Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2004-2005)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 25ème jour de séance, 60ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 17 NOVEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2005
      -deuxième partie- (suite) 2

      EMPLOI, TRAVAIL, COHÉSION SOCIALE
      ET ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE (suite) 2

      QUESTIONS 3

      ETAT B 11

      TITRE III 11

      APRÈS L'ART. 74 16

      ART. 76 17

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 18 NOVEMBRE 2004 18

La séance est ouverte à vingt-deux heures.

LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005.

EMPLOI, TRAVAIL, COHÉSION SOCIALE
ET ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE (suite)

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle - Si nos ministères sont distincts, les budgets du pôle social et de l'égalité professionnelle font partie du même champ gouvernemental et permettent de souligner l'extrême convergence de nos politiques en la matière. La France en effet s'engage en faveur de l'égalité, avec ses entreprises, ses élus et ses forces vives. Cette nouvelle dynamique entre les femmes et les hommes constitue un gage de modernité, une modernité porteuse de changements sociétaux et de performance économique qui placera la France à l'avant-garde dans le monde et contribuera à renforcer son modèle social. C'est dire l'importance de ce budget en termes d'effet levier, et c'est donc aussi souligner son caractère paradoxal, si l'on place en regard de cette ambition l'enveloppe proprement dite. Les efforts des gestionnaires de ces crédits pour en rationaliser l'emploi nous ont amenés à une sorte d'étiage : les crédits d'intervention restent au même niveau qu'en 2004, soit 17 millions. Au-delà des mesures spécifiques d'égalité, ils serviront à consolider toute une démarche qui rassemble, dans le cadre de la charte nationale de l'égalité, de très nombreux acteurs, tant au niveau central que local.

Les enjeux sont considérables. La politique d'égalité doit innerver tous les secteurs d'activité et toutes les composantes de la société. Ses grands champs d'action sont la parité et l'accès des femmes aux postes de responsabilité, l'égalité salariale, le respect de la dignité, la lutte contre les violences et l'articulation entre vie familiale et professionnelle, tant pour les hommes que pour les femmes. Je voudrais d'ailleurs remercier Frédéric Reiss et Mansour Kamardine pour leur intervention à cet égard. Dans le montant global des crédits, 75% seront délégué aux régions et près d'un tiers consacrés aux actions en faveur de l'égalité. Celles-ci sont résolument tournées vers les entreprises. Il s'agit notamment des contrats d'égalité ou de mixité, mais aussi du fonds de garantie pour le soutien de la création d'entreprise par des femmes. Au moment où nous pouvons nous réjouir de l'essor de l'initiative économique dans notre pays, il est important de dépasser au plus vite le seuil de 28% de créatrices d'entreprise.

Dès la fin de l'année, les premiers « labels égalité » seront décernés aux entreprises qui s'engagent résolument sur la voie de l'égalité, qui considèrent qu'il ne s'agit pas seulement d'une valeur sociale, mais aussi d'une dynamique de croissance et d'emploi. Cette opération n'emporte pas de coût budgétaire, en dehors des opérations de promotion. Pour la première fois, les partenaires sociaux se sont engagés dans ce domaine, en mars à travers un accord signé à l'unanimité et aujourd'hui en m'accompagnant dans un tour de France pour promouvoir cette démarche auprès des entreprises. Ils le font aussi dans les négociations sur l'égalité salariale ou la réconciliation de la maternité et de l'emploi. Il y a en effet urgence à agir. Une urgence démocratique d'abord : alors que le pays a besoin de tous ses talents, il est impensable que la France moderne se prive de la performance au féminin. Une urgence économique ensuite, car le retournement démographique auquel nous allons être confrontés rendra plus que jamais nécessaire cette dynamique créatrice de richesse que génère le partage des responsabilités entre hommes et femmes. Une urgence sociale enfin, car la politique d'égalité professionnelle dépasse de très loin les relations entre les hommes et les femmes. Elle ouvre de nouvelles perspectives sur l'ensemble de l'organisation et des conditions du travail - la mixité des postes a déjà eu des conséquences considérables dans le domaine de l'ergonomie par exemple - et dans le champ du management et de l'environnement social de l'entreprise, en permettant par exemple de mieux prendre en compte la parentalité.

Dans tous les autres domaines d'action, nous sommes en lien direct avec les associations. Beaucoup plus que des exécutants, ou une simple interface entre les politiques publiques et le terrain, elles sont devenues les partenaires de l'action publique, au stade de la réflexion comme de l'exécution. Je rends hommage à ces spécialistes du champ de l'intelligence et du cœur, qui accomplissent un travail irremplaçable. Encore faut-il que nous puissions les soutenir ! Pour l'ensemble des actions que nous menons contre les violences faites aux femmes - comment accepter que six femmes par mois meurent, en France, de violences conjugales ? - les mariages forcés ou pour l'accueil et l'information des femmes, nous comptons sur la force et le talent des associations. Elles assument admirablement cette mission qui relève autant du service public que du bénévolat. Lorsqu'il convient de porter la voix de la France au-delà de nos frontières, les associations sont aussi présentes, en ce qui concerne les droits des femmes dans le monde notamment. Dans quelques semaines par exemple, à la conférence de « Pékin + 10 », les associations et les ONG aideront la France à porter haut les couleurs de l'égalité. Enfin, le travail des associations est également essentiel dans le domaine de la santé, qu'elles s'occupent du vieillissement ou du sida par exemple.

Les crédits qui vous sont proposés permettent de donner un prolongement à ces actions essentielles. Si l'efficacité de ce ministère ne doit pas se mesurer au montant de ses crédits, il est néanmoins nécessaire de les consolider. Je demande à l'ensemble des élus de nous aider à ce que l'égalité, sous toutes ses formes, puisse passer d'un droit proclamé à une réalité vécue au quotidien. Il me semble également utile que le Parlement suive très précisément les efforts accomplis par les différents ministères en matière de parité, dans le cadre de la LOLF, et qu'un document transversal lui soit présenté chaque année à cet effet. Je remercie Mme des Esgaulx de son soutien à ce propos. Le budget que j'ai l'honneur de vous présenter contribue à cette ambition et je vous demande de l'approuver sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

QUESTIONS

M. Pierre Cardo - La réforme de la dotation de solidarité urbaine devrait permettre d'en augmenter considérablement le montant, sur cinq ans, pour les villes qui ont le plus de difficultés. Mais elle n'atteindra son plein effet que dans cinq ans. La ligne budgétaire qui bénéficiait aux villes en « grand projet de ville » et leur permettait de faire face à leurs frais de fonctionnement, en cas de situation financière exceptionnellement difficile, sera cependant supprimée dès cette année. Compte tenu de l'effort que vous effectuez en faveur de la DSU, cette suppression est parfaitement légitime, mais que se passera-t-il durant la période transitoire ? Les villes concernées ne sont pas très nombreuses, mais ces crédits leur sont indispensables.

La chute de cette ligne budgétaire - nette et définitive - ne va-t-elle pas entraîner une perte de recettes globale l'année prochaine, que la montée en puissance de la DSU serait impuissante à compenser ? Des dispositions transitoires d'accompagnement sont-elles envisageables ? Etes-vous en mesure de nous donner des précisions pour nous permettre d'obtenir des banques de nouvelles marges de manœuvre dans la négociation de nos budgets ? Elles ont besoin, en tant que financeurs, de disposer de perspectives claires et la préparation de nos budgets en dépend.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion - Si le chapitre budgétaire 46-60.40, auparavant destiné au soutien des communes en grande difficulté, n'est pas abondé cette année, le plan de cohésion sociale de M. Borloo introduit une mesure ambitieuse qui le remplace très avantageusement...

