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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 35ème jour de séance, 84ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 2 DÉCEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

COHÉSION SOCIALE (suite) 2

APRÈS L'ART. 29 2

ART. 30 2

ART. 33 3

APRÈS L'ART. 33 9

APRÈS L'ART. 33 BIS 10

ART. 33 TER 10

APRÈS L'ART. 33 TER 10

ART. 34 10

APRÈS L'ART. 34 11

ART. 35 11

APRÈS L'ART. 35 12

ART. 36 15

ART. 37 15

APRÈS L'ART. 37 18

ART. 37 BIS 19

APRÈS L'ART. 37 BIS 19

ART. 37 TER 20

APRÈS L'ART. 37 TER 21

ART. 37 QUATER 23

APRÈS L'ART. 37 QUATER 23

ART. 37-1 25

La séance est ouverte à quinze heures.

COHÉSION SOCIALE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, de programmation pour la cohésion sociale.

APRÈS L'ART. 29

M. Francis Vercamer - L'amendement 647 vise à instaurer un crédit d'impôt en faveur des entreprises qui embaucheraient les titulaires d'un contrat d'avenir à l'issue de ce contrat.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure de la commission des affaires culturelles - Avis défavorable. Ce crédit d'impôt de 1 600 € se superposerait à l'aide budgétaire de 1 500 € qui est prévue dans le présent texte. Il coûterait à l'Etat environ 200 millions par an de 2006 à 2009, ce que le Gouvernement n'estime pas à sa portée.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Même avis. Je rappelle que si l'entreprise ne peut embaucher immédiatement le bénéficiaire du contrat d'avenir, celui-ci peut se voir offrir un contrat initiative emploi. Par ailleurs, le code du travail prévoit déjà une prime de bonne fin. Nous souhaitons donc le retrait de cet amendement, et notre réponse sera la même pour l'amendement 649 rectifié.

M. Francis Vercamer - Je retire l'amendement 647. Je maintiens en revanche l'amendement 649 rectifié, qui a le même objet mais qui s'adresse aux bénéficiaires d'un contrat de RMA. En effet, pour ces contrats, l'aide d'Etat à l'embauche n'existe pas.

L'amendement 649 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - L'amendement 988 rectifié précise que, dans les départements d'outre-mer, l'agence d'insertion qui exerce une compétence globale en matière de revenu minimum d'insertion, est compétente pour la mise en œuvre des contrats d'avenir conclus avec des érémistes.

Mme la Rapporteure - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'y suis favorable.

Mme Hélène Mignon - Je voudrais savoir si de telles agences existent partout : il y a, en effet, eu de gros problèmes pour les mettre en place dans certains territoires.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Elles sont en place.

M. Denis Jacquat - Le groupe UMP soutient cet amendement.

L'amendement 988 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 30

Mme la Rapporteure - L'amendement 125 est un amendement de précision.

L'amendement 125, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - L'amendement 989 est relatif aux agences d'insertion des départements d'outre-mer, qui sont chargées de l'insertion des bénéficiaires du RMI. La loi portant décentralisation du RMI et création du RMA leur a aussi confié les compétences relatives aux décisions individuelles concernant l'allocation elle-même, et le code de l'action sociale et des familles précise que ce sont elles qui exercent les attributions du département pour la mise en œuvre du RMA.

Mme la Rapporteure - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais à titre personnel, j'y suis favorable.

L'amendement 989, mis aux voix, est adopté.

L'article 30, modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 31, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 31 bis et 32.

ART. 33

M. Francis Vercamer - Il y a un an, l'Assemblée nationale adoptait le projet de loi sur la décentralisation du RMI et la création du RMA. Aujourd'hui, comme Rodolphe Thomas et moi l'avions prédit, le RMA s'avère un échec, notamment parce que les départements ne réalisent pas les actions d'insertion prévues. Très peu de nos amendements avaient été retenus, et nous sommes heureux que le texte d'aujourd'hui reprenne un certain nombre de nos propositions. Les cotisations sociales du RMA n'étaient calculées d'abord que sur une partie de ce que perçoivent les bénéficiaires, empêchant de considérer le RMA comme un véritable salaire. Ensuite, les contrats de RMA, par ailleurs peu nombreux, étaient mal conçus et ont été peu utilisés par le secteur marchand.

Nous souhaitons, comme vous, réorienter les actions d'insertion vers le secteur marchand, mais il faut être juste avec les entreprises qui vont s'engager dans cette démarche. Nous demanderons donc l'instauration d'aides d'Etat pour inciter les entreprises à embaucher en CDI les titulaires d'un contrat RMA. Ne criez pas à l'effet d'aubaine : ce sont les mêmes mesures que pour le secteur non marchand ! Pourquoi les chefs d'entreprises privées seraient-ils des chasseurs de primes alors que les collectivités territoriales, qui bénéficient des mêmes aides à l'embauche, ne le seraient pas ? Nous devons créer des passerelles vers les contrats à durée indéterminée afin que les demandeurs d'emploi en difficulté ne restent pas dans des dispositifs provisoires. Le contrat à durée indéterminée est le seul moyen d'une véritable réinsertion.

M. Jacques Desallangre - Notre groupe demandera la suppression de cet article. Un an après la création de l'objet juridique non identifié que représente le RMA, c'est la refonte totale du dispositif de revenu minimum qui aurait dû être envisagée tant son échec est patent. Le RMA ne constitue qu'un traitement palliatif de l'exclusion générée par l'écrémage des listes de demandeurs d'emploi et le transfert du RMI aux départements ne permet pas de répondre valablement aux attentes des publics concernés. Du reste, il est abusif de parler de décentralisation pour qualifier une réforme ayant pour seul objectif de désengager l'Etat de la gestion du social. Alors que le nombre d'allocataires du revenu minimum ne cesse de progresser et que la situation de l'emploi continue de se dégrader, une inégalité supplémentaire liée au département de résidence a été créée. Selon que votre département a ou non les moyens de faire face à la charge nouvelle née du transfert, vous serez plus ou moins exclu : est-ce acceptable ? Le dispositif RMI-RMA a totalement échoué. Il n'est que temps d'en tirer toutes les conséquences.

Mme Hélène Mignon - Nous pourrions presque nous réjouir que le Gouvernement soit obligé de revoir le dispositif RMI-RMA un an seulement après sa création et de se ranger à nos arguments en étendant les droits sociaux à l'ensemble des sommes perçues par la personne remise au travail. Las, la situation des intéressés est souvent critique et nous insistons sur la nécessité de leur donner un référent, à même de les accompagner dans leur démarche de retour vers l'emploi. Autre réserve majeure, le fait que les allocataires ne soient pas comptés dans les effectifs globaux de l'entreprise tend à créer plusieurs catégories de salariés, ce qui ne peut contribuer à créer un environnement de travail favorable. Quant à l'incitation financière à l'embauche, elle ne me semble guère justifiée : soit un employeur a besoin de main-d'œuvre, et il s'efforce de recruter les effectifs nécessaires, soit il n'en a pas besoin et ces incitations n'y changeront rien. Je souhaite aussi que les délais de perception du RMI ouvrant droit aux nouveaux types de contrats aidés soient harmonisés. Enfin, j'invite notre collègue Vercamer à ne pas se faire trop d'illusion ! Les employeurs « chasseurs de primes » se rencontrent aussi bien dans les collectivités territoriales que dans le secteur marchand ! J'insiste également sur l'urgence qui s'attache au versement aux départements des sommes dues au titre du transfert du RMI.

Tout en reconnaissant que l'extension de la base des droits sociaux va dans le bon sens, nous demandons que cet article soit profondément revu et tel sera le sens de nos différents amendements.

M. Denis Jacquat - On parle d'effet d'aubaine, mais si le RMA avait suscité l'appétit des chasseurs de primes, il aurait mieux fonctionné ! L'important, c'est de donner aux personnes privées d'emploi depuis un certain temps le moyen de se remettre en selle. Il est urgent d'ouvrir les contrats aidés au secteur marchand si l'on croit au concept d'entreprise citoyenne. Enfin, je souhaite moi aussi que le délai de perception du RMI exigé pour obtenir un RMA soit le plus bref possible, afin que les intéressés ne s'éloignent pas durablement du monde du travail (Assentiment sur les bancs de la commission et du Gouvernement).

Mme Martine Billard - Moins d'un an après sa création - on bat des records ! -, il est patent que le RMA ne permet pas d'atteindre les objectifs qui lui avaient été fixés. La rapporteure UMP du texte qui l'avait institué, Christine Boutin, et tous les parlementaires de l'opposition avaient pourtant mis le Gouvernement en garde contre les risques de dérive. Non sans une certaine arrogance, M. Fillon avait alors balayé toutes nos objections, considérant notamment pour ce qui concerne les droits sociaux et les droits à la retraite ouverts par le RMA, que « c'était mieux que rien ». Il fallait oser le dire ! Sans doute le Gouvernement eût-il été mieux inspiré d'être plus prudent puisqu'il se trouve aujourd'hui contraint de revoir sa copie.

On annonce maintenant qu'il suffira de percevoir le RMI pendant six mois pour accéder au RMA. Le débat avait eu lieu, mais en vain : il faut y revenir.

Quant à la modulation annuelle des horaires de travail pour l'ensemble des contrats aidés, elle ne laisse de surprendre : pour créer de la cohésion sociale, ne faut-il pas partir des besoins des salariés en voie de réinsertion professionnelle plutôt que des exigences de flexibilité des entreprises ? Faut-il replacer l'humain au cœur de préoccupations ou privilégier la rentabilité de court terme ?

Enfin, comment justifie-t-on la possibilité de double renouvellement du contrat dans la limite de dix-huit mois ? L'objectif est-il de proposer un dispositif à la mesure des difficultés des personnes les plus éloignées de l'emploi ou de faire baisser le coût du travail dans l'entreprise ?

Mme la Présidente - Les amendements 243, 344 et 595 tendent à supprimer l'article.

M. Jacques Desallangre - Tel est en effet l'objet de notre amendement 243, car cet article a pour seul objectif de permettre aux employeurs de disposer d'une main-d'œuvre à meilleur marché. Le contrat d'insertion - RMA ne peut être valablement considéré comme un dispositif de retour vers l'emploi pérenne. Ne bénéficiant ni d'un accompagnement adapté, ni d'un niveau de rémunération incitatif - seulement 180 € de gain par rapport au RMI, que les frais de transports et les frais de garde d'enfant auront tôt fait d'annuler -, les titulaires, qui auront du mal à respecter les termes de leur contrat, risquent d'être vite sanctionnés par les employeurs du secteur marchand et de se retrouver dans une situation encore aggravée. Une fois de plus, seuls les employeurs seront gagnants : horaires flexibles, charges sociales allégées et main-d'œuvre à vil prix. Le dispositif est conforme aux attentes du Medef !

