscale. A l'instar de celle des communes, la réforme proposée pour la dotation forfaitaire des départements vise à mieux prendre en compte la population. Le présent projet de loi de finances, et celui, à venir, relatif à la cohésion sociale, retiennent une réforme du mode de calcul des dotations répondant à l'objectif de péréquation fixé par l'article 72-2 de la Constitution.

Le projet de réforme de la DSU repose sur un constat simple : il existe encore une trop grande disparité entre communes, les plus pauvres n'ayant même pas de quoi financer leur fonctionnement minimal. La réforme proposée se veut pratique et simple. Selon Mme Catherine Vautrin, il s'agit à la fois d'accorder un montant de DSU à répartir plus important et d'organiser une meilleure répartition de la ressource. Je souscris pleinement à ce double objectif, en vertu duquel le projet prévoit d'augmenter la dotation de 120 millions par an pendant cinq ans, afin de doubler le montant global à l'horizon 2009, et de ne consacrer cette somme supplémentaire qu'aux 124 communes dotées d'une ZFU parmi les huit cents bénéficiant de la DSU. Au final, la DSU devrait représenter 5 % - contre 3 % aujourd'hui - du montant global de la DGF.

De même, il s'agit de majorer la dotation de solidarité rurale au profit de 1649 bourgs-centres situés en ZRR. Toutefois, cela ne doit pas se faire au détriment de la dotation forfaitaire destinée aux autres communes. Des marges existent pour éviter une telle situation qui serait difficilement explicable au plan local. Notre rapporteur général a fait accepter par le Gouvernement un amendement tendant à proposer une progression de 1 %. C'est bien, mais encore en deçà des niveaux qui auraient pu être envisagés. Souscrire à cette initiative parlementaire ne coûterait que 56 millions, à rapprocher des 91,6 millions attendus de la régularisation de la DGF au titre de 2003. Je suggèrerai que la progression soit égale à l'inflation estimée pour 2005, qui traduit déjà mal l'envolée des prix des produits pétroliers et des matières premières. Et ne peut-on autoriser l'inscription par anticipation, dans les budgets primitifs des collectivités territoriales, d'une part de la régularisation au titre de la DGF pour 2004 ?

Ce projet garantit aux collectivités un financement équitable des transferts de compétences et il renforce la péréquation. C'est pourquoi la commission des Lois a émis un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi - Ce budget est l'un des plus importants, et de son montant, de sa pertinence, dépend le respect de la première des libertés, celle pour chacun de vivre en sécurité, sécurité sans laquelle il n'est pas de cohésion sociale.

M. Jean-Pierre Blazy - Et sans emploi ?

M. Christian Estrosi - Depuis deux ans, nous avons eu le courage d'aborder sans tabou tous les phénomènes de société qui ont contribué à la montée de la violence - délinquance des mineurs, défaillance parentale, mendicité en bandes agressives, occupation de halls d'immeubles, occupation de terrain...

M. Daniel Vaillant - Et la violence ?

M. Christian Estrosi - ...Rompant ainsi avec cinq années d'immobilisme,...

M. Guy Geoffroy - De recul !

M. Christian Estrosi - ...pendant lesquelles la délinquance avait augmenté de 16 %. L'an dernier, elle a diminué de 3,8%, en septembre de cette année elle a baissé de plus de 4 %. Le taux d'élucidation, de 25% l'an dernier, est passé, sur huit mois de cette année, à 28%.

M. Jean-Pierre Blazy et M. Christophe Caresche - Enorme !

M. Christian Estrosi - Ce budget, en hausse de 3% conforte l'action engagée ; au terme de son exécution, 68% des objectifs fixés par la LOPSI auront été atteints.

Ce budget met aussi en œuvre la réforme des corps et des carrières. Il accroît considérablement les moyens de la sécurité civile. Enfin, il assure un financement loyal de la décentralisation, dans le respect de l'autonomie financière des collectivités locales. Certains présidents d'exécutifs locaux de gauche essaient, de façon démagogique, de faire croire qu'ils vont augmenter la fiscalité parce que, dans le cadre de la décentralisation, nous aurions transféré des compétences sans moyens. Vous vous êtes engagé, Monsieur le ministre des collectivités locales, à financer ces transferts à l'euro près. Eux ont fait voter la loi démocratie de proximité, le transfert des services d'incendie et de secours sans les moyens équivalents, ...

M. Daniel Vaillant - C'était en 1996 !

M. Christian Estrosi - ...celui de l'APA, avec 25% des crédits nécessaires,

M. Francis Delattre - C'est du socialisme appliqué.

M. Christian Estrosi - ...et ont laissé les collectivités assumer la totalité du surcoût dû aux 35 heures,...

M. Guy Geoffroy - Scandaleux !

M. Christian Estrosi - Certaines collectivités, qui préfèrent les dépenses de fonctionnement à l'investissement, vont donc augmenter leur fiscalité. Mais il s'agit surtout d'honorer des promesses électorales qui ne relèvent en rien des compétences des départements et des régions.

M. Guy Geoffroy - Tout à fait !

M. Christian Estrosi - C'est de la démagogie pure et simple. Les exécutifs présidés par des responsables de droite n'augmenteront pas leur fiscalité. La comparaison sera éclairante. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Ce budget d'action s'inscrit dans la droite ligne des précédents. L'acte I de la bataille contre l'insécurité a été de rompre avec le fatalisme pour obtenir des résultats probants. Nous n'avons pas à rougir d'avoir rendu l'espoir à ceux qui ne croyaient plus en la capacité de l'Etat à faire respecter les lois de la République, et rendu confiance aux forces de l'ordre, auxquelles je veux rendre un hommage appuyé...

M. Christophe Caresche - Et partagé.

M. Christian Estrosi - Nicolas Sarkozy et vous-même leur avez rendu la considération. En effet, il n'y avait plus la moindre considération pour eux...

