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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 19ème jour de séance, 44ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 5 NOVEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2005
      -deuxième partie- (suite) 2

      ENSEIGNEMENT SCOLAIRE 2

      QUESTIONS 25

      ETAT B TITRE III 34

      APRÈS L'ART. 73 34

La séance est ouverte à neuf heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005.

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

M. Yves Durand - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Je déplore que nous examinions le budget de l'éducation nationale, premier budget de la France, un vendredi matin, jour où peu de parlementaires peuvent être présents. Même M. le président de la commission des affaires sociales, pourtant si assidu d'ordinaire, ne peut pas être là. Et il en ira de même pour le budget de l'enseignement supérieur qui nous sera soumis lundi soir.

Par ailleurs, Monsieur le ministre, nous avons appris qu'à la suite du rapport de la commission Thélot, vous vous apprêtiez à livrer vos premières réflexions, voire vos décisions, à l'émission télévisée « 100 minutes pour convaincre ». Dois-je vous rappeler qu'en démocratie parlementaire, la loi s'élabore au Parlement ? Cette pratique est scandaleuse, et je souhaite que le président de la commission des affaires sociales réunisse cette commission avant le 18 novembre, date de l'émission, afin que vous donniez la primeur de vos réflexions aux représentants de la nation.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Je ne vous répondrai pas sur l'ordre du jour, qui relève de la Conférence des présidents, mais sur la seconde partie de votre intervention, particulièrement malvenue. Le Gouvernement n'a pas l'intention de révéler quoi que ce soit à la télévision, mais j'annoncerai dans les prochaines semaines les propositions retenues à la suite du rapport Thélot, ainsi que les grandes orientations de la réforme. Nous engagerons ensuite, jusqu'en décembre, un long travail de concertation avec les syndicats, avant de vous présenter un projet de loi. Il n'y a rien là que de très normal.

M. Yves Durand - Je persiste à demander la réunion de la commission des affaires sociales.

M. le Président - Votre demande sera transmise à son président.

Pour répondre à la première partie de vos observations, la Conférence des présidents a accepté l'organisation du débat.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan - Avec 56,5 milliards d'euros, ce budget est le premier de l'Etat, et lorsque nous l'aurons voté, tout l'impôt sur le revenu aura été consommé. Il est important que les contribuables s'en rendent compte.

Ce budget augmente de 2,55% à périmètre constant, et représente 20% du budget de l'Etat. 95% de ce budget sont consacrés aux dépenses de personnel.

En douze ans, ce budget a augmenté de 38% - soit de 14 milliards - et sa progression a été 2,5 fois plus rapide que celle du budget total de l'Etat. Durant cette période, le nombre d'élèves a diminué de 500 000 tandis que celui des enseignants augmentait de 70 000. Le coût de formation des élèves en France est l'un des plus élevés au monde après les Etats-Unis, et la Suède. En primaire, nous sommes passés, en moyenne, de 21 à 19 élèves par maître, et dans le secondaire, de 15 à 12.

Et depuis des années, l'actuelle opposition ne cesse de nous répéter que pour résoudre les problèmes de l'éducation nationale, il suffit de donner plus de moyens et de professeurs ! Que n'a-t-on entendu cette année ! L'éducation ne serait plus une priorité au prétexte que son budget n'augmente que de 2,5%. Nous instaurerions un système à deux vitesses parce que nous réduisons le nombre d'enseignants du secondaire ! Et que dire de l'ineffable Jack qui en rajoute encore !

M. Yves Durand - Ce n'est pas très élégant !

M. Christian Vanneste - Mais c'est vrai !

M. le Rapporteur spécial - Et ma parole est libre dans cet hémicycle ! Ce surcroît de moyens est-il au moins suivi d'effets ? Grâce au service national et, aujourd'hui, à la journée d'appel, on a pu constater qu'aucune amélioration ne s'était produite. Nous en sommes toujours à 12% d'une classe d'âge qui a des difficultés de compréhension, dont la moitié proche de l'illettrisme. Il n'y a pas davantage d'amélioration au niveau du taux d'exclusion précoce du système scolaire ou du nombre de sorties sans diplôme.

Sur le plan international, le programme international de suivi des acquis a permis d'évaluer 265 000 élèves de quinze ans, de toutes nationalités, en matière de culture scientifique, de culture mathématique, ou de compréhension de l'écrit. La France se classe douzième en culture scientifique, dixième en culture mathématique et quinzième en compréhension de l'écrit. Malgré un coût de formation par élève bien supérieur à celui des autres pays, la France n'est pas meilleure que la moyenne des pays de l'OCDE.

La formation des élèves du secondaire coûte en moyenne, dans l'OCDE, 6 500 dollars, contre 8 110 pour la France, soit 7 milliards d'euros de plus ! Alors que l'opposition n'a eu de cesse de nous épingler avec les 7 milliards de la soulte d'EDF, nous dépensons chaque année 7 milliards de plus que les autres pays de l'OCDE pour les élèves du secondaire, sans obtenir de meilleurs résultats !

Le rapport de la Cour des comptes de l'année dernière a fait apparaître que, dans le second cycle, un grand nombre d'enseignements est optionnel, ou en petit groupe, ce qui induit une baisse importante du nombre d'élèves par enseignant, laquelle a provoqué une hausse de près de 10% du taux d'encadrement en dix ans. Pourtant, selon ce même rapport, rien ne permet d'affirmer que la réduction permanente du nombre d'élèves par classe favorise la réussite scolaire, sauf pour les élèves en grande difficulté, public qu'il importe d'ailleurs de cibler, comme vous vous y employez, Monsieur le ministre, comme il importe de revenir à des classes de taille normale pour tous les autres élèves, notamment s'agissant des enseignements optionnels : à l'exception de l'Italie, dans aucun autre pays le ratio entre le nombre d'élèves et le nombre de professeurs n'est aussi faible que dans le nôtre.

Le rapport de la Cour des comptes dénonce également une très mauvaise utilisation de notre système de remplacements, même si on note un début d'amélioration depuis 2003.

Autre raison de ce mauvais rapport qualité-prix : l'inapplication de la règle selon laquelle lorsqu'un enseignant ne dispose pas d'un temps complet, il peut lui être demandé, à hauteur de la moitié de son service, d'enseigner une discipline voisine de la sienne.

L'idée selon laquelle tout irait mieux avec plus de moyens est fausse : les maux de l'enseignement proviennent d'une mauvaise organisation et d'un manque de responsabilisation. Votre administration, Monsieur le ministre, croit tout savoir mieux que tout le monde et la pression des sous-chefs de bureau est considérable, mais vous qui avez su, dans un autre ministère, mener à bien une réforme difficile, devrez demain en conduire une autre. La rationalisation des dépenses vous en donnera les moyens.

20% du budget sont consacrés à l'enseignement primaire et 40% à l'enseignement secondaire du secteur public, 12% au secteur privé et 28% au reste ; 1 000 postes sont créés dans le primaire pour faire face à une augmentation des effectifs.

M. Yves Durand - Qui se répercutera dans le secondaire !

M. le Rapporteur spécial - Assurément. C'est bien pourquoi il faut aujourd'hui diminuer le nombre de postes afin de les augmenter lorsque cela sera nécessaire. On dénombre 45 000 élèves de moins dans le secondaire où 3 400 postes sont supprimés, soit un poste pour treize élèves, ce qui est peu. Esquisse de rationalisation, 2 100 postes de maîtres auxiliaires et de contractuels sont supprimés. 800 postes administratifs sont également supprimés - mais le nombre de TOSS ne diminue pas - et 800 postes d'auxiliaires de vie scolaire sont créés car il faut en effet œuvrer à une meilleure insertion des élèves handicapés. Pour le secteur privé, conformément à la règle, ces mesures s'appliquent dans la proportion d'un cinquième. Au total, moins de un départ à la retraite sur dix n'est pas remplacé s'agissant des enseignants, et un sur deux parmi les personnels administratifs.

En ce qui concerne la gestion prévisionnelle des effectifs, pour la première fois depuis longtemps, nous saurons quel est le nombre de postes offerts aux concours, ceux qui sont créés, ceux qui sont supprimés. Cette gestion s'effectue sur plusieurs années : ainsi, je m'étais étonné du nombre de postes relativement important offerts aux concours d'EPS alors que les enseignants sont en surnombre...

Mme Nadine Morano, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - C'est vrai.

M. le Rapporteur spécial - ...mais d'après vos services, Monsieur le ministre, les besoins seront importants dans les trois années à venir.

Je note également de nombreuses mesures en faveur des personnels, notamment l'ajustement des crédits de pension à hauteur de 1,150 milliard.

A titre personnel, je partage les ambitions affichées par le rapport Thélot : parmi les fondamentaux, les élèves doivent maîtriser les trois modes de communication du XXIe siècle : la langue française, l'anglais, seule langue internationale de communication que les élèves du primaire doivent apprendre et, enfin, la communication numérique, structurellement adaptée aux cerveaux des jeunes enfants.

S'agissant de la mise en œuvre de la LOLF, comparé aux « bleus » illisibles, le nouveau document budgétaire marque un progrès, en identifiant une mission, six programmes, des indicateurs de performance. La commission des finances va travailler avec la Cour des comptes sur la mise en place de trois indicateurs : un indice synthétique d'activité qui permet de connaître le coût de formation des élèves par classe et par établissement, un indice synthétique de qualité et, enfin, un indice synthétique de performance. Je souhaite une modification du régime indemnitaire des chefs d'établissement et des professeurs en fonction des résultats de ce système.

En conclusion, le métier d'enseignant est l'un des plus beaux du monde. Faire éclore l'intelligence et la compréhension d'un jeune est une tâche magnifique. « Je vis que je réussissais, et cela me fit réussir davantage » écrivait Rousseau. Un élève persuadé par ses professeurs qu'il est bon le deviendra, un élève considéré comme mauvais finira, hélas, par ne plus rien y entendre. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Faire en sorte que tous les élèves de France soient convaincus d'être bons et réussissent, telle est la mission de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Rapporteure pour avis - Après la brillante analyse de notre collègue Jean-Yves Chamard, qui nous a démontré que l'enseignement scolaire était une priorité du Gouvernement, j'ai l'honneur de vous informer, Monsieur le ministre, que la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption de votre budget à la quasi-unanimité, une seule voix s'étant exprimée contre. L'opposition n'était en effet représentée que par une seule personne. Peut-être était-ce le signe d'un désintérêt pour le budget le plus important de l'Etat ? J'y vois plutôt celui d'un consensus discret sur un budget empreint de pragmatisme, que beaucoup pourraient qualifier de victoire du bon sens.

Un député UMP - Très bien !

Mme la Rapporteure pour avis - En dix ans, le budget consacré à l'école a augmenté de 25% alors que 150 000 jeunes quittent encore le système scolaire sans qualification. Il fallait donc sortir de cette spirale du « toujours plus de moyens », qui n'exigeait pas en retour les résultats sans lesquels cet effort légitime de la nation perdrait tout son sens.

C'est avec satisfaction que j'ai mesuré cette prise de conscience lors des auditions et des visites d'établissements que j'ai effectuées pour élaborer mon rapport. On peut la constater au vu de la faible mobilisation qu'ont suscitée les initiatives syndicales. Sans céder au catastrophisme, il est certain que notre système éducatif s'essouffle et a atteint un palier. C'est pour cette raison qu'une si forte aspiration à redéfinir les missions de l'école s'est manifestée dans le pays. L'école doit rester un vecteur de promotion sociale, ce qu'elle n'est plus aujourd'hui. Si le mal persiste, c'est que les remèdes passés n'étaient pas les bons.

Soyons attentifs aux préoccupations des enseignants, des parents d'élèves et des personnels de l'éducation nationale en faveur d'un système éducatif plus performant.

Dans le contexte de débat voulu par le Président de la République - et je salue ici Pierre-André Périssol, président de la mission parlementaire sur la définition des savoirs - je me suis intéressée aux conditions de la formation initiale et continue des enseignants.

A l'aube de 2010, ils seront près de 40% à partir à la retraite. C'est une chance historique pour renouveler notre système éducatif. J'y reviendrai : conformément à une nouvelle pratique instaurée par le président de notre commission, Jean-Michel Dubernard, je me réjouis en effet d'avoir pu mener une réflexion de fond sur un des aspects du budget.

Celui-ci s'élève à 56,59 milliards d'euros, soit près de 23% du budget de l'Etat, en progression de 2,55% par rapport à 2004.

Il est construit autour de cinq grandes priorités qui s'inscrivent dans la continuité de la politique engagée par le Gouvernement depuis 2002 : à l'école primaire, l'acquisition des savoirs fondamentaux et la prévention de l'illettrisme ; au collège, la mise en place des dispositifs en alternance est l'une des pistes retenues pour enrayer les sorties du système scolaire sans qualification ; au lycée, la revalorisation de l'enseignement professionnel est de nature à rompre la spirale d'échec dans laquelle s'enferment de nombreux élèves ; pour les personnels, enseignants ou non, une amélioration de la carrière est engagée, notamment sur le plan indemnitaire ; enfin, les efforts se concentrent sur certaines catégories d'élèves trop longtemps ignorés - élèves handicapés, élèves en rupture scolaire, élèves violents.

Ce budget maintient l'effort en faveur d'une meilleure gestion du système éducatif. Il est de notre devoir de mettre les moyens humains en cohérence avec les besoins des élèves. La répartition des moyens nouveaux prend ainsi en considération les besoins réels et des priorités claires.

94% du budget sont consacrés aux dépenses de personnel. Les moyens sont redéployés en fonction des évolutions démographiques et la gestion des personnels enseignants est améliorée. La résorption de la précarité se poursuit. Est ainsi prévue la suppression de 2 100 postes de maîtres-auxiliaires et de professeurs contractuels, qui est rendue possible par l'amélioration de la gestion des titulaires. 1 500 maîtres auxiliaires sont en effet devenus titulaires par concours en 2003 et 1 000 en 2004.

Le dispositif des assistants d'éducation et de vie scolaire est consolidé. Il bénéficiera de 42 800 personnes à la rentrée 2005. La transformation d'emplois de maîtres d'internat et surveillants d'externat en assistants d'éducation est également poursuivie, afin de leur permettre de bénéficier d'un statut plus avantageux.

Parallèlement, les crédits consacrés à la rémunération des emplois jeunes sont diminués de 65,5 millions d'euros. Ce dispositif précaire imaginé par les socialistes est en effet en cours d'extinction. Le contrat des aides éducateurs était fixé à cinq ans, sans aucun dispositif de sortie ni d'indemnisation. Le Gouvernement a donc signé une convention avec l'UNEDIC pour indemniser le chômage des emplois jeunes.

Vous nous proposez une réorganisation du travail administratif et une amélioration de la situation indemnitaire. Je tiens également à souligner le progrès que constitue la publication par le ministère des postes offerts aux concours de recrutement de l'année 2005 en même temps que le projet de loi de finances et que la rentrée des étudiants de première année à l'IUFM. Une présentation sur plusieurs années des besoins en personnels serait sans doute utile.

La politique éducative est ciblée sur trois priorités. Les nouveaux programmes de l'école primaire font de la maîtrise de la langue la première priorité et accordent une plus grande place à la lecture et à l'écriture, notamment grâce à la dictée, à l'apprentissage de la poésie et à la littérature pour la jeunesse.