Bien que vous répétiez à l'envi qu'il faut donner une formation aux personnes éloignées de l'emploi, plus aucune obligation de formation n'est prévue dans le nouveau RMA. Ce toilettage n'est donc pas seulement inutile et inefficace, il est porteur de régression.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Si l'article 33 était supprimé, les nouveaux avantages accordés aux bénéficiaires du RMA, notamment en matière de protection sociale, disparaîtraient. Est-ce donc à dire, déposant ces amendements, que vous préfériez l'ancien dispositif ? Par ailleurs, le CI-RMA est un contrat de travail, lequel peut prévoir des actions de formation.

M. Jacques Desallangre - « Peut » ! Tout est là.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Nous nous appuyons sur l'expérience d'autres pays où l'équivalent de notre RMA a permis de réinsérer des personnes qui étaient pourtant durablement éloignées de l'emploi. Certes après six mois, seuls 500 contrats avaient été signés et 1 500 devaient l'être. Mais nous espérons fermement que les nouveaux contrats joueront le rôle de marchepied vers des emplois durables à temps plein. Nous en discutons avec les départements et les fédérations professionnelles, notamment des secteurs comme le bâtiment, où la main-d'œuvre manque.

Les amendements 243, 344 et 595, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard - L'amendement 345 tend à substituer dans la première phrase du troisième alinéa le mot « bénéficiaires » au mot « titulaires ». En effet, le RMI est un droit familial, et non individuel, son montant variant d'ailleurs en fonction du nombre de membres de la famille. Le conjoint et les enfants d'une personne qui touche le RMI bénéficient du dispositif et ont, à ce titre, un accès prioritaire aux contrats aidés par exemple. En parlant de « titulaires » et non plus de « bénéficiaires », on risque de restreindre l'accès à ces contrats. J'aimerais, à tout le moins, des éclaircissements sur ce point.

Mme la Rapporteure - La commission a repoussé cet amendement tout en s'interrogeant elle-même sur la terminologie. Une clarification est nécessaire. Le RMI est en effet accordé à un foyer. Lorsque celui-ci est composé notamment de plusieurs personnes majeures, traiter de façon différente l'allocataire et les bénéficiaires créerait une inégalité juridique inacceptable. Quelle est la position du Gouvernement sur ce point ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion - Le Gouvernement, soucieux de simplification et de sécurité juridique, souhaite lever toute ambiguïté et surtout ne pas alourdir les textes en vigueur. Il demande que l'on s'en tienne au terme de « bénéficiaires ». Pour autant, il sollicite le retrait de l'amendement 345, devenu sans objet dès lors que deux amendements, tendant à supprimer l'article 33 ter, ont été adoptés par la commission.

M. Jacques Desallangre - Je me félicite que le Gouvernement retienne le terme de « bénéficiaires ». Les mots ne sont en effet jamais innocents.

M. Denis Jacquat, vice-président de la commission des affaires sociales - Ce sera plus clair et nul n'aura l'impression qu'on cherche à dissimuler quelque chose.

L'amendement 345, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - L'amendement 993 est de coordination avec les modifications résultant de l'adoption de l'amendement 120 relatif au contrat d'avenir. Comme celui-ci, le CI-RMA peut tenir lieu de contrat d'insertion, ce qui n'empêche pas les conseils généraux qui le souhaitent de signer un contrat d'insertion spécifique qui permet une approche globale de la personne.

Mme la Rapporteure - La commission n'a pas examiné cet amendement, auquel je suis, à titre personnel, favorable.

L'amendement 993, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Desallangre - L'amendement 244 précise que la convention de RMA a pour objet de définir un projet d'insertion sociale et professionnelle du bénéficiaire du contrat, et qu'elle prévoit nécessairement des actions d'orientation professionnelle, d'accompagnement individualisé dans l'emploi, de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience.

Le contrat d'avenir « allie un véritable travail et une formation », ne cesse de se vanter M. Borloo. Pourquoi ce qui vaudrait pour le secteur non marchand ne vaudrait-il pas également pour le secteur marchand ? Une large part de l'échec du RMI tient à l'insuffisance de l'accompagnement et de la formation de ses bénéficiaires. Si aucune obligation n'est faite aux employeurs en ce domaine, le CI-RMA risque de créer seulement un effet d'aubaine.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable. Le RMA vise à favoriser le retour à un emploi en entreprise. Le contrat comporte déjà une obligation de suivi individualisé, de tutorat et de production régulière d'un bilan de parcours. Créer des obligations supplémentaires dissuaderait plutôt les employeurs d'embaucher au titre du RMA.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le Gouvernement n'est pas favorable non plus à cet amendement. S'agissant des contrats d'insertion des bénéficiaires du RMI, la situation est extrêmement variable selon les départements. Si en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne, seulement 3 % de contrats sont signés, d'autres départements d'Ile-de-France arrivent à un taux oscillant entre 40 % et 60 %.

L'amendement 244, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre - Nous rejoignons les préoccupations exprimées par M. Larcher au Sénat à propos du CI-RMA : éviter tout effet de substitution et s'assurer du respect par les employeurs de leurs obligations. C'est pourquoi nous proposons, dans l'amendement 245, que le recours à ce contrat soit interdit lorsque l'employeur aura procédé à un licenciement pour motif économique dans l'année - au lieu des six mois prévus par le texte - précédant la date d'effet dudit contrat.

Mme la Rapporteure - Mêmes causes, mêmes effets. Je me suis déjà exprimée sur un amendement comparable relatif au CIE. Avis défavorable, donc.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je vous remercie de me citer, mais le délai de six mois suffit pour éviter des abus. Avis défavorable.

L'amendement 245, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre - Toujours dans le souci d'éviter tout effet d'aubaine, nous voulons accroître les garde-fous qui entourent le CI-RMA et nous proposons donc, dans l'amendement 63, d'interdire le recours à ce type de contrat pour occuper un poste résultant de la rupture d'un contrat à durée déterminée.

Mme la Rapporteure - Rejet, pour les mêmes raisons que celles précédemment exprimées.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Défavorable.

L'amendement 63, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre - Toujours pour répondre au souci du ministre du travail d'éviter tout effet de substitution, nous proposons, par l'amendement 64, d'écrire qu'il ne peut être procédé à l'embauche de plus de deux salariés consécutifs sous CI-RMA sur le même poste lorsque ce renouvellement répond aux cas prévus à l'article L.122-1-1, article qui précise les cas où le recours à un CDD est autorisé - remplacement d'un salarié absent, accroissement temporaire d'activité... L'employeur pourrait sinon être tenté de préférer un contrat aux obligations sociales moins astreignantes.

Mme la Rapporteure - Repoussé.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le Gouvernement n'a pas souhaité corseter à l'excès le dispositif. Le recours au CI-RMA est encadré par la loi et le conseil général ou le service public de l'emploi disposent d'un pouvoir d'appréciation qui leur permet de s'assurer que les conditions dans lesquelles les contrats successifs sont conclus sont bien conformes aux objectifs posés par la loi. Avis défavorable, donc.

L'amendement 64, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer - Je retire l'amendement 639.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Afin de renforcer le parcours d'insertion du bénéficiaire du revenu minimum d'activité et pour adapter la durée du travail aux capacités de la personne et à son projet d'insertion professionnelle, le Gouvernement propose, dans l'amendement 992, d'assouplir les modalités du CI-RMA sur le modèle prévu pour l'économie générale du CIE. Le CI-RMA pourra désormais être un contrat à temps partiel ou à temps plein, notamment à l'occasion des renouvellements par voie d'avenant. Autoriser une durée du travail supérieure à 20 heures permettra en outre de majorer la rémunération du salarié, sans entraîner pour autant une dépense publique supplémentaire.

Mme la Rapporteure - La commission n'a pas examiné cet amendement, mais à titre personnel, j'y suis favorable.

L'amendement 992, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - Le 127 est un amendement de coordination.

L'amendement 127, accepté par le Gouvernement , mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Desallangre - Notre amendement 65 tend à ce que la personne sous CI-RMA soit, à l'issue de son contrat, prioritaire pour pourvoir un emploi vacant au sein de l'entreprise, dans sa catégorie professionnelle. Les contrats aidés ont en effet vocation à être des tremplins vers l'emploi stable et durable. Si nous renoncions à cette ambition, les contrats aidés ne constitueraient qu'une aubaine pour l'employeur.

Nous n'avons pas fait le choix de l'incitation fiscale, car l'expérience montre que ce type d'aides, qui se sont multipliées depuis vingt ans, n'ont guère d'effet réel sur l'emploi, sans parler du fait qu'elles sont pénalisantes pour le budget de la nation. Notre proposition est plus réaliste.

Mme la Rapporteure - Rejeté.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - L'éventuelle embauche d'un bénéficiaire d'un CI-RMA à la sortie de son contrat est un sujet qui doit être traité par la convention. Avis défavorable, donc.

Mme Martine Billard - Je regrette cette position. Si l'on veut vraiment que les contrats aidés soient des tremplins vers l'emploi durable, il serait normal que les intéressés soient considérés comme prioritaires en cas d'emploi vacant. Et ce d'autant plus que, dans une grande entreprise qui compte plusieurs sites, la personne sous CI-RMA ne sera pas forcément informée d'une vacance. Je signale à ce propos que l'obligation d'affichage des emplois vacants n'est pas toujours respectée.

M. Pierre Cardo - Il arrive que des mesures inspirées par de bonnes intentions aillent à l'encontre de leur objectif. Si on impose aux employeurs de donner priorité - il faudrait de toute façon préciser le contenu juridique de ce concept - aux titulaires d'un CI-RMA, ils chercheront dès le départ les candidats les plus opérationnels et il y aura donc un effet d'écrémage préjudiciable aux personnes concernées. On a déjà observé un tel effet avec les CES et les emplois jeunes, y compris dans le secteur public.

M. Jacques Desallangre - Si l'employeur juge une personne assez compétente pour être embauchée en CI-RMA, pourquoi ne la garderait-il pas ?

L'amendement 65, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - Le 128 est un amendement de précision.

L'amendement 128, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 129 rectifié est de clarification.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Favorable.

Mme Martine Billard - Je souhaite une précision sur l'API : si l'enfant dépasse entre temps l'âge de 3 ans, que se passe-t-il pour la personne concernée ?