M. Jean-Pierre Blazy - Grossière caricature !

M. Christian Estrosi - Il y avait même de la défiance envers les policiers et les gendarmes.

M. Jean Roatta - C'est la réalité.

M. Christian Estrosi - Les résultats sont au rendez-vous. Nous avons brisé la spirale de la délinquance.

Mais si nous avons remporté cette première bataille, nous sommes loin d'avoir gagné la guerre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) Restons modestes. Confirmer les résultats obtenus et s'adapter aux nouvelles formes de la criminalité, tel sera l'acte II de notre combat. Malgré ce que prétendent certains, la sécurité reste une valeur fondamentale pour les Français. S'ils ont repris confiance en l'Etat, la violence n'en demeure pas moins une réalité. La délinquance a su s'adapter pour contourner la loi. Sachons nous adapter à notre tour. Nous savions d'ailleurs que la LOPSI devrait évoluer.

Ainsi, malgré un bilan très positif, nous sommes en droit d'attendre plus de résultats des groupes d'intervention régionaux. J'apprécie que ce budget donne autant d'importance au recrutement de nouveaux fonctionnaires pour la police scientifique et technique car nous fondons beaucoup d'espoirs sur le fichier national automatisé des empreintes génétiques. En Grande-Bretagne, il comprend 3 millions de noms ; l'an dernier il y en avait 3000 sur le nôtre. Nous devons impérativement atteindre les 500 ou 600 000 noms dans les années qui viennent. Les moyens consentis dans ce budget doivent permettre de rattraper une part importante du retard, pour mieux lutter contre les crimes, notamment les crimes sexuels.

Pour lutter contre la cybercriminalité, nous avions fait adopter deux amendements dans la loi sur la sécurité intérieure au sujet des perquisitions informatiques. Je regrette que les opérateurs de télécommunications ne soient pas plus coopératifs : il faut agir fermement dans ce domaine.

Pour être efficace, à côté de votre action forte, déterminée, ambitieuse, il faut aussi une meilleure coordination avec la Justice et l'Education nationale. Comment ne pas s'interroger quand le travail des forces de l'ordre est remis en cause par le fonctionnement inégal de la Justice ? Je pense aux multirécidivistes, à de véritables monstres comme Fourniret ou Bodin qui, relâchés, purent nuire de nouveau. Nous avons déposé une proposition de loi pour lutter plus efficacement contre la multirécidive et nous souhaitons obtenir des résultats.

Je m'interroge aussi sur l'application de certaines dispositions de la loi sur la sécurité intérieure. Comment accepter qu'il n'y ait eu depuis le début de l'année que 266 procédures judiciaires engagées avec suite pénale pour l'infraction relative aux réunions dans les halls d'immeuble ?

M. Christophe Caresche - Cela ne marche pas.

M. Christian Estrosi - Il ne faut fermer les yeux sur aucune forme de violence. Oui, la violence scolaire a augmenté, et peut-être le temps est-il venu de prendre de nouveaux moyens pour l'enrayer ; je pense notamment à l'affectation de policiers sans armes et en civil, ou encore à l'établissement de conventions entre les collectivités locales et l'Etat pour installer des dispositifs d'alarme et de télésurveillance dans les établissements les plus sensibles.

Nous devons aussi réagir devant la criminalité barbare importée des anciens satellites de la défunte Union soviétique : le détournement du droit d'asile, pourtant considérablement limité grâce à la réforme de l'OFPRA, permet à des individus affranchis de toute règle de vie en société de sévir dans nos villes. Il faut avoir le courage de reconnaître certaines vérités : une étude publiée par l'IHESI montre qu'une part très importante de la délinquance est imputable à des Français originaires de l'étranger et à des étrangers présents sur notre sol.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas relâcher notre vigilance. Les Français nous ont fait confiance pour enrayer la hausse de la criminalité, ils nous demandent d'aller encore plus loin : nous savons que vous ne les décevrez pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Braouezec - Je limiterai mon intervention à la sécurité intérieure, renonçant, faute de temps, à évoquer les autres sujets, en particulier les collectivités locales, bien qu'il y ait beaucoup à dire.

L'Intérieur est l'un des rares ministères à afficher un budget en hausse pour la troisième année consécutive. Comme ceux de la défense et de la justice, il est privilégié dans les choix de ce gouvernement, mais au détriment des autres, et il ne suffit pas pour que les gens se sentent en sécurité qu'il y ait plus de policiers dans les rues : avec l'abandon de toutes les politiques de solidarité, on les fait vivre dans un climat d'insécurité sociale.

Il semble bien que ce choix d'une politique sécuritaire soit dicté par l'ambition de devenir le meilleur élève de l'Europe dans un domaine qui pourrait, après un vote unanime du Conseil, devenir de la compétence exclusive de l'Union.

Que 54% des crédits du ministère aillent à la sécurité intérieure pourrait être un bien si cela se traduisait par une amélioration des relations entre les citoyens et la police et un partage équilibré entre prévention, dissuasion et élucidation. Certains ont voulu croire à l'efficacité de la prime au mérite, pourtant bien contestable ; les 10 millions qu'on veut y consacrer pour renforcer une culture de la performance aux effets néfastes ne seraient-ils pas mieux utilisés à une autre fin ?

Certes l'augmentation du budget va être partiellement utilisée à des créations de postes, mais comment comprendre que, dans l'ensemble de la fonction publique, aucun programme n'ait été établi pour faire face aux départs à la retraite attendus ? Souhaitons que les 1000 postes créés permettent d'améliorer le service rendu aux usagers. Certes une baisse de la délinquance de 3,81% paraît encourageante, mais soyons attentifs aux réalités que recouvre ce chiffre : certains délits, notamment les vols avec violence, sont en augmentation ; en outre, de plus en plus de victimes renoncent à porter plainte.