M. Pierre Cardo - C'est vrai.

Mme la Ministre déléguée - ...en proposant une importante réforme de la DSU. Adopté au Sénat sans aucun vote contraire, ce projet est à la fois audacieux et équilibré. Audacieux parce qu'il va concentrer cette augmentation sur les communes les plus en difficulté, dont plusieurs d'entre vous êtes maires, et notamment vers celles qui présentent une proportion importante de leur population en ZUS et en ZFU. Mais il est aussi équilibré, puisque toutes les communes éligibles à la DSU bénéficieront d'une garantie de progression annuelle minimale de 5%. La réforme sera financée sur la marge de progression de la DGF, alors que la dynamique de l'intercommunalité requiert moins que par le passé la mobilisation de cette marge. Une clause de sauvegarde permettant d'assurer l'équilibre financier du système a été adoptée par le Sénat sur la proposition du Gouvernement.

Au final, on passe d'une dotation budgétaire annuelle, soumise à régulation et abondée - les meilleures années - à hauteur de 30 millions, à une dotation libre d'affectation dont l'enveloppe évoluera en cinq ans de 600 millions à 1,2 milliard. Si le Parlement l'adopte, la réforme sera directement appliquée dès l'année prochaine et, compte tenu du changement d'échelle des masses financières en cause, aucun problème de transition n'est à redouter. Jamais, ces dernières années, un gouvernement n'avait envisagé l'égalité des chances entre les territoires de manière aussi ambitieuse.

M. Jacques Remiller - Ma question sera courte mais elle porte sur un sujet important. Le 11 juin dernier, notre Assemblée a adopté le projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des rapatriés, lequel prévoit une aide financière pour les anciens harkis et membres des forces supplétives, pour les rapatriés bénéficiaires des lois d'indemnisation, ainsi que pour les exilés ayant dû renoncer à leur activité professionnelle dans le secteur privé en raison des événements d'Algérie.

Alors que ce texte est en passe d'être examiné par le Sénat, quelles sont les dispositions prévues dans votre budget pour venir en aide à nos compatriotes ?

Mme la ministre déléguée - Dans la droite ligne de ceux qui l'ont précédé en 1987 et en 1994, le gouvernement actuel conduit depuis deux ans une politique active en faveur de nos compatriotes rapatriés. Conscients des difficultés qu'éprouvaient les anciens harkis et membres des formations supplétives pour fournir des titres de propriété, les pouvoirs publics ont décidé en 1987 d'instituer à leur profit une allocation spécifique forfaitaire de 9147 €. La loi du 11 juin 1994 a créé une nouvelle allocation de 16 769 € et diverses mesures en faveur du logement, notamment une aide de 12 196 € pour l'accession à la propriété. En vue de compléter ces mesures d'indemnisation, le Gouvernement a institué en janvier 2003 - conformément aux engagements pris par le Président de la République - une allocation de reconnaissance pour honorer l'engagement de ces anciens combattants. Cette allocation a été revalorisée au 1er janvier 2004 de 33%, pour être portée à 1 830 euros par an.

Le projet de loi en cours de discussion au Parlement propose une nouvelle avancée spécifique en faveur des anciens combattants harkis et membres des formations supplétives, qui pourront opter soit pour la revalorisation de l'allocation de reconnaissance portée à 2 800 € par an, soit pour le maintien de l'allocation de reconnaissance à 1 830 € par an et le versement d'un capital de 20 000 €, soit, enfin, pour le versement, en lieu et place de l'allocation, d'un capital de 30 000 €.

Je puis vous assurer de notre volonté de poursuivre résolument notre effort en faveur des rapatriés de toutes origines, et je vous confirme que l'engagement de l'Etat sur ce projet de loi est de près d'un milliard d'euros, la première tranche prévue pour l'exercice 2005 devant vous être présentée dans le cadre de la LFR pour 2004.

M. Pierre Cardo - Madame la ministre, je vous pose cette question au nom de Mme Françoise de Panafieu, empêchée d'être parmi nous ce soir.

Dans le 17e arrondissement de Paris, l'immeuble du 71 boulevard Pereire héberge un centre d'accueil pour personnes sans domicile fixe géré par l'association Emmaüs. Vétustes et ne répondant pas aux normes en vigueur, les locaux de la structure sont tellement délabrés que l'équipe d'accueillants ne peut exercer sa mission dans des conditions décentes. Naturellement, elle souffre beaucoup de cette situation mais parvient tout de même à accomplir un travail de terrain tout à fait remarquable.

Le centre est situé dans un ensemble immobilier appartenant au ministère de l'économie et des finances, et, au cours d'une réunion interministérielle récente, il a été pris acte de la décision de le réhabiliter et de prolonger sa mise à disposition au profit d'Emmaüs.

Où en est ce projet techniquement complexe car mettant en jeu plusieurs financeurs? Dans quel délai pourrait-il aboutir, afin qu'Emmaüs puisse agir dans un cadre digne de sa vocation ?

Mme la Ministre déléguée - Depuis décembre 1993, les locaux du 71 boulevard Pereire, propriété du ministère de l'économie et des finances, ont en effet été mis à la disposition de l'association Emmaüs pour la mise en place d'une structure d'hébergement d'urgence de 150 places. Comme vous le soulignez, l'opération décidée est complexe, du fait de contraintes architecturales liées au classement de la façade du bâtiment et de la nécessité de maintenir les capacités d'accueil pendant la durée des travaux compte tenu de la tension du dispositif d'hébergement sur la capitale - notamment pendant la période hivernale.

Ces impératifs entraînent des surcoûts importants, qui ont nécessité la définition d'un nouveau projet. Soyez assuré que nous conjuguons tous nos efforts pour qu'il soit finalisé avant la fin de 2005. J'associerai Mme de Panafieu à la mise au point de l'ensemble du dossier technique au tout début de l'année prochaine et je confirme que ce dossier est prioritaire pour le ministre d'Etat, ministre de l'économie et des finances, pour le ministre délégué au logement et à la ville et pour moi-même.

M. Pierre Cardo - Mme de Panafieu va être contente !

M. Michel Liebgott - Je pose cette question au nom de Mme Martine Lignières-Cassou, malheureusement retenue dans sa circonscription.

Monsieur Larcher, votre collègue Jean-François Lamour a exposé devant notre commission des finances le 27 octobre dernier sa vision du nouveau fonctionnement de la délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale. Je rappelle que l'économie sociale représente environ quatre millions d'emplois, et c'est pourquoi nous avons été heurtés par la manière à la fois énigmatique et cavalière dont M. Lamour a indiqué à notre collègue Geneviève Perrin-Gaillard que la DIES était placée sous son autorité pour le champ « vie associative » et qu'elle relevait de votre compétence pour ce qui concerne l'économie sociale. Au demeurant, l'ensemble des crédits de la DIES ont été transférés au budget de M. Lamour. Notre inquiétude tient au fait que l'ensemble des crédits dévolus au soutien de la vie associative sont en baisse : nous craignons que les dotations de la DIES ne soient siphonnées.

Comment, d'ailleurs, allez-vous faire pour animer l'économie sociale sans autorité sur le personnel et sur les crédits de la DIES ? Nous connaissons votre attachement à l'économie sociale mais nous doutons qu'il soit partagé par M. Lamour, dont la vision de l'insertion semble plus restrictive.

Enfin, M. Lamour a fait état d'un débat interministériel sur le devenir de la DIES. Quel sera le devenir de cette délégation : sera-t-elle placée auprès du Premier ministre comme le souhaitent les trois familles qui composent l'économie sociale - associations, mutuelles et coopératives - ou démantelée ? Dans cette dernière hypothèse, que deviendra le personnel ?

Je tiens à indiquer que je partage les préoccupations de M. Cardo sur l'évolution de la DSU commune par commune, par rapport à la subvention exceptionnelle pour 2004.

Mme la Ministre déléguée - S'agissant de votre dernière observation, je vous confirme que oui, la DSU sera sensiblement augmentée pour compenser - et au-delà - le non abondement du chapitre 46-60-40.

La délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale est rattachée au ministère du travail pour les secteurs de l'économie sociale et au ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative pour l'exercice de ses compétences en matière associative. Ce double rattachement traduit la volonté du Gouvernement de la préserver et de consacrer ses missions d'animation, de promotion et de coordination de l'économie sociale dans son ensemble. Les crédits qu'elle gère seront en effet transférés en 2005 au ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative et, sans préjuger de ce que vous dira M. Lamour, je peux vous informer que les priorités de la DIES sont les suivantes : soutenir les réseaux de l'économie sociale et solidaire, soutenir la politique territoriale de l'Etat à l'échelon local au travers des CPER, des programmes complémentaires régionaux et des conventions pluriannuelles d'objectifs avec le réseau consulaire, assurer le financement de la protection sociale des volontaires civils.

De plus, figurent dans le projet de cohésion sociale une augmentation de 35% des postes financés dans les entreprises d'insertion, leur nombre passant de 11 000 à 15 000 en trois ans, l'amélioration des dispositifs d'aide à l'accompagnement des associations intermédiaires, puisque 56% seulement en bénéficient aujourd'hui, la création d'une aide à l'accompagnement dans les chantiers d'insertion, un doublement de la dotation aux fonds départementaux d'insertion, les conseils généraux maintenant, je l'espère, leur subvention. Le coût de ce programme s'élève à 66 millions en 2005 et atteindra 428 millions sur toute la durée du plan.

M. Francis Hillmeyer - Je lance un cri d'alarme : l'Alsace, et en particulier mon département, sont aux prises avec une situation de plus en plus difficile dans le domaine de l'économie, et donc de l'emploi. Longtemps le secteur tertiaire avait permis de compenser le déclin des emplois industriels dans le Haut-Rhin, en particulier le textile, l'habillement, les équipements mécaniques, dont la rentabilité se dégrade fortement. Nous aurions perdu en un an 2504 emplois industriels, et encore 748 au premier trimestre de cette année. Dans le bassin potassique mulhousien, le taux de chômage est plus élevé que la moyenne nationale. A ces pertes énormes s'ajoutent celles qui frappent les industries allemandes et surtout suisses, qui licencient à tour de bras les travailleurs frontaliers, ce qui entraîne d'importantes difficultés en Alsace du sud. Longtemps l'Alsace a été considérée comme un petit Eldorado, et notre région était, après l'Ile-de-France et Paris, la région la plus contributrice de France. Je ne pense pas que le phénomène soit inéluctable, mais je m'interroge de plus en plus gravement sur le décalage croissant qui s'est fait jour dans l'emploi industriel entre l'activité en France et celle de l'Allemagne ou de l'Italie. En effet, la part de la main-d'œuvre industrielle est tombée à 14% chez nous alors qu'elle est de 22% en Allemagne et de 24% en Italie, même si la DATAR estime que la France ne se trouve pas en voie de désindustrialisation. J'aimerais que votre budget comporte des éléments dynamiques, propres à redonner l'espoir aux entrepreneurs et aux salariés. Or, je ne les aperçois pas clairement. L'absence de réponses à mes nombreuses questions écrites n'est pas de nature à me rassurer. Qu'allez-vous faire pour l'Alsace et pour le Haut-Rhin ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Nous sommes conscients de la détérioration particulière de l'emploi en Alsace et dans le Haut-Rhin, et des conséquences récentes de la situation allemande, qui entraînent la perte de milliers d'emplois. Une mission dirigée par Bernard Durieux a récemment enquêté en Alsace et dans votre département, ce qui prouve que nous avons pleine conscience du problème. Jean-Louis Borloo et l'ensemble des ministres du pôle de cohésion ont effectué leur première visite dans votre région. C'est vrai, en dépit des atouts qu'elle conserve, l'Alsace n'est pas l'Eldorado que certains imaginent. Vous connaissez l'effort d'accompagnement social déployé par l'Etat, par exemple avec les préretraites progressives en vigueur chez Rhodia. Nous cherchons à saisir toutes les opportunités pour relancer l'emploi, car le traitement social ne suffit pas. Il faut trouver de nouvelles activités. L'ANPE est particulièrement active et efficace dans votre région. Nous tenons compte de l'accélération de la hausse du chômage en Alsace, et nous remettons les dispositifs à niveau en conséquence. Le plan de cohésion sociale combinera les mesures d'aide au retour à l'emploi et le développement économique et industriel. Comme vous, je ne considère pas qu'un taux de chômage de 14% soit une fatalité. C'est par les pôles de compétitivité, par des projets de développement, que nous pourrons conjurer le déclin industriel de notre pays, auquel je ne crois pas. Je crois à la volonté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Asensi - Je salue les mesures prises par le ministre Borloo dans le domaine du renouvellement urbain, pour aider les territoires en totale déshérence sociale et urbaine. Force est de constater qu'il est bien seul sur le front de la fracture sociale. En effet, depuis deux ans, la précarisation de l'emploi s'accélère, dans une offensive généralisée en France et en Europe. Le Gouvernement a annulé les lois les plus favorables aux salariés, supprimé les emplois jeunes et inventé le RMA, un minimum social versé aux employeurs pour embaucher des salariés au rabais. Dès le début de l'année, au nom de la défense de l'emploi, le rapport de Virville suggérait le contrat de projet, véritable Bible du cadre jetable. Le rapport Camdessus en rajoute pour casser la rigidité que représente à son avis le CDI, évoquant la création d'un contrat unique et naturellement flexible qui représenterait un déni absolu de droits et de garanties pour les jeunes salariés. Le Gouvernement engage ainsi le détricotage du code du travail, auquel vient de s'en prendre M. Seillière et dont la réforme serait jugée prioritaire par 55% des chefs d'entreprise. Le Gouvernement s'engage délibérément du côté du plus fort, oubliant que, selon Lacordaire...

M. Christian Vanneste - Un grand écrivain catholique !

M. François Asensi - ...« entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère ». Le traité constitutionnel européen substitue le simple droit de travailler au droit au travail inscrit dans le préambule de notre constitution. Quel est le droit qui aura force de loi dans notre pays ? Comment parler de cohésion sociale quand on cherche à vider le code du travail des garanties qu'il offre aux salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Ministre délégué - Vous critiquez le RMA. Pourtant, parmi les pays qui réussissent le mieux à réinsérer les exclus de longue durée, souvent issus de l'immigration, se trouve le Danemark, où 60% de ces contrats de retour à l'emploi s'appuient sur les entreprises. N'opposez pas les entreprises, qui seraient le mal absolu, aux emplois du secteur non-marchand, qui serait la panacée. Il faut raisonner non pas idéologiquement, mais au plus près des faits. Les entreprises doivent se sentir des responsabilités plus grandes à l'égard de ceux qui sont durablement exclus de l'emploi.

Le projet de cohésion sociale apportera un ensemble de réponses aux difficultés que nous traversons depuis longtemps, et qui nous ont conduits en vingt ans de 1,5 million d'exclus de l'emploi à 4 millions. S'agissant du contrat de travail, rapport ne signifie pas décision, qu'il s'appelle de Virville ou Camdessus. Mais les différentes formes de contrat de travail sont au cœur des relations entre les partenaires sociaux, dans lesquelles le législateur ne peut pas intervenir de façon unilatérale. Le Gouvernement , vous le savez, est attaché au dialogue social, là comme ailleurs. Non, nous n'avons pas vidé le code du travail de ses garanties essentielles. Offrir à ceux qui n'avaient que deux mois d'indemnité un droit au reclassement qui fait d'eux des stagiaires de la formation professionnelle pendant huit mois, n'est-ce pas une avancée en direction des salariés ? Pour autant, le code du travail n'est pas intangible. Il doit s'adapter aux réalités économiques,par le dialogue social (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Ceux qui laissent croire que nous dynamiterions le code du travail se trompent lourdement, ou ne connaissent rien à la balistique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - C'est vous qui n'y connaissez rien. Moi, au moins, j'ai été délégué du personnel, et j'ai même été licencié par un ministre du travail, Gilbert Grandval. Vous, vous n'avez jamais été confronté à cela !