La politique menée dans les ZEP et les REF constitue une deuxième priorité. Ce dispositif de réduction des inégalités concerne des aires géographiques dans lesquelles le cumul de handicaps fait obstacle à la réussite scolaire. Conscient de la spécificité de ces zones, le Gouvernement a porté le montant de l'indemnité de sujétion ZEP à 1 097,04 euros au 1er janvier 2004.

Enfin, dans la droite ligne des grands chantiers du chef de l'Etat et du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances et la participation à la citoyenneté des personnes handicapées, une action forte est menée en vue de garantir le droit à la scolarité des jeunes présentant un handicap ou une maladie invalidante ainsi que la continuité de leur parcours scolaire.

Je me réjouis que 800 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires soient recrutés pour la rentrée 2005 et formés à l'insertion des élèves handicapés pour un coût de 5,22 millions d'euros. Cela porte l'effectif total à 6 000 AVS en 2005.

Mieux former les enseignants est un des aspects essentiels de toute réforme de l'école. Les 31 Instituts universitaires de formation des maîtres, créés en 1990, ont accueilli, à la rentrée 2003, 86 027 étudiants et professeurs stagiaires et titulaires en formation de longue durée. Les auditions auxquelles j'ai procédé sur le terrain, notamment celle de ceux de M. Philippe Meirieu, directeur de l'IUFM de Lyon, me donnent à penser que la première année d'IUFM est une année de « bachotage » et la seconde, une courte année de formation professionnelle et de stage sans parachute.

L'organisation des IUFM est marquée par un péché originel : la présence du concours de recrutement au milieu des deux années de formation, voulue par Lionel Jospin, incapable de trancher entre les partisans du concours à l'entrée et ceux du concours à la sortie. La deuxième année de formation en alternance est donc trop courte, avec seulement neuf mois effectifs de formation.

La situation la plus préoccupante est toutefois celle des candidats inscrits sur la liste complémentaire, qui sont propulsés directement et sans formation ni préparation devant les élèves. Leur nombre a culminé à 6300 à la rentrée 2001-2002 mais, fort heureusement, la politique de recrutement menée par le Gouvernement a permis de le ramener à 3445 à la rentrée 2003-2004 et il doit encore diminuer.

Il est regrettable que les enseignants stagiaires ne soient pas formés à la conduite de la classe, à l'autorité, à la différenciation pédagogique, aux relations avec les parents, au travail en équipe... Cela pose le problème du contenu des modules.

La formation continue du corps enseignant est également à revoir. On ne sait d'ailleurs plus très bien si elle dépend des IUFM ou des rectorats.

Il est regrettable qu'elle ne soit pas obligatoire, que l'avis du chef d'établissement ne puisse jouer de rôle, que les formations collectives ne soit pas davantage développées et qu'elles n'aient aucune répercussion sur le déroulement de la carrière. Peut-être pourrait-on imposer de valider un certain nombre de modules pour bénéficier d'un avancement.

L'évolution du métier d'enseignant et la complexification de ses conditions d'exercice rendent nécessaire une évolution qualitative de la formation dispensée aux futurs enseignants, notamment par le biais d'un cahier des charges de la formation initiale, établi sous l'autorité du ministre par un collège d'experts.

Actuellement, la majorité des épreuves de concours portent sur la vérification des connaissances académiques, condition nécessaire mais pas suffisante pour dispenser un enseignement de qualité. Les concours ne permettent pas au jury d'évaluer le projet professionnel ni la motivation des candidats pour un métier qu'ils connaissent d'ailleurs mal.

Je considère donc que le concours d'entrée à l'IUFM devrait intervenir après la licence. Deux années de vraie formation professionnelle en alternance et rémunérée conduiraient ensuite à l'obtention d'un master - bac+5 -, diplôme validé au niveau européen permettant une mobilité sur le territoire de l'Union européenne. L'obtention du master, qui intégrerait l'évaluation des qualités pédagogiques, serait la condition de la titularisation. Cette réorganisation de la formation devrait s'accompagner d'une sensibilisation des étudiants de licence à la réalité du métier d'enseignant, qui exige à la fois une formation disciplinaire de haut niveau et une solide préparation à la pratique en classe. Cette articulation entre savoirs universitaires et compétences professionnelles est le défi que doivent relever les instituts.

Ceux-ci vont devoir accompagner l'évolution du métier d'enseignant en valorisant les épreuves à dominante professionnelle plutôt qu'académique. A terme, ils ont vocation à se transformer en de véritables instituts universitaires de professionnalisation et de formation des enseignants, faisant une plus large place aux formateurs associés continuant à exercer devant des élèves. Il faut encourager la polyvalence des futurs enseignants et développer leurs capacités à travailler en équipe ainsi qu'à nouer de bonnes relations avec les parents. La fonction essentielle de professeur principal doit également faire l'objet d'une formation spécifique.

A brève échéance, compte tenu des départs massifs à la retraite prévus à la fin de la décennie, le vivier des étudiants licenciés risque de devenir insuffisant pour satisfaire les besoins de recrutement. C'est pourquoi nous préconisons une ouverture beaucoup plus large du métier d'enseignants à des personnes s'étant déjà engagées dans un parcours professionnel et souhaitant se réorienter. Les expériences menées en la matière par l'IUFM de Lyon ont démontré qu'un recrutement plus ouvert était source d'enrichissement pour toute la communauté scolaire. Les passerelles vers l'éducation nationale doivent être facilitées et l'organisation de concours réservés visant à recruter des professionnels - issus notamment du monde de l'entreprise, insuffisamment représenté dans nos établissements - doit être envisagée.

Nous préconisons un renforcement de l'enseignement des langues étrangères dans le premier degré, en sollicitant de manière plus systématique les professeurs du secondaire, en faisant intervenir des lecteurs et en instituant des modules de langues obligatoires dans les IUFM.

S'agissant des primo affectations, tout doit être fait pour que l'enseignant débutant ne soit pas mis en difficulté...

M. François Rochebloine - Bien sûr !

Mme la Rapporteure pour avis - Son intégration doit faire l'objet d'un accompagnement organisé entre l'IUFM et l'établissement d'accueil, et il faut éviter que le débutant ne soit confronté aux milieux scolaires les plus difficiles.

M. Guy Geoffroy - C'est le bon sens !

Mme la Rapporteure pour avis - Les chefs d'établissement doivent piloter la formation continue de leurs équipes et veiller à ce que les nouveaux enseignants bénéficient de compléments de formation adaptés.

A l'évidence, c'est une réforme globale de la formation des enseignants qui est attendue, plutôt qu'une simple évolution du fonctionnement des IUFM. Force est d'admettre que l'école de la République ne répond plus - ou mal - aux besoins de tous les élèves. Ses performances présentent d'énormes disparités, sociales et territoriales et l'objectif de dispenser partout le même enseignement semble de plus en plus illusoire. La loi d'orientation que vous préparez tendra, Monsieur le ministre, à redonner tout son sens au principe fondamental de l'égalité des chances et à donner sa chance à chaque élève, quelle que soit son origine sociale. Il faut promouvoir le talent de chacun et c'est tout l'enjeu de ce budget, qui garantit aux personnels enseignants des conditions de travail améliorées et aux citoyens une école mieux adaptée aux réalités du temps. On comprend mieux, face à la concrétisation de telles ambitions, que l'opposition ait préféré sécher la réunion de la commission ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yvan Lachaud - L'école représente pour notre pays un triple enjeu stratégique. D'abord, parce qu'elle mobilise une partie importante du budget national ; ensuite parce qu'elle détermine l'avenir du pays ; enfin, parce qu'elle constitue le cadre essentiel de la formation à la citoyenneté. Si notre groupe se félicite que l'éducation reste la première priorité du budget pour 2005, il tient à réaffirmer que la question des moyens financiers n'est pas l'alpha et l'oméga de la réussite du système scolaire. Au reste, la Cour des comptes a relevé que, dans le second cycle, le taux d'encadrement a augmenté de près de 10% en dix ans, sans que rien ne permette d'affirmer que cette politique a permis d'améliorer les résultats des élèves. Pis, les études disponibles concluent à « l'absence d'effets significatifs et mesurables » de la réduction de la taille des classes, « sauf pour des publics en grande difficulté scolaire ». Au moment où les effectifs des élèves baissent dans le secondaire, comment ne pas accepter une diminution proportionnelle des effectifs des enseignants ?

Mais nous affirmons avec autant de force que les impératifs de bonne gestion et d'utilisation rationnelle des moyens ne doivent pas s'exercer au détriment des conditions d'étude des élèves et des conditions de travail des enseignants.

L'analyse du budget de l'éducation se concentre souvent sur l'évolution des effectifs des enseignants. Avec 1 000 créations de postes et 5 500 suppressions dans le secondaire, la balance sera, pour 2005, de moins 4 500 postes. C'est un chiffre qui, pris isolément, fait hurler certains ; mais il prend du sens si l'on rappelle que les effectifs de ce cycle d'enseignement diminueront de 44 700 élèves à la prochaine rentrée. Le groupe UDF sera attentif à ce que ces suppressions de postes n'affectent pas les élèves et soient compensées par une gestion plus rigoureuse des remplacements comme par l'emploi des enseignants qui se trouvent en sureffectif dans leur discipline. Nous sommes en outre particulièrement attachés à la réorganisation des options : il est primordial que les élèves voient maintenue l'offre d'options, en lycée professionnel, en STI, en BTS, en langues anciennes, vivantes et régionales. Du reste, les options sont de notre point de vue bien mal nommées, puisqu'elles sont indispensables pour assurer à tous une ouverture d'esprit complémentaire à celle offerte par les fondamentaux. Les langues régionales et les humanités ne sont pas un luxe pour les riches mais un besoin pour tous !

Monsieur le ministre, nous vous félicitons d'avoir retenu parmi les première priorités de votre action, le développement de la scolarisation des élèves handicapés, ce qui se traduira par la création de 800 postes d'auxiliaire de vie scolaire. L'objectif est de scolariser les élèves handicapés qui le peuvent, dans une classe ordinaire ou dans une classe d'intégration scolaire...

Mme la Rapporteure pour avis - C'est très important !

M. Yvan Lachaud - L'inscription dans l'école du secteur constitue une avancée considérable. La présence des AVS permettra de scolariser un plus grand nombre d'enfants handicapés, même si toutes les demandes ne pourront être satisfaites. L'effort en direction des établissements d'enseignement privé sous contrat d'Etat, avec l'augmentation du forfait d'externat, leur permettra d'assurer l'accueil et la scolarisation des enfants handicapés dans les mêmes conditions que les établissements publics.

C'est le complément indispensable du projet de loi relatif aux personnes handicapées, bientôt en nouvelle lecture devant notre Assemblée. Ce sujet est essentiel, car c'est en organisant la vie entre les élèves handicapés et les autres que nous ferons naître une nouvelle perception du handicap. C'est ainsi que nous formerons des citoyens plus solidaires, décidés à faire en sorte que chacun trouve sa place dans la société.

La prévention de l'illettrisme constitue un autre défi majeur. On s'accorde à dire que 15% des élèves ne maîtrisent pas la lecture à l'entrée en sixième. Le groupe UDF est sensible à l'idée d'un plan faisant de la maîtrise de la langue française la première des priorités dans tous les cycles. Des moyens ont été mobilisés pour constituer des classes à effectifs réduits, et une expérimentation de classes à effectif dédoublé dans des secteurs défavorisés a été lancée. Quels en sont les premiers résultats ?

Par ailleurs, la valorisation de l'enseignement professionnel est essentielle pour faire baisser le nombre de jeunes sans qualification.

M. Guy Geoffroy - Ab-so-lu-ment !

M. Yvan Lachaud - Ce doit être un axe prioritaire : rendre la voie professionnelle attirante pour ceux qui souhaitent une insertion professionnelle rapide répondant aux besoins du monde économique. La réhabilitation de l'apprentissage va dans le même sens. Il faut promouvoir « l'intelligence de la main », avec des possibilités d'enseignement professionnel en alternance dès la quatrième, pour aider des élèves en perte de repères ou réfractaires à l'enseignement théorique.

Autre sujet important, l'enseignement privé sous contrat. Les effectifs des élèves des établissements privés catholiques sous contrat ont augmenté de 13 000 à la rentrée 2003, sans qu'aucun emploi nouveau d'enseignant n'ait été accordé. A la dernière rentrée, les effectifs ont à nouveau connu une hausse de 4 000 et le budget annonce la suppression de 532 emplois, chiffre fixé en proportion de l'évolution des effectifs d'élèves et d'enseignants dans l'enseignement public - 138 créations dans le premier degré, 670 suppressions dans le second degré. Les répercussions ne sont pas minces : la saturation a atteint les établissements sous contrat, lesquels voient croître le nombre d'élèves par classe et ne savent pas comment rendre des emplois, ce qui entraîne un risque de développement du travail à temps incomplet non voulu. Posée en 1994, la règle des crédits limitatifs pose aujourd'hui problème. Il faut trouver une solution permettant de respecter la liberté de choix des familles.

Nous voulons croire que la hausse de 2,6% du budget de l'enseignement scolaire manifeste la bonne volonté du Gouvernement, au moment où se prépare la prochaine loi d'orientation et de programmation sur l'école. Pour nous, le rapport de la commission Thélot a soulevé de vraies questions - comment lutter contre l'échec scolaire? comment réduire les inégalités ? - et nous souscrivons à l'objectif de constituer un socle de connaissances indispensables, quitte à recentrer le système éducatif sur les apprentissages fondamentaux. Ces orientations ne doivent cependant pas remettre en cause le principe de l'accès de tous à la réussite.

Je veux d'ores et déjà vous féliciter, Monsieur le ministre, pour la concertation que vous avez mise en place avec les parlementaires dans la perspective de l'élaboration de cette loi sur l'école. Deux problèmes essentiels doivent être traités en priorité : le rapport à l'écrit - lecture et écriture - et la capacité des établissements scolaires à maintenir la paix dans les murs de l'école. Toute réforme doit d'abord viser à réduire le taux d'élèves ne sachant pas lire et écrire correctement à l'entrée en sixième - 15% aujourd'hui ; au reste, ce douloureux constat ne doit pas être ressenti par les enseignants comme une critique de leurs méthodes ou de leurs savoir-faire. La priorité des priorités pour l'éducation nationale, ce n'est pas de mettre à bas tout le système, mais de faire marcher ce qui existe !

Mme la Rapporteure pour avis - Tout à fait !

M. Yvan Lachaud - Il faut fixer un cap au corps enseignant, et, plutôt que de s'en prendre à l'organisation du système, demeurer exigeant sur les résultats. La réussite de toute réforme passe aussi par la qualité de la concertation avec tous les personnels concernés.

Le groupe UDF votera ce budget, car il est convaincu que l'école doit demeurer un service public accessible à tous et d'égale qualité sur tout le territoire. Nous voulons que notre système éducatif soit porteur d'une véritable ambition et que chaque élève reçoive l'enseignement le plus à même de le faire réussir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Yves Durand - Il y a plus d'un an, vous aviez promis aux Français de les écouter en organisant un débat sur l'école,...

M. Guy Geoffroy - C'est fait !

M. Yves Durand - ...avant de proposer une nouvelle loi d'orientation. Dans l'attente, on pouvait espérer que vous maintiendriez au moins ce qui existe. Hélas, il n'en est rien. Votre budget détruit un peu plus encore l'avenir de l'école (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - Tout en finesse !