Toujours à propos des effectifs, j'insiste sur la nécessité d'une juste répartition. Comme maire de Saint-Denis, je constate que la police de proximité tend à disparaître. Les effectifs ne sont toujours pas revenus à leur niveau de l'année 2000. Or, il faut tenir compte non seulement du nombre d'habitants - 88 000 -, mais du nombre de personnes - salariés, étudiants, touristes - qui viennent chaque jour -plus de 200 000.

Le nouveau commissariat de la Plaine-Saint-Denis, dont l'ouverture est prévue début 2006, devrait permettre de mieux répondre aux besoins, avec l'arrivée d'une centaine d'agents. J'ai proposé que le recrutement commence dès 2005, afin de renforcer le commissariat existant et les deux bureaux de police : qu'en est-il ?

En conclusion, ce budget d'orientation libérale et sécuritaire, axé sur la répression, ne peut nous satisfaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Christophe Lagarde - Une discussion budgétaire est toujours l'occasion d'un bilan et d'une projection.

Le bilan. La priorité accordée à la sécurité, affichée dès l'entrée en fonctions de ce gouvernement, commence à porter ses fruits. La courbe de la délinquance s'inverse, et nouveauté intéressante, c'est également vrai désormais dans les zones de gendarmerie. Les taux d'élucidation sont en progrès constant. En revanche, les violences aux personnes augmentent de 6,9 % ; il semble que la politique de sensibilisation aux violences conjugales soit la cause principale de ce chiffre, mais nous aimerions en avoir confirmation.

Incontestablement, en dépit de l'enthousiasme de certains, nous sommes loin d'avoir réglé tous les problèmes. S'agissant des halls d'immeuble, il faudrait que nous corrigions ce que nous avons fait dans la LOPSI, puisque la jurisprudence l'a invalidé : les policiers n'ont plus la possibilité d'agir. Peut-être faudrait-il que ces squats relèvent de la contravention, plutôt que d'être considérés comme délits dès lors que c'est désormais inopérant.

M. Jean-Pierre Blazy - Nous l'avions prévu !

M. Jean-Christophe Lagarde - Depuis deux ans, l'évolution est donc plutôt positive. Après le bilan, la projection pour 2005 nous permet de constater que la LOPSI est globalement respectée, tant pour l'effort de recrutement que pour l'équipement.

M. Jean-Christophe Lagarde - En ce qui concerne les gendarmes, je vous remercie, Monsieur le ministre, de l'accélération à laquelle vous procédez. Elle était nécessaire, compte tenu du léger retard qui avait été pris. Nous savons que 1782 gendarmes qui opéraient dans les zones de police ont pu réintégrer les zones de gendarmerie, mais j'aimerais savoir, réciproquement, combien de policiers opérant dans les zones de gendarmerie ont réintégré les zones de police.

En ce qui concerne la police, la LOPSI prévoyait 6500 recrutements, dont 4500 actifs. Nous atteindrons cette année le chiffre de 2150. Il restera donc 2300 policiers actifs à recruter dans les deux prochaines années, ce qui n'est pas un faible enjeu, en particulier au regard des capacités de formation des écoles de police.

Enfin, les engagements en matière de personnels administratifs sont respectés.

S'agissant des équipements, l'effort immobilier s'accélère, mais j'approuve ce qui a été dit au sujet de la nécessité d'offrir des conditions de vie sûres et dignes à nos fonctionnaires, tant dans les commissariats que dans les gendarmeries. Je déplore par ailleurs la faiblesse persistante du parc automobile et la longueur des délais de transfert au privé. Il convient d'accélérer les choses, en particulier en région parisienne.

J'en viens à quelques questions. Le rapport de M. Le Fur fait état de la suppression de 881 postes de gradés - du grade de lieutenant à celui de commissaire - tandis que 633 postes seraient créés, du grade de gardien de la paix à celui de brigadier major. Je comprends que l'on veuille renforcer l'encadrement des jeunes policiers, mais je ne comprends pas la déflation annoncée au niveau des plus hauts grades.

Je me félicite que des effectifs de référence soient pour la première fois fixés et affectés aux commissariats, mais je voudrais que l'on prenne bien en compte pour les déterminer le lieu de commission des faits, qui n'est pas forcément celui où l'on va porter plainte. Il ne faudrait pas que cette possibilité donnée aux usagers fausse les statistiques.

Je sais, Monsieur le ministre, que vous êtes sensible à la situation du tribunal de Bobigny. Il est gardé depuis des années par des policiers qui ont été formés à la surveillance de la voie publique et que les délinquants sont donc habitués à côtoyer, ce qui fait qu'ils ne leur témoignent pas toujours tout le respect requis. Ne pourrait-on pas expérimenter une formule qui consisterait à affecter à la surveillance des audiences de ce tribunal certaines des forces mobiles dont nous disposons ? Elles seraient ainsi plus utilement employées que sur la voie publique.

Les commissariats auront des effectifs de référence, très bien, mais encore faut-il que ceux-ci vaillent pour toute l'année. Or, les mutations dénudent nos commissariats près de six mois par an, ce qui a d'ailleurs des effets sur la courbe de la délinquance. Je suggère donc qu'il n'y ait que deux mouvements par an et que l'on puisse garantir que pas un policier ne quittera son commissariat sans être immédiatement remplacé.

En ce qui concerne la fidélisation, la prime a été une bonne chose, mais il nous faut vraiment travailler davantage sur le logement, en particulier en Ile-de-France, si nous voulons retenir les jeunes policiers. Je suis persuadé que l'on pourrait créer un partenariat entre collectivités locales et ministère de l'intérieur pour faciliter la création de petites unités de logement spécialement réservées aux policiers...