M. Denis Jacquat, vice-président de la commission - Quand l'enfant a 3 ans, l'API disparaît, et on change de système ; on passe au RMI, par exemple.

Mme Martine Billard - Ce qui veut dire que la personne doit refaire toute les démarches...

M. Denis Jacquat, vice-président de la commission - Nous avons un sage Gouvernement, qui apportera les simplifications nécessaires.

L'amendement 129 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - L'amendement 990 du Gouvernement a pour objet, en supprimant une disposition trop restrictive, de permettre à tout bénéficiaire du RMI ayant une activité rémunérée à temps partiel de la cumuler avec un CI-RMA à temps partiel.

Mme la Rapporteure - La commission ne l'a pas examiné, mais j'y suis personnellement favorable. Son adoption ferait tomber l'amendement 130 de la commission.

L'amendement 990, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 131 est de coordination.

L'amendement 131, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Desallangre - Notre amendement 66 tend à supprimer le 8° de l'article, c'est-à-dire le versement du RMI à l'employeur. Nous savons que, depuis longtemps, le Medef se bat pour avoir des contrats aidés dans le secteur marchand, et le RMA lui apporte une réponse encore plus satisfaisante. Ainsi, pour vingt heures au SMIC pendant dix-huit mois renouvelables tous les six mois, l'employeur chargé de verser la totalité du RMA au bénéficiaire, soit 608 € brut par mois, percevra une aide équivalente au montant du RMI pour une personne isolée, soit 417 € bruts. Notons au passage que c'est un nouveau cadeau au patronat, car le montant du RMI accordé par la loi de décembre 2003 était de 367 €... Vous augmentez l'aide de 12 %. Le différentiel à la charge de l'employeur s'établira donc à 190 €, et c'est sur cette seule base que seront calculées les cotisations sociales.

Cette disposition est très choquante : pour la première fois une allocation à la personne sera versée à l'employeur. Cette formule nous semble d'ailleurs soulever des problèmes de constitutionnalité. Quoi qu'il en soit, ce revenu mixte entre prestation sociale et salaire permet à l'employeur de disposer d'un salarié vingt heures minimum par semaine en assumant seulement 37 % de son coût. Dès lors, il vaudra mieux embaucher quatre salariés sur la base de CI-RMA qu'un salarié à temps plein au SMIC horaire sur la base d'un CDI ou d'un CDD... Le RMA renforce donc une logique que l'on qualifiera, selon le jugement que l'on porte sur elle, d'assouplissement ou de flexibilisation à outrance du droit du travail. C'est inacceptable. Le RMA, qui cumule tous ces handicaps, demeurera un échec. Nous proposons donc de supprimer cette aide à l'employeur.

Mme la Rapporteure - La commission a rejeté cet amendement, pour des raisons déjà exposées à propos du contrat d'avenir et que je ne reprends pas.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Défavorable : cet amendement remet en cause l'équilibre qui caractérise l'activation d'une dépense de solidarité en une aide à l'emploi.

M. Pierre Cardo - Je souhaite m'exprimer sur une question de principe plutôt que sur l'amendement lui-même. Je ne voterai pas l'amendement, par solidarité avec le Gouvernement, mais je n'ai jamais été très favorable au principe du RMA. La raison en est simple : je ne considère pas que l'entreprise soit le lieu idéal pour la réinsertion des gens éloignés de l'emploi. Verser de l'argent en supposant que cela les aidera à se réinsérer dans le secteur privé n'est pas nécessairement la meilleure méthode. L'entreprise est un lieu d'insertion ; il y a d'autres structures à favoriser pour la réinsertion. Cela ne signifie pas que j'approuve les arguments de nos collègues. J'ai été employeur, et j'ai recruté. Tout d'abord, je n'ai jamais créé d'emploi parce qu'il y avait une prime, cela n'existe pas : j'en ai créé quand il y avait un marché. D'autre part, je souris quand nos collègues parlent d'effet d'aubaine parce qu'on va verser à l'employeur le montant du RMI. J'en ai recruté un certain nombre : ce n'est pas toujours un cadeau pour l'employeur, même avec le montant du RMI, si l'on considère tout le travail nécessaire pour aider la personne à adopter un comportement adapté à l'entreprise.

L'amendement 66, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - L'amendement 991 du Gouvernement a pour objet d'étendre la portée de l'actuel article L. 322-4-15-6 du code du travail aux bénéficiaires de l'ASS. Avec l'extension à ces derniers du CI-RMA, il est en effet nécessaire que des organismes comme les ASSEDIC puissent se voir confier la gestion de l'aide relevant de l'Etat. Ce qui requiert une disposition législative, car il n'existe pas d'habilitation législative de portée générale permettant la gestion d'une aide d'Etat par le régime d'assurance chômage : c'est ainsi qu'il a fallu une disposition similaire pour permettre la gestion par les ASSEDIC de la prime hôtellerie-café-restaurant. L'absence d'une telle disposition exclurait les ASSEDIC de la gestion de l'aide dans le cadre des CI-RMA. En revanche notre amendement n'impose pas cette gestion : il en ouvre simplement la faculté, et ne préjuge pas du choix d'autres opérateurs comme le CNASEA.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Toujours la souplesse !

Mme la Rapporteure - La commission n'a pas examiné cet amendement. Avis favorable à titre personnel.

M. Jean Le Garrec - J'avoue n'avoir pas bien compris les explications du ministre. Que viennent faire ici les Assedic ? Vous dites que ce n'est qu'une latitude. Mais à force d'ouvrir des latitudes, je ne sais pas comment vous allez bâtir votre temple de Babylone, et surtout comment vous en sortirez !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Pour sortir du temple, il faut des tuyaux simples : j'en propose un entre les Assedic et l'entreprise.

L'amendement 991, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 883 est de coordination. Il convient de tenir compte de l'amendement de Mme Billard que nous avons adopté.

L'amendement 883, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Francis Vercamer - L'amendement 642 est défendu.

L'amendement 642, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 33, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 33

Mme la Rapporteure - L'amendement 949 est de coordination et de précaution : nous proposons d'assurer la continuité du droit en vigueur en exonérant les CAE et les contrats d'avenir de taxe sur les salaires, comme c'est déjà le cas pour les CES et les CEC.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Favorable. Le Gouvernement lève le gage.

L'amendement 949 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 33 bis, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 33 BIS

M. Gérard Larcher, ministre délégué - L'article 33 du projet réforme le CI-RMA pour en faire un contrat recentré sur le secteur marchand, ouvrant droit à un statut social de droit commun. Il convient dès lors de revenir aux règles de droit commun en matière fiscale et de supprimer l'exonération prévue à l'article 81 du code général des impôts. Tel est l'objet de l'amendement 753 du Gouvernement.

L'amendement 753, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

ART. 33 TER

Mme la Rapporteure - L'amendement 133 de suppression de l'article a été adopté par la commission à l'initiative de Mme Billard.

Mme Martine Billard - Il est en effet identique à notre amendement 376. J'en profite pour protester contre l'habitude, à propos du RMI, d'évoquer les personnes très éloignées de l'emploi. Ce n'est pas le cas de tous les érémistes : on peut passer directement de l'emploi au RMI, si l'on n'a pas accumulé assez de droits pour accéder à l'assurance chômage, et a fortiori à l'ASS.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée - Avis favorable sur les amendements.

Les amendements 133 et 376, mis aux voix, sont adoptés.

APRÈS L'ART. 33 TER

M. Francis Vercamer - Dans le code des marchés publics, nous avons introduit l'insertion par l'économique comme un élément important pour la construction des bâtiments des collectivités territoriales, mais sans aller jusqu'à en faire un critère de choix : c'est ce que je propose par mon amendement 482, identique au 134 de la commission. Les performances d'une entreprise en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté deviendront ainsi un des critères de choix.

Mme la Rapporteure - La commission l'a en effet approuvé.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - C'est également le cas du Gouvernement. Cet amendement important ouvre, dans le code des marchés publics, la possibilité de prendre en compte l'emploi des personnes en difficulté.

Les amendements 134 et 482, mis aux voix, sont adoptés.

ART. 34

M. Francis Vercamer - Diverses associations locales m'ont dit leur satisfaction de voir fixer des règles, mettre en place de nouveaux dispositifs et de nouveaux contrats. Mais elles aimeraient aussi des expérimentations. Après tout, c'est de l'expérience menée à Valenciennes que sont nées les maisons de l`emploi. Peut-il y en avoir d'autres ? L'association « Un travail pour chacun » de Basse-Normandie m'a parlé d'une expérimentation sur le développement d'emplois nouveaux. Une autre idée est celle des fonds territoriaux d'investissement. N'ayant pu déposer d'amendements à ce sujet, je souhaiterais l'avis du ministre.

L'article 34, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je souhaiterais une brève suspension de séance pour réunir mon groupe.

Mme la Présidente - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 25.

APRÈS L'ART. 34

Mme Nelly Olin, ministre déléguée - L'amendement 815, 3e rectification, du Gouvernement et l'amendement 247, 3e rectification, de M. Tian étant identiques, je laisse M. Jacquat présenter ce dernier.

M. Denis Jacquat - Ces amendements donnent aux EPCI une compétence optionnelle supplémentaire « action sociale ». Cette compétence serait exercée par un CIAS, centre intercommunal d'action sociale.

M. François Scellier - Le département ayant la responsabilité d'ensemble de l'action sociale, mon sous-amendement 975 précise que l'action sociale de l'EPCI doit s'inscrire dans les orientations du schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Notre sous-amendement 1004 est identique. La loi relative aux responsabilités locales a conforté le rôle de chef de file du département pour l'action sociale ; il faut éviter les incohérences.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée - Les actions des EPCI prendront évidemment en compte pour les compléter ou les prolonger les actions du schéma départemental. Il y aura donc cohérence. Pour autant, n'instaurons pas une contrainte législative qui semblerait limiter les libertés des communes. Le Gouvernement demande donc le retrait de ces sous-amendements.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - La compétence ne peut être exercée par l'intercommunalité que si les communes l'acceptent, c'est la loi : il ne peut y avoir transfert vers l'EPCI contre la volonté de l'une d'entre elles. L'argumentation de Mme la ministre n'est donc pas fondée, la souplesse chère à M. Larcher n'étant pas en cause : nous envisageons le cas où les communes ont accepté le transfert et où le département - qui n'en a pas l'obligation - a établi un schéma ; ces sous-amendements ne visent qu'à assurer la cohérence des démarches.

