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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 27ème jour de séance, 65ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 19 NOVEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

        RAPPEL AU RÈGLEMENT 2

        PROJET DE LOI ORGANIQUE MODIFIANT
        LA LOI ORGANIQUE DU 1ER AOÛT 2001
        RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES 2

        ART. UNIQUE 13

        APRÈS L'ART. UNIQUE 15

        EXPLICATIONS DE VOTE 22

        LOI DE FINANCES POUR 2005
        -deuxième partie- (suite) 23

        ARTICLES NON RATTACHÉS 23

        AVANT L'ART. 63 23

        ART. 63 25

La séance est ouverte à quinze heures.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jacques Brunhes - Je voudrais faire un Rappel au Règlement concernant l'organisation de nos travaux. Nous savons depuis longtemps que l'examen du budget doit nous occuper jusqu'à ce soir au moins et nous recevons maintenant, un vendredi après-midi, un texte nouveau, qui a été examiné mercredi en commission spéciale et dont nous n'avons le rapport que depuis une demi-heure ! Ce sont des conditions de travail totalement inacceptables. Je vous demande de transmettre à la Conférence des présidents la protestation véhémente de notre groupe.

M. le Président - Ce sera fait.

PROJET DE LOI ORGANIQUE MODIFIANT LA LOI ORGANIQUE
DU 1ER AOÛT 2001 RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique modifiant la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le projet de loi organique que Dominique Bussereau et moi vous présentons répond à ce qui est devenu un impératif absolu : gérer sérieusement, et dans la durée, nos finances publiques, en maîtrisant le déficit du budget de l'Etat et l'endettement de la France, sans bien sûr figer la politique budgétaire des prochaines années. Dans un contexte durablement difficile, qui oblige à faire des choix, l'apparition de recettes non prévues, même si elle est toujours une bonne nouvelle, peut devenir un facteur d'instabilité. Les recettes supplémentaires sont en effet par définition temporaires, alors que les dépenses de l'Etat ont tendance à se pérenniser. Le projet de loi organique a donc pour objet d'obliger le Gouvernement à annoncer au Parlement ce qu'il ferait d'éventuelles plus-values fiscales.

L'apparition de plus-values de recettes n'est pas en soi exceptionnelle : quand l'activité reprend, les recettes de TVA aussi, ainsi que l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu un an plus tard. L'impôt sur les sociétés peut donc certaines années accuser de très fortes fluctuations que la prévision des recettes ne peut parfaitement estimer. Tant qu'il y aura des phases de reprise, il y aura donc des plus-values fiscales. Celles-ci ne doivent pas constituer qu'une heureuse nouvelle, mais obliger le Gouvernement à faire des choix. Il a trois solutions possibles : réduire le déficit, alléger les impôts ou engager de nouvelles dépenses. Mais deux choses ont changé ces dernières années. D'abord, les engagements européens que nous avons pris en décembre 2003, après le déclenchement de la procédure de déficit excessif, heureusement suspendue, nous imposent de ramener notre déficit à moins de 3% du PIB en 2005. Cela nous laisse un an pour le réduire de 10 milliards : travail considérable ! Ensuite, il faut prendre en compte la situation réelle de nos finances publiques : la France a un endettement public de mille milliards ! C'est énorme, en valeur absolue certes, mais aussi relative, puisque notre dette représente 64% du PIB. En 1980, ce taux était de 20,7% !

M. Louis Giscard d'Estaing - Absolument !

M. le Ministre d'Etat - Face à une telle situation, aucune majorité ne peut se défausser de sa responsabilité. En interdisant absolument toute croissance de la dépense de l'Etat en volume, nous ne parviendrions qu'en 2006 à ce que le rythme de croissance de la dette soit inférieur à celui du PIB, et encore continuerait-elle d'augmenter ! Cette décélération est indispensable. Les intérêts de la dette, ce sont 40 milliards par an qui ne sont pas utilisés à des dépenses productives !

Cette année, nous avons perçu 5 milliards de plus-values fiscales. Face à 40 milliards d'intérêts par an et à mille milliards de stock de la dette, il n'y avait vraiment pas d'autre choix que de les affecter à la réduction du déficit. Mais celui-ci atteindra tout de même 49 milliards en 2004 : il faut donc poursuivre cet effort dans la durée. Céder à nouveau au charme des cadeaux fiscaux, toujours agréables à annoncer, serait sacrifier l'avenir. Certes, cela ne se voit pas tout de suite, mais accroître la charge de la dette n'est rien d'autre que faire payer notre inconséquence à nos enfants ! Or, malheureusement, l'histoire récente nous en montre des exemples. A ce propos, je ne peux pas ne pas citer l'épisode de la cagnotte. Sur 7,1 milliards de plus-values pour l'exercice 1999, plus de la moitié a servi à financer des dépenses nouvelles !

Le gouvernement actuel préfère, lui, une démarche de transparence et de prudence. Il sera d'ailleurs très ouvert aux amendements de l'opposition tendant à renforcer ses droits au sein de la commission des finances. Vous avez eu connaissance des 5 milliards de plus-values auxquels nous nous attendons exactement en même temps que nous. C'est cela, les droits du Parlement ! D'ailleurs, il n'y a pas eu l'ombre d'une polémique. Et, Monsieur Migaud, ces plus-values ont été affectées en intégralité à la réduction du déficit. C'est cela, une gestion raisonnable. Les fruits de la croissance de 1999 avaient été dilapidés. Sur les 70 milliards de plus-values de recettes qu'elle a perçus entre 1998 et 2001, la gauche en a consacré 54% à des augmentations de dépenses pérennes, dont les 35 heures, 32% à des baisses d'impôt et seulement 14% à la réduction du déficit. Voilà pourquoi la France se retrouve avec mille milliards de dette. Quand on a un bilan pareil, on vote le texte qui empêcherait de refaire de telles erreurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Quand les autres pays remboursaient leurs dettes, vous augmentiez les dépenses de la nation ! Et quand la croissance s'en est allée, il a fallu continuer à les payer ! Tous les chiffres sont à la disposition de la représentation nationale.

L'équation du projet de loi de finances pour 2005 est différente : 10 milliards de recettes supplémentaires sur 17 sont affectés à la réduction du déficit, la progression des dépenses est nulle et les impôts réduits de 2 milliards. Oui, j'ai demandé que l'impôt sur le revenu ne baisse pas en 2005 : baisser les impôts alors que nous avons tant de dettes n'aurait pas été responsable. J'ajoute qu'il me paraît compliqué de dire qu'on est pour l'Europe et de considérer que nos engagements européens n'ont aucune valeur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Les Français comprennent cela, et ils souhaitent que les hommes politiques pensent et fassent ce qu'ils disent. Le déficit de l'Etat est passé de 2,6% du PIB en 1999 à près de 4% en 2002 : voilà comment la forte croissance de la fin des années 1990 a redressé nos comptes. Et voilà pourquoi c'est à nous, alors que la croissance a fortement ralenti, qu'il revient de le faire.

La politique, c'est faire des choix. Le budget de l'Etat de nous appartient pas : c'est le produit du travail des Français, et nous en sommes le gardien.

Le projet de loi que nous présentons préserve nos finances publiques et garantit le fruit du travail de nos compatriotes. Très simple, il tient en un article, qui ne fige pas la gestion budgétaire mais qui oblige le Gouvernement à la transparence, puisqu'il lui impose de définir chaque année en loi de finances initiale une règle de comportement budgétaire relative à l'utilisation des éventuels surplus de recettes fiscales apparaissant en cours de gestion. A travers cette obligation, le Gouvernement pose donc une double exigence d'information du Parlement : préalable, lors de la présentation du PLF, et a posteriori, puisque le Gouvernement devra naturellement rendre compte de la gestion des plus-values de recettes au titre de l'exécution de la loi de finances.

Prenons l'exemple de 2004 et des 5 milliards d'euros de plus-values apparus en cours d'année : j'ai évidemment considéré qu'ils devaient être intégralement affectés à la réduction du déficit, puisque celui-ci est supérieur à 3%. Pour 2005, la même règle me semble devoir s'appliquer, dans la mesure où l'objectif que nous visons est d'avoir un déficit public inférieur à 3%. Pour les années suivantes, dès lors que le déficit sera ramené en dessous de 3%, la question se posera et ma réponse est qu'une part prépondérante des recettes supplémentaires devra être affectée à la réduction du déficit. Par exemple les deux tiers.

M. Hervé Mariton - Très bien.

M. le Ministre d'Etat - Le reste pouvant financer des allégements fiscaux ou des dépenses nouvelles considérées comme ultra-prioritaires - la recherche ou l'investissement, par exemple. Il n'est pas question en tout cas de recycler des recettes supplémentaires dans des dépenses courantes !

Cette règle devrait s'appliquer, me semble-t-il, à chaque fois que le déficit public peut être contenu en deçà de 3%, étant entendu qu'elle s'assouplirait à mesure que se réduirait le déficit. S'il descend en dessous de 2%, les marges de manœuvre s'accroissent.

Il s'agit donc d'éviter les effets d'accordéon. Si on veut rembourser la dette de la France, il faut une action sur le long terme. Quel que soit le Gouvernement, qu'il soit de droite, qu'il soit de gauche, le problème à résoudre sera le même : trop de dépenses publiques, pas assez de recettes, trop de déficit, trop d'endettement, pas assez de marge de manœuvre. Ce n'est pas une question partisane, mais une question de responsabilité vis-à-vis de la France et vis-à-vis de nos enfants. Voilà pourquoi le Gouvernement est heureux de vous présenter ce projet, en espérant que toutes les sensibilités de l'Assemblée voudront bien considérer qu'au-delà des intérêts partisans, il y a un intérêt supérieur : celui de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission spéciale - L'endettement étouffe peu à peu toutes nos marges budgétaires. Rappelons qu'en 1980, il représentait 20% du PIB ; en 2005, nous en serons à 65% ! Cela donne 40 milliards d'intérêts de la dette dans le budget, soit autant que les budgets de la santé et de la cohésion sociale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, du logement, de la justice et de la ville ! Encore avons-nous beaucoup de chance, car si les taux d'intérêt étaient au même niveau qu'en 1990, ce ne seraient pas 40 milliards qu'il nous faudrait inscrire mais le double ! Il faut savoir qu'un point d'intérêt en plus représenterait dans six ou sept ans 10 milliards d'euros supplémentaires.

Pour maîtriser l'endettement, il faut réduire les déficits. Mais desquels parlons-nous ? Nous aurions pu retenir la notion de déficit structurel, qui est utilisée par Bruxelles, par l'OCDE et par un certain nombre de pays, mais sur laquelle il est difficile de se mettre d'accord dans le débat politique, car lorsque le déficit réel s'accroît, la majorité soutient en général que le déficit structurel est, lui, en train de diminuer, tandis que lorsque le déficit réel se réduit, l'opposition explique volontiers que le déficit structurel s'accroît. Vous avez donc bien fait, Monsieur le ministre d'Etat, de retenir une méthode plus simple, celle des surplus constatés.

Il faut savoir que si l'économie progresse en moyenne de 2, 5%, les recettes fiscales augmentent mécaniquement de 10 milliards par an. Le problème est qu'en réalité la croissance fluctue, entre 0 et 4% en général, et qu'il y a une forte élasticité des recettes, c'est-à-dire qu'elles évoluent plus fortement que la croissance elle-même. Quand par exemple, en 1999-2000, la croissance a été de 3%, les recettes fiscales ont augmenté deux fois plus vite, de 6%. Quand au contraire, la croissance faiblit pour se situer à 1%, on peut même avoir une réduction des recettes. Conclusion : les recettes supplémentaires liées à des années exceptionnelles de croissance sont des recettes éphémères. La précédente majorité a donc commis une grave erreur en considérant les surplus de la croissance 1999-2000 comme définitifs, acquis et pouvant donc être transformés sans problème soit en dépenses pérennes, soit en baisses d'impôts.

Sur les quinze dernières années, nous n'en avons eu que quatre où les recettes réellement encaissées étaient supérieures aux prévisions et 60% de ces surplus étaient concentrés sur la seule année 2000. C'était donc une erreur absolue que de gager sur ces seuls surplus de 2000 autant de dépenses supplémentaires - à commencer par les 35 heures - et de baisses d'impôts non financées.

Nous devons absolument nous doter de règles de pilotage de nos finances publiques. Une première, adoptée depuis deux ans, consiste à fixer une norme de progression des dépenses dite de « zéro volume ». Cette règle en vertu de laquelle la dépense n'évolue qu'à hauteur de l'inflation, nous devons nous y tenir de façon absolue. Je regrette à ce propos qu'elle ait subi un petit coup de canif dans le collectif... Si on énonce la règle du zéro volume, il ne faut pas immédiatement après dire que tout est prioritaire, la défense, la justice, la police, la cohésion sociale ! Que la culture est sanctuarisée et qu'il ne faut pas toucher aux affaires étrangères !

Vous nous proposez aujourd'hui, Monsieur le ministre d'Etat, de compléter cette règle par une autre, relative aux recettes constatées et aux éventuelles plus-values. Une première solution aurait pu être d'inscrire dans la loi organique du 1er août 2001 la règle de comportement s'appliquant à l'affectation des surplus. C'est d'ailleurs celle qui avait été initialement retenue, mais il semble qu'elle se soit heurtée à des objections juridiques. J'observe pourtant que la loi organique relative à l'autonomie des collectivités locales comporte bien une règle de comportement, mais soit.

