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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 24ème jour de séance, 58ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 16 NOVEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Yves BUR

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite) 2

      DÉFENSE (suite) 2

      QUESTIONS 16

      ARTICLE 49 19

      TITRE V 19

      ORDRE DU JOUR DU MERCREDI 17 NOVEMBRE 2004 20

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005.

DÉFENSE (suite)

Mme Patricia Adam - Je voudrais tout d'abord remercier Jean-Michel Boucheron pour son intervention à la fois pertinente et non dénuée d'humour. Je tiens aussi à souligner la qualité des relations que nous entretenons avec vous, Madame la ministre, et avec votre cabinet.

Le vote de ce budget intervient dans le contexte de l'européanisation des industries de défense et, plus largement, de la construction d'une Europe de la défense et de la sécurité. Vous avez par ailleurs annoncé l'inscription en loi de finances rectificative d'une disposition permettant d'ouvrir le capital de DCN et l'autorisant à créer des filiales, décision que le Conseil d'Etat aurait récusée.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Non.

Mme Patricia Adam - Dans le même temps, avec une précipitation qu'expliquent certains enjeux politiciens, Nicolas Sarkozy négocie d'éventuelles fusions industrielles de l'allemand Siemens avec AREVA, d'EADS avec Thalès. Un sujet qui fait couler beaucoup d'encre et qui fâche sérieusement nos amis anglais. A juste titre, car que serait une Europe de la défense isolant BAE Systems ? Et a-t-on bien mesuré les conséquences de cette opération pour Thalès ?

S'agissant de DCN, les syndicats reçus par la Commission de la Défense ont unanimement dénoncé l'absence de dialogue social et de perspectives. Vous comprendrez, Madame la ministre, que la représentation nationale partage leur préoccupation, d'autant que nous apprenons dans le même temps que l'Etat, en région, au travers de son projet d'action stratégique, souhaite développer localement des coopérations entre organismes de recherche et les donneurs d'ordre que sont DGA et DCN, de même qu'il souhaite le rapprochement des industries civiles et militaires mais cela, sans en préciser les contours et les moyens.

Les annonces sont cependant claires : l'industrie navale européenne est trop éparpillée, surdimensionnée et surcapacitaire, notamment en comparaison de l'industrie navale américaine.

La réduction des budgets, la convergence des besoins opérationnels, la recherche de compétitivité et la nécessité de concentrer l'effort de recherche et de développement pour rester dans la course à l'innovation technologique sont autant de facteurs incitant les industriels à se regrouper. Certes, mais pour quel avenir ?

Quel sera demain le paysage industriel de la France ? L'européanisation consistera-t-elle pour nos entreprises à renoncer, dans le cadre de restructurations, à certaines de leurs capacités ? Quel devenir pour les sites, quelles conséquences pour l'emploi ? Comment traduire, en termes d'organisation industrielle, la constitution d'un EADS naval ou d'un Airbus naval ? Le Gouvernement souhaite-t-il développer des pôles d'excellence en matière de défense, et si oui lesquels ? Quel avenir pour les régions concernées, pour les hommes et les femmes qui y vivent ?

Ces questions restent aujourd'hui sans réponse. Elles mériteraient cependant un débat approfondi devant la représentation nationale, comme ce fut le cas en 1997 grâce au rapport présenté par MM. Paul Quilès et Guy-Michel Chauveau : « L'industrie française de défense, quel avenir ? ». C'est pourquoi je souhaite la création d'une mission d'information sur le sujet, comme je souhaite que les démantèlements-fusions envisagés ne se fassent pas sans une concertation préalable avec tous les acteurs concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Vitel - C'est un plaisir, un honneur, une fierté pour nous, députés de l'UMP, d'être à vos côtés, Madame la Ministre, pour défendre, étudier puis voter ce projet de budget. Lors de l'alternance de 2002, notre premier travail de parlementaires a été de conforter les trois piliers de la République que sont la sécurité, la justice et la défense, ô combien malmenés durant la mandature précédente.

La loi de programmation militaire 2003-2008 fut ainsi la traduction concrète d'une prise de conscience : un redressement de notre effort de défense s'imposait pour que la France renforce sa stature de grande nation et sauvegarde son rang dans le monde. Elle a été scrupuleusement respectée pendant les deux premières années de son application - comme nous le confirmera l'examen du collectif budgétaire - et nous ne doutons pas qu'il en soit de même cette année.

Permettez-moi, Madame la ministre, de vous remercier de faciliter la tâche de notre commission parlementaire d'évaluation et de contrôle. Nous pouvons aujourd'hui attester que les fonds publics sont bien engagés et dûment destinés aux programmes définis par la loi de programmation.

Demain, un nouveau cadre budgétaire reposant sur une allocation de ressources par programme, associée à des objectifs précis et des indicateurs de résultats, permettra de matérialiser notre ambition de moderniser la gestion publique. Comme vous l'avez dit devant la commission de la défense, la loi organique relative aux lois de finances est fondamentalement une réforme politique et non pas technique, il s'agit d'un instrument pour mieux gérer l'Etat, l'objectif étant de remplacer une culture de moyens par une culture de résultats.

Je suis pour ma part convaincu que la LOLF va trouver dans ce qui se rapporte à la défense toute sa légitimité. En effet, où plus que dans ce budget importe-t-il d'accorder aux gestionnaires une grande latitude dans l'utilisation des crédits et de les responsabiliser, de renforcer la transparence budgétaire vis-à-vis du Parlement et de donner des moyens nouveaux aux parlementaires pour exercer leur contrôle ?

Passer de 56 chapitres et 618 articles pour le budget du ministère de la défense et des anciens combattants à quatre missions et huit programmes est un progrès indéniable. Deux de ces missions seront confiées exclusivement au ministère : la mission défense et la mission mémoire et lien de la nation. Deux seront interministérielles : sécurité d'une part, recherche et enseignement supérieur, de l'autre.

Bien sûr, il faudra acquérir de nouveaux réflexes. Les habitués des programmes budgétaires spécifiques à telle ou telle armée devront désormais avoir une vision budgétaire différente, bien qu'une individualisation des crédits de chaque armée soit théoriquement possible. M. Cova s'inquiète dans son rapport de ce que le chef d'état-major de la marine ne soit plus le responsable discrétionnaire de la gestion des crédits dévolus à son armée : je le rejoins sur ce point.

Quoi qu'il en soit, la LOLF facilitera la globalisation des crédits pour les gestionnaires au niveau le plus déconcentré possible.

« Les décisions lourdes prises ces deux dernières années commencent à être suivies d'effets. Mieux adaptées aux nouvelles menaces, plus attractives et immédiatement disponibles, nos forces armées affirment chaque jour davantage leur aptitude à protéger la sécurité des Français et à honorer nos engagements internationaux. » C'est ce message que notre Président Jacques CHIRAC adressait au pays le 13 juillet 2004, et qu'il a réitéré aujourd'hui même lors de sa visite de la base de Cazaux. C'est ce message qui chaque jour commande l'action de nos troupes en Côte d'Ivoire et sur tous les théâtres de crise où ils ont à intervenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Michel - Le budget de la défense est le seul qui finance des programmes d'investissement sur vingt, trente, voire quarante ans. Si donc il est bien sûr important de connaître les crédits qui seront affectés à la défense l'année prochaine et leur utilisation, il l'est encore plus d'assurer la cohérence de l'outil militaire que nous construisons pour les années à venir dans un cadre national et européen.

Formellement, le projet de budget de la défense 2005 respecte la loi de programmation militaire 2003-2008. Pourtant, on ne peut qu'éprouver quelques inquiétudes pour l'avenir.

Tout d'abord, la mission de la commission de la défense chargée du suivi de l'exécution budgétaire a constaté que les besoins des armées excèdent largement les disponibilités financières : il manque 900 millions au titre III et 700 millions au titre V, alors même que le budget 2004 respecte globalement la loi de programmation.

Concernant les dépenses de rémunérations et charges sociales, tout se passe comme s'il y avait entre le nombre d'emplois budgétaires inscrits en loi de finances et le coût réel de l'armée professionnalisée un découplage progressif, se traduisant soit par un surcoût financier soit par l'impossibilité de respecter les effectifs budgétaires. Est-ce un simple incident de parcours lié à une mauvaise coordination de la politique de recrutement avec les départs, ou cela traduit-il une sous-estimation du coût des engagés ? Si tel était le cas, il serait nécessaire de réexaminer le format des armées ou de réévaluer les crédits affectés aux rémunérations et charges sociales.

Pour les dépenses d'équipement, la pression paraît aussi très forte. Les crédits affectés à la recherche et à la technologie sont insuffisants - il manque depuis 2003 environ 200 millions par an par rapport à ce qui était prévu dans la loi de programmation militaire -, et l'on risque de sacrifier le long terme au très court terme, alors que les progrès technologiques permettraient d'optimiser l'équilibre entre plates-formes et systèmes de missions.