Mme la Rapporteure - Pourquoi ajouter quelque chose qui va de soi ? A titre personnel, puisque la commission n'a pas examiné ces sous-amendements, avis défavorable.

Mme Hélène Mignon - Non, cela ne va pas de soi, et il faut éviter que la mise en oeuvre des politiques se heurte à certains blocages.

Les amendements 530, 531 et 529 sont défendus.

M. Denis Jacquat - L'amendement 248 rectifié de M. Tian est défendu.

Les sous-amendements 975 et 1004, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les amendements 815, 3e rectification, et 247, 3e rectification, mis aux voix, sont adoptés.

ART. 35

M. Jean Le Garrec - Ce qui fait difficulté, c'est la forme de l'aide que cet article a pour objet d'apporter à un chômeur ou un érémiste qui crée ou reprend une entreprise.

Bien sûr, la création ou la reprise d'entreprise est toujours difficile. Les difficultés apparaissent le plus souvent la deuxième année ; mais les intéressés peuvent alors faire appel à des structures spécialisées, les boutiques de gestion, qui ont l'expérience et les moyens nécessaires pour leur apporter l'appui dont ils ont besoin.

En revanche, permettre le recours à un tuteur qui aurait droit à un abattement fiscal, et sans qu'on soit assuré qu'il ait la compétence nécessaire, me paraît dangereux. Je défends donc l'amendement 596 de suppression de cet article.

Mme Martine Billard - Il y a de meilleures façons d'aider les créateurs d'entreprise que de créer une nouvelle niche fiscale ! En outre, je crains que cela entraîne, du côté des contribuables, une concurrence avec les autres aides aux personnes en difficulté donnant lieu à réduction d'impôt, au détriment de celles-ci. C'est pourquoi j'ai déposé l'amendement 351 de suppression.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable car le facteur humain est déterminant dans l'aboutissement d'un tel projet, et l'accompagnement personnalisé mérite d'être soutenu. Le contrôle qu'exerceront les maisons de l'emploi permettra d'éviter les dérives.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis. Plus du tiers des créateurs d'entreprises sont des demandeurs d'emploi ou des personnes allocataires d'un minimum social. Certes des structures d'accompagnement existent déjà, M. Le Garrec les a évoquées, mais l'accompagnement dans la durée sous forme de tutorat est le fait de bénévoles. Ce sont eux que nous voulons au premier chef encourager, par un dispositif novateur.

M. Hervé Novelli - Ce gouvernement a fait de grands efforts pour soutenir la création d'entreprise, et on en voit les premiers effets. Il serait paradoxal d'adresser à l'occasion de ce projet un signal en sens contraire, et je m'étonne que M. Le Garrec soutienne un tel amendement...

M. Jean Le Garrec - M. Novelli vient d'intervenir, et toute mon attention est éveillée : il y a un piège quelque part ! (Sourires).

D'abord, nous sommes pour la création d'entreprises, et l'avons toujours été. C'est moi qui ai réalisé la première contractualisation avec les boutiques de gestion ! Ensuite, nous voulons aider les créateurs : il est difficile de créer une entreprise, et encore plus de la reprendre. Mais il existe déjà des boutiques de gestion, dont c'est le métier et qui obtiennent des résultats remarquables. Pourquoi, alors qu'elles ont tant d'expérience, aller chercher un autre soutien, qui se fera dans des conditions inconnues et qui demande de créer une niche fiscale ? Que diable vient faire une nouvelle niche dans cette histoire, alors que nous passons notre temps à essayer de les faire disparaître ? Ce n'est en tout cas pas la meilleure méthode pour soutenir la création d'entreprises.

Les amendements 351 et 596, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Le Garrec - Une niche de plus !

Mme la Rapporteure - L'amendement 884 est de précision.

L'amendement 884, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 35, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 35

M. Jean-Michel Fourgous - L'amendement 520 rectifié vise à créer un contrat spécifique pour les missions à l'exportation, et ainsi favoriser l'emploi et la compétitivité des entreprises. Le nombre de PME françaises qui exportent n'est pas suffisant. Or, un milliard d'euros d'exportations génèrent 15 000 emplois nouveaux en France : cela incite à montrer un peu d'audace sur le sujet ! Le droit du travail est trop rigide pour convenir aux PME en matière d'exportation. Par exemple, la durée des missions à l'étranger du salarié est difficile à déterminer à l'avance. Le contrat d'export pourrait constituer le cadre de ces missions. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Vous vous gargarisez avec le « social », mais quand on a le record du chômage et de la durée du chômage, il faut peut-être arrêter la phraséologie idéologique et penser un petit peu plus aux Français ! Ce dispositif est inspiré du contrat de chantier utilisé dans le secteur du bâtiment et assure au salarié les garanties négociées dans le cadre des accords de branche ou d'entreprise. Il pourrait permettre à 50 000 nouvelles entreprises de se lancer à l'exportation d'ici trois ans.

Mme la Rapporteure - Ce contrat correspond à un besoin général, et permettra aux petites et moyennes entreprises de développer leur capacité d'exportation. Calqué sur le contrat de chantier, il sera conclu pour une mission effectuée en majeure partie à l'étranger. Ce genre de mission a un objet déterminé et doit donc avoir une échéance, mais qu'on ne peut connaître à l'avance. Ce contrat sera encadré par les accords collectifs de branche ou d'entreprise, et entouré d'autres garanties, telles qu'une durée minimale de six mois et des contreparties en termes de rémunération, d'indemnités de licenciement, de formation et de reclassement. La commission a adopté cet amendement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le Gouvernement cherche à favoriser le recrutement dans les entreprises exportatrices et la présence de nos PME à l'exportation. L'amendement 520 rectifié permet de prendre en compte la spécificité des missions à l'export. Il s'inspire du régime applicable aux fins de chantiers et prévoit des garanties pour les salariés : le champ du contrat est encadré par la loi et sa mise en œuvre passe par la négociation collective. Nous y sommes donc favorables.

M. Francis Vercamer - Cet amendement est fort intéressant, même pour un ardent défenseur du CDI comme moi. Le chef d'entreprise qui souhaite se lancer à l'exportation recourt à un agent commercial. Ce professionnel indépendant n'est pas sous contrat, et donc pas couvert par le droit du travail. Le contrat commercial peut être rompu si le chef d'entreprise le veut, ou l'agent peut ne pas faire son travail de façon satisfaisante... Ce nouveau contrat a l'avantage de comporter à la fois un lien de subordination et une couverture sociale. Il ne peut être qu'à durée indéterminée, puisqu'en matière d'exportation, l'environnement économique peut être bouleversé du jour au lendemain, comme cela a été le cas avec la suppression des quotas dans le textile.

Mme Martine Billard - A vous entendre, on croirait que le droit en vigueur ne permet pas de licencier un salarié dont le poste de travail ne correspond plus aux besoins de l'entreprise ! Une mission qui n'a plus lieu d'être parce que le marché a changé est un motif de licenciement parfaitement reconnu par les tribunaux ! Ce n'est pas la peine d'inventer un nouveau contrat de travail ! Une entreprise peut parfaitement avancer qu'elle n'a plus d'emploi correspondant au salarié, et il est aujourd'hui très facile pour les petites entreprises de licencier pour ce motif. L'amendement précise que l'indemnité de licenciement ne peut pas être inférieure au montant de l'indemnité légale de licenciement : c'est heureux ! Il s'agit du code du travail ! Mais il laisse la porte ouverte à ce que cette indemnité ne soit plus celle fixée par la convention collective - ce qui est un des chevaux de bataille du Medef.

M. Jean-Michel Fourgous - Idéologie !

Mme Martine Billard - C'est tout ce que vous trouvez à répondre ? Lorsque le salarié n'a pas passé beaucoup de temps dans l'entreprise, les indemnités de licenciement sont réduites à peu de chose ! Les montants mirifiques dont on parle dans les journaux sont réservés à des chefs d'entreprise bien connus !

M. Jacques Desallangre - Vous poursuivez votre quête effrénée de la « souplesse », qui ne consiste qu'à revenir sur les mesures de protection des salariés et sur des avantages justement concédés par le patronat. Lorsqu'on n'a plus de travail pour quelqu'un, on le licencie pour motif économique ! C'est le cas lorsqu'il n'y a plus de travail à l'exportation. Ce nouveau contrat est donc surtout une amorce de contrat de mission : il sera élargi par la suite, au grand bénéfice de la flexibilité et de la modération salariale ! Le Medef se plaint de coûts salariaux insupportables, dans des entreprises qui ne font que 25 ou 30 % de bénéfices !

M. Laurent Wauquiez - Je vous signale que la chambre sociale de la Cour de cassation refuse le licenciement d'un salarié employé essentiellement à l'export pour la simple raison que les marchés à l'exportation auraient disparu : elle regarde aussi si le reste de l'activité de l'entreprise permet de justifier ce licenciement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Le droit actuel ne garantit donc pas la souplesse nécessaire aux entreprises qui veulent exporter.

M. Jean Le Garrec - Voilà qui justifie toutes nos inquiétudes ! Il est évident que la chambre sociale de la Cour de cassation va vérifier si l'entreprise peut employer le salarié ailleurs que dans son poste à l'export ! En fait, vous voulez ressusciter le contrat de mission.

M. Hervé Novelli - Et alors ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Le Garrec - C'est très clair ! Il faut le dire ! Nous, nous sommes clairement opposés au contrat de mission, et aussi à ce que l'on prenne une décision sans en avoir discuté avec les partenaires sociaux.

M. Francis Vercamer - N'oublions pas que pour les missions courtes, un CDD est finalement plus protecteur qu'un CDI (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Mais si, un CDI de moins de deux ans ne donne pratiquement aucune garantie !

M. Jean-Michel Fourgous - Merci, cher collègue Vercamer, de faire entendre dans cet hémicycle la voix de la compétence. Nous sommes lassés des discours idéologiques de ceux qui ne connaissent rien à la réalité de l'entreprise... (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains, du groupe socialiste et sur divers bancs)

M. Jacques Desallangre - Quel mépris ! Moi, j'ai travaillé vingt-sept ans en entreprise !

M. Jean-Michel Fourgous - Quant à Mme Billard, qui se croit autorisée à me traiter de salonnard ignorant des réalités, je lui rappelle que je suis le seul député né à Montreuil et que je suis élu de Trappes. (Mme Billard s'exclame)

M. Jacques Desallangre - Donneur de leçons !

M. Jean-Michel Fourgous - Moi, je sais ce que c'est que de créer des emplois à l'exportation.

M. Jacques Desallangre - Prétentieux !

M. Jean-Michel Fourgous - La réalité, c'est que les entrepreneurs contournent la loi et que, par conséquent, cet amendement procure une sécurité supplémentaire aux salariés travaillant à l'exportation, aujourd'hui exposés à toutes les aventures.