L'avancée qu'a représentée en 1946 la création d'une médecine du travail fondée sur la prévention, financée par les employeurs et contrôlée par les salariés, n'a rien perdu de son actualité, au contraire, comme le montre la multiplication des maladies professionnelles et des accidents du travail. Le scandale de l'amiante et aussi celui, prévisible, des éthers de glycol, viennent malheureusement nous le rappeler.

En raison de l'ampleur de ces scandales, l'organisation de la médecine du travail est devenue une question de santé publique tout à fait cruciale. Ces médecins doivent avoir plus que jamais pour première mission la prévention : il faut qu'ils puissent déterminer les risques encourus par les salariés et proposer des aménagements propres à atténuer ou à éliminer ces risques - ce qui suppose qu'ils jouissent d'une totale indépendance.

Malheureusement, nous sommes bien loin de cet idéal avec les visites dites d'aptitude : ainsi tous les salariés victimes de l'amiante avaient été déclarés aptes à occuper leur poste de travail ! Recourir à la notion de « non contre-indication » ne changera rien : bien des employeurs considèrent le certificat d'aptitude comme un blanc-seing, comme une assurance...

A cela s'ajoute une démographie médicale très défavorable. La situation va encore empirer avec les nombreux départs à la retraite prévus pour 2007. Actuellement, on compte moins de 6 000 médecins spécialisés dans la médecine du travail, pour 22 millions de salariés ! C'est la pérennité même de la profession qui semble menacée.

Comment comptez-vous remédier à cette pénurie pour satisfaire l'exigence de prévention collective ?

M. le Ministre délégué - L'avantage d'être bizuth, c'est qu'on a des idées neuves et qu'on ne ressasse pas toujours les mêmes vieilles rengaines !

L'accord « santé et travail » de 2000 est le fruit du dialogue social, Monsieur Gremetz. Nous en avons tiré les conséquences en prenant en compte la pyramide des âges, les réalités démographiques, l'évolution des risques et des attentes sociales. C'est ainsi que la visite de droit commun est devenue bisannuelle, mais le drame de l'amiante nous incite à réfléchir à d'autres risques : à celui qui tient à l'utilisation du glycol, en effet, mais à bien d'autres aussi, que nous ne mesurons pas encore...

M. Maxime Gremetz - Mais si, nous les connaissons parfaitement !

M. le Ministre délégué - Sur 5 000 produits utilisés, nous n'en connaissons bien que 1 000 !

S'agissant des salariés les plus exposés, il appartient aux partenaires sociaux de déterminer les postes de travail qui nécessitent un suivi médical renforcé.

J'ai par ailleurs demandé à MM. Douste-Blazy et Fillon que la médecine du travail bénéficie d'une part non négligeable des quotas évoqués lors d'une récente question d'actualité et que nous espérons voir passer à 8 000. Il conviendrait en particulier de ne plus s'en tenir à une seule chaire de médecine du travail.

Depuis six mois, j'ai fait du plan « santé au travail » ma priorité. Ce plan, qui doit être présenté à la fin de l'année à la Commission nationale de prévention des risques professionnels, est directement inspiré de mon expérience professionnelle, mais aussi de mon expérience des responsabilités au moment des drames du sang contaminé et de l'ESB. Il vise d'abord à permettre une meilleure appréhension des risques : nous connaissons encore trop mal les risques différés, en particulier, et nous avons donc besoin d'une agence de la santé au travail. En second lieu, il faut un meilleur pilotage des politiques, au niveau régional comme au niveau national. Enfin, il convient d'impliquer davantage les entreprises, ce qui suppose qu'elles trouvent un appui dans l'inspection du travail - et c'est pourquoi j'ai demandé des moyens nouveaux : inspecteurs du travail, médecins, ingénieurs...

Ce plan volontariste garantira une meilleure protection à tous ceux qui travaillent. Vous le voyez : comme vous, Monsieur Gremetz, nous avons le souci d'éviter que ne se répète le drame de l'amiante. Cela suppose de s'attaquer au risque différé, celui qui tient à l'utilisation de produits non connus, dont les effets se font sentir au bout de vingt ans. Au cours des mois à venir, je prendrai certainement des décisions drastiques à ce propos, quelles qu'en puissent être les conséquences économiques.

Le Gouvernement est donc déterminé et cette détermination n'a pas sa source dans l'idéologie, mais bien dans le concret ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Nous allons poursuivre notre débat, Monsieur le Ministre délégué : ma deuxième question a trait à l'inspection du travail que vous venez de mentionner. Mais, avant de la poser, je vous indique que nous examinerons très attentivement votre plan « santé au travail ». Nous approuvons votre volonté de mieux appréhender les risques à venir, mais n'oubliez pas que l'on connaissait depuis des années le danger de l'amiante ! Pourtant, les entreprises ont continué de l'utiliser, parce qu'il y avait des stocks à épuiser. Je vous en parle savamment, ayant moi-même été « amianté ». Or, la situation est la même avec les esters de glycol... On en trouve partout : dans les peintures et même dans les vernis à ongles ! Raison de plus de regarder de près votre plan et, s'il est bon et assorti des crédits nécessaires, de le soutenir.

Le 2 septembre 2004, Sylvie Trémouille et Daniel Buffière, inspecteurs du travail, étaient abattus à coups de fusil de chasse dans l'exercice de leurs fonctions. Ce fait divers, qui ne peut être réduit à un acte de folie, a contribué à mettre en lumière une pénurie budgétaire qui réduit considérablement les possibilités de contrôler le respect de notre droit du travail. Le nombre des inspecteurs est plus qu'insuffisant pour réprimer toutes les entorses à ce droit. Mais certains syndicalistes ont aussi dénoncé, à juste titre, ceux qui pointent un doigt accusateur contre les inspecteurs du travail. S'il n'y a incitation à la haine, il y a en tout cas dénigrement systématique, de la part du Medef (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) comme de la part de certains politiques. Ainsi notre collègue Madelin, appuyé par quatre-vingts autres parlementaires UMP, a réclamé l'an passé une limitation des missions de cette inspection.

Ces attaques visent en définitive notre droit du travail car elles reviennent à inciter le patronat à ne pas l'appliquer. Vous avez suffisamment manifesté votre propension à atomiser ce droit pour que nous craignions de vous voir reprendre les mêmes idées à votre compte. Persisterez-vous donc à refuser les crédits nécessaires à l'inspection du travail, rendant de fait notre droit social inapplicable, ou êtes-vous prêts à consentir les moyens qu'exige l'application effective de ce droit ?

M. le Ministre délégué - Nous avons tous ressenti l'assassinat odieux de Mme Trémouille et de M. Buffière comme une agression contre tous ceux qui ont pour mission de faire respecter la loi dans ce pays, et ce n'est pas parce que les jours passent que nous allons oublier ce qui s'est passé en septembre en Dordogne - mais nous n'oublierons pas non plus les agressions dont ont été victimes deux agents de l'Yonne, de la part de demandeurs d'emploi qui ne remplissaient pas les conditions pour être inscrits. La représentation nationale, le Président de la République ont d'ailleurs dit ce qu'il fallait dire à propos de ces assassinats ignobles.

J'ai donné à Jean Bessière, directeur de l'Institut national du travail, mission de réfléchir à l'évolution de l'inspection du travail et des conditions dans lesquelles les agents exercent leur contrôle. Un rapport d'étape me sera rendu dans quelques jours. J'ai également demandé communication des observations faites sur le même sujet par les comités d'hygiène et de sécurité. En outre, je me suis moi-même rendu - ce qui n'est pas si habituel - à l'Institut national du travail pour remettre leur carte aux inspecteurs et contrôleurs de la dernière promotion, pour bien marquer l'importance que j'attache à ce corps.