Tout laisse à penser que nous allons être confrontés, si nous conservons notre modèle d'armée actuel, à une bosse budgétaire importante lors de la prochaine loi de programmation militaire. Nous ne sommes malheureusement pas les seuls dans ce cas : les Allemands, les Italiens et les Espagnols rencontrent les mêmes difficultés ; les Britanniques, eux, n'ont pas tardé à réagir, rendant publique cet été une revue de programmes.

Il ne faut pas prendre prétexte de l'apparente « bonne santé » du budget de la défense pour ne pas conduire les nécessaires réflexions de fond. L'important est moins d'avoir un niveau de crédits élevé que de construire le système de défense le plus cohérent et le plus efficace possible, et cela dans un cadre européen. Sur toutes ces questions, la représentation nationale et les armées souhaitent vous entendre, Madame la ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Carayon - J'ai l'honneur de vous présenter les conclusions de la commission des finances sur les crédits du renseignement et, au-delà, du futur programme « environnement et prospective de la politique de défense », dont je suis le rapporteur spécial.

L'an prochain, les crédits de la direction du renseignement militaire figureront dans le programme « préparation et emploi des forces », et non avec les crédits de la DGSE et de la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, lesquels seront placés au sein du programme « environnement et prospective de la politique de défense ».

L'Europe, les attentats de Madrid du 11 mars 2004 nous l'ont rappelé, a une longue expérience du terrorisme. L'éventail des menaces est très large, même si les bombes représentent dans notre subconscient collectif la principale. Notre pays est entré, sans en avoir nécessairement pris conscience, dans l'ère de la société de l'information, et les menaces qui pèsent sur notre outil productif sont devenues plus diffuses et plus insidieuses. Comme je le soulignais en juin dernier dans le rapport sur la sécurité économique nationale, l'exacerbation de la compétition internationale transforme les informations stratégiques des États et des entreprises en enjeu d'une véritable guerre économique.

Nous ne gagnerons pas la guerre contre le terrorisme sans des outils technologiques performants. L'effort nécessaire s'inscrit dans le passage de la conception de défense à celle de sécurité nationale, impliquant la mutualisation des crédits publics et l'organisation de l'effort public et privé.

Les services de renseignement n'ont ni la place dans l'Etat ni l'image dans l'opinion publique qu'ils méritent. La culture du renseignement reste étrangère aux mentalités de nos élites : l'État lui-même ne sait guère gérer leur image et nourrir les vocations, alors que ces métiers exigent des connaissances éprouvées alliées à des valeurs morales singulières.

Jamais les services de renseignement n'ont été autant au cœur de l'appareil régalien. Ils sont la clé de l'action, alors qu'ils n'absorbent que 0,7 % du budget de la défense - hors rémunérations des militaires.

Globalement, les crédits de l'agrégat n°7 « Renseignement » progressent de 3,1 %, pour atteindre 300,3 millions. Ils se répartissent entre la DRM, la DPSD et la DGSE, laquelle bénéficie en outre de 33,2 millions de fonds spéciaux inscrits au budget des services généraux du Premier ministre.

La DGSE devrait bénéficier de 20 créations de postes - trois délégués principaux de deuxième classe, deux directeurs de projets et quinze ingénieurs contractuels ; mais ces derniers n'étant pas inclus dans le contingent prévu au titre de la programmation, les effectifs budgétaires n'augmenteront que de cinq postes en 2005, ce qui ne semble pas à la mesure des priorités assignées à la DGSE.

La mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 doit offrir une vision plus claire de l'effort en faveur de la DGSE : il faut que les crédits permettant de rémunérer les militaires qui y travaillent figurent au futur programme 1. Ses crédits de fonctionnement pour 2005 sont stables. Je m'inquiète cependant que les capacités offensives ne puissent pas être consolidées. Les crédits de paiement progressent de 7,9 %. Ce n'est pas assez car les progrès technologiques constants appellent un effort budgétaire sans relâche, au risque de voir la France durablement distancée dans la maîtrise du renseignement technique.

La DPSD disposera d'un budget de fonctionnement stable. En revanche, ses crédits de paiement pour l'achat de matériels régressent légèrement.

Le budget de la DRM est stable en fonctionnement, et il diminue pour les dépenses en capital ; néanmoins les crédits d'équipement atteindront 15,2 millions, alors qu'ils n'étaient que de 10,5 millions en 2002.

J'invite mes collègues à adopter, à l'instar de la commission des finances, les crédits affectés aux services de renseignement militaire, dont les moyens sont consolidés - même si nous n'allons pas aussi loin que nos grands partenaires.

M. Gilbert Le Bris - Ce budget est marqué pour la Marine nationale par des apports importants - bâtiments de projection et de commandement par exemple - et par des commandes attendues, comme celle des huit frégates multimissions.

Sur ce point, je voudrais vous faire part de mes craintes à propos du concept de « financement innovant » : s'il s'agissait de reporter à plus tard le paiement d'équipements prévus en loi de programmation, on hypothèquerait la prochaine LPM tout en décrédibilisant l'actuelle ; si ce n'était qu'une modalité de l'achat à crédit, ce serait un simple tour de passe-passe.

Les effectifs budgétaires de la Marine sont en baisse de 1 084 postes. Certes il y a des transferts vers d'autres services de la Défense, en particulier vers le service de santé des armées, mais cette évolution place néanmoins la gestion des personnels sous contrainte. Or, les missions de la Marine se multiplient - et l'on peut se féliciter de l'efficacité de la lutte contre les pollutions, les narcotrafiquants, l'immigration clandestine ou la pêche illicite.

S'agissant du nucléaire, il n'est pas question de remettre en cause la dissuasion mais il faut poser le problème de son juste dimensionnement et celui d'une éventuelle européanisation.

Je m'inquiète aussi du dossier du deuxième porte-avions. Ne sommes-nous pas en train de perdre du temps, et peut-être de l'argent, en longues discussions avec nos amis anglais ? La volonté réelle de coopération ne se heurte-t-elle pas à des différences fondamentales dans les conceptions techniques ?

Enfin, je tiens à rappeler l'importance du renseignement, en constatant avec regret l'insuffisance des créations de postes, vingt seulement à la DGSE. A ce sujet, si les services de renseignement, chez nous comme dans la plupart des démocraties, dépendent de l'exécutif, la France est à peu près la seule à ne pas s'être dotée d'une agence de contrôle parlementaire de ses services secrets. L'Allemagne l'a fait dès 1956, la Grande-Bretagne, après bien d'autres, en 1994. Est-il raisonnable que la France continue d'ignorer l'évolution générale des démocraties occidentales ? Peut-on laisser des services, situés au cœur de la République, s'autocontrôler en excluant le contrôle normal des représentants du peuple ? Sans tomber dans le voyeurisme parlementaire, et sans porter aucune atteinte à la confidentialité nécessaire, serait-il anormal que les représentants de la nation soient informés de l'usage des deniers publics, fussent-ils affectés à des opérations clandestines ? Une avancée démocratique s'impose. Je plaiderais volontiers pour la création d'une délégation permanente de l'Assemblée, mais les propositions de notre éminent collègue Boucheron me paraissent également bienvenues. Notre commission de la défense, dans laquelle l'atmosphère de travail est excellente, et j'en remercie son président, peut contribuer à rapprocher ces services de la nation à travers ses représentants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) .

M. François Vannson - Deuxième budget de l'Etat et premier budget d'investissement public de la nation, le budget de la défense est un instrument de puissance, mais aussi un formidable outil de politique économique. Avec la multiplication des crises, comme en Côte-d'Ivoire et en Haïti, la capacité de projection de forces est un élément essentiel de notre politique de défense. Peu de nations sont aujourd'hui en mesure d'envoyer plusieurs milliers d'hommes sur un théâtre d'opération extérieur, comme nous l'avons fait en Côte-d'Ivoire.

Le budget d'équipement qui nous est présenté respecte pour la troisième année consécutive les engagements de la loi de programmation militaire, confirmant ainsi notre ambition de disposer de forces armées pleinement opérationnelles et notre refus de considérer les crédits du titre V comme une variable d'ajustement pour le budget de l'Etat. La prise en compte du financement des opérations extérieures dans la loi de finances initiale est une initiative excellente, mais encore inaboutie, puisque 100 millions seulement sont inscrits alors que, chacun le sait, les OPEX dépasseront 600 millions. Il faudra donc inscrire l'intégralité de ces sommes, ou à tout le moins réévaluer la part du budget défense dans les OPEX.

Avec 32,9 milliards, ce budget offre un puissant levier à notre industrie et à notre recherche, à condition que les engagements de la loi de programmation et les calendriers fixés soient respectés. Il faut en effet assurer à nos industriels une continuité de financement afin de imiter les coûts et d'optimiser la gestion. Surtout, il est indispensable que notre politique de défense garantisse la transmission du savoir scientifique. Le maintien des compétences est une véritable préoccupation pour des géants comme EADS et Thalès ou pour des PME qui ne peuvent pas se permettre de payer des scientifiques à ne rien faire. Il n'est pas moins capital de ne pas laisser se creuser le fossé qui nous sépare des Américains.

