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Assemblée nationale
COMPTE
RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL
Session ordinaire de 2004-2005 - 24ème jour de séance, 57ème séance 2ème SÉANCE DU MARDI 16 NOVEMBRE 2004 PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ Sommaire QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2 CRISE IVOIRIENNE 2 SITUATION EN POLYNÉSIE FRANÇAISE 3 PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT 3 POUVOIR D'ACHAT DES FONCTIONNAIRES 4 DÉMOGRAPHIE MÉDICALE 5 EXÉCUTION DES CONTRATS DE PLAN VOLET FERROVIAIRE DES CPER 6 TÉLÉVISION NUMÉRIQUE DE TERRE 7 DÉCENTRALISATION 8 ÉGALITÉ TERRITORIALE 9 EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES 9 SERVICE PUBLIC ET TERRITOIRES RURAUX. 10 LOI DE FINANCES POUR 2005 LOGEMENT(suite) 11 QUESTIONS (suite) 11 DÉFENSE 16 La séance est ouverte à quinze heures. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. M. Axel Poniatowski - Il y a dix jours, neuf soldats français étaient lâchement tués à Bouaké sous le feu de l'aviation ivoirienne. Depuis, la Côte d'Ivoire s'enflamme et nos ressortissants quittent en masse le pays. La résolution votée hier aux Nations unies à l'initiative de la France laisse un mois aux différentes parties en présence pour relancer le processus de paix alors qu'un embargo sur les armes prend effet immédiatement. La tâche exemplaire des militaires français de l'opération « Licorne » appuyée par ceux de l'ONU reste immense puisqu'ils doivent assurer la sécurité de nos ressortissants, organiser les évacuations, protéger l'ambassade de France, faire face à une foule souvent haineuse et s'interposer entre les belligérants. Nous sommes passés en quelques jours d'un affrontement entre le nord et le sud de la Côte d'Ivoire à un affrontement entre la Côte d'Ivoire et la France. Les manipulations de Laurent Gbagbo devraient faire réfléchir ceux qui, ici, lui portent encore quelque sympathie. Monsieur le Premier ministre, quelles sont les pistes politiques envisagées pour l'avenir de la Côte d'Ivoire lorsque l'on sait que la guerre actuelle dépasse l'affrontement tribal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Je vous remercie d'avoir rendu hommage à nos soldats victimes d'une agression caractérisée alors qu'ils étaient en mission, au nom des organisations internationales, pour défendre la paix. La cérémonie en leur honneur aux Invalides le 10 novembre fut pour la nation tout entière un moment d'une intense émotion. J'associe à cet hommage l'ensemble des forces du dispositif « Licorne » qui participe avec sang-froid et dévouement à la protection de nos ressortissants et, ainsi, au retour à la paix civile que nous appelons de nos vœux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) . Les Français de Côte d'Ivoire ont subi de terribles épreuves : que tous soient assurés de la solidarité de la nation. Aujourd'hui règne un calme précaire, mais je suis particulièrement inquiet lorsque j'entends mettre en cause jusqu'à l'agression dont été victimes nos soldats. La France se félicite du vote à l'unanimité de la résolution 1572, hier, aux Nations unies. Celle-ci impose un embargo immédiat sur les livraisons d'armes, définit les sanctions qui seront imposées à ceux qui persisteront dans la voie de la violence et exige, enfin, que cessent les émissions de la radio-télévision ivoirienne incitant à la haine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Ces émissions ne sont pas étrangères à la violence qui a touché nos compatriotes. Alors que le Président de la République a appelé au dialogue les parties en présence, je salue la mobilisation de tous pour accueillir nos compatriotes : fonctionnaires, organisations non gouvernementales, Croix-Rouge, Secours catholique, Comité d'entraide. 1 760 personnes ont ainsi bénéficié d'un hébergement provisoire ; près de 7 000 personnes ont pu quitter la Côte d'Ivoire grâce aux avions affrétés par la République, par plusieurs entreprises mais aussi par nos partenaires européens. Cette mobilisation honore notre pays. Enfin, nous devons veiller à favoriser l'insertion sociale et économique de nos compatriotes, et je sais que chacun d'entre vous y sera attentif dans sa circonscription. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) SITUATION EN POLYNÉSIE FRANÇAISE M. Christian Paul - Alors que nous vivons de graves tensions internationales, la France et le Gouvernement peuvent-ils s'offrir le luxe d'une crise durable sur le sol français de Polynésie ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Cette crise porte atteinte à l'image de la France et offense notre démocratie. Les conditions sont aujourd'hui réunies pour qu'ait lieu des élections générale en Polynésie. Vous avez non seulement le pouvoir mais le devoir de les organiser afin de préserver la paix civile. Chaque manœuvre accroît l'amertume et les peurs, et par là, les risques d'affrontements. Alors que pendant des semaines vous avez refusé tout geste d'apaisement, le Gouvernement invite enfin les responsables polynésiens à Paris et n'exclut plus des élections générales. Dont acte, mais nous demandons la sincérité et la clarté pour qu'un dialogue utile et républicain puisse s'engager. Seule une initiative politique, et d'abord la dissolution de l'Assemblée de Polynésie, peut dénouer cette crise. De nombreuses voix, dans votre majorité et jusqu'au plus haut niveau de cette Assemblée, s'étonnent de vos tergiversations. Quand le Gouvernement donnera-t-il un signe de compréhension et d'apaisement ? Quand annoncerez-vous enfin la dissolution de l'assemblée de Polynésie Française ? Comment ferez-vous respecter l'impartialité indispensable à la préparation des élections générales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - (Huées sur les bancs du groupe socialiste ; vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le Gouvernement a une politique constante en Polynésie. (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Nous n'avons cessé de dire - je l'ai moi-même écrit à M. Temaru dès le 7 octobre - qu'il fallait attendre la décision du Conseil d'Etat pour savoir si les élections du 23 mai, que vous avez qualifiées d'historiques et de légitimes, devaient ou non être annulées. Le Conseil d'Etat vient d'annuler ces élections dans la seule circonscription où M. Temaru était arrivé en tête - avec moins de 400 voix d'avance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) C'est un cuisant désaveu pour vos positions : c'est la sixième décision de justice qui donne raison au Gouvernement contre les thèses des indépendantistes. A ceux qui réclamaient la dissolution, j'ai toujours dit que je n'avais pas d'objection de principe (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste) à ce que les Polynésiens retournent aux urnes, mais qu'ils devaient y retourner sur une base légale. La légalité n'est pas un carcan, mais le cadre nécessaire des rapports politiques et sociaux en démocratie. Comme je l'ai proposé, je souhaite rencontrer l'ensemble des forces politiques représentées à l'assemblée de Polynésie pour examiner dans la sérénité les conséquences de cette annulation partielle du scrutin - qui n'était pas si légitime que vous le prétendiez - et les conditions d'éventuelles nouvelles élections générales. Ces conditions sont au nombre de deux : un large consensus et une base juridique. En effet, les conditions légales de la dissolution prévues par l'article 147 du statut ne sont pas réunies. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Vous comprendrez que je réserve mes réflexions aux élus de la Polynésie que je rencontrerai la semaine prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Gilles Artigues - La semaine dernière, le ministre de l'Economie a annoncé des mesures en faveur des clients des banques, soumis à des tarifs excessifs. Nous saluons cette avancée, mais le Gouvernement devrait aussi se pencher sur l'épineuse question des crédits à la consommation. Nous recevons tous dans nos permanences des familles surendettées dont la situation est catastrophique. Or la prévention nous paraît préférable à la réparation via des procédures comme le rétablissement personnel. Les établissements de crédit, qui s'octroient des marges plus que confortables, ont souvent des attitudes douteuses que le groupe UDF a dénoncées à travers des propositions rarement reprises par le Gouvernement. Si ces sociétés ne s'assurent pas de la solvabilité de leurs clients et abusent de leur crédulité, elles ne peuvent pas réclamer ensuite le remboursement des crédits. Monsieur le Premier ministre, le ministre de l'Economie ouvrira-t-il la voie à ce principe de responsabilisation simple et juste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - La prévention du surendettement est une de nos priorités. Votre Assemblée a ainsi voté la loi du 1er août 2003 sur le rétablissement personnel, que Jean-Louis Borloo a appelée « la loi de la deuxième chance. » Vous avez renforcé la protection du consommateur et amélioré le traitement du surendettement. Mais les banques ont une responsabilité dans la prévention du surendettement. Elles doivent exercer leur devoir de conseil, ce qui suppose de prendre des renseignements sur la situation du débiteur au moment de l'offre de crédit. Le juge prononce généralement la déchéance des intérêts. Dans le cadre de la procédure de surendettement, il peut également décider d'un traitement différencié des créanciers en fonction de leur comportement passé. La remise partielle ou intégrale des dettes dans ce cadre est d'ailleurs une sanction pour les créanciers de bonne et de mauvaise foi. Les banques doivent prendre leurs renseignements en amont et nous le leur avons rappelé. Mais les emprunteurs doivent aussi être responsabilisés : nous ne devons pas traiter nos concitoyens comme des assistés. Une vérification parfaite impliquerait la création d'un fichier des débiteurs et la fixation d'un taux d'endettement normatif, mesures difficiles à accepter. Dans le cadre du plan de cohésion sociale, la créance locative sera privilégiée sur la créance bancaire. Le Gouvernement agit dans le domaine du surendettement, mais nous pouvons encore progresser : nous y travaillons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). POUVOIR D'ACHAT DES FONCTIONNAIRES M. Gilbert Biessy - Monsieur le ministre de la Fonction publique, vous avez répondu en juillet 2004 à ma question écrite que « le maintien du pouvoir d'achat des agents de la fonction publique demeure un engagement fort du Gouvernement. » Trois mois ont passé, et le Gouvernement tourne le dos à cet engagement. Sept fédérations de fonctionnaires expriment donc leur colère et exigent l'ouverture de négociations, avec des propositions portant sur le pouvoir d'achat des agents. Contrairement à ce que vous voulez nous faire croire avec vos « progressions moyennes », les fonctionnaires ne sont pas des nantis. Une moyenne ne reflète pas la réalité : elle occulte la situation des plus démunis. Or 40 % de fonctionnaires n'ont ni revalorisations catégorielles, ni revalorisations personnelles. Les salariés de la fonction publique, à qui vous avez supprimé un jour férié, ont bénéficié d'une revalorisation nulle en 2003 et de seulement 0,5 % en 2004. La base de rémunération dans la fonction publique est la valeur du point d'indice : il a perdu 5 % depuis le 1er janvier 2000. Vous avez ouvert des discussions sans inscrire de crédits au budget 2005. Votre attitude est méprisante pour la fonction publique. Intégrer l'ancienneté et les promotions de valeur dans le maintien du pouvoir d'achat revient à nier purement et simplement l'évolution de carrière. C'est inacceptable et contraire à la valorisation du service public. Allez-vous enfin ouvrir de véritables négociations assurant le maintien du pouvoir d'achat des salariés et des personnels retraités ? C'est une exigence pour l'image et le rôle de la fonction publique dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat - Que fait le fonctionnaire qui s'interroge, légitimement, sur l'évolution de son pouvoir d'achat ? Il s'intéresse davantage à son bulletin de salaire qu'à la rafale de chiffres que vous venez de citer. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Or, depuis 1994, les salaires des fonctionnaires ont augmenté, en moyenne, de 4 % par an, sous l'effet conjugué des mesures personnelles, catégorielles et générales, et ce taux est supérieur à l'inflation (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Il est vrai que toute moyenne suppose des écarts. C'est pourquoi je suis tout disposé, comme j'ai indiqué aux organisations syndicales, à examiner la situation des fonctionnaires les plus mal lotis, en particulier ceux qui sont arrivés au terme de leur carrière indiciaire et ceux qui perçoivent de bas salaires. Cela étant, un dialogue social réaliste suppose des revendications réalistes. Or, ce que demandent certaines organisations représenterait une dépense supplémentaire de 10 milliards , qui supposerait, au choix, d'augmenter la TVA de 7 %, ou de 50 % la taxe sur l'essence, ou de 20 % l'impôt sur le revenu (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). De telles prétentions sont-elles raisonnables ? J'ai proposé aux organisations syndicales d'ouvrir, le 8 décembre, des négociations sur une base réaliste, et je suis sûr que le bon sens l'emportera (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Pascal Ménage - Le nombre de médecins en France commence à décroître, et cette tendance va s'accélérer cependant que la profession connaîtra le vieillissement de ses effectifs. Cette situation déjà peu satisfaisante s'accompagne d'un déséquilibre géographique patent, avec des écarts considérables, la désertification médicale touchant particulièrement le Centre, la Loire et Nord-Pas-de-Calais ainsi que, de façon générale, les campagnes. On constate un autre déséquilibre entre le nombre de généralistes et celui de spécialistes et une évolution variable selon les spécialités, le nombre de chirurgiens, en particulier, ayant baissé de 10 % au cours des dernières années. Cette évolution, que la législature précédente n'avait pas anticipée, suscite de graves problèmes en zone rurale, où il devient de plus en plus difficile d'assurer la permanence des soins. Dans la seule Indre-et-Loire, 600 médecins vont prendre leur retraite sur les 2 400 que compte le département, et ils ne pourront passer le relais. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour infléchir cette évolution et pour maintenir la qualité de la médecine française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale - C'est un sujet que vous connaissez bien, Monsieur le docteur Ménage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Le rapport que le professeur Berland m'a remis hier confirme que la situation très préoccupante. Si, jusqu'en 2007, le nombre des nouveaux médecins et celui des départs en retraite s'équilibreront, les départs en retraite seront de beaucoup supérieurs aux installations entre 2008 et 2015, au point qu'en 2014 et 2015, le Pr Berland prévoit 8 000 départs à la retraite chaque année pour 5 500 nouveaux médecins. C'est pour faire face à cette évolution néfaste que mon collègue François Fillon et moi-même avons décidé de porter le numerus clausus des étudiants en médecine de 5 200 à 6 200 cette année et, je l'espère, à 7 000 l'année prochaine. Ainsi accélérerons-nous le rattrapage après l'année 2015. Quant à la disparité géographique, elle est bien réelle, certaines régions étant déjà de véritables déserts médicaux. C'est pourquoi nous souhaitons créer une commission nationale de la démographie et porter à sa tête le professeur Berland, qui sera chargé de nous soumettre des propositions dans les trois mois. A titre personnel, je souhaite que l'on passe d'un système de concours nationaux à des concours inter-régionaux. Enfin, pour remédier à la décroissance du nombre de médecins généralistes en zone rurale, je souhaite voir augmenter le nombre de praticiens hospitaliers à temps partiel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). EXÉCUTION DES CONTRATS DE PLAN ÉTAT-RÉGIONS M. Jacques Bobe - Tous les élus constatent les difficultés d'exécution des contrats de plan Etat-régions et particulièrement de leur volet routier. C'est le cas, notamment, en Poitou-Charentes. La responsabilité du gouvernement Jospin est largement engagée, puisque de très importants retards ont été constatés dès les premières années du contrat de plan et qu'aucun mécanisme de report de crédits n'a été prévu par M. Gayssot. Pouvez-vous, Monsieur le ministre de l'équipement, nous dire quelles dispositions prendra le Gouvernement, fin 2004 et en 2005, pour accélérer des travaux que les collectivités territoriales comme les services de l'Etat doivent pouvoir programmer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - C'est exact : les contrats de plan ont pris du retard depuis l'an 2000, retard que la conjoncture morose n'a pas permis, de combler. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) La croissance ayant repris, le premier ministre, dans sa sagesse, a décidé d'ouvrir de nouveaux crédits consacrés à la réalisation du volet routier des contrats de plan Etat-régions. Ainsi, 300 millions d'autorisations de programme et 150 millions de crédits de paiement seront prévus dans la loi de finances rectificative pour 2004. Ce rattrapage permettra d'améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens, de renforcer la sécurité routière, de favoriser la compétitivité des entreprises qui ont besoin d'une voirie de qualité et de soutenir l'emploi dans le secteur. Au sein d'une Europe élargie, la France se doit de conserver son rang en maintenant et en développant un excellent réseau routier. C'est ce que nous ferons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Maxime Bono - Monsieur le ministre de l'équipement, c'est aujourd'hui que s'ouvre à la Porte de Versailles le congrès des maires de France et je n'ai pas besoin de revenir sur le désarroi de certains d'entre eux, qu'ils soient de la Creuse, de l'Ardèche ou de la Charente - lesquels vous l'ont directement signifié samedi dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Alors que votre budget des transports a été voté hier par votre majorité, nombre d'élus et d'usagers constatent que, sur le terrain, la situation des services de transport s'aggrave. En 2004, en raison du mauvais état des voies ferrées, la SNCF a dû ralentir la vitesse de ses trains sur 800 kilomètres de voies ; l'année prochaine, 1 500 kilomètres supplémentaires verront leur vitesse réduite parce que les traverses de certaines voies pour permettre aux TER modernes dont se sont dotées les régions de circuler normalement sont trop usées... Plusieurs députés UMP - Qu'avez-vous fait ? Une traverse de chemin de fer ne s'use pas en deux ans ! M. Maxime Bono - Pour les régions qui ont payé des TER flambant neufs à la SNCF, c'est un véritable marché de dupes. Les élus et les usagers s'inquiètent aussi des trop nombreux projets de suppression de trains Corail et déplorent que vous ne donniez plus à la SNCF les moyens de remplir sa mission de service public. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Enfin, partout aussi, des chantiers sont arrêtés. Les projets inscrits dans les CPER ne survivront pas aux retards que les gels de crédits que vous avez décidés chaque année leur ont fait prendre. A ce jour, en moyenne, seulement 27 % des contrats sont réalisés en matière ferroviaire. Notre collègue Augustin Bonrepaux vous l'a maintes fois répété : au rythme actuel de mobilisation des crédits, c'est avec un retard de sept ans que ces travaux se termineront. Le temps me manque pour évoquer la situation des transports urbains. Vous avez coupé les ailes à tout projet nouveau, en supprimant les crédits d'accompagnement aux transports urbains en site propre, lesquels concernaient en particulier les tramways. Pensez-vous obtenir du successeur de M. Sarkozy qu'il rompe avec la pratique qui consiste à privilégier la fiscalité des plus riches (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) pour enfin doter le pays du réseau de transports dont il a besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Monsieur Bono, n'hésitez pas à dire aux maires que vous rencontrez que si l'état de certaines de nos infrastructures ferroviaires laisse à désirer, c'est à la politique que vous avez menée pendant cinq ans qu'on le doit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Jamais, depuis deux ans, on n'aura mobilisé autant de moyens en faveur du ferroviaire : 10 milliards, dont 800 millions au profit du fret, dont vous aviez beaucoup parlé sans jamais y consacrer un centime. A mon arrivée, j'ai demandé à l'IGF et au Conseil général des Ponts de réaliser un audit, lequel a relevé que parmi toutes les promesses que vous aviez faites, 15 milliards au moins de mesures afférentes n'étaient pas financées ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) A compter du 1er janvier prochain, l'agence de financement des infrastructures de transport recueillera les dividendes des sociétés d'autoroutes, les redevances domaniales, et, ainsi, tous les engagements que nous avons pris au cours du CIADT du 18 décembre 2003 seront honorés. C'est cela la différence entre vous et nous ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Plusieurs députés socialistes - Vous n'avez pas répondu à la question ! M. Emmanuel Hamelin - Monsieur le ministre de la culture et de la communication, le Premier ministre a récemment rendu son arbitrage sur la TNT, qui faisait débat depuis de longs mois, s'agissant notamment de la norme de compression - Mpeg 2 ou Mpeg 4 - ou de la qualité de la définition. Pour intéressant qu'il ait été, ce débat était réservé aux initiés et les Français avaient du mal à mesurer les avantages que pouvait leur procurer la TNT. Le Gouvernement a arbitré en faveur de la norme de compression Mpeg 2, déjà utilisée en Europe et dans le monde, ce qui permet d'envisager le lancement de quatorze chaînes gratuites - sous réserve de se doter d'un adaptateur - dès mars 2005. Le calendrier initial est donc respecté. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Le PAF, qui ne disposait jusqu'à présent que de cinq chaînes hertziennes gratuites, va s'en trouver profondément bouleversé. Quelques questions restent en suspens. Comment le Gouvernement entend-il informer les Français sur cette nouvelle offre audiovisuelle ? La TNT doit devenir, pour reprendre le mot du président Baudis, la télévision numérique pour tous ! Quand le Gouvernement rendra-t-il son arbitrage sur les chaînes payantes ? La norme Mpeg 2 leur sera-t-elle appliquée ? Est-il envisageable que les chaînes payantes soient lancées en septembre 2005, conformément au projet initial ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Si vous connaissez parfaitement le dossier, l'ensemble de nos concitoyens ont été troublés par les chantres du malheur, à la gauche de cet hémicycle,...(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) qui pronostiquaient l'apocalypse et qui n'ont fait qu'entretenir la confusion. Grâce à la décision du 8 novembre dernier, prise par le Premier ministre en concertation avec le CSA, les Français vont se voir offrir au moins quatorze nouvelles chaînes gratuites à compter du 1er mars 2005. Pour passer de cinq chaînes à quatorze, la seule contrainte sera de se doter d'un adaptateur, qui prend la forme d'une sorte de prise multiple... (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) Le Gouvernement et le CSA, sur des sujets où la technique évolue extraordinairement vite, ont voulu procéder à toutes les vérifications techniques nécessaires. Pour les chaînes gratuites, c'est la norme commune Mpeg 2 qui a été retenue ; le Premier ministre est à présent confronté à une deuxième décision (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), qu'il prendra avant Noël... Plusieurs députés socialistes - S'il est encore là ! M. le Ministre - ...et qui concerne les chaînes payantes. Là encore, c'est uniquement un souci de vérification des performances techniques qui conduit à prendre le temps nécessaire, afin que le service rendu à nos concitoyens soit le meilleur possible. Le Gouvernement, en liaison avec le CSA et avec un collège d'experts, prendra sa décision en pleine connaissance de cause et dans un seul but : enrichir l'offre audiovisuelle proposée aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. le Président - La chaîne de l'Assemblée nationale sera donc gratuite ! Jean-Marie Morisset - Monsieur le ministre délégué à l'intérieur, le parti socialiste vient d'engager une nouvelle opération de désinformation sur la décentralisation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Hier, à la veille du congrès de maires de France, deux secrétaires nationaux du PS ont en effet présenté un Livre noir de la casse territoriale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) dénonçant la politique de désengagement conduite selon eux par le Gouvernement. Cette opération politicienne, partisane et mensongère, joue sur les craintes de certains élus locaux ; ses auteurs invoquent des sondages mais d'autres sondages disent le contraire.. Mon expérience d'élu de terrain me permet de confirmer qu'il existe une véritable attente en matière de décentralisation chez tous les acteurs qui font vivre les collectivités territoriales. Cette attente est également exigeante pour ce qui est des financements et des ressources. Le Gouvernement a répondu à cette attente en inscrivant dans la Constitution la garantie des transferts de ressources, à l'inverse de ce qu'ont pu faire les socialistes en leur temps : je pense en particulier au financement de l'APA...Ce matin, Monsieur le Ministre, vous avez réaffirmé que la décentralisation serait financée à l'euro près. Pouvez-vous nous rappeler la politique du Gouvernement en ce domaine, et nous donner votre sentiment sur la campagne démagogique de l'opposition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - On peut comprendre que les maires soient inquiets, étant traumatisés par ce qu'ils ont subi à la fin des années quatre-vingt-dix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Ils n'ont pas oublié comment, du jour au lendemain, on leur a imposé les 35 heures dans leurs administrations territoriales, sans financement. Ils n'ont pas oublié comment les ministres des finances de l'époque, M. Strauss-Kahn puis M. Fabius, qui aujourd'hui écrivent des livres noirs, ont rayé d'un trait de plume 14 milliards de recettes fiscales pour les transformer en dotations, niant ainsi l'autonomie financière. Et ils ont vu leurs collègues du conseil général se faire imposer d'en haut l'APA, sans financement complémentaire... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Quand nous avons repris ce dossier de la décentralisation - sur lequel, il est vrai, gauche et droite ne différaient pas pour ce qui est de l'enthousiasme - nous avons eu à cœur que cela n'arrive plus jamais. Voilà pourquoi nous avons modifié la Constitution, pour que plus aucun transfert de compétence ne se fasse sans les ressources correspondantes. Voilà pourquoi nous avons institué l'autonomie financière, avec un plancher de ressources fiscales pour les communes garanti par la loi organique. Voilà pourquoi enfin nous avons créé une commission consultative d'évaluation des charges qui, composée d'élus, vérifiera le financement des transferts. En somme notre travail est simple : il consiste à entendre le message des France, qui demandent une administration efficace sur le terrain. C'est pourquoi on décentralise ; c'est aussi pourquoi il faut informer, expliquer, convaincre, et dans ce domaine j'ai de l'énergie à revendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) M. François Brottes - Plus jamais ça, nous dit M. Copé. Or les maires sont en train de faire leurs comptes, et l'heure est venue de lire un extrait du fameux Livre noir. Monsieur le Premier Ministre, je ne vous interrogerai pas sur les dangers de la privatisation du nucléaire français que vous venez de décider. Je ne vous interrogerai pas sur la remise en cause de la loi de 1905, fondement de notre République, à laquelle veut procéder le nouveau chef de votre majorité. Je ne vous interrogerai pas (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) sur la précarisation généralisée des contrats de travail, conséquence de l'assouplissement des règles de licenciement que vous allez faire voter... Ma question porte sur les effets néfastes des privatisations de services publics, de la suppression des postes de fonctionnaires qui provoque un précarisation des territoires fragiles et remet en cause une autre valeur fondamentale, l'égalité des chances. Peut-être entendrez-vous tout à l'heure le maire d'une petite commune vous dire : « ils pourraient au moins attendre que les vieux meurent, pour fermer le bureau de poste »... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) C'est une forme d'indignation dans la résignation qu'il exprimera ainsi, une angoisse et une lassitude. Pour tous les services publics, pour toutes les missions de l'Etat, c'est aujourd'hui une véritable crise de confiance entre le pouvoir d'en haut et le pouvoir d'en bas ; c'est une rupture du contrat, car les engagements, les finances et les moyens de l'Etat sont en panne ! Monsieur le Premier ministre, il y a des territoires où l'on ne raisonne pas en kilomètres, mais en temps de trajet pour aller à l'école ou retirer de l'argent. Il y a des territoires sans médecin et sans infirmière. Il y a des quartiers où l'on fait la queue pendant des heures pour retirer quelques euros parce qu'on n'a pas de carte bancaire. Il y a des territoires... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) où la concurrence n'apportera ni baisse des tarifs ni amélioration de l'offre, parce que ces territoires ne sont pas rentables... L'égalité des chances et des droits, ce n'est pas seulement une question d'argent, mais aussi d'ambition républicaine. Est-ce que seuls les territoires rentables, les Français rentables, voire les maires rentables ont droit à la considération de votre gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur - Je regrette que sur un tel sujet, qui nous engage tous, on en soit réduit à une telle démagogie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP,exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le combat pour maintenir le service public sur tout le territoire n'appartient pas plus à un camp qu'à un autre : c'est le combat de tous les élus locaux, de tous les responsables publics, et nous devons le mener ensemble. Dans ce domaine rien n'est pire que les fausses solutions : c'est M. Jospin qui a suspendu en 1998 le moratoire sur les fermetures de services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Sur ces sujets, Monsieur Brottes, il est bien facile à un ancien ministre des finances, un week-end, de venir de Paris dans le Cantal, pour donner le sentiment qu'on s'en occupe... Le combat réel est plus difficile. Voilà pourquoi nous honorons nos engagements financiers, en augmentant de 20 % la dotation de solidarité rurale. Voilà pourquoi, avec la loi rurale proposée par Hervé Gaymard, nous donnons aux préfets les moyens d'organiser la concertation et de préserver partout un service public efficace, mais aussi moderne. Car le but, c'est que la nation puisse toujours proposer sur tout le territoire des services publics adaptés aux besoins. En certains endroits il faudra innover. La maison de service public sera le défi des années à venir. Et pour cela on a aussi besoin de vous, pour faire non de la démagogie, mais des propositions constructives. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES M. Gérard Weber - Ma question s'adresse à Mme la Secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées. La huitième édition de la Semaine nationale pour l'emploi des personnes handicapées se tient depuis hier et jusqu'au 20 novembre. Elle donnera lieu à nombre de forums, de conférences, de visites d'entreprises, mais aussi d'animations mettant en lumière le parcours de certains handicapés qui ont atteint une réussite professionnelle exemplaire. Ce seront plus de cent cinquante manifestations en métropole, aux Antilles et à la Réunion. Aujourd'hui, si près de cinq millions de personnes en âge de travailler déclarent souffrir d'un handicap, seulement 643.000 travaillaient fin 2003, cependant que 245.000 chercheraient un emploi - représentant 7,1 % de l'ensemble des demandeurs d'emploi. Parmi ces demandeurs handicapés, 41 % sont au chômage depuis plus d'un an, contre 30 % pour l'ensemble des chômeurs ; 27 % sont âgés de cinquante ans ou plus. Pouvez-vous, Madame la Ministre, nous indiquer les mesures d'accompagnement qu'entend prendre le Gouvernement en faveur de l'embauche des travailleurs handicapés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - C'est vrai, les personnes handicapées restent particulièrement touchées, aujourd'hui, par le chômage, notamment de longue durée, et la seule mention « COTOREP » suffit à rendre nombre d'emplois inaccessibles. A cet égard, la huitième édition de la semaine nationale pour l'emploi des personnes handicapées est particulièrement intéressante, et le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin se mobilise sur cette question, aussi bien au travers du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, en incitant les entreprises à embaucher des personnes handicapées, qu'au travers de l'action, sur le terrain, en direction des fonctions publiques. Dès le 18 novembre, un colloque sur le management et le handicap mobilisera les fonctions publiques, pour aboutir à la signature de pactes territoriaux, d' engagements pour le recrutement de personnes handicapées. En un an, nous voulons réduire de 20 % le taux de chômage des personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) . SERVICE PUBLIC ET TERRITOIRES RURAUX. M. Bernard Pousset - Les services publics se doivent d'être accessibles à tous. Ils sont les garants du lien social, surtout dans les territoires ruraux, mais ils doivent aussi s'adapter aux nouvelles demandes des Français, et se moderniser face au développement des transports, et des nouveaux modes de communication. Aujourd'hui, l'implantation géographique des services publics ne répond plus aux besoins de la population. Les initiatives locales montrent que des solutions sont à chercher tant du côté des mises en réseaux, des regroupements, que du développement des aides à domicile. L'opposition actuelle l'avait compris lorsqu'elle était aux affaires, et esquissé un semblant de réorganisation des services postaux et de perception. Démagogique, elle renie aujourd'hui ses propres choix. Quelles mesures allez-vous prendre pour rassurer les élus locaux, et garantir le maintien des services publics sur nos territoires ruraux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) . M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire - Le Gouvernement partage votre opinion : nous devons adapter les services publics aux réalités actuelles - nouveaux modes de communication, nouveaux modes d'expression, nouvelles contraintes des entreprises publiques liées à l'ouverture du marché européen. A cette fin, nous devons connaître les besoins du terrain, en consultant les associations d'usagers et les élus locaux. Le projet de loi sur le développement des territoires ruraux, qui viendra en seconde lecture en janvier, impose une concertation, autour du préfet, avec l'ensemble des acteurs du terrain, avant toute décision de restructuration. D'ores et déjà, le Gouvernement a demandé aux préfets d'agir dans ce sens, avant même l'entrée en vigueur de la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) . La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Leroy, vice-président PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY vice-président LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite) L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005. M. le Président - Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, concernant le logement. Mme Chantal Bourragué - Au dernier congrès des offices de HLM, les professionnels ont reconnu l'effort exceptionnel fait par le Gouvernement pour résorber l'insupportable crise du logement due à l'immobilisme du gouvernement Jospin. Faciliter l'accession sociale au logement, c'est répondre au vœu le plus cher des Français. Sans action dans ce domaine, l'effort pour l'égalité des chances sera vain. Aussi le logement est-il un élément essentiel du plan de cohésion sociale. La réforme du prêt à taux zéro en est un élément important. La revente des logements HLM à leurs occupants est également une réponse appropriée. Mais si l'on veut réellement développer l'accession sociale à la propriété, il faut comptabiliser comme logements sociaux au sens de la loi sur le solidarité urbaine les logements en accession à la propriété qui donnent droit à l'APL. Que pouvons-nous attendre en ce sens dans la loi relative à l'habitat pour tous ? M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville - Je vous remercie de rappeler l'ambition du gouvernement de relancer l'accession sociale à la propriété. Ainsi le prêt à taux zéro sera plus social, plus familial et portera sur les logements anciens. Nous y reviendrons vendredi. Pour la location-accession, nous avons fait voter en juin un dispositif fiscal, que le Sénat a complété dans la loi de cohésion sociale, qui permet d'appliquer un taux de TVA de 5,5% et d'exonérer de la taxe sur le foncier bâti pendant 15 ans. Nous menons donc une politique qui permettra de doubler le nombre de primo-accédants et facilitera l'accession-location pour répondre à une attente déjà ancienne. Quant à l'application de l'article 55 de la loi SRU, de nombreux amendements y seront consacrés lors de l'examen du projet de loi de programmation financière. Je ne compte pas en débattre à propos de la cohésion sociale. Il me semble qu'il faut rendre le dispositif plus coercitif lorsque les maires ne font pas d'effort pour construire des logements sociaux, et plus incitatif lorsqu'ils en construisent. Il faudra aussi réfléchir à l'assiette de la mesure prévue à l'article 55. Nous le ferons à l'occasion de la loi relative à l'habitat pour tous, après une large concertation avec les associations d'élus locaux, de manière à trouver un consensus sans perdre de vue notre objectif qui est d'augmenter la construction de logements locatifs. M. Yves Coussain - Je salue l'augmentation des crédits de l'ANAH, qui conditionnent de nombreuses réhabilitations de logements en zone rurale. Cependant certains rattrapages sont nécessaires. Ainsi dans le Cantal, l'enveloppe totale de crédits a été de 2 735 000 euros en 2004 contre 3 520 000 euros en 2002. Or cette année, deux OPAH importantes, notamment l'une dans l'agglomération d'Aurillac, vont nécessiter une enveloppe supérieure. Quelle sera-t-elle ? Les subventions de l`ANAH ont un rôle de levier dans les zones de revitalisation rurale, car seules les acquisitions immobilières qui en bénéficient pour la rénovation sont exonérées pendant quinze ans de la taxe sur le foncier bâti. Sur un plan plus général, qu'en est-il de la suppression du plafond de ressources pour l'accession à un logement conventionné donnant droit à l'APL ? M. le Ministre délégué - La revalorisation des crédits de l'ANAH était souhaitée par tous. Nous y sommes. La loi de programmation financière de la cohésion sociale prévoit une augmentation de crédits de 70 millions en 2005 et de 140 millions en 2006. La dotation pour le Cantal, initialement fixée à 2 335 000 euros, sera abondée dans un premier temps de 400 000 euros. C'est effectivement nettement insuffisant pour répondre aux besoins, notamment en raison des OPAH rurales. Le conseil d'administration de l'ANAH a déjà émis un avis favorable sur l'augmentation de 7,65 % des crédits pour 2005 et, avec une montée en charge progressive, les crédits prévus pour 2006 permettront de satisfaire l'ensemble des besoins, notamment pour l'amélioration de l'habitat rural, conformément à la décision du CIADT de septembre 2003 qui a fixé pour objectif cent nouvelles OPAH rurales. Dans la loi relative aux territoires ruraux, nous avons également prévu une possibilité pour les maires d'accorder une exonération de taxe sur le foncier bâti pendant quinze ans dans les zones de revitalisation rurale pour les propriétaires qui, disposant d'une subvention de l'ANAH, signent une convention APL. Je répondrai à votre seconde question à propos de la loi sur l'habitat pour tous. M. Philippe Auberger - Vous lancez une politique du logement social hardie puisque vous voulez passer d'un rythme de construction de 40 000 logements par an à 90 000 logements en 2005 et construire 500 000 logements en cinq ans. Cette ambition répond aussi à une nécessité. Mais elle suscite des réticences, et d'abord celles de certaines collectivités locales à accueillir de nouveaux logements sociaux, et les mesures que vous envisagez de prendre dans le cadre de la loi SRU suffiront difficilement à les décider. Des efforts seront également nécessaires pour modifier les financements complémentaires qui représentent 20 % à 30 % du coût total des opérations : fonds propres des organismes, fonds provenant du 1% logement et des collectivités locales. Comment comptez-vous y parvenir et à quel rythme ? M. le Ministre délégué - La loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit 2,370 milliards en AP et 2,761 milliards en CP, ce qui permettra de résorber un retard inacceptable dans le paiement de la dette HLM et de changer radicalement de méthode en finançant un programme et non des opérations ponctuelles. Plusieurs organismes ou structures contribuent aux