Mme la Présidente - Chacun s'étant largement exprimé, nous allons passer au vote.

M. Jacques Desallangre - Permettez ! J'ai été mis en cause personnellement.

Mme la Présidente - Vous aurez la parole à la fin de la séance.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Un milliard d'euros d'exportations en plus, ce sont 15 000 emplois créés !

MM. Laurent Wauquiez et Jean-Michel Fourgous - Bien sûr !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - En outre, j'insiste sur le fait que nous ne créons pas un nouveau contrat de travail ; nous nous inspirons simplement du contrat de chantier, en l'entourant de toutes les garanties nécessaires, pour aider nos PME à conquérir des marchés extérieurs. Notre seul objectif, c'est encore et toujours de créer des emplois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 520 rectifié mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Madame la Présidente, je demande une suspension de séance de dix minutes pour réunir mon groupe. Les termes dans lesquels M. Fourgous nous met en cause ne sont pas acceptables. Nous ne pouvons tolérer qu'il oppose à nos arguments de fond notre prétendue incompétence. Ce n'est pas parce que je n'ai pas été chef d'entreprise que je ne connais pas les conflits du travail et je me tiens à sa disposition pour lui donner toutes les leçons de droit du travail dont il semble avoir besoin. Nous souhaitons que notre débat puisse reprendre dans des conditions sereines.

La séance, suspendue à 17 heures 5, est reprise à 17 heures 15.

ART. 36

M. Denis Jacquat, vice-président de la commission - L'amendement 135 est de conséquence. Les maisons de l'emploi doivent pouvoir participer, moyennant rémunération, à la mise en œuvre des mesures prévues à l'article L 321-16 du code du travail tel qu'il résulte de l'article 37-6 du présent projet.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis favorable. Les maisons de l'emploi ont tout leur rôle à jouer dans les opérations de reclassement individualisé.

L'amendement 135, mis aux voix, est adopté.

L'article 36 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 37

M. Daniel Paul - L'article 37 autorise le recours à l'intérim lorsque la mission de travail temporaire vise à faciliter l'embauche de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières. Autrement dit, il élargit les possibilités de recours à une main-d'œuvre parfaitement flexible. Ce n'est pas, nous semble-t-il, rendre service aux personnes en difficulté que d'encourager ainsi le travail précaire. Certes, les patrons, notamment ceux des grandes agences d'intérim, s'en réjouiront. M. Philippe Marcel, aujourd'hui PDG d'Adecco, osait déclarer dans La Tribune du 11 octobre dernier que l'intérim était facteur de cohésion sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Il ne devait pourtant pas ignorer qu'en 2003, 22 % des missions d'intérim étaient conclues pour une journée seulement !

M. Jean-Michel Fourgous - Mieux vaut rester au chômage ?

M. Daniel Paul - Monsieur Fourgous, le baron Seillière critique le Gouvernement mais, voyez-vous, je soupçonne qu'il s'agit là d'un jeu entre eux pour mieux faire passer la pilule. Comme le baron Seillière, vous n'avez d'autre idée en tête que de remplacer les CDI et les CDD, ces derniers étant déjà trop à vos yeux, par des contrats de mission. Votre cap est clair : toujours plus de flexibilité ! Lorsque vous serez parvenus à remettre en cause CDD et CDI, vous demanderez à rogner sur les charges patronales, que vous jugerez encore trop importantes. Puis, même débarrassés des cotisations qui leur sont liées, les salaires vous paraîtront encore trop élevés car il y aura toujours quelque endroit où l'on produira moins cher. Puis il vous faudra alors tailler dans l'os lui-même...

M. Jean-Michel Fourgous - Mieux vaut ne toucher à rien !

M. Daniel Paul - Les salariés intérimaires ont les plus grandes difficultés à trouver un logement, à payer leurs déplacements entre des lieux de travail souvent éloignés les uns des autres, à organiser la garde de leurs jeunes enfants. La liste des inconvénients de cette forme de travail est longue...

Quant à l'idée que les entreprises de travail temporaire puissent offrir une formation aux salariés, elle est inacceptable. Ce n'est pas à des entreprises de travail non qualifiées en matière de formation, de surcroît créatrices seulement d'emplois précaires, qu'il faut donner les moyens d'organiser des stages de formation. La philosophie de cet article est profondément libérale. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) Le Gouvernement démantèle l'AFPA, prive l'AFPA de ses missions de formation au profit du secteur privé qui sera autorisé à assurer des missions de service public. Tout est dit : ce projet de loi dit de cohésion sociale n'est qu'un rideau de fumée ! C'est pourquoi nous demanderons encore une fois la suppression de l'un de ses articles, en l'occurrence le 37.

Mme Martine Billard - Je souhaite dire à certains de nos collègues de l'UMP que pour juger des compétences professionnelles d'une personne, encore faut-il la connaître au travail Personnellement je n'en juge pas selon son lieu de naissance, son âge, son sexe ou la couleur de sa peau. Les points de vue du chef d'entreprise et du salarié sont différents, ils peuvent être complémentaires ou opposés. Chacun a sa valeur.

M. Jean-Michel Fourgous - Vous ne savez que les opposer.

Mme Martine Billard - Jusqu'à présent, il n'était autorisé dans notre pays de recourir à l'intérim que pour remplacer un salarié absent ou faire face à un surcroît d'activité exceptionnel. L'intérim peut être un choix du salarié, chez les jeunes notamment ou chez des personnes entamant une réorientation professionnelle. Il ne doit absolument pas devenir un mode de gestion de l'emploi. Jusqu'à maintenant, c'étaient les entreprises de travail temporaire d'insertion qui étaient chargées de l'insertion professionnelle par le travail temporaire. Certes, les agences d'intérim traditionnelles voyaient en ces ETTI des concurrentes.

Alors que ce projet de loi dit de cohésion sociale ne devait pas toucher au code du travail, cet article le démantèle encore un peu plus...

M. Jean-Michel Fourgous - Il permettra de créer des emplois !

Mme Martine Billard - Non, des travailleurs pauvres. Déjà, un quart des SDF sont salariés. Voudriez-vous qu'ils soient encore plus nombreux dans cette situation, c'est-à-dire à ne pouvoir se loger, se nourrir, se soigner, bien qu'ayant un travail ? Peut-être est-ce le modèle de société que vous défendez. Ce n'est pas le nôtre... Tous nos concitoyens devraient avoir un travail leur permettant de vivre dignement et d'élever leur famille.

M. Jean-Michel Fourgous - Pour l'instant, vous n'avez que le triste record du nombre de chômeurs et de la durée du chômage !

Mme la Présidente - Laissez Mme Billard terminer, je vous prie.

Mme Martine Billard - Cet article, outre qu'il démantèle le code du travail, cassera les ETTI, car nul doute qu'elles seront écrasées par les mastodontes que sont les grandes entreprises d'intérim. Il est rare que David gagne contre Goliath !

Pour toutes ces raisons, nous demandons par notre amendement 377 la suppression de cet article. Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur la place respective qu'il entend donner aux ETTI et aux entreprises de travail temporaire traditionnelles dans le domaine de l'insertion ?

M. Jacques Desallangre - Cet article illustre une nouvelle fois votre recherche obsessionnelle de la flexibilité, dût-elle aboutir à la remise en question de tous les droits des salariés.

Transformez-vous, Monsieur Fourgous, en salarié intérimaire et allez demander un logement à un office HLM, un emprunt à une banque... Vous verrez immédiatement les difficultés de ces salariés qui se voient refuser tout cela au motif qu'ils n'ont pas d'emploi stable et comprendrez peut-être que flexibilité et pauvreté vont de pair.

M. Jean-Michel Fourgous - Mieux vaut rester au chômage ?

M. Jacques Desallangre - Vous avez tort, cher collègue, de considérer que les salariés seraient en quelque sorte d'une race inférieure à leurs employeurs. J'ai travaillé trente-cinq ans, et ce depuis l'âge de 17 ans.

M. Jean-Michel Fourgous - Baratin !

M. Jacques Desallangre - Beaucoup de chefs d'entreprise m'écrivent pour dire qu'ils hésitent à prendre le risque d'embaucher... Figurez-vous que je sais parfaitement que l'embauche est un risque et que je l'ai même douloureusement vécu, puisqu'après vingt-sept ans dans la même entreprise, je me suis fait licencier à cause des mauvais choix qu'avaient faits mes patrons. Et je n'ai pas connaissance que jamais un patron se soit fait licencier pour incompétence.

Mme la Rapporteure - La commission a repoussé ces amendements de suppression. Pour nous, l'intérim est d'abord un moyen de garder contact avec le monde du travail et d'éviter l'engrenage de l'exclusion. C'est un marchepied vers un emploi plus stable, comme le prouvent d'ailleurs les statistiques puisqu'au bout d'un an, 30 % des salariés en intérim obtiennent un CDI et 10 % un CDD, lequel se transformera en CDI dans plus des trois quarts des cas. Pour ce qui est des ETTI, elles continueront d'exister et conserveront leurs spécificités.

Plutôt que de jeter l'anathème sur l'intérim, reportez-vous à un sondage publié par BVA en octobre dernier, selon lequel 82 % des salariés considèrent que l'intérim est un excellent moyen de trouver un emploi et 91 % des salariés en intérim ont une bonne image de cette forme de travail. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Evitons la caricature. Seuls 3,3 % des salariés travaillent aujourd'hui en intérim. J'ajoute qu'il y a des conventions qui prévoient de la formation pour l'intérim et que la France a, sur un avant-projet de directive européenne relative à l'intérim, la position la plus ferme : égalité de traitement dès le premier jour. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

Mme Hélène Mignon - Il est vrai que les entreprises de travail temporaire jouent un rôle économique non négligeable, vrai également que l'intérim peut être un choix de vie, mais je crains tout de même que cet article ne creuse le fossé entre ceux qui sont tout près de l'insertion professionnelle et ceux qui en sont loin.

Les amendements 377 et 259, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Denis Jacquat - L'amendement 272 de M. Colombier a pour objet de limiter l'extension opérée par cet article au cas où l'utilisateur s'engage à assurer un complément de formation professionnelle au salarié.

Mme la Rapporteure - La commission l'a repoussé, car nous voulons que le travail temporaire puisse aussi favoriser le retour à l'emploi de personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis.