Votre budget, depuis trois ans, répond à ces préoccupations et conforte la position de notre recherche militaire. Je m'inquiète cependant des études-amont et de la recherche sur les technologies de rupture. En effet la disparition de la DRET a entraîné celle d'une vision à long terme. Or, l'effort de recherche et de technologie, réalisé en amont des programmes d'armement, permet d'acquérir l'expertise pour maîtriser les technologies nécessaires au développement des armes du futur.

Au total, ce budget est la suite logique et attendue des deux précédents, ce dont je vous remercie. Vous pouvez compter sur mon total soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Drian - La situation de la DCN et la mise en œuvre du programme de frégates multimissions ont de quoi inquiéter. Vous n'ignorez pas les tensions sociales existant au sein de la nouvelle société DCN. Les annonces d'ouverture du capital et le feuilleton confus qui se poursuit autour de partenariats potentiels ne peuvent que renforcer les craintes des personnels, et celles aussi des sous-traitants comme des collectivités territoriales, en particulier dans ma région de Bretagne.

Pourtant, tout serait plus simple si vous appliquiez la loi. En effet l'article 36 de la loi de finances rectificative pour 2001, rendant possible le changement de statut de DCN, indiquait non seulement qu'un contrat d'entreprise pluriannuel serait conclu entre l'Etat et l'entreprise nationale pour cinq ans, ce qui a été fait, mais aussi que le Gouvernement rendrait compte annuellement au Parlement de l'état d'avancement du projet d'entreprise et du contrat d'entreprise de la nouvelle société. Or, rien n'est venu, ni fin 2002 ni fin 2003 ; est-il trop tard pour 2004 ? En tout cas, notre collègue Patricia Adam n'aurait pas eu besoin de réclamer une mission d'information, puisque, en respectant la loi, vous nous auriez fourni toutes les informations nécessaires. Nous souhaitons donc que vous respectiez la loi (Murmures sur les bancs du groupe UMP). La disposition dont je parle a été votée même par nos collègues de l'opposition d'alors ! Nous saurions alors quelle est la réalité du projet industriel de la nouvelle DCN, de quelle façon l'Etat contrôle le capital, comment est assurée l'unicité de l'entreprise, de quelles garanties statutaires disposent les ouvriers d'Etat et les fonctionnaires affectés à la DCN. Il vous faut entendre ces préoccupations, et y répondre.

Les frégates FREM sont réclamées par la Marine nationale, qui va sans doute en commander huit d'un coup. Vous avez conçu à cette fin des financements « innovants ». La commande devait être passée avant la fin de cette année, mais rien ne s'est produit à l'heure qu'il est. Que seront ces financements innovants ? Vieil habitué de la commission de la défense, j'ai fini par consulter le « Cova », où je lis page 33 que notre collègue formule lui-même l'hypothèse que ces financements pourraient ne jamais exister, et qu'il faudrait alors recourir au dispositif ordinaire. De fait, pas le moindre euro ne figure en crédits de paiement au titre des frégates. Alors, où en sommes-nous ? Nous n'avons rien contre le concept de financement innovant en soi, mais il semble que votre ministère et Bercy ne le conçoivent pas de la même façon. Qu'en est-il au juste ? Si aucune commande n'est passée avant le printemps 2005, alors les échéances de la loi de programmation ne seront pas tenues, et des problèmes graves se poseront pour la DCN, comme pour nos partenaires italiens.

Une autre question a été abordée par notre excellent collègue Boucheron, celle des montages potentiels autour de notre industrie navale militaire. En annonçant au salon Euronaval l'hypothèse virtuelle d'une collaboration avec Thalès, vous n'ignoriez pas qu'elle dissimulait le démantèlement de Thalès et l'arrivée éventuelle d'EADS. Il est impossible de rester dans le flou. Les acteurs de défense ont besoin de savoir où vous voulez aller, et comment. Il serait inacceptable qu'un meccano capitalistique incertain fasse capoter un projet industriel prometteur.

Enfin, il semble que vous soyez quelque peu en délicatesse avec le Conseil d'Etat, ce que je ne vous reproche pas. Reste que, si le capital de DCN est ouvert, le décret du printemps 2002 garantissant aux personnels le statut d'ouvriers d'Etat et apportant des garanties aux fonctionnaires détachés devient caduque. Comment comptez-vous rassurer ces personnels sur leur avenir ? Là encore, nous attendons votre réponse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Damien Meslot - L'année qui s'achève a vu l'armée française intervenir sur de nombreux théâtres d'opérations, qu'il s'agisse d'opérations humanitaires ou d'opérations de maintien de la paix : Balkans, Afghanistan, Tchad, Côte d'Ivoire... Le tribut acquitté par nos soldats est lourd. L'attaque récente d'une base en Côte d'Ivoire, qui a entraîné la mort de neuf de nos compatriotes, nous rappelle les risques auxquels s'exposent nos forces et la nécessité de disposer d'un appareil de défense performant.

Le Président de la République a donc eu raison de promouvoir dès 2002 une politique budgétaire nouvelle en faveur de notre outil de défense. Vous avez su parfaitement, Madame la ministre, concrétiser cette orientation. Après plusieurs années de baisse des crédits, notre pays peut à nouveau tenir son rang dans le concert des nations. Pour la troisième année consécutive, le budget de la défense respecte la loi de programmation militaire 2003-2008. Hors pensions, les crédits augmentent de 1,6 %, pour atteindre 32,9 milliards d'euros.

Ce budget poursuit l'effort financier exceptionnel consenti depuis juillet 2002, dans un contexte économique difficile, en faveur de la modernisation des équipements. Les crédits d'équipement s'élèvent à 15,2 milliards, en progression de 2 %. Ils assurent l'accroissement de nos capacités opérationnelles et dotent nos forces des matériels de dernière génération notamment dans le domaine de l'espace, avec la mise en service du satellite de communication Syracuse III. Ils permettront également la livraison en 2005 des premiers hélicoptères Tigre et de dix avions de combat Rafale.

Notre système de forces aéro-terrestre repose sur la modernisation de notre capacité d'action blindée avec, en particulier, le char Leclerc. La prévision porte sur une livraison de 45 chars en 2005 et 36 en 2006, ce qui devrait porter notre parc à 406 unités. Malheureusement, d'importants retards de livraison sont à déplorer.

A compter de 2005 sera mis en œuvre le système du combattant futur, « Félin » - fantassin à équipement et liaisons intégrées. Ce programme a vu le jour grâce aux efforts de recherche déployés en faveur de nos matériels de défense.

Je me réjouis que la recherche figure en bonne place dans ce budget : ses crédits passent de 1,2 à 1,3 milliard. La recherche conditionne en effet l'indépendance de notre technologie, et la qualité de nos matériels, et c'est à juste titre que la loi de programmation militaire consacre sa place prééminente dans notre industrie de défense.

L'action en faveur de la recherche bénéficie d'ailleurs à d'autres secteurs industriels. En 2003, le secteur de la défense a financé 8 % des 35 milliards de dépenses de recherche et développement. La recherche militaire représente 20 % des dépenses publiques de recherche et développement ; elle bénéficie essentiellement aux entreprises.

J'en viens aux effectifs. On peut regretter, malgré le contexte budgétaire tendu, la régression de 879 postes par rapport à 2004, et la fixation d'un effectif budgétaire en décalage de près de 3800 postes par rapport à la loi de programmation militaire. Cela fait notre principale inquiétude pour l'avenir.

Il est vrai que près de 1000 postes d'encadrement sont créés dans la gendarmerie dans le cadre du Plan d'adaptation des grades au responsabilités exercées, qui sera doté de 20 millions. Cette réforme vise notamment à mieux reconnaître les responsabilités exercées par les commandants de brigade. Elle confortera les bons résultats de la gendarmerie dans la lutte contre la délinquance.

Dans l'armée de terre, on assiste à un renforcement des effectifs d'officiers. L'armée professionnelle attire des candidats en nombre suffisant, et conserve mieux que par le passé les spécialistes à forte compétence. Ce budget renforce les conditions d'accueil et de fidélisation des jeunes officiers et sous-officiers qualifiés. Une mesure nouvelle vise à abonder de 11 millions le fonds de consolidation de la professionnalisation, afin de permettre aux sous-officiers titulaires de certains diplômes de voir leur compétences reconnues sous forme de rémunération supplémentaire.

Le plan d'amélioration de la condition militaire, doté d'un volet social de 3 millions, permettra de créer de nouvelles structures de gardes d'enfants et d'accroître le nombre de prêts au logement : 42,6 millions sont consacrés à ce plan.