M. Christian Estrosi - C'est fait.

M. Jean-Christophe Lagarde - L'appréciation du groupe UDF sur ce budget, qui augmente de 3, 9 % et qui respecte les engagements de la LOPSI, est positive. Ah, si seulement celui de la justice suivait au même rythme ! Quoi qu'il en soit, nous vous soutenons dans votre effort, Monsieur le ministre, et nous voterons ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Blazy - Force est de constater que le budget de la police nationale marque le pas. S'il augmentait les années précédentes de 5,5%, cette année les crédits de paiement n'augmentent - comme on peut le lire, Monsieur le ministre, page 45 du rapport de M. Léonard - que de 1,95 % de LFI à LFI, et cela pour une inflation estimée à 1,7%. On peut donc dire qu'ils stagnent, ce qui est d'autant plus préoccupant qu'en 2004, les annulations de crédits ont représenté 85 millions d'euros.

Le budget 2005 est plus dominé par la poursuite de la réforme des corps et carrières, engagée par la gauche, que par l'exécution conforme de la LOPSI. Dès lors, deux hypothèses sont envisageables : soit le ministre de l'économie et des finances n'a pas daigné vous donner les moyens dont il avait pu bénéficier lorsqu'il était à votre place, soit vous considérez vous-même qu'il doit y avoir une réorientation de la politique de ce ministère. De fait, vous avez vous-même précisé que le bilan de votre prédécesseur n'était qu'un « tremplin », lorsque vous annonciez en juin dernier vos six chantiers. Le sixième chantier marquait même une rupture, puisque vous avez exprimé clairement votre refus de la discrimination positive.

Le bilan de la mise en œuvre de la LOPSI est beaucoup plus contrasté que vous ne voulez bien l'affirmer. Ce qui compte, c'est de savoir si la capacité opérationnelle de la police nationale s'est améliorée depuis deux ans. La gauche avait fait un effort important en 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Ce sont les emplois qu'elle a créés alors qui ont été pourvus. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Une grande partie des effectifs que vous avez créés attendent encore d'entrer dans une école de police, souvent depuis plus d'an. Quand les élèves qui sortent actuellement des écoles de police ont-ils réussi le concours ? Combien sont-ils, ces lauréats qui attendent de pouvoir intégrer les écoles ? Pendant qu'ils patientent chez eux, nous autres élus attendons ces policiers dont nous avons besoin ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Il y a de toute évidence un décalage entre le discours et la réalité ! Les crédits de formation ne sont pas à la hauteur et aucun ajustement des crédits des écoles de police n'est prévu, pour la troisième année consécutive.

Vous ne pourrez pas toujours reprocher à la gauche les conséquences de la RTT dans la police. La droite est bel et bien responsable des 800 départs anticipés à la retraite qui ont suivi la mauvaise réforme des retraites de 2003 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ainsi que de la diminution du nombre des ADS - 11 300 aujourd'hui, alors qu'ils étaient plus de 14 000 fin 2001.

Concernant la fidélisation des policiers dans la région parisienne, force est de constater que la « noria des départs » de l'Ile-de-France vers la province, selon l'heureuse expression de notre rapporteur Gérard Léonard, se poursuit à un rythme de plus en plus rapide. La gauche avait pourtant revalorisé le régime indemnitaire spécifique à cette région. Mais les départs à la retraite, massifs en province, créent un véritable appel d'air.

Le budget des moyens de fonctionnement n'est pas non plus meilleur que le précédent. On relève par exemple la poursuite de la baisse des crédits pour les enquêtes et surveillances, ainsi que ceux des services spécialisés de la police judiciaire.

S'agissant de l'équipement, le budget que vous proposez n'est pas à la hauteur. La faible augmentation des autorisations de programme ne saurait masquer le retard pris dans l'exécution des chantiers annoncés, à commencer par la construction des commissariats. Seul le programme Acropol tient ses engagements, malgré un coup d'arrêt en 2003 et 2004.

Je voudrais maintenant revenir sur les résultats de la lutte contre la délinquance. Les bons résultats apparents de votre prédécesseur ne sauraient masquer les réalités complexes de la délinquance, et les chiffres de M. Sarkozy ont surtout traduit la hausse de l'activité des forces de sécurité. Depuis près de 20 ans, la délinquance reste élevée, et avec un peu plus de 3,9 millions de faits constatés en 2003, M. Sarkozy n'a pas fait mieux que la gauche en 2000. En 2003, la violence sur les personnes a augmenté de 7,3 %, et de 7 % encore au premier semestre 2004. Et je ne parle pas de la violence scolaire !

M. Nicolas Perruchot - Et les faits élucidés ?

M. Jean-Pierre Blazy - Votre prédécesseur avait promis des statistiques fiables, mais nous attendons encore les premiers chiffres de l'Observatoire de la délinquance !

L'état 4001, avec ses 107 rubriques, multiplie les possibilités de qualification différente d'un même fait. Selon le rapport du sénateur de Montesquiou, 10 % des faits seraient mal classés, ce qui porterait alors à plus de 4, 3 millions le nombre de crimes et délits constatés.

M. Marc Le Fur, rapporteur - C'était la même chose avant !

M. Jean-Pierre Blazy - M. Sarkozy se targue du développement d'une culture du résultat. Serait-elle à l'origine de la manipulation des chiffres ?

La prime au mérite risque par ailleurs de briser l'esprit d'équipe...

M. Jean-Christophe Lagarde - C'est surtout le discours syndical !

M. Jean-Pierre Blazy - ...et elle a pu conduire à des dérives dans le maniement policier des statistiques, de l'aveu même des syndicats de policiers. Et que dire de la multiplication des défaillances policières soulignées par un rapport de l'IGPN, de l'augmentation des saisines disciplinaires internes, ou de celles de la commission de déontologie de la sécurité !

Les GIR ne sont pas parvenus à éradiquer la criminalité structurée autour de l'économie souterraine, et le redéploiement police-gendarmerie n'a pas davantage modifié la géographie de la délinquance. Voyez l'article paru dans Le Figaro.

Vos propositions budgétaires pour 2005 sont en retrait par rapport aux deux premières années de la LOPSI, sans parler des déficiences de l'exécution budgétaire de votre prédécesseur. Les coups médiatiques n'ont pas toujours été suivis par les actes.