M. Yves Durand - Notre école doit relever deux défis majeurs. Le premier est de passer de la massification à la démocratisation de l'enseignement. L'accès au bac de 68% d'une génération, contre 30% en 1980, est une révolution, qu'a permis la volonté politique de parvenir aux 80%, objectif que certains semblent vouloir abandonner aujourd'hui. Mais depuis plusieurs années, ce mouvement de démocratisation et d'élévation du niveau s'est interrompu. Davantage d'élèves quittent l'école sans qualification et les inégalités se creusent, comme en témoigne le rapport sur l'académie de Paris. Il faut offrir aux jeunes une réelle égalité des chances. Votre budget tourne le dos à cet objectif.

Le deuxième défi est de renouveler près de la moitié des enseignants dans les dix ans. Il est urgent de recruter. Or le nombre d'étudiants de licence devient insuffisant. En abandonnant notre politique volontariste de démocratisation du premier cycle du supérieur, vous asséchez le vivier des futurs enseignants.

Votre budget est dramatique pour l'avenir de l`école (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il va à l'encontre de ce qu'il faudrait faire pour relever ces deux défis.

D'abord, il aggrave les inégalités. Vous supprimez plus de 5 000 postes dans le secondaire après avoir supprimé les postes de surveillants et d'aides éducateurs.

M. Guy Geoffroy - Non, ça c'est vous !

M. Yves Durand - Depuis trois ans, ce sont 60 000 personnes environ que vous avez retirées des établissements. Vous prétextez la baisse des effectifs. Certes, elle est réelle, mais provisoire. Ils remontent déjà en primaire, donc remonteront en 6e dans deux à trois ans. Or, il faut quatre ans pour former un enseignant. De plus les crédits pédagogiques sont en baisse cette année encore. Par votre politique vous détruisez l'emploi dans l'éducation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - C'est vraiment énorme !

Mme la Rapporteure pour avis - C'est scandaleux !

M. Yves Durand - Ainsi les classes à projet d'action culturelle disparaissent. Les jeunes qui n'ont pas accès à la culture dans leur milieu d'origine seront pénalisés. De nombreuses options sont remises en cause, comme le souhaite le rapporteur spécial...

M. le Rapporteur spécial - C'est le rapport de la Cour des comptes !

M. Yves Durand - ...alors que la commission Thélot souligne l'intérêt des parcours diversifiés. Des disciplines entières, notamment des langues, sont condamnées par les restrictions budgétaires. Quant à la sécurité, votre principal argument électoral, elle n'est plus assurée de façon satisfaisante dans les établissements, selon les chiffres de vos propres services. Allez-vous laisser de plus en plus d'établissements recruter des vigiles privés, comme l'a fait le lycée de Blois, pour remplacer les surveillants que vous avez supprimés ? Ce sont les élèves les plus fragiles, les enseignants les plus jeunes, qui souffrent de cette situation. Dans ce domaine également, vous creusez les inégalités.

Certes, vous avancez 1 000 créations de postes dans le primaire. Mais d'abord il n'y en a que 700, le reste correspondant à des transformations statutaires de postes existants à Mayotte. Surtout, cela ne suffira pas pour encadrer les 55 000 nouveaux élèves attendus à la rentrée prochaine. Vous créez en fait un poste pour 71 élèves. Est-ce le taux d'encadrement auquel vous voulez aboutir ?

Qui paiera les conséquences de ce budget calamiteux pour l'école élémentaire ? C'est d'abord l'école maternelle, déjà attaquée par votre prédécesseur.

M. Guy Geoffroy - C'est indigne !

M. François Liberti - C'est exact !

M. Yves Durand - Ainsi l'académie de Lille avait consenti un effort particulier pour scolariser les enfants de deux ans. Aujourd'hui leur taux de scolarisation baisse et les effectifs par classe dépassent souvent trente élèves. Il est vrai que le précédent recteur, qui vient de rejoindre votre administration centrale, avait déclaré devant des enseignants médusés qu'on n'allait pas payer des « bac plus cinq » à regarder dormir les enfants.

Mme la Rapporteure pour avis - C'est vrai !

M. Yves Durand - Quel mépris pour l'école maternelle ! On sait pourtant son importance pour la suite de la scolarité.

Quant à l'école élémentaire, la commission Thélot estime qu'il sera plus facile de personnaliser les pratiques pédagogiques si l'équipe ne se réduit pas à un maître par classe. Cette individualisation de la pédagogie fait l'unanimité. Mais elle nécessite qu'il y ait plus de maîtres que de classes dans les écoles élémentaires. Nous avions donc engagé un plan pluriannuel de recrutement et favorisé l'embauche d'aides éducateurs. Vous avez supprimé tout cela.

Il est vrai, Monsieur le ministre, que vous vous réfugiez dans un silence réprobateur quand on évoque le rapport Thélot. Mais les rapporteurs voteront-ils un budget qui empêche de mettre en œuvre des recommandations auxquelles ils prétendent adhérer ?

Monsieur le rapporteur spécial, vous qui êtes apparemment un adepte des rapports de la Cour des comptes, ...

M. le Rapporteur spécial - Tout à fait !

M. Yves Durand - ...comment pensez-vous qu'on financera les mesures que vous préconisez pages 53, 54, 55 de votre rapport ?

M. le Rapporteur spécial - La Cour des comptes dit qu'on peut le faire.

M. Yves Durand - Par exemple, comment faire passer un examen de santé à chaque élève à chaque étape de sa scolarité, alors que vous ne créez pas un seul poste de médecin scolaire ? Allez-vous faire payer les familles ou les collectivités locales ?

M. le Rapporteur spécial - Par redéploiement.

M. Yves Durand - Le grand mot ! On sait ce que ça veut dire.

En ne relevant pas le défi que pose le départ à la retraite de près de la moitié des enseignants dans les dix ans, vous vous inscrivez bien dans la logique ultralibérale de baisse du nombre des fonctionnaires. Dans l'enseignement scolaire, cette baisse brutale, alors que le nombre de postes mis au concours diminue, provoquera inéluctablement, tous les syndicats le disent, une crise de recrutement dès 2007-2008. Mais où serez-vous alors...

M. le Rapporteur spécial - Sarkozy sera président !

M. Yves Durand - Le gouvernement Jospin, sous l'impulsion de Jack Lang... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) - il a laissé un meilleur souvenir que certains dont le nom était prestigieux dans le monde scolaire !

M. Guy Geoffroy - Ni Allègre ni Lang !

M. Yves Durand - Il avait programmé le recrutement de 185 000 enseignants sur cinq ans.

M. Christian Vanneste - Avec les résultats qu'on a dit tout à l'heure !

M. Yves Durand - L'une des premières mesures de votre gouvernement a été d'abandonner ce plan. Vous aviez bien repris l'idée de plan pluriannuel, ce qui avait fait renaître quelque espoir. A plus ample informé, il s'agit d'un plan pluriannuel de destruction de l'emploi dans l'éducation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy - Quel discours moderne. Exactement le même qu'il y a dix ans !

M. Yves Durand - Comme votre prédécesseur, vous tentez de masquer la réalité de ce budget calamiteux. Vous prétendez ainsi qu'il augmentera de 2,6% pour l'enseignement scolaire. C'est faux. En raison de divers transferts, dont celui des prestations sociales des personnels aux caisses d'allocations familiales, cette croissance n'est que de 2,2%. Et l'augmentation du coût des pensions en absorbe 2%, laissant 0,2% pour le reste. De ce fait, en tenant compte des prévisions d'inflation, le budget de l'enseignement scolaire baisse de 1,6% en euros constants.

Mme Martine David - C'est cela la réalité !

M. Yves Durand - Les Français ont pu débattre pendant des heures, une commission travailler pendant des mois, ce néant budgétaire exclut toute politique nouvelle. Le budget de l'éducation nationale qui représentait 3,4% du PIB en 2002, n'en représentera plus que 3,1% en 2005, hors pensions.

M. Xavier de Roux - Mais comptez donc les pensions !

M. Yves Durand - Cela fait justice de l'argument que vous répétez depuis des années, selon lequel l'école coûterait cher, trop cher par rapport aux résultats qu'elle donne.

Mme la Rapporteure pour avis - Mais c'est vrai.

M. le Rapporteur spécial - C'est ce que dit la Cour des comptes.

M. Yves Durand - Pour ma part, je ne substitue pas la Cour des comptes à l'Inspection générale.

Si l'on compare nos dépenses d'éducation par rapport au PIB avec les autres pays développés, nous sommes dans une bonne moyenne, sans plus.

M. le Rapporteur spécial - Pas dans le secondaire.

M. Yves Durand - Cessez donc d'affirmer que l'instruction est votre priorité quand vous lui ôtez les moyens de réussir. Du reste, cet argument du coût ne tient pas sur le plan économique.

Avez-vous chiffré les coûts sociaux des échecs scolaires ou ceux des dégradations dans les établissements liées au manque de surveillants ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur le ministre, vous vous êtes prononcé pour le maintien du redoublement alors que les expériences étrangères prouvent qu'il est inefficace et même néfaste aux élèves.

M. le Ministre - C'est faux !

M. Yves Durand - Le redoublement a lui aussi un coût : l'économiste Jean-Jacques Paul l'a chiffré à 4 milliards, soit 10% de votre budget hors pensions.

Vous voudriez réduire l'école à une seule mission : apprendre à lire, écrire et compter. Derrière l'argument du coût, il y a l'idée de ne donner aux enfants que le minimum utilitaire, en laissant de côté la culture, l'épanouissement de soi, la découverte du monde et des autres, que vous considérez comme superflus, alors que c'est ce qui fait l'humanité d'une société !

Pour défendre l'école de l'égalité des chances, nous voterons résolument contre votre budget, après qu'hier les associations de parents d'élèves et l'ensemble des syndicats enseignants ont déposé contre lui des centaines de milliers de cartons rouges. Soyez assuré, Monsieur le ministre, de notre détermination à défendre cette école de l'égalité des chances lors du débat sur votre projet de loi d'orientation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Pierre-André Périssol - Monsieur le ministre, votre budget 2005 illustre la priorité que le Gouvernement accorde à l'école, témoigne de vos propres convictions et prend place dans la démarche ambitieuse engagée par le Président de la République et le Premier ministre voici quatorze mois pour rendre l'école plus juste et plus efficace.

L'UMP considère avec le Gouvernement que l'éducation représente pour notre pays et pour l'avenir des jeunes générations une priorité, et approuve donc sans réserve le choix stratégique que marque l'augmentation de 2,55% de ce budget, alors que la progression globale des dépenses de l'Etat est limitée à 1,8%.

Cette augmentation est opérée en tenant compte des besoins, donc de l'évolution des effectifs scolaires, et non selon la méthode du « toujours plus » chère à l'opposition. Les priorités définies pour cette année ont été parfaitement explicitées dans l'excellent rapport de notre collègue Nadine Morano ; vous proposez d'une part des mesures en faveur des personnels - résorption de la précarité, consolidation du dispositif des assistants d'éducation, dispositions en faveur des personnels de direction -, d'autre part des mesures éducatives - visant en particulier à renforcer la maîtrise du français, à garantir le droit à la scolarité de tous les enfants handicapés et à développer les technologies de l'information et de la communication.

A la veille d'une grande loi d'orientation pour l'école, Monsieur le ministre, vous avez entre vos mains des cartes exceptionnelles de succès. En effet la démarche voulue par le Président de la République et engagée par le Premier ministre en septembre 2003 a porté ses fruits. Les propositions qui sont placées au cœur du rapport de la commission Thélot recueillent une très large approbation : qui aurait espéré que les trois associations de parents d'élèves, que plusieurs syndicats enseignants et que l'UNAF manifestent publiquement leur approbation ? Parce qu'elles sont dans la droite ligne de ce qui a été exprimé par le million de Français qui ont participé au grand débat, elles ont acquis une profonde légitimité.

Quel est ce noyau de propositions ?

D'abord, un socle commun de fondamentaux : connaissances, compétences et règles de comportement que tout jeune doit maîtriser à l'issue de la scolarité obligatoire, quelle que soit la voie suivie ultérieurement. Tant que 100% de nos élèves n'auront pas acquis ce cœur des programmes, l'objectif de conduire tous les jeunes à une formation réussie demeurera illusoire.

Ensuite, la personnalisation des temps d'apprentissage. Les enseignants doivent pouvoir faire faire à chaque élève, à l'intérieur du temps scolaire, tous les efforts qui lui sont nécessaires pour acquérir ce socle commun de fondamentaux.

Enfin, la diversification. L'école doit permettre à chacun de trouver sa voie et de donner le meilleur de lui-même : c'est tout l'enjeu des enseignements complémentaires choisis.

M. François Rochebloine - Très bien.

M. Pierre-André Périssol - Il y a là un triptyque qui rendra l'école plus juste et plus efficace : on permettra aux 15 à 20% des élèves qui aujourd'hui quittent le système éducatif sans formation d'acquérir ces bases, tout en permettant à ceux qui aujourd'hui s'en tirent bien d'aller plus loin ; tout le monde sera donc gagnant.

Nos collègues de l'opposition privilégieraient sans doute des propositions quantitatives : plus de postes pour faire la même chose... Nous, nous faisons des propositions qualitatives, et nous ne sommes pas désolés qu'elles soient à coût quasiment nul ! De même, certains préféreraient une approche idéologique ; mais pourquoi se priver de solutions pragmatiques ?

Les députés de l'UMP sont légitimement fiers de ce que la majorité a entrepris en faveur de l'école. Le grand débat sur l'école voulu par le Président de la République a eu lieu. Le Premier ministre a mis l'école au cœur des priorités de son gouvernement. Vous-même, Monsieur le ministre, avez pris des dispositions pour conforter l'autorité des maîtres, sans laquelle les propositions en faveur de la réussite scolaire ne pourraient porter pleinement leurs fruits.

Les députés UMP sont fiers d'avoir proposé dès le débat au Parlement du 20 janvier 2004 les orientations que je viens de rappeler, et sont heureux d'en être en quelque sorte dépossédés puisqu'elles sont devenues le cœur du rapport Thélot, et surtout celles de tous les Français qui veulent que l'école bouge.

Le groupe UMP votera donc avec enthousiasme votre budget, Monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Liberti - Le budget de l'enseignement scolaire s'élève à 56,6 milliards, soit une augmentation de 2,6% mais, par rapport au PIB, il régresse : notre société consacre aujourd'hui une part moins importante de ses richesses à l'éducation qu'il y a dix ans. La hausse affichée est liée à l'augmentation mécanique des salaires et pensions de retraite, mais n'autorise pas le moindre investissement. Vous n'anticipez pas l'avenir de notre système éducatif, Monsieur le ministre, mais vous enfermez dans la norme du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux.

On crée 1 000 postes d'enseignants dans le primaire, pour 51 000 élèves supplémentaires, et sur ces 1 000 postes, 300 sont destinés à la création d'un corps de fonctionnaires à Mayotte ; on crée donc un poste pour 71 nouveaux élèves.

Les 800 postes d'assistant d'éducation ne remplacent qu'un nombre équivalent de surveillants en fin de contrat.

5 500 postes d'enseignants seront supprimés dans le secondaire - 3 400 de titulaires et 2 100 de contractuels - alors qu'il n'y aura que 41 000 élèves de moins.

Les familles les plus défavorisées seront les premières victimes de l'absence de personnels administratifs dans les établissements. Des centaines de bourses ne peuvent être délivrées avant la fin de l'année scolaire.

Afin de « rationaliser » les dépenses, les enseignants en surnombre dans certaines disciplines, soit 2 400 équivalents temps plein, seront incités à se réorienter vers une discipline voisine, quitte à « reprendre des études ».