Ce budget est le meilleur que l'on puisse présenter dans le contexte actuel. Je le voterai sans hésitation, en vous félicitant pour votre action et votre détermination à défendre nos armées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Dominique Caillaud - Le contexte international - événements de Côte d'Ivoire, menace terroriste - vient conforter le bien-fondé de votre volonté de redresser notre capacité de défense.

Depuis 2002, la continuité de l'effort budgétaire renforce notre capacité opérationnelle. L'amélioration des taux de disponibilité des matériels en est le premier résultat tangible. Ce budget maintient le cap. Le strict respect de la loi de programmation militaire permet de maintenir les moyens affectés aux hommes et aux services. Il autorise aussi la poursuite des programmes d'équipement de nouvelle génération pour nos armées, avec un effort attendu en matière de recherche et développement, en particulier dans le domaine spatial et celui des technologies nouvelles, qui conditionnent rapidité de transmission et gestion de l'information stratégique.

Mes collègues ont évoqué les grandes masses budgétaires concernant les équipements. Je souhaite pour ma part appeler votre attention sur l'amélioration de la condition militaire, à laquelle je vous sais très attachée, à travers deux thèmes : l'externalisation des procédures et la reconversion du personnel militaire.

Le 8 décembre 1994, l'Etat faisait l'acquisition à La Roche-sur-Yon d'un terrain destiné à la construction urgente d'une nouvelle caserne de gendarmerie. Dix ans de « galère budgétaire » plus tard, vous avez bien voulu reprogrammer ce dossier pour 2004. Mais la mise à jour du cahier des charges a fait apparaître le besoin de nouveaux garages, qui entraîne des surcoûts estimés à un million, lesquels ont différé la réalisation du projet.

Ces contraintes confirment qu'il faut raccourcir le laps de temps entre la prise de décision et l'exécution du projet. Avec les procédures actuelles, une remise en question complète ne peut s'envisager sans différer encore sa réalisation. Un projet externalisé, en liaison avec les élus, eût été plus efficace. Un grand nombre de ces projets ont déjà donné des résultats très satisfaisants, avec des délais et des environnements mieux adaptés à la vie militaire. Persévérez dans cette démarche !

La professionnalisation du personnel militaire s'accompagne d'autre part d'une gestion des ressources humaines rénovée qui impose un recrutement attractif et sécurisé. La loi sur le statut militaire a prévu des procédures de reconversion, particulièrement nécessaires pour les emplois ne requérant pas de qualifications techniques - je pense notamment aux engagés volontaires de l'Armée de terre.

La formation et la reconversion sont donc deux éléments indissociables du parcours professionnel militaire. Ils contribuent à l'indispensable sérénité des militaires, et renforcent par là même leur disponibilité. En 2003, 17 333 éléments ont pu prétendre au bénéfice de la reconversion, et plus de 5 300 prestations d'accompagnement ont été servies tant en milieu civil qu'en milieu militaire, la majorité des formations étant destinées aux hommes du rang de l'Armée de Terre. L'ensemble de ces formations, dispensées dans toutes les régions militaires, est animé par le Centre militaire de formation professionnelle de Fontenay-le-Comte. Ce dernier coordonne les formations avec l'AFPA, par le biais d'un droit de tirage sur les crédits du ministère de l'Emploi, à hauteur de 10,7 millions : 66 027 journées de stage ont été effectuées en 2003 dans le cadre de la formation en milieu militaire. Compte tenu des nouvelles conditions d'accès à la reconversion, le nombre de stagiaires a diminué en 2004, mais il montera à nouveau en charge en 2005 et 2006.

Les résultats obtenus par ce partenariat original sont positifs, grâce à l'accueil adapté à cette transition « vie militaire-vie civile » qui mérite de rester sous responsabilité militaire.

Or, la modification du statut de l'AFPA fait naître des inquiétudes sur l'avenir de ce partenariat. Personne ne doute que l'Etat ait à cœur de faciliter la reconversion de ceux qui l'ont loyalement servi. Mais cette inquiétude ne doit pas peser sur la qualité du recrutement, ni remettre en cause la relation de confiance entre l'institution et ces hommes, qui sont aussi les relais privilégiés du lien « armée-Nation » quand leur reconversion réussit.

Je vous remercie d'avoir intégré dans votre budget le souci de l'amélioration de la condition militaire. Parce que vous maintenez le cap d'objectifs ambitieux, je voterai ce budget avec le groupe UMP.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Deflesselles - Ce budget affirme la volonté de notre pays d'assurer sa sécurité au cœur d'un monde multipolaire où les menaces sont diffuses. Il reflète la volonté du Président de la République et du Gouvernement de garantir la sécurité des Français, et répond à nos engagements stratégiques européens et mondiaux.

Ce budget conforte les grandes orientations de la loi de programmation. Dans un contexte économique difficile, vous avez su - pour la troisième année consécutive - tenir les engagements de celle-ci, ce qui n'était plus arrivé depuis les années 1970. Il faut vous en féliciter, Madame la ministre.

M. Patrick Ollier - Très bien.

M. Bernard Deflesselles - Cet effort courageux et constant, doublé d'une gestion rigoureuse des dépenses, doit permettre à nos armées de disposer des matériels adaptés à leurs missions, qui sont en profonde mutation.

Au-delà de la dissuasion nucléaire, dont la pérennité est assurée, nos capacités de frappe de précision, de renseignement, de conduite des opérations et de projection sont notablement améliorées par des matériels modernes et innovants.

Ce budget préserve aussi le niveau d'excellence des personnels de la Défense et conforte la professionnalisation des armées. Le renouvellement de nos forces est la marque essentielle de cette troisième annuité de programmation. Les systèmes de dernière génération répondent à une nouvelle donne stratégique, caractérisée par la multiplication de crises de faible et moyenne intensité, et par la banalisation d'un hyper-terrorisme planétaire. Nos troupes sont engagées en Afghanistan, en Afrique et sur presque tous les continents. Ayons une pensée émue pour nos neuf soldats tombés en Côte d'Ivoire, il y a quelques jours seulement.

Pour remplir leur mission, nos armées doivent disposer de matériels nouveaux, ou profondément rénovés, et nous nous félicitons que ce budget réponde à cette attente, d'autant plus que les décisions politiques d'achat de matériels ont été trop longtemps différées. Je m'étonne du reste d'entendre certains dénoncer la trop faible disponibilité opérationnelle de nos matériels, alors qu'eux-mêmes n'ont rien fait pour accélérer leur remplacement ou leur restauration lorsqu'ils étaient aux affaires. Le présent projet de budget comble ces carences et mobilise les ressources nécessaires à un remplacement quasi simultané des systèmes d'armes majeurs. Avec plus de 15 milliards de crédits d'équipement et de recherche - ce qui fait du ministère de la défense le premier investisseur de France -, nos armées pourront répondre aux différentes menaces. Et c'est une première, depuis que le général de Gaulle a élevé la France au rang de puissance nucléaire et affirmé sa place au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.

Les moyens humains de nos armées sont en outre confortés par une professionnalisation réussie. Qu'ils soient civils ou militaires, les personnels de la défense font leur devoir dans l'honneur et la disponibilité. Ils méritent d'être soutenus et encouragés. A ce titre, la consolidation de la professionnalisation des forces est puissamment réaffirmée, cependant que la défense reste l'un des tout premiers pourvoyeurs d'emplois, avec un besoin de recrutement de l'ordre de 35 000 postes pour l'année qui vient. Le financement des mesures d'amélioration de la condition militaire et de fidélisation des personnels n'a pas été oublié, conformément aux grandes lignes du projet de loi relatif au statut général des militaires, qui viendra prochainement en discussion et qui définit les contours d'une nouvelle politique des ressources humaines. Enfin, la réserve, si chère au président Teissier, continue sa montée en puissance.

Je conclus en exprimant une attente et un espoir. Au moment où les Vingt-Cinq s'accordent sur une constitution, la France se doit d'être un acteur essentiel de la défense européenne. Le budget qu'elle mobilise conforte notre statut de « nation cadre », c'est-à-dire de nation ayant la capacité de coordonner des actions militaires majeures. Avec nos partenaires britanniques, nous sommes les seuls à disposer de cette capacité, mais nous devons aller encore plus loin. Il nous appartient de fidéliser les Etats de l'UE en développant nos dépenses de coopération militaire. Pour la première fois de notre histoire, nous nous engageons dans cette voie en créant une ligne budgétaire spécifique - et conséquente. C'est en amplifiant cette démarche que nous renforcerons notre crédibilité et que nous encouragerons nos partenaires à construire une politique de défense commune, sans laquelle l'Europe ne peut être entendue et respectée dans le monde.