Il est clair en tout cas que nous devons tracer des perspectives d'évolution, rechercher les meilleures solutions pour permettre à l'inspection du travail d'accomplir sa mission - y compris en matière de santé. Même si la lutte contre le travail illégal n'est pas la première priorité de l'inspection du travail, nous regrettons que la plupart des dossiers nous soient transmis par la police et la gendarmerie.

Le budget pour 2005 comporte dix créations de postes d'inspecteur en section, deux postes de directeur adjoint du travail, deux postes de médecin inspecteur régional et seize postes d'ingénieur de prévention. C'est la preuve de notre vision dynamique, pro-active, dirai-je, de l'inspection du travail, qui ne doit pas se limiter à des contrôles a posteriori.

Son action fera bien entendu l'objet d'une évaluation dans le cadre de la LOLF. Elle compte aujourd'hui 2 000 agents, dont 452 inspecteurs, répartis dans 473 sections. En 2003, ses 214 000 interventions en entreprise ont porté à 50% sur la santé et la sécurité, 14% la réglementation, 13% le non-respect de leurs obligations par les employeurs, 7% le non-respect des règles en matière de représentation des salariés, interventions qui ont donné lieu à l'établissement de 16 700 procès-verbaux.

Développement du droit conventionnel, meilleure protection de la santé au travail, respect des normes européennes de plus en plus contraignantes, lutte contre le travail illégal, autant de missions que l'inspection du travail doit pouvoir remplir dans de meilleures conditions qu'aujourd'hui. Je suis, pour ma part, convaincu de leur caractère essentiel, car elles répondent à l'intérêt bien compris de l'ensemble des acteurs du travail. L'inspection a notamment un rôle clé à jouer en matière de conseil, notamment auprès des petites et moyennes entreprises. Le budget pour 2005 donne à l'inspection du travail des moyens comme elle n'en avait pas reçus depuis longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Vanneste - Je me réjouis de la création des futures maisons de l'emploi, directement inspirées des job centers britanniques qui ont fait la preuve de leur efficacité. Ces maisons ne doivent pas être un guichet supplémentaire, mais fonctionner en synergie avec les organismes existants, et surtout avec les réseaux d'entreprises, car ce sont celles-ci qui créent les emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Trois cents maisons devraient être créées, soit une pour 200 000 habitants environ. Les régions en proie à la déprise industrielle, aujourd'hui les plus touchées par le chômage, devraient être favorisées. Ainsi le bassin d'emploi de Roubaix-Tourcoing-vallée de la Lys, qui connaît un taux de chômage de 15%, supérieur de trois points à celui de Lille et de cinq points à la moyenne nationale, devrait pouvoir disposer de trois maisons de l'emploi. Monsieur le ministre, accepteriez-vous qu'à titre expérimental, dans la vallée de la Lys où existe déjà une synergie exemplaire entre un syndicat intercommunal et l'association d'entreprises « Val de Lys Entreprendre », qui a conduit à la création d'un pôle de compétences et de formation, la maison de l'emploi soit implantée sur ce pôle et y devienne un forum permanent de l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Ministre délégué - A la veille d'un séminaire franco-britannique, il est judicieux de rappeler l'expérience réussie des job centers, dont le succès tient à la qualité de l'accompagnement individualisé des personnes les plus éloignées de l'emploi et dont nous pouvons en effet nous inspirer.

Pour ce qui est des maisons de l'emploi, votre souhait est exactement le nôtre. Autour d'une commune ou d'un groupement de communes, devront y travailler en synergie et en réseau les représentants du service public de l'emploi - ANPE, ASSEDIC -, et tous les partenaires, économiques, sociaux, institutionnels, ayant la volonté de se mobiliser ensemble pour l'emploi. La vallée de la Lys me paraît un excellent site d'expérimentation, puisque ces synergies y existent déjà, et j'aurais tendance à m'engager sur ce point. Pour le reste, priorité sera donnée, comme vous en exprimez le souhait, aux régions les plus durement touchées par le chômage. Et nous examinerons avec la plus grande attention la situation du bassin d'emploi de Roubaix-Tourcoing, où un grand nombre de personnes, victimes d'une intolérable stigmatisation, devraient être mieux accompagnées dans leur retour à l'emploi.

M. Christian Vanneste - Je pose cette question au nom de notre collègue Etienne Pinte. Si la réforme du droit d'asile votée il y a un an a permis des avancées, elle n'a pas pour autant réglé tous les problèmes. Notre dispositif national d'accueil reste très insuffisant. Débordés, travailleurs sociaux et associations sont découragés, et surtout, les demandeurs d'asile sont contraints de vivre dans une détresse indigne de nos valeurs républicaines. Les carences sont telles que l'on recourt à des solutions d'urgence, inadaptées et coûteuses, comme l'hébergement à l'hôtel ou dans des équipements de fortune, qui exclut tout accompagnement social, juridique et administratif. Certes, le nombre de places en centres d'accueil des demandeurs d'asile - CADA - a augmenté et les crédits du dispositif national d'accueil augmentent. Mais à quand une vision d'ensemble, une cohérence qui mettraient fin à ce que notre collègue Etienne Pinte appelle le « bricolage » actuel ?

Mme la Ministre déléguée - Dès 2002, notre objectif a été de réduire de façon considérable les délais d'instruction des demandes d'asile et de proposer systématiquement aux demandeurs d'asile un hébergement accompagné plutôt qu'une aide financière. Grâce aux moyens dégagés, l'OFPRA est désormais en mesure d'instruire les dossiers en deux à quatre mois. La commission des recours des réfugiés qui vient, quant à elle, de déménager dans des locaux où elle pourra travailler dans de meilleures conditions, instruit les recours en dix-huit à vingt-deux mois. Notre objectif est qu'ils le soient à terme en six mois, puis trois mois au plus, ce qui évitera que se pérennisent des situations inhumaines.

Je souhaite que l'on recoure le moins possible aux hébergements hôteliers et j'ai le projet, à l'horizon de deux ou trois ans, de supprimer 5 500 chambres d'hôtel au profit de places pérennes. Le nombre de places en CADA, qui était de 6 700 en 2002, a été porté à 15 654, auxquelles s'ajouteront 2 000 nouvelles places en 2005, sans parler des 3 040 places d'accueil d'urgence créées depuis deux ans. Nous avions hérité d'une situation difficile. François Fillon avait promis d'atteindre le chiffre de 17 000 places fin 2005. Nous y sommes, preuve que ce Gouvernement tient ses promesses. En matière d'accueil des demandeurs d'asile, un effort de solidarité a été demandé à tous les départements. Alors que début 2002, 37 départements n'avaient pas de CADA, ils ne sont plus aujourd'hui que deux dans ce cas. Enfin, la coordination du dispositif d'accueil est depuis janvier 2003 confiée à l'Office des migrations internationales, ce qui a notamment permis de fermer le centre de Sangatte et de désengorger les centres parisiens. Notre politique commence de porter ses fruits : les demandes sont désormais traitées de manière efficace, dans le respect de la convention de Genève.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

J'appelle maintenant les crédits inscrits à la ligne Travail, santé et cohésion sociale I - Emploi et travail .

ETAT B

TITRE III

M. Michel Bouvard - L'amendement 15 de la commission des finances a d'abord valeur pédagogique. En effet, des crédits figurent dans ce projet du budget au profit d'un établissement, la Haute autorité de lutte contre les discriminations, qui n'est pas encore créé puisque le débat se poursuit au Sénat.

Lors du débat à l'Assemblée sur la création de cette Haute autorité, jamais son coût n'a été évoqué. Autrement dit, nous avons voté une loi sans disposer du moindre élément sur son impact financier. Or, il serait souhaitable que le Parlement, pour qu'il se prononce dans la clarté, soit informé du coût des structures qu'il crée. Ces crédits sont inscrits au projet de budget ; mais la commission des finances n'a eu aucune précision sur la façon dont on a déterminé cette somme de 10,7 millions d'euros jugée nécessaire pour que cette structure fonctionne. Il est donc apparu, puisqu'il fallait prévoir, pour cet organisme non encore créé, une montée en puissance, que les crédits demandés étaient peut-être trop importants.

