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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 20ème jour de séance, 46ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 8 NOVEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      ÉVÉNEMENTS DE CÔTE-D'IVOIRE 2

      LOI DE FINANCES POUR 2005
      -deuxième partie- (suite) 2

      AGRICULTURE, PÊCHE ET FORÊT 2

La séance est ouverte à neuf heures trente.

ÉVÉNEMENTS DE CÔTE-D'IVOIRE

M. le Président - Avant d'aborder nos travaux, je vous propose, après les drames qui ont touché nos soldats français en Côte-d'Ivoire, d'observer une minute de silence.

(Mmes et MM. les députés et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence)

LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005.

AGRICULTURE, PÊCHE ET FORÊT

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Alain Marleix, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'agriculture - Le budget de l'agriculture pour 2005 s'élève à 4,89 milliards d'euros, contre 4,98 milliards en 2004. Mais la baisse des crédits de 1,8 %, n'est qu'apparente, compte tenu des 90 millions d'euros qui seront reportés fin 2004 pour financer les bâtiments d'élevage, et le programme de maîtrise des pollutions : grâce à ce complément garanti qui sera disponible en 2005, le budget de l'an dernier est reconduit.

Le budget du ministère ne représente cependant qu'une partie des 29,7 milliards d'euros d'aides publiques à l'agriculture. Les aides communautaires s'élèvent à 10,5 milliards, la protection sociale agricole est dotée de 12,5 milliards de financement public hors cotisations sociales, les autres ministères contribuent à hauteur de 600 millions et les collectivités locales pour près d'un milliard.

En ce qui concerne la PAC, la France a versé en 2003 15,1 milliards au budget communautaire et a reçu en retour 13,1 milliards, bénéficiant ainsi du quart du budget agricole de l'Union européenne, lequel représente lui-même près de la moitié du budget communautaire. La pérennité du budget agricole étant garantie au moins jusqu'en 2013, la réforme de la PAC décidée à Luxembourg en juin 2003 devrait aboutir à un gain net de 100 millions par an pour le revenu de nos agriculteurs. L'affaire a été bien négociée par les autorités françaises. Ces financements relèvent du deuxième pilier et bénéficieront donc principalement aux zones défavorisées. Je vous renvoie à mon rapport pour une présentation détaillée des contributions du budget de la PAC.

Quatre priorités budgétaires ont été retenues pour 2005. Tout d'abord, le lancement de l'assurance récolte. Les agriculteurs subissent des aléas climatiques, comme la sécheresse de 2003, qui mettent en péril leur revenu. Une provision de 10 millions est donc prévue pour amorcer dès 2005 les nouveaux instruments de couverture des risques que les assureurs devraient proposer au plus grand nombre possible d'exploitants agricoles. Cette dotation devra sans doute, Monsieur le ministre, être abondée en cours d'exercice.

Le budget prévoit ensuite la création d'un fonds unique des bâtiments d'élevage. De nombreux éleveurs peinent en effet, notamment dans les zones de montagne et dans les systèmes d'exploitation soumis à des évolutions rapides des marchés, comme la production laitière, à financer l'investissement lourd que représente l'adaptation d'un bâtiment d'élevage. La nouvelle procédure permettra de regrouper en guichet unique l'ensemble des aides qui étaient gérées selon des procédures disparates par les services de l'Etat et les offices d'intervention. Ce fonds sera doté en 2005 de 55 millions d'autorisations de programme, qui seront complétés dès l'année prochaine, grâce aux cofinancements communautaires, pour atteindre 80 millions.

En complément, le PMPOA requiert un important financement public, compte tenu de l'enjeu majeur que représente la restauration de la qualité des eaux dans un contexte où l'agriculture s'impose des objectifs tangibles de respect de l'environnement. Une dotation de 133 millions d'euros d'autorisations de programme y est donc consacrée.

Troisième priorité, la dotation consacrée à l'amélioration de la qualité des productions végétales est majorée de 7 % pour atteindre 15,2 millions de crédits d'intervention et mobiliser d'importantes équipes des services centraux et déconcentrés ainsi que des établissements publics de recherche. Cette mission répond à des impératifs de sécurité sanitaire des aliments et de santé des végétaux.

Quatrième priorité, le renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles, dotés de 228 millions, soit une hausse de 5 % par rapport à 2004. Ce programme est le seul à bénéficier d'une création nette d'emplois : plus d'une centaine de postes d'enseignants, de chercheurs et de techniciens, autrefois dispersés dans les différents programmes, sont prévus. Ces mesures accompagnent l'organisation de l'enseignement en six pôles régionaux pour favoriser une synergie entre innovation, recherche et développement.

Je voudrais à présent poser aux ministres trois questions sur les mesures de soutien aux agriculteurs. Quand le versement en une seule fois de la DJA, revendication ancienne et légitime qui a été satisfaite l'année dernière, sera-t-il applicable ? C'est une mesure urgente pour les jeunes agriculteurs. Quand le mode de fonctionnement du FFIPSA - qui remplace le BAPSA - sera-t-il arrêté ? Il est en effet important de donner rapidement un cadre de représentation à tous les acteurs qui vont participer à la réflexion sur l'avenir de la protection sociale agricole.

Enfin, pour les indemnités compensatoires de handicaps naturels - ICHN - qui permettent la présence d'agriculteurs dans les zones défavorisées, spécialement en montagne, où elles constituent un complément substantiel de revenu, un montant de 234 millions est prévu. Il faut aller plus loin, conformément à l'engagement que vous avez pris l'an dernier d'augmenter leur montant de 50 % en trois ans pour les vingt-cinq premiers hectares. Après une augmentation de 10 % l'année dernière, une dotation supplémentaire de 16 millions sera cette année nécessaire pour atteindre l'objectif. Le Président de la République lui-même a rappelé cet engagement dans le discours sur l'avenir de l'agriculture qu'il a prononcé en votre présence à Murat, dans le Cantal, le 21 octobre.

Je ne conclurai pas sans me féliciter de constater que le ministère de l'agriculture contribue à la maîtrise des moyens publics ; ainsi, 206 départs à la retraite ne seront pas compensés. Dans le même temps, des réformes sont lancées qui visent à accroître l'efficacité des services, notamment par la création d'un secrétariat général du ministère, qui est aussi l'un des premiers à instaurer une rémunération au mérite pour tous les directeurs de l'administration centrale en fonction de la réalisation d'objectifs assignés. Enfin, la réforme des offices agricoles entraînera une rationalisation qui favorisera aussi la maîtrise des coûts de fonctionnement tout en maintenant la présence territoriale, à laquelle nous sommes particulièrement attachés, dans chaque filière agricole et agro-alimentaire. Le ministère apparaît également exemplaire dans la mise en œuvre de la LOLF. La commission se félicite que sa recommandation tendant à créer deux programmes correspondants aux deux piliers de la PAC aient été retenue. Pour autant, une ventilation des dépenses de personnel est souhaitable, tout comme la définition d'une politique de la montagne et la fixation d'objectifs relatifs à la qualité du service rendu aux agriculteurs.

La commission vous demande d'adopter les crédits de l'agriculture pour 2005 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'agriculture - L'Etat consacrera près de 4,9 milliards à l'agriculture en 2005. La stabilisation de ce budget, alors que la maîtrise des déficits publics impose des arbitrages difficiles, témoigne de la mobilisation de la nation en faveur des productions agricoles françaises. A ces crédits déjà importants, il faut évidemment ajouter les crédits communautaires, les fonds destinés à la protection sociale agricole et les participations des collectivités locales.

Je m'efforcerai de retracer l'évolution des principaux postes de dépenses des crédits de l'Etat, même si l'application à ce budget d'une présentation expérimentale ne facilite pas les comparaisons. On le sait : désormais, le budget de l'agriculture se compose de sept programmes d'action répartis en quatre missions. La maîtrise des dépenses de fonctionnement du ministère se poursuivra en 2005, comme en atteste le non remplacement de 206 départs à la retraite. Dans le même temps, on notera l'effort en faveur des services déconcentrés, ce dont chacun se félicitera puisque de leur efficacité dépend l'application de la PAC. Je tiens à souligner l'effort prévu en faveur de l'enseignement et de la recherche agricoles, dont le budget progresse de 2 %. Cette augmentation bénéficie à l'enseignement technique secondaire mais aussi à l'enseignement supérieur et à la recherche, puisque plus de 100 postes d'enseignants, de chercheurs et de techniciens seront créés ; cela étant, on aurait pu imaginer que le plan en faveur de la recherche permette la création d'une vingtaine de postes supplémentaires. Je saisis l'occasion qui m'est donnée pour féliciter M. Forissier de son action en faveur de l'enseignement agricole. Cet effort doit se poursuivre, notamment par la rénovation des équipements ; à ce sujet, je déplore le sinistre qui a touché l'école vétérinaire de Maisons-Alfort.

Les crédits consacrés à l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs baisseront de 6,3 % en 2005, année où l'on ne constatera plus le besoin exceptionnel lié, en 2004, à la réforme du versement de la DJA. Je rappelle par ailleurs qu'il est prévu d'exclure cette dotation de l'assiette sociale ainsi que des prélèvements de CSG et de CRDS.

En ce qui concerne la politique forestière, l'Etat respecte son engagement de reconstituer les forêts dévastées par les tempêtes de 1999, même si le budget de 325 millions consacré à cette action est en recul par rapport à 2004. Les crédits destinés à la lutte contre les incendies restent stables et le projet rétablit le versement compensateur de l'ONF au niveau de la dotation de 2003. Enfin, les crédits consacrés à la forêt feront désormais l'objet d'un chapitre unique, si bien qu'ils ne pourront plus être affectés à d'autres politiques.

Les crédits destinés aux aides perçues au titre du développement rural connaissent une évolution contrastée. Ainsi, le soutien aux territoires ruraux les plus fragiles augmente encore, puisque les indemnités compensatoire de handicap naturels, déjà accrues de 12,7 % dans le précédent budget, progressent encore. En revanche, les crédits destinés aux mesures agro-environnementales et aux contrats d'agriculture durable diminuent d'environ 9 %, car les contrats signés ont atteint leur rythme de croisière et les nouveaux contrats engagent des montants moindres ; les aides à la reconversion en agriculture biologique ne seront pas affectées par cette baisse. Le budget des primes au maintien des troupeaux de vaches allaitantes baisse de 4,2 %, ce qui traduit l'ajustement aux besoins.

Les priorités que révèle le budget qui nous est soumis témoignent d'un réel engagement du Gouvernement pour réduire les menaces qui pèsent sur notre agriculture. Ainsi, les crédits qui financent la qualité et la sécurité alimentaires augmenteront de 1,7 %. D'autre part, la création d'une assurance récolte, provisionnée à hauteur de 10 millions pour 2005, constitue une grande innovation. Cet outil permettra de lisser le risque et donnera une meilleure visibilité aux financements publics. L'autre nouveauté est la création d'un fonds unique consacré à la rénovation des bâtiments d'élevage.