Enfin, la présentation très imprécise de la préfiguration des projets annuels de performance augure mal de la lisibilité du budget 2006.

Dans ces conditions, on peut s'interroger sur la sincérité de ce budget, que le groupe socialiste ne votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) .

M. Alain Marsaud - Je centrerai mon propos sur deux chantiers, marqués par deux sinon trois décennies d'échec des grandes politiques publiques. S'agissant tout d'abord de la lutte contre le trafic de stupéfiants, Jean-Luc Warsmann vous a fait de nombreuses propositions que j'approuve, tout en regrettant l'absence d'un pan entier sur le problème de l'usage. N'oublions que c'est la demande qui appelle l'offre, et que celle-ci trouvera toujours le moyen d'exister tant que la première perdurera.

Souvenez-vous de ce très beau film, « Trafic », de Steven Soderbergh, où le procureur fédéral américain en charge de la lutte contre les stupéfiants réalise que dans sa propre salle de bains, sa fille se drogue. Le problème des stupéfiants n'est pas limité à la Colombie ou au Triangle d'Or, il existe aussi dans nos collèges, nos associations, nos clubs, nos familles. Sans aller jusqu'à la peine de mort comme cela se pratique à Singapour, il est temps pour nous de réagir !

J'en viens maintenant au chantier de l'immigration. J'ai cru comprendre que vous prôniez une immigration choisie, plutôt qu'une immigration subie. C'est vrai qu'à force de mettre l'accent soit sur l'accueil, soit sur l'éloignement, plus personne ne s'y retrouve aujourd'hui dans l'enchevêtrement des dispositions.

Un an après le vote de la loi du 26 novembre 2003, certains décrets d'application n'ont toujours pas été publiés...

M. Jean-Christophe Lagarde - C'est vrai !

M. Alain Marsaud - ...notamment en matière d'attestations d'accueil délivrées par les maires, ou de regroupement familial.

M. Jean-Christophe Lagarde - Très bien !

M. Alain Marsaud - Face au flot des nouvelles arrivées, l'administration reste sans réponse.

Cela étant, la France a besoin de talents extérieurs, et doit pouvoir accueillir les étudiants ou les salariés les plus motivés qui répondent à nos besoins. Prenez exemple sur la Chine qui accorde des visas de dix ans à des « éléments moteurs de l'immigration », dans les domaines de la technique, du commerce, du high tech, de l'enseignement ou de la culture. Evidemment il ne faut pas dépouiller les pays concernés de leurs meilleurs éléments. Nous ferons des propositions à e sujet.

Il nous importe aujourd'hui de vous donner les moyens financiers de vos chantiers , car aujourd'hui est enfin venu le temps de l'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. Nicolas Perruchot - Les dernières statistiques de la délinquance ont confirmé la tendance favorable des deux dernières années. Ainsi, sur les neuf premiers mois de l'année, les crimes et délits ont diminué de 4% par rapport à la même période de l'année 2003.

Les crédits pour 2005 sont à la hausse, et ceux de la police nationale augmentent de 1,96 % - 5,8 milliards d'euros. On peut légitimement s'interroger sur la répartition de ce budget entre les différentes missions du service public de la sécurité, mais l'on ne peut nier les bons résultats de la lutte contre l'insécurité.

M. Paul Giacobbi - Ce n'est pas mieux qu'avant !

M. Alain Marsaud - A Blois, la délinquance en centre ville a diminué de 37 % entre le 1er janvier 2001 et le 2 novembre 2004, tandis que la délinquance de voie publique reculait de 7 %. Le nombre des cas élucidés s'est accru de 50% et le nombre des voitures incendiées a diminué. Ceci s'explique en grande partie par l'augmentation des effectifs de policiers, qu'ils soient nationaux ou municipaux. La complémentarité des deux polices est en effet fondamentale. La circulaire du 26 mai 2003 détermine l'ensemble des compétences des polices municipales, notamment en matière de police judiciaire, et précise les moyens juridiques dont elle dispose. Elle prévoit également un renforcement de la coopération avec la police et la gendarmerie nationales. Ainsi, les conventions de coordination doivent prévoir les modalités de remise aux forces de sécurité de l'Etat des délinquants appréhendés en flagrant délit par les polices municipales.

Cette question des effectifs dépend également de l'aménagement du temps de travail des policiers, qu'il a fallu mettre aux 35 heures alors que la population réclamait plus de fonctionnaires. Dès lors, comment comptez-vous maintenir les résultats obtenus en matière de sécurité urbaine, sachant qu'une pression accrue de la police nationale est indispensable ?

M. Jean-Christophe Lagarde - Très bien !

M. Nicolas Perruchot - Quid de la fidélisation des policiers affectés dans les quartiers sensibles ? La modulation de la prime de logement me semble insuffisante pour y parvenir. Quelles mesures comptez-vous donc prendre ?

Les GIR interviennent sur l'initiative conjointe du préfet et du procureur de la République. Je souhaiterais que les maires aient leur mot à dire. Il semble, de plus, que dans les petits départements, l'implication du GIR dans la lutte contre le blanchiment d'argent soit souvent moindre que dans d'autres zones. Quel est donc leur bilan depuis leur création et comment expliquer de tels déséquilibres ?

Enfin, concernant la prévention de la délinquance, nous avons commencé un important travail avec Nicolas Sarkozy et un texte était en préparation. Qu'en est-il ?

La lutte contre l'insécurité doit être globale...

M. Guy Geoffroy - C'est exact.

M. Nicolas Perruchot - Une vigoureuse politique de prévention doit être encouragée. La création des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance est de ce point de vue pertinente, mais il manque encore une véritable coordination des forces de sécurité intérieure et des services de la justice. Le budget du ministère de la justice doit donc être en adéquation avec celui du ministère de l'intérieur, car la sécurité des Français est à ce prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Bernard Derosier - Il sera difficile aux collectivités territoriales d'équilibrer leur budget sans recourir à l'impôt. La loi de 2003, avec la décentralisation du RMI et la création du RMA, mais aussi les lois sur la sécurité civile et les responsabilités locales bouleverseront durablement la structure des budgets locaux et donc les politiques locales.