Enfin, l'action du Président de la République et du Gouvernement a permis à la France de jouer un rôle de tout premier plan dans la création de la nouvelle agence européenne de défense. En fonction dès janvier prochain, elle porte en elle les prémices d'une véritable avancée de la coopération militaire des pays de l'UE. Puisse-t-elle réussir dans sa tâche, ardue mais nécessaire pour garantir notre indépendance stratégique et placer la France au cœur de la défense européenne. C'est une perspective qui, à l'instar du vote de ce projet de budget, emporte notre adhésion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Merci à vos rapporteurs, comme à l'ensemble des orateurs pour leurs analyses et pour leur contribution à la discussion. Je crains de ne pas être en mesure de répondre à chacun avec autant de précision que je le souhaiterais. Bien entendu, je suis prête à poursuivre le dialogue avec tous ceux qui le voudront.

Ce soir, en abordant les crédits du ministère de la défense, nous sommes tous en communion de pensée avec nos militaires présents en Côte d'Ivoire et avec les familles des neuf soldats qui sont tombés la semaine dernière. Nous adressons aussi une pensée particulière à tous ceux qui ont été victimes de propos racistes, de manifestations xénophobes et d'exactions de toute nature les ayant finalement conduits à quitter un pays où ils avaient fait une partie de leur vie.

C'est dans ce contexte particulièrement douloureux que nous abordons l'examen de ces crédits. N'oublions jamais qu'ils tendent à assurer la sécurité des Français, dans un environnement international instable et difficile, où la mobilisation de nos soldats et de nos diplomates doit être permanente.

Le présent budget tend par conséquent à répondre aux enjeux de sécurité actuels, et à ce que nous devinons des défis de demain. Il est aussi porteur - et je crois utile d'y insister - d'enjeux économiques et sociaux majeurs. Deuxième budget de l'Etat, il concerne des milliers d'hommes et de femmes travaillant dans le champ de la défense. Au-delà, c'est en appréciant l'ampleur des moyens que la France mobilise pour sa défense que le reste du monde évalue notre capacité à tenir nos engagements, et, finalement, la crédibilité de notre parole. Il est donc de mon devoir de mobiliser des moyens suffisants pour que la voix de la France soit entendue et respectée.

Ceux qui m'ont précédée à cette tribune ont cité beaucoup de chiffres. Je m'attacherai donc plutôt à décrire les intentions qui animent notre action et nos principaux axes de réflexion.

Conformément aux engagements de la LPM, le budget de la défense augmente de 1,6 % par rapport à 2004, compte non tenu des 9,5 milliards de pensions. Nombre d'entre vous ont bien voulu rappeler que le fait qu'une loi de programmation soit scrupuleusement respectée pour la troisième année consécutive constitue une première. Je n'en tire pas de vaine fierté, je considère simplement que le respect de nos engagements est absolument indispensable. L'effort de modernisation et d'adaptation de nos capacités doit être continu et s'inscrire au moins dans le moyen terme.

Bien entendu, il n'était pas question que le ministère de la défense s'exonère de l'effort de maîtrise de la dépense publique qui s'impose à tous, et c'est à ce titre que j'ai fait des choix d'économies et de rationalisation des charges dont je revendique la pleine et entière responsabilité. Mon souci constant a été de ne mettre en cause d'aucune manière et dans nul domaine les moyens dont les armées doivent disposer pour remplir les missions que la France leur assigne.

S'agissant des équipements, notre action est marquée par le souci de la continuité. Depuis deux ans, l'effort ne s'est pas relâché pour redresser le niveau de disponibilité des matériels en finançant de manière très volontariste les opérations de maintien en condition opérationnelle. Notre ambition, Monsieur Michel, n'est pas de procéder par à-coups mais de rattraper progressivement notre retard, pour remplir les objectifs que nous nous sommes fixés à l'horizon de 2015 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Et je n'aurai pas la cruauté de rappeler dans quel état nous avons trouvé les matériels ou l'ampleur du retard accumulé dans la réalisation de la précédente LPM. A brève échéance, 70% de nos armes seront en condition opérationnelle. Je suis bien consciente de l'ampleur de la tâche qui reste à accomplir mais il n'est pas difficile de comprendre que tout cela coûte très cher : chacun sait qu'une voiture qui vieillit et que l'on a négligé de bien entretenir coûte plus cher qu'une neuve ou qu'une voiture révisée.

Pour conforter cet effort de mise à niveau - sur la nécessité duquel ont notamment insisté MM. Hart, Cova et Bernard -, le projet de budget pour 2005 mobilise 2,8 milliards.

Au total, 15 milliards de crédits de paiement - en augmentation de 2% - répondront à l'objectif de mise à disposition d'équipements nouveaux. La fonction de communication sera renforcée avec la mise en orbite du premier satellite Syracuse III ; l'armée de l'air disposera de dix Rafale supplémentaires ; le premier hélicoptère NH 90 sera mis en service dans la marine ; huit Tigre seront livrés à l'armée de terre ; un premier avion de transport à long rayon d'action est attendu en 2005 ; la capacité de projection sera accrue avec la livraison du premier bâtiment de projection et de commandement ; la frappe dans la profondeur sera renforcée avec 70 missiles de croisière SCALP EG et 30 missiles AS30 Laser. Enfin, les forces de gendarmerie seront mieux protégées avec 55 000 nouvelles tenues, 32 000 pistolets de nouvelle génération et 10 000 gilets pare-balles. Comme votre rapporteur Philippe Folliot l'a souligné, l'effort d'équipement des gendarmes doit aussi être ressenti comme une marque de solidarité nationale, alors que cette arme - notamment en Corse dans la période récente - est souvent très exposée.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis - Très bien.

Mme la Ministre - L'important, bien sûr, n'est pas seulement d'avoir les crédits de paiement pour acquérir ces matériels, mais aussi de se préparer pour les matériels futurs, et c'est pourquoi nous avons besoin d'autorisations de programme : elles nous permettent aujourd'hui de lancer des programmes grâce auxquels, dans quelques années, nous disposerons de matériels pour lesquels il faudra alors des crédits de paiement. Voilà pourquoi, Monsieur Voisin, il y a aujourd'hui une baisse des crédits de paiement - et cela va continuer un certain temps : autorisations de programme et crédits de paiement doivent s'équivaloir sur l'ensemble de la loi de programmation. Les autorisations de programme vont notamment nous permettre de poursuivre le développement des M 51 sur les trois années qui viennent - ce qui me permet de répondre à MM. Quilès, Le Bris, Brunhes et Carré.

A ce propos, un mot sur la dissuasion nucléaire. Nous avons besoin d'une dissuasion crédible. Ce n'est pas à l'heure où des pays importants se dotent d'une capacité nucléaire que nous devons nous dépouiller de cette ultime protection (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Quant à faire une pause, comme certains le suggèrent, c'est illusoire : vous n'allez pas arrêter un sous-marin lance-engins au milieu de sa construction ! Vous ne pouvez pas ne pas renouveler les missiles, car, comme toute chose, ils s'usent, et finiraient par mettre en danger leurs servants. On nous demande aussi à quoi bon moderniser les engins, les rendre plus précis, si nous ne devons pas les utiliser. Mais c'est le concept même de la dissuasion : il s'agit, vis-à-vis d'un adversaire potentiel, d'être crédible quand nous lui disons que, s'il fait mine de nous attaquer, nous sommes en mesure de lui faire un mal encore plus grand. Mais nous ne devons pas prendre nos adversaires potentiels pour des idiots. Ils nous connaissent bien, trop bien peut-être : ils savent notre respect de la personne humaine ; ils risquent de penser que nous hésiterons avant de vitrifier des millions de gens, et que finalement nous n'utiliserons pas la dissuasion... En revanche, si nous avons des armes précises, capables de les frapper là où ils sont, sur les lieux de leur pouvoir, avec très peu de dommages collatéraux, alors ils se diront que nous pouvons les frapper, et nous retrouvons notre crédibilité. C'est pourquoi, nous ne pouvons pas cesser de moderniser nos armements pour les adapter aussi à cette évolution des mentalités. Voilà pourquoi le M 51 est utile.

Nous allons avoir d'autre part des autorisations de programme pour huit frégates multi-missions. MM. Le Bris et Le Drian nous parlent d'un manque de crédits de paiement et de je ne sais quelles divergences : il n'y a aucune divergence avec les Italiens, et nous allons faire en commun 90 % du programme. Et nous n'avons pas besoin de crédits de paiement aujourd'hui, puisque nous lançons le programme : nous en sommes au niveau des autorisations de programme.

Nous avons également les autorisations de programme pour deux avions de transport à long rayon d'action, pour 1 100 systèmes FELIN, et pour la poursuite de la modernisation de l'équipement de la gendarmerie - véhicules, pistolets... Vous le voyez, ce budget est conforme à la loi de programmation militaire, et il remplit son objectif, qui est de nous protéger, mais aussi de nous permettre de remplir les missions que nous confie notamment la communauté internationale.