financements. La Caisse des dépôts et consignations joue un rôle fondamental dans la distribution des prêts à taux bonifiés. Les bailleurs sociaux, quant à eux, ont déclaré que les moyens étaient au rendez-vous. Les collectivités locales, de leur côté, jouent leur rôle à condition qu'elles aient des terrains et veuillent construire. Nous avons, par ailleurs, signé fin octobre une convention avec le monde du 1 % logement dont l'intégralité du produit servir désormais au financement des logements et de la rénovation urbaine. En outre, dans le cadre du plan de cohésion sociale, une subvention annuelle de 210 millions sera débloquée afin que nous soyons en mesure de réaliser nos objectifs de constructions. M. Jacques Houssin - Vous avez présenté les modifications apportées au prêt à taux zéro. Je me réjouis de cette grande réforme de l'accession sociale à la propriété qui permettra d'aider 240 000 ménages à devenir propriétaire au lieu de moins de 100 000 actuellement. Pour que cette réforme porte ses fruits, le nouveau PTZ doit être distribué le plus largement possible. Son succès, jusqu'à présent, reposait sur sa simplicité et des avantages en terme d'apports personnels. Cela sera-t-il encore le cas avec le nouveau PTZ ? M. le Ministre délégué - J'ai déjà eu l'occasion de le dire : le PTZ ne change pas fondamentalement mais il s'appliquera désormais à l'immobilier ancien et ses conditions d'attribution le rendront à la fois plus familial et plus social : un an d'amortissement supplémentaire pour les ménages les plus modestes, apport substantiel tenant compte de la taille de la famille, extension aux logements anciens sans condition de travaux. Ce projet, qui remplace une subvention budgétaire sur deux ans par un crédit d'impôt sur cinq ans et qui répond aux demandes de tous, sera présenté vendredi soir au Parlement. M. Maxime Bono - La réduction drastique des crédits de l'ADEME remettrait semble-t-il en cause les aides que les opérateurs de logements HLM pouvaient obtenir sur des opérations innovantes ou pour la mise en œuvre de certains modes de production d'énergie. Le ministère entend-il reprendre à son compte une part de ses interventions ? M. le Ministre délégué - Nous devons en effet réfléchir sur l'importance du développement durable et sur l'aspect qualitatif dans la construction de logements. Je souhaite qu'en 2005 nous puissions consacrer une partie des Assises nationales du logement à ces questions. Même si je ne peux poursuivre tous les objectifs en même temps et si le ministère du logement ne peut se substituer à l'ADEME, il est possible d'agir à travers les PALULOS et d'inscrire le développement durable dans les cahiers des charges des bailleurs sociaux. M. Daniel Boisserie - La réforme que vous proposez vise à étendre le PTZ à des ménages moins modestes et à l'ouvrir à l'immobilier ancien. En tant que professionnel du bâtiment, je ne m'en indigne évidemment nullement. Néanmoins, ce dispositif reste flou. Le rapporteur spécial a parlé ce matin de « décote ». De quoi s'agit-il exactement ? L'exonération d'impôt sur le foncier bâti serait prolongée. Qu'en sera-il précisément ? Il est en outre inacceptable que le nouveau PTZ ne soit pas ouvert à ceux qui sont déjà propriétaires, usufruitiers ou simplement titulaires d'un droit d'usage et d'habitation. Il suffisait d'améliorer l'actuel PTZ, au lieu de faire supporter les frais de la réforme à la future majorité législative. De plus, les taux pour les acquisitions immobilières étant actuellement d'environ 4 %, pourquoi ne pas avoir relevé le montant du PTZ en prévision de l'augmentation importante des prix de l'immobilier ? M. le Ministre délégué - Je ne peux accepter un procès d'intention dû à une méconnaissance du dispositif que nous proposons alors que le gouvernement que vous avez soutenu n'a rien fait pendant des années pour revaloriser le barème du PTZ qui, je le rappelle, a été institué par M. Périssol, dans la droite ligne duquel nous nous situons. Je le répète pour la énième fois : le PTZ ne change pas, sinon que nous l'ouvrons à l'immobilier ancien et que nous faisons une décote car chacun sait qu'il y a une différence de prix entre le neuf et l'ancien : celle-ci sera de 10% en zone A, 20% en zone B et 25% en zone C. Notre objectif n'est pas d'augmenter le plafond de ressource pour y prétendre... M. Daniel Boisserie - Je n'ai pas dit cela. M. le Ministre délégué - ...mais de le rendre au contraire plus social. Le nombre de bénéficiaires devrait doubler. M. Maxime Bono - Ce n'était pas la question. M. le Ministre délégué - Nous présentons la plus grande réforme qui ait été faite sur l'accession sociale à la propriété depuis M. Périssol. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jacques Le Guen - Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit que de 2005 à 2009 des crédits supplémentaires seront affectés à l'ANAH afin de financer la réhabilitation de 900 000 logements et de contribuer à la remise sur le marché locatif de logements vacants, ce dont je me réjouis. Néanmoins, les crédits d'intervention de l'ANAH ont considérablement varié au cours des deux derniers exercices et des inquiétudes sur le niveau des moyens accordés aux délégations départementales se sont fait jour. Ainsi, dans le Finistère, des incertitudes sur les versements pour 2004 ont entraîné des blocages dans l'examen des dossiers relatifs aux propriétaires bailleurs et aux propriétaires occupants. En outre, les OPAH engagées par les collectivités locales ont été pénalisées par rapport au secteur diffus. Pouvez-vous me préciser le montant des crédits affectés au Finistère en 2004 et la dotation prévue pour 2005 ? Les maires des communes riveraines de la base aéronavale de Landivisiau souhaitent d'autre part un relèvement des primes de l'ANAH pour les travaux d'isolation phonique engagés par les particuliers, en reconnaissance des nuisances sonores occasionnées par les exercices des avions de l'aéronavale. Le Gouvernement envisage-t-il des mesures en ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. le Ministre délégué - Les crédits de l'ANAH délégués au Finistère en 2004 ont été fixés à 5,95 millions d'euros. Les crédits prévisionnels alloués à la région Bretagne pour 2005 sont en augmentation de plus de 6 %. Comme je l'ai dit à M. Coussain, ils seront beaucoup plus importants en 2006, même si nous rompons déjà avec des années de disette, pour reprendre un terme que j'ai entendu ce matin. S'agissant du relèvement du taux de subvention pour les travaux d'isolation phonique, la règlementation actuelle ne permet pas à l'ANAH de déroger au plafond fixé par son conseil d'administration. Mais la thématique du bruit peut être traitée, dès lors qu'elle s'inscrit dans un projet de revalorisation du territoire, dans le cadre d'une OPAH. C'est dans ce cadre-là que nous pourrons vous apporter une aide. Mme Bernadette Paix - L'accès au logement des étudiants est devenu préoccupant dans les grandes villes universitaires françaises. Pour la première fois, un plan d'action coordonné entre votre ministère et celui de l'Education nationale est prévu. Il reprend les préconisations du rapport Anciaux. L'article 66 de la loi du 13 août 2004 prévoit le transfert aux communes et à leurs groupements de la responsabilité des locaux destinés au logement des étudiants. Ces collectivités deviendront ainsi propriétaires de ces logements en 2006. A terme, elles assumeront leur réhabilitation. Des mesures financières sont-elles prévues pour permettre aux grandes villes de préparer cette échéance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. le Ministre délégué - J'ai annoncé à Lyon, en septembre, les mesures qui seraient prises en faveur du logement étudiant, dont la crise ne date pas d'aujourd'hui. Dans un rapport remarquable, votre collègue Anciaux a posé un diagnostic pertinent et formulé des propositions que nous avons reprises dans leur intégralité. François Fillon et moi-même avons ainsi annoncé en juillet, à l'issue d'un comité interministériel, que les moyens nécessaires - prêts locatifs sociaux notamment - seraient dégagés pour tenir le rythme de construction de logements neufs annoncé dans le rapport Anciaux et celui des réhabilitations. Nous devons agir avec les CROUS, car une réflexion est en cours sur le déplafonnement de l'allocation de logement social. Nous ouvrons également aux opérateurs privés la possibilité de construire des résidences étudiantes. Le transfert de la compétence du logement étudiant aux villes ne se fera que sur leur demande. Nancy va d'ailleurs l'expérimenter. Ainsi les villes pourront vérifier que le plan logement étudiant est bien respecté. Mme Irène Tharin - Votre prédécesseur Jean-Louis Borloo a fait voter le 1er août 2003 une loi sur la rénovation urbaine, afin de mobiliser des moyens financiers pour restructurer les quartiers en difficulté. Ce programme géré par l'ANRU, qui consiste à réhabiliter de l'immobilier dans les zones urbaines sensibles, va s'appliquer à plusieurs communes du pays de Montbéliard : Montbéliard, Valentigney et Audincourt. Un dossier est en cours d'instruction à l'ANRU. Cette politique de rénovation urbaine est désormais sur les rails. Ma question concerne le logement locatif social. La construction de logements sociaux est une chance pour la revitalisation de nos villes et de nos villages, car elle attire de jeunes couples. Je le dis à l'intention de mes collègues qui refusent de construire des logements sociaux dans leurs communes. Dans le pays de Montbéliard, le besoin de construction est de 200 à 250 logements locatifs sociaux par an. Quels crédits mobiliserez-vous en 2005 pour donner un nouvel élan à ce programme à l'échelle nationale et à celle du pays de Montbéliard ? M. le Ministre délégué - Vous avez souligné à juste titre l'importance du programme de rénovation urbaine dans le pays de Montbéliard. Nous préciserons dans les quinze jours le programme détaillé qui est prévu pour votre département. Dans le cadre du plan de cohésion sociale, nous apporterons également aux communes une aide, notamment par le biais de la DSU, pour les zones urbaines sensibles et les ZEP. Le plan de cohésion sociale se donne l'objectif de doubler le nombre de logements locatifs sociaux par rapport au rythme que nous avons connu dans les cinq dernières années - 50 000. Dès lors que les programmes locaux de l'habitat de l'agglomération de Montbéliard présenteront des objectifs qui vont dans ce sens, les financements, que ce soit en PLS ou en PLUS, suivront. La révolution culturelle que nous proposons consiste à financer des programmes, et non plus des opérations. Si les maires nous disent que leur population réclame davantage de logements locatifs sociaux - qui s'adressent, compte tenu de leur diversité, à 80% de la population française - nous leur répondrons favorablement. M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne « Travail, santé et cohésion sociale ». Les crédits du titre III et du titre IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés. Les crédits du titre V et du titre VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés. M. le Président - En accord avec la commission des fiances, j'appelle maintenant deux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 79. M. le Ministre délégué - L'amendement 138vise à renforcer l'efficacité du recouvrement forcé - notamment en cas d'avis à tiers détenteur notifié au guichet des établissements de crédit - lorsque les organismes redevables n'ont pas versé spontanément les cotisations dues à la caisse de garantie du logement locatif social. En effet, les dispositions en vigueur ne prévoient de droit de communication que pour vérifier les éléments d'assiette de la cotisation. M. Michel Piron, suppléant M. François Scellier, rapporteur spécial de la commission des finances - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis tout à fait favorable. L'amendement 138, mis aux voix, est adopté. M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 81, qu'ont cosigné MM. Marleix, Leroy et Perruchot, a trait aux gens du voyage. La loi du 5 juillet 2000 a prévu dans chaque département l'élaboration d'un schéma d'accueil des gens du voyage et la réalisation d'aires d'accueil permanentes destinées aux populations itinérantes. Les communes doivent procéder aux investissements nécessaires dans les deux ans suivant la publication du schéma. L'objectif est en effet de développer les capacités d'accueil des gens du voyage dans des délais relativement brefs. Par le passé, lorsqu'une commune réalisait une aire d'accueil, la pénurie d'offre de sationnement dans les communes voisines entraînait souvent une sur-occupation, des conflits d'usage, voire la dégradation de l'aire. En contrepartie, l'Etat apporte son soutien. En investissement, les opérations nouvelles et la réhabilitation des aires existantes sont subventionnées à hauteur de 70% de la dépense subventionnable, contre 35% auparavant. Cette dépense est plafonnée, par place de caravane, à 15 245 euros pour les aires nouvelles et à 9 147 euros pour les réhabilitations, et à 114 336 euros par opération pour les aires de grand passage. Les coûts étant supérieurs à la dépense subventionnable, la charge pour les communes est considérable, puisque la subvention de l'Etat ne représente guère plus de 40 % du coût réel. La réévaluation de la dépense subventionnable serait la meilleure mesure à prendre, mais l'article 40 interdit à un parlementaire de la proposer. Nous proposons donc de prévoir un bilan détaillé de la loi du 5 juillet 2000, qui porterait notamment sur la charge de l'investissement. Je serais, bien sûr, prêt à retirer cet amendement si le Gouvernement se prononçait en faveur d'une réévaluation de la dépense subventionnable. M. le Ministre délégué - Sensible à l'argumentation de M. Martin-Lalande et à l'éminence de ses cosignataires (Sourires), le Gouvernement est tout à fait favorable à l'amendement, qui renforcera le pouvoir de contrôle du Parlement. M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Certes ! Et un rapport coûte moins cher que l'augmentation d'une subvention ! M. le Rapporteur spécial suppléant - Avis favorable. M. Patrice Martin-Lalande - Je remercie le Gouvernement d'avoir accepté l'amendement, mais j'aimerais qu'il accepte aussi de réévaluer le montant de dépenses qui peut être subventionné. Ainsi l'esprit de la loi sera respecté, qui voulait que l'effort soit partagé entre l'Etat et les communes. Ce n'est pas le cas en ce moment, si bien que les réalisations sont freinées et que des conflits naissent entre les communes qui ont les moyens d'agir et celles qui ne le peuvent pas. L'amendement 81, mis aux voix, est adopté. M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, concernant le logement. La séance, suspendue à 17 heures 5, est reprise à 17 heures 10. M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la défense. M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial du budget de la défense - Au moment où nous ouvrons ce débat budgétaire, les événements qui se produisent en Côte d'Ivoire témoignent de manière dramatique de l'engagement de nos militaires pour la défense de la paix et la protection de nos concitoyens. Mais il faut aussi rappeler que les forces françaises sont intervenues et interviennent encore en Afghanistan, dans les Balkans, en Haïti... A cela s'ajoutent le plan Vigipirate et la sécurisation des manifestations organisées pour commémorer le 60ème anniversaire du Débarquement. A chaque occasion, les compétences militaires françaises ont été reconnues et saluées ; la France peut être fière de ses armées, dont la forte activité constitue un premier élément du contexte particulier dans lequel s'engage notre débat. Le second élément consiste dans la persistance d'un risque dont il est bien difficile de définir les contours, puisque nul ne peut prédire l'évolution de la situation au Moyen Orient, en Asie centrale et en Afrique, cependant que les menaces qui pèsent sur notre population et sur nos intérêts se font diffuses. Elles prennent des formes diverses, de l'Etat totalitaire possesseur de la bombe atomique à la cellule terroriste fanatique. Elles peuvent frapper à des milliers de kilomètres de Paris, mais aussi au coin de la rue, utiliser un armement de haute technologie ou recourir à des matériels rudimentaires. Troisième élément contextuel qui tient probablement à l'influence des deux précédents, un relatif consensus sur la nécessité de soutenir l'effort de défense. De moins en moins nombreux sont ceux qui estiment le moment venu de toucher les dividendes de la paix. On pourrait croire qu'un tel environnement réduit singulièrement les motifs de discussion. En fait, il n'en est rien. Tant dans sa préparation que lors de son adoption ou dans son exécution, le budget de la défense fait l'objet de prises de position tranchées, parfois même contradictoires. L'exécution du budget 2004 comme le projet pour 2005 n'échappent pas à cette règle. Pendant que certains, y compris dans la haute hiérarchie militaire, dénoncent un manque cruel de moyens, d'autres s'indignent au contraire d'une sanctuarisation des crédits de la défense. A ces appréciations opposées s'ajoute cette année un débat autour de la réforme du ministère et de la réforme budgétaire, propre à attiser les suspicions et les incompréhensions. C'est sur ces deux questions, Madame le Ministre, que je voudrais vous interroger : après deux ans d'efforts soutenus en faveur de la défense, pourquoi ce budget suscite-t-il des réactions si contrastées ? Où en est la réforme du ministère et comment est-il possible, dans l'esprit de la LOLF, d'y associer davantage le Parlement ? Pour la troisième année consécutive, le projet de budget de la défense est marqué par le respect scrupuleux de la loi de programmation militaire, qui tranche avec les renoncements du passé. 