Lors de votre audition, Messieurs les ministres, les commissaires vous ont interrogé sur plusieurs sujets d'actualité et, en premier lieu, sur le service public de l'équarrissage, qui suscite des dissensions au sein de la filière viande. Je me félicite que, dès le 27 octobre, vous ayez, Monsieur le ministre, procédé à un tour de table pour parvenir à un accord sur la répartition de la charge financière d'équarrissage. Par ailleurs, la représentation nationale restera attentive à la bonne utilisation des deniers publics consacrés à l'élimination des farines animales. Le ministre a également rappelé à la commission les mesures d'aides décidées en faveur du secteur agricole à l'heure où les cours du pétrole sont au plus haut, et souligné que le Gouvernement tient à relancer la production de biocarburants d'origine agricole, ce dont nous nous réjouissons. M. Gaymard a enfin rappelé les aides conjoncturelles prévues en faveur des producteurs de fruits et légumes ; il a surtout tenu des propos encourageants pour l'avenir de la filière en évoquant l'évolution des règles européennes de gestion des crises, dont il a dit qu'elle constitue la priorité absolue de la diplomatie communautaire française.

Dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, le projet qui nous est présenté permettra que notre politique agricole dispose de sommes équivalentes à celles votées l'année dernière. Il reconduit les grandes priorités définies par le Gouvernement et prépare l'avenir du secteur en consacrant davantage de crédits à l'enseignement et à la recherche et en finançant notre politique de sécurité sanitaire. Il permet enfin d'aborder avec confiance une année cruciale pour l'agriculture française. C'est pourquoi la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption de ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial de la commission des finances pour la forêt - Le programme « forêt » devrait s'élever à 325 millions en crédits de paiement et à 312 millions en autorisations de programme. Toutefois, seuls 321 millions en crédits de paiement sont regroupés au sein du chapitre créé en vue de l'expérimentation et consacré au programme « forêt ». En effet, les dépenses de personnels, de l'ordre de quelque quatre millions, n'y apparaissent pas, non plus que les crédits du cofinancement communautaire. Au-delà des spécificités de l'expérimentation, je regrette que les personnels qui assurent des missions forestières et qui relèvent des DDAF d'une part, des DRAF et de l'administration centrale d'autre part, soient rattachés à d'autres programmes. De ce fait, on ne peut appréhender le coût total de la politique forestière.

La création de ce programme répond néanmoins à la logique du découpage par finalités et devrait permettre d' identifier les crédits consacrés à la forêt, ce que le « bleu » ne permettait pas jusqu'ici.

Le programme Forêt comprend quatre actions : 31 millions sont consacrés au développement économique de la filière forêt-bois, 154 millions à la gestion du patrimoine forestier public, 92 millions à l'amélioration de la gestion et de l'organisation de la forêt privée, 48 millions à la prévention des risques et à la protection de la forêt.

La filière forêt-bois est un secteur économique important. Avec un fort potentiel de croissance, elle est un formidable gisement d'emplois puisque 100 000 nouveaux emplois pourraient s'ajouter aux 475 000 existants. La forêt est capitale pour la conservation de la diversité biologique, la protection des sols, la lutte contre l'effet de serre, la qualité des paysages, l'amélioration du cadre de vie. Elle est ainsi essentielle au respect par la France de ses engagements internationaux. Enfin, le public s'y rend de plus en plus nombreux, notamment, Monsieur le ministre, dans vos belles forêts savoyardes.

Pour autant, dans son rapport « La filière bois française : la compétitivité, enjeu du développement durable » Dominique Juillot a mis en évidence un certain nombre de paradoxes. Ainsi, alors que les marchés internationaux se développent, les entreprises françaises connaissent des difficultés et le déficit commercial s'aggrave. De même, bien que la forêt française soit vaste - elle occupe 27 % du territoire - et riche, les approvisionnements des entreprises de transformation sont difficiles.

Une politique ambitieuse pour la forêt suppose avant tout des moyens. Or, alors que la France consacre déjà à la forêt 4 à 10 fois moins d'argent public que les pays européens comparables, ce budget est en forte baisse. Ainsi, les crédits de paiement diminuent de 6,7 %, et les autorisations de programme de 7 %. L'évolution des crédits d'investissement consacrés à la production forestière est particulièrement inquiétante, avec une baisse de 9,5 % pour les CP et de 16 % pour les AP.

Le Gouvernement ne respecte pas les engagements pris dans le plan tempête. La baisse des crédits est d'autant plus préoccupante que s'ajoutent désormais aux dégâts causés par les tempêtes de 1999 ceux de la sécheresse de l'été 2003. En outre, si la reconstitution est une priorité, elle ne doit pas être réalisée au détriment des autres investissements forestiers. Or, le Gouvernement semble avoir abandonné toute politique d'investissement forestier.

De même le soutien accordé par le Gouvernement aux acteurs de la filière se réduit comme peau de chagrin. Les crédits consacrés au développement et aux organismes de la filière diminuent ainsi de près de 5 % tandis que les crédits d'investissement destinés à la modernisation de la filière chutent de 31 % en CP et de 33 % en AP.

Par ailleurs, les crédits destinés à l'ONF passent de 150 à 144,71 millions d'euros, aucune subvention exceptionnelle n'étant prévue, contrairement à l'année dernière. Si le montant du versement compensateur augmente par rapport à celui inscrit en loi de finances initiale pour 2004, il diminue par rapport au montant corrigé.

L'amélioration de la qualité des produits et le développement des usages du bois sont des objectifs essentiels pour renforcer la compétitivité de la filière car ils doivent permettre de promouvoir des produits à forte valeur ajoutée. Or le soutien à la forêt privée est dispersé et insuffisant.

Les pistes d'actions pour améliorer la compétitivité de la filière forêt-bois sont diverses : regroupement de l'offre, évolution des modes de vente, développement d'une logistique d'approvisionnement et de transport, amélioration de la performance des outils industriels, développement des finitions et du séchage des sciages, classement .et normalisation des produits, démarche qualité dans les entreprises, éco certification de la gestion forestière.

Or les moyens consacrés à la mise en œuvre des mesures prévues par la loi d'orientation sur la forêt du 9 juillet 2001 ne sont pas suffisants. Alors que cette loi a étendu les missions dévolues aux Centres régionaux de la propriété forestière et que le Gouvernement avait donc prévu de créer 90 emplois, il ne tient pas ses engagements : 30 emplois ont bien été créés en 2004, mais aucun crédit n'est inscrit cette année. Mes amendements à ce propos ayant été déclarés irrecevables, j'espère que le ministre nous apportera de bonnes nouvelles...

Enfin, le programme Forêt relève des expérimentation voulues en 2005 par le secrétaire d'Etat au Budget afin de « tester de façon très significative la mise en oeuvre des programmes ». Je regrette toutefois que, parmi les critères retenus, la qualité du service rendu aux usagers et l'efficience de la gestion aient été oubliées.

Sur le fond comme sur la forme, ce budget aurait du être rejeté par la commission des finances. Elle en a décidé autrement, contre l'avis de son rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Brottes - Rapporteur lucide !

M. Aimé Kerguéris, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la pêche - La pêche française traverse depuis deux ans une importante phase de transition, du fait de l'application de la réforme de la politique commune décidée en décembre 2002. Les efforts demandés aux professionnels dans ce cadre doivent évidemment être accompagnés par un soutien de la puissance publique, tant au niveau communautaire que national.

Certes, le budget de la pêche et des cultures marines pour 2005 n'échappe pas à la logique générale de maîtrise des déficits publics, qui explique le léger tassement des crédits de paiement dans leur ensemble : après une hausse de près de 24 % l'an dernier, ils diminuent de 5,7 %. Dans le même temps, les autorisations de programme passent de 4,5 à 32,5 millions d'euros, pour des raisons techniques liées à l'application anticipée de la LOLF.

Mais ces éléments ne permettent pas de se faire une idée juste des priorités retenues. Ainsi, un effort financier sans précédent sera accompli pour améliorer la sécurité des marins, qui seront aidés à acquérir des vêtements à flottabilité intégrée, tandis que les armateurs de navires de moins de 12 mètres seront encouragés à s'équiper de moyens de sauvetage.

De même, un effort sera accompli pour développer les missions de contrôle des pêches, conformément aux exigences de la Commission européenne.

M. François Liberti - On supprime la pêche minotière !

M. Aimé Kerguéris, rapporteur pour avis - Les crédits destinés aux actions structurelles avaient déjà doublé dans le précédent budget, ils augmenteront encore de 18,6 %.

Les baisses constatées s'expliquent par l'évolution des besoins et des financements. Ainsi, en matière d'organisation des marchés, la subvention à l'OFIMER diminue de 15,2 % parce qu'elle est ajustée aux besoins et parce que l'on tient compte de la meilleure participation des fonds communautaires de l'IFOP. De même, la diminution de l'enveloppe consacrée aux prêts à la pêche tient uniquement à la réduction du coût du refinancement de l'encours des prêts accordés avant 2002. Elle n'affectera en aucune façon les besoins nouveaux.

Enfin, s'agissant de la recherche et de la sécurité sanitaire, les moyens financiers mis à la disposition de l'IFREMER sont stables.

M. François Liberti - A la baisse !

M. Aimé Kerguéris, rapporteur pour avis - Outre ces évolutions budgétaires contrastées, il me semble essentiel d'évoquer l'aide apportée par le Gouvernement aux pêcheurs, confrontés à d'importantes difficultés conjoncturelles.

Ainsi, il n'est pas possible d'amortir le choc pétrolier actuel par des allégements fiscaux puisque le gazole est déjà entièrement exempté tant de TVA que de TIPP. Il faut pourtant rappeler que le carburant représente 25 % du coût d'exploitation des entreprises de pêche, et qu'une hausse de 0,15 euro du prix du litre de gazole entraîne une réduction de 4 à 16 % du revenu des marins.

Heureusement, les mesures annoncées me semblent de nature à apaiser Ies craintes des professionnels. Je me réjouis en particulier de l'allégement immédiat d'un million, au profit des pêcheurs confrontés à des difficultés de trésorerie. Surtout, un système d'assurance carburant sera prochainement institué, grâce au versement par l'Etat d'une avance remboursable de 15 millions d'euros.

Par ailleurs, la modernisation de la flotte française doit être poursuivie pour renforcer la sûreté et la compétitivité des moyens matériels dont disposent nos pêcheurs.

Si les aides publiques à la construction doivent prendre fin au 31 décembre de cette année, les aides à la modernisation ne s'arrêtent qu'au 31 décembre 2006 : toutes ces aides doivent être mobilisées avant ces échéances. A cet égard, le plan de modernisation de la flotte de pêche, qui devrait permettre la construction de plus de 250 navires et la modernisation d'une centaine d'ici à deux ans, va dans le bon sens, tout comme l'accroissement des subventions d'équipement qui s'élèvent à 5,4 millions dans le budget pour 2005.