Mais les meilleurs matériels ne serviraient à rien si nous n'avions pas des personnels entraînés et motivés. Ces personnels, tout d'abord, doivent être en nombre : c'est le problème des effectifs. Non, Monsieur Boucheron, il n'y a pas eu recul ou gel des recrutements en 2004. J'ai simplement donné un coup d'arrêt en juillet, parce qu'on allait trop vite, au risque de dépasser les crédits votés par le Parlement. Mais ensuite les recrutements ont repris, et les 34.000 postes prévus pour 2004 seront pourvus : 17 000 entre janvier et juillet, et 17 000 autres au second semestre. Pour 2005 la masse salariale s'élèvera à 14,2 milliards d'euros, en hausse de 2,5 %. On pourrait donc croire que tout va bien. Malheureusement, cette hausse est en partie absorbée par le coût d'un certain nombre de mesures incontournables, comme le point de la fonction publique ou la mise en œuvre de la réforme des retraites. Il est exact, Monsieur Cova, que des arbitrages ont eu lieu au sein des états-majors, notamment pour la prise en charge des majorations salariales qui ne figuraient évidemment pas au budget initial. Dans le cas de la marine, on a prélevé sur un certain nombre d'autres crédits - je ne suis pas sûre que ce soit sur les crédits d'alimentation...

M. Charles Cova - Si !

Mme la Ministre - ...mais il y a eu en effet certains transferts d'une ligne budgétaire à l'autre.

Pour le budget 2005, il m'a fallu faire des choix dans les créations d'emplois. J'ai privilégié la gendarmerie, qui reçoit sept cent postes supplémentaires ; M. Folliot a souligné l'importance de cette mesure. J'ai également privilégié le service de santé des armées. L'importance de son rôle nous est encore apparue en Côte d'Ivoire, et chaque fois que je me rends auprès des troupes en OPEX, on me confirme l'importance que revêt pour les militaires blessés le fait de pouvoir être pris en charge immédiatement. Nous créons donc cinquante-huit postes de médecins supplémentaires. J'ai enfin privilégié la DGSE, qu'ont évoquée plusieurs orateurs, dont MM. Fromion, Boucheron et Carayon : elle reçoit vingt postes nouveaux. Le fait que certains soient contractuels ne change rien à l'affaire : ces postes seront bel et bien pourvus.

On peut dire bien des choses sur le secret défense, sur le contrôle, sur la connaissance de ce que font les services. Je suis d'accord avec les orateurs qui ont estimé que les Français ne connaissent pas assez le travail remarquable et souvent dangereux qu'accomplissent les agents de nos services. C'est pourquoi, depuis mon arrivée, j'ai demandé qu'un effort soit fait pour ouvrir ces services, sans bien sûr mettre en péril les agents. C'est ainsi que vous avez pu voir quelques reportages, notamment sur la DGSE. J'ai également souhaité plus de transparence, et levé le secret défense sur un certain nombre de dossiers, comme avant-hier pour l'affaire Ben Barka. D'autre part, à ma demande, le bureau de la commission de la défense a visité la DGSE ; je crois que c'était la première fois. Il y a aussi une commission de contrôle des fonds spéciaux, qui connaît notamment de ceux de la DGSE. Et le chef du service Action est venu témoigner devant la commission de la défense. On peut souhaiter davantage ; je n'y suis pas opposée, dès lors que les intérêts fondamentaux de la France sont préservés. Nous en reparlerons sans doute. Je veux saluer en tout cas l'ouverture et le sens des responsabilités de la commission de la défense sur ces questions, et dans ses rapports avec les services.

Les recrutements pour l'ensemble de la défense seront de 34 000, c'est-à-dire du même ordre qu'en 2004. Je n'en suis pas moins consciente que la multiplication des missions fait peser un certain nombre de contraintes sur les armées. Celles-ci pèsent particulièrement sur l'Armée de terre, qui assume 80 % des opérations. J'ai obtenu, depuis la rédaction de la loi de finances initiale pour 2005, que le collectif budgétaire puisse m'ouvrir 200 millions d'euros au profit de l'entraînement et des effectifs. Je tiendrai la représentation nationale informée de l'utilisation de ces moyens, dès lors que le Parlement les aura votés en loi de finances rectificative. Je pense qu'ainsi nous pourrons répondre aux besoins, même si ceux-ci n'ont rien à voir avec certains chiffres extrêmes avancés dans d'autres enceintes et dont je n'ai toujours pas compris d'où ils provenaient... Je pense ainsi pouvoir rassurer MM. Hart, Lang, Hillmeyer et Meslot.

Parallèlement, l'effort d'accompagnement de la professionnalisation se poursuit, et M.Lang a souligné les besoins en la matière. 43 millions ont été affectés au plan d'amélioration de la condition militaire, 11 au fonds de consolidation de la professionnalisation, 20 au plan d'adaptation des grades aux emplois, 12 au personnel civil - élément important du ministère de la défense, même s'il est moins connu. Il n'est pas question d'une quelconque réduction de ses effectifs, ni de ses compétences, Monsieur Boucheron. Du reste, je me rends assez souvent dans les armées pour savoir qu'il n'y a pas de difficulté relationnelle, et que chacun tient à sa place. Monsieur Hillmeyer, le prochain examen du statut des militaires nous permettra du reste d'approfondir cette question.

De même, une meilleure gestion de la réserve nous permettra de mieux répondre aux besoins. Aussi ai-je prévu 15 millions supplémentaires pour recruter 6000 nouveaux réservistes.

M. Hart l'a souligné à juste titre, l'entraînement est essentiel au maintien d'un bon niveau opérationnel des militaires, et la dotation de fonctionnement sera augmentée de 3,4%.

Je vous remercie par ailleurs de l'inscription de 100 millions pour la dotation budgétaire des OPEX. Nous n'arriverons jamais à 600 millions en loi de finances initiale, mais peut-être pouvons-nous espérer parvenir à 250 ou 300 millions. Je remercie MM. Teissier, Cornut-Gentille et Vannson d'avoir insisté sur ce point.

Par ailleurs, l'augmentation du prix du pétrole aura des répercussions sur nos crédits, aussi ai-je prévu par précaution un abondement de 20 millions pour les carburants.

Le projet de loi de finances pour 2005 poursuit la modernisation de nos outils de défense, et nous donne les moyens d'une politique économique et sociale, tout en renforçant le poids de la France sur la scène internationale.

Je rappelle que le budget de la défense est le premier budget d'investissement de l'Etat, et qu'il nous permet aussi d'être le premier recruteur de jeunes - 30 à 35 000 par an. C'est même un budget qui rapporte de l'argent à l'Etat - 2,5 milliards de TVA par an. L'économie de la défense, ce sont encore 1250 PME et 170 000 emplois directs ! M. Brunhes veut baisser, sans doute par étourderie, le budget du titre V, mais ce serait diminuer d'autant l'activité des entreprises, et partant, le nombre d'emplois !

M. Caillaud l'a rappelé, ces jeunes bénéficient aussi d'une formation professionnelle. Si certains viennent de Polytechnique, ou de Saint-Cyr, la majorité n'ont aucune qualification professionnelle. Nos centres de formation leur permettront, une fois sortis de l'armée, de bénéficier d'un savoir-faire et d'un accompagnement vers la réinsertion dans la vie civile.

L'impact économique de la défense est important, et j'ai du reste créé un prix de recherche encourageant les travaux universitaires en matière d'économie de défense.

Je souhaite enfin pourvoir la France d'une industrie d'armement compétitive, financièrement saine, à même de nouer des alliances et d'affronter la concurrence américaine ou d'Asie du sud-est. Cela sera possible à l'échelle européenne. C'est dans cet esprit que je souhaite que DCN devienne une entreprise solide, et puisse ouvrir son capital. J'ai déposé un texte en ce sens, qui viendra sans doute au moment de la loi de finances rectificative. Ce ne sera pas un amendement à la sauvette, mais un texte précédé de toutes les consultations nécessaires : le statut des personnels sera préservé, ouvriers d'Etat ou des fonctionnaires. Il faudra aussi arrvier à une industrie d'armement européenne, et je me félicite du rapprochement de la SAGEM et de la SNECMA. Je souhaite qu'il en aille de même pour la DCN et Thalès.

MM. Rivière, Hillmeyer, Meslot, Vannson, Boucheron l'ont dit, la recherche technologique de défense est essentielle : aussi ai-je augmenté sa dotation de 8 % par rapport à 2004. Même si une part est affectée au BCRD, c'est nous, grande nouveauté, qui en choisissons les programmes.

M.Vannson s'en était inquiété, mais je lui confirme que les études-amont augmenteront de 100 millions.

Au-delà de l'argent, il y a la méthode, et notre politique de démonstrateurs est particulièrement prometteuse en ce qu'elle permet de maîtriser les technologies futures tout en fédérant les industriels européens, à l'exemple du projet d'UCAV pour lequel six pays sont associés à la France.

M. Fromion a insisté à juste titre sur l'espace et les communications, domaines où les Américains font un effort considérable. J'ai demandé à un groupe de travail de se pencher sur ce sujet.

Je crois que ce budget renforce le rôle de la France sur la scène internationale et dans l'Europe de la défense. J'ai entendu M. Quilès exprimer quelques doutes à ce sujet...