C'est donc un enseignement secondaire sinistré que vous offrez à nos concitoyens : depuis votre arrivée, les lycées et collèges ont perdu 6 300 emplois d'enseignants et 30 000 surveillants et aides éducateurs. Et les recrutements de professeurs, de conseillers d'orientation et de conseillers principaux d'éducation viennent encore de chuter de plus de 30% alors que s'accélèrent les départs à la retraite.

Rationaliser, rationaliser... Des milliers de contractuels se retrouvent aujourd'hui au chômage, dont 1 400 pour la seule académie de Créteil. Vous osez vous targuer d'une gestion exemplaire en affectant des remplaçants sur des postes vacants, mais qui remplace les remplaçants ? Quant aux emplois d'assistants d'éducation, ils ne remplaceront pas les postes de MI-SE et d'aides éducateurs supprimés. Les suppressions massives de postes administratifs vont fragiliser les établissements et services. Et que dire de l'absence de créations de postes d'infirmières, de médecins scolaires et d'assistantes sociales ? Toutes les cases se vident à l'infini...

Dans le second degré, il manquera 4 000 enseignants à la rentrée 2006. Alors qu'on enregistrera 18 700 départs à la retraite, on ne mettra aux concours, en 2005, que 14 000 postes et, comme chaque année, 1 000 postes environ seront perdus. Le déficit sera donc de 5 700 recrutements. Pourtant, la Direction de l'évaluation et de la prospective évalue les besoins à 17 115 recrutements par an en moyenne, entre 2005 et 2009...

Mais surtout, l'enseignement secondaire est loin de scolariser pleinement tous les jeunes : 60 000 d'entre eux abandonnent prématurément les études, 150 000 n'obtiennent pas de diplôme, plusieurs milliers d'élèves handicapés ne sont pas accueillis et les taux de passage en seconde et en bac professionnel se sont tassés. Il est vrai que tout effort d'amélioration en ce domaine ferait immédiatement repartir à la hausse les effectifs !

Au moment même où vous prétendez travailler à la réussite de tous, l'aide aux enfants en difficulté est doublement en danger : un poste sur deux est occupé par du personnel non qualifié et beaucoup restent vacants. La nouvelle formation CAPA-SH s'effectuant en alternance, les stagiaires se voient enlever du temps de formation et la continuité de l'enseignement en classes spécialisées est compromise. Les stagiaires sont remplacés par des non-spécialistes.

Vous appuyant sur les insuffisances du système, vous alimentez un discours fataliste pour imposer votre logique comme la seule possible. Vous considérez le système scolaire comme insuffisamment sélectif et insuffisamment soumis aux lois du marché (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Le rapport Thélot consacre ces orientations désastreuses, annonçant la disparition de toute ambition éducative : abandon de l'objectif consistant à porter 80% d'une classe d'âge au niveau du bac, menace d'une disparition de l'école maternelle (Même mouvement), suppression du dispositif AIS d'aide aux élèves en difficulté...

Il est au contraire absolument nécessaire de permettre à tous les élèves de s'approprier les enseignements, de cesser de mettre l'école au service de l'économie, d'aider l'individu à s'épanouir en lui donnant toutes les clés pour comprendre le monde, de contribuer à former le travailleur et à éduquer le citoyen. Il ne saurait non plus y avoir de réelle démocratisation scolaire si l'on ne s'attaque aux maux de la société, car l'échec dans les études est étroitement lié à la situation économique et sociale des parents. C'est pourquoi il faut une loi sur l'école adossée à une politique familiale et sociale audacieuse et respectueuse du principe de gratuité.

Plutôt que d'adapter la pédagogie aux crédits votés, nous proposons de définir ce qui est indispensable pour assurer un enseignement de qualité dans tous les établissements. Nous demandons un plan garantissant une réelle gratuité, assorti de la création immédiate d'un fonds d'action contre les inégalités d'origine sociale et contre la ségrégation dans l'appropriation des savoirs. L'action ainsi entreprise comporterait trois volets : l'un pour aider les jeunes à accéder à la culture et aux différents équipements et services, un autre consistant en un programme national de recherche sur ces inégalités et en la création d'observatoires départementaux, le dernier visant à combattre les inégalités territoriales. Par ailleurs, le recrutement et la formation des personnels doivent devenir une priorité absolue, ce qui suppose de mobiliser pour les métiers de l'école des dizaines de milliers d'étudiants.

Des solutions existent donc. Parce que nous refusons de sacrifier l'école et que notre objectif sera toujours de garantir un diplôme et une élévation générale du niveau de formation et de culture, nous voterons contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Estrosi - Cela me rassure !

M. François Rochebloine - Depuis plusieurs décennies et ce quel que soit le gouvernement en place, l'enseignement scolaire se trouve en permanence au cœur du débat public. Dès lors, la tentation est grande pour toute majorité d'imprimer sa marque en proposant de nouvelles réformes, plutôt que d'améliorer les précédentes. Il est vrai que l'on ne peut éluder la question de l'efficacité du système éducatif, comme le montre le récent rapport de la Cour des comptes où nos collègues de la commission des finances ont trouvé ample matière à réflexion. Espérons que la prochaine loi d'orientation tirera profit de ces analyses !

Nul ne peut nier qu'au cours des trois dernières décennies, les moyens financiers consacrés à l'école se sont considérablement accrus, mais chacun sent bien aussi que le doute s'est installé dans l'opinion et que les risques d'essoufflement sont réels pour un système marqué par ses lourdeurs. Ne cédons pas pour autant au catastrophisme ou à la tentation de montrer les enseignants du doigt - eux aussi attendent des réformes et des adaptations et, étant en première ligne, ils sont conscients du prix à payer pour faire pièce à la perte des repères, à la violence, à l'exclusion et à l'échec scolaire.

A cet égard, le grand débat sur l'école a eu le mérite de faire émerger des aspirations profondes, ce qui facilitera la nécessaire redéfinition des missions de l'école. Souhaitons donc que le Gouvernement veille à susciter l'adhésion de tous les acteurs du monde éducatif !

J'en viens maintenant à trois interrogations. La première a trait au processus de décentralisation et à la répartition du rôle entre les collectivités et l'Etat. On sait que des inquiétudes se sont exprimées à propos des transferts de personnels mais, en la matière, la question du coût pour les collectivités m'apparaît assez secondaire, l'essentiel à mes yeux étant de garder une ligne de conduite stricte pour ce qui est du partage des compétences : l'Etat doit conserver la gestion des personnels enseignants et socio-médicaux, et j'espère donc qu'on distinguera entre eux et les ATOS, dont la mission est très liée à l'entretien des bâtiments, propriété des collectivités.

Ma seconde interrogation touche à l'orientation des élèves. A l'automne 2002, j'avais insisté auprès de votre prédécesseur, Monsieur le ministre, pour que la réforme soit menée en concertation étroite avec les intéressés et j'avais considéré que le transfert de cette compétence aux collectivités n'était pas indispensable. L'orientation est une fonction importante et il serait dommage de ne pas renforcer les CIO. Peut-être le pourrait-on en encourageant des partenariats avec d'autres acteurs présents sur le terrain, afin de disposer de synergies...

Enfin, je dois rappeler la nécessité de faire évoluer le statut des maîtres de l'enseignement privé sous contrat. Une initiative parlementaire est en cours et j'espère qu'elle aura plus de succès que celle que j'avais lancée en juin 2003, au nom de l'UDF, lors de la discussion du projet de loi sur les retraites.

On ne peut écarter la logique comptable, s'agissant du premier poste de dépenses de l'Etat et la voie de la réforme est étroite. Mais, précisément parce que votre marge de manœuvre est étroite, Monsieur le ministre, il est plus que jamais indispensable d'avoir un dialogue nourri et constructif avec tous les acteurs de l'école, enseignants et parents (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme Martine David - Cette année encore, votre budget trahit le désintérêt de ce gouvernement à l'égard de l'éducation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), dont Yves Durand a raison de dire qu'elle a cessé d'être une priorité depuis trois ans. Ce dédain frappe tout particulièrement l'enseignement professionnel : ce sont en effet 700 postes de professeurs de lycée professionnel qui seront supprimés à la prochaine rentrée, soit une proportion encore plus forte que dans l'enseignement général. Et comme les effectifs ne décroissent pas dans ces établissements, vous ne pouvez tirer argument de la baisse des élèves !

Souvent victimes de situations sociales délicates, ces derniers vont de plus subir la diminution progressive des MI-SE, la non-reconduction des postes d'aides éducateurs, la baisse de l'effectif des personnels de service, l'absence de créations de postes d'assistantes sociales, d'infirmières et de médecins scolaires.

Au-delà des professeurs, c'est toute la communauté éducative qui est touchée. L'école est, elle aussi, frappée par les problèmes de société, auxquels les enseignants ont de plus en plus de mal à faire face. Je ne peux laisser dire qu'il y a trop d'enseignants dans cette filière ou que l'école des métiers coûte trop cher, surtout lorsque les parents d'élèves constatent chaque jour la pénurie de remplaçants, lorsque des options ou des sections sont supprimées faute de moyens, ou lorsque, chaque année, 60 000 élèves quittent l'école sans qualification. Non, l'éducation nationale ne peut pas « faire mieux en dépensant moins », elle doit tout simplement faire mieux. Cet investissement sur l'avenir est la garantie de jeunes mieux formés, et d'une France plus prospère. Si la politique économiquement désastreuse du Gouvernement vous contraint à des coupes budgétaires, puissent-elles au moins ne pas pénaliser l'enseignement professionnel, surtout quand des sommes importantes sont prévues pour l'apprentissage dans le cadre du plan Borloo ! L'apprentissage est essentiel, mais il ne saurait représenter la seule réponse en matière de formation professionnelle.

M. Guy Geoffroy - Ce n'est pas le cas !

Mme Martine David - L'enseignement professionnel a-t-il du reste encore sa place au sein du service public de l'éducation nationale ? Plus d'apprentis, c'est moins d'élèves dans les lycées professionnels, c'est aussi une formation initiale réduite, au détriment de la carrière professionnelle. L'assèchement des ressources budgétaires de l'enseignement professionnel, conjugué aux menaces sur la taxe d'apprentissage nous font craindre la disparition de cette filière, et sa privatisation.

Et pourtant, notre taux de chômage demeure très élevé, et des postes restent non pourvus dans beaucoup de secteurs d'activité, aussi est-il essentiel de consentir un effort significatif en faveur d'une filière qui offre un avenir aux jeunes. Le Gouvernement lui en donnera-t-il les moyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Frédéric Reiss - Le projet de loi de finances pour 2005 le confirme : l'éducation nationale est bel et bien une priorité pour le Gouvernement, et ce budget permettra de mieux adapter les moyens humains aux besoins du terrain. Je tiens à cet égard à saluer l'engagement pris par le Gouvernement pour résoudre le problème des classes sans enseignants, mais aussi des « surnombres disciplinaires ».

Au niveau de l'encadrement, le dispositif des assistants d'éducation permettra de remplacer les MISE, tout en offrant de nouvelles perspectives d'intégration dans la Fonction publique par le biais des concours internes.

L'effort sans précédent amorcé en 2004 pour favoriser l'insertion en milieu ordinaire des élèves handicapés sera poursuivi avec la création de 800 AVS supplémentaires.

L'école doit avoir pour objectif de réduire significativement les sorties sans diplôme et sans qualification - 150 000 par an, c'est beaucoup trop ! - d'où un effort particulier en direction des filières professionnelles. Apprendre à se servir de ses mains peut aussi être une voie d'excellence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Il faut parallèlement combattre l'illettrisme. Recentrer les contenus sur les savoirs fondamentaux que sont lire, écrire et compter, est nécessaire, mais pas suffisant. Un jeune doit savoir s'exprimer en utilisant au mieux les technologies de la communication et de l'information. L'école doit rester ouverte sur un monde en perpétuelle mutation. A cette fin, il faut réhabiliter la valeur travail, et apprendre aux élèves à s'adapter, écouter, et se respecter. Vaste programme qui dérape parfois dés le plus jeune âge, comme l'a tragiquement illustré l'agression d'une élève de trois ans par des enfants de cinq ans, à l'école maternelle d'Altkirch. La violence scolaire, en ZEP comme ailleurs, doit être vigoureusement combattue, ce qui nécessite des enseignants formés à la réalité du terrain. Je salue à cet égard la qualité du rapport de la rapporteure pour avis sur la nécessaire adaptation des IUFM.

Enfin, j'aborderai un point qui me tient particulièrement à cœur, l'apprentissage précoce des langues vivantes, sur lequel je suis en désaccord avec M. Chamard. Je ne pense pas que l'« anglais de communication internationale » doive faire partie du socle commun des indispensables (« Très bien ! » sur divers bancs), même s'il est évident que le plurilinguisme est un atout qu'il faut développer. Le Président de la République a récemment mis en exergue à Hanoï la diversité linguistique dans le monde, et c'est dans cet esprit que l'apprentissage précoce d'une langue vivante est indispensable, qu'il s'agisse des langues régionales, des langues européennes comme l'espagnol ou l'allemand, ou des langues d'origine, tels l'arabe ou le turc. L'apprentissage ultérieur de l'anglais n'en sera que facilité !

La prochaine journée franco-allemande du 22 janvier 2005 sera consacrée au français et à l'allemand, véritables atouts pour les métiers et les carrières en Europe. Au-delà des grandes déclarations, il faut en effet favoriser l'apprentissage de ces langues dans nos pays, et pas seulement en Alsace ou dans le pays de Bade.

Nous avons des défis formidables à relever, et c'est avec enthousiasme que je participe aux groupes de travail pour l'élaboration de la nouvelle loi d'orientation.

Dans la perspective de cette tâche, je voterai ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Louis-Joseph Manscour - C'est vrai, votre budget progresse, mais il ne s'agit que du résultat de l'évolution mécanique des rémunérations des enseignants. Il n'y a pas de quoi pavoiser.

En vérité, votre projet de budget traduit une véritable politique de marchandisation de l'éducation nationale. Ne parlez-vous pas, en effet, de « rendement net », de « coût de l'enseignement », quand j'eusse préféré des termes tels que « pédagogie adaptée », ou « égalité des chances » ?

M. le Ministre - Je n'ai pas encore parlé !

M. Louis-Joseph Manscour - Certaines propositions sont du reste imprégnées de votre libéralisme. Demander à mots couverts à certains enseignants d'augmenter leur charge de travail et leurs déplacements professionnels, n'est-ce pas introduire dans l'Éducation nationale les principes chers au MEDEF que sont la flexibilité et la délocalisation ? ( « Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Christophe Lagarde - N'importe quoi !

M. Louis-Joseph Manscour - Si vous créez 1 000 postes d'enseignants dans le primaire, vous en supprimez 3 400 dans le secondaire, sans parler des 1 100 postes de maîtres-auxiliaires, des 1 000 emplois de professeurs contractuels, et de milliers de postes d'encadrement éducatif !

J'ai enseigné pendant trente ans....

M. Christian Estrosi - Pauvres élèves ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Yves Durand - Voilà une interruption qui juge son auteur !

M. Louis-Joseph Manscour - ...et le qualitatif n'exclut pas le quantitatif.

Or, selon vous, c'est la seule démographie qui fonde l'attribution des postes d'enseignants. Dans ce cas, les DOM ayant un taux de natalité nettement supérieur à la métropole, ils devraient bénéficier d'un plus grand nombre d'affectations. Or, ce n'est pas le cas, puisque 47 postes ont été l'an dernier supprimés à la seule Martinique. En fait, c'est la politique nationale de l'éducation qui n'est pas adaptée aux DOM. L'effort de l'Etat ne répond pas à leurs difficultés spécifiques qui résultent de la pression démographique, de retards de scolarisation et d'un fort taux d'illettrisme. Nous avons besoin de moyens conséquents.