L'arrivée d'un nouveau commissaire européen à la pêche, d'origine maltaise, devrait être l'occasion de renouer avec une politique commune des pêches plus ambitieuse. Ce changement pourrait-il nous aider à obtenir le report des échéances communautaires pour l'obtention des aides - fin 2005 pour les aides à la construction et fin 2008 pour les aides à la modernisation ? La date limite pour l'obtention de subventions destinées à l'achat de navires de pêche est-elle toujours fixée au 31 décembre 2004 ?

S'agissant de l'amélioration de la gestion de la ressource halieutique, des progrès ont été accomplis pour mieux associer les marins aux travaux des scientifiques sur l'état réel des stocks. Peut-on espérer un semblable apaisement pour la gestion des stocks ?

Concernant l'implantation des nouveaux sites de conchyliculture et de pisciculture, quelles mesures envisagez-vous pour permettre aux professionnels de surmonter la pression foncière qui s'exerce sur le littoral ?

Quant aux importations de bars et daurades à bas prix de Grèce ou de Turquie, quelles sont les conclusions de l'audit mené depuis mai 2003 par la Commission européenne ?

Malgré les incertitudes, les perspectives sont encourageantes pour les pêcheurs français, ce qui a amené la commission des affaires économiques à approuver ce budget de la pêche et des cultures marines. J'invite la représentation nationale à en faire autant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Jean Gaubert - De bonne intentions conjuguées à un talent certain de communication ne font pas forcément une bonne politique. Des intentions, vous en avez : installer les jeunes, garantir les revenus et soutenir les plus fragiles, engager la réorientation, soutenir la recherche, augmenter la valeur ajoutée, garantir la qualité, aider les zones fragiles, et j'en passe ! Mais c'est à la récolte qu'on reconnaît un bon laboureur, et ce budget est loin de répondre à toutes les attentes que vous avez suscitées.

Certes, vous avez annoncé quatre mesures phare, qu'il s'agisse de l'assurance récolte - mais on ignore tout de ses modalités -, du Fonds unique pour la rénovation des bâtiments agricoles - c'est une bonne idée mais qui n'est pas à la hauteur des besoins -, de la nouvelle politique phytosanitaire ou du renforcement de la recherche et de l'enseignement supérieur - mais il ne s'agit là que de rattrapages !

M. Alain Marleix, rapporteur spécial - Quel aveu !

M. Jean Gaubert - Je parle surtout des coupes budgétaires que vous avez opérées depuis 2002 ! En tout cas, nous ne sommes pas éblouis !

S'agissant de l'installation des jeunes, les crédits baissent de 5 %. Le ministre a beau affirmer qu'il ne s'agit que d'un effet mécanique, je crois surtout que cela traduit un réel manque d'ambition. Votre politique ne fait plus rêver.

Vous prétendez garantir les revenus et soutenir les plus fragiles, mais l'on sait tous que la nouvelle PAC ne permettra pas d'atteindre ces objectifs et nous nous interrogeons sur certains pans de votre politique. Voyez la baisse de la dotation pour les offices : moins 2 % en 2004, qui se traduisent par moins 10 % sur les crédits d'orientation. Quelles seront les conséquences de la baisse de 6 % en 2005, dans un contexte particulièrement difficile pour certaines productions, en particulier les fruits et légumes ? A ce sujet, sans prétendre couvrir les exactions commises par les producteurs de légumes en Bretagne à la fin de la semaine dernière, lesquels ont lancé une attaque intolérable contre les biens publics, je tiens à attirer votre attention sur la crise qu'il traversent aujourd'hui, et dont, ni le ministère, ni la représentation nationale n'ont pris l'exacte mesure.

L'ouverture à la concurrence européenne aura des conséquences graves, et vous enlevez encore des moyens aux filières qui en avaient déjà tant besoin ! Il ne sera ainsi plus possible de jouer avec les budgets des offices, ce que nous avons toujours fait.

Et dans le même temps, les crédits sociaux baissent.

Venons-en à la réorientation. En 2002, il y avait une mesure bolchevique que vous vouliez absolument supprimer : le CTE

M. François Brottes - Un gros mot !

M. Jean Gaubert - Nous avons attendu un an avant d'avoir les contrats d'agriculture durable, dont vous réduisez aujourd'hui les crédits de 10% !

Sur l'enseignement, je reconnais que vous opérez un rattrapage au profit du secteur privé, mais s'agissant de la recherche, que de coupes sombres depuis 2002 !

S'agissant de l'augmentation de la valeur ajoutée, vous êtes venu à Rennes il y a quelques semaines expliquer à la filière agricole et agroalimentaire qu'elle allait devoir se réorienter, mais avec quels moyens ? Les crédits alloués aux IAA s'apparentent à une dotation de misère.

Comment voulez-vous garantir la qualité après avoir supprimé 128 postes dans les services vétérinaires depuis 2003 ?

S'agissant des zones fragiles, ce budget est loin de traduire les orientations de la loi sur le développement des territoires ruraux !

Quant à la protection sociale agricole, vous augmentez encore le taux de la cotisation de solidarité, qui était déjà élevée, au risque de compromettre l'installation des jeunes.

J'en viens à la pêche. La restructuration n'est malheureusement pas achevée, et les délais qui nous sont accordés seront trop courts, notamment du fait de la complexité de certains montages financiers. Où en sommes-nous, du reste, du dossier Sofipêche ?

Par ailleurs, la crise du pétrole étant désormais structurelle, je me demande comment nous pourrons un jour rembourser les « avances remboursables » ?

Un budget qui baisse est-il un mauvais budget ? C'était votre opinion, lorsque vous étiez dans l'opposition. Je ne le partage pas, à condition toutefois que ce budget permette au ministère de remplir les missions qui lui sont dévolues. Or, il ne s'agit ici que d'un budget de vache maigre, et vous préparez aux agriculteurs une année de sécheresse budgétaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Sauvadet - Ce budget s'inscrit dans un contexte difficile : crises récurrentes des secteurs des fruits et légumes, du vin, du lait qui ont montré la fragilité des accords entre industriels et producteurs sur la question essentielle du partage des marges. La recherche permanente des prix les plus bas ne sert pas l'intérêt des consommateurs. Le chef de l'Etat considère lui-même que cette question doit être traitée en priorité. Je regrette à ce propos que la commission d'enquête sur le partage des marges n'ait pas été créée, ce qui aurait permis à l'Assemblée de poser clairement la question des prix agricoles.

M. Jean Dionis du Séjour - Très bien !

M. François Sauvadet - Ce budget s'inscrit également dans un contexte international incertain. Sur le plan européen, un cadre budgétaire a été fixé jusqu'en 2013 mais des interrogations demeurent dans l'application de la PAC, dont l'UDF souhaite qu'elle soit l'objet d'une évaluation annuelle afin de mesurer ses conséquences sur les filières, les producteurs, les territoires. Il conviendra d'ailleurs de veiller aux conditions d'application de cette réforme dans les différents pays de l'Union, compte tenu de la marge de manœuvre dont dispose chaque pays, ce « caractère optionnel » pour lequel vous avez plaidé, Monsieur le ministre, ce dont je vous félicite. L'accord conclu prévoit que la Commission devra soumettre au conseil européen un rapport sur les conditions de cette mise en œuvre d'ici à 2008. Je souhaite que celui-ci soit fondé sur des expertises contradictoires dans lesquelles chaque Etat sera impliqué. Nous devrons être d'autant plus vigilants que nous aurons un rendez-vous à mi-parcours en 2008. Les déclarations de Dalia Grybauskaite, future commissaire en charge du budget dans la commission Barroso, sont à ce propos inquiétantes puisqu'elle a considéré la PAC comme « désuète » et que, selon elle, il serait également honteux de consacrer près de la moitié du budget de l'Union à l'agriculture.

M. Kléber Mesquida - En effet, ces déclarations sont scandaleuses.

M. François Sauvadet - Dans ces conditions, on peut s'interroger sur notre volonté commune de promouvoir un vrai modèle agricole européen, secteur économique fondamental qui ne saurait être considéré comme une variable d'ajustement.

En outre, ce budget s'inscrit dans un contexte difficile du fait du renchérissement du coût du gazole qui affecte tout le monde rural. Comme nous vivons une véritable crise structurelle, je salue l'avancée constituée par l'adoption de l'amendement de M. Demilly qui vise à satisfaire l'objectif européen d'utilisation de 5,75% de biocarburants dans la filière agricole d'ici à 2010.

Nous sommes enfin dans un contexte budgétaire national contraint. Avec 4,88 milliards de crédits, ce budget est en légère baisse mais, dans un contexte de décentralisation, pourquoi augmenter de 2,7% les crédits de l'administration centrale soit bien plus que ceux de l'administration déconcentrée ?

Bien entendu, ce budget ne constitue qu'une partie des concours financiers à l'agriculture, les interventions de l'Europe s'élevant à environ 10,5 milliards.

Nous allons avoir un grand débat sur une loi de modernisation et d'orientation agricole et c'est heureux car les agriculteurs sont inquiets et attendent plus que les nécessaires mesures d'accompagnement - je pense en particulier aux bâtiments d'élevage ou à l'ICHN pour laquelle les engagements pris doivent être tenus : il attendent des mesures d'orientation précises sur la place de notre agriculture, sur les moyens dont elle disposera. Je me réjouis qu'un grand débat ait été lancé tant au plan national que régional.

Le nombre d'installations d'agriculteurs constitue un bon indicateur de leur mal-être : or, il y en a eu 1 000 de moins entre 2000 et 2003. Nous comptons moins de 6000 installations aidées par an et, dans ces conditions, la baisse des crédits est malvenue. Il faut aussi dénoncer la complexité croissante de nos systèmes d'aides au point que de nombreuses installations se font sans aide aucune. J'observe que les aides les plus efficaces sont les plus simples, les plus facilement accessibles et mobilisables. Je souhaite donc une politique rénovée d'accompagnement à l'installation.

J'ai eu l'occasion de saluer la création du dispositif d'assurance récolte, même si des interrogations subsistent, tant sur les subventions engagées - 40 % de la prime d'assurance pendant les deux premières années puis 10 ou 15 % ensuite - que sur la majoration pour les jeunes. L'absence de réassurance publique pose la question de la viabilité financière du système en cas de catastrophe climatique exceptionnelle. Je note en outre que l'Espagne consacre 210 millions par an à l'assurance récolte contre 10 millions pour la France, ce qui ne nous permettra d'accompagner que 5 % des productions assurables.

Je m'interroge également sur la remise en cause des systèmes destinés aux agriculteurs en difficulté, en particulier le FAC. Les dotations aux offices baissent. La réorganisation en trois pôles procurera certes des économies d'échelle, mais je il faut poursuivre l'effort de structuration des filières et d'encouragement aux politiques de qualité.

Je souhaite également une politique plus volontariste de promotion de nos produits agricoles et agroalimentaires. M. Ollier a d'ailleurs envisagé d'ouvrir un débat sur nos outils de soutien à l'exportation afin que l'argent public soit plus efficacement utilisé.