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis - J'ai cité des chiffres.

Mme la Ministre - ...mais pour avoir été le témoin direct de certains événements, je sais que c'est le jour où la France a été à même de dire qu'elle allait, par la loi de programmation militaire, redresser son effort de défense que l'Europe de la défense a fait des progrès considérables. Ce n'était pas en utilisant le budget de la défense comme l'endroit où l'on piquait chaque fois que l'on voulait faire du saupoudrage quelque part que l'on pouvait convaincre nos partenaires de notre volonté d'avancer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Il y a dix ans, l'Europe de la défense était une utopie. Il y a cinq ans, c'était un beau projet entouré de beaux discours. Mais depuis deux ans et demi, c'est une réalité ! Oui, une réalité, avec ces soldats portant sur le terrain le drapeau étoilé et réussissant des opérations difficiles. Oui, l'Europe de la défense existe, car nous avons le programme A 400 M, le NH 90, le Tigre, les frégates multimissions... (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ) Parce que nous avons la cellule de planification et de développement, l'Agence européenne de la défense !

Je ne veux pas entendre dire que l'Europe de la défense serait sous la coupe de l'OTAN. Non, elle ne l'est pas et elle ne le sera pas ! L'Europe de la défense a sa propre capacité d'agir et son autonomie de décision. C'est se voiler la face, pour des raisons que je ne veux pas connaître, que de dire le contraire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis - Lisez les textes !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - La réalité est là ! Et il est significatif que la Pologne et la Hongrie soient prêtes à s'insérer dans des groupements tactiques interarmées de 1500 hommes et que la Pologne soit prête à créer une gendarmerie pour participer au projet de force de gendarmerie européenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Tout cela est bien la preuve qu'il y a une Europe de la défense.

M. Jean-Claude Lefort - La gendarmerie ne relève pas de l'OTAN !

Mme la Ministre - Vous avez raison, Monsieur Hillmeyer, de souligner l'importance de l'Agence européenne de défense. Nous en avons besoin pour coordonner notre recherche et soutenir notre industrie. Nous avons une grande ambition pour elle.

Nous devons nous réjouir de tous ces progrès car avec l'Europe de la défense, c'est la défense du territoire national qui progresse. Mais aussi notre rôle international, car si nous n'existions pas sur le plan de la défense, il n'y aurait pas autant de pays qui se tourneraient vers nous pour nous soutenir dans notre idée d'un monde plus juste et multipolaire. C'est bien parce que nous avons redressé la défense européenne que nous pouvons être entendus sur le plan diplomatique et celui de nos valeurs. Notre position a bien sûr des conséquences sur notre industrie.

Le vote de ce soir ne concerne donc pas que notre sécurité, il a aussi une dimension stratégique, diplomatique, économique et sociale. Respectant intégralement la troisième annuité de la loi de programmation militaire, ce projet de budget nous donnera, cette année encore, les moyens d'une défense cohérente, efficace et durable. L'implication du Parlement dans cette démarche est essentielle, et je vous remercie donc pour votre soutien, incluant aussi dans ces remerciements les membres de l'opposition qui, bien souvent, soutiennent mes analyses au sein de la commission de la défense.

C'est bien parce que je me suis toujours appuyée sur le Parlement que je souhaite que tout soit fait en totale transparence, que ce soit dans le cadre de la LOLF ou dans le cadre actuel. Le groupe de travail qui a été mis en route avec le Président de la commission de la défense vous permet de suivre l'usage de chaque euro. Je suis prête à l'ouvrir à la commission des finances, si elle le souhaite, car je n'ai rien à cacher, la Défense n'a rien à cacher. D'une façon générale, je suis prête à étudier tous les moyens d'arriver à la plus grande transparence possible.

Je sais en effet que nous partageons tous un même souci : nous donner les moyens d'agir pour la France et pour la paix. Alors, ce soir, il ne s'agit pas seulement de voter le budget de mon ministère. Il s'agit d'accompagner tous ensemble l'effort de défense consenti par la nation pour la sécurité des Français. Je vous soumets ce projet de budget parce que je pense qu'il est bon et parce que je pense que nous le devons à nos soldats et à la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UM et du groupe UDF)

QUESTIONS

M. Francis Hillmeyer - Je vous remercie tout d'abord de votre réponse encourageante, Madame la Ministre.

La question que je souhaite vous poser en mon nom et en celui de M. Lassalle, retenu, concerne le programme de construction et de rénovation des casernes de gendarmerie. Trop de gendarmes sont encore logés dans des conditions indignes de la qualité de leur travail, et qui nuisent à leur moral. Le précédent Gouvernement porte à cet égard une responsabilité incontestable, l'immobilier ayant souvent servi de variable d'ajustement comme du reste les crédits d'équipement. Chacun se souvient d'ailleurs des manifestations de gendarmes.

Aujourd'hui, plus du tiers des casernes sont classées comme vétustes, et force est de constater que l'on n'a pas rattrapé le retard pris dans la construction de nouvelles casernes. C'est le cas à Pont-Ademer dans l'Eure, dans la circonscription d'Hervé Morin, ou encore à Urdos, chez Jean Lassalle. Les zones rurales sont particulièrement pénalisées par ces retards. L'Etat se doit pourtant d'assumer également ses fonctions régaliennes sur l'ensemble du territoire. Comment comptez-vous donc, Madame la Ministre, rattraper le retard pris, assurer des conditions de vie décentes à tous nos gendarmes et garantir à tous nos concitoyens le même droit à la sécurité, qu'ils habitent Paris ou Urdos.

Mme la Ministre - Nous avons voulu tenir compte de la politique de redéploiement concernant la police et la gendarmerie et de la réorganisation des communautés de brigades. Pour essayer d'accélérer les choses, nous proposons chaque fois que les collectivités locales prennent en charge la construction et reçoivent un loyer. Si c'est l'Etat qui construit, il faut évidemment une programmation sur plusieurs années, car il y a beaucoup de demandes. Dans la solution que je préconise, les collectivités locales font l'investissement mais elles reçoivent une aide pour cela, du conseil général notamment, et perçoivent ensuite de la gendarmerie un loyer qui compense largement l'emprunt qu'elles ont pu souscrire.

M. Jean-Louis Dumont - Pas largement.

M. Jean-Claude Sandrier - GIAT Industries subit les effets d'une politique de marchandisation des productions d'armement, plus soucieuse du niveau de rendement des dividendes que de l'indépendance de notre pays. Les choix faits depuis quinze ans ont amené l'entreprise à sa perte (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et les syndicats unanimes ont rejeté les nouvelles mesures de restructuration. Ils viennent à nouveau de tirer la sonnette d'alarme.

L'entreprise peut de moins en moins assurer les livraisons prévues. A cela s'ajoutent les retards de commandes de l'Etat. Quant à la politique de reclassement, elle est en échec. Et c'est l'expression d'une grande faiblesse que de vouloir rendre les syndicats coupables d'une situation dont la responsabilité vous incombe entièrement (Protestations sur les bancs du groupe UMP) !

Pour sauver Giat, êtes-vous prête à arrêter les achats sur étagères, à réorienter sur cinq ans un certain pourcentage du budget vers l'armement terrestre, à donner à Giat la maîtrise complète sur toutes les armes et matériels terrestres ? Et pour ce faire à embaucher, à passer davantage de commandes pluriannuelles, à travailler à une véritable préférence communautaire, à engager sur cette base des coopérations européennes qui ne soient pas capitalistiques, à constituer un pôle public de l'armement incluant Giat, enfin à répondre favorablement à la demande de tous les syndicats de la tenue d'une table ronde industrielle ?

Mme la Ministre - Quand je suis arrivée, on m'a conseillé de fermer Giat, compte tenu des déficits et du fait que les carnets de commandes s'arrêtaient en 2005... Je ne l'ai pas voulu, et nous avons donc essayé de rendre l'entreprise viable, tout en faisant en sorte de reclasser les personnels, que ce soit dans la fonction publique d'Etat ou locale, ou dans des entreprises nouvelles. On ne peut pas faire vivre une entreprise d'armement en vase clos, pour ne fournir qu'un seul pays : il faut aussi exporter.

Il n'y a pas de retards de commande, mais des retards de livraison. Non, le reclassement n'est pas un échec : le nombre de postes proposés a été supérieur au nombre de personnes à reclasser. Quant à l'idée d'alliances européennes non capitalistiques, vous irez l'expliquer à nos partenaires allemands ou anglais (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Hugon - Ma question portait sur les effectifs de l'armée de terre, mais dans votre intervention, Madame le Ministre, vous avez entièrement répondu à mes interrogations, ce dont je vous remercie.

Mme Marguerite Lamour - Je me félicite qu'en dépit d'un contexte budgétaire contraint, les engagements pris dans la loi de programmation militaire soient respectés.