Comment avons-nous conclu que 10,7 millions d'euros, c'était trop ? Dans le même projet de budget figurent les crédits des délégations aux droits des femmes, qui luttent elles aussi contre la discrimination. Par définition, ces délégations concernent la moitié de la population, voire un peu plus ; or, leur budget est d'environ 17 millions. Nous avons donc estimé que, pour une autorité dont le travail concerne une partie seulement de la population, une somme moins importante serait sans doute raisonnable, et que la moitié de la somme demandée suffirait pour la première année, ce qui nous donnerait le temps d'apprécier l'efficacité de cette structure avant de lui accorder plus de crédits. C'est pourquoi l'amendement 15 de la commission des finances, identique à mon propre amendement 52 rectifié, tend à réduire les crédits de 5 350 000 euros. Nous avons voulu, je le répète, faire un amendement pédagogique au regard de tous les organismes que le Gouvernement propose de créer - et le Parlement aussi, parfois, il faut le dire. Ces organismes ne fonctionnent pas gratuitement, ils ont un coût. Ce que nous souhaitons, Madame la ministre, c'est que vous nous précisiez comment a été calculée la somme de 10,7 millions, et quels seront les moyens humains nécessaires. Nous voudrions connaître le format de cet organisme : s'agira-t-il uniquement d'une structure nationale, ou y aura-t-il des structures décentralisées ? A-t-on bien étudié ce qu'on peut faire avec ce qui existe déjà ? Il y a les préfets, les délégations aux droits des femmes, les délégations du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, les inspecteurs du travail : nous ne sommes pas absolument sans outils, et je refuse de croire que jusqu'à présent il n'y ait eu en région aucune action de lutte contre les discriminations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure spéciale de la commission des finances pour la solidarité - Je partage en tout point ce qu'a dit M. Bouvard. J'y ajouterai une réflexion à titre personnel. Le projet de loi créant la Haute autorité, en son article 16, dispose que son président est ordonnateur des recette et des dépenses, que les comptes de la Haute autorité sont présentés au contrôle de la Cour des comptes, mais que les dispositions de la loi du 10 août 1922 sur l'organisation du contrôle des dépenses ne lui sont pas applicables. Ce point est important. Peu d'organismes jouissent de cette prérogative, habituellement réservée à des autorités disposant d'un pouvoir de sanction, comme le président du CSA, ou exerçant des fonctions régaliennes, comme le Grand Chancelier de la Légion d'Honneur. Cette disposition permettra au président de la Haute autorité d'utiliser les crédits ouverts en loi de finances notamment pour diligenter des investigations sans délégation du ministre des affaires sociales. A mes yeux, le contrôle financier préalable prévu par la loi de 1922 devrait être rétabli dans la suite de l'examen du projet de loi. D'autre part, je souhaite que vous nous donniez, Madame la ministre, des éléments d'appréciation sur le crédit demandé de 10,7 millions. J'évoquerai à cet égard un autre élément de comparaison, outre les crédits de Mme Ameline qu'a rappelés M. Bouvard : les crédits du Médiateur sont de l'ordre de 8 millions d'euros.

Mme la Ministre déléguée - Je vais, bien sûr, vous indiquer les éléments qui justifient ce budget, et je regrette que vous n'en ayez pas eu connaissance plus tôt. La création d'une Haute autorité capable d'aider les victimes de discrimination et de conduire des études à ce sujet, qui est un souhait du Président de la République, est en outre exigée par les directives européennes du 29 juin 2000 relative à l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction d'origine, et du 23 septembre 2002 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes. Nous avons donc été pressés par ces directives de la mettre en place. Le Président de la République s'est engagé en octobre 2002 à le faire rapidement. En 2003 et 2004, le Premier ministre a confié à M. Stasi deux missions de préfiguration. Ce n'est donc pas quelque chose qui serait arrivé subitement. Le projet de loi créant cette autorité a été adopté en première lecture par l'Assemblée le 6 octobre et sera débattu au Sénat le 23 novembre.

La Haute autorité va recevoir un nombre important de tâches, incluant non seulement l'examen des cas dont elle sera saisie, mais la promotion de l'égalité, la réalisation d'études, l'élaboration de préconisations au Gouvernement. Nous avons une indication sur le volume de réclamations qu'elle pourra recevoir dès la première année : c'est le fait que le service téléphonique du 114 sur les discriminations raciales a reçu 35 500 appels en dix-huit mois, qui ont abouti à près de 10 000 signalements. Les chiffres pourront être encore supérieurs dans le cas de la Haute autorité, car elle est compétente pour tous les types de discriminations. Le projet de budget de la Haute autorité comporte une première tranche de moyens pour lui permettre de répondre sans délai aux nombreuses sollicitations qu'elle recevra - je rappelle qu'elle fait l'objet d'une saisine directe. Les 10,7 millions inscrits incluent 5 millions de masse salariale, 1,9 million de loyers et de charges, 0,7 million de frais de téléphone, et des frais de première installation. L'organisme emploiera dès 2005 environ 56 personnes au niveau central, plus cinq délégations régionales expérimentales de deux personnes. Une partie de ce budget sera financée par redéploiement des crédits actuels du GIP-GELD, qui sera supprimé. A titre de comparaison, l'autorité belge équivalente dispose de 8 millions pour environ 65 salariés ; mais l'autorité britannique, compétente pour les seules discriminations raciales, dispose de 30 millions d'euros pour une centaine de salariés, délégations régionales non comprises. Les moyens de la Haute autorité doivent donc être maintenus, et j'espère que vous aurez entendu ces explications, que vous aviez assurément le droit de solliciter.

J'indique à Mme la rapporteure que j'accepterai, à l'Assemblée ou au Sénat, dans le cadre de l'examen du projet créant la Haute autorité, un amendement ayant pour objet d'établir le contrôle financier préalable. Le 8 juillet, réuni en assemblée générale, le Conseil d'Etat a d'ailleurs recommandé un tel contrôle, qui ne remet pas en cause l'indépendance de la Haute autorité.

M. Francis Vercamer - Je suis surpris de voir un tel amendement au budget de la cohésion sociale. En commission, il y a quelques heures, j'ai défendu des amendements sur les discriminations, qui ont d'ailleurs été rejetés pour la plupart. Quand on sait l'importance de ce fléau dans un certain nombre de grandes cités, comme ma ville de Roubaix, on ne peut que juger aberrant cet amendement. Le fait que l'examen du projet ne soit pas achevé et qu'on ne connaisse pas encore exactement les contours de l'institution n'est pas non plus un bon argument : le budget traduit les politiques que le Gouvernement entend mettre en œuvre en 2005, et il est normal qu'en 2004 on ne connaisse pas encore parfaitement le fonctionnement de la Haute autorité, qui sera défini, je l'espère, dans le cadre de la loi de cohésion sociale. Le groupe UDF ne votera pas cet amendement, dont il souhaite le retrait, car il pourrait laisser croire que la commission des finances ne voit pas dans la discrimination le fléau qu'y ont reconnu le Président de la République et le rapport Stasi.

M. Pierre Cardo - Il y a deux ans a été votée une loi contre les discriminations dans l'entreprise, qui avait la particularité de renverser la charge de la preuve : elle permet à tout intéressé qui se sent discriminé dans une entreprise de porter plainte - ou de faire porter plainte par un tiers, associatif ou syndical - sans avoir à apporter la preuve de son accusation. Ceci limite grandement l'intérêt de recourir à la procédure de la Haute autorité, qui requiert, elle, d'apporter une preuve.

Dans ces conditions, le budget prévu est peut être un peu large par rapport aux besoins, d'autant que la montée en régime sera progressive.