En ce qui concerne les crédits forestiers, les besoins sont toujours aussi importants. Une bonne politique forestière ne peut pas se permettre de jouer au yoyo. Nous avons été unanimes à voter la loi d'orientation : les engagements qui avaient été pris doivent être tenus ! C'est notamment le cas pour les propriétaires privés, et je sais que Nicolas Forissier les a entendus. Les acteurs comprennent bien que tout n'est pas possible financièrement, mais ils attendent au moins de l'Etat qu'il tienne ses engagements.

M. François Brottes - Très bien !

M. François Sauvadet - Encore un mot sur le remplacement du BAPSA par le FFIPSA. Contrairement à ce que le Gouvernement avait indiqué l'an dernier, ce fonds n'a pas fait l'objet d'un programme spécifique du budget, pas plus que d'un rapport spécial.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales - C'est un problème interne à l'Assemblée !

M. François Sauvadet - Je ne fais qu'exprimer l'opinion d'un groupe qui n'a pas partagé le choix de l'Assemblée. M. Marleix a souligné la nécessité de trouver rapidement une solution au manque de ressources, dont M. Herth affirme qu'il n'aura pas de conséquences sur les assurés. Qu'il me donne la recette, alors qu'il manque entre un milliard et demi et deux milliards sur quinze ! Il faut des ressources affectées, et il est très regrettable que la TVA, la C3S ou le fonds de compensation ne se retrouvent pas dans le FFIPSA. Cela nous a conduit à un débat surréaliste, obligeant la commission des affaires sociales à délibérer deux fois... Je ne vous accuse pas, Monsieur le ministre : les responsabilités sont partagées. Mais la situation ne peut pas durer. Le nombre des cotisants diminuant, le poids de la dette va s'accroître.

Pour conclure, bravo, Messieurs les ministres, pour l'enseignement et pour la recherche. Le groupe UDF n'a jamais douté de votre volonté ni de votre engagement personnel, surtout dans des négociations internationales où les agriculteurs étaient désignés comme coupables permanents. Nous ne voterons donc pas contre ce budget, qui comporte pourtant tant de zones d'ombre. Mais faute d'avoir obtenu des réponses aux questions essentielles en première partie de la loi de finances, notamment en ce qui concerne la protection sociale, nous ne saurions vous donner un blanc-seing. Notre abstention montre que nous prenons la situation agricole très au sérieux. Parce que l'avenir de la ruralité est en cause, nous sommes prêts à nous engager activement dans la préparation de la loi de modernisation et d'orientation agricole, en partenaires libres et exigeants au service d'une ambition qui doit nous rassembler : tracer un avenir pour une agriculture ouverte, reconnue et respectée dans ses missions au service de l'économie et de la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. André Chassaigne - Je viens de me plonger dans deux ouvrages récents. J'ai sincèrement apprécié le premier, Monsieur le ministre, « La route des Chapieux » (Sourires) : c'est un bel acte de foi que nous partageons tous, j'en suis convaincu, sur les paysans et les pêcheurs, d'où il ressort notamment qu'ils ne sont pas le symbole d'une France révolue, puisqu'ils représentent 10 % de la population active ! Je n'ai pas découvert dans le second la même reconnaissance « de la France pour ses paysans et ses pêcheurs » : il est vrai que les bleus budgétaires sont peu propices aux envolées lyriques... Mais c'est cependant eux qui ont force de loi.

Or, le budget de l'agriculture pour 2005 est un budget d'abandon. Le Gouvernement a tout simplement décidé de soumettre l'agriculture au régime sec. Mais derrière les chiffres se joue le destin des hommes que Bercy a si souvent tendance à oublier ! Avec une inflation proche de 2 % , le budget est en baisse de 1,8 %. Ces chiffres suffiraient à soulever l'inquiétude, mais le désarroi des agriculteurs est bien plus profond. D'abord, le financement de la protection sociale agricole est fragilisé par la suppression du BAPSA. Le nouveau FFIPSA est financé par les taxes sur les tabacs, dont le produit baisse régulièrement. L'assiette de la TVA qui finançait le BAPSA était bien plus dynamique ! Aujourd'hui donc, le FFIPSA est en déficit de plus de un milliard et demi et l'Etat n'a pas prévu de verser de subvention d'équilibre, empêchant de fait le Parlement de débattre de la protection sociale agricole. C'est aussi inquiétant pour les agriculteurs que pour la démocratie.

Du budget, on parvient à extirper quelques semblants de priorités. La création d'un fonds unique des bâtiments d'élevage était attendue, notamment en zone de montagne, pour permettre aux éleveurs de mettre leurs installations aux normes. Mais le financement de ce chapitre n'est assuré que grâce à des reports de crédits de 2004 ! Ce fonds sera-t-il pérenne ? Les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole sont également en hausse sensible, mais ils favorisent incontestablement le secteur privé. Le secteur public perd neuf emplois pour l'enseignement supérieur et 97 pour le technique ! Soixante classes ont été fermées à la dernière rentrée, et certains concours de recrutement n'auront pas lieu en 2005 ! Le Gouvernement s'engage donc clairement dans une stratégie de rationnement de l'offre publique qui profite au seul secteur privé, dont les crédits pour l'enseignement agricole augmentent de 5 % !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales - Ce n'est pas vrai !

M. André Chassaigne - Ce n'est pas acceptable. Comment la France pourrait-elle prôner une ambition pour l'agriculture si elle continue à délaisser l'enseignement public ?

Réussir le renouvellement des actifs suppose aussi d'aider les jeunes à s'installer. Or, les crédits de la dotation des jeunes agriculteurs sont réduits de 5 millions et les moyens des SAFER amputés de 2 millions. Leurs capacités d'intervention sur le marché foncier est donc réduite. Entre l'enseignement public, l'installation des jeunes et la politique foncière, ce sont les trois piliers du renouvellement des structures agricoles que vous fragilisez ! C'est l'avenir de tout l'agriculture qui est handicapée !

Vous franchissez en outre un pas supplémentaire dans le démantèlement des structures existantes. Les dotations des offices sont en chute libre, et le cœur de leur politique est remis en cause. A l'heure où les agriculteurs dénoncent le libéralisme sauvage qui encourage le dumping de la grande distribution et des industries agroalimentaires, vous ouvrez grandes les portes du poulailler libre dans lequel le renard sera tout aussi libre ! Après le rapport Canivet, favorable à la grande distribution, et la réforme de la PAC, qui ne vise qu'à baisser les prix agricoles, c'est un nouveau signal négatif.

Alors que les préoccupations environnementales commencent à s'affirmer, que la multifonctionnalité de l'agriculture pourrait permettre de concilier valorisation économique et respect de l'environnement, vous taillez dans les crédits des contrats territoriaux d'exploitation et des contrats d'agriculture durable et vous ne faites que reconduire l'indemnité compensatrice de handicap naturel ! Pourquoi ne pas vous servir des crédits libérés par l'arrivée à échéance des premiers CTE ? Elu d'une région forestière, je dénonce également la chute brutale des crédits de la forêt : 6,7 % en crédits de paiement et 7 % en autorisations de programme ! Tous les volets de la politique forestière vont en ressentir les effets. Alors que de nombreux rapports, dont celui de M. Bianco en 1998, ont montré le potentiel économique de développement de la filière bois, les crédits d'investissement destinés à la production forestière baissent de 10 % et ceux du développement de la filière de 31 % ! C'est l'arrêt de toute ambition nationale en la matière. Le désintérêt du Gouvernement est tel que lorsqu'il prend des mesures de réduction des taxes sur le pétrole pour les agriculteurs, les débardeurs de nos forêts en sont exclus !

Les angoisses du monde agricole sont multiples et légitimes : la réforme de la PAC amplifie la baisse des prix agricoles ; la Commission européenne défend, à l'OMC, les seuls intérêts de l'industrie agroalimentaire, les pouvoirs publics ne prennent pas la mesure du racket de la grande distribution sur les agriculteurs... Le recul marqué de l'intervention publique ne peut que conforter ces inquiétudes. Ce budget est de bien mauvais augure, à un an de la loi de modernisation agricole. Pour paraphraser votre ouvrage, Monsieur le ministre, à trop faire de concessions au réel, vous ne parviendrez qu'à réduire l'imaginaire à des rêveries passives... et à laisser l'emporter la fatalité du déclin de notre agriculture sur le vrai projet qu'attendent aujourd'hui les paysans.

J'ai une pensée, Monsieur le ministre, pour notre ami commun, le Fidèle Berger d'Alexandre Vialatte (Sourires), pris dans la tourmente de 1940 avant de se retirer pour écrire dans ma petite commune de Saint-Amand-Roche-Savine. Il vous a beaucoup marqué, Monsieur le ministre : meurtri par la débâcle de la PAC, vous voulez, comme ce personnage qui était seul à voir l'eau « mordorée, pailletée, clapotante, couleur de pierre d'aventurine » qui traversait la route, nous faire partager votre vision d'un excellent budget. Mais il ne s'agit que d'une vision ! (Sourires) Pour ma part, de façon irréfutable...

M. le Ministre - Comme l'éléphant ! (Sourires )

M. André Chassaigne - ...j'y vois davantage la ... « chronique » d'une mort annoncée. Dans ces conditions, le vote des députés communistes et républicains ne peut être que négatif. Je vous laisse enfin deviner la dernière phrase de mon propos : « Et c'est ainsi... ».

M. le Ministre - Que Chassaigne est grand ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Michel Raison - La séquence que je suis chargé d'animer sera un peu moins idéologique et un peu plus réaliste, car pour ma part je vois un budget de 5 milliards, en quasi-reconduction malgré le contexte difficile, un budget dont 26 % sont consacrés à la formation et à la recherche. Et je suis donc rassuré, après le tableau apocalyptique qui vient de nous être brossé.

Vous avez beaucoup travaillé, Monsieur le ministre, à l'amélioration de la productivité et de l'efficacité de vos services. Vous avez ainsi été l'un des premiers à mettre en place la rémunération au mérite pour l'ensemble des directeurs d'administration centrale. Par ailleurs, 206 départs à la retraite ne seront pas remplacés : votre ministère contribue de la sorte à la maîtrise de la dépense publique. Mais cette spécificité française qu'est l'extrême complexité administrative annule ces efforts de productivité et pollue la vie quotidienne de nos agriculteurs. Avec la même PAC, certains de nos voisins européens font beaucoup plus simple. Il faut donc continuer à simplifier.

La qualité d'un budget ne se mesure pas à son volume mais à sa capacité de dégager des priorités utiles. C'est en ne perdant pas cela de vue que l'on pourra redresser les finances publiques. En l'occurrence, ce budget dégage quatre priorités destinées à préserver l'avenir, étant entendu, Monsieur le ministre, que vous avez pris la bonne décision en ce qui concerne les CTE, car si l'on avait continué au même rythme, c'est l'ensemble du budget du ministère qui aurait fini par servir à financer cette mesure démagogique.