Députée de Brest Rural, circonscription qui, comme son nom ne l'indique pas, est très navale, je souhaite vous poser plusieurs questions. Pouvez-vous me rassurer sur la construction du second porte-avions et sur la part qu'y prendra Brest ?

Concernant l'ouverture du capital de DCN, vous vous êtes engagée à préserver les statuts des personnels. Pouvez-vous me confirmer les propos que vous avez tenus lors du salon Euronaval ?

Enfin, je souhaite que la réforme du statut général des militaires, qui viendra bientôt devant le Parlement, ne prive pas les marins des appellations auxquelles ils sont attachés en terme de grade ; je vous réinterrogerai sur ce sujet le moment venu.

Mme la Ministre - Je vous remercie de votre question, qui me donne l'occasion de répondre à ceux qui m'avaient interrogée sur le porte-avions, ce que j'avais omis de faire.

Bien entendu, le porte-avions va être construit. Il doit être fait en 2012, avant le grand IPER du Charles-de-Gaulle. Il n'a jamais été question que nous fassions un seul porte-avions avec les Britanniques ; nous faisons les porte-avions qui correspondent à nos besoins, et nous collaborons avec eux autant que possible. Les études de définition du porte-avions vont commencer en 2005 - 50 millions sont inscrits au budget à ce titre. Où ce porte-avions va-t-il se faire ? Les industriels le diront.

Quant à DCN, sa transformation en entreprise est une réussite. Ouvrir son capital, c'est à la fois reconnaître cette réussite et lui donner de nouvelles possibilités pour l'avenir, notamment au niveau européen, mais les personnels garderont le statut qu'ils ont aujourd'hui, que ce soit celui d'ouvrier d'Etat ou celui de fonctionnaire.

Enfin, les marins doivent être rassurés. Saint-Jean-de-Luz est aussi un port...

Mme Valérie Pecresse - Madame la ministre, je veux d'abord vous remercier de votre réponse sur GIAT, dont le siège se trouve dans ma circonscription. Nous sommes très sensibles à votre implication personnelle dans le sauvetage de cette grande entreprise.

Beaucoup de choses ont déjà été dites sur le sujet que je voulais évoquer, le logement des gendarmes. Il importe d'assurer à ceux-ci le confort qu'ils sont en droit d'attendre en contrepartie de leur obligation de résidence et au regard de l'importance de leur mission. La qualité de leur engagement personnel, c'est humain, dépend en partie de leurs conditions de vie.

Dans ma circonscription, sur le site de Versailles-Satory, la légion de gendarmerie mobile d'Ile-de-France dispose de cinq quartiers domaniaux. Ce patrimoine immobilier est en partie obsolète, et à l'horizon 2013, il faudra réaliser 250 logements supplémentaires.

La gendarmerie nationale dispose sur le plateau de Satory d'un terrain de 26 000 mètres carrés, qui permettrait la construction de logements. Je vous demande de déclarer prioritaire cette opération, afin que les crédits nécessaires soient dégagés dans les meilleurs délais.

Mme la Ministre - Pour avoir visité des locaux de gendarmerie, je sais que les gendarmes vivent parfois dans des conditions extrêmement difficiles. Le projet de Satory est actuellement étudié par la Direction générale de la gendarmerie nationale. Dès à présent, la location de trente logements a été autorisée et la construction de 90 logements devrait pouvoir être lancée en 2006.

M. Marc Reymann - L'Assemblée interparlementaire européenne de sécurité et de défense, autrement dit l'assemblée de l'UEO, composée de 28 pays, est la seule enceinte dans laquelle des parlementaires nationaux peuvent suivre les questions de sécurité et de défense. Elle maintient un dialogue étroit avec la Fédération de Russie et avec ses anciens pays satellites. Son expérience, la qualité de ses travaux et son caractère interparlementaire font de cette assemblée un modèle à suivre pour la future structure de participation collective des parlements nationaux à l'Union européenne. Comment concevez-vous l'articulation entre l'assemblée de l'UEO et les nouveaux pouvoirs qui devraient incomber au Parlement européen en matière de défense ?

Mme la Ministre - C'est vrai, l'assemblée de l'UEO est actuellement la seule enceinte parlementaire pleinement compétente pour les questions de sécurité et de défense. Quelle que soit l'évolution de l'Union européenne, elle conservera toute sa pertinence tant que l'équilibre institutionnel entre les organes de l'Union et le Parlement demeurera ce qu'il est. Lorsque le nouveau traité constitutionnel, qui comporte une clause de défense mutuelle rendant caduque celle du traité de Bruxelles, entrera en vigueur, comme nous l'espérons, il faudra peut-être reconsidérer la situation. Pour le moment, la remise en cause du rôle de l'assemblée de l'UEO n'est pas à l'ordre du jour. Je me suis rendue à plusieurs reprises dans cette enceinte, dont je suis les travaux, souvent originaux, avec beaucoup d'intérêt.

M. le Président - J'appelle les crédits du ministère de la défense ouverts aux articles 48 et 49.

L'article 48, mis aux voix, est adopté

ARTICLE 49

TITRE V

M. Yves Fromion - Mon amendement 139 n'a pas vocation à aller plus loin que la fin de mon intervention. Je vais déclencher dans l'assemblée beaucoup de regrets, je le sais (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C'est le moyen que j'ai trouvé pour évoquer à nouveau la tension que subissent les effectifs de l'armée de terre, et pour exprimer à nos soldats le sentiment de proximité que nous éprouvons à leur égard, alors qu'ils font face, en Côte-d'Ivoire, en Afghanistan et ailleurs, à des situations difficiles. J'ai déniché, sur une ligne budgétaire assez obscure, un chapitre « munitions » comportant une dotation de 33 millions destinée en fait à contribuer au financement du plan social de GIAT-Industries. Il m'est apparu singulier de faire en sorte que d'un côté, ce qui est normal, ce plan social soit mis en œuvre, mais que de l'autre nos soldats puissent penser qu'ils n'avaient pas droit à la même sollicitude de la part de la représentation nationale. Le plan social de GIAT comporte une enveloppe de 600 millions, ce qui représente 176 000 euros pour chacun des 3 400 salariés concernés. La nation n'est donc pas indifférente au sort de GIAT Industries, et paie cher la possibilité qui lui est offerte d'évoluer.

Les 33 millions que je me proposais de vous faire économiser, Madame la ministre, nous allons les laisser là où ils sont, et où ils ne sont pas mal. Je me suis démené, vous le savez, pour préserver l'avenir de GIAT, auquel nous tenons tous. Mais je voulais montrer que le Parlement est capable de distinguer entre des situations qui ne sont pas comparables, et vous fournir l'occasion d'assurer, comme vous venez de le faire, que l'armée de terre n'aura pas à subir les contraintes budgétaires que certains avaient cru apercevoir. Je vous remercie, au nom de la majorité et au nom de tous nos soldats. Bien entendu, je retire mon amendement.

M. Jean-Louis Dumont - Ce soir, tant la ministre que la représentation nationale ont su rendre un hommage unanime aux armes de la France et surtout aux hommes qui, dans des conditions difficiles, servent la paix jusqu'à parfois y laisser leur vie. Or, la France a contracté une dette d'honneur qu'elle doit solder. Si elle a levé la cristallisation des pensions, j'appelle votre attention sur le fait que M. Wade, président du Sénégal, a le 23 août, avec de nombreux chefs d'Etat africains, inauguré la journée du tirailleur sénégalais. La France doit répondre à un souhait exprimé non seulement par ceux qui ont servi ses armes, qui ont participé à la Libération (Murmures sur les bancs du groupe UMP) ...

M. Charles Cova - Le budget des Anciens combattants, c'est jeudi !

M. Jean-Louis Dumont - Le Président de la République s'est exprimé sur ce point lors du soixantième anniversaire de la libération de Toulon. Puisque le ministère de la défense a la tutelle du ministère délégué aux Anciens combattants (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) ...

M. le Président - Veuillez conclure très rapidement !

M. Jean-Louis Dumont - Une mesure fait l'unanimité dans le monde combattant, c'est l'attribution de la rente viagère du combattant (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) à tous ceux qui ont combattu sous les armes de la France.

Les crédits inscrits au titre V et au titre VI, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 49, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la défense.

Prochaine séance mercredi 17 novembre à 15 heures.

La séance est levée à 23 heures 55.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 17 NOVEMBRE 2004

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement

2. Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800).

Rapport (n° 1863) de M. Gilles CARREZ, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Emploi, travail, cohésion sociale et égalité professionnelle ; articles 74 et 76

- Action sociale, lutte contre l'exclusion et ville

Avis (n° 1864 tome 2) de M. Jean-Marie ROLLAND, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

- Solidarité

Rapport spécial (n° 1863 annexe 4) de Mme Marie-Hélène DES ESGAULX, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

- Travail

Rapport spécial (n° 1863 annexe 7) de M. Alain JOYANDET, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Avis (n° 1864 tome 4) de M. Maurice GIRO, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

A VINGT DEUX HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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