M. Michel Bouvard - Je donne acte à Madame la ministre des précisions qu'elle a apportées et je me réjouis qu'une partie de la somme soit couverte par redéploiement d'1,6 million de crédits du GIP-GELD.

Monsieur Vercamer, la commission des finances est tout aussi préoccupée que les autres par les questions de discrimination, en particulier à l'embauche, et elle est persuadée qu'il convient d'y remédier pour réussir l'insertion et l'intégration des jeunes issus de l'immigration et pour empêcher le développement des communautarismes. Mais nous ne sommes pas devant un problème nouveau, il existe des outils, une justice, des délégations au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.

Par ailleurs, si des directives européennes recommandent la création d'une telle haute autorité, peut être serait-il possible, puisqu'il s'agit d'intégration sociale, d'utiliser des crédits du Fonds social européen, d'autant que la France ne consomme pas tous ceux auxquels elle a droit et qu'il y a même eu ces dernières années des dégagements d'office.

Vous nous avez dit, Madame la ministre, que la structure belge disposait d'effectifs comparables et qu'elle fonctionnait avec 8 millions. Pourquoi cela ne serait-il pas possible en France ? C'est une question de pédagogie : nous ne pouvons plus aujourd'hui voter des textes sans en connaître les incidences budgétaires ! Ou alors il ne sert plus à rien de parler de contrôle du Parlement... Aussi pensons-nous que si on crée des postes par redéploiement, c'est bien, si on en limite le nombre, c'est mieux.

Je salue, enfin, votre ouverture sur le contrôle financier de l'institution, qui paraît d'autant plus nécessaire après le rapport de la Cour des comptes sur le Médiateur.

Au total, nous avons peut-être eu la main un peu lourde dans notre proposition de réduction des crédits et il me semble que nous pourrions parvenir à un accord sur un montant comparable à celui dont dispose l'organisme belge. Ce serait un geste de bonne gestion et un signe que l'on entend la volonté du Parlement de maîtriser la dépense publique. Cela nous permettrait aussi de disposer d'une période d'observation d'un an sur la manière dont l'institution va fonctionner.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances pour le travail - Je ne puis laisser dire que la commission des finances ne serait pas sensible à la lutte contre les discriminations ! Mais elle est pleinement dans son rôle quand elle pose des questions sur la création d'un organisme supplémentaire, d'autant qu'elle propose souvent d'en supprimer.

Il me semble toutefois qu'avoir un trop long débat à ce propos pourrait donner le sentiment que nous avons quelque chose contre la HALD et je demande donc une suspension de séance pour que nous trouvions un accord.

Mme la Rapporteure spéciale - En fonction des explications qu'a données la ministre, il me semble que cet accord pourrait se faire sur une somme de 8 millions en vitesse de croisière, avec un million de plus pour l'année de démarrage.

La séance, suspendue à 23 heures 35, est reprise à 23 heures 45.

M. Gaëtan Gorce - Je veux exprimer la stupéfaction du groupe socialiste devant la discussion qui s'est engagée avant la suspension. Après avoir concentré le débat en première lecture sur l'ISF, tout ce qu'a trouvé la majorité sur un budget aussi important que celui de l'emploi est de nous proposer de réduire les crédits destinés à la lutte contre les discriminations et à une institution dont la création a été demandée par les instances européennes et voulue par le Président de la République. Je suis scandalisé !

M. Michel Bouvard - C'est le contribuable qui le sera !

M. le Président - Je suis saisi d'un amendement 200.

M. Yves Deniaud - Je pense que nous pouvons nous entendre sur un montant de huit millions en année courante, plus un million pour le démarrage : l'amendement 200 ramène donc les crédits à 9 millions, soit une diminution de 1,7 million.

Ce n'est pas en empilant des structures, en multipliant les annonces sans mesurer leur coût qu'on parviendra à régler les problèmes. Nous sommes dans un Etat de droit, qui interdit heureusement depuis longtemps les discriminations. Suffisamment d'organismes y sont déjà consacrés sans devoir encore en créer, en se dispensant de veiller à leur coût. De nombreux services déconcentrés se chargent déjà de l'observation et de la collation des doléances. Il faut rompre avec l'habitude et faire confiance aux acteurs déjà installés. Plus on crée de structures, plus on dilue les responsabilités.

Mme la Rapporteure spéciale - Avis favorable.

Mme la Ministre déléguée - Sagesse positive.

M. Francis Vercamer - C'était lors de la création de la HALD qu'il fallait refuser de créer un organisme supplémentaire, Monsieur Deniaud, pas au moment de voter ses crédits ! Mais lors de la discussion, je n'ai entendu personne dire tout cela. Au contraire, certains trouvaient qu'il n'y avait pas assez de crédits ni de personnel ! L'UMP a soutenu la création de la haute autorité, elle ne peut pas lui refuser ses crédits maintenant ! C'est inadmissible et je ne voterai pas cet amendement.

M. Michel Bouvard - On peut être favorable à la création d'une structure et veiller à ce que cela ne se fasse pas dans n'importe quelles conditions ! Ce qui me choquerait par dessus tout, ce serait que certains membres de cette autorité reçoivent des rémunérations exorbitantes, alors que les jeunes des quartiers se battent pour trouver un emploi ! C'est l'honneur du Parlement que d'examiner attentivement les moyens qui lui sont demandés. Nous n'arrivons même plus, aujourd'hui, à financer les dépenses de fonctionnement de l'Etat ! Nous empruntons un mois de fonctionnement par an ! Nous n'avons plus de moyens d'investissement, il manque de l'argent pour les routes, il manque de l'argent pour le patrimoine... Le suivi de la dépense de fonctionnement est donc une obligation impérative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Rapporteure spéciale - Je voudrais préciser que nous n'avons jamais évoqué le montant des crédits qui seraient affectés à la haute autorité avant que la loi soit votée. Le compte rendu intégral en atteste.

M. Maxime Gremetz - C'est extraordinaire ! On jongle avec les millions, on se réunit trois minutes pour supprimer un milliard et quelques...

Mme la Rapporteure spéciale - Nous parlons de millions !

M. Maxime Gremetz - Madame, les rapporteurs n'ont pas à faire de commentaires. Vous êtes nouvelle, je vous pardonne, mais respectez la règle...

On ne sait rien de cette autorité : on ne peut pas lui donner des sommes considérables sans savoir à quoi elles seront utilisées ! Le Parlement se déshonorerait ! Nous ne pouvons accepter que des dépenses justifiées ! Madame la rapporteure, puisque vous vouliez intervenir, à combien se monte la rémunération d'un membre de la haute autorité ?

Mme la Rapporteure - Je ne sais pas.

M. Maxime Gremetz - Ah bon ? Et vous voulez nous faire voter des crédits ? Ce n'est pas sérieux ! C'est scandaleux ! Je vous demande absolument de retirer ces crédits, sans quoi nous interviendrons auprès du ministre. Je n'ai jamais vu ça, et je suis là depuis 1978 !

M. le Président - Merci, Monsieur Gremetz...

M. Maxime Gremetz - Quand on demande des crédits, on dit pour quoi faire ! Si vous persistez à demander un vote, je vous assure qu'on parlera de cette histoire !

Mme la Rapporteure - L'amendement 15 est retiré.

M. Michel Bouvard - L'amendement 52 rectifié aussi.

M. le Président - Je vais mettre aux voix l'amendement 200.

M. Maxime Gremetz - Je proteste !

L'amendement 200, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - Je m'en vais ! Le Parlement vient d'accomplir une indignité ! Monsieur le président, ne laissez pas faire cela ! Nous en parlerons au Premier ministre !

Les crédits inscrits au titre III de l'état B, modifiés, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits au titre IV de l'état B, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits aux titres V et VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 74, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 74

M. le Rapporteur spécial - L'amendement 127 a été accepté par la commission des finances. Je laisse à M. Giscard d'Estaing le soin de le présenter.