Une autre solution pourrait être trouvée dans une loi de programmation générale des fiances publiques, comme il y en a pour certaines dépenses. Pourquoi pas ? Mais je reconnais qu'on ne va pas s'engager dans un tel processus à mi-législature.

Vous avez donc retenu l'option la plus réaliste : renvoyer la répartition du surplus à chaque loi de finances.

Concrètement, cela signifie qu'un article de la loi de finances pour 2005 précisera la manière dont seront utilisés d'éventuels surplus. Sue ce point, compte tenu de l'état de nos finances, j'estime que la sagesse serait - et je sais que c'est votre position, Monsieur le ministre d'Etat - d'affecter la totalité du surplus à la réduction de l'endettement et du déficit ; tel est en tout cas le sens de l'amendement que je défendrai.

Votre règle de comportement marque une étape essentielle dans notre recherche d'un meilleur pilotage de nos finances. Vous l'avez dit hier devant l'Association des Maires de France, et ils ont été réceptifs. Les maires sont obligés en effet d'équilibrer nos budgets ; or vous avez rappelé qu'un acteur s'exonérait de cette obligation, et pouvait financer par l'emprunt des dépenses de personnel ou des frais financiers : l'Etat. Entendant ce propos courageux, la salle a bien vu le problème, la nécessité pour chaque Français - élu ou simple citoyen - de comprendre que nous ne pouvons poursuivre sur ce chemin de l'endettement. Je vous suis donc très reconnaissant, Monsieur le Ministre d'Etat, de nous proposer aujourd'hui une règle de comportement qui fera date dans l'histoire de nos finances publiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale - Nous sommes aujourd'hui saisis d'une modification de la loi organique relative aux lois de finances dont l'objet est de placer la réduction des déficits et, partant, de la dette publique pesant sur les générations futures, au cœur de notre stratégie de finances publiques. Je ne rentrerai pas dans les modalités pratiques de ce dispositif, partageant l'excellente analyse du rapporteur général. Je souhaite en revanche faire le point sur la mise en œuvre de la LOLF, à un peu plus d'un mois de son entrée en vigueur, et sur les défis qui nous attendent en 2006.

Conformément à l'article 66-1 de la LOLF, le projet de loi de finances pour 2005 a été accompagné d'un document le présentant sous le format missions-programmes-actions, conformément à la maquette présentée en juin par le Gouvernement. Il s'agit d'un document particulièrement utile parce qu'il présente, pour la première fois, les grandes masses budgétaires de l'Etat par mission, et parce qu'il permettra d'effectuer des comparaisons à périmètre constant lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2006.

La maquette proposée par le Gouvernement répond pour l'essentiel à l'attente du Parlement. Elle a repris un grand nombre des propositions formulées par la mission d'information de la commission des finances consacrée à la LOLF. Il reste certains points de désaccord: la mission « remboursements et dégrèvements », qui, avec 68,3 milliards d'euros, est la première mission du budget général ; le découpage en programmes de la mission « Défense », et la mission monoprogramme « Conseil économique et social ». Notons qu'une conséquence inattendue de la réforme de la redevance est de transformer la mission « médias » en mission monoprogramme. Une solution doit être trouvée, autre que la disparition de cette mission et le rattachement artificiel du programme « presse » à la mission du Premier ministre.

S'agissant de la maquette et du nouveau principe de spécialité budgétaire qui la sous-tend, des travaux d'ordre réglementaire sont en cours : la mise en place des budgets opérationnels de programme, la réforme du contrôle financier, la gestion des fonds de concours. Dans tous ces dossiers, il conviendra de rechercher un équilibre entre la nouvelle liberté de gestion des responsables de programme et la nécessaire maîtrise des finances publiques.

Enfin, cette nouvelle maquette obligera le Parlement à repenser son mode de contrôle et, en particulier, à harmoniser les portefeuilles des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis avec la division du budget en missions et programmes. L'Assemblée nationale, en particulier sa commission des finances, devra être exemplaire sur ce point.

Le projet de loi de finances pour 2005 a aussi offert au Parlement l'occasion de découvrir les avant-projets annuels de performance, permettant une première approche des documents budgétaires qui remplaceront l'an prochain les actuels bleus. Il s'agit bien sur d'une version a minima des futurs PAP, puisque n'y figurent ni la justification au premier euro, ni les dépenses fiscales afférentes. On y trouve en revanche la première version des objectifs et des indicateurs rattachés à chacun des programmes. C'est là un point essentiel de l'équilibre général de la réforme : le Parlement n'a accepté de réduire la portée du principe de spécialité budgétaire qu'en échange d'une réorientation de la gestion publique vers la performance, dont les objectifs et les indicateurs sont la manifestation concrète. Chaque avant-PAP comprend donc une batterie d'objectifs et d'indicateurs dont la pertinence a fait l'objet d'une première analyse dans le cadre des rapports spéciaux. L'appréciation portée est très variable ; de fait l'exercice est difficile, car l'action publique n'est pas toujours quantifiable. Ce travail doit être poursuivi et la mission d'information de la commission des finances analysera, avec l'aide des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis des autres commissions qui le souhaiteront, le dispositif de performance proposé. Nous ne pourrons toutefois procéder à une analyse détaillée de chacun des objectifs et indicateurs et nous devrons nous contenter de prendre un certain nombre d'exemples représentatifs en essayant de dégager une doctrine. Ma conviction est que l'élaboration d'objectifs et d'indicateurs pertinents sera un travail de longue haleine, dans lequel les parlementaires devront jouer un rôle d'aiguillon permanent auprès des administrations.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Très bien.

M. Michel Bouvard, président de la commission spéciale - Autre chantier qui nous attend en 2006, la modernisation de l'informatique comptable et financière de l'État grâce au projet Accord 2. Il a été indiqué que l'essentiel de la réforme budgétaire serait assuré grâce au projet « Pallier 2006 ». Pouvez-vous, Messieurs les ministres, nous donner des précisions sur ce chantier essentiel, en particulier sur la durée de la solution transitoire retenue ?

Enfin, se pose le problème du périmètre des plafonds d'autorisation d'emplois. Ceux-ci constituent une avancée réelle pour l'autorisation parlementaire qui portera non plus sur un flux de création d'emplois, mais sur un stock d'emplois autorisés chaque année. Malheureusement, seuls les emplois rémunérés directement par l'État figureront dans ce plafond, contrairement à la volonté du législateur organique. Or cette perspective risque, pour certains ministères, de priver les plafonds de toute portée : pourquoi autoriser un plafond d'emploi pour la politique culturelle s'il n'inclut pas les personnels des établissements qui mettent en œuvre cette politique ? La Cour des Comptes, dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2003, a bien décrit cette mécanique. De même, à quoi bon ouvrir un plafond pour la politique de la recherche s'il ne comprend pas les chercheurs ? On risque de créer ainsi une sorte de prime à la débudgétisation qui pourrait s'avérer dangereuse. Nous défendrons donc un amendement destiné à corriger, de façon progressive et raisonnable, cette limitation à l'autorisation parlementaire.

Au-delà de la mise en œuvre de la LOLF et des progrès qu'il nous faudra accomplir ensemble pour qu'elle soit à la fois un outil de transparence de la gestion publique et de plus grande efficacité de la dépense publique - ce qui passe aussi par la réussite concomitante des stratégies ministérielles de réforme - je souhaite pour conclure évoquer deux propositions formulées par la commission spéciale.

Ma conviction profonde, Monsieur le ministre d'Etat, est qu'avec la mise en œuvre du quinquennat, la Ve République a changé de nature, dans le sens de la présidentialisation du régime. C'est d'autant plus vrai que, depuis 2002, le Président de la République et le Premier ministre appartiennent à la même majorité, et que ce dernier est l'acteur de la politique présidentielle. Or un vrai régime présidentiel ne peut être viable dans la durée que si les pouvoirs sont équilibrés, ce qui suppose, l'initiative étant concentrée dans les mains du chef de l'exécutif, un renforcement radical du pouvoir de contrôle du Parlement, et singulièrement de l'Assemblée nationale, seule chambre élue au suffrage universel direct. La LOLF est l'un des outils de ce contrôle renforcé, mais le contrôle mis en œuvre à l'Assemblée nationale est encore limité et trop peu visible, dans une société où la médiatisation est aussi un élément de l'équilibre des pouvoirs.

Il faut donc aujourd'hui rendre le contrôle de l'Assemblée nationale sur la gestion de l'Etat plus visible pour nos concitoyens. Un pas a été fait avec l'ouverture à la presse des auditions de la mission d'évaluation et de contrôle. Nous souhaitons aujourd'hui aller plus loin. C'est pourquoi la commission spéciale, sur ma proposition et sur celle du rapporteur général, en accord avec le président Méhaignerie, a souhaité pouvoir organiser un débat sur le rapport annuel de la Cour des Comptes et, le cas échéant, sur les rapports particuliers. Le but est d'éclairer la représentation parlementaire sur les observations de notre plus haute juridiction financière, mais aussi de lui permettre d'exercer un véritable droit de suite sur les observations faites, dont certaines sont répétées année après année sans produire d'effet notable.

A l'occasion de l'échange intervenu entre notre commission des finances, nos homologues de la Chambre des Communes du Royaume-Uni et le NAO, équivalent britannique de la Cour des Comptes, le président de cet organisme m'a fait observer que plus de 90% de ses recommandations et observations étaient suivies d'effet. Force est de constater que nous sommes loin de ce résultat. Notre amendement entend faire descendre la culture du contrôle dans l'hémicycle, permettre le débat sur les principales observations de la Cour et sur leur prise en compte ; il permettra aussi le cas échéant de savoir quelles raisons ont poussé un ministère à agir différemment, le Parlement demeurant d'ailleurs libre de lui donner raison - il ne s'agit évidemment pas de substituer l'observation de la juridiction financière à la décision de la représentation nationale. Cet amendement peut changer profondément la nature d'une séance qui aujourd'hui se limite à la remise académique du rapport, dont seuls les éléments repris par le rapporteur général ou par des rapporteurs spéciaux à l'occasion des lois de finances font l'objet d'une discussion segmentée et trop timide.

Le renforcement du contrôle passe par un contrôle plus visible, il passe aussi, je ne crains pas de le dire, par un renforcement des droits de l'opposition. L'exercice est difficile : ce que l'on réclame dans l'opposition, nous sommes rarement enclins à l'accorder lorsque nous sommes dans la majorité, et ce quelle que soit la majorité... Une avancée a pourtant eu lieu avec la mise en place d'une coprésidence lors de la création de la MEC. De même nous devons aujourd'hui permettre à l'opposition de participer au suivi de l'exécution du budget, sur des points pour lesquels subsisteraient des interrogations en dehors du champ couvert par les rapporteurs spéciaux issus de ses rangs.

Ne cachons pas les difficultés. La première est l'absence de statut de l'opposition dans notre pays ; aucune disposition constitutionnelle n'indique d'ailleurs ce qu'est l'opposition, et ce n'est pas une loi organique qui peut y pourvoir. D'autre part il est nécessaire, pour assurer le bon fonctionnement de nos assemblées, de ne pas affaiblir le rôle des rapporteurs généraux en ouvrant la voie à la création d'une espèce de contre-rapporteur général.

Plusieurs rédactions ont été proposées. La nôtre répond en tout état de cause à notre désir d'une plus grande transparence, là aussi, et de reconnaissance du rôle que peut jouer l'opposition dans la mise en œuvre du contrôle.

Vous l'aurez compris, Monsieur le ministre d'Etat : au-delà des dispositions du texte sur l'affectation d'un éventuel excédent de recettes qui relève de la même logique de transparence et du même principe de bonne gestion, cette loi organique peut être l'occasion de parfaire une réforme portée consensuellement sous la précédente législature. Je souhaite que le Gouvernement, conscient de la nécessité d'un rôle accru du Parlement, souscrive à ces demandes, à l'heure où nos concitoyens s'interrogent de plus en plus sur l'efficacité de la dépense publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Louis Giscard d'Estaing - Ce débat est effectivement utile : il nous invite à nous interroger à la fois sur la façon dont la dépense publique a été gérée depuis 1981, sur l'affectation que nous devons donner aux éventuelles plus-values fiscales et, ne serait-ce que parce que nos marges de manœuvre dépendent de leur réalisation, sur la nature des hypothèses servant à construire le budget.

Je commencerai par traiter de ce dernier point. Les hypothèses de croissance retenues dans les lois de finances n'ont jamais été démenties aussi fortement qu'en 2002 - n'est-ce pas, Monsieur Migaud ? mais l'observation s'adresserait à M. Fabius aussi, s'il était présent... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) - mais je noterai surtout, que, si, comme l'a dit le ministre d'Etat, tous nos budgets ont été présentés en déficit depuis 1981, ce déficit a souvent dépassé les prévisions : en effet, en quinze ans, la croissance n'a dépassé que quatre fois celle qui était prévue. Le fait devrait donc nous inciter à adopter une règle de stricte prudence et, par exemple, à ne pas retenir l'hypothèse de croissance moyenne, dite « du consensus des économistes », mais plutôt la moitié de ce taux.

Cependant, le budget pour 2004 a échappé à l'irréalisme trop fréquemment de règle : nous avons fait sensiblement mieux que l'hypothèse de 1,7% de croissance et cela nous permet aujourd'hui de nous pencher sur l'affectation de recettes supérieures aux prévisions. Il ne faut toutefois pas dilapider ces 7,6 milliards d'euros, mais plutôt utiliser le surplus en fonction du poids de la dette et des charges de fonctionnement, afin de préserver la part de l'investissement. Or notre endettement est passé entre 1980 et aujourd'hui de 20% à plus de 60%. Nous devons réduire dès que possible cette charge, pour dégager des marges de manœuvre budgétaire et pour ne pas pénaliser indûment les générations futures. Je souscris donc au principe consistant à affecter les deux tiers des éventuels excédents au remboursement de la dette publique.

Enfin, comme le président de la commission spéciale, je pense que c'est dans cette Assemblée que doit être débattue l'affectation de ces recettes supplémentaires. C'est pourquoi ce projet de loi organique aura notre entier soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Merci de votre concision.

M. le Ministre d'Etat - Merci également. Quant à M. Migaud, peut-être conviendrait-il que je le remercie avant qu'il ne parle...

M. Didier Migaud - L'ordonnance organique du 2 janvier 1959 n'a, avant d'être abrogée...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - Elle ne l'est pas encore !

M. Didier Migaud - ...subi que deux modifications mineures en 42 ans, en dépit de 36 propositions de loi visant à la changer ou à la supprimer, sans compter les multiples critiques dont elle a fait l'objet. Paradoxalement, il n'en sera pas de même de la loi organique relative aux lois de finances, malgré le consensus dont elle bénéficie depuis son adoption, puisqu'elle va être modifiée avant même d'entrer complètement en application. Faut-il s'en réjouir ou s'en attrister ? Tout dépend bien évidemment de la nature des modifications en cause - et celles-ci ne touchent pas le cœur du texte, à savoir la gestion des finances publiques, mais seulement les modalités de pilotage de ces dernières -, mais on ne peut par principe regretter qu'une loi évolue, aucune ne pouvant être définitivement gravée dans le marbre.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à dire que je suis heureux et fier de partager la paternité de cette loi organique avec Laurent Fabius - qui est en effet absent ce soir, Monsieur Giscard d'Estaing, mais l'essentiel n'était-il pas qu'il fût présent au moment décisif ? - et avec Alain Lambert, sans qui rien n'aurait été possible.

M. le Président de la commission spéciale - Très bien !

M. le Ministre d'Etat - Sans oublier M. Migaud ! (Sourires)

M. Didier Migaud - Je salue également le travail effectué par le ministre d'Etat et par M. Bussereau pour donner corps à ces dispositions. Puisse ce que nous avons cherché ensemble trouver sa concrétisation dans la fidélité aux objectifs qui étaient nôtres : efficacité, souplesse, responsabilité, transparence. Nous pouvons avoir - et nous avons effectivement - des divergences sur les politiques conduites mais, sur l'outil, nous ne pouvons que nous accorder.

Venons-en donc à ce projet. Le Gouvernement y affiche un souci d'orthodoxie budgétaire qui a été démenti par les faits. Les finances publiques ont « explosé » depuis juin 2002, comme l'a reconnu le directeur du Budget lui-même lorsqu'il a parlé de situation dégradée et de déficit excessif. L'année 2003 a été une année noire, le déficit et la dette battant des records historiques, à 4,1 et 63,7% du PIB respectivement. Pour la première fois, nous avons, pour l'endettement, dépassé le plafond de 60% prévu par le Pacte de stabilité, avec lequel nous sommes donc doublement en infraction.

J'ai moi aussi regardé les chiffres, Monsieur le ministre d'Etat, mais je n'en ai pas la même interprétation que vous. De 1989 jusqu'en 1997, la dette publique rapportée au PIB n'a certes cessé d'augmenter mais, à partir de 1998 et jusqu'en 2001, ce ratio a régulièrement baissé. Il n'a recommencé à monter qu'en 2002, après un collectif qui a contribué à aggraver singulièrement notre situation financière. L'audit que vous avez vous-même commandé faisait état de 2,6% de déficit public, dans la pire des hypothèses : on sait ce qu'il en est depuis...

Nous partageons sans doute la responsabilité de cet endettement croissant, mais l'objectivité devrait vous obliger de reconnaître que votre majorité n'est pas aussi vertueuse que vous le prétendez. Ses politiques ont non seulement aggravé la situation des comptes publics, mais aussi et surtout les inégalités.

Je suis autant convaincu que vous de l'intérêt qu'il y a à améliorer encore les règles de pilotage de nos finances publiques mais, lors du débat d'orientation budgétaire, vous aviez laissé entendre que vous souhaitiez l'adoption de règles de comportement budgétaire pluriannuelles. Vous aviez même défendu, à grand renfort de communication, l'idée selon laquelle la moitié au moins des surplus éventuels de recettes devrait être automatiquement affectée à la réduction de la dette publique. Or la montagne médiatique n'a accouché que d'une souris organique : il n'est plus question que d'un simple article relatif aux modalités de cette affectation... De longues explications ne sont pas nécessaires pour comprendre que la portée pratique de cette loi organique peut être ramenée à rien par des prévisions manquant de sincérité.

M. Hervé Mariton - Il faut savoir faire des additions !

M. le Ministre d'Etat - Il est plus compétent pour les soustractions !

M. Didier Migaud - Ce texte a une seconde faiblesse, perceptible déjà dans votre proposition de commission chargée d'évaluer les surplus éventuels de recettes de TVA.

La seconde faiblesse de votre proposition est d'être, paradoxalement, peu volontariste : en l'absence de toute disposition dans la loi de finances initiales, c'est l'intégralité des recettes supplémentaires qui viennent en diminution du déficit public, lorsqu'elles sont constatées en loi de règlement. Si cette loi organique avait existé en 1999, nous n'aurions probablement pas pu affecter à la réduction de la dette plus de 80% des surplus de recettes constatés. Vous avez parlé de la « cagnotte », Monsieur le ministre d'Etat, mais ce n'est pas nous qui l'avons inventée, c'est l'actuel Président de la République et je comprends donc que vous lui reprochiez un comportement peu responsable (Sourires), mais comment peut-on en fait parler de cagnotte quand le déficit de l'Etat est si important ?

M. Philippe Auberger - Vous auriez dû plutôt parler de la cassette d'Harpagon. (Sourires)

M. Didier Migaud - Heureusement que nous nous sommes alors montrés plus responsables. Nous avons affecté la quasi-totalité de ces surplus au désendettement précisément parce que nous sommes attentifs à l'évolution de l'endettement public et au solde primaire, qui désigne la différence entre les recettes et les dépenses minorée de la charge de la dette. C'est le seul moyen pour apprécier le niveau objectif des déficits publics en permettant ainsi de stabiliser l'encours de la dette publique puis de le faire baisser en proportion du PIB.

Enfin, l'opposition devrait bénéficier d'un pouvoir de suivi et de contrôle du budget.

M. le Ministre d'Etat - Si tel est le cas, vous le voterez ?

M. Didier Migaud - Je ne pensais pas que l'opposition puisse être privée de tout pouvoir de contrôle car tel n'est pas le cas lorsque la gauche est majoritaire, puisque la droite bénéficie d'une majorité au Sénat. Nous sommes la seule démocratie au monde à connaître pareille situation. J'espère donc que nous pourrons avancer, notamment grâce à la discussion de nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre-Christophe Baguet - Ce projet participe de l'amélioration de la procédure budgétaire en ce qui concerne l'utilisation d'une éventuelle « cagnotte ». Le Conseil d'Etat a vidé de sa substance le projet initial du Gouvernement pour des raisons d'ailleurs légitimes. Le ministre d'Etat voulait conférer un statut organique à l'obligation d'affecter pour partie un éventuel excédent à la réduction du déficit, ce qui est une intention tout à fait louable car la dette explose et menace nos équilibres économiques et sociaux. L'UDF ne cesse de demander aux gouvernements successifs de faire de l'assainissement des finances publiques une priorité nationale.

Le Gouvernement propose que soit inscrite dans la loi de finances l'affectation d'éventuelles recettes supérieures à la prévision et qu'un article de la loi de finances inscrit en première partie précise l'utilisation de ces recettes en les affectant pour partie à la réduction du déficit. Quelle est la portée juridique de cet article ? En quoi cela évitera-t-il un débat sur une autre affectation ? Ce qu'une loi fait, une autre loi peut le défaire.

En outre, nous nous refusons à régler le véritable problème qui est celui de la différence entre les prévisions de la loi de finances initiales et son exécution, et notamment s'agissant des moins-values fiscales. En 2003, le Gouvernement avait retenu des hypothèses de croissance très optimistes et a surestimé les recettes. Ce sont en fait 11 milliards de recettes fiscales et non fiscales qui ne sont pas rentrées dans les caisses de l'Etat. Le déficit de 2003 a ainsi été supérieur de 20% à ce que le Parlement avait approuvé.

Le groupe UDF propose qu'en cas d'écart significatif - à la hausse comme à la baisse - entre les prévisions de recettes et l'exécution, le Gouvernement présente un projet de loi de finances rectificatives dans un délai de deux mois, ce qui contribuerait d'ailleurs à revaloriser le rôle du Parlement. La commission a néanmoins refusé cette proposition pour deux raisons. Elle a tout d'abord considéré que proposer un projet de loi de finances rectificatives en cas de moins-values aggraverait la récession qui aurait provoqué ce manque à gagner. Outre que cela reste à prouver, nous considérons que c'est au contraire l'explosion de la dette qui met en danger les équilibres économiques. Elle a argué ensuite de l'impossibilité de mesurer l'écart entre les prévisions et l'exécution, ce qui nous étonne car nous recevons chaque mois un état des finances publiques. En fait, la disposition existe, mais nous refusons d'en user.

L'UDF propose de rendre obligatoire la présentation des lois de finances en équilibre pour ce qui est du fonctionnement. Si, en effet, le déficit peut être justifié s'il sert à financer des dépenses qui bénéficieront aux générations futures, il ne l'est pas dans le cas des dépenses de fonctionnement. Adopter cet amendement démontrerait notre volonté commune d'assainir vraiment les dépenses publiques.

Enfin, l'idée d'associer des parlementaires au contrôle budgétaire est séduisante, mais elle ne traite pas de l'essentiel car un véritable contrôle passe par le rééquilibrage de notre démocratie en faveur du Parlement et du dialogue entre majorité et opposition. Nous sommes d'accord pour attribuer plus de pouvoirs à l'opposition, à condition que cela n'accentue pas la bipolarisation de l'hémicycle comme le propose perfidement le groupe socialiste.

M. Didier Migaud - Pas perfidement ! (Sourires)

M. Pierre-Christophe Baguet - Il conviendrait que les majorités successives ne se montrent pas aussi hégémoniques. Sur ce point, nous avons également fait des propositions qui ont toutes été refusées.

L'UDF considère que ce projet ne suffira pas à redresser nos finances publiques mais comme vous proposez des évolutions courageuses, nous nous en tiendrons à une absentions positive en attendant l'examen de nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jacques Brunhes - Nous avons eu l'occasion de débattre, il y a trois ans, de la loi organique relative aux lois de finances que votre projet propose aujourd'hui d'amender.

Adversaires convaincus de l'ordonnance de 1959 et de ses conséquences mutilantes sur les pouvoirs du Parlement, nous avions accueilli avec bienveillance cette révision complète de la « constitution financière » de l'Etat. Nous avions certes émis des réserves, nous montrant par exemple hostiles à l'intention initiale d'inscrire dans la loi organique la référence au pacte de stabilité européen. Mais nous avions aussi souligné d'indéniables avancées concernant, notamment, la lisibilité et la sincérité des documents budgétaires, la simplification des procédures et les pouvoirs budgétaires du Parlement.

Nous ne saurions réserver le même accueil au texte qui nous est aujourd'hui présenté. Nous n'y trouvons nulle trace, en effet, de l'esprit de consensus qui avait permis à l'époque d'entreprendre une réflexion inspirée par le souci de l'intérêt général. Ce projet est un bricolage et un gadget idéologique. Il suffit pour s'en convaincre de rappeler quelle fut sa genèse.

Vous aviez annoncé au printemps un projet de loi qui définirait par principe l'utilisation des recettes fiscales supplémentaires en cas de retour de la croissance. La clé de répartition était la suivante : deux tiers pour la réduction du déficit, un tiers pour l'action du Gouvernement. Fin septembre, hélas, le Conseil d'Etat observait qu'un tel texte serait inconstitutionnel. Le Gouvernement s'est donc rabattu sur le présent dispositif, qui prévoit que la première partie de la loi de finances arrêtera les modalités d'utilisation des éventuels surplus.

Ainsi réduite à peau de chagrin, votre disposition pourrait sembler inoffensive. Tel n'est cependant pas notre point de vue. Non seulement votre projet de loi se réclame d'objectifs économiques que nous récusons, mais il porte gravement atteinte au droit de regard des Français sur l'utilisation des surplus budgétaires. Il masque en réalité votre volonté de vous défausser de vos responsabilités.

Je ne m'attarderai pas sur la rhétorique usée de la réduction des déficits, principal alibi de votre politique. On peut se demander, d'ailleurs, si votre programme ne se résume pas à ce seul slogan, les pages des autres chapitres budgétaires s'étant en quelque sorte volatilisées.

Vous prétendez accorder la priorité au remboursement de la dette publique, mais vous consentez encore cette année des allégements de charges démesurés aux entreprises et aux familles les plus aisées. Vous nous parlez de déficit, et vous n'envisagez pas d'autre moyen que les privatisations pour résoudre la question des ressources de l'Etat, sans jamais évoquer les possibles recettes sur les actifs financiers ou l'amélioration du rendement des tranches supérieures de l'impôt sur le revenu. Il semble finalement que le seul objectif de ce texte soit de donner des gages d'orthodoxie budgétaire à l'Union européenne. Nous ne vous suivrons pas dans cette voie.

Vous m'objecterez, à bon droit, que la disposition que vous nous proposez ne vise qu'à doter notre pays d'une règle d'affectation des surplus conjoncturels de recettes, comme c'est le cas aux Pays-Bas. Vous invoquerez la nécessité de la prudence ou la sincérité du débat budgétaire...

Nos collègues socialistes ont proposé d'amender votre texte pour renforcer les pouvoirs du Parlement dans la loi organique. Nous sommes favorables à une telle mesure, mais nous considérons que sur ce point, on ne saurait faire l'économie d'un véritable débat constitutionnel, visant notamment la révision de l'article 40.

Sans doute pourrions-nous entendre certains de vos arguments s'ils ne servaient manifestement de paravent au débat public. En effet, la discussion des surplus budgétaires est toujours l'occasion d'un débat démocratique sur les priorités que cette marge de manœuvre permet de satisfaire. Or c'est au fond ce débat que votre projet tente d'esquiver, en en renvoyant les enjeux en amont, dans le cadre moins exposé de la discussion de la première partie de la loi de finances. Vous préférez éviter le débat avec les Français. Pour vertueuse qu'elle prétende être, votre proposition est loin d'être un manifeste pour la transparence du débat public.

Notre position sera aussi ferme que la vôtre. Vous affirmez la priorité du remboursement de la dette publique, nous affirmons que vous détournez l'attention des Français sur un faux débat. Vous êtes convaincus que la dépense publique n'est pas efficace, nous pensons qu'elle peut être un puissant moteur de croissance, créer un environnement favorable à la performance de nos entreprises et permettre de réduire la facture sociale, celle-là même qu'un chef d'Etat a cru un jour devoir appeler la « fracture » sociale.

Le serpent de mer de la dette publique ne nous paraît pas une priorité. Nous sommes convaincus de l'utilité de la dépense publique, et votre projet de loi ne vise qu'à jeter le soupçon sur son efficacité et à occulter le débat sur les fruits de la croissance. Nous voterons donc contre.

M. Hervé Mariton - Nous faisons des choix politiques. Celui de la stabilité de la dépense nous honore et nous oblige sur plusieurs années. Il est important de le tenir dans l'exécution budgétaire 2004, dans le budget pour 2005 - comme vous nous le proposez - et dans les exercices budgétaires à venir.

La stabilité de la dépense est une nécessité financière en même temps qu'un stimulant de l'efficacité de l'Etat - ce que démontre par exemple l'amendement de notre collègue Bouvard visant à une meilleure vigilance sur les emplois des établissements publics. Et nous ne voulons voir dans la variation que le rapporteur évoquait tout à l'heure qu'une obligation renforcée pour l'exécution budgétaire 2005.

Le choix de la réduction des déficits est la condition d'une politique durable en faveur de la croissance.

Nous devons aussi définir nos choix s'agissant des recettes. En la matière, notre débat d'aujourd'hui nous le rappelle, il n'y a rien de miraculeux. Notre collègue Migaud évoquait tout à l'heure les moins-values enregistrées sur la fiscalité pétrolière. La façon dont ce débat est abordé laisse supposer que par le jeu de phénomènes surnaturels, des surplus de recettes pourraient apparaître alors même que les chiffres démontrent le contraire.

M. Didier Migaud - Mais non !

M. Hervé Mariton - Il n'en reste pas moins important, lorsque l'on constate un surplus de recettes, de réfléchir à son affectation. Evitons de laisser filer - comme la gauche l'a fait - une augmentation de recettes qui n'est pas nécessairement inscrite dans la durée.

La proposition qui nous est faite de raisonner l'usage des plus-values fiscales est donc bienvenue. Sa première vertu est d'affirmer qu'il n'y a rien de surnaturel dans l'évolution des recettes fiscales. C'est donc la moindre des choses que le Gouvernement analyse la situation et en rende compte au Parlement. On ne peut laisser croire à nos compatriotes que la matière budgétaire n'est qu'une matière artistique où tous les chiffres se valent. Il y a des données, même si elles peuvent inspirer des choix politiques différents.

Il faudra bien, du reste, choisir. C'est notre responsabilité politique. Le projet de loi propose de le faire à l'avance : c'est ce que l'on appelle une stratégie. Voilà une démarche vertueuse : expliquer, justifier, et essayer d'anticiper sur les choix. Nous soutenons l'approche du Gouvernement : énoncer à l'avance le choix - politique - de privilégier la réduction des déficits.

Le ministre d'Etat a précisé les différents cas de figure selon lesquels les éventuelles plus-values pourraient être affectées à la réduction du déficit. Je gage que nous nous accorderons facilement sur ce point

La démarche qui nous occupe eut dû aller de soi depuis longtemps, mais il ne semble finalement pas inutile de l'inscrire dans la loi organique car ce sera le gage d'une gestion rigoureuse des finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire - Je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence du ministre d'Etat, qui a du se rendre à des obsèques dans son département, les Hauts de Seine.

C'est avec grand plaisir que nous avons écouté MM. Carrez et Bouvard rappeler le contexte budgétaire dans lequel se situe cette proposition de loi organique et exposer leurs différentes propositions d'amélioration, sur lesquelles nous reviendrons en cours du débat sur les amendements.

Cher Louis Giscard d'Estaing, j'ai bien noté vos différentes observations, en particulier vos exhortations à la prudence, et je vous en remercie. Merci aussi à Didier Migaud d'avoir rappelé de manière élégante et objective les conditions dans lesquelles la LOLF a été adoptée et la manière dont nous nous attachons à la mettre en oeuvre, que j'ai du reste eu l'occasion de présenter lors d'un récent conseil des ministres. La démarche programmatique est bien engagée, et dès l'année prochaine 10% des crédits votés en loi de finances initiale feront l'objet d'une expérimentation sous ce mode.

Je veux dire à Pierre-Christophe Baguet que j'ai également bien noté son souci de progresser dans la voie de la transparence. Et je vous ai, Monsieur Brunhes, trouvé bien isolé, j'en ai du reste été un peu triste pour vous car vous êtes un homme sympathique et ouvert. Je regrette que vous disiez ne pas reconnaître dans ce texte l'esprit de transparence qui avait fait consensus lors de l'adoption de la loi organique. Il est dommage qu'une grande formation politique, aussi démocratique que la vôtre - au moins dans son appellation (Sourires) -, se refuse à participer à notre démarche commune.

Je remercie enfin Hervé Mariton d'avoir rappelé s'il en était besoin que la politique budgétaire, ce sont des choix. Puisse cet appel être entendu de tous !

Monsieur le président, je sollicite une brève suspension de séance avant que ne s'engage la discussion des amendements.

La séance, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 17 heures 5.

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement ! Je voudrais souligner que ce n'est pas l'opposition qui retarde les débats en demandant des suspensions. Nous souhaitons pouvoir terminer l'examen du budget cette nuit, car il serait difficile à beaucoup d'entre nous d'avoir à revenir lundi soir.

M. le Président - Si vous le voulez vraiment, la présidence se montrera très sévère sur les temps de parole... (Rires)

M. Augustin Bonrepaux - Nous souhaitons simplement pouvoir dépasser minuit si cela est nécessaire !

M. le Secrétaire d'Etat - Nous allons terminer l'examen du projet de loi organique, puis reprendre celui du projet de loi de finances, que nous essaierons d'achever ce soir.

ART. UNIQUE

M. le Président - J'appelle l'article unique du projet de loi organique dans le texte du Gouvernement.

M. Jacques Brunhes - L'amendement 7 vise à supprimer cet article unique. Tout à l'heure, le ministre, plein de sollicitude, a parlé de l'isolement de mon groupe, mais je ne me sens pas le moins du monde isolé en réclamant plus de transparence dans la politique budgétaire ! Lors de l'examen de la loi organique de 2001, nous avions ainsi fait retirer une référence au pacte de stabilité européen... Vous proclamez qu'il est impératif de réduire le déficit : certes, mais à aucun moment, vous n'évoquez les ressources de l'Etat, ni le rendement de l'impôt, ni les milliards engloutis dans les allègements consentis aux entreprises, ni les actifs financiers, bref : toute votre politique qui aggrave les déficits ! La transparence n'existe que si l'ont peut parler de tout cela ; c'est justement ce que vous voulez éviter ! Les Français ont droit à un débat démocratique sur les surplus de recettes.

M. le Rapporteur - La commission a, bien entendu, refusé cet amendement. Nous entendons favoriser un comportement budgétaire vertueux, qui part d'une idée toute simple : dès lors que les recettes sont supérieures aux prévisions, les surplus doivent, compte tenu de notre situation, aller en priorité au désendettement. Or, que propose M. Brunhes ? D'augmenter les impôts en cas de déficit, alors que nous sommes déjà l'un des pays au monde où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés !

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement considère que ce projet de loi organique est très important et s'oppose bien sûr à la suppression de son article unique.

M. Jacques Brunhes - Nous gagnerions du temps en nous épargnant ce genre de caricature, qui empêche un débat serein. Plutôt que d'affirmer que nous préconisons une augmentation des impôts, le rapporteur pourrait se donner la peine de lire nos textes, ou tout simplement de nous écouter ! Nous savons que notre amendement sera repoussé, mais nous demandons que la suite du débat se déroule avec de véritables arguments.

L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - Chacun connaît l'exigence de rigueur de Charles de Courson. Pour servir l'intérêt général, il nous demande souvent de nous protéger de nos petites faiblesses et de combattre nos vieilles habitudes. Il nous propose en l'occurrence, par l'amendement 7, d'imposer au Gouvernement, au cas où les recettes déraperaient de plus de 3% par rapport aux prévisions - soit tout de même 10 milliards ! - de présenter une loi de finances rectificative. Il s'agit d'une proposition de grande sagesse, qui conforterait le rôle du Parlement.

M. le Rapporteur - Cet amendement est très intéressant. Pour piloter au plus près nos finances, il est indispensable de prendre la mesure du dérapage dès qu'il survient et de procéder aux corrections qui s'imposent. En revanche, exiger une loi de finances rectificative semble quelque peu brutal : avant de mettre en branle cette procédure bien lourde, au moins pourrait-on demander au Gouvernement de faire un rapport à la commission des finances. Il faut retenir, en tout cas, l'idée d'un suivi et d'une information du Parlement en temps réel.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Le Gouvernement est favorable à la piste ouverte par le rapporteur.

M. Pierre-Christophe Baguet - Corriger l'amendement 14 en écrivant que le Gouvernement « est tenu, dans les deux mois suivant ce constat, de présenter à la commission des finances un rapport qui précédera une loi de finances rectificative » ne serait-il pas un bon compromis ?

M. le Rapporteur - Non, car nous rencontrerions alors le même problème que celui que nous avons connu lorsque le Gouvernement a voulu écrire dans la loi organique que s'il y avait des surplus, il faudrait les affecter de façon prépondérante à la réduction des déficits. Le Conseil d'Etat a dit non, car il a considéré comme inacceptable cette injonction adressée à l'exécutif. Je vous invite donc à retirer votre amendement, étant entendu que nous sommes d'accord sur l'idée d'un suivi.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je suis sensible à cet argument et je veux bien retirer mon amendement, dès lors que vous vous engagez à tenter de trouver un compromis avec M. de Courson lors d'une prochaine séance de la commission des finances. C'est important, car tout conducteur de voiture sait bien que c'est dès le début d'un dérapage qu'il faut réagir, sauf à finir dans le fossé.

L'amendement 15, dans le même esprit que le précédent, tend à ce que la loi de finances initiale précise aussi comment seraient compensées d'éventuelles moins-values.

L'amendement 14 est retiré.

M. le Rapporteur - Le projet traite des surplus et se place strictement dans cette hypothèse. Avis défavorable, donc.

Un mot cependant à propos des moins-values. Nous en avons connu d'importantes en 2003 et le Gouvernement a alors bien réagi, premièrement en tenant le cap du « zéro volume », et deuxièmement en disant qu'on ne compenserait pas ces dix milliards de moins-values par des économies supplémentaires, afin de ne pas aggraver la crise par une mesure procyclique. Je suis convaincu que nous avons facilité ainsi un retour plus rapide de la croissance.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Pierre-Christophe Baguet - Ces arguments sont tout à fait recevables, mais dans l'esprit de Charles de Courson...

M. Franck Gilard - Il vaudrait mieux qu'il soit là !

M. Pierre-Christophe Baguet - Ne me croyez-vous donc pas capable de représenter le groupe UDF ? Ce n'est pas très gentil...

Dans l'esprit de Charles de Courson, disais-je, il s'agit aussi par cet amendement de se préserver des surestimations de recettes, pratique courante de tous les gouvernements. Cet amendement les contraindrait à plus de prudence.

M. Didier Migaud - On ne va pas reprocher à M. de Courson d`être absent cet après-midi, alors que chacun connaît son assiduité en commission et dans ce type de débat !

L'amendement et la réponse qui lui est faite confirment ce que nous disions, à savoir que ce projet aura peu de portée, car tout dépend en réalité de la façon dont sont calculées les hypothèses de recettes. Nous aurions donc préféré des propositions donnant à leur estimation un caractère plus transparent et plus contradictoire. Car, Monsieur le rapporteur, si vous vous êtes « planté » en 2003, c'est bien parce que vous avez surestimé volontairement les hypothèses de croissance...

M. le Rapporteur - Et en 2001 ?

M. Didier Migaud - Justement ! Il importe d'établir des règles de confrontation et de transparence afin d'ajuster au mieux les hypothèses de recettes. Sinon il suffira à un ministre du budget de sous-estimer les hypothèses de croissance pour ne jamais avoir à traiter le problème d'un surplus de recettes !

L'amendement 15, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article unique, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. UNIQUE

M. le Président de la commission spéciale - L'amendement 2 rectifié a pour but de couvrir le champ des opérateurs de l'Etat, puisque nous savons qu'il y a pour chaque ministère des organismes qui en dépendent directement et qui en sont le prolongement.

M. le Secrétaire d'Etat - Cet amendement pose une question importante, mais le Gouvernement n'y est pas favorable, car la détermination du plafond des emplois des établissements publics - qui ont pour la plupart, je pense en particulier à ceux du monde des transports, des ressources propres, en plus des subventions d'Etat - relève de la compétence des conseils d'administration. Quand il y a des fonctionnaires affectés à un établissement public, leur rémunération est versée par l'Etat et les crédits correspondants figurent donc au titre II, comme pour les autres personnels de l'Etat. Vous les retrouvez donc dans les plafonds d'emplois des ministères concernés.

Cela dit, votre préoccupation est tout à fait légitime et je vous invite donc à vous rallier aux amendements qui seront proposés un peu plus loin et qui, se rapportant aux articles 51 et 54 de la loi organique, prévoient une information systématique du Parlement, via les projets annuels de performance annexés aux PLF : vous y retrouverez le nombre des emplois rémunérés par des organismes bénéficiant d'une subvention pour charge de service public. Vous aurez ainsi satisfaction d'une façon plus conforme à nos habitudes de gestion.

M. Jacques Brunhes - Nous sommes opposés au plafonnement des emplois en loi de finances. C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement.

M. le Président de la commission spéciale - Je ne méconnais pas les difficultés, car nous avons évoqué ce problème dès le début de la discussion de la loi organique. Comment ne pas créer de rigidités supplémentaires ? Comment respecter l'autonomie de gestion des conseils d'administration ? Mais d'un autre côté, comment éviter que les opérateurs ne deviennent pas un moyen de contourner les plafonds d'autorisation de créations d'emplois ?

Quand le ministère de la culture affiche des suppressions d'emplois dans son budget mais en crée dans les établissements publics qu'il subventionne, cela pose bien un problème. Et ce n'est pas avec les deux amendements relatifs à l'information du Parlement qu'on le règlera, même s'ils vont dans le bon sens. L'amendement de la commission a le mérite de faire référence à une liste, qui pourrait être complétée progressivement et dans laquelle il serait tout à fait possible de distinguer les EPIC à vocation strictement industrielle des autres opérateurs. Dans notre esprit, il ne s'agit pas de plafonner en loi de finances le nombre d'emplois d'une entreprise telle que la SNCF ou la RATP.

En revanche, quand il s'agit par exemple de l'établissement public du Grand Louvre, qui a certes des recettes propres, mais surtout des crédits de l'Etat, le problème se pose. Je vais retirer l'amendement, conscient qu'il y a une difficulté d'application - même si l'amendement n'obligeait pas à une application immédiate. Mais je le retire à regret. Je me félicite de l'avancée du Gouvernement sur l'information du Parlement, mais il faudra aller plus loin, et trouver ensemble une approche plus fine des plafonds d'autorisation d'emploi, notamment quand il s'agit d'opérateurs qui ne sont que les prolongements de l'action des ministères. Sans cela, il y a un risque de débudgétisation progressive d'une partie de l'emploi public, à l'opposé de l'esprit de la loi organique.

L'amendement 2 rectifié est retiré.

M. Hervé Mariton - Je partage la logique de M. Bouvard, que confortent les observations de la Cour des Comptes, notamment dans son analyse de l'exécution du budget de 2003. A cet égard le Gouvernement devra préciser le champ des amendements qu'il nous présentera tout à l'heure. Quand on parle des emplois des « organismes bénéficiaires de subventions pour charge de service public », on vise même le cas où ces organismes n'assument pas uniquement cette charge de service public : en termes de précision de l'information, cela va même au-delà de ce que demande M. Bouvard.

M. le Président de la commission spéciale - L'amendement 21 était lié à celui que je viens de retirer.

L'amendement 21 est retiré.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 16 de M. de Courson tend à exiger du Gouvernement qu'il présente ses projets de budgets à l'équilibre de fonctionnement. Il ne vise évidemment pas l'équilibre d'investissement, car un investissement peut bénéficier aux générations futures. En revanche, présenter en déséquilibre des budgets de fonctionnement, c'est faire peser une charge sur ces générations futures.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas retenu cet amendement. J'indique au passage que M. de Courson, très présent dans nos débats budgétaires, m'a fait savoir qu'il ne pourrait prendre part à celui-ci. Il a demandé à M. Baguet de le remplacer : ce dernier, pour n'être pas membre de la commission des finances, n'en est pas moins un acteur régulier de nos discussions budgétaires et un bon spécialiste des finances, tant de l'Etat que des collectivités locales.

L'amendement de M. de Courson va dans le bon sens. Il est très vertueux. En effet les collectivités locales équilibrent leurs budgets de fonction, et l'Etat est le seul organisme public à ne pas le faire. Mais une date aussi rapprochée que 2008 n'est pas tenable, alors que nous avons encore un déficit primaire de dizaine de milliards d'euros. En outre on ne peut assimiler l'Etat et les collectivités locales, car l'Etat est le payeur en dernier ressort. Ainsi, quand il y a un déficit dans les comptes de la sécurité sociale , l'emprunt que celle-ci contracte est assuré en dernier ressort par l'Etat. On ne peut donc pas lui imposer des règles aussi contraignantes. Mais il est certain que M. de Courson nous indique la voie à suivre.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Les élus locaux que sont beaucoup d'entre nous savent que leurs communes ne peuvent pas faire comme l'Etat, sans quoi la tutelle et la chambre régionale de comptes réagiraient. Mais on peut, tout d'abord, s'endetter pour des dépenses d'avenir. En outre l'Etat doit affronter l'imprévu, qu'il s'agisse des dépenses d'autres organismes publics, d'une phase de récession qui demande qu'on donne un coup d'accélérateur, d'une tempête, d'une sécheresse ou autre catastrophe... J'observe que là où cette règle existe, c'est-à-dire en Grande-Bretagne, elle n'est pas appliquée annuellement mais sur tout le cycle. D'autre part il y aurait une difficulté constitutionnelle à inscrire une règle d'équilibre financier dans une loi organique. Pour ces raisons, et tout en comprenant la logique vertueuse de M. de Courson, le Gouvernement ne peut être favorable à son amendement.

L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président de la commission spéciale- Les amendements 3 et 4 étant de cohérence avec le 2 rectifié que j'ai retiré, ils n'ont plus d'objet.

Les amendements 3 et 4 sont retirés.

M. Marc Le Fur - Notre fiscalité est confrontée au problème des « niches », des dérogations et dégrèvements qui ne cessent de se multiplier en faveur de diverses catégories. Ce phénomène complique les choses, alourdit le code général des impôts, nuit à la majesté de la loi. Plus grave, ces exceptions donnent à nos concitoyens le sentiment que l'équité ne règne pas, et que certaines catégories bénéficient d'une attention qui est refusée à la majorité.

Pour ces raisons, Hervé Mariton et moi-même souhaitons, à défaut de réduire le nombre des niches, limiter les possibilités d'en créer de nouvelles : tel est l'objet de l'amendement 20. La loi organique doit aussi être l'occasion de changer notre méthode de travail. Nous proposons que de telles mesures catégorielles ne puissent plus être prise dans une loi ordinaire, mais soit réservée aux lois de finances. Cette idée est défendue depuis longtemps par le Conseil national des impôts : voyez encore son rapport de 2003 sur la fiscalité dérogatoire, dont la proposition numéro 4 est : « réserver aux lois de finances l'exclusivité de la création des dépenses fiscales ». Cette création ferait l'objet de débats plus sereins, à l'occasion de textes généraux - les lois de finances - et non de textes spécifiques.

Anticipant une objection, je souligne que cet amendement ne réduit nullement le pouvoir d'amendement des parlementaires, puisque la contrainte qu'il instaure pèsera autant sur le Gouvernement que sur le Parlement. En outre il y a plusieurs lois de finances chaque année : on ne sera pas réduit à attendre la loi de finances initiale.

M. le Rapporteur - C'est un amendement dont la commission rêve depuis des années, et dont tous les rapporteurs généraux ont rêvé. Ce serait plus simple pour nous, y compris pour le Gouvernement, si toutes les dispositions d'exonération ou d'abattement, toutes les « niches » trouvaient place dans une loi de finances. Un exemple : il y a trois semaines, saisis d'un amendement portant de 66 à 75% la réduction d'impôt au titre des dons, nous avons, raisonnablement, jugé bon d'organiser une discussion avant de prendre la décision. Or huit jours plus tard, sans en avoir été informés, nous avons découvert que ce même amendement venait d'être adopté dans un autre texte en discussion au Sénat ! Par conséquent, Monsieur Le Fur, vous avez raison dans votre préoccupation, et il faudra bien un jour réserver les dérogations fiscales aux lois de finances.

M. Marc Le Fur - Pourquoi attendre demain pour bien faire ?

M. le Rapporteur - J'ajoute que, par suite de la restriction de la dépense en termes de crédits budgétaires qui résulte de la règle de la stabilité des dépenses, on peut prévoir que l'imagination des ministres et des parlementaires va se déplacer de la colonne des dépenses vers la colonne des recettes et se fixer sur les systèmes de crédit d'impôt, d'exonérations, etc.

Donc vous avez raison... à ceci près que votre proposition est inconstitutionnelle ! En 1984, en effet, le Conseil constitutionnel a été saisi de ce problème à l'occasion d'une loi de ratification des ordonnances prises en application de la loi du 22 avril 1983. Les ordonnances déférées au Conseil incluaient une disposition fiscale dont les requérants estimaient qu'elle ne pouvait être prise qu'en loi de finances. Or le Conseil a jugé que non, et qu'elle pouvait l'être dans une autre loi. Pourquoi ? Parce que les lois de finances sont d'initiative exclusivement gouvernementale : leur réserver les dispositions de ce type serait donc réduire à l'excès le droit d'initiative des parlementaires. Je vous laisse juge de cette réponse ; mais nous sommes dans une loi organique, qui va nécessairement être soumise au Conseil constitutionnel : il semble inutile d'y inscrire des dispositions qu'il a déjà jugées.

M. le Secrétaire d'Etat - La démonstration de M. Carrez était impeccable. Je me bornerai à y ajouter un argument plus politique, tiré de l'actualité récente : le Gouvernement a tenu à introduire dans la loi sur la consommation et l'investissement des dispositions de nature fiscale parce qu'il lui apparaissait utile de consolider la reprise amorcée au cours du premier trimestre. Pour ne pas interdire ce genre de mesures conjoncturelles, je me prononcerai, à mon regret, contre l'amendement.

M. Marc Le Fur - Il suffirait d'élaborer un collectif pour faire passer ces dispositions fiscales, Monsieur le secrétaire d'Etat ! Ne prenons pas le risque d'une législation très « catégorielle » quand les lois de finances sont les réceptacles tout désignés pour des mesures d'intérêt général !

Je ne mets pas en doute ce que vous venez de dire sur l'inconstitutionnalité de cet amendement, Monsieur le rapporteur, mais, puisque cette loi organique sera obligatoirement soumise au Conseil constitutionnel, ne pourrait-on donner à ce dernier l'occasion de revenir sur une jurisprudence qui, après tout, est relativement ancienne ? Peut-être accepterait-il cette nouvelle méthode qui a sa logique et qui ne réduit pas notre droit d'amendement...

L'amendement 20, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président de la commission spéciale - L'amendement 5 précise la date à laquelle il devra être répondu aux questionnaires budgétaires.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis très favorable.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

M. Hervé Mariton - L'adoption de l'amendement 19 ne devrait faire aucune difficulté. Les questionnaires budgétaires n'engagent pas le gouvernement du point de vue juridique et ne sont pas des éléments de la loi de finances : ils sont simplement destinés à compéter l'information des rapporteurs spéciaux. Or, s'ils sont généralement très complets pour ce qui est de l'exécution budgétaire, ils prennent rarement en compte le projet de loi de finances de l'année. Il est vrai que l'exercice budgétaire en cours n'est pas totalement bouclé, en tout cas pour ce qui est des recettes, mais il est très largement avancé, s'agissant des dépenses. Dès lors, on peut juger contestable l'habitude prise de ne faire référence dans ces réponses qu'aux budgets précédents, sans rien dire des perspectives pour l'année qui va venir.

M. le Rapporteur - Il paraît bien difficile de prendre en compte les dispositions de la loi de finances de l'année et, au surplus, cette précaution ne paraît pas avoir sa place dans un texte de l'importance d'une loi organique. C'est pourquoi la commission a repoussé l'amendement.

M. Hervé Mariton - Je ne crois pas : comme il a été déposé tardivement, elle ne s'est pas prononcée formellement.

M. le Rapporteur - Exact.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est sensible à votre préoccupation, Monsieur Mariton, mais il ne peut accepter l'amendement. Si vous aviez l'extrême courtoisie de le retirer, vous recevriez en contrepartie un engagement de bonne pratique : je donnerai instruction aux services de faire comme vous le souhaitez.

M. Hervé Mariton - Je vous en remercie.

L'amendement 19 est retiré.

M. Pierre-Christophe Baguet - Afin de faciliter la préparation des lois de finances rectificatives, l'amendement 17 suggère que soit présentée en annexe de la loi de finances initiale une prévision mensuelle du recouvrement des recettes. Nous aurions ainsi un tableau de bord qui permettrait de réagir sans tarder.

M. le Rapporteur - Par cohérence avec la position adoptée sur l'amendement précédent, rejet.

L'amendement 17, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - Je défendrai ensemble les amendements 18 et 23, qui se rapportent respectivement aux articles 51 et 54 de la LOLF et qui devraient donner satisfaction à M. Bouvard. Ils prévoient en effet que les projets et les rapports annuels de performances donneront des indications sur le nombre des emplois rémunérés par les organismes publics, ce qui permettra d'informer le Parlement.

Bien entendu, les emplois rémunérés par l'Etat sont soumis à un plafond fixé par le Parlement, que ces emplois se trouvent dans des administrations, dans des établissements publics ou dans des associations. Vous les autoriserez donc bien sans exception.

M. le Rapporteur - J'accepte ces deux amendements, sous réserve que soient adoptés les sous-amendements 22 et 25. Le premier tend à remplacer, à l'article 51, les mots « le nombre », un peu trop restrictifs, par « une présentation indicative » et le second, à l'article 54 qui concerne cette fois les lois de règlement, les mêmes mots par « une présentation ».

M. le Président de la commission spéciale - Quant au sous-amendement 24, il tend à ajouter une justification des variations par rapport à la situation existante, de manière à pouvoir suivre précisément l'état de l'emploi chez ces opérateurs.

M. Hervé Mariton - Ces amendements et sous-amendements sont excellents à condition qu'il soit bien clair que la « présentation indicative » devra comporter la mention du nombre.

D'autre part, ces dernières semaines, un débat est né à propos de la prétention qu'ont certains établissements publics de définir eux-mêmes leurs missions de service public. L'amendement du Gouvernement y répond en précisant que le Parlement devra être informé du nombre total d'emplois, et non pas seulement du nombre des emplois justifiés par des charges de service public. C'est là un point important. Une vision plus restrictive des informations - en l'occurrence sur les seuls emplois justifiés par les charges de service public - aurait été évidemment trop partielle.

Les sous-amendements 22 et 24, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'amendement 18 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Le sous-amendement 25, rédactionnel, vise à remplacer « le nombre » par « la présentation ».

Le sous-amendement 25, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 23 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Didier Migaud - Actuellement, l'opposition est privée de tout pouvoir de contrôle et d'investigation, ce qui est inacceptable. Un collègue a tout à l'heure parlé du nécessaire équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif : l'équilibre entre majorité et opposition est tout autant nécessaire quand il s'agit pour le Parlement d'exercer le pouvoir de contrôle.

Lors de la dernière législature, nous sommes, ensemble, parvenus à des progrès considérables en matière de contrôle, mais nous sommes le seul pays démocratique a avoir, sur les droits de l'opposition, un débat de ce type, qui ne laisse pas d'étonner nos voisins. L'opposition ne doit pas dépendre du bon vouloir du Gouvernement et du rapporteur général de la commission des finances pour contrôler et suivre l'exécution du budget. Tel est le sens des amendements 9, 10 et 13, qui sont tout à fait dans l'esprit de la LOLF.

Je conviens néanmoins que la formule que nous proposons peut être sujette à caution d'un point de vue juridique car la Constitution ne comporte pas de définition de l'opposition. Nous sommes donc ouverts à d'autres formulations possibles. Mais nous tenons à ce qu'un progrès soit fait sur ce point.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, non que nous soyons opposés sur le principe, mais parce que nous souhaitons parvenir à une meilleure formulation.

La LOLF a été l'occasion d'un formidable consensus. Les auteurs de ce texte, que nous devons maintenant appliquer, peuvent être fiers. La loi organique renforce le rôle de contrôle et d'évaluation du Parlement, rôle de plus en plus fondamental dans tous les parlements. Tous les amendements présentés visent à améliorer encore le contrôle de l'exécution des lois de finances et c'est bien volontiers que nous souscrivons au souci de notre collègue de permettre à l'opposition de mieux y participer, mais nous nous heurtons à un problème délicat car il n'y a pas de définition juridique de l'opposition. Nous avons essayé de parvenir à une rédaction que je laisse à M. Bouvard le soin de vous présenter.

M. le Président de la commission spéciale - Nous souhaitons poursuivre la mise en œuvre de la LOLF dans un souci de consensus et de transparence.

Le renforcement du contrôle parlementaire est d'autant plus indispensable dans un régime qui s'est présidentialisé, et ce contrôle doit s'accompagner d'un rôle accru de l'opposition. Il est vrai qu'il n'existe pas de définition juridique de l'opposition. Or, nous rédigeons une loi organique, automatiquement soumise au Conseil Constitutionnel, et qui doit être conforme à la Constitution.

Dans ces conditions, la commission spéciale a adopté l'amendement 1 qui tend à écrire : « et pour un objet et une durée déterminés, à tout membre d'une de ces commissions désigné par elle à cet effet. » Il s'agit évidemment d'un membre de l'opposition.

Actuellement, la répartition des rapports spéciaux entre la majorité et l'opposition est grossièrement de trois-quarts un quart, et nous savons que les rapports les plus importants ne sont pas toujours confiés à l'opposition, même s'il y a des exceptions. Moi-même, j'ai été rapporteur du plus modeste budget ministériel sous la précédente législature, celui du tourisme.

M. Jacques Brunhes - Rapport dont vous vous êtes fort bien acquitté !

M. le Président de la commission spéciale - Il est certain qu'avec la mise en oeuvre de la LOLF, les rapports non essentiels seront moins nombreux. La nouvelle répartition des rapports réservera un rôle plus important à l'opposition. L'amendement que nous proposons lui permettra de suivre l'exécution de la loi de finances sur des sujets sur lesquels elle ne se considérerait pas comme suffisamment éclairée. Nous sommes conscients des imperfections de notre amendement, comme Didier Migaud l'a été des faiblesses du sien, au regard de la Constitution, du fait de l'absence de statut de l'opposition. S'il proposait un sous-amendement, nous pourrions sans doute renouer avec le consensus qui a présidé à l'élaboration de la LOLF.

M. Didier Migaud - Je suis sensible aux propos du président et du rapporteur de la commission spéciale. La loi organique est un outil, elle n'interdit de mener aucune politique. Rien ne me choque donc dans ces propositions, dès lors que le Parlement a le dernier mot. On ne peut que regretter qu'il ait si longtemps voté les lois de finances en étant si peu informé.

Je propose donc de sous-amender l'amendement 1 pour le rédiger ainsi : « et, chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un ou plusieurs membres d'une de ces commissions, obligatoirement désignés par elle à cet effet ». Cela signifie que les demandes de ces membres tendant à exercer leur pouvoir de contrôle ne pourraient pas être repoussées par le président et le rapporteur général de la commission des finances : c'est un progrès pour les droits de l'opposition.

Il nous faudra néanmoins aller un jour au-delà et faire en sorte que des responsabilités particulières - et, pourquoi pas, la présidence d'une commission de contrôle - puissent être confiées à l'opposition, à l'instar de ce qui se passe dans d'autres démocraties.

Sous réserve de l'acceptation de ce sous-amendement, nous voterons donc l'amendement 1.

M. Pierre-Christophe Baguet - J'ai eu quelques craintes en prenant connaissance des amendements 9 et 10, qui fleuraient vraiment les « petits arrangements entre amis ». Heureusement, les suivants - les amendements 13 et 1 - se sont avérés plus respectueux de la démocratie ! Le président de la commission spéciale a évoqué les problèmes de constitutionnalité. Je pense que le Conseil constitutionnel ne pourrait qu'être sensible à un consensus politique. L'amendement 1 sous-amendé me paraît représenter une avancée significative pour les droits de l'opposition. J'y souscris donc avec satisfaction.

M. Jacques Brunhes - Je puis témoigner que M. Bouvard a été un excellent rapporteur du budget du tourisme. (Sourires)

M. le président de la commission spéciale - Le ministre aussi !

M. Jacques Brunhes - Cet amendement est un progrès du contrôle démocratique qui doit s'exercer sur l'exécution budgétaire. Permettez-moi cependant d'observer que l'opposition n'est pas toujours traitée de la même manière. La commission des finances est la seule à avoir un vice-président communiste et la seule à confier des rapports spéciaux à des membres de notre groupe. Le seul autre exemple que je connaisse concerne la commission des affaires étrangères.

L'opposition est plurielle et, comme M. Baguet, j'ai été choqué par les amendements 9 et 10. La rédaction qui a été trouvée pour l'amendement 1 marque donc un progrès, mais il nous faudra aller plus loin. Parmi les réformes constitutionnelles qui lui paraissent nécessaires, le Président de notre Assemblée a évoqué la modification de la composition de certaines commissions. Il a même ajouté que la présidence de la commission des finances devrait être attribuée à un membre de l'opposition. Le rôle de l'opposition parlementaire mérite d'être renforcé si nous voulons donner au Parlement la place qui devrait être la sienne, à savoir, comme le disait le doyen Vedel, la première.

M. le Président - Si vous en êtes d'accord, il me semble préférable de rectifier l'amendement 1 en reprenant la rédaction proposée par M. Migaud plutôt que de le sous-amender.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est évidemment très favorable à cette proposition consensuelle et je tiens à saluer les efforts de tous les parlementaires pour aboutir à ce compromis. Je crois que nous sommes en train de vivre un moment important pour la démocratie parlementaire.

M. le Président de la commission des finances - Nous avons, Monsieur Migaud, souffert sans doute plus longtemps que vous du manque de pouvoir de l'opposition ! Soyez assuré que M. Carrez et moi-même, avec le fair-play et l'esprit de conciliation qui sont la marque de notre nature profonde, appliquerons à la lettre cette nouvelle disposition.

Les amendements 9, 10 et 13 sont retirés.

L'amendement 1 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Secrétaire d'Etat - Monsieur le Président, je sollicite une courte interruption de séance.

La séance, suspendue à 18 heures 30, est reprise à 18 heures 45.

M. Michel Bouvard - Je salue les avancées auxquelles nous venons de parvenir : les précisions concernant le plafond d'autorisation d'emplois, même si le Gouvernement ne va pas aussi loin que nous l'aurions souhaité - s'il ne souhaite pas descendre jusqu'aux programmes, il les entend au moins par ministères - et les progrès en matière de droits de l'opposition.

L'amendement 6 rectifié reprend des propositions de lois constitutionnelles signées par de nombreux parlementaires, visant à permettre la tenue de débats sur le rapport annuel de la Cour des comptes et sur ses rapports particuliers. Nous l'avons rectifié pour le rendre constitutionnellement parfaitement conforme.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement y est très favorable.

M. Didier Migaud - Nous l'approuvons aussi !

M. Jacques Brunhes - Et nous également.

L'amendement 6 rectifié, mis aux voix, est adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jacques Brunhes - Nous avions émis des réserves, il y a trois ans, sur la LOLF, et expliqué à quelles dispositions nous étions hostiles, mais nous avions également salué les indéniables avancées concernant la sincérité et la lisibilité des documents budgétaires, la simplification des procédures et les pouvoirs budgétaires du Parlement. J'ai annoncé tout à l'heure que notre groupe voterait contre ce projet de loi. Le débat néanmoins s'est révélé utile et a fait apparaître des avancées significatives. Dans le même état d'esprit qu'il y a trois ans, nous décidons donc de nous abstenir.

M. Didier Migaud - Le projet de loi qui nous a été présenté n'avait pratiquement aucune portée opératoire. Nous n'avions donc aucune raison de voter contre et avions annoncé une abstention. L'adoption de l'amendement sur les pouvoirs d'investigation et de contrôle du Parlement lui donne néanmoins un véritable contenu. Le groupe socialiste votera donc pour ce texte, nouvelle étape dans l'affirmation des droits des parlementaires. Il faudra aller plus loin, mais vraisemblablement en passant par une révision constitutionnelle, pour renforcer encore les pouvoirs du Parlement et, en son sein, ceux de l'opposition. En attendant, nous nous réjouissons de l'étape qui vient d'être franchie.

M. Pierre-Christophe Baguet - Ce texte ne répond pas au problème de fond du désendettement, pas plus qu'à celui du déficit de fonctionnement. La nécessité d'une réaction immédiate en cas de moins-values n'a pas plus été prise en compte. Aucun des amendements que le groupe UDF avait déposés en ce sens n'a été retenu. Or, nous avions subordonné notre vote à l'accueil qu'ils recevraient. En revanche, nous sommes très sensibles à l'avancée démocratique qui a été réalisée en matière de contrôle. Entre les deux, mon cœur balance... Je choisis de parier sur l'avenir : nous nous réjouissons de cette avancée et nous voterons ce texte.

M. Hervé Mariton - Ni la loi organique sur les lois de finances, ni le présent projet ne permettront de déterminer à l'avance la qualité de nos politiques budgétaires, mais ils obligent le Gouvernement, et aussi le Parlement, à plus de transparence, d'anticipation et de cohérence. C'est donc très logiquement que le groupe UMP votera ce texte.

L'ensemble du projet de loi organique, mis aux voix, est adopté.

M. le Président de la commission spéciale - Je voudrais remercier les membres de la commission spéciale et l'ensemble de ceux qui suivent depuis plusieurs années l'avancée de la LOLF. Il était important de s'inscrire aujourd'hui dans sa continuité, pour permettre de casser la logique qui a trop longtemps été celle de l'Assemblée : l'impossibilité d'agir lorsqu'on est dans l'opposition et le souhait de ne pas déranger le Gouvernement lorsqu'on est dans la majorité... Nous progressons ensemble, et je suis heureux que ce vote soit acquis dans de telles conditions. Je remercie le Gouvernement d'avoir répondu aux attentes de la commission spéciale.

M. le Président de la commission des finances - Nous allons en revenir au projet de loi de finances pour 2005. Je demande une suspension de séance de quelques minutes, pour laisser à M. Balladur, qui doit présenter les premiers amendements, le temps de nous rejoindre.

La séance, suspendue à 18 heures 55, est reprise à 19 heures.

LOI DE FINANCES POUR 2005 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005.

ARTICLES NON RATTACHÉS

M. le Président - Nous abordons l'examen des articles et amendements portant articles additionnels qui n'ont pas été rattachés à des crédits.

J'indique qu'à la demande de la commission des finances, nous examinerons l'article 67, relatif au crédit d'impôt en faveur de la première accession à la propriété, à partir de 22 heures 30. Les dispositions précédant cet article et qui n'auraient pas encore été examinées seront donc réservées.

AVANT L'ART. 63

M. Edouard Balladur - Je présenterai en même temps, si vous le permettez, les amendements 198 rectifié, 197 et 196, car ils constituent un ensemble, issu d'une proposition de loi que j'ai déposée en juillet dernier et dont l'objectif, exclusivement social, est de faciliter la participation des salariés au capital de leur entreprise. Après l'intéressement et la participation voulus par le Général de Gaulle en 1959 et 1967, nous avons eu, entre 1986 et 1988, une nouvelle loi sur la participation, qui s'est accompagnée d'un développement de l'actionnariat salarié, puis, en 1994, une autre loi sur la participation, sur le rapport de M. Godfrain. Il faut aller plus loin, si nous voulons que le capital des entreprises de notre pays soit détenu par ceux qui sont les premiers intéressés à leur prospérité et si nous voulons que la justice sociale prenne un sens compatible avec la liberté d'entreprendre.

C'est dans cet esprit que l'amendement 198 rectifié institue un mécanisme de distribution d'actions gratuites aux mandataires sociaux et - c'est la nouveauté - aux salariés. Autorisées par l'assemblée générale des actionnaires, ces distributions pourraient être réservées à une catégorie de salariés et assorties de conditions légales, notamment en termes de performances. L'amendement aligne le régime fiscal de ces distributions sur celui qui est applicable aujourd'hui aux stock-options, réservées en pratique à un petit nombre des dirigeants de l'entreprise. Autrement dit, l'imposition des bénéfices serait reportée au jour de la revente des actions, la plus-value d'acquisition étant imposée au taux de 30% et celle de cession au taux de 16%. Les cotisations sociales s'appliqueraient dans les conditions de droit commun, mais aucune cotisation ne serait due au titre des attributions faites de manière inconditionnelle et irrévocable.

L'amendement 197 vise à augmenter le plafond de l'abondement que l'entreprise peut verser en cas de placement de sommes par un salarié dans un plan d'épargne d'entreprise investi en actions. J'avais d'abord proposé un doublement de ce plafond, mais à la réflexion, pour ne pas décourager le nécessaire effort d'épargne que les salariés devront consentir en vue de la retraite, je suis d'avis que ce plafond soit ramené à 80% de celui applicable au plan d'épargne de retraite collective. L'amendement 197 est donc ainsi corrigé.

Enfin, l'amendement 196 visait à créer une réduction d'impôt sur le revenu au bénéfice des sommes placées sur un plan d'épargne entreprise investi en actions, dans la limite annuelle de 25% de 1 000 euros. L'avantage serait ainsi comparable à celui du PERP. Mais je conviens à la réflexion qu'il peut paraître excessif, alors qu'il existe un avantage fiscal non négligeable à la sortie du dispositif, d'y ajouter un avantage fiscal à l'entrée. Je suis donc tout à fait disposé à retirer cet amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - La commission a adopté ces trois amendements. M. Balladur a joué un rôle éminent dans le développement de l'actionnariat salarié, non seulement à l'occasion des privatisations qui ont eu lieu entre 1986 et 1988, mais aussi en 1994, lorsqu'il était Premier ministre et qu'il a fait adopter un texte facilitant l'accès des représentants des salariés actionnaires aux conseils d'administration. Je me souviens aussi, Monsieur le Premier ministre, que vous aviez présenté en 2001 une proposition de loi sur le sujet. Malheureusement, la majorité d'alors n'avait pas voulu aborder la discussion de ses articles.

Vous avez déposé en juillet dernier une proposition de loi visant à relancer cet actionnariat salarié. Le premier amendement qui en est issu fait bénéficier les distributions d'actions gratuites d'une fiscalité plus favorable, dans la mesure où la plus-value d'acquisition - c'est-à-dire la différence entre zéro, puisque l'action est gratuite, et la valeur de l'action au moment où elle est distribuée - serait taxée à 30% au moment où le salarié vendrait l'action, tandis que la plus-value de cession - c'est-à-dire la différence entre le prix au moment de l'acquisition et le prix au moment de la cession - serait taxée au taux normal de 16%.

S'agissant des deux autres amendements, nous craignions un risque de concurrence avec les nouvelles formes d'épargne que sont les PERP et les PERCO. Mais vous y avez répondu en limitant l'abondement de l'entreprise à 80% du plafond et en acceptant par avance de retirer l'amendement 196.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Pour le Gouvernement en général, pour Dominique Bussereau et moi-même en particulier, c'est un grand plaisir que de voir le Premier ministre poursuivre dans une voie qu'il a tracée depuis longtemps, celle de la participation, thème cher au général de Gaulle.

Avec l'amendement sur l'abondement par l'entreprise, nous avions au départ un petit problème d'arbitrage entre épargne longue et courte. Mais comme vous faites vous-même les questions et les réponses... (Sourires )

M. Edouard Balladur - C'est souvent plus prudent. (Sourires )

M. le Ministre d'Etat - ...et que vous êtes vous-même passé de 100% à 80%, le Gouvernement est d'accord.

Par ailleurs, je comprends bien la logique qui veut que l'on défiscalise à l'entrée comme à la sortie, mais le problème est que cela n'existe dans aucun autre dispositif et que l'on n'allait pas créer un cas particulier. C'est bien pourquoi vous avez proposé de retirer cet amendement.

Quant à la généralisation de la distribution d'actions gratuites, le Gouvernement y est favorable et considère qu'il s'agit là d'une avancée importante. C'est donc bien volontiers que le Gouvernement donne un avis favorable à vos deux amendements et prend acte du retrait du troisième.

Naturellement le Gouvernement lève les gages des amendements 198 et 197.

L'amendement 196 est retiré.

L'amendement 198 3e rectification, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 197 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

M. Didier Migaud - Notre amendement 173 concerne la disposition relative à l'emploi à domicile. Nous l'avons dit, la mesure proposée par le Gouvernement est à nos yeux profondément injuste. Nous souhaitons la transformation de cette mesure de réduction d'impôt en crédit d'impôt, afin qu'elle bénéficie à toutes les familles qui emploient un salarié à domicile. Le Gouvernement présente sa disposition comme une mesure de soutien aux familles et à l'emploi. Or, elle ne bénéficie qu'à un tout petit nombre de familles - environ 30 000 personnes...

M. Jacques Myard - C'est faux !

M. Didier Migaud - ...et elle ne sert pas vraiment l'emploi car tous les rapports montrent l'importance de l'effet d'aubaine. Le dispositif d'incitation créé par Martine Aubry avait suffi pour obtenir des résultats en matière d'emploi. Nous avons plusieurs amendements à ce sujet, mais je tenais à réaffirmer ici notre position et à dénoncer votre manière de réduire l'impôt sur le revenu de façon encore plus ciblée que vous n'avez pu le faire ces dernières années, au risque d'aggraver encore les inégalités.

M. le Rapporteur général - La commission a repoussé cet amendement, qui a pour objet de revenir au système existant en 2002. La mesure que propose le Gouvernement est efficace pour l'emploi et constitue une aide pour les familles, notamment celles qui comportent des personnes âgées. Le Gouvernement et la majorité ont donc raison de porter de 6900 à 10 000 euros le plafond des dépenses prises en compte, et il n'y a aucune raison de revenir au dispositif de 2002.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 173, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Chacun de nous est attaché aux traditions de sa région. Le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz est un établissement public qui a pris le relais de la SACEM pour assurer le prélèvement d'une taxe de 3,5% sur les spectacles de variétés. L'amendement 252 rectifié que je présente avec MM. Le Fur, Rouault et d'autres collègues, a pour objet d'exonérer de cette taxe les musiques traditionnelles, comme le sont les musiques religieuses et les musiques classiques. Les musiques traditionnelles n'étaient pas soumises à cette taxe au temps de la SACEM, mais le Centre national a décidé de la leur étendre, créant ainsi un sentiment d'injustice. Je sais que le ministère de la culture est un peu inquiet de la perte qu'entraînera notre amendement, mais celui-ci ne remet nullement en cause la cotisation payée par les grands festivals, comme le Festival interceltique de Lorient ou les Vieilles Charrues : il concerne des artistes amateurs, d'innombrables manifestations folkloriques, fêtes des bruyères et autres printemps des sonneurs... Le souci de simplification comme le respect des cultures traditionnelles doivent nous conduire à ne pas généraliser cette taxe à ces manifestations qui hier ne la payaient pas. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur général - La commission a bien sûr accepté cet amendement, qui rétablit une situation antérieure satisfaisante. Je n'ai qu'un regret : c'est que l'Ile-de-France n'ait pas autant de petits festivals folkloriques !

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement entend bien la musique du président Méhaignerie : il est favorable à cet amendement sympathique, et il lève le gage.

M. Pierre-Christophe Baguet - Cet amendement suscite quelques inquiétudes dans les milieux culturels. Le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz a vraiment besoin de fonds, car il mène un combat sur les ondes, notamment contre la chanson anglo-saxonne, qui est un combat culturel fondamental. Je voterai l'amendement, mais il est impératif de lui donner les moyens de sa mission et de compenser cette perte de recettes.

L'amendement 252 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

M. le Président de la commission - L'amendement 160 rectifié est satisfait par le précédent.

L'amendement 160 rectifié est retiré.

ART. 63

M. Hervé Mariton - Notre pays connaît un chômage excessif et persistant. La comparaison avec d'autres pays montre le sous-développement en France des emplois de service, et particulièrement de service à la personne. Ceux qui en pâtissent le plus sont les personnes les plus éloignées de l'emploi, celles qui ont - comme on le dit d'un terme peu élégant - des problèmes d'employabilité : femmes, travailleurs plus très jeunes, personnes ayant une faible ou une très faible qualification. Le choix est donc clair. Nous pouvons nous satisfaire de cette situation historique - certains diront culturelle - de sous-développement des emplois de service à la personne ; mais le prix que nous payons pour cela est socialement et économiquement inacceptable. L'autre option est de s'engager plus fortement pour le développement des emplois de service à la personne. Il nous est proposé de donner dans ce sens un signal fort afin de stimuler ce développement, qui s'esquisse, mais reste encore trop lent. Il faut l'encourager par un dispositif lisible et justifié. Nous devons nous souvenir que les emplois de service à la personne sont beaucoup plus divers qu'on ne le croit souvent : on pense d'abord à la garde des enfants, mais les premiers emplois dans ce domaine concernent les personnes âgées. Sans oublier les tâches ménagères, mais aussi les leçons particulières ou les travaux de menu bricolage, qui peuvent aussi offrir des services utiles en même temps que des emplois.