Mme Martine Billard - J'insiste sur l'inquiétude que suscite cet article chez les ETTI. Rien n'est prévu en termes d'accompagnement et de formation de la personne, alors que le but recherché est, nous dit-on, de permettre à des personnes en difficulté de profiter d'un travail temporaire pour rebondir. Si tel est bien le cas, prévoyez au moins une obligation de validation des acquis. Sinon, les gens resteront enfermés dans ce type de contrat sans jamais franchir la frontière qui les sépare d'un emploi standard.

L'amendement 272, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Notre amendement 346 vise à limiter le champ de l'article 37 aux entreprises de travail temporaire d'insertion.

Une question à ce propos, Monsieur le ministre : le Gouvernement ayant, par ordonnance du 18 décembre 2003, supprimé l'exonération de cotisation sociale dont bénéficiaient les ETTI, allez-vous accéder à leur demande concernant la revalorisation de l'aide aux postes ? Elles estiment que celle-ci devrait être portée à 54 000 €. Il faut savoir que beaucoup d'entreprises d'insertion ont déjà mis la clé sous la porte, faute de financement.

Mme la Rapporteure - Défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - L'aide dont vous parlez, Madame Billard, est passée de 24 000 € à 51 000 dans le projet de loi de finances pour 2005. Il y a donc bien un effort particulier en faveur des entreprises d'insertion. Cela étant, avis défavorable.

L'amendement 346, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Hélène Mignon - Le 1° de cet article nous entraîne vers une nouvelle dérégulation du travail, puisqu'il permet la conclusion de contrats précaires pour l'exécution de tâches permanentes relevant de l'activité normale de l'entreprise. De plus, aucune précision sur la nature des difficultés des personnes visées n'est apportée. C'est pourquoi notre amendement 600 tend à supprimer ce paragraphe.

Mme la Rapporteure - Défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis.

M. Jacques Desallangre - C'est toujours la même volonté de dérégulation, plus ou moins masquée, qui est à l'œuvre dans tous ces articles. On s'en remet aux accords entre représentants des employeurs et des salariés, ce qui n'est pas des plus opportun en cette période de tension sociale. En ne précisant pas la nature des difficultés que doivent rencontrer les personnes visées, l'article laisse cette définition à la libre appréciation des employeurs, au risque de mettre les premières dans une situation d'infériorité accrue.

L'amendement 600, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Michel Fourgous - On ne crée pas des emplois à coups de déclarations incantatoires contre l'entreprise. Faut-il rappeler les désastreuses conséquences du chômage pour celui qu'il frappe ? Divorce, éthylisme, problèmes médicaux... Il faut se féliciter que des chômeurs puissent retrouver un emploi grâce à l'intérim. Cessez donc de stigmatiser celui-ci ! Je rappelle aussi que 100 000 jeunes trouvent chaque année leur premier emploi par le biais du travail temporaire. Sortons de l'archaïsme idéologique que certains expriment ici ! Nous sommes vraiment l'un des rares pays où une partie de la classe politique puisse tenir ce genre de propos. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Il faut arrêter d'obliger les acteurs économiques à contourner la loi.

Il faut aussi arrêter cette atteinte à l'intelligence qui consiste à opposer les salariés aux employeurs. Je rappelle que 80 % des chefs d'entreprise ont été des salariés.

Mon amendement 443 a pour objet de simplifier le recours à l'intérim.

Mme la Rapporteure - L'amendement fait du contrat de professionnalisation un nouveau cas de recours au travail temporaire. La commission l'a repoussé, car le contrat de professionnalisation ayant été créé par la loi du 4 mai 2004, il paraît en tout état de cause prématuré d'en proposer aujourd'hui une adaptation. Il faudra d'abord en faire un bilan.

Je rappelle que les entreprises de travail temporaire sont soumises à des obligations de formation supérieures à celles que connaissent les entreprises classiques. Le travail temporaire a tellement évolué depuis dix ans que l'on ne peut vraiment plus porter sur lui le même regard qu'avant.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - L'amendement limiterait le champ de l'article aux seuls contrats de professionnalisation, alors qu'il vise toutes les situations où un complément de formation est assuré aux salariés. Je demande donc à M. Fourgous de bien vouloir retirer son amendement.

L'amendement 443 est retiré.

L'article 37, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 37

Mme Hélène Mignon - L'amendement 598 rectifié est défendu.

Mme la Rapporteure - Favorable.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée - Sagesse.

L'amendement 598 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 599 est défendu.

L'amendement 599, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 597 tend à faire en sorte que le fonds départemental pour l'insertion soit utilisé prioritairement pour des actions d'insertion par l'activité économique, et en tenant compte des stratégies territoriales de l'emploi.

Mme la Rapporteure - Défavorable. La commission n'a pas jugé nécessaire d'inscrire cette précision, car le fonds départemental pour l'insertion peut déjà financer ces activités. En outre la rédaction de l'amendement comporte des termes tels que « exclusivement » ou « prioritairement » qui ne semblent pas opportuns.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée - L'utilisation du fonds départemental pour l'insertion fait déjà systématiquement l'objet d'un avis du conseil départemental d'insertion par l'activité économique, et doit à ce titre prendre en compte les orientations du plan départemental d'insertion. Sur le fond cet amendement n'apporte donc pas de changement, se contentant de faire remonter au niveau législatif des dispositions qui sont réglementaires. J'en souhaite donc le retrait, et à défaut le rejet.

L'amendement 597 est retiré.

ART. 37 BIS

Mme la Rapporteure - L'amendement 885 apporte une précision.

L'amendement 885, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 37 bis ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 37 BIS

M. Denis Jacquat, vice-président de la commission - Je présenterai l'amendement 136 au nom de Mme de Panafieu et surtout de M. Door et d'autres collègues de la commission

Les villages d'enfants sont des structures sociales autorisées par le président du conseil général pour prendre en charge des enfants relevant de mesures administratives ou judiciaires de protection de l'enfance. Nés en France dans les années 1950, à partir d'une expérience autrichienne de 1946, les villages d'enfants sont constitués de maisons où des fratries sont élevées et prises en charge au quotidien par une éducatrice familiale qui assure auprès d'eux une responsabilité permanente. Un directeur et une équipe technique pluridisciplinaire interviennent également. Deux associations, qui existent dans seize départements, gèrent aujourd'hui de tels villages : SOS villages d'enfants et Le mouvement pour les villages d'enfants. Ces structures ont une place particulière dans les dispositifs d'accueil relevant de la protection de l'enfance, car elles permettent la prise en charge de grandes fratries en évitant leur séparation ; elles offrent une prise en charge de type familial grâce à l'engagement dans la durée des éducatrices familiales auprès des enfants, qu'elles élèvent parfois jusqu'à leur majorité.

Afin de consolider le fonctionnement de ces structures, il faut aujourd'hui donner au travail des éducatrices familiales le cadre juridique qui lui fait défaut. Cet amendement devrait mettre un terme aux nombreux conflits qui s'élèvent, le plus souvent devant les prud'hommes, entre salariés et employeurs, faute d'un cadre juridique approprié ; il permettra ainsi de pérenniser ces formes d'accueil. A cette fin, l'amendement définit un dispositif de décompte de la durée du travail spécifique et adapté à la fonction exercée par les éducateurs et aides familiaux, qui les remplacent certaines semaines selon des modalités de présence identiques auprès des enfants. Cette durée est définie en nombre de journées de travail sur l'année, leur nombre, fixé par voie de convention collective ou d'accord d'entreprise, ne devant pas dépasser le plafond de 258 jours par an. Ce dispositif spécifique, en tant qu'il permet de déroger notamment au repos quotidien et hebdomadaire, est introduit au sein du livre VII du code du travail réservé à certaines professions particulières.

Mme la Rapporteure - La commission a adopté cet amendement. Nous connaissons l'importance des villages d'enfants ; il importe donc de réaménager le temps de travail des éducateurs et des aides familiaux.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée - Favorable.

L'amendement 136, mis aux voix, est adopté.

ART. 37 TER

M. Jacques Desallangre - Cet article, introduit par la majorité au Sénat, est à nos yeux un cavalier législatif, car son lien avec la loi de cohésion sociale serait bien difficile à démontrer. Il tend à revenir sur la législation du travail de nuit dans certaines professions : la télévision, la radio et certains métiers du spectacle, mais aussi la presse, dont l'un des magnats est également sénateur ; cet amendement a été voté en sa présence sans qu'il proteste, ce qui implique son consentement.

Cet article vise à raccourcir la durée pendant laquelle le travail est considéré comme du travail de nuit. Aujourd'hui le travail de nuit se situe entre 21 heures et 7 heures du matin. L'article le réduit à l'intervalle entre 24 heures et 7 heures, sauf accord définissant une autre période - laquelle, de toute façon, ne pourra pas se situer en deçà de l'intervalle entre minuit et 5 heures. Il est clair, si l'on considère la réalité de l'entreprise, que les pressions seront énormes et que la notion de travail de nuit se réduira à cet intervalle minimum. On obtient ainsi une diminution des garanties et des droits à compensation. Les travailleurs de nuit bénéficieront de contreparties sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, de compensation salariale. C'est un nouveau recul social au sein d'un texte censé incarner le visage social du Gouvernement !

Au Sénat, le ministre du travail avait clairement affiché son rejet, sinon de l'idée, du moins de l'amendement en émettant un avis défavorable. Il n'a pas dû y mettre assez de conviction, car sa majorité ne l'a pas suivi ; il faut dire que les principaux intéressés par cet article étaient également les sénateurs présents au moment du vote... Nous lui donnons une seconde chance en déposant un amendement 67 de suppression de l'article.

Mme Martine Billard - Notre amendement 350 a le même objet. Tout d'abord un point de méthode : le Gouvernement s'était engagé à ne procéder à aucune modification importante du code du travail sans négociation préalable avec les partenaires sociaux. C'est pourtant bien ce qui est proposé ici, et cela pose problème. Cet engagement avait été pris, je crois, par le ministre précédent : sa parole n'engage-t-elle pas le ministre qui lui succède ?

Sur le fond, aux arguments de mon collègue j'ajouterai un point : la durée du travail de nuit pourra être modifiée par accord de branche, d'entreprise - ou d'établissement ! On ne peut pas accepter une telle dérégulation quand il s'agit de la santé des personnes. Cela exigerait au moins une négociation préalable entre partenaires sociaux, et j'espère que, comme au Sénat, vous allez manifester votre désaccord avec cet article.