Première priorité : le lancement de l'assurance récolte, avec 10 millions d'euros. Ce montant peut sembler insuffisant, mais vous nous avez dit, Monsieur le ministre, que la montée en charge ne serait pas très rapide et que les besoins complémentaires seraient satisfaits en loi de finances rectificative. Nous serons vigilants sur ce point.

Deuxième priorité : la rénovation des bâtiments d'élevage, avec un fonds de modernisation doté de 55 millions d'euros. En 2006-2007, il devrait l'être à hauteur de 120 millions. Là encore, nous serons vigilants. Le PMPOA sera doté de 133 millions en AP. Quant aux crédits de paiement de l'ensemble de ce dossier, ils risquent d'être un peu « courts » à partir de 2006, si l'on n'y prend garde.

Troisième priorité : une politique volontariste dans le domaine phytosanitaire. Cette politique est bonne pour les agriculteurs, mais aussi pour les consommateurs. De gros progrès ont déjà été faits, n'en déplaise aux marchands de peur, mais il faut continuer dans cette voie de la rigueur dans l'homologation et l'utilisation des produits.

Quatrième priorité : l'enseignement et la recherche. L'enseignement agricole accueille tous les publics et offre de plus larges débouchés que la seule agriculture. Les crédits de l'enseignement technique augmentent de 2,3 % - un effort particulier est fait en faveur de l'enseignement privé, ce dont je vous félicite, Monsieur le ministre, car il fallait rattraper le retard pris et tenir la parole qui avait été donnée par un gouvernement précédent - et ceux de l'enseignement supérieur et de la recherche de 5 %. Je m'en réjouis, car à l'heure où certains énergumènes prêchent la peur de la science cependant que la recherche américaine prend de l'avance, ce n'est vraiment pas le moment de baisser les bras. Pour ma part, sans tomber dans le scientisme, je prêche pour le non-intégrisme, notamment sur le dossier des OGM.

M. Jean Dionis du Séjour - Très bien !

M. Michel Raison - Ne parlons pas par exemple à leur sujet de danger de « contamination » si le risque est seulement celui de la dissémination.

En ce qui concerne la forêt, je note, là encore, le respect de la parole donnée, avec le versement compensateur de l'Etat à l'ONF. Mais je suis un peu plus inquiet pour la forêt privée, dont les crédits baissent de 22 millions. J'espère que les crédits manquants seront apportés en loi de finances rectificative.

En annexe de ce budget, il ne faut pas oublier les 10,5 milliards venant de l'Union européenne, ni les diverses mesures de gestion de crise, je pense en particulier à l'aide sur les carburants. Citons aussi les mesures telles que la prime pour l'emploi, l'allégement des transmissions, la mensualisation de la retraite, le soutien à la vocation exportatrice de notre agriculture...

Après la loi sur le développement des territoires ruraux, vous travaillez maintenant d'arrache-pied, Monsieur le ministre, sur la loi de modernisation, entreprenant à cet effet une concertation intense avec différents groupes de travail puis une impressionnante tournée. Je vous souhaite bonne chance dans la réalisation de votre ambition, qui est d'imaginer le visage agricole de la France pour les quinze prochaines années.

L'accord OMC de Genève du 1er août marque une nouvelle étape dans la libéralisation des échanges agricoles. Reste à souhaiter que l'Union européenne conclue favorablement la deuxième phase de négociation. Vous devrez pour cela, Monsieur le ministre, travailler étroitement avec la Commission et nouer des alliances fortes avec nos partenaires européens. Nous connaissons vos qualités de négociateur et nous sommes donc confiants.

S'agissant enfin de la loi Galland, nous allons proposer de transformer le groupe de travail créé sur le sujet en mission d'information, car à mon avis, nous n'en sommes pas au stade de la commission d'enquête. (Murmures sur divers bancs) Je crois vraiment qu'une mission d'information sera amplement suffisante, surtout si les députés y viennent plus nombreux qu'au groupe de travail.

M. François Sauvadet - C'est un petit Scud...

M. Jean Dionis du Séjour - Un tout petit !

M. Michel Raison - Comme mes collègues, je souhaite que l'on débouche sur des négociations qui tiennent compte de l'ensemble de la chaîne, du producteur jusqu'au distributeur, étant entendu que la baisse des prix à la consommation ne doit pas être le seul objectif et qu'il ne s'agit pas de démanteler une loi protectrice pour les producteurs et les petits commerces.

M. François Sauvadet - C'est vrai !

M. Michel Raison - La météo est imparfaite, l'homme est imparfait. Ce budget ne peut davantage prétendre à la perfection, mais il est largement au-dessus de la moyenne et le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Dionis du Séjour - Mon intervention n'étant qu'un complément de celle de M. Sauvadet, je n'évoquerai que deux dossiers : les retraites agricoles, les fruits et légumes.

Les retraites agricoles sont, vous le savez, parmi les moins élevées de la nation. Dans un contexte budgétaire très serré, le Gouvernement a déjà mis en œuvre deux réformes qui sont à son honneur : la mensualisation et le financement d'une retraite complémentaire. Mais il reste quatre problèmes : les petites retraites, dont la revalorisation est une question d'élémentaire justice ; la pension des conjoints des chefs d'exploitation et des aides familiaux ; l'extension de la retraite complémentaire obligatoire à ces mêmes conjoints et aides familiaux au prorata de leur carrière ; la révision du statut des poly-pensionnés pour prendre en compte le montant total de leurs diverses pensions.

Ce budget 2005 aurait dû être l'occasion de franchir une étape dans ce rattrapage, qui pourrait s'opérer progressivement jusqu'en 2010, les retraités agricoles étant dans leur majorité des gens dignes et responsables. Il ne l'a pas été et nous le regrettons vivement.

Mais le plus préoccupant reste la situation de la filière des fruits et légumes.

Ma contribution est forcément située géographiquement, mais elle se veut aussi l'écho de ce que j'ai pu entendre dans bien des terroirs qui ressemblent au mien : le Val de Loire, la vallée du Rhône, et même la Bretagne.

J'ai essayé modestement, dans les dernières semaines, de remplir mon mandat de député de cette terre arboricole et maraîchère qu'est le Lot-et-Garonne : la crise qui a secoué cet été, avec une violence inédite, les producteurs de fruits et légumes, a peu de chose à voir avec une crise conjoncturelle. J'espérais que ce budget soit au moins un début de réponse, voire une riposte, à ce qui se passe notamment en Allemagne. Vous ne l'avez pas voulu ainsi. Vous êtes surchargé et sans doute n'avons-nous pas réussi à vous convaincre que cette crise était pour nous un vrai tremblement de terre. Nous ne sommes donc pas d'accord sur la conduite de ce dossier, et c'est l'une des raisons de notre abstention sur le vote de ce matin.

Certes, votre budget n'est pas sans signe d'espoir, même pour un arboriculteur français. Je salue les débuts de l'assurance récolte. Enfin une vraie assurance pour lutter contre tous les aléas climatiques ! Pas seulement la grêle, mais aussi le vent, le gel, la sécheresse qui déstabilisent depuis toujours l'agriculture... Les débuts sont timides - 10 millions d'euros - mais la porte est ouverte. On en parlait depuis vingt ans, vous êtes le ministre qui l'aura fait naître : bravo !

Il fallait cependant oser riposter sur les trois fronts de l'aide d'urgence, du coût du travail et des relations avec la grande distribution.

Les agriculteurs, par exemple les serristes en tomate, qui ont perdu environ 90 000 euros par hectare, me demandent la gorge serrée : « Jean, qu'est ce que je fais ? Je replante pour reperdre la même chose, ou j'arrête tout ?» Certains font le pari de continuer. Mais il faut faire les avances pour la prochaine campagne, chauffer les serres avec un prix de l'énergie qui explose : c'est là que les aides d'urgences prennent tout leur sens.

Vous avez annoncé à Nantes, le 7 octobre, à l'occasion du 48e congrès national des producteurs de légumes, quatre mesures : 10 millions d'euros consacrés pour les aides directes de trésorerie, 50 millions pour les prêts de consolidation, un million pour l'étalement des cotisations à la Mutualité sociale agricole, et 10 millions pour l'ONIFLHOR.

Sans nier l'intérêt de ces mesures, nous voulons dire qu'elles ne sont pas à la hauteur du drame de cet été. Si vous ne pouviez pas aller plus loin dans le cadre budgétaire, il fallait avoir l'audace de créer des ressources fiscales exceptionnelles. L'UDF avait émis l'idée d'une hausse exceptionnelle de la TACA. Dommage que vous ne l'ayez pas retenue !

Nos filières « produits frais » manquent cruellement de compétitivité, notamment - et c'est nouveau - dans la compétition intra-communautaire. Le coût du travail, excessivement élevé en France pénalise ces filières à forte intensité de main-d'oeuvre. Un saisonnier coûte 6,15 euros de l'heure en Allemagne contre 8,52 en France, un salarié en CDI 5,43 euros de l'heure en Espagne contre 10,52 en France. L'Allemagne et les Pays-Bas ont su adapter leur législation aux enjeux agricoles modernes et faire appel à la main-d'oeuvre saisonnière étrangère : elle représente jusqu'à 243 000 travailleurs en Allemagne contre 10 000 en France dans certaines filières.

Vous avez annoncé, à Nantes et ici-même, la création d'une mission interministérielle chargée d'examiner les facteurs de distorsion de concurrence intra-européens. Où en est-on? Pourquoi le Parlement n'est-il pas associé à cette mission? Quand rendra-t-elle ses conclusions ? Les mettrez-vous en œuvre pour la campagne 2005 ? Le contraire serait scandaleux pour nos paysans ? Mais comment le financerez-vous alors que rien n'a été prévu dans le budget ni dans le PLFSS ?

Enfin, le rapport de forces entre la grande distribution et la production est complètement déséquilibré, avec cinq centrales d'achat face à 360 organisations de production. Lors du débat sur le développement des territoires ruraux, vous nous avez assuré que vous étudieriez les pistes de travail du rapport Canivet pour en tirer rapidement des conséquences législatives. Le 27 octobre, Nicolas Sarkozy, interrogé par nos soins sur le coefficient multiplicateur, nous a promis des réponses pour le 20 novembre.

Nous avons lu avec soin ce fameux rapport, qui reconnaît le problème de la filière fruits et légumes et y consacre 17 pages. Mais ses propositions, désespérantes, écartent sommairement la voie d'avenir la plus prometteuse : le coefficient multiplicateur. Si Nicolas Sarkozy a jugé la proposition de notre collègue Ferrand incompatible avec le droit communautaire, M. Canivet emploie un conditionnel beaucoup plus prudent.

Quels amendements allez-vous déposer au Sénat, Monsieur le ministre? Et surtout, avez-vous la volonté politique de contraindre la grande distribution à un autre partage des marges avec les producteurs? Nous vous demandons d'oser. Améliorons la proposition Ferrand, battons-nous pour la faire admettre à Bruxelles ! En quoi la corrélation entre le prix de vente au client et le prix d'achat au producteur fausserait-elle la concurrence entre producteurs européens ?