M. Guy Geoffroy - C'est une contre vérité !

M. Bernard Derosier - L'examen du volet sécurité civile et collectivité territoriale de ce PLF révèle les incohérences d'une politique plus soucieuse d'affichage et de transferts de charges que d'une décentralisation dotée de réels moyens. La hausse de l'ensemble des concours de l'Etat de 2,87 % me semble bien insuffisante au regard des charges nettes que l'Etat s'apprête à transférer, et je ne tiens pas compte des désengagements progressifs de l'Etat des contrats de plan Etat-région. Aucune information stable n'est à ce jour disponible, aucun décret d'application n'a été pris, si ce n'est dimanche, celui fixant la composition et le fonctionnement des SDIS. Le conseil supérieur de la fonction publique territoriale n'a d'ailleurs pas été saisi pour émettre un avis sur ce décret, bien que huit représentants des sapeurs pompiers professionnels en fassent partie.

Seule une perspective se dessine nettement : ce sont les contribuables locaux qui paieront la modernisation de la sécurité civile et les pots cassés du prétendu acte II de la décentralisation. A moins de deux mois de l'ouverture de l'exercice budgétaire de 2005, nous ne sommes pas en mesure de déterminer ce à quoi pourront prétendre les collectivités territoriales en contrepartie des transferts de compétences. Le nombre des personnels qui seront transférés est impossible à apprécier : on s'accorde pour estimer qu'environ 130 000 agents de l'Etat seront concernés. En ce qui concerne les TOS, le ministère de l'éducation nationale évalue leur nombre à 97 472 et 3 116 dans les DOM, ce qui équivaudrait à 93 400 équivalents temps plein. Or, si l'on se fonde sur le rapport de M. Daubresse, on aboutit à 96 600 équivalents temps plein. Qui croire ? Pire, il est désormais admis juridiquement qu'il existe des écarts importants entre les besoins de TOS et les effectifs réels de ces personnels.

Je m'étonne que ce soit dans la presse que M. Copé ait annoncé que le montant des nouvelles compétences atteindra 9,5 milliards par an au lieu des 11 milliards prévus initialement : les calculs ne sont pas encore faits, aucune appréciation contradictoire n'a eu lieu et je ne pense pas que les élus locaux aient été consultés. Plus généralement, le décret précisant le calcul du transfert des charges d'investissement n'a pas été pris.

Par ailleurs la loi de modernisation de la sécurité civile désigne le département comme principal financeur des SDIS sans prévoir de contreparties aux nouvelles obligations ainsi assignées. Le schéma départemental de couverture et d'analyse des risques doit en outre être élaboré en cohérence avec de nouveaux dispositifs de prévision et de planification, ce qui induira une inflation des coûts. La création de l'Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs pompiers dont le financement est assuré par une cotisation des SDIS n'a donné lieu à aucune compensation de l'Etat.

Le financement du congé pour difficultés opérationnelles revient aux SDIS qui devront prendre à leur charge 75 % de la rémunération des pompiers bénéficiant de ce congé, ainsi que le recrutement et la formation de leurs remplaçants. Encore une nouvelle charge qui ne sera pas compensée.

M. Guy Geoffroy - Tout sera compensé.

M. Bernard Derosier - Enfin, la dotation du fonds d'aide à l'investissement des SDIS s'élèvera cette année à 65 millions pour 95 services départementaux : cette prévision témoigne d'un certain mépris pour les collectivités locales. Le PLF propose de compenser provisoirement les transferts en question par l'attribution d'une part fixe de la fiscalité nationale. Or, cette mesure sera insuffisante : la taxe sociale sur les conventions d'assurance doit être attribuée à hauteur de 0,91 % aux départements. Cette fraction non modulable devra couvrir les compétences transférées à hauteur de 126,26 millions, mais aussi une partie du financement des SDIS, cette dernière part de 900 millions, se substituant à un versement de la DGF de 880 millions : le différentiel de 20 millions tient lieu de participation financière de l'Etat au financement de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs pompiers volontaires. Nous savons pourtant que ce mécanisme de retraite complémentaire coûtera 60 millions par an, ce qui signifie que les départements assumeront seuls les 40 millions d'euros restants.

De plus, la prétendue compensation par la taxe sur les conventions d'assurance est d'autant plus incertaine que sera abandonnée dès 2006 la départementalisation des plaques minéralogiques, ce qui rendra impossible la répartition de cette dotation. J'ai évoqué le problème lors de la discussion de la loi du 13 août : le Gouvernement et le président de la commission des lois ont jugé l'argument fantaisiste, mais nous ne savons toujours pas comment les calculs seront faits.

L'article 33 prévoit le transfert aux régions d'une fraction de la TIPP - 397,78 millions d'euros. Mais le secrétaire d'Etat au budget a admis ici même, le 22 octobre, que le produit de la TIPP diminuerait en 2004. Comment une région répondra-t-elle à une hausse des prix du carburant ? Devra-t-elle réduire le montant de la TIPP et sacrifier ses recettes, ou accorder des dégrèvements à certaines catégories de consommateurs, au risque de violer le principe d'égalité devant l'impôt ? Asseoir les compensations sur une seule ressource fiscale est un choix dangereux, et la situation actuelle milite assurément pour une rénovation de la fiscalité locale.

En ce qui concerne le RMI, les recettes de TIPP ne couvriront pas les dépenses des organismes payeurs. Le nombre des allocataires a augmenté de 10,5 % entre juin 2003 et juin 2004. L'avance de trésorerie que les départements se voient ainsi contraints de consentir à l'Etat s'élève à ce jour à plus de 200 millions, à rapprocher des 700 de la DGD. L'Etat remboursera-t-il les intérêts des avances que les départements auront sollicitées auprès des caisses d'allocations familiales ?