42,42 milliards sont inscrits en faveur du ministère de la défense, soit une augmentation de 2,07 % par rapport à 2004. Pour faire court, j'indique simplement que les dépenses d'équipement atteignent 15,2 milliards en crédits de paiement, soit une progression de plus de 2 % après des hausses de 9 % et de 11 % des années précédentes. Le titre III progresse de 1,26 % hors pensions, sous l'effet principalement des mesures sociales prévues en faveur des militaires et des civils de la défense. Ce budget est-il pour autant « sanctuarisé » ? Assurément, non. Pour s'en convaincre, il suffit d'avoir à l'esprit quelques données incontestables qui témoignent d'une réelle pression sur le titre III : des effectifs en baisse - moins 1.168 postes - ; une dégradation marquée de l'entraînement opérationnel des forces, loin des objectifs attendus en 2004 ; la ponction du coût des opérations extérieures. Sur ce dernier point, je rappelle que la commission des finances souhaite que le budget pour 2006 intègre une dotation suffisante pour couvrir le coût prévisible des OPEX. En définitive, sur un plan strictement opérationnel, on serait bien en droit de s'inquiéter de l'évolution du titre III. Doit-on pour autant ouvrir les vannes budgétaires ? L'effort demandé au ministère de la défense s'applique avec la même rigueur aux autres départements. Dans le contexte budgétaire actuel, il est difficile pour les chefs d'état-major d'atteindre conjointement leurs objectifs en terme d'effectifs, d'entraînement et d'amélioration de la condition de vie des militaires. L'entrée en vigueur de la LOLF, avec la fongibilité des crédits, leur permettra de gérer différemment, en procédant à des redéploiements en fonction de contraintes budgétaires et d'objectifs opérationnels assumés par le ministre comme par la représentation nationale. Néanmoins, dans la situation présente, un ajustement en loi de finances rectificative parait inévitable, faute de quoi on en viendrait à affaiblir mécaniquement le titre V. Je sais bien que certains sont nostalgiques de cette gymnastique budgétaire, mais y revenir consisterait à renouer avec les facilités du passé qui ont ruiné le moral des armées et jeté un doute sur l'efficacité de notre défense. Une autre tentation, tout aussi pernicieuse, demeure : remettre en cause tout ou partie de notre dissuasion nucléaire, ce qui m'apparaît, dans le monde d'aujourd'hui, prendre un risque insensé. (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe UMP) Comme l'a voulu le Président de la République, c'est le strict respect de la loi de programmation militaire qui manifeste le mieux la cohérence et la crédibilité de l'action de la France en Europe et dans le monde : je souhaite, Madame le ministre, que vous nous assuriez de votre détermination dans ce domaine. L'adoption du projet de budget donne aussi l'occasion de faire le point sur la réforme du ministère. La modernisation des structures et de la gestion du département est en cours, après plusieurs grandes réformes, dont la principale reste la professionnalisation des forces. La modernisation se traduit par une « interarmisation » accrue des services, voire par l'externalisation de certaines fonctions. Je citerai pour mémoire l'économat unique des armées, le regroupement des services d'archives de la Défense ou l'externalisation de la formation initiale des pilotes d'hélicoptère. D'autres chantiers attendus sont désormais engagés, notamment en ce qui concerne la politique immobilière du ministère. Mais le chantier le plus important reste l'évolution de la DGA et la réforme des programmes d'armement. La très grave crise de trésorerie rencontrée par le programme du Rafale - 620 millions en 2003 - a joué comme un révélateur de dysfonctionnements majeurs, susceptibles de mettre en péril l'ensemble du programme. Désormais que la situation est rétablie, je souhaite que l'on tire la leçon de cet épisode. C'est avec cette volonté que vous avez mis en place de nouvelles méthodes. Principale innovation : le conseil des systèmes de forces, organisme collégial réuni autour du Chef d'état-major des armées, chargé de contrôler la cohérence du déroulement des programmes et opérations d'armement. Ce conseil doit dépasser le cloisonnement fonctionnel - voire culturel - dans lequel se sont enfermés les états-majors, la DGA et les services du ministère. Sa réussite exige un profond changement d'état d'esprit des uns et des autres. La réforme de la DGA s'inscrit dans cette ligne. Outre l'acquisition de nouvelles compétences, elle vise à la faire évoluer dans son fonctionnement et dans ses relations avec les états-majors ou les industriels. Enfin, le ministère participe activement à la réforme de l'industrie de défense française, laquelle exige des évolutions statutaires, pour les entreprises comme pour leurs personnels. Je pense d'abord à DCN, dont la lourde et coûteuse réforme vise à assurer la pérennité de l'entreprise. De l'avis de tous, elle se révèle bénéfique pour notre industrie de défense. GIAT industrie est également en phase de restructuration. Un indice optimiste, la production du VBCI pour l'armée de terre semble enfin sur les rails. Mais GIAT ne pourra pas affronter la concurrence sans une réflexion profonde sur son organisation et sur son statut. THALES et la SNECMA sont également appelés à évoluer, dans leur capital comme dans leur mode d'association avec de grands groupes français et européens, tels EADS et DASSAULT. Le projet de loi de finances pour 2005 marque également un tournant dans l'histoire budgétaire française, puisque c'est le dernier exercice mis en œuvre selon les dispositions de l'ordonnance de 1959. Le budget pour 2006 ne ressemblera pas à celui que nous nous apprêtons à voter aujourd'hui, la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 imposant une refonte de l'architecture budgétaire en missions, programmes et actions. Madame le Ministre, je ne vous cache pas qu'en l'état actuel, la maquette budgétaire du ministère de la défense ne fait pas l'unanimité. L'essentiel des crédits - 85 %, soit environ 35 milliards - figureront dans une mission « défense », les 15 % restants se répartissant entre la mission « mémoire et liens avec la nation » et deux missions interministérielles, « recherche » et « sécurité ». La mission « défense » compte quatre programmes. Si le programme « soutien administratif central » ne soulève pas de commentaires particuliers, il n'en va pas de même des trois autres. Le programme « environnement et prospective de la politique de défense » est subdivisé en six actions dont la cohérence d'ensemble peine à s'affirmer. En effet, la présence en son sein des crédits liés aux services de renseignement en altère la lisibilité et rend délicate la désignation d'un responsable de programme vraiment légitime. Le programme « préparation et emploi des forces » représente 57 % des crédits de la mission « défense ». Il atteindra 21,2 milliards en crédits de paiement. Alors que la LOLF vise à une plus grande transparence des finances de l'Etat, tout en accordant des pouvoirs élargis au Parlement, l'existence d'un programme de 21,2 milliards d'euros met mal à l'aise ! Je mesure les difficultés rencontrées par votre département ministériel pour mettre en œuvre la loi organique. Deux tendances antagonistes se sont affirmées : l'une, conservatrice, prônait le maintien de l'organisation existante, ce qui revenait à opérer un découpage strict par armées ; l'autre, plus à l'avant-garde, visait à tout « interarmiser », sous la seule autorité du chef d'état-major des armées. Le programme « préparation et emploi des forces » représente un compromis habile. Il fait évoluer l'organisation même des armées, sans les fragiliser par une refonte radicale. Sa responsabilité serait confiée au CEMA, et l'émergence du CEMA constitue en soi une avancée. Cependant, certains voient dans la taille de ce programme une atteinte au renforcement des pouvoirs du Parlement, même si ce reproche peut aussi être adressé à certains programmes relevant des ministères de l'économie et des finances ou de l'Education nationale. Le Gouvernement ne peut écarter d'un revers de la main les réserves du Parlement sur les programmes de trop grande ampleur, et nous ne pouvons pas davantage renvoyer au Gouvernement sa copie budgétaire, dans une fin de non recevoir. La tentation de fragmenter le programme en trois programmes distincts par armées est grande, mais ce serait un retour en arrière. Aussi la commission des finances a-t-elle adopté une observation : prenant acte de la volonté de modernisation du ministère de la défense, elle a souhaité que la définition des budgets opérationnels de programme permette au Parlement d'exercer un contrôle effectif. A moyen terme, une évolution de l'architecture budgétaire doit être envisagée. La mise en œuvre de la LOLF doit être aussi dynamique et évolutive que le sont les missions de l'Etat. La LOLF confère de nouveaux pouvoirs budgétaires au Parlement. C'est une réalité que tous les services de l'Etat doivent intégrer. Il doit notamment en découler un meilleur taux de réponse aux questionnaires budgétaires, ainsi qu'une précision accrue dans les réponses transmises. La nouvelle donne impose également une définition commune des indicateurs de performance censés accompagner les prochains projets de loi de finances. En l'état actuel, il apparaît que les indicateurs envisagés par le ministère de la défense seront moins précis que les documents budgétaires actuels ! Multiplier des indicateurs pour aboutir à une information superficielle ne présente pas d'intérêt. Il importe que le Parlement et le Gouvernement travaillent de conserve pour définir les chiffres clés permettant d'évaluer la performance du budget des armées. La polémique actuelle sur les effectifs des armées - lesquels varient selon que l'on s'adresse aux états-majors, aux services financiers ou au cabinet du ministre ! -, illustre l'urgence qui s'attache à la mise au point d'indicateurs indiscutables. Sans cet effort, le Parlement serait en droit d'user de son droit d'amendement pour fragmenter les programmes trop importants. Dès lors, Madame le ministre, dans l'intérêt même des armées, faisons en sorte que le prochain budget 2006 s'élabore dans l'harmonie. Le dernier programme de la mission « défense » est intitulé « préparation et conduite des programmes d'armement », et il s'agit d'un programme crucial car il doit permettre de mieux maîtriser les coûts, les délais et la cohérence opérationnelle. Un débat est né sur le choix du responsable - Délégué Général pour l'Armement ou CEMA. Finalement, un copilotage DGA-CEMA a été envisagé, mais cette option semble peu conforme à l'esprit de la LOLF. Madame le ministre, permettez-moi de vous soumettre une solution originale : confier la responsabilité du programme au conseil des systèmes de forces. Cette instance - que vous avez créée - consacre en effet la collégialité qui préside à tout programme d'armement. Dans un souci de transparence, reconnaître budgétairement ce processus décisionnel conduirait à confier au conseil de systèmes de forces la responsabilité du programme, et commanderait de lui donner une assise juridique plus stable. Madame le ministre, la commission des finances a adopté votre budget sans modification, avec les deux observations sur les OPEX et la LOLF que je vous ai exposées. Cet ultime projet avant la mise en œuvre de la LOLF nous permet de mettre en évidence les failles d'une logique budgétaire aujourd'hui inadaptée aux exigences du contrôle démocratique. Peut-on encore se satisfaire de chiffres incertains, soumis à contestation soit par Bercy, soit par les états-majors, soit par l'opposition ? Peut-on se permettre de remettre en cause chaque année des orientations lourdes concernant le format des armées, leur équipement et leurs missions ? En l'absence d'indicateurs acceptés par tous, est-il étonnant que, sur des enjeux décisifs pour la nation, le débat s'organise essentiellement autour de préjugés ou en fonction des affinités des uns et des autres ? Madame le ministre, le lien armée-nation, que vous souhaitez légitimement renforcer, passe par un partenariat renforcé et confiant entre le ministère de la défense et le Parlement. La commission de la défense, à l'initiative de son président Guy Teissier, a entrepris un travail de suivi budgétaire utile et bénéfique. Désormais, c'est avec l'ensemble de la représentation nationale qu'il convient d'agir. Nous sommes prêts, Madame le ministre, à définir avec vous les indicateurs de performances et les principaux indices budgétaires qui rendront incontestables la réalité budgétaire et opérationnelle de nos armées. Le renforcement du soutien des Français à nos armées exige la sincérité des lois budgétaires et des informations présentées à la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères - C'est contre ma recommandation que la commission des affaires étrangères a, le 3 novembre, émis un avis favorable sur les crédits de la défense. Pourquoi me suis-je prononcé contre leur adoption ? Après tout, c'est un budget en augmentation qui nous est présenté: 32,92 milliards d'euros inscrits, soit une progression de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004. Progression plus marquée encore pour les crédits d'équipement, qui augmenteront de 2 %. Malheureusement, un bon budget n'est pas forcément un budget qui augmente... (Rires UMP) Un député UMP - Vous en savez quelque chose ! M. Paul Quilès, rapporteur pour avis - ...mais un budget qui répond aux besoins. La question est donc celle-ci : ces crédits répondent-ils aux enjeux internationaux ? En particulier, confortent-ils les fondements d'une défense européenne efficace ? Je ne peux malheureusement que répondre par la négative. Cette question est, pourtant, plus importante que jamais alors que les résultats récents de l'élection américaine mettent l'Union européenne face à ses responsabilités : les électeurs américains ayant - c'est leur droit - soutenu l'option unilatérale et la primauté de la force sur le droit, nous, Européens, devons redoubler d'efforts dans la construction d'une Europe politique, dont l'Europe de la défense est l'une des formes les plus achevées. Telle est la seule voie susceptible de faire entendre la voix de l'Europe en faveur du multilatéralisme et du droit. C'est, là aussi, notre droit. Je serais même tenté d'affirmer que c'est notre devoir, dans un contexte international grevé de lourdes incertitudes. Je ne reviendrai pas sur la longue liste des pathologies de la mondialisation incontrôlée. J'ai centré mon rapport sur la crise actuelle du désarmement et de la non-prolifération. Tout d'abord, j'y vois le symbole de la fin des illusions de « l'après-guerre froide » : les succès obtenus en la matière dans les années 1990 paraissent aujourd'hui bien loin. Plus encore, le désarmement et la non-prolifération incarnent la vision des relations internationales multilatérales définie par la Charte des Nations Unies. Il n'est donc guère étonnant qu'ils soient en crise à l'heure où l'ONU voit son rôle remis en cause par l'hyperpuissance américaine. Cette crise est profonde : c'est le principe même de la validité des traités multilatéraux que remettent en cause les Etats-Unis. Ils s'efforcent de leur substituer des régimes informels, fondés sur une adhésion volontaire, et dépourvus de ce qui fait la force des traités multilatéraux en matière de désarmement : l'existence de systèmes de vérification intrusifs. Les Etats-Unis privilégient en outre une approche bilatérale de ces questions, avec ce que cela comporte d'arbitraire et d'imprévisible : la comparaison entre le traitement des cas irakien et nord-coréen en dit long sur les limites d'une telle approche qui ne fait que brouiller la lisibilité de la lutte contre la prolifération. Réhabiliter l'approche multilatérale sur les questions de désarmement et de non-prolifération, tel est le rôle des pays européens, attachés, dans leur grande majorité, à l'approche politico-diplomatique fondée sur la primauté du TNP et sur la négociation multilatérale. A long terme, c'est la seule méthode efficace contre la prolifération, à condition d'efforts patients et soutenus. La question du programme nucléaire iranien est, à cet égard, un enjeu majeur pour la crédibilité du régime de non-prolifération nucléaire. Elle est d'autant plus cruciale à l'heure où se prépare la prochaine conférence d'examen du traité de non-prolifération, en mai prochain. La primauté du multilatéralisme et du droit international serait toutefois mieux défendue si l'Europe parvenait à émerger comme un véritable acteur stratégique. Or, si l'Europe de la défense a enregistré des avancées récentes - je pense à l'adoption de la stratégie de sécurité en décembre 2003, et à la mise en place de l'agence européenne de défense - il n'existe toujours pas de dynamique européenne concernant les moyens budgétaires ou les capacités consacrés à la défense. Qui pis est, le projet de traité constitutionnel me semble condamner l'Europe à rester un acteur mineur dans le domaine stratégique. En effet la référence à l'OTAN, à l'article 41 paragraphe 7 de ce projet, limite d'emblée le projet européen de défense, bien loin du texte de la Convention qui évoquait seulement une coopération avec l'OTAN. Je note que le livre blanc britannique sur la Constitution se félicite de l'influence britannique sur la rédaction de ces dispositions et de la novation introduite... C'est là une option grave : le projet de traité constitutionnel pérennise l'actuelle dépendance stratégique de l'Europe à l'égard des Etats-Unis et fixe, a priori, les limites de la défense européenne. La France non plus ne se donne pas les moyens de conforter l'émergence de l'Europe comme acteur stratégique et de faire ainsi prévaloir ses positions en faveur de la négociation multilatérale et de la prééminence du politique sur le militaire. Au-delà de l'affichage à la hausse que j'ai mentionné, regardez attentivement les crédits de la dissuasion nucléaire depuis 2002 : vous constaterez leur augmentation constante et massive. Ils progressent de 26,74 % en autorisations de programme, et de 18,71 % en crédits de paiement. Or, c'est sans aucun débat que nous en arrivons à consacrer 20,7 % des crédits d'équipement à la dissuasion. Cette situation n'est ni normale ni saine. J'ai trouvé sur ce point, comme l'an passé, une oreille attentive de la part du président de la commission des affaires étrangères et de mes collègues de la commission ; je salue à cet égard la qualité de notre bref débat à ce sujet. Par ailleurs, depuis l'appel au débat que j'avais lancé l'an dernier de cette tribune, je note que le président de la commission de la défense, M. Guy Tessier, m'a rejoint. Enfin, je bénéficie d'un allié de poids en la personne du Chef d'état-major des armées, qui constatait récemment la « pauvreté » du débat autour de la dissuasion. Notre situation est paradoxale. Officiellement, notre doctrine est inchangée ; pourtant, nous nous dotons de moyens dont on peut se demander s'ils ne conduisent pas de facto à la faire évoluer. Je relève pour ma part cinq points d'incohérence. Tout d'abord, on nous dit qu'il serait dangereux de baisser la garde alors que le contexte stratégique international est non seulement incertain mais très évolutif. Mais, dans ce cas, fallait-il se priver définitivement de l'option des essais, ce que n'ont fait ni la Chine ni les Etats-Unis ? Il ne s'agit pas d'un moratoire tel que l'avait décidé en 1992 le président Mitterrand, mais bien de la perte définitive de toutes nos capacités d'essai. Je ne défends pas ici ma conviction : je demande où est la cohérence entre le discours alarmiste qu'on oppose à quiconque met en avant l'absence de menace majeure à court, à moyen, voire à long terme, et le choix de cette voie largement inexplorée et pleine d'incertitudes qu'est la simulation. En deuxième lieu, pour peser sur les affaires du monde, nous dit-on, la France doit préserver son indépendance nationale, qui passe par l'autonomie stratégique. Mais, si la question clé est celle de notre autonomie, pourquoi les moyens de la simulation, présentée comme vitale pour la crédibilité de notre dissuasion, dépendent-ils en partie de la collaboration avec les Etats-Unis ? Troisième incohérence : la France, officiellement, récuse toute doctrine d'emploi ; la conception française de l'arme nucléaire est exclusivement politique. Cependant la course technologique dans laquelle nous nous lançons, notamment à travers les programmes de missiles stratégiques, relève-t-elle d'une logique de dissuasion ? Que signifie la recherche d'une précision accrue, c'est-à-dire d'une limitation des dommages collatéraux, dans une stratégie qui disqualifie officiellement toute doctrine d'emploi des armes nucléaires ? Quatrième argument : notre dissuasion s'exerce tous azimuts. Si l'on a choisi de doter la force océanique stratégique d'un nouveau missile stratégique, c'est notamment pour le doter d'une allonge supérieure : qui niera que l'on pense ici à la montée en puissance de la force chinoise ? Enfin, nous dit-on, il faut nous prémunir contre le chantage exercé par des pays proliférants dotés d'armes rudimentaires. Je soulignais l'an dernier la nécessité, pour l'Europe, de se doter d'un système d'alerte avancé lui permettant de détecter les tirs de missiles balistiques dans leur phase propulsive. Dans la perspective d'une crédibilité renforcée de la dissuasion, l'acquisition de cette capacité devient urgente. Or, je ne vois rien dans le budget qui aille dans ce sens. Au vu de ces incohérences, j'estime nécessaire un recentrage du budget, donc des programmes de la défense sur des domaines permettant aujourd'hui de préserver nos intérêts stratégiques, diplomatiques et politiques ainsi que l'autonomie stratégique de la France, inséparable de celle de l'Europe. Dans cette optique, je propose d'abord que nous examinions la possibilité d'une veille technologique s'agissant du programme M51 : dans la mesure où ce missile doit nous permettre de faire face à une menace massive, dont les perspectives apparaissent bien lointaines, son développement ne présente aucune urgence. Au contraire, dans l'hypothèse d'une résurgence de la menace, il risquerait d'être mal adapté, ayant été développé trop tôt et « dans le vide ». Parallèlement, je propose de revaloriser notablement les crédits engagés dans deux domaines clés : la recherche et le spatial militaire. En 2003, quand l'Europe consacrait 655 millions de dollars au spatial militaire, les Etats-Unis en dépensaient 17,5 milliards, chiffre qui, en 2005, atteindra 23 milliards de dollars... Telle est l'analyse qui m'a conduit à ne pas recommander l'adoption des crédits. Telles sont les interrogations que je vous soumets, en espérant, cette année, recevoir des réponses de nature à alimenter le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) M. Antoine Carré, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la dissuasion nucléaire - Si la dissuasion nucléaire continue à peser lourd dans les crédits d'équipement, sa part relative commence à régresser à mesure de l'avancement des grands programmes liés à sa modernisation d'ensemble. Cet effort permettra à la France de disposer d'un outil de dissuasion rénové, efficace et opérationnel jusqu'à l'horizon 2030-2040. A ce stade, réduire les crédits porterait atteinte à la cohérence du système et, compte tenu du caractère tendu des calendriers en jeu, pourrait entamer la permanence de la dissuasion. Du point de vue budgétaire, le présent projet écarte ces dangers. La part de la dissuasion nucléaire atteindra 20,7 % du titre V en 2005 et les crédits de paiement progressent de seulement 1,15 %. Ils sont affectés à trois grandes composantes : la force océanique stratégique, les forces aériennes stratégiques et la direction des applications militaires du CEA. La force océanique stratégique doit mener à bien deux programmes majeurs : les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération et le missile M 51. Les deux calendriers sont étroitement liés et également tendus. Le programme M 51 est indispensable pour faire face à l'obsolescence inévitable des M 45 actuels et au passage aux armes robustes, qui nécessite un missile plus puissant pour ne pas subir de perte de portée, de précision et de capacité d'emport. Enfin, l'évolution du contexte géopolitique requiert un missile d'une portée significativement supérieure à celle qui était nécessaire pour atteindre le cœur de l'ex-URSS. L'année 2004 comprend deux échéances importantes pour la force océanique stratégique : si le calendrier du Vigilant, troisième SNLE de nouvelle génération, est conforme aux prévisions, l'IPER du Triomphant a pris du retard, pour des raisons techniques. Même si les marges de manœuvre sont désormais très étroites, le calendrier devrait être tenu. S'agissant des forces aériennes stratégiques, le renouvellement des missiles a été décalé d'un an et le programme ASMP-A se déroule bien. Sans revenir sur les avantages du maintien d'une deuxième composante, complémentaire de la FOST, il faut noter que les FAS offrent un usage « dual ». Actuellement, environ 15% des missions assurées par les Mirage 2000 N sont strictement d'ordre nucléaire. La question du renouvellement du parc des ravitailleurs est particulièrement importante pour les FAS. Une part importante des crédits consacrés à la dissuasion a été transferée au CEA, avec 41,8 % des crédits de paiement en 2005. Les sommes affectées à la direction des applications militaires - DAM - sont destinées aux matières fissiles, à la propulsion nucléaire et aux charges nucléaires. De fait, l'essentiel des crédits est absorbé par le programme de simulation et par le démantèlement des installations de production de matière fissile. Le programme de simulation est un véritable défi stratégique, scientifique et financier, avec un tiers des crédits transférés en 2005 et un programme d'environ cinq milliards sur la période allant de 1996 à 2010. La date prévue pour l'ignition du laser mégajoule a été repoussée d'un an, pour des raisons budgétaires et pour donner davantage de marge de manœuvre technique à la DAM, sans pour autant remettre en question la transmission d'expérience entre les ingénieurs ayant connu les essais et les nouveaux concepteurs d'armes. Concernant le programme de démantèlement du site de Marcoule, le fonds de démantèlement devrait être effectif vers la fin 2004, mais sa création imminente a été annoncée à maintes reprises depuis deux ans. La réflexion devrait désormais porter essentiellement sur le devenir de la dissuasion, et les questions du maintien des compétences et de la recherche sont à cet égard cruciales. Les événements de 2003 et 2004 ont pu faire craindre une recrudescence de la prolifération des armes nucléaires, que ce soit en Corée du Nord ou en Iran et l'importance des marchés clandestins de matériels sensibles ou des connaissances scientifiques a été mise en évidence avec le démantèlement du programme nucléaire clandestin libyen. L'accent mis par les Etats-Unis sur la défense antimissile pose d'autres problèmes, celui de l'indépendance française, voire européenne, et celui du « gap technologique » entre l'Europe et les Etats-Unis. Le « bouclier » américain, encore très modeste, peut considérablement s'améliorer, et les sommes consacrées à la défense antimissile - 53 milliards de dollars entre 2004 et 2009 - pourraient avoir des répercussions dans bien d'autres secteurs de la défense. L'effort de recherche ne doit pas être relâché, tant pour faire face à la modernisation des grands systèmes d'armement que pour répondre aux besoins dans des secteurs connexes à la dissuasion, comme la défense antimissile de théâtre, dont la France prévoit de se doter d'une première capacité à l'horizon 2012. Seule nation européenne maîtrisant l'ensemble de la filière nucléaire et balistique militaire de manière indépendante, la France aura les moyens, le moment venu, de participer à la construction d'une Europe apte à assurer l'ensemble de sa défense. La commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la dissuasion nucléaire pour 2005, et je demande à l'Assemblée de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'espace, les communications et le renseignement - L'espace est une nouvelle dimension qui, après la terre, la mer et l'air, sert de scène à la stratégie militaire et la bouleverse. C'est dans l'espace que se gagnent les parts du marché planétaire de la puissance et de la sécurité. Mais la maîtrise de l'espace suppose celle des moyens de communication qui véhiculent l'information. Le système de forces C3R va dans ce sens. La France ne peut relever seule ce défi, et l'Europe semble s'orienter vers une coopération interspatiale dans les domaines de la météorologie, de l'altimétrie spatiale, de la navigation - Galiléo - ou de l'observation - Hélios, Skymed, Sot-lupe. La création de l'Agence Européenne de Défense qui coordonnera les groupes de travail ECAP et l'élaboration du livre blanc sur la politique spatiale européenne sont encourageants, et résultent de la persévérance française en faveur de la défense européenne. Venons-en aux crédits du système C3R, que je classerai en moyens spatiaux, en moyens de théâtre d'opération et en moyens de renseignement. Le C3R spatial, priorité de la LFI, croît de 8 % en autorisations de programme et de 15% en crédits de paiement. La mise en orbite du système Syracuse III débutera en 2005 et le satellite Hélios II A sera lancé dans quelques semaines. Les crédits de la recherche spatiale augmentent de 22 % au bénéfice notamment du démonstrateur spatial d'alerte avancée, de la BOA et de la liaison par faisceau laser LOLA. S'agissant du C3R de théâtre, je m'arrêterai sur les systèmes Drones. L'armée de terre, après 2008, recevra le SDTI pour lequel la LFI prévoit 11,7 millions d'autorisations de programme et 5 millions de crédits de paiement. L'armée de l'air, en remplacement du HUNTER, disposera en 2005 du SIDM pour lequel 8 millions sont prévus en crédits de paiement. Un PEA de 137 millions doit par ailleurs permettre la définition du drone MALE, successeur en 2010 du SIDM. La fonction Renseignement dans le projet de LFI voit croître sa part dans le titre V de 4,9 % et dans le titre III de 2 %. Les crédits d'équipement, en progression de 18,8 % en autorisations de programme et de 3,3 % en crédits de paiement, n'ont pas une ventilation homogène. La DGSE retrouve des dotations convenables après trois ans d'étiage et la DRM ne disposera que de 50 % de l'annuité d'autorisations prévue en loi de programmation militaire. Cette austérité ne sera que partiellement compensée par la recherche de synergies avec la DGSE. La DPSD voit également fondre sa dotation. Mais la situation est plus grave en matière de fonctionnement, puisque les crédits diminuent de 0,24 %, ce qui accentue la tension sur les effectifs alors que l'exploitation des nouveaux systèmes de renseignements sophistiqués nécessite du personnel supplémentaire. Il faut réagir. En dépit de ces insuffisances, ce budget représente un effort très important, et je vous demande de l'adopter, mais je souhaiterais tout de même que Madame la ministre réponde à quelques questions. Le budget de la défense sera-t-il sollicité pour le financement public du signal PRS de Galiléo ? Est-il envisageable de travailler à la réalisation d'un dispositif de lanceurs « Quick launch » pour donner à nos forces en projection les capacités C3R nécessaires? L'accord-cadre signé le 25 novembre 2003 entre la Communauté européenne et l'ASE concerne-t-il le domaine spatial militaire européen, et si c'est le cas quelles sont les incidences budgétaires ? Le PEA engagé pour définir le drone MALE ne fait-il pas courir le risque à l'Europe que la recherche d'une synthèse, a priori difficile entre drones MALE et HALE, aboutisse à une impasse technique et opérationnelle ? En dépit des efforts, la coordination des organismes chargés du renseignement n'est pas assez efficace. Le Gouvernement ne devrait-il pas corriger cette situation ? Qu'allez-vous faire pour remédier à l'insuffisance des moyens humains de nos services de renseignements? La collecte du renseignement par les systèmes Sarigue et Mirage IV touche à son terme. Comment allez-vous combler le vide ? Je vous remercie d'avance de vos réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Joël Hart, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les forces terrestres - C'est dans un contexte particulièrement douloureux pour nos troupes terrestres que je vous présente ce budget qui, malgré les contraintes économiques actuelles, répond aux besoins de notre armée de terre. Le niveau des crédits d'équipement est proche de celui attendu. Avec 2,7 milliards, les autorisations de programme seront complétées par l'utilisation d'autorisations antérieures non engagées, ce qui permettra de poursuivre les programmes pour l'hélicoptère Tigre, le char Leclerc, les postes radio de quatrième génération, les équipements Félin... Les crédits de paiement - 3 milliards - permettront d'acquitter les factures attendues en 2005 mais non de résorber le report de charges relevant des exercices précédents - 513 millions. Les crédits de fonctionnement des forces terrestres s'élèveront, en 2005, à près de cinq milliards et les effectifs budgétaires inscrits dans le projet de loi de finances à 135 868 militaires, ce qui se rapproche de ce qui est prévu dans la loi de programmation militaire, même si les crédits de rémunérations et charges sociales baissent de 33 millions. La disponibilité des matériels de l'armée de terre a baissé au cours du premier semestre 2004, du fait du vieillissement des engins blindés AMX 10 P et AMX 10 RC, ou des hélicoptères, dont la situation à terme pourrait toutefois s'améliorer. La disponibilité technique du char Leclerc, cependant, continue à progresser, grâce à la passation régulière depuis 2001 de marchés de réparation et à une meilleure fiabilité du système d'arme. Compte tenu des efforts qui continuent à être consentis, cette progression devrait se poursuivre dans les prochains mois. En raison du report de charges de 2003, l'entraînement des forces a été réduit dès le début de 2004. Les pilotes de l'aviation légère de l'armée de terre ne voleront en moyenne que 154 heures contre les 160 heures prévues, et même les équipages des hélicoptères Puma se rapprocheronnt dangereusement du seuil de sécurité de 150 heures de vol par an. Il faut veiller à ce que ni la sécurité ni la motivation n'en soient affectées. Les dramatiques événements de Côte d'Ivoire prouvent que les militaires envoyés en opérations extérieures doivent être parfaitement entraînés. Avec une pensée particulière pour le jeune sergent que nous avons enterré vendredi dans la Somme, je rends hommage aux militaires tombés à Bouaké et je salue le travail de nos forces en Côte d'Ivoire. Suite à la réduction des forces dans les Balkans, l'armée de terre a réussi au cours du premier semestre 2004 à réduire de 10 % l'effectif engagé hors des frontières. Avec les récents événements, ils sont désormais près de 20 000 hommes et femmes, soit 15 % de l'effectif global de l'armée de terre, qui fournit 80 % des forces présentes hors de métropole. S'il faut rester vigilant sur les effectifs et l'entraînement, ce budget respecte globalement les dispositions de la loi de programmation militaire et satisfait les besoins des forces terrestres. La commission de la Défense vous demande de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Charles Cova, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la marine - Avec l'entrée en vigueur de la LOLF, l'examen des crédits de la défense ne s'effectuera plus par armée à partir de l'année prochaine. J'ai donc le grand honneur d'être le dernier rapporteur « exclusif » des crédits de la marine, arme dans laquelle j'ai servi pendant une bonne partie de ma vie. La marine, arme au fort particularisme, est indispensable à notre défense et à notre rayonnement. Elle intervient dans la dissuasion nucléaire, les déploiements anti-terroristes en Méditerranée et dans l'Océan indien, et surveille nos côtes. Son budget représente 17,4 % des crédits de la Défense, hors pensions. Le titre III, avec 1,98 milliard, reste stable à périmètre constant. Ce sont les recrutements qui seront contraints, plus que les dépenses de fonctionnement courant. Actuellement, le sous-effectif potentiel est de mille personnes, et il concerne en particulier des spécialités essentielles comme les atomiciens, les informaticiens, les fusiliers-marins. Je me réjouis donc qu'un montant de 1,4 million soit consacré à la mise en place de l'indemnité réversible de spécialité critique. Pour le reste, l'enveloppe du titre III, avec 493 millions hors rémunérations et charges sociales, est correcte. Mais il faudra bien exécuter ce budget car, à Toulon comme à Brest, les marins de tous grades m'ont dit qu'ils avaient mal ressenti les restrictions décidées en 2004 sur les moyens d'alimentation et frais de déplacement des personnels. De même, comme cette année, il faudra sans doute puiser dans les stocks stratégiques de carburants. Je ne doute pas que vous aurez à cœur de veiller à ce que l'activité de la flotte et de l'aéronautique navale n'en soit pas remise en cause. M. Jean Michel - Très bien ! M. Charles Cova, rapporteur pour avis - Les crédits d'équipement sont à un niveau satisfaisant. Aux titres V et VI, la progression de 25,7 % des AP et la diminution de 1,2 % des CP correspondent aux modalités de lancement du programme des frégates européennes multimissions, qui seront livrées en 2009. Sinon, les 3,8 milliards de CP de dépenses en capital permettront la livraison du premier bâtiment de projection et de commandement Mistral, l'entrée en service d'un hélicoptère de transport NH90 et la modernisation des quatre derniers chasseurs de mines tripartites. Pour les munitions, la flotte recevra 50 missiles Aster 15 pour le système antimissiles PAAMS, 40 missiles Crotale et 75 torpilles Mu90, et l'aéronavale 80 missiles air-air d'interception de combat et d'autodéfense et 20 missiles Scalp-EG. 891 millions seront consacrés à l'entretien qui, je l'ai constaté à Brest et à Toulon, s'est amélioré depuis trois ans : grâce à l'action énergique du Gouvernement, le taux de disponibilité de la flotte est ainsi revenu à 65 %. Certes, tout n'est pas parfait. Les appareils de l'aéronautique navale accusent le poids des ans et l'entretien des bâtiments de surface ne s'effectue pas toujours au moindre coût. La mise en concurrence entre industriels tarde à entrer dans les faits. Mais la marine et l'Etat se sont engagés à garantir à la DCN un plan de charge qui facilite sa transition vers un mode de fonctionnement plus concurrentiel, qui est dans l'intérêt même de la marine. Au total, en 2005 la modernisation de la flotte s'annonce sous de bons auspices. A plus long terme, il nous faudra être vigilants quant aux investissements pour le second porte-avions, les sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda et la flotte de soutien, d'autant qu'il faudra les faire au moment où nous commencerons à financer le programme des frégates. Ce défi, comme celui qui consiste à préserver nos compétences nationales dans la restructuration de la construction navale en Europe, porte sur des enjeux encore lointains. Le budget de la marine pour 2005 est équilibré. Il préserve l'essentiel, la modernisation et l'entretien de la flotte, ainsi que l'amélioration de la condition militaire. La commission de la défense a donc émis un avis favorable. Pour autant, la marine participe, comme les autres armées, à l'effort de redressement des finances publiques, qui se traduit dans les effectifs et les frais de fonctionnement au quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'air - Pour agir vite, notre armée de l'air doit disposer d'équipements adaptés. L'effort d'augmentation de ses moyens engagé depuis 2003, conformément à la loi de programmation militaire, se poursuit en 2005. Ce budget en augmentation de 0,58 % permettra d'assurer la gestion courante de façon satisfaisante et de poursuivre le renouvellement des matériels. Les crédits pour rémunérations et fonctionnement, à 2,74 milliards, augmentent de 0,6 % en euros constants, soit une quasi-stabilité. Certaines dépenses sont incontournables, comme l'application du plan d'amélioration de la condition militaire et la hausse du point de la fonction publique. Mais les effectifs budgétaires de l'armée de l'air diminueront de 494 unités - suppression de 109 postes, suite à l'externalisation de certaines fonctions, et transfert de 385 postes au service de santé des armées. La dotation en carburant, qui conditionne l'entraînement, augmente de 8%, mais sur la base d'un baril à 24,4 dollars. Si ce dernier continue à frôler les 50 dollars, on ne pourra faire face aux besoins liés à l'entraînement. Il faudra être très vigilant. S'agissant du fonctionnement, l'armée de l'air, animée d'un esprit de réforme, a engagé une réflexion approfondie sur l'évolution de ses structures. Le groupe de projet Air 2010 étudie la simplification de l'administration centrale et une possible rationalisation des bases aériennes à l'horizon 2010. Après un fort accroissement au cours des deux dernières années, les crédits d'équipement se stabilisent à 3,6 milliards. Ce niveau satisfaisant permettra de faire face aux échéances de grands programmes tels le Rafale ou l'A 400 M. En revanche les AP subissent une baisse drastique de 50 % ; il faudra donc mobiliser l'encours d'AP dont dispose l'armée de l'air. Un effort soutenu a été engagé en 2002 pour l'entretien des matériels. Le quart des crédits des titres V et VI y est encore consacré. Parallèlement, la SIMMAD, organisme interarmées chargé de l'entretien de tous les matériels aériens, cherche à rationaliser la maintenance par de meilleurs contrats. Les efforts réalisés portent leurs fruits, la disponibilité des matériels atteignant aujourd'hui 63% contre 54,2% en décembre 2000. Une telle amélioration se heurte néanmoins à des limites structurelles comme le vieillissement de certaines flottes, qui renchérit les coûts d'entretien. Je salue le volontarisme du Gouvernement qui lance deux programmes ambitieux en matière de drones, le Neuron, en 2003 - avion de combat sans pilote - et l'Euromale en 2004. Des coopérations européennes sont envisagées. Concernant le programme Rafale, alors que cinq appareils doivent être livrés à l'armée de l'air en 2004 et que dix exemplaires seront fournis en 2005, la commande globale de 59 avions initialement prévue en 2003 devrait être effective d'ici la fin de l'année à l'issue de difficiles négociations. Les différentes interventions de l'armée de l'air dans le cadre d'opérations extérieures montrent qu'il faut disposer d'une solide flotte d'avions de ravitaillement en vol. Or, cette flotte est ancienne et coûteuse, ce qui conduit l'armée de l'air à envisager son remplacement par des appareils modernes. Elle s'oriente aujourd'hui vers un programme d'avions MRTT proposé par EADS, et étudie la possibilité de recourir à un mode de financement innovant associé le cas échéant à un partage des capacités de ces appareils avec des acteurs privés. La commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption de ce budget équilibré et je demande à l'Assemblée nationale de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Pierre Lang, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le titre III et les personnels civils et militaires d'active et de réserve - Conforme à la loi de programmation 2003-2008, le projet de budget du titre III consolide l'armée professionnelle et stabilise les effectifs militaires aux alentours de 347 000 postes. Dans un contexte économique difficile, il est, de l'avis général, globalement satisfaisant. Les rémunérations et charges sociales diminuent de 479 millions d'euros, mais cette réduction résulte d'un transfert de crédits dans le cadre d'une globalisation expérimentale un an avant l'entrée en vigueur de la LOLF. A périmètre constant, les rémunérations et charges sociales augmentent de 2,5 %. En 2005, les personnels militaires bénéficieront des mesures de revalorisation instaurées par le fonds de consolidation de la professionnalisation. 