Votre gestion est respectable. Mais dans certaines filières de nos campagnes, il y a le feu, et votre budget est trop classique pour l'éteindre. Certes, comme François Sauvadet, je salue le retour de la France sur la scène de la diplomatie agricole européenne. Parce qu'il manque de l'audace réformatrice indispensable en ces temps de crise, je m'abstiendrai pourtant sur le vote de ce budget.

M. Louis Guédon - Le budget de la pêche s'élève pour 2005 à 32,4 millions d'euros. Il est destiné à soutenir une flotte de 5695 navires qui a réalisé, en 2003, un chiffre d'affaires de 964 millions pour les produits frais et de 177 millions pour les produits congelés, ainsi que la conchyliculture.

Après une augmentation de 23,5% en 2004, ce budget voit sa baisse contenue à 5,6% (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Il traduit donc l'attention particulière que vous portez au monde de la mer dans un contexte budgétaire difficile. Il prend en compte le plan de modernisation de la flotte qui permettra, d'ici 2006, de moderniser 100 navires et d'en construire 250 nouveaux. Vous avez prévu 5,4 millions de crédits de programmation et la poursuite des prêts bonifiés indispensables à l'équilibre financier des armements. Ce plan assurera la sécurité de nos équipages, qui sera renforcée par des vêtements à flottabilité intégrée.

Mis en place à l'initiative de la profession, le dispositif des Sofipêche concerne 53 navires - 34 pour une première installation et 19 pour des renouvellements - représentant 55 millions d'investissements qui permettent d'espérer 370 emplois embarqués. Le dossier a été transmis à la Commission européenne avec l'aval du ministre des finances. Puisse-t-il être jugé conforme au droit communautaire !

Il faut impérativement assurer la sécurité de nos marins, qui souhaitent voir étudier la gestion des aléas. Ils ont été frappés de plein fouet par l'augmentation des prix du gazole en 2004, et je vous remercie des actions que vous avez conduites en leur faveur : l'accord conclu le 26 août avec le commissaire Fischler vous a permis de rassurer la profession, qui a bien reçu votre message. Les modalités retenues - ou abattement de charges sociales - sont de bon augure. Des précisions sont cependant attendues : segmentation par flottille, dossiers individuels, type de navigation.

Ces mesures ne juguleront pas la flambée des prix du pétrole, mais elles sont encourageantes. Un grand pas a été franchi avec l'assurance gazole. Tous espèrent voir le prix du gazole lissé autour de 25 centimes d'euro le litre.

D'autres aléas existent. Le vœu de la profession est donc de voir créer dans la prochaine loi de modernisation agricole un fonds pour aléas, dont le gazole ne serait que l'un des éléments.

Ce sont les quotas - ou droits à pêcher - qui font vivre les marins et les ports. Nous nous réjouissons donc que votre budget consacre des moyens au renforcement des contrôles. Mais il faut que la France puisse exiger des contrôles à l'endroit des pays dépourvus de quotas comme la Grande-Bretagne, l'Irlande, le Danemark ou la Belgique. Ces contrôles réguleront les marchés nationaux et permettront de réprimer des fraudes bien connues dans nos ports. La ressource, qui a diminué de 12 % dans les premiers mois de 2004, en a besoin. Est-il souhaitable, à ce sujet, que l'Agence des contrôles maritimes soit localisée en Espagne quand nombre de conflits naissent dans le golfe de Gascogne ? Ne devrait-elle pas siéger dans un pays neutre ? On peut prendre l'exemple du merlu, voire de la langoustine ou du merlan, pêchés par les Espagnols et les Danois sur des quotas français, avec des dépassements inacceptables. D'autres difficultés surgissent avec la mutation des bateaux, les quotas étant affectés à ces derniers. Mieux vaudrait qu'ils le soient aux organisations de producteurs pour assurer la pérennité de l'activité des ports.

Les échanges de quotas sont le lieu de toutes les surenchères. La profession souhaite donc un état des lieux bisannuel au niveau national, afin d'assurer une transparence totale.

Souhaitons que les travaux de l'Institut de recherche et de développement, aidés par l'Etat, restaurent la sérénité de la pêche dans l'Atlantique. Les quotas conditionnant le revenu des navires, leur incidence sur le budget de la pêche est directe. Il faut établir la confiance entre les scientifiques chargés de les établir et nos marins.

Des relations suivies et davantage de transparence permettraient d'aplanir les difficultés et de restaurer la confiance en donnant aux résultats des analyses une crédibilité incontestable. A cet égard, la signature de la charte entre IFREMER et les pêcheurs a suscité beaucoup d'espoir, mais, faute que la transparence soit encore la règle, la méfiance subsiste. La qualité initiale des prélèvements est indispensable si l'on souhaite obtenir une évaluation exacte de la ressource halieutique. C'est essentiel, puisque c'est sur ces résultats que l'Union européenne assied les quotas. Par ailleurs, une communication en amont serait préférable à la sèche annonce de résultats.

Sur un autre plan, les pêcheurs, qui n'ont qu'à se féliciter du soutien que leur apporte l'OFIMER, souhaitent voir les moyens de l'office préservés et pérennisés. S'agissant de la conchyliculture, point n'est besoin d'alourdir encore les normes sanitaires : il suffit de respecter les normes actuelles pour que la sécurité des consommateurs et l'avenir du secteur soient assurés. Les conchyliculteurs, victimes de crises répétées, souhaitent la création d'un fonds pour aléas qui garantirait le revenus des exploitations en allégeant les conséquences financières de ces crises.

Enfin, la dureté du métier de pêcheur fait que les ports éprouvent de plus grandes difficultés à recruter. Il conviendrait donc de favoriser la formation en alternance, qui permettrait l'adaptation des jeunes gens à ce métier sur une longue période et leur offrirait l'espoir d'une promotion sociale et d'une carrière intéressante. Par ailleurs, les investigations en cours sur la maîtrise de la ressource halieutique doivent conduire, si l'accord se fait sur des périodes de « repos biologique », au versement d'indemnités légitimes aux professionnels obligés à l'inaction.

Conscient, Monsieur le ministre, de votre écoute constante et de vos efforts permanents pour trouver des solutions politiques aux difficultés que connaît l'agriculture française, le groupe UMP soutiendra votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Sermier - Grâce à l'action du Président de la République et à la vôtre, Monsieur le ministre, le financement de l'agriculture française est pérennisé jusqu'en 2013. Toutefois, elle vit une profonde mutation, puisqu'à l'évolution de la PAC s'ajoutent les pressions sur les prix agricoles, les incertitudes des négociations internationales et la réforme des OCM, dont celle du sucre. On comprend l'inquiétude de nos paysans, qui placent beaucoup d'espoir dans votre politique et, donc, dans ce budget 2005.

Celui-ci s'élèvera à près de 5 milliards, soit environ le montant de 2004 compte tenu des reports de crédits. Dans un contexte d'économie budgétaire, cette bonne tenue est plutôt rassurante par rapport au désastre que vous avait laissé votre prédécesseur. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Plus : ce budget gagne en lisibilité et en efficacité. Le fait que l'exercice 2005 soit celui de la mise en œuvre de la réforme de la PAC place les services déconcentrés de l'Etat en première ligne. On se félicitera donc qu'ils soient renforcés, alors que les effectifs des services centraux seront réduits. On notera aussi l'apparition de la rémunération au mérite. La même recherche d'efficacité explique la création d'un guichet unique pour la rénovation des bâtiments d'élevage, la réorganisation des offices - dont les moyens restent inchangés et sont même parfois renforcés - et la décision de verser la DJA en une seule fois. Cette dernière mesure était très attendue, particulièrement en Franche-Comté, comme me le rappelait notre collègue Jean-Marie Binetruy ce matin encore.

Ce budget plus lisible, et qui permettra de gagner en efficacité, a surtout pour objectif d'aider l'agriculture française à affronter les mutations. Ainsi, l'enseignement agricole, doté de 26 millions supplémentaires, voit ses effectifs maintenus en totalité.

Cependant, il convient d'avancer plus vite sur la voie de certaines réformes.

Lors de sa visite dans le Jura, il y a un an, le ministre avait souhaité lancer l'assurance récolte le plus rapidement possible, et je lui sais gré d'avoir tenu parole puisque 10 millions sont prévus à cette fin dans le budget 2005. Mais cette mesure, d'autant plus importante que le financement prévu ne pourra être remis en cause lors des négociations dans le cadre de l'OMC puisqu'il n'est pas lié à la production, doit avoir la diffusion la plus large. Autant dire que le budget prévu me semble un peu court.

Les biocarburants constitue sans conteste une piste d'avenir pour notre agriculture. Etant donné les retards accumulés en la matière, le Premier ministre a fixé au pays l'objectif d'un triplement de leur production à l'horizon 2007. Dans ces conditions, n'aurait- il pas été souhaitable de prévoir dès maintenant de nouvelles dispositions fiscales incitatives, telle la réduction de la TIPP sur le diester et sur le bioéthanol ? La traduction budgétaire des intentions affirmées ne peut être trop longtemps repoussée, car il est d'une importance vitale pour notre agriculture que ces produits trouvent des débouchés sur le marché de l'énergie.

Ce budget est donc résolument tourné vers l'avenir. Mais nous ne pouvons laisser d'agriculteurs « au bord du champ ». C'est pourquoi les 5 millions d'aides aux agriculteurs en difficulté risquent d'être insuffisants (Mouvements d'approbation sur les bancs socialistes). J'aurais donc souhaité que les crédits permettant de financer les prises en charge et les étalements des cotisations sociales soient, au minimum, reconduits à hauteur de ceux de l'an dernier.

Enfin le FFIPSA - qui remplace le BAPSA - risque de connaître dès cette année de difficultés de trésorerie, faute de recettes suffisantes. Les crédits issus de la TVA et de la CSG qui abondaient le BAPSA disparaissant, la seule recette provenant de l'Etat reste donc 52,6 % de la taxe sur les tabacs. Ne pourrait-on envisager au plus vite d'affecter progressivement à cet organisme l'intégralité de cette taxe ?

Ce budget serré et probablement perfectible permet d'envisager l'avenir avec confiance. Il a aussi pour grande qualité d'être sincère, ce qui ne fut pas toujours le cas il y a quelques années. C'est pourquoi, Monsieur le Ministre, je le voterai sans hésitation et le défendrai avec conviction dans nos campagnes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Lejeune - Le projet de loi de finances pour 2005 reconduit les crédits de l'agriculture. C'est que la conjoncture économique et l'endettement record dont a hérité le Gouvernement obligent à une grande prudence pour préserver l'avenir. Dans ce contexte, on se réjouira de la stabilité de ce budget et l'on vous félicitera, Monsieur le ministre, d'avoir défendu le monde agricole avec beaucoup de pugnacité.

Ce budget est caractérisé par quatre priorités qui tendent à préparer l'avenir. L'accent est mis sur la formation et la recherche, avec la création de 100 postes ; le souci de préserver l'environnement se traduit par une politique phytosanitaire volontariste ; le lancement de l'assurance récolte donnera une plus grande sécurité financière aux agriculteurs ; enfin, un fonds unique est créé pour la rénovation des bâtiments d'élevage. A ce sujet, rénover les bâtiments, c'est aussi améliorer les difficiles conditions de travail des agriculteurs. On peut donc espérer que cette mesure incitera de jeunes agriculteurs à s'installer en plus grand nombre. Il serait toutefois souhaitable d'autoriser le cumul de cette aide avec les subventions déjà prévues pour les PMPOA2.

Si l'instauration de la retraite complémentaire avait été décidée par le précédent gouvernement, il n'en avait pas prévu le financement et c'est vous, Monsieur le ministre, qui avez tenu cet engagement. Les agriculteurs retraités vous en remercient, de même que de la mensualisation du versement des retraites.

Je souhaite également vous témoigner la reconnaissance de la filière cheval pour la décision, prise conjointement avec votre collègue du budget, d'assimiler toutes les activités équestres aux activités de nature agricoles. Cela entraîne, par exemple, une harmonisation du taux de TVA à 5,5 % pour toutes les activités hippiques, au bénéficie d'une filière qui emploie 60 000 personnes.

J'insiste enfin sur la nécessité d'une véritable simplification administrative dans le monde agricole. C'est le message du terrain : les agriculteurs sont de plus en plus soumis à des contraintes, à des contrôles, à des amendes, c'en est infernal ! Nombre d'entre eux sont d'ailleurs prêts à jeter l'éponge, non qu'ils n'aiment plus leur travail, mais parce qu'ils ne veulent plus vivre dans la hantise des contrôles des DRAF, DIREN, Agence de l'eau,DSV, PAC, et autres ARIC... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Il est temps de leur apporter des réponses !

Nous comptons sur vous comme vous pouvez compter sur nous pour voter avec confiance et détermination ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Guillaume - Je souhaite, Messieurs les ministres, que vous nous éclairiez sur le projet agricole que vous nourrissez pour la France, et que je perçois mal dans les réformes auxquelles nous contraint la PAC comme dans la politique des structures que dessine la loi sur les territoires ruraux. (« Ah ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. André Chassaigne - Ça commence plutôt bien !

M. François Guillaume - Les agriculteurs sont désorientés, désemparés, à cause de la précipitation avec laquelle un certain commissaire, Pascal Lamy, négocie in extremis des préaccords qui sont autant de concessions faites aux Etats-Unis, lesquels, de leur côté, ne modifient en rien leur régime d'aides.

Les agriculteurs sont aussi inquiets parce qu'ils redoutent qu'en 2009, date d'entrée en vigueur de la Constitution européenne - si elle est ratifiée... (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) -, le remplacement de la règle des dépenses obligatoires par celle de la codécision ne remette en cause l'accord Chirac-Schröder sur la PAC, valable jusqu'en 2013.

Mais ils sont surtout plongés dans le désarroi par les conséquences pour leurs propres exploitations de la réforme de la PAC, et en particulier du nouveau mode de calcul du droit à prime.

Le seul mérite de la proposition initiale Fischler - découplage total des aides par rapport à la production - était de simplifier le système déjà complexe et d'alléger les contrôles. Il avait a priori l'avantage de rendre aux paysans le choix de leur production au regard de l'état des marchés. La moulinette du Conseil des ministres en a décidé autrement, pour aboutir à un mécanisme hybride qui nécessitera l'embauche de cohortes de contrôleurs. Le risque de distorsion de concurrence entre producteurs des différents Etats membres sera réel et on devra ajouter un chapitre à une réglementation supplémentaire qui ne comporte pas moins de dix-neuf directives pour éviter que la prime découplée ne favorise le retour des terrains à la friche, ou de quinze autres pour expliquer aux agriculteurs ce que Bruxelles entend par « gestion du patrimoine en bon père de famille »...

Mais le pire est dans la marchandisation des droits à prime et leur dissociation du foncier, ce qui va porter un grave préjudice à l'installation des jeunes, mettre à mal la politique des structures d'exploitation et favoriser toutes les spéculations.

M. André Chassaigne - Très bien !

M. François Guillaume - Monsieur le ministre, vous avez hérité d'un très mauvais dossier car cette complexité était en germe dès 1992, lorsqu'un gouvernement de gauche a accepté de substituer à la rémunération des agriculteurs par le marché une rémunération par les primes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Mais puisqu'il faut appliquer cette réforme, de grâce, simplifions au maximum : adoptons le découplage total avec l'exception de la prime à la vache allaitante qui préserve une bonne occupation de nos territoires, maintenons comme pour les quotas laitiers le lien entre la terre et la prime, recherchons une uniformisation des primes sur l'ensemble du territoire.

M. André Chassaigne - Le libéral reprend le dessus !

M. François Guillaume - Vous avez par ailleurs l'intention de réformer l'an prochain la politique des structures, mais dans quel sens ? La loi sur les territoires ruraux ne me rassure guère, qui donne aux collectivités territoriales la liberté d'exercer un droit de préemption sur des terres à vocation agricole dans des zones définies comme sensibles. Ce droit de préemption sera-t-il opposable à celui des SAFER ? Qui procédera au choix des locataires, et sous quel statut : fermage ou adjudication ? Ne craignez-vous pas, comme moi, que ce soit une première étape vers un changement de destination de ces terres ?

Pourquoi ne pas se contenter de conventions entre les établissements fonciers et les SAFER pour répartir l'utilisation des terres ? Car les bonnes terres agricoles se raréfient : ces dix dernières années, le tiers des terrains maraîchers a disparu ; en un siècle, les 6 millions d'hectares dont le potentiel agronomique est le plus élevé auront disparu à leur tour. L'agriculture durable, expression banalisée et dévoyée, n'est pas dans les rêveries fumeuses des faux écologistes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), elle est dans la protection des meilleures terres de France !

En conclusion, réformons oui, mais sous l'avantage de la simplification et du bon sens ! A défaut, nous découragerons nos paysans, nous perdrons notre rang de premier exportateur mondial de produits alimentaires et de second exportateur d'agro-alimentaire et nous transmettrons à nos enfants une France amputée de son meilleur atout, sa terre riche et généreuse. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

M. Thierry Mariani - L'agriculture vauclusienne vient de vivre une campagne 2004 catastrophique : à aucun moment, pour la tomate, la salade ou le melon, les cours du marché n'ont permis de couvrir les coûts de production. Ainsi, les 550 exploitations concernées ont perdu 11 millions, rien que sur ces trois produits. Et une fois de plus, l'effondrement des prix payés aux producteurs n'a pas été répercuté sur les prix au détail. Une fois de plus, les agriculteurs et les consommateurs ont été les « dindons » d'une farce qui n'a que trop duré.

M. Jean Dionis du Séjour - C'est vrai !

M. Thierry Mariani - Ainsi, sur le melon et la tomate, 5 millions ont été captés par la distribution, au détriment des agriculteurs et des consommateurs.

Les causes sont connues : pression constante de la grande distribution sur les prix, importance grandissante des importations extracommunautaires qui tirent les prix vers le bas, distorsion de concurrence intracommunautaire sur les coûts de main d'œuvre, les récents rapports Canivet et Mordant le montrent. Ils reconnaissent, par ailleurs, la spécificité du secteur, qui appelle des réponses adaptées.

Si les mesures d'urgence annoncées le 7 octobre dernier représentent un effort important de l'Etat - 600 000 euros en aides directes de trésorerie, 60 000 euros affectés aux cotisations MSA et des prêts de consolidation - on est encore loin de compenser les 11 millions de pertes et de permettre aux agriculteurs vauclusiens de redémarrer leur activité dans de bonnes conditions.

Par ailleurs, limiter les aides directes à 3 000 euros par exploitant et pour trois ans est une aberration qui entraîne un saupoudrage inefficace. D'ailleurs, le nombre d'exploitants sinistrés dans mon département est tel qu'il n'est pas certain que l'enveloppe dégagée suffise à atteindre ces 3000 euros.

Je souhaite donc, Monsieur le ministre, appeler votre attention sur l'impérieuse nécessité de mesures complémentaires d'urgence (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) ; abondement supplémentaire de l'enveloppe MSA pour la prise en charge des cotisations sociales, déclenchement du Fonds d'allégement des charges, deuxième enveloppe d'aide à la trésorerie et des prêts calamités économiques, mesures spécifiques telles qu'une aide en fonction du nombre d'unités de travail horaire salariées, des remboursements d'impôts, comme aux Pays Bas en faveur des serristes, ou une détaxe du fioul lourd et du gaz naturel pour les serristes et les horticulteurs.

M. André Chassaigne - Ce sont les propositions du MODEF !

M. Thierry Mariani - Au-delà, il convient de mettre durablement un terme à la pression asphyxiante de la grande distribution et aux distorsions de concurrence entre pays européens.

Le rééquilibrage des relations avec la grande distribution passe par la lutte contre les abus liés à certaines pratiques. La grande distribution doit appliquer les accords du 17 juin dernier. Par ailleurs, en cas de crise, il convient d'encadrer momentanément les marges de distribution afin de corriger le rapport de force dont les agriculteurs sont toujours victimes.

Enfin, la filière des fruits et légumes se heurte à deux problèmes majeurs. Tout d'abord, elle est confrontée à une pénurie de travailleurs saisonniers sans précédent, qui ne peut être compensée par le recrutement de travailleurs étrangers, du fait de la lourdeur des procédures. De plus, leurs charges sont supérieures à celles de leurs principaux concurrents.

Je vous ai alerté à plusieurs reprises sur ces contraintes. Au premier rang des solutions envisageables figure l'assouplissement des conditions de recrutement des saisonniers agricoles originaires des dix nouveaux Etats membres, comme c'est le cas au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas.

M. Jean Dionis du Séjour - Très bien !

M. Thierry Mariani - Enfin, il est impératif d'amortir les distorsions de concurrence intra-communataires, par exemple en étendant le dispositif des travailleurs occasionnels à 150 jours travaillés pour une durée maximale de huit mois, en soutenant l'emploi permanent et en améliorant le dispositif des 35 heures.

Enfin, les difficultés de la filière ont été accrues par toute une série de catastrophes climatiques survenues ces derniers mois. Aussi conviendrait-il de lever les freins qui s'opposent au jeu de la dotation pour aléas, à savoir l'obligation de bloquer pendant cinq ans la somme affectée en DPA et de souscrire une assurance risque culture sur l'ensemble de l'exploitation.

Je ne rappellerai qu'un seul chiffre : 11 millions de pertes en Vaucluse pour la seule année 2004. Les producteurs de fruits et légumes attendent de nous tous une volonté politique forte pour que nos engagements soient suivis d'actes.

Quant aux mesures d'urgence et des actions à long terme, quelles sont vos intentions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) .

M. Christian Ménard - J'ai remis au Gouvernement, le 11 février dernier, un rapport sur la gestion des risques climatiques en agriculture, d'où se sont dégagées plusieurs propositions, comme celle de redonner toute sa place à la prévention, en n'omettant aucune question, qu'il s'agisse des retenues en eau ou des OGM.

La création d'une mission parlementaire sur ce sujet, à l'initiative du président de l'Assemblée, va dans ce sens.

S'agissant du développement de l'assurance pérennité, nous sommes à un tournant de notre histoire, et la majorité des agriculteurs est du reste prête à tenter l'expérience, tant le FNGCA a échoué à tenir ses promesses.

En revanche, je ne peux vous cacher l'inquiétude du monde agricole et des assurances face au montant inscrit au budget : 10 millions ne suffiront pas, malgré votre promesse d'abonder cette somme au fur et à mesure de la montée en puissance de cette assurance. Une montant cinq fois supérieur aurait été nécessaire.

S'agissant de la dotation pour aléas, voici une mesure très attendue. La loi de finances 2004 permet d'adhérer simultanément à la DPA et à la DPI, ce qui peut freiner le développement de cette dotation. Les 21 200 euros actuellement autorisés n'ont plus de sens et devraient être indexés sur le chiffre d'affaires de l'exploitation. Pour la DPA, seules des mesures de défiscalisation seraient en mesure d'en assurer l'essor, telle une défiscalisation progressive en fonction des années d'adhésion. Quant au FNGCA, il ne pourra pas continuer, du fait de son peu d'intérêt, à cohabiter avec l'assurance récolte.

Je crois en cette assurance récolte, mais je crains qu'elle ne pâtisse d'un mauvais démarrage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc Le Fur - Ce n'est pas sur la route des Chapieux que je vous propose d'avancer (Sourires), mais sur celles de la Bretagne agricole et agro-alimentaire, pour laquelle vous avez proposé un plan ambitieux.

Que ce soit en termes de production de base ou de transformation agro-alimentaire, la Bretagne est la première région française, mais, plus proche de celle du Danemark ou des Pays-Bas que de celle des autres régions françaises, elle revêt aussi une spécificité particulière. Plus immergée dans les marchés concurrentiels, elle est plus exposée, comme c'est le cas dans le domaine avicole. Son agriculture est un agriculture de masse et non un agriculture de niches. Elle est par ailleurs peu concernée par les aides européennes, et subit de multiples crises - crise de la filière légumières, crise avicole, crise porcine.

Concernant la question laitière, la Bretagne, éloignée des centres de consommation, transforme son lait en des produits basiques peu valorisés. Vous avez fait des efforts, en obtenant de la Communauté européenne le maintien des quotas laitiers jusqu'en 2013.

S'agissant de la question environnementale, des progrès considérables ont été accomplis, même si beaucoup reste à faire. Cela étant, peut-on imposer les mêmes contraintes à des agriculteurs soumis à des situations différentes ? Pourquoi, par exemple, obliger un agriculteur âgé, qui n'a pas de successeur en vue, à faire des investissements coûteux ? (« Très bien ! » sur de nombreux bancs)

Enfin, j'en viens au problème de l'équarrissage. Pourquoi ne pas contraindre, en complément du principe « pollueur-payeur », celui qui dicte la norme à payer la note ? Ce problème est crucial en matière de production porcine et j'en veux pour preuve l'Inaporc, que vous avez créé, Monsieur le ministre, et qui est aujourd'hui remis en cause.

La grande question reste cependant celle de la gestion de l'incertitude des prix. Plusieurs pistes sont possibles. Vous avez lancé l'idée du filet de sécurité pour les productions ne disposant pas d'organisation commune de marchés, comme la volaille ou le porc. Vous avez également proposé l'assurance récolte. Il faut bien comprendre que lorsque les éleveurs, qui peuvent aussi avoir une production végétale, sont confrontés à une crise, ils ne bénéficient pas de cette assurance, car il faut enregistrer 27 % de pertes dans la production considérée, et 14 % de pertes au niveau de l'ensemble du chiffre d'affaires d'exploitation.

Je conclurai sur les atouts de la Bretagne, qui dispose d'une population active jeune et bien formée. Je salue à cet égard vos efforts en faveur de l'enseignement privé, de l'enseignement public, mais aussi des Maisons Familiales Rurales, sans parler de la proximité de la recherche avec la production - l'INRA est ainsi à Rennes.

Il faut relayer ces atouts, et les pôles de compétitivité y contribuent, tout comme le partenariat national pour le secteur agroalimentaire lancé par M. Forissier. Nous avons besoin de ces dispositifs afin d'envisager l'avenir positivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Feneuil - Je n'aurai pas l'outrecuidance de citer le fameux propos de Sully qui pourrait paraître suranné, et pourtant ce budget ambitieux et raisonnable témoigne de toute l'importance qu'a l'agriculture dans notre société.

L'agriculture est un secteur sensible, qui a subi différentes crises sanitaires, qui souffre de l'augmentation des cours du pétrole, qui doit supporter la guerre des prix, les chutes des cours et les aléas climatiques. L'une des mesures les plus importantes de ce budget concerne l'assurance récolte : pourquoi ne pas faire du fonds de calamité un régime de base obligatoire et mutualisé, l'assurance venant se surajouter à ces prestations sous la forme d'un régime complémentaire facultatif ? Pourquoi ne pas encourager des mesures interprofessionnelles de mise en réserve lors de récoltes excédentaires, et de mise en marché de ces réserves à l'occasion d'années déficitaires par aléas climatiques ? Les outils de transformation dont disposent les agriculteurs permettraient de mettre en pratique cette technique pour un certain nombre de cultures.

Ce budget est également volontariste dans le domaine phytosanitaire. Une augmentation de 8% des crédits alloués à ce poste permettra de prévenir les risques tout en favorisant le respect de l'environnement.

Les agriculteurs ont longtemps été considérés comme des pollueurs. Cette image doit disparaître : ils savent très bien combien il est nécessaire de préserver l'environnement, et les principes inculqués par les écoles d'agriculture d'antan ne sont plus de mise. Grâce aux progrès de la recherche, nous pourrons ainsi continuer de protéger efficacement nos cultures.

Enfin, ce budget parie sur l'avenir avec une hausse de 5% des moyens consacrés à l'enseignement et à la recherche agricoles. L'agriculture continuera ainsi à remplir sa mission tout en favorisant l'innovation et l'emploi.

D'immenses progrès ont été réalisés en matière de bioénergies. Depuis le 7 septembre dernier, date à laquelle le Premier ministre a lancé un appel d'offres pour la construction de quatre nouvelles usines de production de biocarburants, un amendement dont je suis cosignataire a été voté, qui incite les raffineurs à favoriser l'incorporation de biocarburants. Il était temps, si nous voulons respecter la directive européenne qui fixe un pourcentage de 2 % de biocarburants incorporés d'ici 2005 : nous n'en sommes aujourd'hui qu'à 0,7 % ! Les agriculteurs producteurs d'éthanol sont prêts à relever le défi, mais ils s'inquiètent des garanties de débouchés de la production : d'une part, quelles garanties d'équilibre entre le diester et l'éthanol, et d'autre part, quelles garanties de bonne fin à l'investissement de ces usines si les pétroliers incorporent des biocarburants étrangers, et notamment sud-américains ?

M. François Sauvadet - Bonne question !

M. Philippe Feneuil - Le viticulture subit quant à elle une crise importante : neuf viticulteurs sur dix ne croient plus à l'avenir de leur métier. Ils savent que la concurrence internationale est à l'origine de cette crise et ils doivent être soutenus afin de mieux s'adapter au marché. Ils supportent mal d'avoir subi des attaques injustifiées...

M. François Liberti et M. François Sauvadet - Très bien !

M. Philippe Feneuil - ...à la suite de l'adoption de l'amendement qui leur permet seulement d'expliciter les qualités de leurs vins. La viticulture fait partie de notre identité, de notre culture, de notre art de vivre.

M. François Liberti et M. François Sauvadet - Il a raison !

M. Philippe Feneuil - Veut-on la sauver, ou la sacrifier sur l'autel d'un hygiénisme infantilisant ? Certes, nous soutiendrons ce budget, mais c'est à vous, Monsieur le ministre, et à nous autres parlementaires de répondre aux attentes des viticulteurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Francis Saint-Léger - Elu de la Lozère, je m'exprimerai essentiellement sur les questions relatives à l'agriculture de montagne.

Les agriculteurs de montagne ne peuvent que vous rendre hommage, Monsieur le ministre, même si certains connaissent encore des inquiétudes et des difficultés et en particulier les producteurs de la filière laitière.

En effet, votre volonté de développer une politique globale de la montagne n'a jamais été démentie, ce dont a témoigné la loi sur le développement des territoires ruraux, comportant la revitalisation des ZRR, les aides à l'installation des professionnels de santé, l'assouplissement des règles de construction, un meilleur accès aux services publics.

L'agriculture de montagne est hélas pénalisée par les handicaps qu'elle cumule, et elle a donc besoin d'être particulièrement soutenue. Il y a deux ans, vous avez mis en place un nouveau dispositif, la PHAE, destiné à remplacer l'ancienne prime à l'herbe que le précédent gouvernement avait laissé s'éteindre, et vous l'avez revalorisée de 70 %. Cette contribution est essentielle : en Lozère, 5,6 millions ont ainsi été répartis entre 2 200 bénéficiaires.

Vous avez également déclaré vouloir augmenter de 50 %, d'ici la fin de la législature, l'indemnité compensatoire de handicap naturel pour les 25 premiers hectares, ce qui est parfaitement cohérent. Cette mesure permet, en effet, sans inciter à accroître les surfaces, de maintenir les petites exploitations des zones de montagne.

M. André Chassaigne - Très bien !

M. Francis Saint-Léger - Ce budget comporte en outre le plan « bâtiment élevage » avec la mise en place d'un guichet unique. De nombreux éleveurs qui souhaitent moderniser leurs exploitations sont ainsi concernés. Vous avez décidé de porter immédiatement l'enveloppe de 35 à 80 millions, et à 100 millions en 2006 ou 2007. Ce plan va dans le bon sens, mais il conviendrait de prévoir également une majoration des aides à la filière laitière, en raison des lourds investissements qu'elle nécessite, d'une part, et de la conjoncture actuelle, d'autre part.

D'autres mesures, tels que l'exclusion de l'assiette des cotisations sociales de la dotation aux jeunes agriculteurs, le prochain versement de cette même dotation en une seule fois, ou encore l'instauration de l'assurance récolte, répondent aux attentes des agriculteurs.

Enfin, vous savez que les mission des CRPF ont augmenté et non leurs moyens, ce que je regrette. Quoi qu'il en soit, je ne peux qu'approuver un budget qui prend en considération les préoccupations majeures des agriculteurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 25.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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