Ce projet de loi de finances ne respecte donc pas le principe constitutionnel de l'exacte compensation financière des compétences transférées. Il néglige l'importance de la péréquation entre collectivités et la nécessité de préserver une part déterminante de fiscalité propre dans les budgets locaux. J'invite donc mes collègues à rejeter, comme le feront les députés socialistes, les crédits de la sécurité locale et des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Carayon - Ce débat fournit l'occasion d'évaluer les actions de votre département ministériel, engagé depuis le début de l'année dans une nouvelle politique publique interministérielle, l'intelligence économique, dont j'avais défini le contenu et les finalités dans un rapport remis au Premier ministre il y a plus d'un an.

Cinq, puis sept expérimentations régionales ont été conduites sous l'autorité des préfets de Région et avec le concours de la société nationale ADIT. Vous souhaitez les généraliser et je m'en réjouis, car votre volonté rejoint les initiatives prises par vos collègues : durcissement des dispositifs juridiques destinés à prémunir nos industries stratégiques de prises de participation étrangères non désirées, création d'une délégation générale au ministère de l'économie et des Finances, mobilisation des ambassadeurs, réflexion sur les dépendances technologiques de nos industries de défense, renforcement de la sécurité des réseaux publics de communication, élaboration enfin, par le haut responsable à l'intelligence économique, d'un tronc commun d'enseignement et de formation.

Ces efforts sont louables, même s'ils sont tragiquement tardifs. La cécité de l'Etat face aux dispositifs publics et aux investissements privés étrangers, en particulier dans les technologies de l'information et de la communication, est incompréhensible, tout comme son incapacité à identifier jusqu'à présent le périmètre stratégique de l'économie nationale et à définir une stratégie globale de sécurité et de compétitivité adaptée aux marchés stratégiques. Votre département peut contribuer à cette politique nouvelle, génératrice d'emplois, d'émancipation technologique et d'influence politique.

L'action des préfets de régions doit être assise sur une base normative et administrative. Sans celle-ci, pas d'initiative, pas de courage, pas d'émulation, pas d'action, pas de résultat, pas d'évaluation. Ils identifieront les entreprises ressortant du périmètre stratégique de notre économie ainsi que les entreprises régionales présentant un intérêt spécifique. Les services déconcentrés de l'Etat, confortés par les expertises de leurs partenaires, disposent des outils nécessaires à cette évaluation, qui doit rester souple et actualisable.

Vous avez récemment déclaré que notre pays devait doter nos services de renseignement des meilleurs outils technologiques. J'ai souligné dans un rapport adopté par la commission des finances la pertinence de cette observation. Parmi les différentes technologies au service de la sécurité - biométrie, sécurité des réseaux, interceptions - les technologies d'analyse de l'information sont arrivées à maturité industrielle. Mais l'effort national est dispersé, ce qui freine la standardisation et l'interopérabilité entre les services, d'autant que chaque administration conserve jalousement son pré carré. Dans tous les domaines - textmining, datamining, géo-intelligence - la taille critique fait défaut.

A l'inverse, l'effort américain s'est concentré et intensifié, aboutissant à un changement de paradigme technico-opérationnel. Deux sociétés moyennes dominent le marché : l'américaine Verity et l'anglo-américaine Autonomy, dont le système vient d'être retenu par la DGSE. Ce choix m'a surpris en tant que parlementaire, d'autant plus que l'arrivée sur le marché d'IBM et de Microsoft risque de renforcer la dépendance technologique de nos services.

Notre retard peut être comblé au prix d'une impulsion politique majeure et d'une mutualisation des expertises et des investissements publics et privés. Cette procédure pourrait ressembler à un CEA des technologies de l'information, de la communication et de la sécurité.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial- Très bien !

M. Bernard Carayon - L'enjeu, considérable, est à notre portée. S'agissant des technologies d'analyse de l'information, il est urgent de conduire, derrière un leader, une stratégie industrielle fédérant nos pépites technologiques, et de construire une vraie doctrine de sécurité nationale à vocation duale, publique et privée, pour répondre aux menaces du terrorisme, de la guerre économique et de la cybercriminalité.

Dans un contexte d'infodominance, c'est un devoir pour l'Etat d'assurer son autonomie et de protéger la nation. Cette politique passe par des commandes publiques, par l'élaboration de réseaux de confiance, et par la création de fonds d'investissement spécialisés. La sécurité des systèmes d'information constitue de surcroît un champ de coopération pour les pays de l'Union européenne : il faut placer nos experts au sein de l'ENISA, l'agence européenne créée au début de l'année, et développer des standards et des investissements communs, afin d'éviter qu'à l'avenir des sociétés européennes comme ACOM soient rachetées par une américaine comme INTEL juste après avoir mis au point un processeur au standard RISC STRONGARM grâce à des financements communautaires.

Former les entreprises et les services de l'Etat aux vulnérabilités nouvelles, à l'identification de nos réseaux de soutien à l'étranger, aux acteurs nouveaux d'influence dans les organisations internationales ou aux outils de criblage de l'information stratégique sont autant de pistes à emprunter.

Je serais heureux que mon département du Tarn, et notamment le bassin industriel de Castres- Mazamet, soit le théâtre d'une expérimentation technologique de haut niveau, destinée en particulier à nos industries pharmaceutique et textile. Ce bassin industriel, retenu par le Premier ministre pour un « contrat de site » est en mesure de s'inscrire dans cette nouvelle politique publique.

Les acteurs locaux et nationaux y sont prêts. Nous attendons, Monsieur le ministre, votre soutien qui ne peut être qu'enthousiaste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Rudy Salles - Le Gouvernement s'est engagé à rétablir l'ordre républicain. Dans ce projet de loi de finances, vous avez donc tenu, Monsieur le ministre, à engager la troisième tranche de la LOPSI malgré un contexte budgétaire délicat. J'apprécie cette persévérance tout comme les 9 millions d'euros destinés à la création de 1000 emplois, dont 490 seront occupés par des gardiens de la paix.