M. Louis Giscard d'Estaing - Il s'agit de la révision du dispositif des allègements de cotisations sociales patronales. L'amendement 127 demande le dépôt d'un rapport d'ici au 30 juin, pour examiner les possibilités de modification du dispositif applicable aux heures supplémentaires ou majorées, pour les cotisations tant patronales que salariales, et les possibilités de compensation des pertes de recettes correspondantes pour les organismes sociaux. Actuellement, les heures travaillées au-delà de la trente-cinquième heure sont majorées de 10% pour les entreprises de moins de 20 salariés et de 25% pour les autres. Les cotisations salariales pourraient légitimement être uniformément assises sur une base correspondant à 35 heures hebdomadaires. Il faudrait alors, dans un esprit d'équité, étudier les conditions d'une exonération de cotisations salariales des heures majorées : à partir du moment où les prestations auxquelles donnent droit les cotisations salariales sont uniformisées, il est légitime d'uniformiser aussi le plafond des cotisations. Ces cotisations se déduisant du salaire brut, les salariés seraient augmentés à due concurrence des cotisations liées aux heures comprises entre la trente-cinquième et la trente-neuvième, et gagneraient ainsi en pouvoir d'achat. L'économie réalisée à l'article 74 du projet de loi de finances rend l'étude de cette réforme d'autant plus opportune. L'échéance qui est proposée est raisonnable et correspond au calendrier de travail du Gouvernement.

M. le Ministre délégué - Ces exonérations correspondent à la compensation des mesures Aubry, pour 10 milliards, et pour 7 milliards de mesures antérieures, dont la loi Veil de 1974. Le Gouvernement partage votre souci de fixer un régime global des heures supplémentaires, qui redonne aux entreprises les marges de manœuvre dont elles ont besoin. Le décret d'octobre 2002 fixant à 180 le contingent annuel d'heures supplémentaires avait prévu la présentation d'un rapport sur le dispositif. J'ai présenté ce bilan le 28 juin, avec un état des lieux des négociations de branche.

Comme vous le savez, une réflexion est en cours sur l'organisation du temps de travail et elle s'étend notamment au régime des heures supplémentaires. Le Gouvernement s'est engagé à préciser les règles du jeu, en particulier pour ce qui concerne les PME, et il y a tout lieu de penser que la réflexion aboutira - voire connaîtra une traduction législative - bien avant l'échéance que fixe cet amendement. Je vous invite donc à le retirer, sachant que cette question essentielle sera prochainement revue et mise en perspective dans toutes ses composantes.

Une remarque, enfin, sur la dérive du dispositif Aubry, qui avait conduit à la coexistence de sept SMIC, à l'évidence peu conforme au souhait du législateur de l'époque. Le Gouvernement s'est attaché à y mettre fin, ce qui a donné aux salariés rémunérés au niveau du SMIC le moins favorable un véritable treizième mois.

M. Gaëtan Gorce - M. Giscard d'Estaing, toujours si soucieux de la bonne utilisation des deniers publics, demande en fait un énième rapport qui risque encore de mobiliser beaucoup de monde pendant plusieurs mois ! Quant au Gouvernement, nous apprenons ce soir qu'en dépit de sa passion affichée pour le dialogue social, il s'apprête à prendre, peut-être avant même la fin de cette année, des décisions non souhaitées par l'ensemble des syndicats de salariés. Sur le fond de l'amendement, force est de constater que M. Giscard d'Estaing demande au contribuable d'assumer le coût de la majoration en lieu et place de l'employeur. Nous sommes impatients de l'entendre essayer de justifier cette position en séance publique !

M. Louis Giscard d'Estaing - Bien entendu, je serais ravi que les conclusions des interlocuteurs associés à la concertation sociale en cours soient disponibles avant le 30 juin 2005 et cela ne contreviendrait en rien à l'esprit de notre amendement.

Je souhaite en outre rappeler à Gaëtan Gorce que c'est le principe d'équité entre les salariés qui est en jeu dans cette affaire. La mission sur le temps de travail a mis en évidence la persistance de disparités choquantes, notamment en matière d'heures supplémentaires...

M. Gaëtan Gorce - C'est vous qui avez bloqué le dispositif !

M. Louis Giscard d'Estaing - Pas du tout. C'est bien M. Patriat qui, en son temps, avait prorogé des dispositions créant de fortes disparités, tant à l'embauche que sur la feuille de paie. Il est indispensable d'y revenir car elles constituent un obstacle à l'insertion professionnelle, notamment dans les PME. S'agissant enfin du coût du rapport demandé, je précise que nous ne demandons pas la création d'un organe dédié mais la simple mobilisation sur cet objectif d'instances de la fonction publique qui existent déjà.

M. le Ministre délégué - 73% des plus de 4 millions de salariés employés dans une entreprise de moins de 20 salariés sont couverts par un accord collectif de branche tendant à leur offrir un régime d'heures supplémentaires plus favorable que l'obligation légale, et le Conseil constitutionnel a du reste indiqué que la négociation collective doit permettre de tendre au respect du principe d'équité entre les salariés. Profitons de la souplesse qu'offre le dialogue social et accordons-nous encore un peu de temps pour disposer de toutes les données du problème. Je répète que les conclusions du dialogue social pourraient se traduire dans un texte de loi dans un délai rapproché et je réitère ma demande de retrait de l'amendement.

M. Louis Giscard d'Estaing - Compte tenu de ces précisions, je le retire.

M. le Ministre délégué - Je vous en remercie.

ART. 76

M. le Rapporteur spécial - L'amendement 128 apporte une précision rédactionnelle.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - Avis favorable.

L'amendement 128, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 76 ainsi modifié.

M. le Président - Nous en avons terminé avec l'examen des crédits du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale consacrés à l'emploi, au travail, à la cohésion sociale et à l'égalité professionnelle.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 18 novembre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 18 NOVEMBRE 2004

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800).

    Rapport (n° 1863) de M. Gilles CARREZ, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Fonction publique, réforme de l'État, services généraux du Premier ministre, budget annexe des Journaux officiels, SGDN

- Fonction publique et réforme de l'État

    Rapport spécial (n° 1863 annexe 36) de M. Georges TRON, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

    Avis (n° 1868 tome 8) de M. Bernard DEROSIER, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

- Services généraux, Conseil économique et social, Plan et Journaux officiels

    Rapport spécial (n° 1863 annexe 35) de M. Pierre BOURGUIGNON, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

- Plan

    Avis (n° 1865 tome 17) de M. André CHASSAIGNE, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

- SGDN, renseignement, environnement et prospective de la défense

    Rapport spécial (n° 1863 annexe 34) de M. Bernard CARAYON, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800).

Fonction publique, réforme de l'État, services généraux du Premier ministre, budget annexe des Journaux officiels, SGDN (suite)

Anciens combattants

    Rapport spécial (n° 1863 annexe 11) de M. Jean-Claude MATHIS, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

    Avis (n° 1864 tome 5) de M. Céleste LETT, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800).

Économie, finances et industrie : services financiers, budget annexe des monnaies et médailles, Trésor, commerce extérieur, charges communes ; article 73

- Charges communes

    Rapport spécial (n° 1863 annexe 12) de M. Daniel GARRIGUE, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

    - Commerce extérieur

    Rapport spécial (n° 1863 annexe 16) de M. Camille de ROCCA SERRA, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

    Avis (n° 1866 tome 6) de M. Jean-Paul BACQUET, au nom de la commission des affaires étrangères.

    Avis (n° 1865 tome 6) de M. Jean GAUBERT, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

- Trésor et entreprises publiques

    Rapport spécial (n° 1863 annexe 41) de M. Michel DIEFENBACHER, nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

- Services financiers, monnaies et médailles

    Rapport spécial (n° 1863 annexe 20) de M. Thierry CARCENAC, nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale