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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 28ème jour de séance, 67ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 23 NOVEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

Sommaire

      PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ 2

      NOMINATION D'UN DÉPUTÉ EN MISSION TEMPORAIRE 2

      CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE SUR
      L'UTILISATION DES FONDS PUBLICS EN POLYNÉSIE 2

      SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 24

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 24

      FAIT PERSONNEL 24

      ANNEXE ORDRE DU JOUR 25

La séance est ouverte à neuf heures trente.

PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ

M. le Président - M. le Président de l'Assemblée nationale a reçu, le 22 novembre 2004, de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, une communication faite en application de l'article LO 179 du code électoral, l'informant que, le 21 novembre 2004, M. Hugues Martin a été élu député de la deuxième circonscription de la Gironde.

NOMINATION D'UN DÉPUTÉ EN MISSION TEMPORAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Jean-Pierre Decool, député du Nord, d'une mission temporaire, dans le cadre des dispositions de l'article LO 144 du code électoral, auprès de M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du mardi 16 novembre 2004.

CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
SUR L'UTILISATION DES FONDS PUBLICS EN POLYNÉSIE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. René Dosière et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française et la gestion des services publics relevant de la Polynésie française.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois - J'aurai tout d'abord une pensée pour nos compatriotes de la Guadeloupe, et tiens à leur dire que nous compatissons à leur malheur et espérons que tout sera fait pour les sortir de cette situation.

J'en viens à la création de cette commission d'enquête, à propos de laquelle trois questions peuvent se poser.

Tout d'abord, pourquoi proposer de créer une telle commission ?

Naturellement, nous le faisons à la suite de la nouvelle situation politique créée par les élections du 23 mai dernier, qui ont vu la victoire des opposants au parti de Gaston Flosse. Cette alternance n'était pas prévue ! Dois-je rappeler tous les efforts de votre majorité pour que soit adopté le plus rapidement possible, sans discussion approfondie, le nouveau statut de la Polynésie française, modifié par un amendement de M. Gaston Flosse lui-même ?

La majorité polynésienne a tout de même été modifiée, et on a alors vu les langues se délier, et la presse métropolitaine s'intéresser enfin à la situation de la Polynésie et révéler à tous les Français qui l'ignoraient la façon dont les choses s'y passent, les dépenses faramineuses, les achats fonciers exorbitants, les constructions de palais. On a ainsi découvert un usage assez particulier des fonds publics, sans parler des accusations de corruption formulées ici et là. Cela justifie cette proposition de résolution.

Deuxième question : la création de cette commission d'enquête est-elle possible ? Le Parlement peut en créer une en Polynésie comme sur tout point du territoire français. Les textes imposent deux conditions juridiques. Tout d'abord, il faut préciser, dans la proposition de résolution, soit les faits donnant lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d'enquête doit examiner la gestion. C'est ce que nous avons fait.

Par ailleurs, il faut respecter le principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire. Le Président de l'Assemblée nationale a saisi le Garde des sceaux, lequel a répondu que trois informations judiciaires étaient ouvertes au Tribunal de Grande Instance de Papeete, depuis 2000, sur d'éventuels emplois fictifs auprès du gouvernement de la Polynésie française, sur les chefs de prise illégale d'intérêt et le détournement de fonds publics. La commission d'enquête ne pourrait certes pas enquêter sur ces faits, en vertu du principe de séparation des pouvoirs, mais est-il pour autant impossible de la créer, comme le prétend le président de la commission des lois ? Depuis 1971, il est admis que l'existence de poursuites judiciaires n'empêche pas de telles commissions de travailler et restreint seulement le champ de leurs investigations. Ainsi pour l'affaire de l'Amoco Cadix en 1979, le SAC en 1982, les événements de novembre et décembre 1986, la transmission du sida en 1992, le Crédit Lyonnais en 1994, l'utilisation des fonds publics en Corse en 1998, et enfin, les forces de sécurité en Corse en 1999 et, en dernier lieu, fut créée le 18 mars 2003, une commission d'enquête sur les causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib. Opposer un tel argument à la création d'une commission apparaît donc comme une manœuvre dilatoire dénuée de tout fondement.

Troisième question : cette création est-elle nécessaire ? Les fonds publics sont importants sur ce territoire : 1,2 milliard pour 250 000 habitants ! A titre de comparaison, je signale que le budget de mon département s'élève à 500 millions pour 550 000 habitants.

Et je me suis aperçu que ces fonds publics n'ont pas été contrôlés...

M. Eric Raoult - Mais c'est faux !

M. le Rapporteur - ...sauf depuis deux ans. La ministre nous objecte l'existence de la Chambre territoriale des comptes, mais celle-ci n'existait pas quand nous avons accordé le premier statut d'autonomie à la Polynésie, en 1984. Elle n'a vu le jour qu'en 1990, et encore est-elle alors commune avec celle de la Nouvelle-Calédonie, les magistrats résidant à Nouméa, soit à 5 000 kilomètres et 8 heures d'avion de Papeete ! Le président actuel de cette chambre a lui-même reconnu que les contrôles n'étaient alors que ponctuels et partiels.

M. Eric Raoult - Et qui était alors le ministre ?

M. le Rapporteur - Ce n'est pas parce que des erreurs ont été commise dans le passé qu'il faut poursuivre dans cette voie ! En 1999, la Chambre territoriale faisant porter toute son activité sur la Nouvelle-Calédonie, les contrôles sur la Polynésie cessent, et il faut attendre 2002 pour qu'une Chambre fonctionne à Papeete.

Il y avait, nous dit-on, un contrôle de légalité. Mais le Haut commissaire a lui-même dit lors de la mission de la commission des lois en Polynésie que, la loi ne l'imposant pas, les actes concernant les marchés publics ne lui étaient pas transmis non plus que les actes concernant les personnels territoriaux : c'est dire le mode de fonctionnement des procédures de contrôles en Polynésie. Il est donc d'autant plus nécessaire que le Parlement puisse créer une commission d'enquête, au sein de laquelle nos collègues de l'UMP seraient d'ailleurs majoritaires.

M. Arnaud Montebourg - Que craignent-ils?

M. le Rapporteur - Je vous invite à la mettre en place rapidement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Arnaud Montebourg - Bravo !

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement. Le groupe socialiste est solidaire de la Guadeloupe et des victimes du sinistre qu'elle a vécu. Mme Girardin étant sur place, nous souhaiterions être informés rapidement des mesures que le Gouvernement compte prendre, notamment pour répondre à l'appel du président de la région, M. Victorin Lurel.

Dans ces circonstances, je me félicite de la présence parmi nous de M. Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement car, étant un parlementaire expérimenté, il sait bien que les arguments utilisés en commission des lois pour rejeter notre proposition de résolution ne sont pas valables : il est en effet possible d'exclure du champ d'action d'une commission d'enquête ce qui relève des procédures judiciaires. La situation en Polynésie est suffisamment préoccupante pour que des faux-semblants et des petites manœuvres ne viennent pas empêcher d'y créer un climat de confiance.

Des représentants des forces politiques polynésiennes sont actuellement à Paris, et ce serait bien mal commencer les discussions que de rejeter la proposition de création d'une commission d'enquête. Nous avons connu des situations comparables lorsque nous étions au pouvoir et nous n'avons pas hésité à faire en sorte que le Parlement joue son rôle de contrôle comme l'opposition d'alors le réclamait. Les contrôles dans le cadre d'une commission d'enquête s'exercent dans un esprit d'équité et de responsabilité et je regretterais profondément que l'UMP campe sur ses positions après notre débat de ce matin : je le répète, il est possible d'enquêter sans interférer dans une procédure judiciaire, le Président de l'Assemblée a d'ailleurs lui-même saisi le Garde des Sceaux.

Je vous demande solennellement de tout faire pour que les conditions d'une paix civile durable soit réunies en Polynésie.

Des élections auront lieu bientôt sur ce territoire. J'espère que l'ensemble de l'archipel sera appelé à voter et j'espère également que l'on ne procédera pas à une nouvelle réforme du mode de scrutin qui serait interprétée comme un charcutage. Si la mission de Mme Girardin n'est pas de défendre un système moribond - je ne vous fais pas un procès d'intention - entendez les arguments de M. Dosière et votez notre proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Eric Raoult - Ce n'est pas un rappel au Règlement !

M. le Président - Le solidarité de l'Assemblée nationale à l'endroit de la Guadeloupe et des Guadeloupéens est unanime.

Vous êtes un parlementaire expérimenté, Monsieur Ayrault, et vous savez que les propositions de résolution tendant à créer une commission d'enquête sont une procédure interne : la présence du Gouvernement n'est donc jamais obligatoire. En conséquence, je crois pouvoir interpréter la présence de M. Cuq comme un témoignage de l'attention que le Gouvernement porte à cette proposition de résolution.

Vous m'accorderez en outre, Monsieur Ayrault, que votre prise de parole ne relevait pas tout à fait du rappel au Règlement.

Enfin, j'informe l'Assemblée que nous suspendrons nos travaux à l'issue de l'intervention de M. Warsmann afin que la Conférence des Présidents puisse se réunir.

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois - La commission des lois a donc examiné cette proposition de résolution et a émis un vote négatif pour quatre raisons.

M. Christian Paul - C'est scandaleux !

M. le vice-président de la commission des lois - Il y a tout d'abord un obstacle de fond...

M. Christian Paul et M. Arnaud Montebourg - Argutie ! Mascarade !

M. le vice- président de la commission - ...comme le Garde des Sceaux l'a rappelé : la séparation des pouvoirs s'impose à notre Assemblée et la justice enquête déjà sur un certain nombre d'affaires.

M. Arnaud Montebourg - A quoi sert le Parlement ?

M. le vice-président de la commission - De plus, dans moins de trois mois, des élections auront lieu en Polynésie. Or, la tradition républicaine veut que l'on n'interfère jamais dans un processus électoral...

M. Christian Paul - Ne changez pas le mode de scrutin ! C'est honteux !

M. le vice-président de la commission - ...par des dispositifs de contrôles qui pourraient s'apparenter, comme dirait M. Ayrault, à de « petites manœuvres ». Je lis l'article L. 241-11 de la loi du 21 décembre 2001, votée alors que vous étiez au pouvoir : « Ne peut être publié ni communiqué à ses destinataires ou à des tiers à compter du premier jour du troisième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections pour la collectivité concernée et jusqu'au lendemain du tour de scrutin où l'élection est acquise, aucun rapport d'observation sur la gestion d'une collectivité territoriale. » Il s'agit de respecter des principes de sérénité et je le dis d'autant plus fortement que si le Conseil d'Etat a annulé des élections dans la principale circonscription électorale de Polynésie, c'est bien parce que les amis de M. Temaru n'ont pas respecté les règles de neutralité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

On nous dit ce matin qu'il faut, toutes affaires cessantes, créer une commission d'enquête parce qu'il n'existerait pas de contrôle administratif et financier en Polynésie. C'est faux. La chambre territoriale des comptes travaille...

M. le Rapporteur - Depuis quand ?

M. le vice-président de la commission - ...et a déjà rendu plusieurs rapports. Le contrôle administratif et juridictionnel existe : le tribunal administratif de Papeete était ainsi saisi de 67 affaires en 1984 et il est saisi cette année de 793 affaires dont 42% portent sur des actes du Gouvernement.

Enfin, cette commission d'enquête, selon vous, devrait être créée immédiatement parce que le degré d'autonomie de la Polynésie s'est accru, mais non le niveau des contrôles administratifs et financiers .

M. Arnaud Montebourg - C'est le niveau de prévarication qui s'est accru ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le vice-président de la commission - La loi a renforcé en métropole le dispositif de contrôle des juridictions financières, renforcement qui n'a pas été systématiquement généralisé en Polynésie : grâce à la loi du 27 février 2004, c'est enfin le cas aujourd'hui.

M. le Rapporteur - Depuis quand s'applique-t-elle ?

M. le vice-président de la commission - Quant à la possibilité pour le représentant de l'Etat d'assortir un recours contre une décision de demande de suspension de l'acte attaqué, cette disposition s'applique en métropole depuis la loi du 2 mars 1982 et a été renforcée par la loi du 30 juin 2000 dans les domaines sensibles. La loi organique du 27 février 2004 l'a étendue à la Polynésie. Enfin, toute personne physique ou morale qui s'estime lésée par un acte d'une collectivité pouvait demander au Préfet, en métropole, de mettre en œuvre une procédure de suspension : la loi du 27 février 2004 a également introduit cette possibilité en Polynésie.

L'état de droit s'applique en Polynésie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) : puisque le Conseil d'Etat a annulé des élections, c'est désormais aux électeurs polynésiens de prendre leur responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Je suis attristé par l'image que donne le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Arnaud Montebourg - C'est misérable ! Quelle honte !

La séance, suspendue à 10 heures, est reprise à 10 heures 30.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement - Comme vous le savez, la Guadeloupe vient de subir un séisme qui laisse derrière lui une île traumatisée. Vous me permettrez donc de délivrer à la représentation nationale les dernières informations sur ce drame qui appelle une solidarité sans faille de la communauté nationale.

On déplore le décès d'un enfant dans la commune de Trois-Rivières. Une quinzaine de personnes ont été blessées.

De nombreux axes routiers ont été coupés sous l'effet du séisme et des fortes pluies. Les opérations de déblaiement se poursuivent. L'alimentation en électricité a été rétablie : seuls une dizaine de foyers restent privés d'électricité à Terre de Bas. De même, le réseau des télécommunications est rétabli.

Si plusieurs réparations ont été effectuées sur le réseau d'eau potable, l'eau reste impropre à la consommation à Gourbeyre, Deshaies, et Vieux-Habitants et la commune de Pointe Noire demeure privée d'eau potable.

De nombreux édifices publics ont été endommagés : à Terre de Bas, la mairie a été fortement touchée et le fronton de l'église s'est effondré. A Terre de Haut, plusieurs écoles sont fissurées. Les écoles ont toutes été fermées pour des contrôles. Les clochers des églises de Saint-Claude et de Gourbeyre menacent de s'effondrer.

S'agissant des biens privés, une quinzaine de maisons ont été détruites, et de nombreuses habitations fissurées aux Saintes. Tous leurs occupants ont été pris en charge et une partie de la population a été relogée dans un collège et sous des tentes.

L'Etat a mobilisé auprès de la population l'ensemble de ses services - pompiers, gendarmes, militaires, SAMU - ainsi qu'une cellule d'aide psychologique. Des crédits d'extrême urgence vont être distribués aux sinistrés qui ont tout perdu.

Ma collègue Brigitte Girardin fera le point dès son retour de Guadeloupe, où elle s'est immédiatement rendue. C'est dans ce contexte que je représente le Gouvernement pour exprimer sa position sur la proposition de résolution du groupe socialiste.

L'effort financier de l'Etat en faveur de la Polynésie française recouvre deux types de dépenses : les dépenses liées au fonctionnement de l'Etat en Polynésie et l'abondement des structures de la collectivité. Les premières se sont élevées à 1,213 milliards d'euros en 2003, dont 33% pour l'éducation nationale - principalement les salaires des enseignants - les instituts de recherche - IFRECOR, IFREMER, IRD - et l'enseignement supérieur, 18,7% pour la défense nationale et 13,2% pour les dépenses civiles de l'Etat - Haut-commissariat, police, gendarmerie, justice...

Le concours financier de l'Etat au territoire emprunte trois canaux. D'abord la dotation globale de développement économique - 150 millions par an, en application de la convention Etat-territoire du 4 octobre 2002 - destinée à des dépenses d'investissement dont le gouvernement de Polynésie française établit le programme. Chaque opération fait l'objet d'un dossier complet comportant un marché, des bons de commande, un état des travaux et des factures, qui est remis à la chambre territoriale des comptes.

Ensuite, la participation de l'Etat au régime de solidarité territoriale, prévue par l'article 10 de la loi du 5 février 1994, qui se monte à 24,5 millions par an et a donné lieu à une deuxième convention couvrant les années 1999 à 2003. L'Etat a apuré les derniers versements à la caisse de prévoyance sociale en juillet 2004.

Dernier canal de l'aide, les contributions de l'Etat au titre du contrat de développement 2000-2003, prolongées d'une année en 2004, représentent un engagement de l'Etat - tous ministères confondus - de 170,7 millions sur cinq ans. La contribution du ministère de l'outre-mer, d'un montant de 68,92 millions, a été presque intégralement déléguée à la collectivité de Polynésie.

Les projets du contrat de développement concernent l'agriculture, la pêche, l'industrie, le commerce, le travail, l'équipement, la santé et la politique de la ville. Ils donnent lieu à des conventions particulières Etat-territoire et le versement des subventions est soumis au visa du contrôle financier. Un comité de suivi Etat-territoire s'est réuni chaque année sous la présidence du ministre de l'outre-mer afin de faire le point leur état d'avancement.

M. Arnaud Montebourg - Tout va bien, donc !

M. le Ministre délégué - Toutes ces interventions sont soumises à des contrôles stricts qui ont été renforcés ces dernières années. Outre les contrôles prévus, par exemple, pour la dotation globale de développement économique, toutes les dépenses de l'Etat sont soumises au visa du contrôle financier.

La chambre territoriale des comptes de la Polynésie, qui détient désormais toutes les compétences des chambres régionales des comptes, exerce son contrôle tant sur les administrations que sur les établissements publics de la collectivité.

Enfin, le Haut-commissaire exerce un contrôle de légalité. Il est d'ailleurs paradoxal que le parti socialiste, qui critique l'insuffisance supposée du contrôle de légalité, ne l'ait pas renforcé pendant les cinq ans où il était au pouvoir. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Paul - Bien sûr que si !

M. le Ministre délégué - C'est donc le gouvernement actuel qui a renforcé le contrôle de légalité.

M. Christian Paul - Vous avez fait l'inverse !

M. le Ministre délégué - La liste des actes du gouvernement de la Polynésie française soumis à l'obligation de transmission au Haut-commissaire a été étendue par le statut du 27 février 2004. Ainsi en est-il des autorisations individuelles d'occupation des sols, qui recouvrent notamment les permis de construire, délivrés par le gouvernement et non par les communes, des conventions relatives aux marchés, des autorisations d'établissement classé - donc des implantations industrielles -, des décisions individuelles - nominations, mises à la retraite, licenciement ou révocation d'agents - et de nombreux actes pris par le conseil des ministres, comme les assignations de fréquences radio-électriques, les licences de transport aérien, les déclarations d'utilité publique, les concessions d'exploitation des ressources maritimes naturelles, les décisions d'exercice du droit de préemption des délivrances de permis de travail, les autorisations d'ouverture des cercles et casinos.

Contrairement à ce qui a été dit, ces actes n'entrent en vigueur qu'après constat de leur transmission. Enfin, les « lois du pays » doivent également être transmises au Haut-commissaire, qui dispose d'un délai de huit jours pour en demander une nouvelle lecture et de quinze jours pour les déférer au Conseil d'Etat. Or, ce sont ces lois du pays qui régissent les relations entre la Polynésie française et les communes, notamment l'attribution des subventions aux communes.

C'est bien le statut du 27 février 2004 qui a renforcé considérablement les moyens de contrôle de l'Etat en Polynésie française. Vous comprendrez donc que le Gouvernement ne voie aucune justification à cette proposition de résolution, qui dissimule mal des arrière-pensées bien éloignées de la réalité polynésienne et de l'attachement des Polynésiens à un développement économique maîtrisé et à un partage équitable des fruits de la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Arnaud Montebourg - La Polynésie comme paradis terrestre !

M. Christian Paul - Mes pensées vont à toutes les familles de Guadeloupe, frappées dans leur chair et privées de leurs maisons, qui vivent une épreuve particulièrement douloureuse. La solidarité nationale doit être à la hauteur de cette heure difficile.

La volonté du Parlement d'exercer réellement son pouvoir de contrôle est mise à l'épreuve aujourd'hui. Celle de la majorité de résister aux pressions qui s'exercent continuellement sur elle pourrait enfin s'exprimer ce matin ! Chers collègues de l'UMP, saisissez l'occasion qui vous est donnée de résister à un système qui n'honore pas notre République. Courageux ou complices ? Telle est bien la question qui vous est posée ce matin... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Arnaud Montebourg - La réponse est simple : ils sont complices !

M. Eric Raoult - M. Paul n'a-t-il pas été ministre pendant plusieurs années ? Et les écoutes de l'Elysée ? Et Carole Bouquet ?

M. Christian Paul - C'est un sujet sérieux...

M. le Rapporteur - Certains de nos collègues semblent un peu gênés...

M. Christian Paul - Quel est notre devoir de parlementaires qu'envoie ici le peuple souverain ? Assurément, le pouvoir de contrôle de notre Assemblée - que la majorité des Français souhaitent, selon une enquête parue ce matin, voir se renforcer - ne s'arrête pas là où voudraient le cantonner le bon plaisir des uns et la paresse ou le cynisme des autres ! C'est pourquoi je récuse d'emblée l'interprétation castratrice du président de notre commission des lois, à lui dictée par le Garde des Sceaux, et la mutilation du pouvoir d'enquête des parlementaires qui en résulterait.

M. Bernard Roman - Très bien !

M. Christian Paul - En dépit de quelques précautions de langage, la missive de la Chancellerie participe de la volonté du pouvoir d'édifier une véritable cage de Faraday autour du système Flosse, mais à quelles fins et pour combien de temps ?

Au reste, l'injonction qui nous est faite est pour le moins paradoxale puisqu'elle argue de la mise en examen de M. Flosse. MM. Perben et Clément - qui présentent quelques points communs avec M. Flosse - affectent de considérer que la création d'une commission d'enquête serait impossible au motif que des procédures judiciaires concernent actuellement M. Flosse. A l'instar de notre rapporteur René Dosière, j'estime pour ma part qu'elle est indispensable et que rien ne s'oppose à son installation. Mieux, je crois utile de rappeler que les plus courageuses de nos commissions d'enquête sont intervenues dans des domaines que l'autorité judiciaire avait déjà investis. Les commissions d'enquête parlementaire n'ignorent ni le droit, ni leurs droits : elles savent arrêter leur travail pour que la justice passe. Les plus fructueuses d'entre elles - qu'il s'agisse des tribunaux de commerce, des sectes, du blanchiment, des farines animales ou d'Air Lib - ont agi en parallèle de procédures judiciaires. Et qui oserait dire que la commission sur le Rwanda a entravé la justice pénale internationale ? Loin de se télescoper, les investigations parlementaires et judiciaires se sont mutuellement enrichies et la démocratie en est sortie grandie.

M. Arnaud Montebourg - Tout à fait !

M. Christian Paul - Pensons aussi aux deux commissions d'enquête sur la Corse, auxquelles MM. Cuq et Devedjian, aujourd'hui ministres, ont activement participé, après que la majorité qui les soutient eut décidé de les créer. La majorité de l'époque n'a pas courbé l'échine. S'affranchissant de toute préoccupation partisane comme des tentatives d'intimidation, elle a fait son devoir et je vous demande de méditer en conscience ces précédents.

Oui, ce matin, si vous ne trouvez pas en vous-même les motifs d'un sursaut, l'Assemblée nationale sera affaiblie, asservie et même avilie. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Les motifs de ce sursaut, je veux vous les offrir en évoquant à présent la réalité de la Polynésie. Cette commission d'enquête relève d'une urgente nécessité. Ce n'est pas le statut d'autonomie qui est en cause, mais sa confiscation par un homme et par un clan (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). J'ai eu l'occasion d'observer l'envers du magnifique décor polynésien, et j'ai alors mesuré la capacité d'intimidation du système, sa propension à peser sur l'action des fonctionnaires, des journalistes, des entrepreneurs et, bien sûr, des opposants politiques. Et je veux dire à M. Warsmann que j'ai mis à profit le temps dont j'ai disposé au ministère de l'outre-mer pour agir contre ces dérives.

C'est ainsi que j'ai demandé aux Hauts-commissaires successifs que le contrôle de légalité s'exerce sans faiblesse, ou qu'osant dire que l'argent public ne devait pas être gaspillé et que l'Etat n'était pas un guichet - ce que je considère comme un propos de bon sens -, je fus taxé par Gaston Flosse d'arrogance parisienne...

M. Eric Raoult - Le qualificatif vous sied assez !

M. Christian Paul - Cela ne m'a naturellement pas empêché d'exiger que l'activité du GIP soit mieux contrôlée et d'installer la chambre territoriale des comptes, laquelle travaille aujourd'hui dans un environnement des plus difficiles.

Le gouvernement actuel n'a donné que des signaux contraires. Doté de 150 millions, le fonds de conversion est devenu libre d'emploi dès 2003, ce qui revient à le mettre à la discrétion totale et personnelle du président du territoire...

M. Eric Raoult - Caricature !

M. Christian Paul - Relayé par son supplétif Raoult, le Gouvernement tente de faire croire que le contrôle a posteriori de la CTC sera en mesure de moraliser et d'atténuer la puissance capricieuse et sans limites que donnent de tels moyens !

Par bonheur, depuis mai dernier, les bouches s'ouvrent et la peur des représailles s'estompe. Plusieurs sources convergent : le premier rapport de la chambre territoriale des comptes, l'audit réalisé à la demande du président Temaru...

M. Eric Raoult - M. Temaru n'est plus président !

M. Christian Paul - ...et les enquêtes judiciaires en cours. Et je m'empresse de dire que celles qui ont provoqué la mise en examen de M. Flosse ne seront pas concurrencées par notre commission d'enquête, laquelle pourra dénoncer les satellites d'un système qui conjugue plusieurs vices. Des privilèges dispensés tous azimuts, d'abord, tendant à acquérir sans regarder à la dépense des fidélités locales, politique et médiatiques ; des dépenses somptuaires, ensuite, qu'illustrent le train de vie de la présidence ou le salaire mirobolant des hiérarques et autres obligés ; des complaisances, enfin, achetées à Paris en guise d'assurance pour l'avenir.

Tout indique qu'un système d'emplois fictifs sans précédent par son ampleur...

M. Arnaud Montebourg - Sauf à la Mairie de Paris ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Paul - ...à été créé en Polynésie, via le cabinet de la présidence - qui ne comptait pas moins de 600 emplois ! - et la délégation parisienne. La CTC a aussi relevé qu'un membre du gouvernement Juppé est passé directement du ministère de l'outre-mer au service - fictif ou réel ? - de M. Flosse. Cela crée des liens. La force de ces services rendus vient-elle expliquer l'extraordinaire acharnement mis à protéger l'acteur principal de cette farce ?

M. le Président - Il faut conclure.

M. Christian Paul - A coup sur, ne pas agir, c'est être complice. L'honneur commande de créer cette commission d'enquête pour éviter que l'impunité ne s'installe alors que la Polynésie connaît des heures difficiles. Adressons ce magnifique message de démocratie à nos compatriotes polynésiens. La paix civile dans le territoire dépend de l'issue politique de la crise actuelle, mais aussi - et peut-être surtout - de notre capacité à rétablir un lien de confiance entre les Polynésiens et leurs institutions. Le Gouvernement n'a plus droit à l'erreur. Trop de fautes ont été commises. Chacun, à Papeete comme à Paris, saura ce matin si la République incarne toujours la justice et si le Parlement sait être vigilant lorsque les lois sont bafouées. Notre responsabilité, votre responsabilité, chers collègues de la majorité, est immense. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs)

M. Michel Hunault - Qu'il me soit permis d'exprimer à mon tour toute la solidarité de notre groupe avec la population de la Guadeloupe, si durement touchée.

Voici bientôt un an que le feuilleton polynésien a débuté : projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française, dissolution, élections, motion de censure et paralysie des institutions. (Murmures sur les bancs du groupe UMP) De rebondissements en coups de théâtre, une crise politique majeure a pris corps dans ce territoire français situé à plus de 18 000 kilomètres de Paris, et ses répercussions en métropole ont constitué un fait sans précédent.

Le groupe UDF n'a cessé de vous alerter sur les risques qui s'attachent à la politique menée en Polynésie. Face aux événements, notre groupe, loin de l'agitation et des provocations suscitées sur place par les auteurs mêmes de la présente proposition, a suggéré le retour aux urnes, la Polynésie ne pouvant plus demeurer l'exception que constituait une collectivité en situation de blocage pour laquelle on refusait une dissolution. En démocratie, il est des moments où le peuple souverain doit être consulté et cette méthode de sortie de crise vous avait été suggérée par nombre d'entre nous, au premier rang desquels le Président de l'Assemblée nationale et les élus polynésiens de la majorité. Las, il aura fallu attendre la décision du Conseil d'Etat pour que s'entrouvre la porte de la dissolution, Face à l'évidence, le Gouvernement paraît enfin décidé à envisager de nouvelles élections.

Par ailleurs, s'est posée en filigrane la question de l'utilisation des comptes publics en Polynésie. Dès son arrivée au pouvoir, la coalition menée par M. Temaru avait commandé un audit des comptes publics. Compte tenu des événements récents, de futures élections et de l'arrivée d'un nouveau gouvernement, on peut légitimement s'interroger sur les suites qui seront donnée à cet audit.

Alors, nos collègues de l'opposition ont émis l'idée de proposer à la représentation nationale la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics et j'aimerais, avant de traiter cette proposition, rappeler au parti socialiste qu'en matière de bonne gouvernance, nous n'avons pas de leçons à recevoir de lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Je n'aurai pas la cruauté de raviver du haut de cette tribune quelques souvenirs douloureux.

C'est à des gouvernements soutenus par des majorités parlementaires auxquelles l'UDF a pris toute sa part que l'on doit l'adoption de la législation sur le financement de la vie politique, axée sur la recherche d'une plus grande transparence. Je n'évoquerai ici que les lois sur le financement des partis politiques, et les conventions de lutte contre le blanchiment et la corruption.

Plusieurs députés socialistes - Barrot !

M. Michel Hunault - Je ne dresserai pas ce matin un catalogue des mesures destinées à favoriser la transparence, car au-delà du contrôle des fonds publics, il s'agit pour nous de restaurer un lien de confiance entre les citoyens et leurs gouvernants. Nous ne pouvons plus échapper à ce devoir d'information et de transparence ! La proposition de résolution nous paraît servir cet objectif. Elle ne doit pas pour autant être exclusive. Elle aurait même dû être inutile si le Parlement remplissait, comme il le devrait, sa fonction de contrôle et si nos institutions jouaient pleinement leur rôle - mais quelles suites donne-t-on aux observations de la Cour des comptes ? Il reste en tout état de cause que, dans l'opinion polynésienne, un doute s'est installé quant à l'utilisation des fonds publics : c'est ce doute que nous devons lever car il sape la confiance et les principes de bonne gouvernance.

Des irrégularités électorales, un changement brusque de majorité, un blocage institutionnel : il faut retourner devant les électeurs. Des accusations, des démentis, des poursuites, des non-lieux : il n'est pas d'autre solution que la transparence ! Le plus simple est de s'en remettre à une commission qui pourra enquêter sur toutes les allégations. Lorsque s'installent des incertitudes, la classe politique et, plus particulièrement, la représentation nationale ont le devoir de réagir et de ne pas laisser perdurer une situation qui ne rend service à personne et qui, même, tend à affaiblir le politique.

Le groupe UDF prend donc position sans tenir compte de l'origine de la proposition et sans s'arrêter aux « on dit » : son seul souci est de restaurer le lien de confiance entre les Français et leurs représentants. De même que l'appel aux urnes est pour nous dicté par la volonté de laisser le peuple souverain, l'approbation de ce texte, malgré un ton et une rédaction que nous désapprouvons, doit s'accompagner d'une action résolue en vue de rétablir la confiance dans la bonne utilisation de l'argent public.

Notre groupe a amplement démontré son attachement aux valeurs de démocratie et de transparence, aux valeurs éthiques que le Parlement a mission de faire respecter, mais je pense que cet attachement est largement partagé. On a pourtant opposé à cette proposition de résolution plusieurs arguments juridiques. En premier lieu, elle serait irrecevable, des poursuites judiciaires ayant été engagées sur des faits auxquels la commission d'enquête serait amenée à s'intéresser. Mais le champ d'investigation de la commission sera nécessairement plus large et je rappelle que la commission des lois a déjà autorisé la création d'une telle commission dès lors qu'étaient écartés de son champ ceux des faits qui avaient donné lieu à des poursuites : ainsi s'agissant d'Air Lib.

Quant à la concomitance de l'enquête et d'élections, il serait bien présomptueux de penser que les conclusions de la commission pourraient intervenir avant le scrutin.

Tout n'est donc qu'affaire de volonté politique, d'exigence éthique. L'Assemblée, dans un passé récent, a voté des textes visant à rendre plus transparents les mouvements financiers : le Gouvernement serait bien inspiré de donner des signes clairs dans le même sens, en ces temps agités. Cela permettrait de faire taire les critiques et attaques personnelles, comme celles auxquelles vient malheureusement de se livrer M. Paul. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous en appelons simplement à plus de démocratie, afin que la Polynésie puisse retrouver sérénité et confiance, et c'est ce seul souci qui guidera notre vote ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Michel Vaxès - Mercredi, la commission des lois a rejeté cette proposition de résolution, mais les arguments de son président n'ont convaincu que la majorité UMP : pour notre part, nous ne comprenons pas cette opposition. La transparence est une nécessité et elle ne devrait inquiéter personne ! Vérifier la bonne utilisation des crédits que nous votons - c'est-à-dire, en définitive, de l'argent des contribuables -, n'est-ce pas tout simplement une exigence démocratique ? Nous regrettons qu'on ne saisisse pas les possibilités offertes par l'ordonnance de 1958 pour éclairer et rassurer l'opinion, surtout en cette période de turbulence !

L'économie polynésienne se caractérise par un très fort déséquilibre entre ressources propres et transferts en provenance de la métropole. Chaque année, la Polynésie perçoit plus d'un milliard d'euros de dotations budgétaires, dont dépendent pour leur existence 50% de la population, ainsi que la plupart des investissements. Pourtant, la situation sociale s'est dégradée, les inégalités sont de plus en plus criantes. Il importerait donc de s'assurer de la bonne répartition de ces fonds. La création d'une commission d'enquête permettrait justement de comprendre pourquoi cette économie reste sous perfusion, en dépit de tous les efforts, et de vérifier si les fonds sont suffisants et efficacement utilisés. Il y a là, en effet, ample matière à mobiliser pendant quelques mois une trentaine de parlementaires pour aider l'Assemblée à préparer ses décisions futures et, si vous confirmiez votre refus, nous le regretterions vivement.

Au cours de son bref mandat, la présidence polynésienne issue des élections de mai 2004 a eu le mérite de soulever toutes ces questions, lançant un audit sur la gestion des cinq dernières années. Il serait dommage que cet audit ne soit pas mené à son terme, car la jeune chambre territoriale des comptes avait rendu quelques rapports qui mettaient gravement en cause la gestion du précédent gouvernement, qu'il s'agisse de la délégation de Polynésie française à Paris, du tourisme, de la direction de la santé ou du ministère de l'habitat social. Il est vrai que, depuis, Gaston Flosse a été mis en examen pour prise illégale d'intérêts et détournements de fonds publics et qu'une enquête est en cours...

La presse aussi a révélé des pratiques très critiquables. A l'en croire, un peu plus de 1,6 million d'euros auraient été versés en un an à de faux salariés et le « service d'aide aux particuliers » n'aurait été créé que pour des motifs électoralistes ; plus de 600 personnes auraient dépendu du budget de la Présidence et plus d'une centaine du cabinet du Président de l'assemblée de Polynésie ; le Président Flosse aurait accordé de façon discrétionnaire des subventions aux communes, la sienne percevant 75 € par habitant et celle de son adversaire... rien. Depuis 1997, ce seraient ainsi 117 millions d'euros de fonds publics qui auraient été distribués selon le bon vouloir d'un seul homme. Autant d'affirmations qui mériteraient pour le moins d'être vérifiées !

Les parlementaires et les contribuables ont le droit de savoir si les fonds destinés à la Polynésie ont été distribués en fonction de préoccupations clientélistes ou dans l'intérêt de la population et de l'économie locale. La situation est en effet telle que personne ne peut prendre ces questions à la légère. D'ailleurs, M. Flosse ne reconnaissait-il pas lui-même qu'il avait commis des erreurs et que la politique sociale avait été négligée ? Il est vrai que le constat est dramatique : 16% de chômeurs, 30% seulement d'une classe d'âge arrivant au bac, vingt à trente personnes vivant parfois sous le même toit, une espérance de vie de dix ans inférieure à la moyenne nationale...

La commission des lois a pourtant rejeté cette proposition de résolution, au prétexte que des procédures judiciaires étaient en cours. Mais celles-ci ne portent que sur la question des emplois fictifs, alors que le champ d'investigation de la commission d'enquête serait bien plus large, couvrant l'utilisation des fonds publics et la gestion des services publics. Il pourrait d'ailleurs être défini, comme cela a été fait dans d'autres cas, de manière à éviter toute interférence.

Le second argument opposé à la proposition de résolution tient à la décision prise par le Conseil d'Etat d'annuler les élections dans la circonscription des Iles du Vent : les nouvelles élections devraient se tenir dans les trois mois. Mais la commission d'enquête ne rendra ses conclusions que dans les six mois. De plus, le premier alinéa du paragraphe IV de l'article 6 de l'ordonnance l'autorise à décider le secret de ses travaux.

Aucun de ces arguments n'est donc de nature à convaincre les députés communistes et républicains de ne pas voter cette proposition, surtout quand l'enjeu est aussi important pour les Polynésiens comme pour l'ensemble des contribuables.

Je conclurai par quelques mots sur la situation institutionnelle en Polynésie. Le Conseil d'Etat a, le 15 novembre, tranché en faveur de l'annulation des élections dans la circonscription des Iles du Vent. Je veux encore croire que les discussions qui auront lieu cette semaine aboutiront à la seule décision qui s'impose : une nouvelle élection de l'ensemble des représentants à l'assemblée de Polynésie. Il n'y a, en effet, aucune autre voie possible que celle de la démocratie et de la justice sociale pour sortir ce territoire de la crise et les Polynésiens doivent donc pouvoir, comme ils le demandent avec force, désigner une majorité stable capable de prendre les décisions qu'ils attendent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Eric Raoult - Le groupe socialiste demande la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics et la gestions des services publics en Polynésie française.

M. le Rapporteur - Jusque là, nous sommes d'accord.

M. Eric Raoult - Vous nous proposez un texte politicien, très éloigné des intérêts de la Polynésie. Il a reçu un avis défavorable de la commission (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), mais il nous revient de statuer définitivement. Nous rejetterons votre demande comme déplacée et fondamentalement erronée.

M. le Rapporteur - Vous serez donc complices.

M. Eric Raoult - Monsieur Dosière, vous semblez ne disposer que d'une information très partielle sur le contrôle financier en Polynésie française. Pourtant, vous connaissez ce territoire. Mais nous savons l'usage que vous faites de la désinformation. Un jour, sur RFO, n'avez-vous pas déclaré que les Polynésiens étaient « privés de leur journal favori, Libération, kidnappé par les gros bras de Gaston Flosse » ? Vérification faite, les vingt exemplaires habituels étaient bien arrivés mais vous vous êtes bien gardé de rectifier cette fausse information. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Je vous répondrai sur ce point.

M. Eric Raoult - Spécialiste hier reconnu des finances publiques, vous vous médiatisez en vous spécialisant dans les fonds de l'Elysée et la Polynésie française. Vous faites du Montebourg light ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Vous tentez de faire croire que la Polynésie française aurait, par extraordinaire, échappé au contrôle des services de l'Etat. Avec M. Christian Paul, qui semble avoir oublié ses responsabilités antérieures, lui qui a serré la main de M. Flosse plus souvent qu'aucun de nous, vous enfourchez le même cheval de bataille qu'Oscar Temaru, l'ex-président indépendantiste, aujourd'hui déchu par une motion de censure.

Il n'a échappé à personne que le thème de l'utilisation des fonds publics avait joué un rôle central dans son combat contre Gaston Flosse. Or tout observateur honnête reconnaîtra les progrès économiques et sociaux réalisés en Polynésie française.

M. Christian Paul - A quel prix ? Et pour qui ?

M. Eric Raoult - Vous avez pu voir que les choses ont changé en Polynésie.

M. Christian Paul - A quel prix ?

M. le Président - Ne vous laissez pas interrompre, Monsieur Raoult. Ce n'est pas un dialogue.

M. Eric Raoult - Certes, mais je rafraîchis la mémoire de mon collègue. Depuis quelques mois, ce n'est plus le même Christian Paul que je vois. J'ai été ministre, moi aussi. Quand on a eu la responsabilité d'un domaine, on ne doit pas voir dans ses anciens partenaires des adversaires. Quand on n'a pas réussi sa mission, on n'en fait pas porter la responsabilité à d'autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Le caractère opportuniste de la démarche engagée par MM. Dosière et Paul n'échappe à personne. L'Assemblée nationale ne doit pas se compromettre dans une manœuvre de basse politique. Vos affirmations sur une prétendue faillite des services de l'Etat, injustes à l'égard des fonctionnaires chargés du contrôle des actes financiers, sont totalement mensongères. Vous oubliez que, durant ces vingt dernières années, les ministres de l'outre-mer ont été des socialistes pendant douze ans. Faut-il les déférer en Haute cour ? Vos attaques répétées contre le Haut-commissaire nommé par vous sont indignes.

Rappelons que M. Flosse a toujours réclamé, dans l'hémicycle en particulier, l'instauration en Polynésie de mesures protectrices des finances publiques. Dès son élection, en 1991, il a créé un véritable contrôle des dépenses engagées, dirigé depuis par un fonctionnaire issu de Bercy.

Le même Gaston Flosse a plaidé et agi pour que soit créée, à Papeete même, une chambre territoriale des comptes, rompant ainsi avec la situation antérieure dans laquelle une chambre siégeant à Nouméa avait compétence pour deux collectivités que plusieurs milliers de kilomètres séparaient. Depuis son installation, la chambre de Papeete travaille et produit régulièrement ses observations, largement débattues par les organes délibérants de la collectivité et commentées dans les organes de presse locaux. Contrairement à ce que vous affirmiez devant la commission, la chambre n'hésite pas à revenir sur des comptes passés, ce qui est son droit.

C'est encore Gaston flosse qui s'est engagé à poursuivre l'audit engagé par son prédécesseur, en l'étendant à la gestion de M. Temaru. Poursuivre l'audit du cabinet Deloitte, chaleureusement recommandé par vous à M. Temaru, quel meilleur démenti aux allégations de ce dernier, que vous avez reprises à votre compte ! Vous vouliez faire croire que la motion de censure n'avait d'autre but que de camoufler des irrégularités : c'était une erreur.

La demande qui nous est faite n'est donc pas fondée. Elle ne vise qu'à instrumentaliser notre institution à des fins de basse politique. Nous sommes par ailleurs convaincus de disposer en Polynésie de services administratifs parfaitement capables de nous prémunir de toute dérive.

Il me semble, Monsieur Dosière, que vous n'avez pas pris le temps de lire l'abondante documentation qui existe sur les résultats économiques et sociaux obtenus en Polynésie française grâce à l'action conjointe de l'Etat et du gouvernement territorial dirigé par Gaston Flosse. La loi d'orientation du 5 février 1994 avait fixé les grandes lignes de développement pour les dix années à venir. Ce programme vient donc de s'achever. L'article 14 de cette loi prévoyait un comité mixte paritaire chargé du suivi de son application. Ce comité a été présidé par les ministres de l'outre-mer successifs, dont deux socialistes.

Faute de s'entendre sur la constitution européenne, l'entrée de la Turquie dans l'Union ou le candidat socialiste pour 2007, le PS retrouve son unité dans la polémique sur la Polynésie et dans la chasse à l'homme qui vise Gaston Flosse.

Conformément à l'article 15 de la loi d'orientation, un rapport sur les cinq premières années d'exécution a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Je ne doute pas que vous le connaissiez. Vous savez donc qu'il dresse en conclusion un bilan très positif. Le développement de la Polynésie française s'est poursuivi conformément aux objectifs de la loi, comme l'a indiqué l'ancien responsable de la charte de développement.

Vous me répondrez que les circonstances ont changé, que les sommes confiées à la Polynésie au titre de la dotation globale de développement sont dépensées sans contrôle. Vous auriez grand tort. Je vous engage à lire le nouveau statut, qui élargit le contrôle de légalité, et la convention pour le renforcement de l'autonomie économique.

Certes, le contrôle s'exerce a posteriori. Mais il en va de même pour n'importe quel maire. N'est-il pas naturel de laisser à une collectivité autonome le soin de fixer ses priorités ? Que penserait votre ami indépendantiste si vous lui dictiez son action et ses investissements ?

M. Arnaud Montebourg - Cela n'est pas du ressort d'une commission d'enquête. Vous mélangez tout.

M. Eric Raoult - Le gouvernement polynésien doit fournir au haut commissaire, dès l'achèvement des projets, une liste impressionnante de justificatifs. L'article 8 de la loi d'orientation prévoit des missions d'inspection générale à la demande des ministres concernés.

M. le Rapporteur - Combien y en a-t-il eu ?

M. Eric Raoult - Ce qui vous gêne, Monsieur Dosière, ce n'est pas l'absence de contrôle ; c'est qu'il ne soit pas exercé par vous et par le Parti socialiste. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Si, par malheur, vous revenez au pouvoir, vous serez peut-être exaucé. Mais quand vous y étiez, avez-vous été des modèles ? Faut-il rappeler les affaires qui ont défrayé la chronique, dont certaines ne sont jugées que maintenant. D'anciens ministres socialistes qui réclamaient de la compassion à leur égard auraient pu montrer plus de retenue dans leurs attaques contre Gaston Flosse. Les socialistes, les anciens amis de François Mitterrand, viennent de montrer qu'ils restent davantage à l'écoute de Carole Bouquet que des Français.

Vos gesticulations, Messieurs Dosière, Paul et Montebourg, n'ont pas pour objectif d'aider la Polynésie française. En soutenant une équipe qui fait de l'illégalité une méthode de gestion et de l'indépendance un objectif, vous vous comportez de manière irresponsable. Des gros bras et des piquets de grève, même avec des colliers de fleurs, cela reste des soviets ! Quand on commence avec Nucci et Pisani, on finit par Ouvéa. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Vous risquez de sacrifier une Polynésie en plein développement à vos calculs de politique intérieure. Si vous aimez l'outre-mer, pensez à la Guadeloupe, au lieu de jouer avec la Polynésie. Le groupe UMP repoussera cette demande de commission d'enquête parce qu'elle est purement politicienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Arnaud Montebourg - Nul ne peut comprendre votre refus obstiné de constituer une commission d'enquête, dont vous auriez d'ailleurs le contrôle, à propos de fonds publics à l'évidence gaspillés, pour ne pas dire détournés.

Qu'avez-vous à craindre ? La vérité commence à surgir - pas dans tous ses détails. Craindriez-vous que, dans toute son ampleur, elle soit pire ? Quand j'entends les arguments grossiers, et d'ailleurs peu efficaces, de M. Raoult, je me demande qui, ici, peut refuser de défendre la déontologie dans l'usage des fonds publics, la moralité publique, la droiture dans le respect des lois. Pourquoi tant d'agitation, pourquoi ce refus presque pathologique ? Sans doute parce que, pour mettre à jour la vérité, il faudrait entrer dans le secret des liens d'interpénétration suspects entre deux systèmes, celui de M. Flosse et celui de M. Chirac.

Après l'exposé docte et neutre du ministre représentant le Gouvernement sur les procédures qui permettent de contrôler les fonds publics, permettez-moi de citer Paul Roncière, qui vient d'être nommé préfet de Bourgogne. Lorsqu'il avait quitté son poste de Haut-commissaire de la Polynésie en 1997, il avait, dans son allocution de départ, déclaré ceci : « Certains reprochent que les dotations de l'Etat à la Polynésie soient détournées pour des objectifs de nature politique, voire clientéliste. Ces appréciations ne sont pas totalement infondées, mais le contrôle financier de l'Etat ne lui permet pas de vérifier l'opportunité de l'usage qui est fait de ces fonds. Le plus inquiétant, c'est que l'essentiel des moyens soit géré par une seule collectivité, le Territoire ; si les communes étaient davantage associées à la gestion et au développement, on ne parlerait plus de monopole d'emploi. Est-il normal qu'un programme de logements sociaux soit réalisé dans une commune sans que le maire y soit associé, que certaines mesures pour l'emploi privilégient tel ou tel secteur au détriment des autres ? » Ce sont là les paroles d'un préfet de la République, récemment promu par ce Gouvernement.

Que la justice soit peu soutenue, que les contrôles financiers soient paralysés et que, de surcroît, le Parlement s'auto-mutile, en décidant de se ligoter les mains et de se fermer la bouche et les yeux est totalement inacceptable dans un régime de séparation des pouvoirs. Voilà que la Polynésie flossienne, où les pouvoirs sont confondus, nous contamine !

Le seul pouvoir qui reste, c'est la presse. Je voudrais donc citer un magazine, Tahiti Magazine Pacifique.

M. le Rapporteur - Très bon magazine !

M. Arnaud Montebourg - Il a mis la main sur la fameuse liste des 629 postes octroyés au palais présidentiel de Gaston Flosse. Afin que nul n'ignore en France la manière dont vous étouffez le scandale de l'utilisation de l'argent public en Polynésie, je vais lire.

M. Eric Raoult - Il y a la secrétaire de Prouteau ?

M. Arnaud Montebourg - « Dans la liste, il y a 70 emplois d'entretien et personnels de service, 14 comptables, 13 jardiniers, parfois détenus par des personnes qu'on n'a jamais vu travailler au palais, tels des piroguiers.

« On découvre ensuite qu'il fallait 11 ravissantes hôtesses pour accueillir les hôtes de Gaston, mais aussi que son service « Etudes et documentation », plus connu sous le nom « RG du Palais », employait 15 personnes, dont le seul travail était d'espionner.

« Pour la sécurité de « Président », il fallait 15 personnes à plein temps et autant - dont une miss Tahiti - au « service de la communication chargé des relations avec la presse », dont le directeur gagnait plus de 8 000 euros par mois ! »

M. Eric Raoult - Est-ce digne du Parlement ?

M. Bernard Roman - Oui, car il s'agit d'argent public !

M. Arnaud Montebourg - Puisque le Parlement se refuse à enquêter, je me réfère à ce qui est dans le domaine public, les articles de presse !

M. Eric Raoult - On dirait du Beria !

M. Arnaud Montebourg - Je poursuis ma lecture. « Par contre, on comprend moins les raisons pour lesquelles nos impôts servaient à rémunérer une ex-miss Tahiti, qui ne vit même plus sur le territoire, à 4 726 euros par mois, une autre ex-miss Tahiti des îles à 3 929 euros par mois, une mairesse de Tuamotu à 4 290 euros par mois, une mairesse de la côte Est qui a remplacé son mari condamné, à 3 352 euros par mois, un politicien parisien de l'UMP à 11 732 euros par mois, des anciennes maîtresses à 1 500 euros par mois, des piroguiers, des surfeurs, des chanteurs populaires...

M. Eric Raoult - C'est scandaleux ! Et Mazarine, on vous l'avait sortie ?

M. Arnaud Montebourg - ...un catéchiste, un ancien condamné pour vol de coffre-fort, quatre leaders syndicalistes, des anciens conseillers, un boxeur, un ancien ministre d'Alexandre Léontieff (Protestations sur plusieurs bancs UMP).

M. Bernard Roman - Pourquoi couvrez-vous Flosse ?

M. Arnaud Montebourg - Chers collègues, nous ne comprenons pas pourquoi ces allégations ne peuvent pas faire l'objet d'une enquête parlementaire. Il s'agit d'une sorte de deuxième Ville de Paris et aucun coup d'arrêt n'a été mis ces derniers mois à cette gabegie découverte. En outre, un deuxième rapport sur la Délégation de la Polynésie française à Paris met en cause, Monsieur le ministre, l'un de vos collègues, M. de Saint-Sernin, qui était payé je ne sais combien de milliers d'euros par mois pour rédiger des « notes d'ambiance » mais, rassurez-vous, aucune enquête judiciaire n'a été ouverte là-dessus par le Garde de Sceaux...

M. Eric Raoult - Vous êtes dégueulasse ! Fouille-merde !

M. Arnaud Montebourg - ...Cela, je ne l'ai pas lu dans Tahiti Pacifique, mais dans Le Monde.

M. Eric Raoult - Ce n'est pas un député, c'est un flic !

Mme Christiane Taubira - M. Raoult ne respecterait-il pas la police ?

M. Arnaud Montebourg - Bref, tout va bien en Polynésie française, et l'UMP ne veut rien entendre des malversations croisées des systèmes Chirac et Flosse. Mais rien ne peut arrêter la vérité. On peut arrêter le cours de la justice quand on a le pouvoir, mais cela finit un jour par se payer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Buillard - Alors que Mme la ministre de l'outre-mer fait preuve de sa volonté d'apaisement en réunissant autour d'une même table les décideurs politiques polynésiens, vous, Messieurs les parlementaires socialistes, venez aggraver une situation politique tendue.

Votre proposition de résolution tente en effet de jeter la suspicion sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie sous les gouvernements de M. Flosse, alors qu'ils sont utilisés pour le développement économique et social de notre pays. S'il y a bien eu un consensus sur tous ces bancs lors des débats relatifs à notre dernière loi statutaire, c'est pour constater la réussite de la reconversion économique et sociale de la Polynésie après l'arrêt du CEP en 1996. Entre 1992 et 2002, le taux de couverture des ressources extérieures par les ressources propres de la Polynésie est passé de 25 à 45% !

Le bilan de la charte de développement Tahiti Nui indiquait pour la période 1997-2002 une croissance de 4 à 5% par an. Ce même document, établi par un expert reconnu, attribue cette croissance « au levier des mécanismes de défiscalisation, à la paix sociale retrouvée et à une politique très keynésienne du gouvernement territorial avec le lancement de nombreux grands chantiers et à la progression massive du budget d'investissement du Territoire. »

Pendant la décennie 1992-2002, le progrès social a été remarquable. Alors que la population active a augmenté de 27%, le nombre de salariés recensés au régime général des salariés a progressé de 39%. Le taux de chômage a été stabilisé à 11,7%, le plus faible de tout l'outre-mer français. Alors que le pacte de progrès fixait un objectif de 1 400 logements par an à construire, ce sont en moyenne plus de 1 600 par an qui ont été effectivement construits, auxquels s'ajoutent 2 000 logements reconstruits au titre de l'aide à l'habitat dispersé. La Polynésie a créé la CMU avant la métropole, et 97% des dépenses de santé sont prises en charge par les pouvoirs publics. Le SMIC a été revalorisé de 29% entre 1992 et 2002, alors que l'inflation n'a été que de 14 %, ce qui représente 15% de pouvoir d'achat supplémentaire pour les petits salaires.

Que ce soit dans le domaine économique ou social, le gouvernement Flosse a permis à la Polynésie française de se développer.

Quant aux contrôles de l'utilisation des fonds publics, ils sont au moins aussi importants en Polynésie que dans les autres collectivités de la République.

M. le Rapporteur - C'est excessif !

M. Michel Buillard - L'utilisation des fonds publics est soumise au contrôle interne du service des finances de la Polynésie, au « contrôle des dépenses engagées » par un fonctionnaire de Bercy et au contrôle de l'Inspection générale de l'administration territoriale. Quant au contrôle externe, il est exercé par le trésorier payeur général.

La chambre territoriale des comptes effectue, de surcroît, un contrôle de gestion, et son indépendance ne saurait être remise en cause, non plus que son activité comparable à la moyenne nationale des chambres régionales. Elle vient de rendre publics ses rapports sur la délégation de la Polynésie à Paris, le secteur du tourisme, la direction de la santé et l'habitat social. Ceux relatifs à la gestion du personnel et à la gestion financière des services sont en cours d'achèvement. Ces rapports sont médiatisés et débattus par l'assemblée de Polynésie.

Un audit, diligenté par l'ancien gouvernement, devrait rendre ses conclusions fin janvier 2005. Ses missions sont les mêmes que celles assignées à la commission d'enquête.

Enfin, un inspecteur général des finances de l'Etat est actuellement en mission en Polynésie.

Toutes les dépenses impliquant des fonds publics sont contrôlées par l'Etat, qu'il s'agisse, par exemple, des dépenses engagées pour le Contrat de développement ou de la dotation globale de fonctionnement économique, et je ne parle pas du contrôle exercé par le Haut-commissaire ou le juge administratif.

Par ailleurs, l'assemblée de Polynésie exerce un contrôle politique et peut sanctionner la gestion de l'exécutif par une motion de censure.

Je me demande bien ce que la commission d'enquête pourrait apporter de plus à tous ces contrôles, hormis une dépense publique supplémentaire !

M. le Rapporteur - Il fallait oser le dire !

M. Michel Buillard - En vérité, votre brusque intérêt pour la Polynésie cache un calcul électoral : vous espérez recueillir, pour les élections présidentielles de 2007, les quelques milliers de voix qui vous ont manqué en 2002, n'est-ce pas Mme Taubira ? Après avoir tiré les leçons de cette élection, vous avez choisi de soutenir l'ex-majorité plurielle, et vous êtes venus marcher dans les rues de Papeete.

M. le Rapporteur - Avec 30 000 Polynésiens !

M. Michel Buillard - Vous avez médiatisé dans toute la République une affaire purement polynésienne, et avez manqué de respect à nombre d'élus polynésiens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Vous exportez en Polynésie vos querelles nationales dans le seul but d'atteindre le Président de la République, dont vous exigez qu'il prononce la dissolution de notre assemblée alors que les conditions légales n'en sont pas réunies. De surcroît, votre projet de résolution risque de déstabiliser encore davantage le pays, en entretenant un climat de suspicion qui profite aux indépendantistes.

Nous voudrions croire que les socialistes ne soutiennent pas les séparatistes, mais l'un de leurs collègues n'a-t-il pas déclaré, lors des débats parlementaires sur le statut d'autonomie, qu'il serait prêt à accepter l'indépendance de la Polynésie ? Autrement dit, vous pratiquez le double langage.

Pour justifier la création de cette commission d'enquête, vous invoquez les « dissimulations de la déclaration de patrimoine de l'ex-président du Gouvernement », mais il a déjà été relaxé, à ce sujet, tant par le tribunal correctionnel de Paris, que par la Cour d'appel de Paris. Pourquoi ne respectez-vous pas l'autorité de la chose jugée ?

Vous multipliez les accusations de corruption et les supputations calomnieuses, l'ancien gouvernement pluriel allant même jusqu'à accuser l'actuel gouvernement de l'assassinat d'un journaliste. La justice a beau avoir prouvé le contraire, il restera toujours quelque chose de ces calomnies.

M. Bernard Roman - Flosse est un ange !

M. Michel Buillard - Votre alliance tactique avec le chef des indépendantistes n'est pas sans risque pour la République, car M. Temaru a un double visage. Suite à son élection à la présidence de la Polynésie, il a tenté de se faire passer pour un démocrate, respectueux des institutions de la République, et du peuple française, mais souvenons-nous des propos qu'il a pu tenir par le passé ! Longtemps autoproclamé président à vie de son parti, il a soutenu les émeutiers qui ont mis Papeete à feu, il a parlé des Européens comme de « virus qui viennent prendre nos emplois, nos terres et nos femmes », il a qualifié les élus qui négocient des subventions avec l'Etat de « traîtres qui se prostituent ».

Dès qu'il est politiquement en difficulté, il utilise le pouvoir de la rue : ses hommes bloquent depuis plusieurs semaines l'accès aux services publics, et ce sont 6 100 agents de l'administration polynésienne qui ne seront pas payés en décembre. L'administration du pays ne peut plus payer ses factures, et 2 600 demandeurs d'emploi ne perçoivent plus leurs indemnités.

Plusieurs députés socialistes - Parlez-nous donc de Flosse !

M. Michel Buillard - Lors des cérémonies de commémoration du 11 novembre, M.Temaru s'est encore laissé aller à quelques métaphores militaires : « Préparez vos armes et vos fusils. Vos cartouches seront les bulletins de vote. » Et il a encore menacé l'Etat français d'une seconde Côte d'Ivoire ! Ces propos témoignent d'une montée en puissance d'un nationalisme de thype ethnique. J'en appelle au sens des responsabilités du parti socialiste, défenseur des droits de l'homme. Peut-il cautionner une telle attitude ?

M. Arnaud Montebourg - Et Flosse ? Est-il corrompu ?

M. Michel Buillard - Oscar Temaru est-il un républicain ? Il ne respecte même pas la laïcité, allant jusqu'à déclarer que la place du drapeau français est « à la décharge » !

M. Dosière est, comme nous tous, attaché à la Polynésie, mais je crois qu'il faut maintenant apaiser les esprits et rétablir la vérité. Vous avez beaucoup parlé de M. Flosse, laissez-moi parler de M. Temaru. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christiane Taubira - Je voudrais tout d'abord exprimer ma solidarité aux Guadeloupéens, et rendre hommage à l'indomptable courage qu'ils montrent à chaque épreuve, ainsi qu'ils en ont fait la démonstration magistrale après le passage du cyclone Hugo.

Monsieur Buillard, votre allusion aux élections présidentielles me fait pitié. Il est triste que vous consentiez à servir d'amuseur de la galerie. Méditez sur ces paroles d'Aimé Césaire « Mon peuple .... quand cesseras-tu d'être le jouet sombre au carnaval des autres ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Je pourrais consacrer le temps dont je dispose à invectiver la majorité tant les raisons abondent suite aux propos du président de la commission des lois, du vice-président de la commission ou de M. Raoult ce matin, mais aussi suite aux déclarations multiples de la ministre de l'outre-mer remplies de considérations subjectives et partisanes délivrées sur un mode polémique à l'encontre du chef de la majorité plurielle issue du scrutin du 23 mai et devenu président. Ces déclarations étaient parfois proférées du haut de cette tribune où nous avons parfois la faiblesse d'attendre que la parole de l'Etat soit à la hauteur des événements.

Mais la gravité de la situation à laquelle nous sommes confrontés m'incite plutôt à appeler votre attention sur les risques que nous encourons en raison de votre attitude irrémédiablement fermée à toute initiative inspirée par le souci de rendre compte de ce que font ceux pour qui des budgets publics sont votés. Outre-mer, parce que nous n'avons pas connu les Trente Glorieuses, parce que l'appareil de production est limité, parce que notre jeunesse s'impatiente, nous défendons ardemment la décentralisation et la subsidiarité, mais nous savons aussi que, sans contre-pouvoir, sans moyens de contrôle, la tentation est grande de céder au clientélisme, au népotisme, au féodalisme. Refuser de nous accommoder de pratiques indignes, de manipulations des fonds publics, ce n'est pas faire injure à un dirigeant politique, c'est œuvrer en faveur d'une indispensable exigence de transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Roman - Très bien !

Mme Christiane Taubira - Outre-mer, nous sommes particulièrement irrités par une sorte d'extraterritorialité juridique et législative, comme si la République avait besoin de zones périphériques où s'adoucirait la rigueur de la loi. Là, la démocratie se tropicalise, la moralité se folklorise, les bonnes moeurs se fossilisent, la probité se ridiculise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Nous sommes outrés de cette condescendance qui tend à nous traiter comme des danseuses dispendieuses.

Le président de la commission des lois oppose à la création de cette commission d'enquête des risques de fuites. C'est un manque de respect, une inadmissible suspicion.

M. le Rapporteur - Tout à fait.

Mme Christiane Taubira - Lorsqu'il évoque le nombre croissant de contentieux sur la base des référés préfectoraux, loin de montrer l'inutilité de cette commission, il en confirme la pertinence.

M. Bernard Roman - Bien sûr.

Mme Christiane Taubira - Ce sont souvent des affaires judiciaires qui alertent la vigilance des institutions chargées du contrôle et de l'investigation.

Enfin, ce n'est tout de même pas ici que nous allons confondre les missions des juges et celles des parlementaires : ce n'est pas parce que les juges font leur travail que nous sommes dispensés de faire le nôtre.

M. Bernard Roman - Très bien.

Mme Christiane Taubira - Pour votre allié, ancien maître absolu de cet immense archipel, il est même préférable que nous sachions tout plutôt que d'imaginer le pire. Vous croyez gagner du temps alors que vous en perdez comme vous perdez la confiance des Polynésiens : c'est l'ensemble de l'outre-mer que vous désespérez.

« Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs », écrivait Aimé Césaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Béatrice Vernaudon - En janvier 2004, nous avons adopté un nouveau statut pour la Polynésie française, dont la promulgation a été suivie par la dissolution de l'assemblée de Polynésie française et de nouvelles élections ont eu lieu le 23 mai, lesquelles ont provoqué une véritable rupture après treize ans de grande stabilité politique où notre collectivité a connu un développement sans précédent d'un point de vue institutionnel, économique, social et culturel. Ce développement a été possible grâce à la solidarité nationale, aux dispositifs d'incitation fiscale mais aussi grâce à l'implication de tous les Polynésiens qui croyaient en leur destin au sein de la République française.

Je souhaite corriger l'idée fausse selon laquelle la Polynésie serait la collectivité d'outre-mer la mieux dotée d'un point de vue budgétaire.

M. le Rapporteur - Elle dispose quand même de moyens conséquents.

Mme Béatrice Vernaudon - Le budget de la France sera de 288 milliards d'euros en 2005, soit 4 600 € par habitant ; en 2005, les dépenses de l'Etat en Polynésie s'élèveront à 1,213 milliard d'euros soit 4 850 € par habitant. S'agissant d'une collectivité aussi éloignée de la métropole et aussi dispersée, il n'y a là aucun privilège particulier.

M. le Rapporteur - Il convient d'ajouter le produit de l'impôt, qui s'élève à 800 millions.

Mme Béatrice Vernaudon - Aujourd'hui, la Polynésie traverse une crise politique profonde. Les divergences portent non sur la question de l'indépendance ou de l'autonomie, mais sur le mode de gouvernance. Il est vrai que depuis l'installation d'une chambre territoriale des comptes à Papeete, en 2000, des rapports successifs ont déploré une absence de rigueur de la gestion et des procédures. Mais la Polynésie n'est pas pour autant un état de non droit. La proposition de résolution dont nous débattons résulte en fait d'une carence historique du législateur. Tandis qu'en métropole la création des chambres régionales des comptes a logiquement accompagné l'acte I de la décentralisation en 1982, force est de constater que le législateur n'a pas été animé du même esprit lors de l'adoption de la loi du 6 septembre 1984 portant statut d'autonomie de la Polynésie puisqu'il n'a pas jugé utile, à l'époque, de mettre en place une chambre des comptes. En revanche, il a bien créé à Papeete un tribunal administratif. Cette décision était cohérente avec le nouveau statut : les actes des autorités du territoire étant désormais exécutoires de plein droit dès leur transmission au représentant de l'Etat, il convenait en effet que le haut-commissaire qui "veille à la légalité" de ces actes puisse déférer au juge administratif "les décisions du gouvernement du territoire et les délibérations de l'assemblée territoriale qu'il estime contraires à la légalité". Et le tribunal a été effectivement bien occupé !

Mais une fois de plus, le législateur a raté le coche lors du vote d'un nouveau statut d'autonomie pour la Polynésie en 1996. N'aurait-il pas dû dédoubler la chambre territoriale des comptes créée en Nouvelle-Calédonie en 1990 pour les deux collectivités, mais dont l'éloignement compromettait l'efficacité pour la Polynésie ?

Le sort s'est acharné puisque le législateur de mars 1999 ayant négligé de prévoir des mesures transitoires à la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie...

M. le Rapporteur - Hélas, trois fois hélas !

Mme Béatrice Vernaudon - ...les magistrats de la chambre des comptes installée à Nouméa, sont devenus incompétents pour la Polynésie du jour au lendemain. Aujourd'hui, nous pouvons nous réjouir de l'activité de la Chambre des comptes de la Polynésie française créée en l'an 2000 et dont la loi organique de février 2004 a enfin adapté les moyens aux missions.

La Polynésie doit s'approprier une culture de rigueur budgétaire, d'évaluation, de contrôle, de bonne gouvernance.

M. le Rapporteur - Très bien.

Mme Béatrice Vernaudon - Elle en a la volonté puisque le nouveau gouvernement a poursuivi l'audit engagé par le gouvernement de M. Temaru pour la période allant de 1999 à 2004 avec le même cahier des charges et une commande supplémentaire relative à la détermination d'outils de prospective et à la recommandation d'orientations budgétaires. Par ailleurs, une mission de fonctionnaires de l'inspection générale des finances procède en ce moment même, à Papeete, au contrôle des dépenses du FREPF jusqu'en 2002. L'Etat vient de désigner le cabinet comptable prévu par la convention de la DGDE pour le contrôle des dossiers de l'exercice 2003 avant leur transmission au Haut-commissaire et à la chambre territoriale des comptes.

Parallèlement et comme partout ailleurs dans la République, toutes les opérations budgétaires sont soumises à différents niveaux de contrôle. Le contrôle des dépenses engagées est dirigé par un fonctionnaire détaché de Bercy et, en aval, les paiements se font sous le contrôle du trésorier payeur général, lui aussi fonctionnaire d'Etat.

Enfin, les polynésiens sont particulièrement attachés à leur système de protection sociale généralisée qui garantit l'équité et la cohésion sociale. La solidarité nationale y contribue à hauteur de 33 millions par an. Une mission de l'Inspection générale des affaires sanitaires et sociales s'est rendue à Papeete en 2003 et a constaté le bon usage des fonds publics. C'est sur la base de son rapport que M. Douste-Blazy s'apprête à signer le renouvellement de cette convention. En cas d'irrégularités graves, la chambre des comptes a le pouvoir et le devoir d'en saisir les tribunaux de l'ordre judiciaire.

Les Polynésiens demandent plus de rigueur et de transparence.

Si la tension était moindre dans l'archipel et si des élections ne se profilaient pas, une commission d'enquête parlementaire pourrait contribuer à encourager la Polynésie dans ses efforts de bonne gestion. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

Mme Christiane Taubira - Très bien !

Mme Béatrice Vernaudon - Mais dans le contexte actuel, elle ne ferait qu'alimenter les haines et les polémiques. Or, la Polynésie a avant tout besoin de se rassembler. Certes, nous devons - comme toutes les collectivités - améliorer notre gestion et renforcer les contrôles sur les décideurs. Mais nous n'avons pas le droit d'attiser les tensions dans notre territoire. La transparence n'a rien à gagner de la polémique politicienne. C'est pour cela que je m'associerai aux conclusions de rejet de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. Arnaud Montebourg - Le Gouvernement déserte !

M. le Vice-président de la commission - Quelle honte que l'attitude du parti socialiste ce matin !

M. le Rapporteur - M. le ministre s'est excusé auprès de moi, ayant un engagement impératif. Sa présence n'est d'ailleurs pas indispensable, s'agissant d'une proposition de résolution.

Permettez-moi de répondre brièvement aux trois arguments qui ont été avancés contre la création de cette commission d'enquête. Le premier, qui a notamment été développé par le vice-président de la commission, tient à l'enquête judiciaire en cours. Or j'ai démontré dans le rapport qu'il était sans fondement, et même spécieux : le nombre de commissions d'enquête qui ont été créées, quelle que soit la majorité, alors que des procédures judiciaires étaient en cours suffit à l'écarter.

La réserve liée à l'instruction judiciaire porte sur les emplois fictifs de la présidence de la Polynésie. Notre collègue Montebourg a cité un certain nombre d'emplois. Le coût en est de 25 millions, supérieur aux coûts de personnel de la présidence de la République !

M. Arnaud Montebourg - C'est incroyable ! Continuez à fermer les yeux !

M. le Rapporteur - C'est justement cette partie-là que nous ne pourrions pas contrôler, Monsieur Montebourg, dans le cadre de la commission d'enquête. Mais 25 millions, c'est tout de même peu de chose sur les 1,2 milliards du budget de la Polynésie : nous avons de quoi nous occuper !

Deuxième argument avancé : l'interférence avec le processus électoral. Je préfère les observations mesurées de Béatrice Vernaudon aux propos du vice-président de la commission, qui nous a accusés d'être complices d'une manœuvre...

M. le Vice-président de la commission - D'une petite manœuvre !

M. le Rapporteur - ...et de troubler la sérénité. Il a même osé dire que, dans ce cas là, les chambres territoriales des comptes ne travailleraient plus. C'est une plaisanterie ! Une commission d'enquête est constituée pour six mois. Si des élections interviennent en Polynésie, ce sera dans un délai de trois mois. La commission d'enquête rendra donc ses conclusions après l'achèvement du processus électoral. Pendant la période considérée, ses membres sont d'ailleurs tenus au secret. La chambre territoriale des comptes continue à travailler - sans toutefois publier - pendant les campagnes électorales. Il en sera de même pour la commission d'enquête.

M. Gérard Bapt - Très bien !

M. le Rapporteur - Le troisième argument avancé a trait aux contrôles. A cet égard, je suis heureux que Béatrice Vernaudon ait confirmé que la chambre territoriale des comptes ne travaille réellement que depuis 2000. Auparavant, il n'y avait pas de contrôle public sur les comptes de la Polynésie, et nous en sommes tous responsables.

Mme Christiane Taubira - A des degrés divers !

M. le Rapporteur - Ce n'est pas une raison pour y renoncer aujourd'hui.

M. Gérard Bapt - Très bien !

M. le Rapporteur - Ces arguments justifient la création de la commission d'enquête.

Quant à notre prétendue alliance avec les indépendantistes... Nous sommes attachés à la Polynésie et à sa population. Or le système Flosse bénéficie à quelques centaines de privilégiés. Nous voulons, nous, que l'ensemble de la population polynésienne bénéficie des fonds publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Selon la majorité, la Polynésie serait un paradis financier et fiscal : la presse s'est chargée de démontrer le contraire, et je pense que la commission d'enquête contribuera à rétablir la paix civile en Polynésie.

La vérité est en marche, elle ne s'arrêtera plus. Et afin que nous puissions connaître les complices et les protecteurs de Gaston Flosse, je demande un scrutin public !(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Vice-président de la commission - Les orateurs de l'opposition ont beau tordre les réalités juridiques dans tous les sens, elles demeurent : « cette demande de commission d'enquête est d'ores et déjà critiquable par le fait que la justice est saisie de plusieurs affaires. » (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste), pour reprendre les termes employés ici-même en 2001 par un rapporteur socialiste ! Vous l'aviez dit parce que c'est la réalité juridique, quand bien même vous ne voulez plus le voir aujourd'hui.

J'attire votre attention sur un grand nombre d'approximations. Je lis dans le rapport que les transferts de l'Etat doivent être disséqués parce qu'ils représentent 1,2 milliards : la recherche du sensationnel conduit décidément à des affirmations bien contestables, car l'essentiel de cette somme sert à payer les enseignants et les fonctionnaires. Ne disons pas n'importe quoi !

Mais il y a plus grave : dans moins de trois mois, les Polynésiens seront appelés à voter à nouveau dans la principale circonscription du territoire. Permettez-moi de rappeler la réponse que fit en octobre 2001 votre collègue Bernard Derosier à Jean-Pierre Brard : « A quelques mois d'élections majeures pour notre pays et alors même que des poursuites judiciaires sont engagées, la création d'une commission d'enquête n'est pas nécessairement opportune. » (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Le devoir de notre Assemblée n'est pas d'être instrumentalisée au profit des campagnes électorales ! J'ai confiance dans nos concitoyens de Polynésie : ils voteront librement. Notre rôle n'est pas de nourrir une agitation politicienne.

Des contrôles que notre majorité a renforcés grâce aux lois organique et ordinaire du 27 février 2004 existent déjà. Un collègue socialiste a répondu tout-à-l'heure à M. Buillard : « Nous ne sommes pas ici pour parler de M. Temaru, mais pour faire le procès de M. Flosse. » Eh bien non, le rôle de l'Assemblée n'est pas de faire un procès, qui se tient devant des magistrats qui ont été insultés par M. Montebourg. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Le rôle de l'Assemblée, comme l'a fort bien dit Béatrice Vernaudon, n'est pas d'ajouter à l'agitation politique, mais de rétablir la sérénité. (Mêmes mouvements) Le respect que nous devons aux Polynésiens, c'est de les laisser voter comme ils le souhaiteront, puisque le Conseil d'Etat a rendu la parole aux urnes. Je vous invite donc à rejeter cette demande. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Sur le vote des conclusions de rejet de la commission, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public. Nous en venons aux explications de vote.

M. Eric Raoult - Je ne sais pas si notre débat sera retransmis par RFO. Nombre d'orateurs, le ministre en tête, ont souhaité qu'avant de penser aux fonds publics en Polynésie, nous pensions à la solidarité envers la Guadeloupe. Pourquoi ne pas lancer une action de solidarité de nos villes, de nos départements et de nos régions en faveur de Terre de Haut et de Terre de Bas, communes des Saintes qui ont été durement éprouvées ?

La niche parlementaire permet d'aborder un sujet qui dépasse l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Mais à l'heure où le Conseil d'Etat sanctionne pour irrégularité le scrutin à Tahiti et Moorea, ne peut-on enfin considérer qu'il y a urgence à réfléchir au devenir de la Polynésie ?

Cher collègue Christian Paul, le ministre de l'outre-mer que vous avez été sait bien que les fonds publics ont, en Polynésie comme ailleurs, contribué au développement du territoire et l'UMP aurait souhaité que l'on parle avant tout ce matin de l'avenir de la Polynésie, du renforcement de son potentiel touristique et de l'aménagement des îles... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Las, les arguments avancés ce matin par nos collègues socialistes relèvent de la caricature et du fantasme...

Mme Christiane Taubira - Maintenant, on vote !

M. Eric Raoult - Et nous n'avons finalement entendu qu'une longue litanie d'invectives à l'endroit de l'un de nos collègues sénateurs, lequel ne mérite pas moins de respect que tout autre parlementaire simplement parce qu'il n'a pas l'heur de vous plaire !

M. Bernard Roman - M. Raoult abuse de son temps de parole. Que fait la présidence ?

M. Eric Raoult - Au reste, ce sont nos collègues qui vivent sur place, Mme Vernaudon et M. Buillard, qui ont eu - et faut-il s'en étonner ? - les mots justes pour décrire la situation locale. La discussion qui nous occupe intervient vingt ans après l'adoption du statut élaboré par le gouvernement de Laurent Fabius (Interruptions et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste) et Christian Paul a rappelé avec justesse...

Mme Marylise Lebranchu - M. Raoult parle depuis six minutes !

M. le Président - Non, depuis 4 minutes 34 et je vous indique que je suspendrai la séance si ma présidence est mise en cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Eric Raoult - La demande de création d'une commission d'enquête parlementaire intervient donc vingt ans après l'adoption du premier statut d'autonomie et je veux dire à nos collègues de l'opposition que l'autonomie n'est pas un concept différent selon qu'on l'applique à M. Flosse ou à M. Temaru ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) L'on ne peut pas feindre de découvrir aujourd'hui les conséquences que le statut d'autonomie emporte après l'avoir fait adopter en métropole ! Sans doute nos collègues ont-ils du mal à admettre que leurs amis politiques n'aient pas eu, à la différence des nôtres, la faveur des urnes...

M. le Président - Cette fois, il faut conclure ! (Murmures sur divers bancs)

M. Eric Raoult - Mais leur déception ne justifie pas certains dérapages. Je voudrais dire à tous ceux que l'avenir de la Polynésie intéresse sincèrement, à René Dosière, qui l'a connue dans sa jeunesse, à Christian Paul, qui a été ministre de l'outre-mer, à Arnaud Montebourg, qui n'y est jamais allé mais qui a - comme toujours - un point de vue sur la question, qu'au lieu de travailler ce matin pour la Polynésie, nous avons joué avec son devenir et que cela n'est pas des plus glorieux.

C'est pourquoi les députés du groupe UMP sont très nombreux ce matin (Exclamations sur divers bancs) pour voter pour le rejet de cette proposition de création d'une commission d'enquête. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - La commission des lois ayant conclu au rejet de l'article unique de la proposition de résolution, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 2, du Règlement, est appelée à voter sur ces conclusions. Si elles sont adoptées, la proposition de résolution sera rejetée.

L'Assemblée ayant adopté les conclusions de rejet de la commission des lois, à la majorité de 176 voix contre 82, sur 259 votants et 258 suffrages exprimés, la proposition de résolution est rejetée.

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - J'ai reçu de M. le Président du conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel de la loi de simplification du droit.

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 10 décembre inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents. Il sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, la Conférence des présidents a fixé au mardi 30 novembre la date du vote solennel sur la proposition de loi de M. Léonetti relative aux droits des malades et à la fin de vie, et au mardi 7 décembre celle du vote sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

FAIT PERSONNEL

M. Arnaud Montebourg - Je souhaite relever qu'il était inutile, de la part de M. Raoult, de me comparer à Beria ou encore de me traiter de flic. Le métier de policier est un beau métier, qui exige courage et tenacité, et je puis facilement m'y reconnaître. En revanche, les œuvres sanglantes de Beria commandent que M. Raoult retire son propos et j'attends une réponse de sa part.

Acte est donné de ce fait personnel.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 40.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 10 décembre inclus a été ainsi fixé ce matin en Conférence des Présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2005 ;

Projet, adopté par le Sénat, de programmation pour la cohésion sociale.

MERCREDI 24 NOVEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 25 NOVEMBRE, à 9 heures 30 :

Proposition de résolution de M. Henri EMMANUELLI et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête visant à analyser le niveau et le mode de formation des marges et des prix dans le secteur de la grande distribution, et les conséquences de l'évolution des prix sur le pouvoir d'achat des ménages.

(Séance d'initiative parlementaire).

à 15 heures et à 21 heures 30 :

Suite de l'ordre du jour de la veille.

VENDREDI 26 NOVEMBRE, à 9 heures 30, à 15 heures et, éventuellement, à 21 heures 30 :

Proposition de M. Jean LEONETTI et plusieurs de ses collègues relative aux droits des malades et à la fin de vie.

LUNDI 29 NOVEMBRE, à 15 heures :

Projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, relative à l'extradition entre les États membres de l'Union européenne (ensemble une annexe comportant six déclarations) ;

Projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, relative à la procédure simplifiée d'extradition entre les États membres de l'Union européenne ;

Projet autorisant l'approbation de la convention établie par le Conseil conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne, relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne ;

Projet autorisant l'approbation du protocole à la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne, établi par le Conseil conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne ;

Projet autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un État dans l'autre ;

Projet autorisant l'approbation de l'accord international sur l'Escaut ;

Projet autorisant l'approbation de l'accord international sur la Meuse ;

(Ces sept textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en application de l'article 107 du Règlement.)

Projet autorisant l'approbation de l'accord entre les États membres de l'Union européenne relatif au statut du personnel militaire et civil détaché auprès des institutions de l'Union européenne, des quartiers généraux et des forces pouvant être mis à la disposition de l'Union européenne dans le cadre de la préparation et de l'exécution des missions visées à l'article 17, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, y compris lors d'exercices, et du personnel militaire et civil des États membres mis à la disposition de l'Union européenne pour agir dans ce cadre (SOFA UE) ;

Projet autorisant la ratification du traité destiné à adapter et à confirmer les rapports d'amitié et de coopération entre la République française et la Principauté de Monaco ;

Projet autorisant l'approbation de l'avenant à la convention fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, signée à Paris le 18 mai 1963 et modifiée par l'avenant du 25 juin 1969 (ensemble un échange de lettres) ;

(Ces deux derniers textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)

Projet, adopté par le Sénat, relatif à la protection des inventions biotechnologiques.

MARDI 30 NOVEMBRE, à 9 heures 30 :

Questions orales sans débat ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de M. Jean LEONETTI et plusieurs de ses collègues relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Suite du projet, adopté par le Sénat, de programmation pour la cohésion sociale.

MERCREDI 1er DÉCEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 2 DÉCEMBRE, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

Éventuellement, texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 ;

Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 7 DÉCEMBRE, à 9 heures 30 :

Questions orales sans débat ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet, adopté par le Sénat, de programmation pour la cohésion sociale ;

Sous réserve de sa transmission par le Sénat, deuxième lecture du projet portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

MERCREDI 8 DÉCEMBRE, à 9 heures 30 :

Proposition de M. Yves CENSI et plusieurs de ses collègues visant à améliorer les retraites des maîtres de l'enseignement privé sous contrat.

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

Éventuellement, suite de la deuxième lecture du projet portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

JEUDI 9 DÉCEMBRE, à 9 heures 30 :

Déclaration du Gouvernement sur le spectacle vivant, et débat sur cette déclaration.

à 15 heures et à 21 heures 30 :

Projet de loi de finances rectificative pour 2004.

VENDREDI 10 DÉCEMBRE, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2004.


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