11 millions d'euros supplémentaires porteront ce fonds à 56,9 millions. Le personnel militaire bénéficiera également du plan d'amélioration de la condition militaire, qui sera doté de 40 millions supplémentaires en 2005. D'autres mesures destinées à fidéliser le personnel bénéficieront de 43 millions. Enfin, 14 millions supplémentaires permettront de financer des primes d'engagement. Le plan de reconnaissance professionnelle du personnel civil se traduira par l'inscription de 11,3 millions. En administration centrale, ces crédits permettront de revaloriser les primes des personnels des catégories A et B. Dans les services déconcentrés, l'indemnité d'administration et de technicité sera relevée, le pyramidage du corps des ouvriers d'Etat sera amélioré et diverses indemnités catégorielles revalorisées. Les effectifs militaires inscrits en loi de finances initiale seront quasi stabilisés mais cela masquera une évolution contrastée selon les armées. Les forces terrestres pourraient connaître bientôt un sous-effectif. Avec un déficit de 1 530 personnes, le sous-effectif de la marine nationale, qui concernait plus de 3 000 postes en 2003, a été réduit. Dans l'armée de l'air, ce sont surtout les sous-officiers qui font défaut avec un sous-effectif qui frôle les 1 500 postes. Les effectifs budgétaires de la gendarmerie, en hausse constante, sont pratiquement tous pourvus. Le PLF pour 2005 apporte une modification substantielle dans la pyramide des grades de cette arme puisque 1000 postes d'officiers seront offerts. Les exercices sont indispensables à une armée professionnelle. Or, l'entraînement de l'aviation légère de l'armée de terre est problématique. Avec 160 heures de vol par pilote, 2004 devait constituer un palier vers la réalisation de l'objectif de 180 heures fixé par la loi de programmation. Compte tenu des contraintes de disponibilité des appareils, le nombre d'heures de vol par pilote devrait être d'environ 154 avec des disparités. Les équipages de Puma s'approcheront du seuil de sécurité, estimé à 150 heures de vol par an : il convient de veiller à ce que ce sous-entraînement ne constitue pas une menace pour la sécurité du personnel ; les crédits inscrits au titre III du budget de la défense pour 2005 devraient permettre d'améliorer la situation. Comme toutes les administrations publiques, le ministère contribuera à la maîtrise des dépenses publiques en ne remplaçant pas un certain nombre d'agents partis en retraite. Signe de la volonté politique de respecter les engagements pris, ce projet de budget témoigne du soutien que le pays apporte aux personnels qui assurent sa protection. La commission de la défense a donc donné un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les crédits d'équipement - L'adage selon lequel « le temps, c'est de l'argent » est particulièrement vrai à cette tribune : 15 milliards en cinq minutes, la productivité des parlementaires est indéniable. (Sourires) Le Gouvernement ne veut pas transformer ce budget en une variable d'ajustement discrète au sein du budget de l'Etat. Ainsi, le budget d'équipement pour 2005 met-il en œuvre les dispositions de la loi de programmation militaire pour 2003-2008 : les crédits de paiement des titres V et VI augmentent de 2 % en euros courants, atteignant 15,2 milliards d'euros, après avoir connu une hausse de 11,2 % en 2003, puis de 9,2 % en 2004. L'effort ainsi consenti renforce le poids des crédits d'équipement au sein du budget de la défense, qui représentent désormais 46,16 % du budget contre 45,97 % en 2004. En revanche, le volume des AP diminue de 8,7 % par rapport à 2004, passant de 16,7 milliards à 15,3 afin de respecter l'égalité entre AP et CP sur la période couverte par la loi de programmation militaire. Heureusement, les incidences de cette diminution seront tempérées par la mobilisation des encours d'AP existants. La marine bénéficie d'une dotation en forte hausse, car ses autorisations de programmes incluent 1,7 milliard pour la commande des frégates multi missions, et 904 millions pour le programme des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda. On constatera aussi avec satisfaction que le niveau des autorisations de programme du service de soutien de la flotte a été relevé afin de lui permettre d'engager une contractualisation pluriannuelle. Nous retrouvons évidemment dans ce budget les trois objectifs de la LPM : la modernisation et le renouvellement des matériels des armées - 5,98 milliards d'euros de crédits de paiement sont consacrés aux programmes d'armement en 2005, soit une progression de 3,6 % par rapport à 2004 ; la restauration de la disponibilité des matériels - les AP destinées à l'entretien programmé des matériels augmentent de 7,7 % pour dépasser 3,4 milliards ; enfin, la préparation de l'avenir avec l'effort en faveur de la recherche - 1,34 milliard en 2005, soit une hausse de 8,3 %. Néanmoins, une attention particulière doit être portée aux reports de charges, imputés à hauteur de 2,1 milliards en 2004 contre 950 millions l'année précédente. En conséquence, le taux de consommation des CP des titres V et VI peut être relativement faible - ce fut le cas en 2003 avec moins de 90 %. De plus, l'insuffisante disponibilité des crédits de paiement en fin d'exercice entraîne un fort volume de factures restant à payer, ce qui conduit à des intérêts moratoires conséquents, de l'ordre de 30 millions pour 2004 contre 20 millions en 2003. Au taux de 9%, il ne semble pas qu'il s'agisse d'une gestion saine des deniers publics. Il est bon de le rappeler à cette tribune : c'est grâce à la seule volonté de quelques industriels qui maintiennent un savoir-faire exceptionnel que nous pourrons par exemple commander en 2004 les 59 Rafale nécessaires à notre armée de l'air. Le retard du programme d'avion de transport aérien stratégique A 400 M oblige les armées à imaginer des solutions provisoires qui durent : elles louent des avions étrangers. Les programmes d'hélicoptères accumulent les retards, qu'il s'agisse du Tigre ou du NH 90, et l'armée de terre devra engager une rénovation lourde des hélicoptères Puma, dont le coût, selon les critères retenus, est évalué entre 90 et 300 millions d'euros. Il ne faudrait pas que les difficultés à définir entre ministères la nature des financements innovants viennent compromettre l'exécution des programmes. Si la France ne veut pas prendre de retard pour la commande des frégates multi-missions, puis des avions de ravitaillement MRTT, les arbitrages devront être rendus et les commandes passées en 2005. L'Europe dispose d'un savoir-faire exceptionnel en matière de missiles. Mais le budget de la défense devrait mieux accompagner nos entreprises à l'exportation. Chaque année, alors même que cet effort - heureusement constant - garantit à notre pays son rang de puissance mondiale, des interrogations pèsent sur le budget de la dissuasion nucléaire. Il est préservé, mais dès 2009, le financement du développement du M 51 sera terminé. Afin d'assurer le maintien des compétences des bureaux d'études, il apparaît pertinent d'étudier le lancement du démonstrateur de partie haute du M 51. Dans le même esprit, la France pourrait s'engager dans un programme de démonstrateur d'un vecteur multi-rôle permettant le lancement de missiles d'interception en milieu exo-atmosphérique. Le montant prévu pour la recherche respecte les dispositions de la loi de programmation militaire. Il est donc satisfaisant. Mais la dotation de la loi de programmation militaire était-elle vraiment suffisante ? Nous n'y trouvons pas les crédits de paiement pour le programme Euromâle. Nous aurons donc besoin de la loi de finances rectificative, sur laquelle bien des espoirs sont décidément fondés. La bonne volonté de nos entreprises à travailler essentiellement sur des crédits de recherche privés fait reposer notre effort sur l'application duale des technologies, ce qui présente deux inconvénients : d'une part, les risques de dissémination de technologies sensibles pouvant être utilisées pour des actions terroristes est accentué ; d'autre part le savoir-faire français et européen ne compensera pas éternellement l'effort financier américain. Comme ses voisins, la France doit donc accorder ses moyens à ses objectifs : la crédibilité de l'Europe de la défense en dépend. Le strict respect de la loi de programmation militaire va dans ce sens. Je conclurai en rappelant les libertés excessives qu'avaient prises les budgets précédents avec la loi de programmation pour 1997-2002. Vous faites le choix courageux de maintenir les crédits d'équipement, contrairement aux majorités qui avaient préféré se donner de la marge sur le titre III pour contenter les personnels, en sacrifiant massivement les investissements. Vous nous présentez aujourd'hui un budget résolument tourné vers l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les services communs - Cinq minutes pour quatre services qui accomplissent au quotidien des missions indispensables à la permanence et à l'efficacité de nos forces armées, c'est peu. Je me bornerai donc à évoquer quelques points. Après une première mutation engagée en 1996, qui a permis de réduire tout à la fois les coûts des programmes d'armement qu'elle pilote et ses propres coûts d'intervention, la Délégation générale pour l'armement poursuit sa modernisation. En stabilisant ses moyens, ce budget répond globalement aux exigences de la restructuration. Mais les efforts déployés trouvent leurs limites dans les mises en réserve de crédits et leur libération tardive, qui ont contraint la DGA à acquitter des intérêts moratoires trop élevés. Revenus de 30 millions en 1999 à 14 en 2003, ces derniers s'élevaient déjà à 15 millions au 31 août. Il faut donc œuvrer à une meilleure adéquation entre l'avancement des programmes et la libération des crédits. A votre demande, la DGA a mis en œuvre des mesures pour améliorer les procédures de sélection et d'attribution des financements de recherche. En 2003, les engagements ont atteint 614 millions et les paiements 402 millions. Ces résultats témoignent de l'efficacité des nouveaux processus d'études en amont, mais la loi de finances rectificative pour 2004 devra apporter un complément de crédits de paiement. Les effectifs du Service de santé des armées demeurent insuffisants. Afin de pallier les manques, les recrutements en première année et les recrutements complémentaires ont été augmentés. Toutefois, le recrutement régional des OSC et des OSSC entraîne un manque de souplesse dans leur gestion, s'agissant notamment des affectations. Les revalorisations ou indemnisations accordées et le nouveau statut des praticiens des armées, paru le 14 juin 2004, permettront une meilleure fidélisation des médecins. La situation est à peine meilleure pour les personnels civils, même si le déficit a été ramené à 8 %. La difficulté réside dans le fait que le SSA, qui en est l'utilisateur, n'est pas le gestionnaire de ces personnels, qui représentent 40 % des personnels médicaux. Dans le domaine de la recherche, on note le vieillissement des seniors, associé à une baisse des recrutements et à la professionnalisation. Une souplesse encourageant le recrutement de jeunes thésards serait bienvenue. Enfin, la féminisation est un essai à transformer. Une première solution consiste à privilégier, à la sortie des études, le choix de l'affectation selon le critère du poste, au détriment du critère de l'arme. Une solution complémentaire résiderait dans un assouplissement du dispositif, en proposant aux médecins et aux autres personnels féminins d'opter entre une affectation dans les effectifs à vocation opérationnelle et les effectifs « du socle ». Les personnels sous statut MITHA bénéficieront d'améliorations qui permettront à terme de les aligner sur la fonction publique hospitalière. Au titre V - infrastructures et équipements - on note une sous-consommation des crédits. Le Service des essences des armées, doit aujourd'hui envisager la reconstitution de ses stocks, en particulier du stock OPEX. D'autre part, il rencontre un besoin spécifique de crédits pour la dépollution des sites qu'il abandonne. Cette question devrait être résolue grâce à l'institution du Fonds interarmées de dépollution. Avec la mise en place du schéma directeur de communication, la direction de l'information et de la communication de défense doit renforcer son rôle de coordination, afin de mieux arbitrer les actions de communication de l'ensemble des forces armées et des services du ministère. Arrêtons-nous sur le budget d'édition des revues des armées et services. La gestion 2004 se caractérise par une tension sur les ressources dès le deuxième trimestre. 25 % des ressources de la DICOD provenant des armées, celle-ci a dû avancer les règlements relatifs au marché d'édition, dans l'attente du remboursement par les armées. Si l'effort de mutualisation des coûts propres aux revues doit être salué, la DICOD est cependant pénalisée. L'armée de terre lui devrait toujours 1,3 million au titre de l'année 2003. Au 1er septembre, les armées et services accusaient un retard de remboursement de 2,795 millions. Cette difficulté pourrait être dépassée si la DICOD obtenait des armées un règlement mensuel par douzième, sur la base de l'exercice écoulé, la régularisation s'effectuant au début de l'exercice suivant. La DICOD ne consomme que la moitié des crédits de communication du ministère puisque les SIRPA en utilisent 50 %. A cet égard, la décision de ne pas inclure les crédits des SIRPA dans la nouvelle présentation conduit à ne présenter qu'une vision partielle. Le contrôle de la DICOD n'intervenant qu'a posteriori, cela risque de ne pas permettre d'optimiser les moyens engagés pour la communication de défense. Notre commission a décidé d'adopter le projet de budget qui lui était soumis. M'étant abstenu, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la gendarmerie - Cinq minutes pour nos 100 000 gendarmes, c'est peu, mais je vais tâcher de m'y tenir... Le budget de la gendarmerie pour 2005 s'inscrit à mi-parcours de l'exécution de la LOPSI et de la loi de programmation militaire. Les résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance et l'engagement courageux de la gendarmerie en Corse imposent de maintenir l'effort. Je pense que la représentation nationale partage mon émotion devant le caractère odieux et lâche des attentats commis contre les gendarmeries en Corse. (Applaudissements sur de nombreux bancs) Après avoir crû entre 1999 et 2002, la délinquance en zone gendarmerie a diminué de 3,6 % en 2003 et de 6,9 % sur les dix premiers mois de 2004. Cette dynamique sera confortée par la création d'une prime de résultats exceptionnels et par la suppression d'un échelon hiérarchique entre la légion de gendarmerie et la direction générale. Le redéploiement police-gendarmerie et la mise en place des communautés de brigades feront l'objet d'une évaluation, qui, je l'espère, associera les élus. Ce renouvellement des modes d'action, aux antipodes d'une approche centralisée, a permis de prendre en compte la diversité des territoires. Ce budget permettra à la gendarmerie d'ancrer dans la durée ce bilan positif. Les dotations prévues s'élèvent à 4484 millions d'euros, en progression de 3,4%. Elles amplifient la remise à niveau des moyens de la gendarmerie, et cet effort doit être salué dans un contexte budgétaire contraint. Reste à savoir si les 147 millions supplémentaires permettront de respecter la programmation, notamment pour les crédits d'investissement. 700 postes seront créés au titre de la LOPSI, et 79 % des crédits du titre III auront été engagés en 2005 ; 3 900 emplois devront cependant être créés en deux ans pour respecter l'objectif final. Des mesures sont également prévues en faveur des personnels. La principale est la première annuité du plan d'adaptation des grades aux responsabilités, le PAGRE, pendant indispensable de la réforme des corps et des carrières de la police : les deux institutions, désormais rassemblées dans une logique de métier, doivent être traitées de façon équitable. Nous savons d'ailleurs l'engagement qui fut le vôtre, Madame la ministre. Ce plan permettra d'améliorer le taux d'encadrement, qui n'est que de 4000 officiers pour 100 000 militaires. L'éventail des responsabilités confiées aux commandants de brigade, dont le métier n'a pas d'équivalent chez les sous-officiers des autres armées, sera reconnu. Le rapprochement de la pyramide hiérarchique des deux forces de sécurité facilitera leur coordination. L'année prochaine verra la transformation de 1000 postes de sous-officiers en officiers et de 1208 emplois de gendarmes en gradés pour un total de 20,6 millions, dont 8,8 de mesures indiciaires. A périmètre comparable, le budget de fonctionnement augmentera de 4,7 %, mais les marges de manœuvre dépendront de la gestion 2004. Les crédits votés risquent en effet de s'avérer insuffisants pour couvrir la visite du Pape, l'anniversaire du débarquement, la lutte contre l'orpaillage en Guyane et le maintien de l'ordre en Polynésie. Les crédits d'investissement des titres V et VI sont en augmentation de 3,16 %. Mais, en dépit de cette progression, l'évolution n'est pas conforme à la programmation prévue par la LOPSI : seuls 30 % des crédits de paiement prévus auront été ouverts. Je suis conscient de la nécessité d'un effort d'économie, mais il ne faut pas décevoir les personnels. L'infléchissement constaté dans les crédits d'infrastructure et d'immobilier est en outre inquiétant, et le retard est considérable, alors que la réorganisation territoriale et les créations d'effectifs suscitent de nouveaux besoins. Un tiers des logements étant vétuste et dégradé, l'Etat n'arrivera pas à faire face tout seul. L'assouplissement des conditions d'octroi des subventions permettrait aux collectivité territoriales de relayer son effort. Le ministère se tournera également vers des partenaires privés pour mener à bien la remise à niveau du parc immobilier. L'intérêt de cette externalisation dépendra des effectifs réellement libérés et affectés à d'autres missions, ainsi que du niveau des loyers. J'évoquerai enfin la place de la gendarmerie dans la mise en œuvre de la LOLF. J'observe que le programme spécifique « gendarmerie » au sein de la mission interministérielle « sécurité », est amputé des crédits immobiliers et informatiques de la gendarmerie, qui sont rattachés au programme « soutien des forces » de la mission « défense ». Ce regroupement s'explique, certes, par la création d'un service unique des infrastructures pour l'ensemble du ministère, mais il ne répond pas à l'exigence de sincérité budgétaire voulue par la LOLF. De plus, il apparaît dangereux que la gendarmerie ne garde pas la maîtrise de ses moyens informatiques, qui sont soumis à des contraintes spécifiques. Nul ne l'ignore, les gendarmes sont particulièrement attachés à leur statut militaire. La récente nomination du futur directeur général constitue donc un symbole auquel ils sont sensibles... La commission de la défense a émis un vote favorable à l'adoption des crédits de la gendarmerie pour 2004 ; je demande à l'Assemblée de se prononcer dans le même sens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). M. Guy Teissier, président de la commission de la défense - Le budget que vous nous présentez ne fut pas sans doute facile à préparer, puisqu'il vous a fallu, Madame la ministre, participer à l'effort de réduction du déficit tout en respectant scrupuleusement l'engagement pris par le Président de la République de réaliser les objectifs fixés par la loi de programmation militaire. Mais, grâce à votre ténacité, la loi de finances initiale, pour la première fois depuis les années 1977-1979, sera conforme à la troisième annuité prévue dans la loi de programmation, à la satisfaction, aisément compréhensible, de la communauté militaire. Dans le même temps, la défense participe à l'effort de maîtrise de nos dépenses publiques en mesurant au plus juste ses dépenses ordinaires, grâce à la gestion rigoureuse que vous avez définie. Ainsi permettrez-vous à nos armées, aujourd'hui entièrement professionnelles, de réaliser dans les meilleures conditions possibles l'exercice de leurs missions. D'aucuns pourront trouver élevé le coût de cette armée professionnelle; c'est le prix à payer pour affronter les menaces nouvelles, respecter nos engagements internationaux et assurer à nos militaires des conditions de vie et de service adéquates. Cet effort est indispensable car il est ressenti, par toutes celles et tous ceux qui servent notre défense comme une marque de la considération et de la reconnaissance de la nation. En paraphrasant Sénèque et en forçant le trait, je pourrais dire : « De l'argent, et pourtant, peu de matériels ! ». (Sourires) En dépit du rattrapage entrepris depuis plus de deux ans, c'est aujourd'hui que se font sentir les effets des graves insuffisances de la loi de programmation précédente : faute de crédits, certains programmes n'ont encore pu être menés à terme. Ainsi de l'hélicoptère Tigre, lancé il y a plus de quinze ans et dont les livraisons ne commenceront, enfin, qu 'en 2005, et en nombre moindre que prévu pour satisfaire nos amis espagnols. Les retards dans la livraison des chars Leclerc constituent pour moi une source de graves préoccupations, sinon d'indignation. (Mouvements d'approbation sur les bancs du groupe UMP) Alors qu'ils sont payés à 90% à Giat Industries, les chars sont pris en otages par certains salariés du groupe pour manifester leur mécontentement à l'égard du plan social Giat 2006. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) M. Jacques Brunhes - Par la direction, non par les salariés ! M. Jean-Michel Boucheron - Il faut envoyer Julia ! (Rires) M. le Président de la commission - Pourtant, le Gouvernement a octroyé des conditions de départ et de reclassement exceptionnelles... (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) M. Jacques Brunhes - C'est archifaux ! Allez sur le terrain ! M. le Président de la commission - ...qui mobilisent des moyens financiers considérables. Malgré cela, 25 chars seulement, sur les 68 prévus, ont été livrés en 2004, et les équipages devront encore attendre pour recevoir ce fleuron des blindés. Heureusement, nous avons pu assister à la mise à l'eau du premier des deux bâtiments de projection et de commandement, le Mistral, dont l'entrée en service constitue une réelle satisfaction, d'autant qu'il a été mis à l'eau avec un mois d'avance, et que son coût de construction est inférieur de 30% aux prévisions. La réforme de la DCN que vous conduisez, Madame la ministre, porte déjà ses fruits et doit être poursuivie. Le programme des frégates FREMM est une autre source de satisfaction. Quant aux dix premiers exemplaires du Rafale Air, ils permettront de constituer un premier escadron opérationnel en 2006, la commande de 59 appareils pour la marine et l'armée de l'air assurant l'avenir du programme. Mais le rythme des livraisons ne manque pas d'inquiéter. Ces retards sont de moins en moins acceptables, car ils empêchent de satisfaire les besoins opérationnels des armées, cependant que le coût de maintenance des matériels anciens, qu'il faut faire durer, a explosé. Depuis bientôt trois ans, un effort financier considérable a été consenti pour le maintien en condition opérationnelle des équipements militaires. Pourtant, le redressement du taux de disponibilité reste lent, ce qui démontre la gravité de la situation héritée en 2002. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) En donnant corps aux réorganisations nécessaires pour rationaliser une maintenance d'un coût rédhibitoire, notamment au travers de la SIMMAD, des économies d'échelle devraient être rapidement réalisées. Cette production et cette maintenance tendent à assurer l'efficacité opérationnelle de nos armées, mais elles constituent aussi un signal fort vers l'extérieur. C'est d'abord un projet de longue haleine pour notre industrie : la rénovation de nos capacités de défense doit pouvoir s'appuyer sur des structures industrielles compétitives et réactives, dont la vision stratégique est confortée par une loi de programmation militaire ambitieuse et, surtout, respectée. Mais l'effort financier consenti par la France est aussi un exemple pour nos partenaires européens dans la construction d'une Europe de la défense forte et autonome : si nous voulons atteindre les objectifs fixés dans le traité constitutionnel, chaque pays doit y consacrer les moyens financiers nécessaires. Le respect de la loi de programmation pour les équipements étant une exigence respectée, il était légitime que la défense participe à l'effort de limitation des déficits publics par une grande rigueur dans les dépenses ordinaires - le titre III. Mais l'exercice a ses limites, en ce qu'il affecte directement la condition des militaires et donc leur moral et leur efficacité. Les armées professionnelles coûtent cher, ce qui a été délibérément occulté lors de la transition de 1997 à 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) M. Jean Michel - Elle est bonne, celle-là ! M. le Président de la commission - Les rémunérations constituent 80 % du titre III ; leur montant total est, en principe, déterminé par les effectifs fixés par le modèle d'armée 2015, soit, en tout, 355 000 militaires environ. Or, la LOLF nous impose un renversement fondamental, puisque les effectifs sont désormais déterminés par la masse salariale globale allouée au ministère de la défense ; à partir de 2006, cette allocation se fera par programme. D'un point de vue strictement financier, ce principe est inattaquable. Mais faut-il s'en remettre totalement à cette logique bureaucratique lorsqu'il s'agit de notre défense militaire ? Les effectifs fixés par la « maquette 2015 », à savoir 355 000 militaires, représentent exactement le volume de la seule armée de terre au terme de la profonde restructuration qui l'a affectée entre 1962 et 1965, au lendemain du conflit algérien. On ne peut donc faire grief à la défense de ne pas avoir su s'adapter aux évolutions intervenues depuis quarante ans. Est-il possible de restreindre encore des effectifs d'ailleurs déterminés par la loi de programmation militaire ? On observera en premier lieu qu'ils augmentent du fait de l'accroissement des effectifs de la gendarmerie prévu dans la LOPSI. Surtout, ils conditionnent directement les capacités opérationnelles dont notre pays veut se doter pour honorer ses engagements ; les réduire obérerait ces capacités, ou imposerait à nos soldats un taux d'activité qui deviendrait rapidement insupportable. Un abondement vient d'intervenir, par décret d'avance, pour faire face aux difficultés de rémunération rencontrées cette année ; je vous fais confiance, Madame le ministre, pour que ce soit aussi le cas en 2005, comme vous l'avez laissé entendre lors de votre audition devant notre commission. D'aucuns pourraient craindre qu'une autre variable réside dans la stagnation du revenu des militaires. A l'opposé de cette inquiétante perspective, vous proposez tout un ensemble de mesures visant à améliorer la condition matérielle de nos militaires et à consolider la professionnalisation. Au total, plus de 74 millions seront mobilisés en faveur des revenus de nos militaires. Partout dans le monde, les troupes françaises sont appréciées pour leur excellence. C'est le fruit d'une longue tradition, construite au fil des épreuves et qui fait des 18 000 militaires qui servent hors de la métropole un objet de fierté nationale. Pour tous, c'est la certitude de pouvoir compter sur nos hommes en toutes circonstances, et c'est la possibilité de se montrer exigeant à leur endroit. Mais cette excellence ne s'improvise pas sur le champ des crises ; elle est le fruit d'un long travail d'entraînement des équipes, qui s'accomplit au quotidien, dans l'enceinte de nos écoles et dans le champ clos de nos camps d'entraînement. C'est dans ce travail obscur que se forge la cohésion des compagnies, des escadrons et des équipages. Cela demande du temps et des crédits ; ceux prévus pour 2005 doivent permettre de relever le défi. Répondant à un amendement que j'avais déposé au moment du vote de la loi de programmation, vous avez provisionné 100 millions pour le financement des opérations extérieures ; ceci doit être considéré comme un début, la grille de la LOLF devant permettre à terme de mieux identifier les crédits destinés aux opérations, extérieures comme intérieures. Plus le temps passe, et plus s'impose l'idée que notre défense revient de loin, de plus loin sans doute que nous ne l'imaginions à l'été 2002. Il fallait donc accomplir un effort considérable, et vous vous y employez pour la troisième année consécutive. Nous aurons plaisir à voter ce bon budget, car il conforte notre crédibilité aux yeux de nos partenaires européens et prépare, en dépit des contraintes conjoncturelles, l'avenir de l'outil de défense dont la France a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) M. Jacques Brunhes - Quelle remarquable discrétion sur le nucléaire ! M. Jean-Michel Boucheron - Comme vous l'imaginez sans doute, le groupe socialiste ne votera pas le projet de budget du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il est du reste regrettable qu'il se réduise à une opération de communication du ministre des finances, pressé de quitter Bercy parce que plus impatient encore de s'installer à l'Elysée ! (Mêmes mouvements) Le Premier ministre - encore en fonction contre toute apparence - a une nouvelle fois accepté d'assumer ces annonces inapplicables. Gageons que l'hôte de Matignon va un jour se rebeller contre celui qui entend tuer le Prince ! Madame la ministre, votre budget est intéressant pour les disponibilités financières qu'il dégage (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), et nous rendons hommage à votre détermination à défendre vos crédits. Il y a de quoi faire beaucoup de choses positives (Même mouvement), encore faudra-t-il que les options retenues soient les bonnes ! Quoi qu'il en soit, nous abordons votre projet dans un état d'esprit constructif, conforme à celui qui doit animer l'opposition républicaine. S'il est bien doté en masses, votre budget s'exécute sous haute tension, tant en fonctionnement qu'en équipement, certaines lignes politiques souffrant d'un certain défaut d'affirmation. Au reste, le moral de nos armées semble un peu en berne. Le groupe socialiste n'est pas dupe des contorsions comptables visant à embellir la réalité... Plusieurs députés UMP - Vous êtes experts en la matière ! M. Jean-Michel Boucheron - D'ailleurs, vos méthodes de camouflage ne sont guère novatrices ! Les 200 millions de BCRD - censés s'éteindre en 2003 - se répètent d'année en année et la transformation de la DCN ponctionnera le titre V de 379 millions. Une note publiée par votre organe officiel - je veux parler bien entendu du Figaro (Quelques exclamations sur les bancs du groupe UMP) - fixe la prévision de sous-financement de la LPM pour la période 2003-2008 à 6,1 milliards. Le dérapage le plus visible se situe en titre III, au sein duquel 100 millions seulement ont été provisionnés au titre des OPEX, soit un montant très sensiblement inférieur aux besoins. En fait, le besoin de financement pour le titre III excède le coût total des opérations extérieures, ce qui démontre leur sous-évaluation chronique dans les lois de finances - 600 millions seulement dans le budget pour 2004. Une implication renforcée en Côte d'Ivoire et le maintien des cours du pétrole à leur niveau actuel viendraient encore renforcer le coût des OPEX, et ce dès la fin de cette année. 692 millions vont être prélevés sur le titre V. Remis à votre disposition en fin d'année, ils ne pourront pas être engagés cette année en investissement et viendront décaler d'autant l'exécution de la programmation, même si le niveau de report de charges net ne devrait pas augmenter. Bien que la loi de finance initiale se fonde sur le niveau inscrit dans la loi de programmation militaire, la fourchette de 700 millions à un milliard de besoin de financement tend à devenir chronique. Face à cette situation, la grande tentation consiste à faire payer ceux qui seront aux affaires plus tard ! M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis - Vous en savez quelque chose ! M. Jean-Michel Boucheron - Et c'est là qu'intervient le stratagème de vos financements « innovants » ! Il y a là un effet comique - sans doute involontaire mais qui fonctionne bien -, puisque cette extraordinaire novation consiste à dépenser dès aujourd'hui l'argent que l'on n'a pas, en s'endettant et en reportant la charge sur les budgets futurs. (Murmures sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Cette redécouverte du chèque en bois pourrait, en d'autre circonstances, prêter à sourire. Certains de nos concitoyens se retrouvent devant des commissions d'endettement pour beaucoup moins ! Nous sommes donc confrontés à une double cannibalisation : celle du titre III sur le titre V, et celle du titre V sur le titre III. Les spécialistes de l'innovation financière vont cependant devoir faire preuve d'imagination, la LOLF ayant vocation à nous mettre à l'abri de ces jeux d'écriture ! En résumé, le niveau affiché par la loi de finances initiale est bon ; l'exécution l'est moins. Les reports de charges successifs rendent la lecture du projet des plus opaques. Nous savons tous ici que le caractère non satisfaisant de l'exécution de vos dotations résulte à la fois des pressions de Bercy et de la sous-évaluation par vos services du coût des engagements de la défense. Il ne fait aucun doute, Madame la Ministre, que ce budget sous haute pression n'est pas sans conséquence sur le moral des armées. D'OPEX mal remboursées en créations de postes brutalement gelées en passant par les différences de traitement des différentes armes, le malaise est devenu assez profond pour apparaître publiquement il y a quelques semaines. Parallèlement, la sous-évaluation du coût de la professionnalisation et des crédits de rémunération vous ont imposé un brusque blocage des recrutements. Le chef d'état-major de l'armée de l'air a élégamment habillé cette réduction d'effectifs dans le projet « Air 2010 », tout en voyant ses livraisons de nouveaux appareils encore retardées. Celui de la marine s'est attaché à répartir ses pertes de postes, mais il doit affronter de réels problèmes de maintenance dans la flotte sous-marine et frôle en permanence la ligne jaune pour respecter la disponibilité de la FOST. Par ailleurs, les incertitudes sur les FREMM, où les spécificités italiennes et françaises semblent diverger, pourraient annoncer une dérive des coûts et une diminution de ce programme éminemment structurant. Enfin, celui de l'armée de terre était confronté à un tel challenge qu'il ne pouvait procéder aussi discrètement à ces réductions. Dans cette situation, il est patent que les efforts d'amélioration de la condition militaire sont réduits au minimum. Les crédits dévolus aux chefs de corps pour régler les factures courantes ne suivent pas l'augmentation du coût de la vie et la baisse du recrutement de sous-officiers - les cadres de contact - peut affaiblir la cohérence de nos forces : c'est le processus inverse de la fameuse consolidation de la professionnalisation, pourtant présentée comme une priorité. Cette arme qui fournit l'essentiel de nos forces engagées à l'extérieur mérite un traitement particulier. En effet, si les missions sont remplies avec des effectifs contraints, il y a danger pour leur bonne exécution. Et si on accélère le rythme de rotation des personnels, il y a danger de surchauffe. Les terriens font la différence entre leur traitement et celui d'autres armes, lesquelles ont obtenu récemment des avantages substantiels. Je ne puis mettre la touche finale à ce tableau sur le moral des troupes sans évoquer le cas des personnels civils qui voient leur périmètre de compétence se réduire. Il faut combattre avec la même énergie l'idéologie du tout externalisation et celle du tout étatisation. Le malaise est également dû au manque de perspectives de promotion interne. Enfin, il y a l'inquiétude des personnels de la DCN, et nous demandons, Madame la ministre, qu'ils soient rassurés sur deux principes fondamentaux : la pérennité de leur statut et le maintien des emplois sur place. Ces deux conditions réalisées, il ne doit pas y avoir de tabous, ni sur la structure juridique des sociétés, ni sur la nature et la composition du capital. Le but est d'avoir un grand outil de la construction navale européenne : il faut aller vite et il faut aller fort ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Mais la crise du moral des armées n'est pas seulement liée à des inquiétudes statutaires, à des difficultés de condition de vie ou à des attentes de matériel. Influent aussi les mutations propres à la période et les incertitudes sur plusieurs questions centrales. A cet égard, votre budget nous semble hésitant dans un certain nombre de domaines clés. S'agissant des études amont, si l'on se base sur l'annuité moyenne de la programmation militaire, nous devrions disposer de 635 millions ; votre budget en propose 460, après l'écroulement de l'année précédente. Pourtant, si une dépense devait bénéficier d'une « ultra-priorité », ce serait bien celle-ci ! La politique des démonstrateurs est bonne, mais les autorisations de programmes s'effondrent et le simple rattrapage des manquements de l'année précédente ne peut suffire à satisfaire une grande priorité de la recherche. A ce point de mon propos, j'en profite pour vous interroger sur l'agence européenne de défense, à laquelle il convient désormais de fixer des priorités : celles d'aujourd'hui - issues du processus de l'ECAP -, mais surtout celles du futur car elles seront structurantes. Où en est exactement la coopération franco-britannique sur le porte-avions ? Les porte-avions auront des architectures différentes, les coques seront fabriquées dans chacun des deux pays et j'ose à peine vous questionner sur les hélices ! Quelle sera réellement la part commune des systèmes d'armes ? Que reste-t-il des intentions de départ ? Concernant l'EuroMale, les deux dernières années n'ont guère été mises à profit, alors que le programme des drones tactiques est totalement prioritaire. Les choses semblaient bien enclenchées, mais les financements sont faibles. Je salue le succès du rassemblement des principaux pays européens sur ce sujet. Il manque cependant encore nos amis hollandais, qui ont pourtant déjà réalisé un excellent travail dans ce domaine. S'agissant de l'industrie européenne de défense, le processus introduit par la « lettre d'intention » me semble en panne. Pour ce qui est des exportations, chaque pays continue à appliquer ses instruments nationaux, ce qui prive de son sens la licence globale qui avait été adoptée dans l'accord cadre LOI. Certains obstacles de nature bureaucratique bloquent aujourd'hui cette logique très positive : sans impulsion politique forte, nous n'atteindrons pas nos objectifs. Quant au renseignement, sur mille créations de postes, vingt seulement iront à la DGSE. Est-ce réellement à la hauteur des enjeux actuels ? La DRM doit pouvoir pérenniser les contrats de ses personnels de haut niveau. L'abandon du DC8 Sarigue est-t-il compensé technologiquement ? Quelles en sont les conséquences sur nos capacités de cartographie radar ? Par ailleurs, Madame la Ministre, êtes-vous réellement satisfaite de la qualité des échanges de renseignements entre alliés en Afghanistan ? Votre passage rue Saint-Dominique pourrait être marqué par une innovation importante : je pense à la relation de notre opinion publique à nos services secrets. Il faut les sortir de cet isolement ridicule. Ces services ont une légitimité, ils servent la France tous les jours, il n'y a pas lieu de les cacher comme si nous en avions honte. Je propose dans un premier temps que la DGSE remette chaque année un rapport de situation aux commissions de la défense des deux assemblées. La commission du secret de la défense le fait sans trahir de secret. Cette simple initiative introduirait ces services dans le fonctionnement normal de la République et symboliserait leur passage à la modernité. Dans l'industrie aussi existent des incertitudes lourdes. Les objectifs de certaines restructurations ne sont pas clairs. Par contraste avec la clarté du processus Aérospatiale-Matra-EADS, le rapprochement SNECMA-SAGEM fut une surprise, où les synergies industrielles ne sont pas évidentes. Quelles sont vos intentions concernant la participation des Chantiers de l'Atlantique dans la recomposition de l'industrie navale ? Que se passe-t-il chez THALES ? Voulez-vous un ou deux grands acteurs européens de défense ? On peut en effet imaginer deux grands groupes : l'un fondé sur l'aéronautique et le spatial - ce serait EADS - et l'autre fondé sur le naval et l'électronique : THALES-DCN, avec nos partenaires britanniques, allemands, italiens et espagnols. Mais on peut aussi concevoir un seul grand pôle européen de l'armement. Le Gouvernement doit nous dire s'il souhaite un ou deux grands interlocuteurs, pourquoi et comment. Enfin, on ne peut durablement éviter la question centrale de la dimension de notre armée de terre. Elle compte 130 000 hommes, contre 100 000 pour l'armée britannique, alors que celle-ci a actuellement nettement plus de personnel en OPEX. Cet écart, dont les raisons sont historiques, a-t-il aujourd'hui une explication stratégique ? Si notre armée de terre devait perdre en deux ou trois ans 10 000 hommes ou plus, il faudrait procéder à un reformatage. Enfin, quelle avancée de l'Europe de la défense ? Quelle avancée de la France dans l'Europe ? Nulle part n'apparaît la notion de capacité européenne globale. Quid du headline goal 2010 et du battlegroup 1500 ? De l'Agence européenne de défense ? Du fonctionnement de la LOI ? Il n'est guère cohérent, avouez-le, que l'Etat-major de l'Union européenne compte 150 officiers de vingt-quatre nations alors que le commandement allié de l'OTAN à Norfolk compte 120 officiers français. En conclusion, voici quelques propositions simples. Tout d'abord, il faut une augmentation nette du financement des études amont. Il faut un effort plus important sur le spatial, le Command and Control, les capacités d'emport des armes de précision ; en particulier l'adaptation de l'A 400M au SCALP est un projet à accélérer. Enfin, il faut revoir le modèle 2015. Les crédits doivent porter sur les priorités, sur l'avenir, il faut tirer la leçon des crises. Faisons porter l'effort budgétaire sur les crédits de recherche, quitte à anticiper le retrait des matériels trop coûteux à l'entretien. L'argent de la loi de programmation militaire que vous avez réussi à maintenir, et nous vous en félicitons, ne doit pas servir uniquement à rattraper les retards. La construction de la LPM avec le projet d'armée 2015 est un objectif intenable, que vous ne devez pas chercher à tenir coûte que coûte. Nous ne devons pas nous engager dans une logique de réduction homothétique des forces. Il faut plus de technologie, et les crédits d'équipement doivent absolument repasser au-dessus de la barre des 50 % du budget. (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Enfin il faut accélérer toutes les synergies européennes requises pour élever notre niveau capacitaire commun au rang qui permettra de nous doter d'une vraie politique étrangère commune. Il faut préparer l'armée nouvelle qui nous est nécessaire. Dans cette perspective, Madame la Ministre, nous aurions pu vous accompagner. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Francis Hillmeyer - Cette discussion intervient dans un contexte très préoccupant pour notre armée et nos soldats présents en Côte d'Ivoire. Comme François Bayrou l'a dit la semaine dernière, l'UDF est solidaire de la riposte militaire française à des agressions caractérisées contre nos forces, surtout quand elles entraînent la mort tragique de nos soldats. Ce contexte éclaire d'un jour particulier la question des OPEX et de leur financement. Elles sont évaluées à 600 millions d'euros pour 2005. Ces dépenses, difficiles à budgétiser car évolutives, sont provisionnées à hauteur de 100 millions dans votre budget, nouveauté qu'il convient de saluer. Mais la question est de savoir quels redéploiements de crédits pourront couvrir les dépenses supplémentaires, soit plus de 500 millions d'euros, dans l'attente de leur prise en compte totale lors de l'application de la LOLF l'année prochaine - et pourquoi pas dans un programme distinct, comme l'a suggéré notre collègue Bouvard ? Mais pour cette année, il serait déplacé de refuser une contribution budgétaire en loi de finances rectificative pour assurer la sécurité et éventuellement le rapatriement de nos ressortissants en Côte d'Ivoire. Ces opérations ont un coût qui ne doit pas dégrader la cohérence du budget de la défense. En particulier les crédits d'entraînement de nos forces ne doivent pas pâtir du basculement des OPEX sur les crédits de fonctionnement. De ce point de vue, le groupe UDF se réjouit que, pour sa troisième annuité, votre budget respecte les objectifs de la loi de programmation militaire. C'est une bonne nouvelle pour le moral de nos troupes et pour notre sécurité, mais c'est aussi une victoire pour le Parlement et la commission de la défense qui vous a toujours soutenue, Madame le ministre, dans des arbitrages interministériels parfois difficiles. Permettez-moi d'insister sur le statut des militaires. Il est prioritaire de consolider la professionnalisation des armées. La LPM vise aussi à améliorer la condition des militaires, leur logement, leurs matériels, à leur offrir des perspectives de carrière et à rendre leurs fonctions plus attrayantes. N'oublions pas, Madame le Ministre, dans quel état nous avons trouvé certains corps quand vous êtes arrivée aux responsabilités... C'est pourquoi je suis inquiet de l'évolution des dépenses de personnel et surtout de l'absence de provision pour l'éventuelle revalorisation du point d'indice de la fonction publique et les mesures de modernisation statutaire prévues dans le projet de loi à venir sur le statut général des militaires. Se pose également, surtout dans l'armée de terre, la question de la réalisation des effectifs militaires prévus par la loi de programmation. On sait aujourd'hui qu'ils ne seront pas réalisés à 100 %, et on parle même d'un sous-effectif de 10.000 hommes en 2005 - informations qui, si elles étaient avérées, pourraient remettre en question le format 2015. Par ailleurs j'ai été alerté sur certaines restructurations contestées, qui mènent à des délocalisations ou des fermetures, par exemple celles du service technique de recherche avancée d'Illkirch et du centre radio-électrique basé à Mutzig, où de nombreux militaires et civils songent à rechercher une solution locale plutôt qu'une délocalisation sans concertation préalable et sans raison budgétaire apparente. Il s'agit là d'une perte brutale de savoir-faire cumulé dans le domaine du renseignement, ce qui est grand dommage compte tenu de l'importance d'un renseignement de qualité. L'UDF n'est pas a priori hostile à une réduction du format, dans la perspective d'une mutualisation de nos forces au sein d'une véritable Europe de la défense, et dans une logique d'externalisation des services aux armées. En revanche, il nous paraît capital de renforcer vigoureusement les moyens des réserves : celles-ci ne bénéficient que de 15 millions d'euros supplémentaires, ce qui est assez dérisoire dans un budget de 42,4 milliards. Les réservistes renforcent la professionnalisation en permettant aux militaires de carrière de se concentrer sur leurs missions premières. Mais les corps de réserve ne sont pas aussi consolidés qu'ils le devraient. Ils ont un grand rôle à jouer dans la sécurité intérieure et dans la réactivation du lien entre la société civile et l'armée. Sur ce point nous approuvons les préconisations du rapport de nos collègues Tessier et Léonard : nous disons oui à un partenariat conventionnel, voire contractuel, entre l'armée, les réservistes et leurs employeurs. Un réserviste ne doit plus être un civil en uniforme, et moins encore un clandestin dans son entreprise. Oui à la simplification des mouvements de citoyens du civil au militaire, pour la réserve, et du militaire au civil, pour la reconversion. Mais si les objectifs de la LPM sont maintenus, il convient d'être exemplaire dans la poursuite de la réforme du ministère de la défense et dans la pertinence du choix des investissements militaires. Le budget de la défense est le premier budget de la nation en moyens d'investissements. Il faut sortir d'une vision étatisée de l'industrie militaire et encourager les transferts de technologies entre centres de compétences civils et militaires. J'insiste sur l'importance capitale de la recherche duale, dans l'hypothèse d'un décloisonnement structurel du civil et du militaire en France. Malheureusement, le budget 2005 n'attribue que 200 millions d'euros à ce secteur vital. Le modèle de la recherche duale doit inspirer notre stratégie d'équipement pour diffuser la croissance au plus près du tissu économique régional. Des progrès ont été réalisés pour l'accès des PME aux marchés de la défense, grâce au nouveau code des marchés publics. Ces PME constituent le terreau le plus propice à la propagation des « technologies clés ». La France se doit également de développer des programmes européens d'études en amont - c'est le cas des démonstrateurs - et d'axer ses dépenses de recherche et développement sur le renseignement. Un dernier mot sur l'Europe de la défense. Son retard est regrettable : les pays européens ne cessent de rédiger des communiqués pour donner l'impression que la défense européenne existe. En réalité, elle n'est pour le moment qu'un catalogue de vœux pieux reposant sur la seule volonté des Etats et du Conseil. Résultat : alors que les pays de l'Union mobilisent au total des moyens élevés, avec 160 milliards d'euros de budget de défense, ils rassemblent à peine un dixième de la capacité américaine. Ils conjuguent donc la dispersion des financements et des stratégies avec l'impuissance des moyens. Une Europe de la défense nous fera faire des économies d'échelle considérables, bien au-delà des programmes bilatéraux réalisés depuis trente ans. Elle pourrait, à coût constant ou moindre, approcher les capacités d'intervention des Etats-Unis. Combler le fossé militaire creusé par l'océan Atlantique exigera surtout l'application de réformes structurelles et un certain courage budgétaire. C'est pourquoi l'heure est à l'harmonisation des ressources. Celle des programmes européens est une aubaine pour la France, qui doit saisir cette occasion pour se restructurer et devenir plus compétitive. Nous souhaitons que les gouvernements de l'Union européenne confient les programmes de recherche, de réalisation et de coordination des politiques d'équipement à l'Agence européenne de l'Armement, de la Recherche et des Capacités militaires, qui ne doit pas se contenter d'être un club de réflexion sur la défense européenne. Et nous nous réjouissons de son inscription à l'article 41 du titre premier du traité constitutionnel, qui apporte des avancées dans le domaine de la défense. Dans l'avenir, on pourra songer à moderniser le fonctionnement de l'institution, en laissant place à une plus vaste consultation, voire à une codécision avec le Parlement européen. Quoi qu'il en soit, une telle organisation permettrait d'inciter les Etats membres à adopter une politique d'acquisition harmonisée et à réformer leur administration militaire. Disposant d'un budget propre, limité dans un premier temps à la recherche et au développement en matière de technologies nouvelles, cette agence développera une action complémentaire de celles des agences nationales. Pour ce qui est de la stratégie de réforme de votre ministère dans la perspective de la LOLF, le groupe UDF ne peut que souscrire aux remarques de la commission des finances et en particulier celles de notre collègue Charles de Courson. Il conviendrait en effet d'introduire plus de lisibilité dans la structuration de la future mission « Défense » pour permettre un meilleur contrôle parlementaire et une plus grande capacité d'amendement. Sur 35 milliards d'euros, le programme « Préparation et emploi des forces» en monopolise 21 dont l'utilisation sera, de fait, difficilement appréhendable. Il faut que ce programme soit pourvu d'objectif précis : disposer d'une armée n'est pas, en soi, un objectif ! La LOLF doit permettre de renforcer le contrôle du Parlement. Conscient de vos efforts, le Groupe UDF votera ce projet de budget en attendant de pouvoir discuter avec vous, dans le cadre du futur projet de loi, de l'avenir de nos personnels militaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) M. Jacques Brunhes - Permettez-moi, tout d'abord , de rendre hommage aux soldats français qui viennent de payer un lourd tribut à la mission de paix qu'ils effectuent en Côte d'Ivoire. J'exprime de nouveau la solidarité du groupe communiste avec les familles des militaires assassinés ou blessés, et je réitère notre demande d'un débat à l'Assemblée nationale sur les initiatives de la France en la matière. La hausse du budget de la défense, 2,2 % à périmètre constant, tranche avec la pauvreté des budgets sociaux. On a pu lire ce matin dans les Echos que la ministre de la défense avait même négocié une rallonge de 200 millions, ce qui risque de poser des problèmes pour les civils, selon Gilles Carrez, et se traduira, sans doute, par une multiplication des annulations de crédit. Ce choix est d'autant plus inacceptable qu'il ne sert pas les intérêts de la France. Le déséquilibre en faveur du titre V, conjugué au poids financier de la professionnalisation des armées et au coût des opérations extérieures, aggrave la tension sur les effectifs civils tout en touchant les militaires. 1168 emplois civils sont ainsi supprimés, et l'armée de terre craint une réduction d'effectifs de 10 000 hommes. La capacité opérationnelle des armées ne dépend pas que de la modernisation et de la disponibilité des équipements, elle dépend aussi des hommes. L'importance des crédits nucléaires, qui absorbent 20% des dotations, est contestée par de nombreux militaires qui estiment que le seul maintien de la force militaire suffit à la dissuasion. Le président de la commission de la défense lui-même préconise une « pause ». (Protestations sur les bancs du groupe UMP) La modernisation des armes nucléaires se justifie d'autant moins qu'elles sont inadaptées aux menaces du terrorisme et aux conflits régionaux. Quant à la prolifération des armes de destruction massive, la meilleure parade se trouve dans leur désarmement. La relance de ce processus au sein de l'ONU devrait devenir une préoccupation essentielle de la communauté internationale. En assimilant les armes à de banales marchandises, et en faisant jouer la concurrence, vous bradez une industrie de pointe. M. le Président de la commission - Mais c'est tout le contraire ! M. Jacques Brunhes - La restructuration devient synonyme de démantèlement, ce qui reviendra à privatiser des entreprises étatiques. Les résultats de cette politique sont catastrophiques. Le plan GIAT 2006 a désorganisé l'entreprise et les retards de commandes de l'Etat la fragilisent encore plus. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). De surcroît, la direction souhaite des doubles sources, ce qui malmènera encore plus la production. Les syndicats craignent une ouverture du capital de leur entreprise et à terme la dissolution de GIAT industrie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) . La fusion SNECMA-SAGEM, motivée par la rentabilité financière, se soldera par la perte de la maîtrise politique des choix aéronautiques et spatiaux. Vous préparez l'entrée de General Electric dans ce groupe ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) L'ouverture du capital de la DCN, avant une éventuelle alliance avec l'allemand ThyssenKrupp, risque d'entraîner les mêmes effets. Au-delà de la question sociale, vous abandonnez notre industrie nationale au nom de l'Europe de l'armement, soi-disant pour lutter contre la mainmise des groupes américains sur les entreprises européennes. Or, la restructuration tous azimuts n'est pas une réponse adaptée, et le livre blanc du CIDEF, présenté par M. Vigneron, précise qu'il n'existe pas de relation préférentielle au sein de l'Union au profit de l'industrie européenne. Les Britanniques ont ainsi préféré le futur F35 américain au Rafale français. Et je ne parle pas des nouveaux membres qui se tournent majoritairement vers l'OTAN, ni du projet de Constitution européenne qui ne fait que renforcer la subordination de l'Union à l'organisation atlantique, en prévoyant que la politique de défense commune de l'Union « respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord ». Le développement des capacités industrielles françaises implique l'émergence d'un pôle public de défense ouvert aux coopérations européennes. Quant à l'Europe de la défense, elle doit être indépendante de l'OTAN. Si elle assure prioritairement la défense des états membres, elle devrait aussi agir dans le domaine humanitaire et pour la préservation de la paix. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre votre budget. M. Michel Voisin - Votre budget tend à doter la France des moyens nécessaires pour assurer la sécurité de notre territoire et de nos ressortissants partout où ils se trouvent. Au nom du groupe UMP, je rends un hommage vibrant aux hommes et aux femmes qui apportent leur concours à l'opération Licorne. Aux familles de ceux qui ont sacrifié leur vie, j'exprime ma plus sincère sympathie au nom de la représentation nationale. J'ai enfin une pensée pour nos compatriotes qui ont dû quitter un pays où certains avaient fait souche et qu'ils contribuaient à développer. Le contexte international nous rappelle qu'il faut tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité de ceux qui, dans leur vie professionnelle, portent à leur manière les couleurs de la France à l'étranger. Derrière la froideur des chiffres, ce budget traduit la mission des forces armées, qui est de servir la paix. En 2004, nos troupes auront été engagées au service de la paix en Afghanistan, en Haïti, dans les Balkans et en Côte d'Ivoire. C'est dans cette perspective qu'il faut apprécier l'effort consacré à notre outil de défense, et qui touche aussi à notre outil diplomatique. Dans un contexte difficile, ce budget s'inscrit exactement dans le cadre prévu par la loi de programmation militaire. Il progresse de 2,7%, mais de 1,6% hors pensions - soit 33 milliards consacrés pour l'essentiel à l'équipement. C'est au prix d'une nouvelle réduction d'effectifs que les crédits de fonctionnement devraient permettre de maintenir les capacités opérationnelles de nos forces. Je partage certaines des préoccupations de François Cornut-Gentille à propos des conséquences de la réforme budgétaire sur la lisibilité de ce budget. Ainsi, s'il faut certainement développer les fonctions transversales, il y a bien externalisation de crédits et de missions relevant auparavant à la gendarmerie nationale. Nous nous félicitons que les crédits consacrés au devoir de mémoire soient individualisés. Mais nous observons le déséquilibre entre les quatre grandes missions de ce budget, puisque la mission Défense absorbe à elle seule 84% des crédits. Certes, elle se décline en grands programmes, mais il faudra en faire évoluer les contenus à l'expérience, ou individualiser de nouveaux programmes. Ainsi, il paraît intéressant de regrouper les activités de la délégation aux affaires stratégiques, de la délégation générale pour l'armement et de la DGSE, ainsi que de la direction de la protection et de la sécurité de défense. Mais je ne suis pas persuadé que l'avenir consacrera cet ensemble composite dans lequel il sera trop aisé pour le gouvernement de mettre en évidence les actions qu'il souhaite promouvoir. S'agissant du programme « préparation et emploi des forces », il est bon de confier un rôle de coordination au chef d'état-major des armées. Mais il faudra veiller, en transcendant les chapelles, à ne pas nier les particularismes. Sans doute, pour cela, faudrait-il renforcer la formation interarmée, et sa composante européenne. De même, il faudra définir scrupuleusement les responsabilités respectives du chef d'état-major des armées, des chefs d'état-major de chaque armée, du délégué général pour l'armement et du secrétaire général pour l'administration, afin d'éviter des arbitrages sans fin. Les réorganisations annoncées en 2003 sont engagées. Il devrait donc y avoir refonte des services d'infrastructures et d'archives et création d'un régiment spécialisé dans les applications nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques. Avec l'entrée en service du Tigre, un régiment d'hélicoptères devrait être dissous. De nombreuses fonctions de soutien seront externalisées et une partie de l'entretien des matériels de l'armée de terre sera confiée au GIAT, ce qui devrait rassurer M. Brunhes. Avec ces réformes, près de 4000 militaires et 2000 personnels civils des armées devront changer d'affectation et d'activité. La professionnalisation, désormais dans sa phase finale, a permis aux forces armées de s'adapter à la sophistication des matériels et à la complexité des actions sur le terrain. La masse salariale augmente de 2,5% pour améliorer la condition des personnels, mais aussi en raison des mesures générales applicables dans la fonction publique. Le ministère emploie 455 000 personnes, civils et militaires. Pour remplacer les fins de contrat et les départs en retraite, il faudrait recruter en 2005 de 33 à 35 000 personnes. Cela ne suffirait pas à atteindre les objectifs des états-majors. Je souhaite que l'armée de terre, qui a dû différer des recrutements en cours d'année, puisse remettre ses effectifs à un niveau suffisant, d'autant qu'ils sont fortement impliqués dans les opérations extérieures. Sans développer sur les crédits d'équipement, je mentionne simplement que la gendarmerie bénéficiera d'une dotation nouvelle de 55 000 tenues, 32 000 pistolets de nouvelle génération et 1 000 gilets pare-balles. Les AP permettront de poursuivre le développement du missile M 51 sur les trois prochaines années, et de commander huit frégates multimissions, deux avions de transport à long rayon d'action et 1100 tenues de combat Felin. Enfin, la dotation pour la recherche technologique, à 1,34 milliard, augmente de 8 % et l'accent est mis sur la coopération européenne. Dans ce contexte, il est important de conforter l'entraînement et la professionnalisation. Il est en effet aberrant de prétendre que les engagements extérieurs en tiennent lieu, alors qu'ils demandent maîtrise et professionnalisme. Je souligne encore que les crédits permettront d'augmenter de 6000 le nombre des réservistes et d'assurer leur formation. Nous attendons le projet de loi que vous devez nous soumettre prochainement sur ce sujet. Le groupe UMP votera sans réserve un budget équilibré et réaliste, mais aussi ambitieux pour l'avenir et pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30. La séance est levée à 20 heures. Le Directeur du service |
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