Des moyens pour le fonctionnement des services de police sont également dégagés. Par ailleurs, la réforme des corps et carrières est un gage d'efficacité : après avoir insufflé un nouvel esprit à la police nationale, il devenait nécessaire d'établir une relation directe entre rémunération et responsabilités.

Je me réjouis de cette continuité, dont les effets bénéfiques se sont rapidement fait sentir. En 2003, le taux de criminalité et de délinquance a diminué de 3,38 %. Le taux d'élucidation sur l'ensemble du territoire est maintenant supérieur à 25 %.

En Provence-Alpes Côte d'Azur, la criminalité a diminué de 4 %. Dans les Alpes-Maritimes, la baisse est estimée à 3,45%. Ces succès suscitent beaucoup d'espoir chez nos concitoyens mais n'en demeurent pas moins fragiles.

Restaurer l'autorité de l'Etat est un objectif ambitieux qui exige des moyens. Si 68 % des crédits de la LOPSI sont désormais ouverts, le budget de la police nationale n'augmente que de 2 %, contre 5 % en 2004. Face aux bouleversements démographiques qui s'annoncent, nous reconnaissons tous l'urgence d'un redéploiement des policiers : les Français sont trop inégalement protégés. La répartition doit s'opérer en fonction de la géographie de la criminalité et des besoins spécifiques des quartiers difficiles. Cette mesure, qui est déjà partiellement entrée en vigueur, touchera 1 756 000 de nos concitoyens et se traduira en 2005 par la fermeture de sept commissariats. M. le rapporteur pour avis l'a souligné, les moyens dégagés ne suffiront pas à couvrir les besoins des personnes nouvellement protégées.

Je m'interroge sur le sort de l'agglomération niçoise. Comment les effectifs policiers seront-ils affectés ? Certes, selon le ministère, nous disposons d'un fonctionnaire de police pour 376 habitants, chiffre légèrement supérieur à la moyenne française et aux circonscriptions de même importance. En revanche, l'évolution de notre population et la spécificité de notre cité ne sont pas prises en compte. Cinquième ville de France, Nice attire de plus en plus de Français et de touristes, mais aussi de congrès et de manifestations internationales. Pourtant, nos effectifs de police ne suivent pas ces variations. En 1950, Nice comptait 240 000 habitants et 1 100 policiers, qui travaillaient 45 heures hebdomadaires ; en 2004, elle compte 400 000 habitants pour 919 policiers dont le nombre d'heures travaillées a naturellement diminué. Il y a donc beaucoup moins de fonctionnaires de police par habitant, alors même que la délinquance a considérablement augmenté et que des zones urbaines sensibles ont émergé. Le projet de loi de finances ne donne aucune garantie quant au respect de la spécificité locale dans le traitement de la délinquance. Si des progrès ont été accomplis, le sentiment d'insécurité demeure. Malgré une baisse de la délinquance de 6 %, la ville est loin d'être une cité tranquille. Au mois de mai , son cœur historique a été le théâtre d'affrontements entre bandes rivales. Les délits associés aux stupéfiants ont augmenté de 5 %, et les vols avec violence de 7 %. Ne devrait-on pas évaluer la LOPSI pour examiner les points qui ont moins réussi ? Je pense en particulier aux problèmes liés à la lutte contre la prostitution, car, au-delà du dispositif légal, il semble que les moyens ne permettent pas d'atteindre les résultats escomptés.

M. Jean-Pierre Blazy - Tiens !

M. Rudy Salles - Par ailleurs, nous enregistrons un taux d'élucidation des délits particulièrement bas - 19 % seulement.

Peu lisible, votre projet de redéploiement est souvent perçu comme angoissant. Les personnes qui sont régulièrement victimes d'incivilités s'inquiètent de voir un service de proximité quitter leur quartier, et la peur de voir à nouveau s'installer le désordre réapparaît. Comment expliquer à la population que votre projet ne se soldera pas par un abandon de l'Etat et des suppressions de postes ? Concrètement, pour Nice, le maintien et le renforcement des effectifs de proximité seront-ils assurés, de jour comme de nuit ainsi que les week-ends ?

M. Jean-Pierre Blazy - Très bonne question !

M. Rudy Salles - C'est pour rassurer la population - mais aussi les élus - que je vous demande des garanties sur l'application de vos orientations budgétaires au niveau local. Créer 1000 emplois est un projet valable. Mais nous devons savoir où ils seront affectés. L'année dernière, j'avais proposé de créer des « zones d'affectation prioritaire » de policiers. Cette hypothèse mérite sans doute d'être réétudiée par vos services. Des mesures incitatives devraient aussi être prévues pour les fonctionnaires acceptant de travailler dans les zones les plus difficiles.

Par ailleurs, si je me félicite de votre politique d'aide au logement en Ile-de-France, j'espère que l'agglomération niçoise en profitera enfin ! En effet, le niveau des loyers et le classement de la ville en zone d'indemnité de résidence réduite découragent beaucoup de fonctionnaires de rejoindre notre agglomération.

Enfin, les élus attendent avec impatience la parution des décrets d'application de la loi sur la maîtrise de l'immigration, car leur retard pose nombre de problèmes sur le terrain, notamment pour ce qui concerne les certificats d'hébergement.

La sécurité est une préoccupation essentielle de nos concitoyens. L'espoir renaît peu à peu. Ne trahissons pas la confiance qui est en train de s'installer, et assurons-nous que vos orientations auront une traduction concrète. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Blazy - On sent le doute dans ce propos !

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - J'ai reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 54 de la Constitution, M. le Président de la République a saisi le Conseil constitutionnel, le 29 octobre 2004, du traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé par la France le même jour.

Prochaine séance ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE


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