En raison de cette variété des services rendus comme des employeurs, nous devons éviter de « spécialiser » le dispositif si nous tenons à développer notablement ces emplois à domicile.

Je sais qu'il existe sur ce sujet une espèce de pudeur qui fait, par exemple, que beaucoup se sont émus lorsque le Gouvernement a proposé de relever la base salariale de 10 000 à 15 000 €. Je proposerai donc un amendement visant à justifier ce relèvement en prenant en compte, en particulier, la présence de personnes âgées au foyer et le nombre d'enfants.

Cela étant, nous devons clairement agir pour le développement de ces emplois en expliquant que cela obéit à une logique économique cohérente. Si l'on considère comme légitime que des entreprises puissent déduire leurs charges salariales, il n'y a aucune raison que les employeurs individuels ne puissent pas faire de même ! Ce raisonnement tout simple justifie le choix de la réduction d'impôt, surtout dans un pays où l'impôt sur le revenu pèse sur un nombre aussi restreint de personnes. Cette concentration de l'imposition rend légitime un allégement qui, par ailleurs, permettra sans doute demain de donner un emploi à des centaines de milliers de personnes.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous soutenons ce dispositif, en fonction d'une méthode précise qui lui assure toute sa cohérence et toute son efficacité sociale.

M. Augustin Bonrepaux - M. Migaud ayant exposé les raisons de notre opposition à ce relèvement du plafond des dépenses prises en compte au titre des emplois à domicile, je m'attacherai à défendre notre amendement de suppression 171.

Le relèvement précédent n'a bénéficié qu'à 70 000 familles parmi les plus aisées et le Gouvernement est incapable de fournir la moindre preuve de ses effets favorables sur l'emploi. A contrario, je relève que, lorsque nous avons abaissé ce plafond en 1997-98, l'emploi n'en a pas souffert...

M. le Secrétaire d'Etat - Si !

M. Augustin Bonrepaux - Vous ne pouvez non plus nous dire à combien de familles bénéficiera le présent relèvement. Tout ce que nous savons, c'est qu'elles seront moins de 70 000 - 40 000 probablement. Il s'agit donc bien d'un cadeau fiscal à ceux qui paient le plus d'impôts, conformément à votre politique systématique ! Quid des 900 000 familles qui emploient des salariés à domicile sans bénéficier d'aucune déduction ? Vous rejetez toutes nos propositions tendant à plus d'équité : votre seul souci est de privilégier ceux qui le sont déjà...

Ces cadeaux excessifs ne sont pas de mise dans la situation où se trouve la France, surtout après que vous venez de refuser un amendement Coluche qui n'aurait coûté que 25 millions et bénéficié à plus de quatre millions de pauvres. Vous préférez dépenser 65 millions pour 40 000 familles !

M. Jacques Myard - Cette mesure est une excellente mesure ! La fiscalité n'est pas seulement une arme économique, dans un pays que la monnaie unique a privé de bien des leviers : c'est aussi une arme démographique et une arme en faveur de l'emploi.

Je m'inscris en faux contre le propos de l'orateur précédent. Dans ma ville de 22 258 habitants, lorsque le plafond de déduction pour emploi à domicile a été abaissé par Mme Aubry, il y a eu dès le 1er janvier suivant 60 suppressions d'emploi et 60 demandes supplémentaires de places de crèche : ces familles ne pouvaient plus payer une garde à domicile !

Il faut encourager les classes qui travaillent, c'est manifeste ! Ne venons-nous pas de lire dans le journal que les classes moyennes ont le plus souffert du gouvernement Jospin, dont elles étaient les vaches à lait ? Nous devons leur permettre de reprendre pied, de participer à nouveau à la création de richesses.

Cependant, si je soutiens ce dispositif, c'est à condition de n'y rien changer. « Faisons compliqué quand on peut faire simple » : telle semble être aujourd'hui la devise de la République, et nous avons eu le génie d'inventer les centimes additionnels que nous envie l'Europe, mais, en l'occurrence, il faut une mesure forte, une mesure claire, débarrassée de critères inutiles. Allons de l'avant, votons cette disposition !

M. le Président - M. Bonrepaux a déjà défendu l'amendement 171.

M. le Rapporteur général - Rejet, pour les raisons que j'ai dites.

M. le Secrétaire d'Etat - Même position, bien sûr.

Monsieur Bonrepaux, nous n'avons pas la même conception de la société ! Invoquant les chiffres, vous n'avez de cesse de dresser les uns contre les autres. Nous, nous faisons confiance. Je connais dans ma collectivité une foule de gens qui vivent grâce aux chèques emploi-service et donc aux avantages fiscaux consentis à leurs employeurs. Je n'ai nulle envie que vous les rejetiez dans le chômage en supprimant une disposition dont le Gouvernement est fier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud - Ne soyez pas aussi excessif ! Notre amendement ne vise nullement à supprimer le dispositif et nous trouvons normal que des personnes en bénéficient jusqu'à un certain niveau : à preuve, nous l'avons institué et défendu. Mais vous placez la barre si haut que très peu en profiteront, cependant que les effets sur l'emploi seront nuls. Songez que, de votre aveu, seulement 30 000 familles seront concernées sur les deux millions qui emploient des salariés à domicile ! Comment pouvez-vous regarder une telle mesure comme juste ?

M. Augustin Bonrepaux - Monsieur le secrétaire d'Etat, combien de ménages de votre circonscription vont bénéficier de ce dispositif, et combien emploient des salariés à domicile sans la moindre contrepartie fiscale ? J'attends la réponse !

M. le Secrétaire d'Etat - Je ne fais pas d'électoralisme, moi !

M. Augustin Bonrepaux - Vous dites pourtant vous préoccuper d'une foule de ménages de votre circonscription : donnez les chiffres ! En France, il s'agit de 40 000 familles d'un côté et de 900 000 de l'autre ! Et c'est sur cette base que vous justifiez un avantage qui ne crée aucun emploi !

M. Hervé Mariton - Soyons logiques : il n'y a avantage fiscal que s'il y a emploi ! Et avoir des emplois au prix d'un avantage fiscal, moi, je suis pour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 171, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Rouault - L'amendement 146, cosigné par 80 collègues, vise à donner une dimension familiale à cette déduction d'impôt. Il s'agit de remplacer, à coût constant - soit environ 64 millions - la mesure relative aux emplois à domicile par une mesure spécifiquement consacrée à la garde d'enfants. La réduction d'impôt pour emploi à domicile demeurerait ainsi au niveau existant et celle concernant la garde d'enfants verrait son plafond bénéficiant d'une réduction d'impôt de 25% relevé de 2 300 à 2 875 euros.

Cet amendement est vertueux puisqu'il n'augmente pas les dépenses de l'Etat. Si le Gouvernement souhaite faire un effort supplémentaire pour les gardes d'enfants en ajoutant au budget une somme équivalente à celle proposée pour les emplois familiaux, je retirerai cet amendement et me replierai sur l'amendement 147.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 213 de M. de Courson est défendu.

M. Didier Migaud - L'amendement 172 rectifié est également défendu.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable sur ces trois amendements. L'amendement 146 se substituerait à la mesure gouvernementale qui concerne les emplois à domicile. Vous proposez de résoudre un problème d'une autre nature.

De nombreux ménages n'étant pas imposables, l'amendement 213 vise à transformer la réduction d'impôt accordée au titre des sommes versées pour l'emploi d'un salarié à domicile en un crédit d'impôt à coût constant pour l'Etat grâce à une réduction de plafond. Outre que, sur le plan des principes, il n'est pas possible d'accepter exceptionnellement un crédit d'impôt par ailleurs repoussé, un amendement à venir résoudra les difficultés soulevées par MM. Baguet et Rouault.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. D'autres mesures, en effet, amélioreront considérablement le dispositif.

M. Hervé Mariton - Les propositions de nos collègues ciblent beaucoup trop la nature des emplois à domicile qui, contrairement à une idée reçue, ne se limitent absolument pas à la garde d'enfants.

L'amendement 146, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 213 et 172 rectifié.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 221 vise à « familialiser » la proposition du Gouvernement et tend à limiter l'augmentation du plafond aux foyers avec enfants, ce qui encouragerait les couples désireux d'agrandir leur famille.

Quant à mon amendement 214, je le transformerai en sous-amendement à l'amendement 154 rectifié de la commission.

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour la simple raison que cette excellente proposition a été reprise par la commission.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Hervé Mariton - La « familialisation » constitue une excellente mesure, mais parmi les paramètres figure aussi la présence de personnes âgées dans le foyer fiscal. M. Baguet a donc raison de se rallier à l'amendement 154 rectifié de la commission qui tient compte du nombre d'enfants, en plafonnant à 15 000 euros le montant des dépenses prises en considération, mais également de la présence de personnes âgées de plus de 75 ans au foyer.

L'amendement 221 est retiré.

M. Hervé Mariton -Je viens de défendre l'amendement 154 rectifié.

M. le Rapporteur - La commission l'a adopté.

M. le Secrétaire d'Etat -Avis favorable.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je transforme mon amendement 214 en sous-amendement à l'amendement 154 rectifié. Il me semble en effet préférable de tenir compte de la présence de personnes âgées de plus de 65 ans plutôt que de plus de 75 ans, dans l'intérêt même des familles. En effet, peuvent habiter sous le même toit, dans le premier cas de figure, des enfants assez jeunes, ce qui est beaucoup moins fréquent dans le second cas de figure.

M. Jacques Myard - Cet amendement, auquel je m'oppose, complique les choses au lieu de les simplifier. Quand il y aura dans un foyer une personne de 63 ans malade ou handicapée, l'avantage fiscal sera donc exclu ?

Concernant la garde d'enfants, c'est à partir du premier que la question se pose, et non à partir du quatrième ou du cinquième.

M. le Rapporteur - M. Myard n'a pas tort, mais il est quand même nécessaire de tenir compte des spécificités du foyer, qu'il s'agisse des enfants ou qu'il s'agisse de la présence de personnes âgées. Faut-il, pour celles-ci, retenir l'âge de 65 ou de 75 ans ? Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Hervé Mariton - La question de la garde ne se pose pas de la même façon selon que l'on a un enfant ou quatre, Monsieur Myard, je puis vous l'assurer.

Je me rallie à la proposition de M. Baguet concernant l'âge de 65 ans.

M. Pierre-Christophe Baguet - Cet amendement complique les choses, Monsieur Myard ? Mais il s'agit d'éviter des excès. La mesure du Gouvernement est bonne, mais il est possible de l'améliorer car des catégories particulièrement aisées de la population risqueraient d'en profiter.

Il est normal de faire bénéficier les familles de cette mesure fiscale : employer un jardinier ou un chauffeur ne relève pas de la même nécessité...

M. Patrick Balkany - Cela crée des emplois!

M. Pierre-Christophe Baguet - ...que faire garder un enfant ou une personne âgée. C'est un geste au nom de l'équité que nous vous demandons.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement considère qu'on est jeune à tous les âges (Sourires). Après avoir admiré la sagesse de M. Myard, il s'en remet à celle de l'Assemblée.

M. Jean Leonetti - Il y a deux logiques : une logique de création d'emplois, d'inspiration libérale, et une logique familiale, d'inspiration sociale. Pour trouver un équilibre, il faut que la mesure ne soit pas trop ciblée et soit assez claire pour être comprise par l'ensemble des Français. La famille, ce n'est pas uniquement les enfants. Vient un moment où les grands-parents posent aussi un problème de garde. La mesure est équilibrée et M. Mariton se rallie à l'abaissement de l'âge de 75 à 65 ans. Nous allons donc voter ce sous-amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Je lève le gage.

M. Augustin Bonrepaux - Nous sommes opposés à cette mesure excessive qui ne sera d'aucune utilité en matière d'emploi.

Le sous-amendement 262, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 154 rectifié ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président de la commission - Cet amendement est le type même de ceux qui soulèvent beaucoup de questions, y compris au sein de la majorité.

M. Augustin Bonrepaux - Assumez ce que vous faites !

M. le Président de la commission - Mieux vaudrait les anticiper, Monsieur le ministre, pour pouvoir en débattre avant la séance publique.

L'amendement 214 est retiré.

M. Philippe Rouault - L'amendement 147 vient compléter, sans modifier la mesure proposée pour les emplois familiaux, le dispositif de déduction d'impôt pour garde d'enfant en augmentant le plafond de 2300 à 2875 €. Cela se traduit par une déduction supplémentaire de 143 € pour les jeunes ménages avec enfants.

M. le Rapporteur général - Rejet.

M. le Secrétaire d'Etat - Un amendement ultérieur donnera satisfaction à M. Rouault. Je lui demande donc de retirer le sien.

M. Philippe Rouault - Soit !

M. Hervé Mariton - Cet amendement me semblait pourtant meilleur que ceux qui pourraient venir par la suite... (Rires)

M. le Président - Mais il a été retiré !

L'article 63 modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

    www.assemblee-nationale.fr


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