La formation de notre jeunesse passe par l'encadrement éducatif. Si les différents plans de titularisation ont réduit à une soixantaine le nombre de maîtres auxiliaires dans l'académie de la Martinique, de nombreux contractuels et vacataires ont également été recrutés sans perspective de titularisation et sont aujourd'hui au chômage. Le recrutement d'enseignants titulaires est en effet insuffisant alors que de jeunes diplômés d'outre-mer attendent une pérennisation de leur emploi. Ainsi, l'académie de la Martinique compte 647 professeurs de collège et de lycée non titulaires sur 3 800 enseignants, soit près de 17% de l'effectif.

Je suis convaincu que l'éducation nationale n'est pas une priorité de ce Gouvernement .

M. Guy Geoffroy - Et pourtant si !

M. Louis-Joseph Manscour - La tentative de régionalisation de l'enseignement, la suppression des postes, une réforme injuste des retraites : autant de faits qui traduisent toute absence de vrai projet éducatif et qui vous feront perdre votre pari sur la jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Etienne Pinte - Je consacrerai mon intervention à deux problèmes qui doivent être résolus : la situation des maîtres de l'enseignement privé sous contrat ; les modalités d'attribution des moyens aux établissements privés.

Il convient d'accorder aux maîtres de l'enseignement privé sous contrat une retraite équivalente à celle de leurs collègues du public. Ils assurent en effet la même mission de service public.

M. Guy Geoffroy - C'est vrai.

M. Etienne Pinte - Ils enseignent les mêmes programmes.

M. Guy Geoffroy - C'est exact.

M. Etienne Pinte - Ils ont les mêmes horaires. Et pourtant leurs retraites sont inférieures de 20%. Ce n'est plus acceptable. C'est un problème de justice sociale.

M. Jean-Christophe Lagarde - C'est vrai !

M. Etienne Pinte - Il convient en outre de clarifier leur statut : le Conseil d'Etat leur reconnaît un statut d'agents contractuels de l'Etat, alors que la Cour de cassation les considère comme des salariés des établissements privés sous contrat, ce qui induit des charges particulières : ces établissements sont ainsi obligés de verser des indemnités de licenciement aux maîtres suppléants en fin d'exercice, aux maîtres qui n'exercent plus la fonction de maître principal, aux enseignants qui partent à la retraite. Yves Censi a déposé une proposition de loi pour résoudre ces deux questions : reprenez-la à votre compte, Monsieur le ministre.

L'enseignement privé sous contrat a dû faire face cette année à des contraintes administratives et financières relatives aux postes d'enseignants qui lui sont attribués. Les chefs d'établissement sont contraints de refuser des élèves - 50 000 cette année - et de surcharger les classes. Il est urgent de revoir l'absurde méthode de calcul qui décide de l'attribution des moyens horaires. Est-il normal de lier les moyens accordés à ces établissements à ceux des établissements publics ? Tous concourent au service public de l'enseignement . C'est comme si le Gouvernement obligeait les cliniques privées à indexer leurs activités sur celles des hôpitaux publics.

Il est en outre injuste de brider les activités des établissements privés sous contrat alors que vous êtes bien content, Monsieur le ministre, de les voir accueillir des jeunes filles portant le voile (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

Enfin, l'enseignement privé attend les circulaires d'application de la loi sur les libertés et les responsabilités locales de façon à ce que les forfaits communaux et le règlement de la participation financière des régions et des départements au fonctionnement des collèges et des lycées soient enfin définis et réglés.

Le temps des promesses est révolu : nous devons maintenant les tenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jacques Remiller - Je souhaite tout d'abord répondre à M. le député-maire de La Trinité, à la Martinique, qui est également professeur de collège : nous sommes les représentants du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale et non les représentants du MEDEF. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Liberti - C'est pareil !

M. Jacques Remiller - Une fois de plus, le budget de l'éducation nationale est le premier de la nation, ce qui montre combien l'éducation et la formation de la jeunesse sont une priorité du Gouvernement et de la majorité. Je suis à ce propos très heureux, Monsieur le ministre, de travailler à vos côtés à la préparation de la prochaine loi d'orientation sur l'école.

Je salue tout d'abord le courage des enseignants, qui sont aujourd'hui en première ligne sur le front de la violence scolaire...

M. Louis-Joseph Manscour - Sans moyens !

M. Jacques Remiller - ...bien seuls, d'ailleurs, lorsque les familles n'assument plus leurs responsabilité, car si le rôle de l'école est de transmettre un savoir, les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants.

Mme la Rapporteure pour avis - Très bien !

M. Jacques Remiller - Heureusement, des enseignants savent, alors que certains parents démissionnent, être aux côtés des jeunes.

Savoir lire et écrire redevient peu à peu le privilège d'une élite. On entend souvent dire que les enfants issus de milieux aisés s'en sortent mieux, mais comment expliquer que les enfants de cadres supérieurs sont plus souvent en situation d'échec scolaire que les enfants d'enseignants ? Les enseignants seraient-ils donc des nantis ? Non ! Cela montre simplement que la réussite scolaire ne dépend pas du revenu des parents mais de leur implication dans les études de leurs enfants (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. Louis-Joseph Manscour - Cela reste à démontrer.

M. Jacques Remiller - Votre budget met en avant cinq points essentiels : acquisitions des savoirs fondamentaux et lutte contre l'illettrisme, développement des dispositifs d'alternance dès le collège, revalorisation de l'enseignement professionnel, efforts financiers en faveur des personnels enseignants et non enseignants, meilleure prise en compte des difficultés rencontrées par certains élèves.

Je regrette néanmoins que les problèmes liés au transport scolaire en zone rurale n'aient pas été abordés tant il est difficile, pour certains élèves, de faire leurs devoirs à 18 heures, après une heure de transport et alors qu'ils ont quitté très tôt leur domicile le matin.

Mme la Rapporteure pour avis - C'est vrai.

M. Jacques Remiller - Il ne s'agit pas de fustiger les élus locaux, responsables du transport scolaire, car ils font ce qu'ils peuvent. J'aurais souhaité que le projet prévoie l'organisation d'études surveillées après la classe pour que les enfants, lorsque les parents viennent les chercher à la fin de leur journée de travail, aient fait leurs devoirs, et qu'il n'y ait donc pas la moindre perte de temps.

Il convient également d'œuvrer au développement des internats.

M. Christian Estrosi - Très bien !

M. Jacques Remiller - Parfois, notamment dans le cas de couples désunis ou de scolarisation loin du domicile, cette solution devrait être envisagée pour le plus grand bien de l'élève.

L'esprit de ce projet de budget est positif : il en va en effet de l'avenir de notre pays et de celles et ceux qui ont l'honneur d'instruire les jeunes générations. Bien entendu, je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi - Ce budget montre que l'éducation est une priorité du Gouvernement : il représente 23% du budget de la nation et plus de 56 milliards seront ainsi consacrés aux 12 millions d'élèves ainsi qu'aux personnels. 2005 sera d'ailleurs une année charnière avec la préparation du projet de loi d'orientation sur l'école.

Les principales orientations sont l'adaptation des effectifs à la population scolaire, le développement du dispositif des assistants d'éducation et de la scolarisation des élèves handicapés, la poursuite de la réforme de l'Etat et un effort significatif pour améliorer l'attractivité de la profession d'enseignant, 255 millions d'euros étant destinés aux enseignants du primaire et du secondaire.

J'aborderai d'abord le sujet de la décentralisation. En 1982, les lois Defferre ont transféré la gestion des collèges aux départements et celle des lycées aux régions sans assortir ce transfert de moyens suffisants. En outre, les personnels chargés de la construction et de l'entretien des établissements demeurant du ressort des académies, les collectivités locales ont dû recruter leurs propres personnels, ce qui s'est traduit par une hausse de la fiscalité locale. Telle n'était pas notre vision de la décentralisation, même si elle a finalement porté ses fruits, départements et régions investissant dans des plans collèges et des plans lycées. Nous avons choisi, nous, une décentralisation qui assortit les transferts de compétences de moyens humains et matériels.

Lors de la discussion de la loi sur les libertés locales, je me suis battu pour que les transferts de personnel des collèges et des lycées s'opèrent sur la base d'un effectif de référence, afin de mettre toutes les académies sur un pied d'égalité. Aujourd'hui, en effet, des académies perdent des élèves, ferment des classes et des établissements, tandis que d'autres connaissent une forte pression démographique : mon département doit construire quinze nouveaux collèges en cinq ans ! Il n'appartient pourtant qu'à la dix-neuvième académie de France, déficitaire de 153 TOSS par rapport à la moyenne nationale. Il nous faut donc opérer un rééquilibrage entre académies d'ici le 1er janvier 2006.

J'en viens à la sécurité. Le lieu de transmission du savoir devrait être celui de la tolérance. Or la violence poursuit sa progression au sein des établissements scolaires : plus 13% entre septembre 2003 et juin 2004, plus de 81 000 faits supplémentaires constatés. L'école ne peut pas rester un sanctuaire où l'on continuerait à défendre le principe selon lequel il est interdit d'interdire. Les enseignants veulent être respectés, ils attendent qu'on restaure leur autorité. Nous devons les replacer sur le piédestal qui doit être le leur. Je me réjouis que ce sujet soit enfin abordé sans tabou et que vous ayez signé à Dreux un protocole avec le ministre de l'intérieur. Il faut mener en ce domaine une politique transversale. Je propose de placer dans chaque établissement au moins un policier en civil... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Yves Durand - Ben voyons !

M. Christian Estrosi - ...qui puisse être un véritable correspondant pour l'Éducation nationale. Des primes pourraient également être accordées aux collectivités qui financeraient, avec l'Etat et les établissements, des systèmes de télésurveillance lorsque les conseils d'administration - et ils sont nombreux à le faire - le réclament (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Yves Durand - Des caméras dans les classes !

M. Christian Estrosi - Aucune politique de sécurité ne peut être efficace sans une véritable politique de prévention. Je suis favorable, comme mon collègue Jacques Remiller, à une politique d'internats. Mon département lance d'ailleurs la construction de cinq internats en ZEP et en zone sensible.

Mme la Rapporteure pour avis - Très bien !

M. Christian Estrosi - C'est en effet là que se concentrent les familles en difficulté, les parents qui ne sont plus en mesure d'assurer leur devoir d'éducation à l'égard de leurs enfants. Scolariser ceux-ci en internat, c'est rétablir l'égalité des chances.

Il nous faut enfin, en réponse à la montée du racisme, de l'antisémitisme et de la violence, restaurer l'éducation civique. Le département des Alpes-maritimes a organisé l'an dernier, pour ses 3 000 élèves de troisième, une journée à Auschwitz-Birkenau. Chacun était de bonne humeur dans le vol du matin entre Nice et Cracovie. Je puis vous dire qu'à l'entrée du camp, qu'ils soient musulmans, juifs, chrétiens ou athées, ils ne riaient plus. Et c'est les larmes aux yeux qu'ils ont récité, au mémorial, des textes de Primo Levi. Le soir, dans le vol du retour, il n'y avait plus un seul mot. J'ai su alors que nous avions gagné notre pari, et qu'il n'y aurait besoin ni de lois ni de circulaires pour que tout au long de leur vie, ils assument leur véritable responsabilité de citoyen...

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Christian Estrosi - ...et transmettent à leur tour ce message, pour que la paix et la tolérance demeurent au sein de l'école comme de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 11 heures 55, est reprise à midi.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Merci, Monsieur Chamard, pour votre implacable démonstration de la nécessité de réorganiser le système scolaire. Eusse-je bénéficié d'un professeur de mathématiques tel que vous, ma carrière eût pris une tout autre orientation ! (Sourires)

M. le Rapporteur spécial - C'eût été bien dommage !

M. le Ministre - Merci aussi à Nadine Morano pour la pertinence de ses réflexions sur la formation des enseignants, et pardon de ne pas lui répondre aujourd'hui car ces questions sont au cœur du projet de loi d'orientation dont nous aurons à débattre prochainement. Merci à tous les orateurs pour leur mobilisation en faveur de l'école, et à ceux de la majorité pour leur soutien. Merci notamment à MM. Lachaud et Périssol pour leur implication dans la préparation de la loi d'orientation.

Ce budget démontre qu'aujourd'hui comme hier, l'éducation nationale reste une priorité forte (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), mobilisant près du quart du budget de la nation - 23% exactement, contre seulement 17% il y a dix ans. En 2005, les dépenses d'éducation continueront de progresser plus vite que l'ensemble du budget de l'Etat, et nous le revendiquons, tant est vive notre conviction que la force du pacte républicain dépend de notre engagement en faveur des jeunes générations. Bien entendu, cet effort particulier appelle une contrepartie et je considère qu'il est de notre responsabilité de garantir que ces ressources seront utilisées au plus près des besoins.

Deux principes ont commandé nos choix en matière d'effectifs : tenir compte de l'évolution démographique ; persévérer dans la voie de l'amélioration de la gestion des personnels.

De 1994 à 2004, le nombre d'élèves accueillis ayant diminué de 350 000 unités, celui des enseignants aurait dû - à taux d'encadrement constant - décroître de 20 000. Dans les faits, il a augmenté de 30 000 ! Dans cette perspective, l'excédent est donc de 50 000 postes, et cela se traduit par une progression de près de 7 points du taux d'encadrement, certes conforme aux attentes d'une très grande partie de la communauté éducative mais dont la majorité des experts s'accorde à considérer qu'elle est sans impact sur la réussite scolaire, sauf pour les publics en grande difficulté. La réduction des effectifs par classe n'a pas d'effet direct sur les performances scolaires...

M. Yves Durand - M. Piketty dit le contraire !

M. le Ministre - Il est très isolé, et l'on sait d'où il vient ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Dans la majorité des pays de l'OCDE, la réduction des effectifs par classes n'est pas considérée comme une priorité et nous serions sans doute mal inspirés de mobiliser nos faibles marges de manœuvre budgétaires sur ce seul objectif. Mon approche reste cependant très modérée et j'entends moins revenir sur ce qui a été fait au cours de la dernière décennie que m'attacher à mieux prendre en compte l'évolution démographique. Je souhaite que le taux d'encadrement soit stabilisé, et c'est à ce titre que sont prévues 1 000 créations de postes dans le premier degré et 3 400 suppressions dans le secondaire.

J'ai entendu, ici ou là, quelques commentaires alarmistes - voire catastrophistes - au sujet de cette décision. La réalité, c'est que je me borne à tirer les conséquences de l'évolution démographique et que cette stabilisation sera sans impact pour les élèves : le nombre moyen d'élèves accueillis dans chaque classe n'augmentera pas. Quant aux enseignants, la suppression nette de 2400 postes sur un effectif de 700 000 titulaires du primaire et du secondaire ne représente qu'une baisse de 0,3%. Compte tenu des perspectives de départ à la retraite dans le cours de la décennie, onze partants sur douze seront remplacés, pour seulement un sur deux dans l'ensemble de la fonction publique. Si je considère que l'éducation nationale n'est pas une administration comme les autres et si j'ai veillé à ce titre qu'elle soit privilégiée sur le plan budgétaire, j'estime qu'elle ne peut s'exonérer de l'effort de rigueur qui s'impose à tous, a fortiori dans un contexte qui nous conduit à emprunter 25% de nos dépenses de fonctionnement.

M. Christian Estrosi - Bien sûr !

M. le Ministre - Cet effort de rigueur, tout homme politique responsable le doit aux jeunes générations qui étaient représentées tout à l'heure dans ces tribunes !

M. le Rapporteur spécial - Mais oui !

M. le Ministre - A l'instar des autres administrations, l'éducation nationale doit aussi accomplir un effort constant de modernisation et d'amélioration de sa gestion.

S'agissant des remplacements, n'appliquons pas, cher Monsieur Liberti, la théorie du sapeur Camember ! Ma préoccupation n'est pas de savoir qui va remplacer les remplaçants, mais bien plutôt de faire en sorte que le plus possible d'enseignants absents soient effectivement remplacés. Des mesures techniques, telles que l'élargissement des zones de remplacement, doivent permettre d'améliorer sensiblement et dès l'année prochaine le potentiel de remplacement des absents...

M. Yves Durand et M. François Liberti - C'est un autre problème !

M. le Ministre - ...et de pourvoir dans de meilleures conditions au remplacement des absences de courte durée.

Face aux évolutions de la demande de formation, j'entends mobiliser les enseignants des disciplines déficitaires, en leur demandant d'assurer l'enseignement de disciplines connexes ou d'intervenir dans un plus grand nombre d'établissements. Dès la rentrée prochaine, tous les enseignants en sureffectif devront s'être engagés dans l'une ou l'autre voie.

Par ailleurs, le budget prévoit de diminuer le nombre de contractuels de 2 100 unités et de supprimer 600 postes dans les services administratifs...

Mme Martine David - Quelle casse !

M. le Ministre - Autre novation majeure, dans l'intérêt des étudiants se destinant aux concours organisés par le ministère, le nombre de postes ouverts aux concours sera connu beaucoup plus tôt dans l'année, afin que chacun puisse s'organiser en parfaite connaissance de cause.

Pour conclure sur la question des effectifs, je rappelle que 1 000 postes supplémentaires seront ouverts au concours pour tenir compte des perspectives de départ à la retraite et que nous avons traité l'ensemble de ce chapitre essentiel avec le plus grand pragmatisme. Au reste, partout où les choix peuvent paraître les plus rigoureux, ils s'accompagnent de contreparties substantielles sous la forme de mesures catégorielles. Ainsi, 34 millions ont été provisionnés pour renforcer le pouvoir d'attraction du métier d'enseignant. Nous en préciserons l'affectation dans les prochains mois, après le dialogue social. 34 millions seront consacrés à un rattrapage en faveur des personnels non enseignants, dont les primes sont très inférieures à ce qu'elles sont dans les autres ministères.

Dans une période de rigueur, ces efforts sont significatifs, car la nation demande beaucoup à son école, donc à ces personnels, qui accomplissent leur mission avec dévouement dans des conditions souvent très difficiles. Ce budget n'est donc inspiré ni par l'idéologie ni par le dogmatisme (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste). Il est pragmatique et équilibré. Il ne mérite pas les critiques convenues, intemporelles, et le plus souvent injustifiées de l'opposition, comme en atteste la rentrée 2004, qu'un ancien ministre de l'éducation a pourtant qualifiée de « pire rentrée depuis la Libération » !

M. Christian Vanneste - Grotesque !

M. le Ministre - Je souhaite réparer certaines « erreurs » - pour ne pas dire plus - faites par l'opposition.

D'abord, l'examen médical des élèves de cinquième, prévu par la loi, est financé dans le PLFSS au titre de la banche maladie.

Les surveillants sont remplacés, poste par poste, par les assistants d'éducation.

M. Yves Durand - Ce n'est pas vrai !

M. le Ministre - Il n'y a aucune contestation possible sur ce sujet. Quant aux emplois jeunes, je ne reviens pas sur les désordres que vous avez provoqués en créant des emplois dont on savait qu'ils ne pourraient être pérennisés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Les classes d'action culturelle ne sont pas supprimées, mais maintenues et encouragées.

Mme Martine David - Allez voir sur place !

M. le Ministre - Aucune menace ne pèse sur la maternelle. Nous n'avons pas voulu rendre systématique l'accueil des enfants de deux ans..

Mme Martine David - C'est le moins qu'on puisse dire !

M. le Ministre - ...nous plaçant ainsi dans la continuité, car si vous le vouliez vraiment, il fallait le faire ! (Applaudissements bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Mais vous savez comme moi que cela aurait été une erreur. La programmation pluriannuelle des concours a bien été prévue par la loi de 1989, mais respectée une seule fois depuis lors.

M. Yves Durand - Vous, vous la supprimez !

M. le Ministre - Dans l'enseignement professionnel, Madame David, aucune décision n'est prise sur la répartition des emplois en 2005. Elle dépendra du nombre d'élèves et de la situation sociale des familles. Je l'ai dit, nous ne supprimons aucun poste de surveillant : il y a remplacement systématique par des assistants d'éducation.

M. Yves Durand - Mais ce n'est pas vrai !

M. le Ministre - Si, et je vous mets au défi de prouver le contraire. Cessez de rechercher de petits gains électoraux, cela ne vous honore pas ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Durand - Personne ne veut de ces postes !

M. le Ministre - Il n'y a pas concurrence, enfin, entre apprentissage et lycée professionnel. Nous voulons faire réussir les élèves par toutes les voies appropriées. D'ailleurs, les lycées professionnels publics accueillent et accueilleront de plus en plus de sections ou centres d'apprentissage, et tout se passe très bien. Je donne rendez-vous à Mme David : lors de la discussion sur la loi d'orientation, elle constatera que la valorisation des filières professionnelles est un point fort de notre politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme Martine David - Allez donc dans les lycées professionnels !

M. le Ministre - Je tenais à rectifier toutes ces affirmations fausses, émanant de gens qui connaissent parfaitement l'éducation nationale et savent donc que ce qu'ils ont avancé n'est pas exact. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Durand - C'est injurieux !

M. le Ministre - A entendre M. Durand, on croirait que le parti socialiste veut supprimer complètement le redoublement pour faire 4 milliards d'économies. C'est une approche que l'on serait fondé à qualifier de purement comptable,...

Mme la Rapporteure pour avis - Très bien !

M. le Ministre - ...alors que le redoublement nécessite d'abord une approche pédagogique. La question n'est pas de se débarrasser au plus vite et au moindre coût des élèves en difficulté, mais de savoir comment les faire réussir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Martine David - Quelle caricature !

M. le Ministre - Le redoublement, sous la responsabilité des enseignants, est l'un des instruments pour y parvenir.

Je regrette donc l'attitude de l'opposition...

Mme Martine David - Et nous celle du ministre !

M. le Ministre - ...et j'espère qu'elle ne présage pas celle qu'elle aura lors du débat sur la loi d'orientation. L'école n'est ni de droite ni de gauche, elle appartient à la nation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF ; mouvements divers sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Remiller - C'est Jaurès qui l'a dit !

M. le Ministre - Je ne veux pas croire que, par son attitude, l'opposition va se priver de peser sur les évolutions au moyen de ses propositions.

Plusieurs députés UMP - Elle n'en a pas !

M. le Ministre - Pour rassurer plusieurs parlementaires de la majorité, j'indique que la discussion avec les partenaires sociaux sur les retraites des maîtres du privé et leur statut se conclura ce soir par une signature de l'ensemble des organisations syndicales représentatives (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Le financement de cette réforme est prévu au PLFSS. Reste à l'inscrire dans un texte législatif. Le Gouvernement souhaite que ce soit fait au plus tôt, et dès ce mois-ci si c'est possible. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP)

Je remercie M. Remiller pour ses propositions intéressantes sur les études et les internats. Elles seront reprises dans la loi d'orientation. Je remercie également M. Estrosi pour les siennes, ainsi que pour son engagement pour l'école.

Ce budget pragmatique est aussi un budget de transition, puisque nous aurons bientôt une grande loi sur l'école. Je mène une très large concertation avec les syndicats et tous les représentants du monde éducatif.

M. Jacques Remiller - C'est ennuyeux, on ne peut pas parler du MEDEF !

M. le Ministre - Le projet sera soumis au conseil supérieur de l'éducation le 16 décembre et adopté en conseil des ministres fin décembre ou début janvier, avant de venir en débat devant votre Assemblée dans les premiers mois de l'année, en vue d'une application de la réforme à la rentrée 2006.

Ce budget, le dernier avant la réforme, ne préjuge nullement des conclusions qui seront les vôtres, mais réaffirme les priorités de ce gouvernement, comme le fera la loi sur l'école, car c'est la condition sine qua non si nous voulons bâtir son avenir sur des fondements solides. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Martine David - Et ça, ce n'est pas intemporel ?

QUESTIONS

M. François Rochebloine - La création de 1 000 postes dans le premier degré à la rentrée 2005 est une bonne nouvelle, car les arbitrages de septembre sont souvent difficiles. L'évolution des effectifs est un indicateur objectif mais ne doit pas être le seul : il faut tenir compte des réalités locales. La démographie, la lutte contre les classes surchargées et la politique d'intégration des handicapés doivent guider une approche qualitative et relativiser les taux d'encadrement.

L'allégement des classes qu'on observe depuis une décennie est à mettre au crédit des gouvernements successifs. Élu d'un département en baisse démographique et où le contexte social est difficile, je mesure pleinement les conséquences négatives des suppressions de postes. Il ne s'agit pas de demander sans cesse une nouvelle baisse du taux d'encadrement, mais d'améliorer les conditions d'enseignement pour lutter contre l'échec scolaire des enfants défavorisés. Tout en connaissant les lourdeurs du système, je ne puis donc que vous inciter à mener une gestion mesurée et prudente de l'encadrement. Pouvez-vous développer vos orientations dans ce domaine ?

M. le Ministre - J'ai déjà dit qu'un taux d'encadrement d'un enseignant pour 22 élèves dans le premier degré et d'un enseignant pour 13 dans le second degré permet de tenir en quelque sorte deux fois plus compte des phénomènes démographiques dans le second cas.

S'agissant du premier degré, il faut inscrire les évolutions de 2005 dans la durée. A la rentrée 2003, nous attendions 34 000 élèves supplémentaires ; nous en avons accueilli 10 000. A la rentrée 2004, pour 53 000 nouveaux élèves attendus, il n'y en a eu que 27 000. Entre 1996 et 2002, l'enseignement primaire a perdu 200 000 élèves alors que le nombre d'enseignants a progressé.

Certes il peut y avoir des différences d'un département à l'autre ; nous devons nous efforcer de les corriger et - ce sera l'un des sujets à aborder dans le cadre de la loi d'orientation - améliorer notre capacité de réaction aux évolutions démographiques, en particulier dans les secteurs en difficulté : j'ai visité hier un établissement situé en ZEP, où les effectifs augmentent et le taux d'encadrement chute, alors que dans l'enseignement secondaire dans son ensemble, les effectifs diminuent et le taux d'encadrement est maintenu. Ce ne sera pas facile, d'autant que les mouvements nécessaires ne sont pas forcément souhaités par les enseignants, mais c'est indispensable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christophe Caresche - Je vous remercie, Monsieur le ministre, de m'avoir adressé le rapport d'évaluation de l'Inspection générale sur l'enseignement à Paris. C'est une bonne chose qu'il ait été rendu public et qu'un débat puisse ainsi s'engager.

C'est un rapport inquiétant car il montre que malgré des moyens importants, de l'Etat mais aussi de la Ville, le système d'enseignement produit des résultats médiocres, profite d'abord à l'élite et marginalise les plus défavorisés. Il pointe précisément les dysfonctionnements. Ma crainte étant qu'il soit enterré, je vous demande instamment, comme je le demanderai au maire de Paris, d'y donner suite. C'est une question de volonté politique.

M. le Ministre - Vous posez là une question qui est très importante pour l'académie de Paris, mais qui est aussi assez significative de certains échecs de notre système éducatif.

Il était naturel que ce rapport soit rendu public, l'académie de Paris n'ayant pas à être traitée différemment des autres. Il fait apparaître, c'est vrai, des dysfonctionnements concernant tant l'enseignement primaire que le collège, où l'offre de formation porte atteinte au principe d'équité sociale.

Certaines réponses peuvent être apportées tout de suite par le recteur. Je lui ai donc demandé de prendre toutes les mesures relevant de sa compétence et, d'ores et déjà, il m'a indiqué que des instructions avaient été données pour que les personnels d'inspection s'impliquent de manière beaucoup plus efficace dans les actions de pilotage et d'animation dans les écoles maternelles et primaires.

J'envisage dans un deuxième temps des mesures tendant à rendre l'offre de formation plus attractive et plus diversifiée dans les collèges des secteurs les plus défavorisés.

Enfin, et nous le ferons dans la loi d'orientation, il nous faut réformer notre système à partir de la réalité du terrain, et non pas seulement à partir de principes généreux qui peuvent cacher des injustices de plus en plus criantes.

M. Jean-Pierre Blazy - Je souhaite appeler votre attention sur la situation des étudiants en STAPS.

L'an dernier, le nombre de postes au CAPEPS a été réduit de plus de 40%, avec seulement 780 places, et cela à la veille du concours, ce qui a fait descendre dans la rue de nombreux manifestants. Cette année, 800 postes sont mis au concours ; ce n'est pas du tout suffisant pour répondre aux besoins.

Le ministère avait déclaré l'année dernière qu'il y avait 1000 enseignants d'éducation physique excédentaires, alors qu'on manque de professeurs pour assurer les remplacements. Le taux de remplacement s'élève en effet à 8%, et même à 3% seulement dans certaines académies. Cette année, tous les enseignants d'EPS seront devant des élèves ou en situation de remplacement ; il en manquera même au cours de l'année.

Avec les départs à la retraite prévus en 2005, il faudrait, selon certaines estimations, mettre 1500 postes au concours. Nous sommes donc très loin du compte... Pouvez-vous au moins nous certifier que cette année, il n'y aura pas au dernier moment une réduction surprise ?

M. le Ministre - Les STAPS sont un bon exemple des erreurs de pilotage commises dans le passé, d'ailleurs sous diverses majorités. En 2002 et 2003, les recrutements ont été très supérieurs aux besoins. Contrairement à ce que vous indiquez, pour la rentrée 2004 les professeurs sont en surnombre, estimé à 500. La baisse importante des recrutements en 2004 ne suffira pas à résorber cet excédent, mais amorcera la décrue ; avec le maintien à 800 du nombre de postes en 2005 - ce chiffre est bien un engagement -, la résorption sera achevée en deux ans, donc à la rentrée 2006. On devrait donc pouvoir à nouveau augmenter le nombre de postes offerts au concours en 2006. Cette politique de lissage sur deux ans est souhaitable pour les étudiants, mais il faut bien que le ministère pilote les recrutements en fonction des besoins prévisibles.

M. le Rapporteur spécial - Très bien !

Mme Martine David - Alors que vous avez réduit l'encadrement, nous assistons à une montée très inquiétante des faits de violence dans les établissements scolaires. Les enfants les plus fragiles en sont particulièrement victimes.

En réponse à une question d'actualité, vous avez affirmé que la situation n'était pas pire qu'il y a quelques années, montrant par là une résignation que nous ne saurions accepter. Vous avez également opposé à notre demande d'accroître l'encadrement votre volonté de restaurer l'autorité des enseignants, alors qu'il faut faire les deux. Et qu'entendez-vous faire en attendant que votre politique produise ses effets ? J'espère que ce n'est pas d'étendre le recours, plus que contestable, à des vigiles privés...

M. le Ministre - Le recrutement de vigiles par le proviseur d'un lycée est une faute, et le recteur a demandé l'annulation de cette décision - prise pour des raisons qui ne sont peut-être pas simplement liées aux difficultés rencontrées en matière de sécurité.

Je le répète, le chiffre des violences scolaires en 2003-2004 était strictement le même qu'en 2001-2002. Bien sûr, je ne me satisfais pas de cette situation, mais j'en conclus que vous ne pouvez pas établir de corrélation entre la diminution du nombre des emplois jeunes et la montée de la violence, laquelle révèle une crise de l'institution et appelle une mobilisation collective.

D'abord celle, avec l'éducation nationale, de la justice et de la police. Pour que la pédagogie soit efficace, il faut que la sanction soit très rapide. Tel n'était pas le cas jusqu'ici et j'ai donc signé une convention avec le ministère de la justice afin que celle-ci puisse travailler en temps réel.

Quand se posent des problèmes de racket ou de toxicomanie, une coopération est également indispensable avec la police. Une autre convention, dont la signature avait été repoussée pendant des années pour des raisons purement idéologiques, a par conséquent été passée avec le ministère de l'intérieur, non afin d'avoir un policier en permanence dans chaque établissement mais pour que ceux-ci aient des correspondants dans la police ou la gendarmerie.

M. Christian Estrosi - Très bien !

M. Yves Durand - Cela se pratiquait déjà !

M. le Ministre - Les chefs d'établissement pourront ainsi saisir immédiatement les forces de l'ordre en cas de besoin, cependant que la police ou la gendarmerie y gagneront une meilleure connaissance des problèmes locaux de délinquance.

Il est vrai que j'ai souhaité renforcer l'autorité des enseignants. Ce n'est nullement insulter ces derniers que d'admettre que cette autorité a été affaiblie au cours des dernières années par toute une série de décisions. Au reste, tous se plaignent de n'être plus respectés. Afin de corriger cette situation, nous entendons leur donner plus d'autonomie, s'agissant d'assurer la discipline dans leurs classes. Nous maintiendrons naturellement un cadre général et des instances d'appel pour éviter tout débordement, mais il faut leur laisser un peu de liberté : aucune classe, aucun établissement ne ressemble à une autre classe ou à un autre établissement, et l'on ne pouvait décemment s'en tenir à la fameuse circulaire de 2000, qui n'était qu'une accumulation d'interdictions !

M. Guy Geoffroy - Une horreur !

M. le Ministre - Enfin, pour ce qui est des moyens, nous remplaçons à l'unité près les MI-SE en fin de contrat par des assistants d'éducation. De 33 000 à cette rentrée, ceux-ci passeront à 42 800 à la rentrée de 2005. On peut bien sûr faire mieux mais on ne dira jamais assez combien l'épisode des emplois-jeunes a déstabilisé notre système scolaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Blazy - Cette dernière phrase est bien excessive, Monsieur le ministre !

M. Guy Geoffroy - Non : personne ne voulait de ces emplois jeunes, qui n'étaient qu'un leurre !

M. Jean-Pierre Blazy - Quoi qu'il en soit, je souhaite appeler votre attention sur la position délicate des missions générales d'insertion de l'éducation nationale. Placées sous la responsabilité des recteurs, elles sont chargées de veiller à ce qu'aucun élève ne quitte l'école en situation d'échec total. Or, pour remplir cette mission indispensable, les missions ne disposent que de personnels contractuels et qui, de plus, vont perdre en 2005 le bénéfice de la loi Sapin de 2001 qui les autorisait à passer des concours réservés au bout de trois années d'exercice. Les contrats ne sont plus renouvelés, des postes sont supprimés, les crédits sont réduits et, en conséquence, le nombre des heures d'intervention également. J'ajoute qu'à chaque printemps, les responsables ignorent de quels moyens ils disposeront à la rentrée suivante...

De tout cela, ce sont les jeunes en difficulté qui pâtissent directement. Au moment où vous réfléchissez à une loi d'orientation et où le Gouvernement prétend faire de la cohésion sociale sa priorité, le ministère de l'éducation nationale ne peut abdiquer ses responsabilités en matière d'insertion ! Quelles garanties allez-vous donner à ces missions et aux jeunes menacés d'être abandonnés sur le bord du chemin ?

M. le Ministre - Ces missions générales d'insertion offrent chaque année à quelque 75 000 jeunes soit la possibilité de poursuivre des études, soit des solutions d'insertion. J'entends par conséquent les conforter. Il est vrai que plusieurs recteurs m'ont alerté parce que des difficultés budgétaires gênaient l'élaboration de leur programme d'action pour la rentrée 2004. En particulier, la contribution de 45% apportée par le FSE n'était versée qu'a posteriori. J'ai donc décidé que les crédits de rémunération de l'Etat qui avaient été mis en réserve, seraient intégralement rétablis et que les crédits FSE seraient désormais versés par anticipation. Ces mesures ont permis un accueil satisfaisant des jeunes lors de la dernière rentrée et je veillerai à ce qu'il en soit de même en 2005.

M. Jean-Pierre Blazy - Quid des personnels ?

Mme Béatrice Pavy - Ce budget permettra de porter le nombre des assistants d'éducation de 33 000 à 42 800 pour la rentrée de 2005, et donc de créer plus de 9 000 postes. Le départ des MI-SE sera ainsi compensé. D'autre part, vous créez, pour un coût de 5,2 millions d'euros, 800 postes d'auxiliaires de vie afin de scolariser les élèves handicapés et de favoriser leur insertion en milieu ordinaire. Cependant, dans les territoires ruraux, les inspecteurs d'académie peinent à recruter de ces auxiliaires de vie, en raison de la dispersion des élèves concernés, de leur temps de scolarisation et de l'éloignement des différentes écoles où ces auxiliaires sont censés intervenir. Envisagez-vous par conséquent d'étendre le nombre des classes d'intégration scolaire - CLIS - en zone rurale ? Par ailleurs, disposez-vous d'indicateurs permettant de vérifier que les 800 postes seront bien consacrés au soutien des élèves handicapés ? Enfin, ne peut-on rien faire pour ceux de ces enfants qui sont scolarisés dans des établissements privés sous contrat, exclus de ce dispositif ?

M. le Ministre - La scolarisation des enfants handicapés est pour moi une priorité. Aujourd'hui, ils sont plus de 100 000 à être accueillis, dont près de 30 000 dans le second degré où la progression a été particulièrement forte en un an : 36% ! Cela supposait le renforcement des effectifs d'auxiliaires de vie et c'est pourquoi 800 postes seront créés au sein des postes d'assistants d'éducation - mais avec toutes garanties quant à leur affectation. En outre, dans le premier degré, le nombre des classes d'intégration scolaire, qui était de 3 700 en 2002, a été porté à 4 000 à la dernière rentrée et, dans le second degré, nous allons ouvrir en cinq ans 1 000 unités pédagogiques. Dans la Sarthe par exemple, le nombre des CLIS est passé de 27 à 30 en deux ans et celui des UPI de 6 à 8.

Enfin, comme ceux de l'enseignement public, les élèves de l'enseignement privé sous contrat peuvent bénéficier à titre individuel de l'aide d'un auxiliaire de vie et le forfait d'externat a été revalorisé à cette fin.

M. Guy Geoffroy - Très bien !

Mme Juliana Rimane - La situation scolaire est particulièrement préoccupante en Guyane en raison de la forte croissance démographique et de l'arrivée de populations en provenance des pays voisins. Les variations annuelles des effectifs rendent toute prévision difficile et, quels que soient les efforts des collectivités et de l'Etat, le nombre des classes se révèle toujours insuffisant. Plus grave : plusieurs milliers d'enfants ne sont toujours pas scolarisés et le manque de place dans les lycées professionnels et les internats conduit beaucoup d'autres à abandonner très tôt leurs études. L'absence de structures d'accueil en dehors des heures de cours, le multilinguisme et l'inadaptation des méthodes pédagogiques contribuent au maintien d'un taux d'échec élevé.

En décembre dernier, le ministre délégué à l'enseignement scolaire avait, lors de sa visite, annoncé la création rapide d'un observatoire régional de l'éducation et de l'enseignement en vue d'évaluer précisément les besoins. Pourtant, à ce jour, aucune disposition n'a été prise pour mettre en place cet instrument de planification ! Quand sera-t-il installé ? Quels moyens seront consacrés à la Guyane, compte tenu de ses spécificités sociales, économiques, culturelles et ethniques ? Enfin, comment comptez-vous aider nos collectivités à remplir leurs obligations en matière scolaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Blazy - Très bonne question !

M. le Ministre - Il y a en effet bien des raisons pour que la Guyane bénéficie de la plus grande attention, et je vous confirme donc que cet observatoire sera installé. A la demande du recteur d'académie et en accord avec le préfet et le président du conseil général, les travaux d'investigation seront confiés au comité régional pour l'information économique et sociale, récemment créé.

Une lettre en ce sens a été adressée fin août, par le Gouvernement, aux autorités concernées. L'un des premiers objectifs assignés à l'observatoire sera de recenser la population soumise à l'obligation scolaire dans la région, et le recteur d'académie s'est engagé à ce que les premiers chiffres soient disponibles dés le début de l'année prochaine. Nous pourrons alors réfléchir aux moyens à dégager. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Coussain - M. le Président de la République a fait de l'intégration des personnes handicapées l'une des priorités de son quinquennat. La loi relative aux assistants d'éducation a prévu qu'ils seraient chargés de remplir les fonctions d'auxiliaires de vie pour favoriser l'insertion des élèves handicapés. Malheureusement, leur recrutement pose problème, notamment dans les établissements privés.

M. Yves Durand - On n'arrête pas de le dire !

M. Yves Coussain - Que comptez-vous faire à ce sujet ? Par ailleurs, quels moyens allez-vous dégager pour faciliter l'intégration des élèves handicapés au collège ?

M. le Ministre - La loi du 30 avril 2003 permet le recrutement, par les inspecteurs d'académie, des auxiliaires de vie. Ce n'est pas le même dispositif que celui des assistants d'éducation qui, par ailleurs, répond parfaitement aux demandes des chefs d'établissement.

M. Yves Durand - Ce n'est pas ce qu'ils disent !

M. le Ministre - C'est ce qu'ils me disent, car moi, je les rencontre ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Concernant les auxiliaires de vie scolaire, ils sont recrutés par les EPLE quand ils exercent dans le public, et par les établissements quand ils exercent dans le privé sous contrat.

Pour les établissements privés sous contrat du second degré, cette charge est couverte par la subvention du « forfait d'externat » versée par l'Etat, qui a d'ailleurs été revalorisée. Dans le Cantal, 13 postes d'AVS ont été créés en 2003, et 15 le seront en 2004.

M. Christian Vanneste - Le Conseil constitutionnel a depuis longtemps consacré la liberté du choix de l'enseignement dans notre pays. Il importe que ce principe, inscrit dans la Convention européenne des droits de l'Homme, ne reste pas formel. Or, depuis la loi de finances pour 1985, et après certaines manifestations, la création d'emplois d'enseignants est plafonnée dans les établissements privés sous contrat ! Allez-vous faire évoluer cette règle ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - C'est vrai, les dotations affectées chaque année à l'enseignement privé sont calculées en fonction des moyens alloués à l'enseignement public - 20%. Des problèmes peuvent effectivement se poser quand les effectifs divergent, et nous allons y réfléchir.

Je rappelle cependant que plusieurs mesures importantes ont été récemment adoptées afin de mieux assurer la parité, notamment dans le cadre de la loi de décentralisation, qu'il s'agisse de l'extension de l'intercommunalité à l'enseignement privé, de la possibilité, pour les communes, de faire profiter aux élèves du privé des prestations de la caisse des écoles, du règlement de la prise en charge des élèves non résidants. Parallèlement, le bénéfice du fonds social lycéen sera étendu aux lycées privés à partir du 1er janvier.

M. Christian Vanneste - Très bien !

M. le Ministre - Enfin, des mesures de parité sociale sont en cours d'élaboration dans le cadre d'une proposition de loi qui sera, je l'espère, rapidement inscrite à l'ordre du jour. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jacques Desallangre - Vous pouvez dire merci !

M. Alain Ferry - Les conclusions du rapport Thélot vont dans le bon sens, mais ne se préoccupent guère d'inculquer aux enfants les règles de base de la vie d'adulte. Il est essentiel d'apprendre à gérer un budget, connaître les principes de la vie courante, ou les droits et devoirs d'un citoyen. Cet enseignement, qui devrait être prodigué aux jeunes tout au long de leur scolarité, demeure pour l'instant l'apanage du primaire. Ne faudrait-il pas réfléchir à dispenser des cours de vie pratique ? (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Ministre -S'agissant de l'orientation, des pistes nouvelles viendront compléter le dispositif actuel, qu'il s'agisse de l'alternance en classe de quatrième, ou du module de découverte professionnelle qui sera progressivement proposé à tous les établissements en classe de troisième. Nous poursuivrons encore cet effort dans la loi d'orientation.

Quant à l'éducation à la civilité, elle relève, je le rappelle, de la responsabilité de tous les enseignants, quelle que soit leur matière. Des plages horaires sont réservées à cet enseignement de la maternelle à la terminale, notamment dans le cadre de l'enseignement de l'histoire-géographie et de l'éducation civique. Il serait dommageable d'allonger encore les heures de cours, alors que le temps de travail des élèves pose déjà problème.

M. Jacques Desallangre - De la qualité de l'enseignement général dépendent le niveau d'éducation de la population et partant, la situation économique, sociale et politique de la nation.

Hélas, alors qu'en 2002, le budget permettait de créer 10 000 emplois, vous avez largement réduit le taux d'encadrement. Et que dire du manque de sincérité de vos budgets et du décalage entre les prévisions et les actes! N'avez-vous pas accepter de les amputer de 10 milliards d'euros en 2003, sans parler des gels ou annulations de crédit !

Cette année les effectifs d'enseignants fondent, malgré l'augmentation du nombre d'élèves, et une analyse objective des chiffres vous montrerait que nous ne dépensons pas autant que vous le prétendez pour la formation de nos élèves.

Allez-vous nous dire la vérité sur ce budget ? Allez-vous cesser de réduire autant le recrutement des enseignants ?

M. le Ministre - Votre question me peine car, soit vous connaissez très mal le fonctionnement du budget de l'éducation nationale, soit vous êtes de mauvaise foi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Comment aurions-nous pu annuler 10 milliards en 2003 sans que personne ne s'en aperçoive ?

En fait, s'il y a décalage, c'est entre le montant des crédits inscrits en loi de finances, et le montant des crédits disponibles pour la gestion, du fait du transfert du crédit des pensions aux charges communes. Ainsi, en 2003, 11,6 milliards de crédits ont été transférés à ce titre, et ont été naturellement dépensés, mais si l'on neutralise ce transfert, la dépense 2003 a été supérieure de près de 800 millions au montant de la loi de finances initiale.

Quant aux références internationales, vous vous y référez quand cela vous arrange, sinon, vous les contestez... En fait, parmi les pays de l'OCDE, la France consacre 6% de son PIB à l'éducation quand la moyenne est de 5,6%. Face aux études internationales, soit on réagit, comme l'a fait l'Allemagne, soit on nie la pertinence des critères et on refuse toute évaluation extérieure. Or, notre système doit être évalué et des comparaisons sont nécessaires. Je répète que sur le plan budgétaire, nous devons faire des progrès.

M. François Liberti - Les postes ouverts aux concours diminuent chaque année et la situation des travailleurs précaires s'est encore dégradée dans l'éducation nationale. Les contractuels sont mis au chômage et nombreux sont ceux qui ne seront pas réemployés en 2005. Ni l'ancienneté, ni l'admissibilité aux concours ne mettent ces personnels à l'abri. 150 000 à 200 000 personnes sont ainsi victimes d'un plan social à peine déguisé.

Le mouvement social des travailleurs précaires m'autorise à dire que vous ne pouvez pas tenir vos engagements pour lutter contre la précarité et rationaliser la gestion. Dans certaines académies, des modes de gestion inacceptables sont mis en œuvre : sans aucun égard pour la continuité pédagogique, l'académie, au lieu d'utiliser un contractuel pour couvrir un poste non pourvu, choisit de partager le service entre trois vacataires à l'année.

En outre, le nouveau cadre règlementaire pour l'emploi des non titulaires qui est en cours d'élaboration crée un statut de sous fonctionnaire en CDD et CDI, ce qui ne rassure pas les personnels.

Allez-vous enfin titulariser ces milliers de travailleurs ?

M. le Ministre - Nous avons réduit le recours aux travailleurs précaires qui s'était beaucoup développé dans le passé. Les contractuels recrutés pour l'enseignement sont passés, grâce à une meilleure gestion prévisionnelle, de 22 500 en janvier 2003 à 19 500 en 2004, et ils devraient être 13 500 en 2005. La proportion des non-titulaires, pour la suppléance, est passée en trois rentrées de la moitié au tiers.

Nous proposons en outre de supprimer 2 100 postes de maîtres auxiliaires et de professeurs contractuels, puisque le statut de maître auxiliaire n'a plus de pertinence en matière de recrutement et qu'un nombre significatif de maîtres auxiliaires sont titularisés du fait de leur succès à un concours. Entre 2001 et 2004, 22 000 enseignants non titulaires ont été titularisés et, concernant les non enseignants, ce sont, entre 2001 et 2003, plus de 15 000 non-titulaires qui l'ont été. L'effort sera poursuivi en 2004 puisque plus de 20% des postes offerts au recrutement des ATOS visent à résorber la précarité.

M. Jacques Desallangre - Ceux qui ont la vue courte critiquent les dépenses liées à l'éducation car ils ne voient pas qu'il s'agit d'un investissement.

Le projet crée 1 000 emplois dans le premier degré - en fait, 700 seulement, puisqu'il y a titularisation de 300 non-titulaires - face à l'afflux de plus de 51 000 nouveaux élèves. Si l'on applique les ratio d'encadrement que vous nous opposez, vous ne créez qu'un poste pour 72 élèves - mais il est vrai que selon vous, des classes surchargées n'empêchent pas de réussir...

Vous avez en revanche la main plus lourde en ce qui concerne les suppressions de postes : vous supprimez ainsi 3400 emplois dans le second degré en raison d'une baisse de 44 000 élèves. Vous supprimez donc un poste pour 13 élèves. Et je passe sur la suppression de 2 100 postes de maîtres auxiliaires et de professeurs contractuels du second degré...

Combien de classes, combien d'écoles seront-elles effectivement fermées en 2005 ? L'Etat continuera-t-il de se désengager des zones rurales ? Dans l'Aisne, cette année, 40 postes ont été supprimés dans le premier degré pour seulement 194 élèves en moins, et dans le second degré, ce sont 49 emplois qui ont été supprimés pour une baisse de 450 élèves. Voilà les implications des choix budgétaires du Gouvernement. Pouvez-vous les nier ?

M. le Ministre - Je les nie avec la plus extrême vigueur, notamment concernant le département de l'Aisne, où 1 012 élèves attendus n'étaient pas présents à la rentrée de 2004 dans le premier degré et 1 022 dans le second degré. Il faut prendre garde aux chiffres : à la rentrée de 2003, il y avait près de 25 000 élèves de moins que ce que nous avions prévu et ce fut la même chose pour 2004. C'est à partir de ces chiffres réels qu'il convient de calculer les ratio, et vous constaterez alors que le taux d'encadrement est maintenu.

M. François Liberti - La loi de décentralisation devrait s'appliquer dès le 1er janvier 2005. Or, si le transfert des personnels ne pourra être réalisé à cette date, le transfert des compétences sera, lui, effectif. Dès lors, les missions exercées par les TOSS seront pilotées par les régions et par les conseils généraux, qui devront, pour ce faire, négocier avec l'Etat, car leur refus permettrait aux préfets de décider de la nature et des conditions des transferts des personnels.

Maintiendra-t-on dans les trois cadres d'emplois à venir la spécificité du temps de travail liée à l'année scolaire, ou bien les négociations locales aboutiront-elles à des résultats divers ? Assistera-t-on à l'éclatement des conditions de rémunérations ? Les TOSS non titulaires seront-ils réembauchés ? Les collectivités s'engageront-elles quant au maintien des missions de service public des personnels ? Les TOSS resteront-ils intégrés aux établissements scolaires ?

M. Guy Geoffroy - Evidemment !

M. François Liberti - Depuis le mois de juin, aucune information n'a été communiquée quant aux modalités précises du transfert ni à son volant financier. En particulier, allez-vous prendre en compte le financement des équivalents temps plein des emplois non statutaires ?

Nous vous demandons quant à nous de suspendre toute décentralisation des personnels et d'engager une discussion avec les départements et les régions sur toutes ces questions.

M. le Ministre - Il est vrai que la loi du 13 août prend effet au 1er janvier 2005, mais il est faux de prétendre que les collectivités territoriales seront contraintes de négocier avec l'Etat les transferts de personnels. Le recours à des conventions doit permettre d'établir la liste des services qui seront mis à leur disposition et placé sous leur autorité. Les agents exerçant dans ces services seront mis à disposition de la collectivité, ce qui garantit la continuité du service public. Le préfet ne pourra décider de la nature et des conditions du transfert. En l'absence de conventions, la liste des services mis à disposition sera établie par arrêté conjoint du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre de l'éducation nationale, après avis motivé d'une commission nationale de conciliation comprenant un nombre égal de représentants de l'Etat et de chaque catégorie de collectivité territoriale.

Les craintes exprimées quant au temps de travail ou aux rémunérations sont infondées : l'année scolaire continuera de rythmer la vie et l'organisation des établissements, et les rémunérations des agents territoriaux évolueront parallèlement à celles des agents de l'Etat.

S'agissant des agents TOSS non titulaires, tous les contrats commencés iront jusqu'à leur terme. A leur expiration, les collectivités examineront ce qu'il est possible de faire dans les mêmes conditions que l'Etat à chaque rentrée.

Quant à l'inquiétude grandissante que vous évoquez, elle n'est apparue à aucun recteur, chef d'établissement ou responsable administratif. Il existe certes une attente de clarification du dispositif chez les personnels transférés, mais aussi un véritable intérêt pour les nouvelles perspectives offertes, voire un espoir que la décentralisation améliore la situation, tant du point de vue du service public que pour les personnels.

Mme Huguette Bello - Dans l'attente du prochain débat sur la loi d'orientation sur l'école, je souhaite aborder deux questions.

Avec treize lycées professionnels accueillant 14 600 élèves, l'enseignement professionnel occupe une place importante dans le système éducatif réunionnais. Il concerne aujourd'hui plus de 40% des élèves du second cycle, soit une proportion largement supérieure à la moyenne nationale. Comme les années précédentes, cette rentrée scolaire a été marquée, pour 1 500 élèves, par des difficultés d'affectation. On a dû recourir au redoublement, orienter les élèves vers des formations privées et surtout augmenter les effectifs malgré les inconvénients inhérents aux classes surchargées, encore aggravés dans les sections professionnelles par le casse-tête de la répartition des postes de travail.

Dans les filières de la bijouterie, de l'hôtellerie ou de la coiffure, le nombre de demandes est deux à quatre fois plus élevé que celui des places disponibles. La procédure d'affectation multivoeux, mise en place cette année à la Réunion, présente en outre des critères de sélection, notamment celui de l'âge, trop rigides dans un contexte de forte demande.

L'augmentation des effectifs s'explique par une démographie scolaire dynamique, mais aussi par l'image positive dont bénéficie l'enseignement professionnel à la Réunion, où il est souvent l'objet d'un véritable choix de la part des parents et des élèves. Aussi l'enjeu est-il moins de valoriser l'enseignement professionnel que de répondre à la demande sociale, ce qui suppose la construction d'établissements et, ce qui est du ressort de l'Etat, la création de postes d'enseignants. C'est d'autant plus indispensable que la qualité de l'enseignement dispensé dans ces établissements est reconnue et que l'apprentissage n'est pas une voie adaptée au tissu économique de la Réunion, où les maîtres de stage manquent.

J'appelle également votre attention sur les infirmières de l'éducation nationale, qui se trouvent exclues du bénéfice des mesures de reprise d'ancienneté prévues par deux décrets de juillet 2003. En effet, le décret qui fixe le nouveau statut des infirmiers de l'Etat réserve aux nouvelles recrues la reprise intégrale des services effectués avant leur recrutement. Le décret relatif aux infirmiers de la fonction publique territoriale n'opère, lui, aucune distinction : tous les personnels bénéficient de la reprise d'ancienneté.

Des démarches avaient été entreprises auprès du ministre délégué à l'enseignement scolaire, qui s'était montré favorable à une harmonisation des dispositifs dont l'impact financier serait au demeurant faible. Une réunion interministérielle avait même été annoncée. Je souhaiterais donc savoir si la position exprimée par M. Darcos est toujours d'actualité.

Pour conclure, je ferai une nouvelle fois état du manque notoire, de la maternelle à l'Université, d'infirmiers scolaires dans l'académie de la Réunion : 121 postes pour quelque 300 000 élèves !

M. le Ministre - Je salue avec vous la réussite de l'enseignement professionnel à la Réunion. J'aimerais qu'elle soit la règle sur l'ensemble du territoire national : les qualités de cet enseignement, notamment en matière d'insertion sur le marché du travail, le justifient pleinement.

Les chiffres que vous avez cités datent de la rentrée. La quasi-totalité des élèves ont aujourd'hui trouvé une solution. Je me tiens à votre disposition, avec mes services, pour étudier le développement de l'enseignement professionnel à la Réunion, en tenant compte des aspirations des élèves et des besoins de l'économie locale.

Quant aux infirmières de l'éducation nationale, elles relèvent du statut des infirmières de l'Etat et ne peuvent donc faire l'objet d'un traitement spécifique. Or ce statut réserve la reprise intégrale des services effectués avant le recrutement aux seules infirmières recrutées depuis 2003. Mais les autres ont bénéficié de revalorisations substantielles, notamment la refonte de la grille indiciaire et l'amélioration du pyramidage du grade de débouché, à hauteur de 5,7 millions d'euros sur trois ans. Je souhaite que ces efforts se poursuivent.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

J'appelle maintenant les crédits inscrits à la ligne « Education nationale, enseignement supérieur et recherche - Enseignement scolaire ».

ETAT B
TITRE III

M. Yves Durand - Je suis en parfait accord avec le ministre : l'école n'est ni de droite, ni de gauche, elle est à la nation. Il est cependant légitime que se confrontent, en démocratie, une conception de droite et une conception de gauche de l'école. Ne considérons pas systématiquement que l'autre n'est pas assez intelligent pour comprendre ou cède à la mauvaise foi. Puisse le débat sur la loi d'orientation s'inspirer de ce principe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Notre amendement 62 vise à rétablir 10 040 481 euros, qui correspondent à la différence entre le budget 2004 et le budget 2005. Il ne s'agit pas de créer des postes : jamais nous n'avons réduit la nécessité de la réforme aux seuls moyens. Simplement, celle-ci ne pourra se faire sans moyens supplémentaires. Vous avez d'ailleurs déclaré hier en visitant un établissement, Monsieur le ministre, si j'en crois la presse, que la loi d'orientation exigerait des moyens supplémentaires. Je suis d'accord avec vous ! Mais, avez-vous ajouté, cela se ferait par redéploiement. C'est un autre problème... (Sourires)

Nous ne demandons pas, par cet amendement, de créer des moyens supplémentaires, mais de maintenir ceux qui existent, notamment dans les ZEP, où les problèmes d'échec scolaire sont patents.

M. le Rapporteur spécial - La commission n'a pas examiné cet amendement. On peut néanmoins considérer qu'en adoptant le budget, elle l'a repoussé. Je rappelle qu'en commission des finances, le budget a été voté à l'unanimité, moins l'abstention d'un collègue socialiste.

Notre collègue Durand redoute qu'un message négatif soit adressé aux étudiants sur le nombre de recrutements. Justement, il augmente !

M. Yves Durand - Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. le Rapporteur spécial - Lisez l'exposé sommaire de votre amendement ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine David - Quel mépris !

M. le Rapporteur spécial - Le nombre de postes mis au concours augmente par le seul fait que celui des départs à la retraite augmente. Je conclus donc au rejet de l'amendement.

L'amendement 62, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les crédits inscrits au titre III de l'état B, mis aux voix, sont adoptés, de même que ceux inscrits au titre IV et que ceux inscrits aux titres V et VI de l'état C.

APRÈS L'ART. 73

M. le Président - En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 73.

M. Yves Durand - L'amendement 61 n'a pas d'impact financier. Il vise à charger un groupe de travail d'étudier un plan de pré-recrutement à destination des étudiants de première année de DEUG. Nous aurons un déficit d'enseignants, dans tous les pays européens, en 2007, 2008 et 2009. Il faut donc attirer dès maintenant les jeunes étudiants. Les IPES ont longtemps permis à des jeunes défavorisés de faire des études, et au corps enseignant, plus tard, d'être à l'image de la nation.

Le système présenterait l'avantage pédagogique considérable d'être représentatif de l'ensemble des classes sociales. Nous insistons pour que le Gouvernement mette en place un groupe de travail en vue de rendre effectif ce système de pré recrutement dès la rentrée 2006.

M. le Rapporteur spécial - « Ipésien » moi-même, je ne puis être totalement hostile à l'idée qu'un groupe de travail se saisisse de cette question ? mais cet amendement n'a pas lieu d'être dans le cadre du présent débat budgétaire. La commission ne l'a pas examiné et j'y suis personnellement défavorable. J'ajoute que les instituts de préparation à l'enseignement secondaire recrutaient sur des critères exclusivement académiques. Or on sait aujourd'hui que le bon professeur n'est pas seulement celui qui maîtrise parfaitement sa discipline mais aussi un passeur de savoir, capable de mettre en confiance chacun de ses élèves.

M. le Ministre - Cet amendement n'a pas sa place, en effet, dans le débat budgétaire, mais il aborde le type même de sujet qui pourrait être utilement débattu dans le cadre de la préparation de la loi d'orientation. Au reste, je ne verrais que des avantages à ce que M. Durand prenne une part très active à ce travail préparatoire. Sur le fond, je rappelle que le métier d'enseignant ne souffre pas aujourd'hui d'un problème d'attractivité.

M. Yves Durand - Monsieur le ministre, ne bottez pas en touche ! J'aurais voulu que vous vous engagiez à étudier cette possibilité de pré-recrutement car elle me semble très prometteuse.

L'amendement 61, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Nous en avons terminé avec l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, concernant l'enseignement scolaire.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 aura lieu, cet après-midi, à 15 heures 30.

La séance est levée à 13 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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