Mme Hélène Mignon - Notre amendement 577 tend également à supprimer l'article 37 ter. Quand nous avons accepté naguère le travail de nuit des salariés, nous avons auditionné des syndicats de salariés, des chefs d'entreprise, mais aussi des professeurs de médecine, et nous avons fixé les horaires inscrits dans la loi en tenant compte de ce qui pouvait être nocif pour la santé. Nous avons retenu les plages horaires les plus susceptibles de donner lieu à une baisse de l'attention, facteur d'accidents. C'est pourquoi nous souhaitons vraiment, Monsieur le ministre, que cet article soit supprimé.

Mme la Rapporteure - La commission a rejeté ces amendements. L'article prend en compte une exigence de souplesse au regard de la spécificité de certains métiers, notamment du secteur culturel.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le Gouvernement a le même avis qu'au Sénat, et s'en remet à la sagesse de l'Assemblée ; nous aurions certes préféré la voie de la négociation collective.

M. Daniel Paul - Quand s'est posée il y a quelques années la question du travail de nuit à la suite d'une directive européenne sur l'égalité des hommes et des femmes, le groupe communiste avait dit qu'il existait deux façons de concevoir cette égalité : soit obliger les femmes à travailler la nuit, soit l'interdire aux hommes - sauf exceptions bien sûr. C'est malheureusement la mauvaise égalité qui a été retenue par la majorité de l'époque. Aujourd'hui, Monsieur le ministre, vous êtes en train de changer beaucoup de choses : vous changez même la durée de la nuit. C'est toujours l'été, désormais, dans le code du travail : toute l'année le soleil se couche à minuit et se lève à 5 heures...

Les amendements 67, 350 et 577, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Joyandet - Sur cet article je souhaite obtenir quelques précisions du Gouvernement. J'ai déposé un amendement 734 en vue d'exclure un certain nombre d'activités concernant la presse. J'envisageais de retirer cet amendement au profit du 510 rectifié, mais je vois que le Gouvernement a déposé un sous-amendement à mon amendement. En conséquence je ne le retire pas, mais je souhaite que le Gouvernement nous explique clairement comment il voit les choses, car du point de vue technique quelque chose m'échappe.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Si la distribution de presse est exclue du nouveau régime du travail de nuit, il est logique qu'elle le soit également du bénéfice de la contrepartie liée à la nouvelle plage horaire. C'est pourquoi le sous-amendement 996 supprime le II.

M. Jean-Michel Fourgous - La presse quotidienne est en difficulté, et la nouvelle plage horaire touche particulièrement la période de la distribution, qui a lieu tôt le matin. La soumettre à ce nouveau régime, c'est annuler l'effet des aides qu'on lui consent par ailleurs. L'amendement 510 rectifié exclut donc la distribution.

Mme la Rapporteure - La commission n'a pas examiné le sous-amendement 996, mais à titre personnel, je suis favorable à l'amendement 734 ainsi sous-amendé.

M. Alain Joyandet - Le Gouvernement nous dit en quelque sorte qu'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Je lui fais confiance, mais la presse quotidienne régionale semble avoir une interprétation différente sur les conséquences de la suppression du II. Je suis d'accord pour accepter le sous-amendement à condition que, d'ici la CMP, on examine ce qu'il en est et qu'on revoie les choses si nécessaire.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - C'est d'accord.

M. Francis Vercamer - Le groupe UDF soutient les deux amendements. En revanche, le sous-amendement me semble porter sur la compensation pour travail de nuit. Ce n'est pas au Gouvernement de fixer ce qui relève de la convention. J'aimerais des explications complémentaires pour me prononcer.

M. Jean-Michel Fourgous - La vraie question, c'est la distribution de 5 à 7 heures le matin. Modifier la législation sur cette plage horaire sera coûteux.

M. Alain Joyandet - Les patrons de presse s'inquiètent en effet du retrait du II. Mais restons-en là pour l'instant, et revoyons ces aspects techniques ensuite.

Le sous-amendement 996, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 734, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 37 ter, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 37 TER

M. Jean-Michel Fourgous - Quand commence le décompte du temps de travail d'un salarié du bâtiment ? Quand il arrive au siège de l'entreprise ou sur le chantier ? Depuis les lois Aubry, la gestion des RTT rend les choses très difficiles, et les heures supplémentaires se sont multipliées, alors qu'il y a pénurie de main-d'œuvre dans le secteur. Mon amendement 737 clarifie les règles à appliquer pour le temps de trajet entre le siège et le chantier, car le bâtiment est moins bien traité que les autres secteurs d'activité. De plus, les contentieux sont nombreux et les chefs d'entreprise s'irritent de devoir passer un quart de leur temps avec les avocats. Des milliers de petites entreprises attendent un signe de notre part.

Mme la Rapporteure - La commission a repoussé cet amendement, mais parce qu'elle lui a préféré l'amendement 200 rectifié.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis.

M. Jacques Desallangre - On continue à démanteler la protection du salarié. Ici, on nous dit que, pendant qu'il est dans le véhicule entre le siège et le chantier, il ne fait rien, donc pas question de le payer.

M. Jean-Michel Fourgous - Il a une prime.

M. Jacques Desallangre - Mais il est au travail. Et si vous considérez que ce n'est pas le cas, que se passera-t-il en cas d'accident ? Bien sûr, que quelqu'un passe une demi-heure à l'arrière d'un véhicule inconfortable pour aller travailler, cela vous enrage.

M. Hervé Novelli - C'est du Zola.

M. Jean-Michel Fourgous - Caricature et incompétence !

M. Jacques Desallangre - Il est proprement scandaleux d'oser déposer un tel amendement.

M. Jean-Michel Fourgous - Je retire l'amendement 737. Mon amendement 200 rectifié est défendu.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Au Sénat, nous avions demandé du temps pour procéder à une évaluation. Maintenant, le Gouvernement est favorable à cette mesure.

Mme Martine Billard - Encore un amendement qui n'a pas grand-chose à voir avec la cohésion sociale ! Donc, le temps de déplacement professionnel n'est pas du temps de travail effectif. A l'évidence, le salarié qui se rend chez un client ne travaille pas pour l'entreprise... On fait ensuite référence au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail. Qu'est-ce que cela a à voir avec le temps de déplacement entre l'entreprise et le client, quand ce n'est pas pour aller d'un client à l'autre ? Admettons que le salarié mette une demi-heure pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel. Si l'on suit l'amendement, lorsque dans la journée il mettra ce temps pour aller chez un client, il devra une demi-heure de temps de travail à son employeur. C'est irrecevable. De plus certains mettent une heure et demie pour aller au travail, d'autres un quart d'heure. En cas de déplacement long pour aller sur un lieu de travail, ils seront donc traités bien différemment ! C'est incohérent.

Au salarié qui a un trajet d'une demi-heure entre son domicile et son lieu de travail, et qui fait un déplacement d'une heure entre le siège de l'entreprise et le client, le chef d'entreprise devra, en « contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière », une demi-heure. Mais notre collègue est très humain : il précise ensuite que le salaire ne peut être réduit...

Vraiment, il serait plus sage de repousser cet amendement, dont l'application risque de donner beaucoup de travail aux juges !

M. Daniel Paul - Je poursuis la lecture de l'amendement : la contrepartie sera « déterminée par convention ou accord collectif ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur ». Vous ne faites que détricoter le droit du travail : c'est désormais le droit patronal qui va s'instaurer dans les entreprises !

M. Jean-Michel Fourgous - Mme Billard nous propose de faire varier le temps de travail en fonction du lieu de domicile du salarié...

Mme Martine Billard - C'est vous qui le proposez !

M. Jean-Michel Fourgous - Sortons de l'idée d'un affrontement permanent entre patrons et salariés. Il s'agit de créer de l'emploi !

Mme Hélène Mignon - Cet amendement inapplicable va à l'encontre de l'objectif de cohésion sociale. Nous souhaitons tous que ceux qui le peuvent ou le veulent aient un emploi pour que soit reconnue leur dignité, à laquelle vos propositions portent atteinte.

L'amendement 200 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 37 QUATER

Mme Martine Billard - Après ce vote, il serait particulièrement utile d'adopter mon amendement 378, qui concerne la formation au droit du travail, au moins aussi nécessaire que la formation économique - sur laquelle porte cet article introduit par le Sénat.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable car il convient de ne pas surcharger la liste, déjà longue, des points sur lesquels doivent porter les négociations triennales. En outre, la formation au droit du travail est plutôt une prérogative des partenaires sociaux.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je reviens d'un mot sur l'amendement 200 rectifié : il s'agit des temps de trajet inhabituels, par exemple les déplacements aériens de longue durée.

Mme Martine Billard - Ce n'est pas ce qui est écrit...

M. Gérard Larcher, ministre délégué - S'agissant de l'amendement de Mme Billard, il est en effet souhaitable que chaque salarié puisse se former au droit du travail, afin de mieux comprendre les droits et devoirs respectifs des employeurs et des salariés. La loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social offre la possibilité à l'employeur de proposer de telles formations dans le plan de formation et au salarié de les suivre dans le cadre de son droit individuel à la formation. En conséquence, avis défavorable.

L'amendement 378, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 37 quater, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 37 QUATER

Mme Hélène Mignon - Notre amendement 865 tend à ce que les salariés soient obligatoirement représentés dans les conseils d'administration par des administrateurs élus par les salariés.

Mme la Rapporteure - Rejet, cet amendement ne rentrant pas dans le champ de notre discussion.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis. Une modification des règles constitutives des sociétés commerciales n'a pas sa place dans ce projet.

L'amendement 865, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Pour lutter contre les licenciements abusifs, il convient de responsabiliser davantage les chefs d'entreprise. Dans la législation actuelle, la condamnation de l'employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne fait qu'ouvrir un droit à réparation pour le salarié. Depuis plusieurs années, la jurisprudence de la Cour de cassation a consacré le droit à réintégration. Notre amendement 69 vise à généraliser ce droit, dans l'ensemble des entreprises et tant pour les licenciements individuels que pour les licenciements collectifs, en indiquant que « Le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse est nul et de nul effet ».

Il permettrait notamment de limiter le recours intempestif aux licenciements pour motifs personnels, qui masquent bien souvent un marchandage individuel pour échapper aux dispositions plus protectrices des licenciements économiques. Une étude de la DARES montre que cette forme de rupture du contrat de travail a, bien étrangement, augmenté de 26 % entre 1998 et 2001, période où la conjoncture était pourtant favorable. Parmi les explications les plus crédibles, la DARES pointe « une logique d'évitement des plans sociaux ». La récente condamnation du groupe Alcatel pour avoir négocié frauduleusement 180 licenciements personnels dans le cadre d'un plan d'arrêt d'activité sur son site de Conflans-Sainte-Honorine témoigne de cette dérive.

Monsieur le ministre, vous qui préparez une réforme de la participation et de l'actionnariat salarié, permettez-moi donc de vous rappeler les propos de l'un de vos prédécesseurs au ministère du travail, Georges Gorce, défendant dans cet hémicycle la loi du 13 juillet 1973 : « Comment veut-on que le salarié accepte de se considérer comme participant et de se comporter comme tel si, alors qu'on lui promet un intéressement au bénéfice et qu'on le fait même accéder au titre d'actionnaire, il a conscience d'être à chaque instant à la merci d'une décision unilatérale incontrôlée ou incontrôlable ? ». Je vous invite, en acceptant cet amendement, à suivre le chemin tracé par ce ministre clairvoyant de Georges Pompidou.

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Rejet. Cet amendement étendrait considérablement le champ de la nullité du licenciement.

La définition du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse est fixée depuis 1986, et vous n'avez pas jugé utile de revenir dessus, pas même dans la loi de modernisation sociale. Par ailleurs, la jurisprudence a un réel pouvoir d'appréciation et garantit une indemnité minimale au salarié. La commission a donc rejeté cet amendement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Les dispositions de 1986 sont équilibrées, et nous ne souhaitons pas les voir remises en cause. Avis défavorable.

L'amendement 69, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre - L'amendement 73 cherche à responsabiliser les entreprises donneuses d'ordre et à apporter une réponse pragmatique au problème des entreprises sous-traitantes, placées dans un état de dépendance économique qui les mène facilement à la faillite. Le fait que 66 % des salariés français travaillent dans une très petite entreprise ou dans une PME n'empêche pas la concentration financière : aujourd'hui, un salarié sur deux travaille dans une entreprise contrôlée par un grand groupe - 42 % des salariés des PME ! Le recours massif à la sous-traitance permet aux grandes entreprises d'externaliser des activités tout en conservant leur pouvoir de décision, sinon de négociation. Outre y gagner en flexibilité et en abaissement des coûts salariaux, elles peuvent ainsi également externaliser leurs suppressions d'emploi !

La sous-traitance leur permet en effet de s'exonérer de nombre de règles du code du travail, plus particulièrement en matière de licenciement économique. Le contrôle du motif du licenciement est ainsi affaibli, le champ d'appréciation étant limité à l'entreprise sous-traitante. En outre, les procédures d'information et de consultation sont limitées et la recherche de solutions de reclassement moins efficace. L'amendement 73 met à la disposition de l'entreprise sous-traitante un cadre d'appréciation et de débat commun. Le comité d'entreprise de la firme donneuse d'ordres devrait ainsi être saisi de tout projet de nature à affecter l'emploi dans l'entreprise sous-traitante, et se verrait adjoindre des représentants de celle-ci. Le comité élargi examinerait non seulement les fondements économiques du projet, mais également le projet de plan social, avec les mêmes attributions qu'un comité classique.

Cette procédure s'inscrit dans l'avènement progressif dans notre droit de la notion d'unité économique et sociale, introduite par le législateur afin d'établir un lien entre des structures juridiquement distinctes pour mettre en place des institutions représentatives du personnel communes. Depuis, la notion a servi à favoriser la conclusion d'accords de participation, d'intéressement et d'épargne salariale. Elle ne peut donc être que pertinente pour traiter de l'emploi, première préoccupation des salariés et des entreprises.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Il s'agit d'une idée ancienne et récurrente du groupe communiste, fondée sur les conditions parfois dramatiques des licenciements dans les entreprises sous-traitantes. Mais même la majorité que vous souteniez n'a pas jugé bon de la retenir dans la loi de janvier 2002 !

M. Daniel Paul - Hélas !

M. le Rapporteur - Que voulez-vous, on choisit ses amis ! (Sourires).

Je salue votre constance, mais il est clair que cette proposition n'est absolument pas applicable. Que le chef d'une entreprise sous-traitante estime qu'une décision d'une entreprise donneuse d'ordre engendre des difficultés économiques... Cela arrivera tous les jours ! Quand au comité élargi... où s'arrêtera-t-il ? Combien d'entreprises devra-t-il représenter ? Nous comprenons votre intention, mais elle n'est juridiquement pas applicable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Belle constance en effet, mais devant la réalité d'une mutation économique, lorsqu'il n'y a plus d'ordres à donner, à quoi sert-elle ? Ce sont la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, les efforts de formation et de reclassement qu'il faut privilégier ! Voilà ce qui permettrait de construire une passerelle, alors que vous ne bâtissez qu'une digue de sable ! Et nous voulons absolument privilégier une démarche de dialogue plutôt que de conflit. Nul n'ignore les problèmes subis par les entreprises sous-traitantes, mais nous ne pouvons être favorables à cet amendement.

M. Daniel Paul - L'usine de Renault Sandouville, dans la banlieue havraise, mais ce n'est qu'un exemple, a externalisé il y a quelques années une grande partie de ses services. Les salariés sont partis bien loin, parce que la politique d'aménagement du territoire avait décidé qu'il fallait délocaliser les activités industrielles. Puis on s'est aperçu que les stocks n'étaient plus dans les entreprises, mais sur les routes. On a donc rapatrié ces sociétés - mais pas les salariés, qui, entre temps, étaient passés par des plans sociaux ! - dans des parcs équipementiers créés autour de l'entreprise de base, renouvelés tous les sept ans, les équipementiers étant locataires et les locaux appartenant à la maison mère.

Faurecia est l'une de ces entreprises, et vient de s'entendre dire par Renault qu'elle devait baisser ses coûts de 4 %. C'est peu de choses, sauf si cela se répète tous les ans ! Mais il est vrai que la compétitivité du groupe Renault doit être assurée par ses sous-traitants... Sur une centaine de salariés, elle va en perdre une quarantaine. C'est pour cela que nous reviendrons sans cesse sur le sujet : il faut mettre un terme aux externalisations de cette nature. Il faut responsabiliser les maisons mères à l'égard de leurs sous-traitants et de leurs salariés, ceux qui sont baladés depuis quelques années entre la Basse-Normandie, la vallée de la Seine et maintenant l'Eure ! Il y a matière à mettre de l'ordre.

L'amendement 73, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 829 est défendu.

L'amendement 829, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 37-1

M. Francis Vercamer - Nous arrivons à un sujet ajouté au texte par le Gouvernement pendant le débat au Sénat : les licenciements économiques. Je pense que c'est une erreur d'avoir voulu inclure la réforme de la loi de modernisation sociale dans le présent projet de loi. Certes, on peut rattacher les deux thèmes, mais la loi de cohésion sociale pourrait à ce compte-là contenir aussi des articles sur la lutte contre les discriminations ou le handicap ! Par ailleurs, le Gouvernement a rédigé son dispositif un peu trop rapidement, car la période de suspension de la loi arrivait bientôt à terme. Je vous rappelle que l'abroger directement, ainsi que nous le souhaitions, aurait évité cette précipitation. La méthode nous paraît peu judicieuse : certains partenaires sociaux critiquent le texte, en particulier parce que la définition du motif économique du licenciement n'est pas bien établie. On nous répond qu'il n'est pas besoin de mieux le définir, puisque la jurisprudence est constante. C'est un déni de démocratie ! Depuis quand les juges font-ils la loi ? On ne peut être que surpris par ce genre d'argumentation.

La méthode suivie par le Gouvernement semble risquée. Dans un premier temps, il a annoncé que le principe selon lequel la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise pouvait constituer un motif de licenciement économique serait inscrit dans la loi. Par la suite, il semble qu'il y ait renoncé, arguant du fait que la constance de la jurisprudence sur ce point dispensait de légiférer. La volte-face du Gouvernement ne risque-t-elle pas précisément d'entraîner un revirement de jurisprudence ? Peut-il enfin préciser s'il considère que la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise constitue ou non un motif valable de licenciement économique ? On ne peut se contenter de renvoyer à la jurisprudence. Compte tenu des délais habituels de jugement, il est probable que la Cour de cassation rende sa première décision à ce sujet plus de dix ans après que les Prud'hommes auront été saisis du premier cas ! Il n'est pas envisageable que nos PME soient maintenues aussi longtemps dans une telle insécurité juridique. Le Gouvernement peut-il enfin préciser sa définition du motif économique ?

M. Laurent Wauquiez - Contrairement à M. Vercamer, j'estime que les dispositions relatives au licenciement économique trouvent parfaitement leur place dans une loi de programmation pour la cohésion sociale. Le droit du licenciement doit être dynamisé. Il ne faut plus le considérer comme un droit passif visant à réglementer la faillite. Il doit contribuer à l'anticipation des adaptations indispensables et, en aval, à la bonne gestion des reclassements. Le temps me manque pour revenir de manière détaillée sur toutes les aberrations de la loi Guigou de janvier 2002, texte de circonstance né dans l'urgence pour entretenir un tapage médiatique déplacé, unanimement décrié, et justement qualifié par le Professeur Ray de mistigri juridique permettant à la majorité d'alors de verser des larmes de crocodile sur des catastrophes industrielles qu'elle n'avait pas su prévenir. L'effet le plus désastreux de cette loi - opportunément suspendue par le gouvernement actuel - aura été de plonger des millions de salariés dans une situation d'insécurité juridique difficilement tenable. Et si l'on peut regretter que les partenaires sociaux n'aient pas mis à profit le temps de la suspension pour faire aboutir la négociation, au moins faut-il donner acte à ce Gouvernement d'avoir donné sa chance au dialogue social. Puis-je enfin indiquer à Francis Vercamer que la discussion sur la définition du motif économique interviendra sans doute lors de l'examen de l'article 37-3 ? (Assentiment sur divers bancs)

M. Daniel Paul - Nous en venons aux articles tant attendus relatifs au licenciement économique, introduits à la hussarde par le Gouvernement en plein milieu de son projet de loi de cohésion sociale : tout un symbole ! A l'issue du dialogue social mené au pas de charge, où seules les attentes du Medef auront été entendues - et sa colère de posture n'abuse personne -, vous avez surpris l'ensemble des partenaires par votre volonté de légiférer en un éclair. La suite était prévisible : soit vous déposiez un texte de loi dédié - mais la surcharge du calendrier parlementaire en cette fin d'année vous en a dissuadés -, soit, n'en étant plus à une contradiction près, vous introduisiez au cœur d'un plan de cohésion sociale des mesures faisant régresser de quinze ans le code du travail ! Vous ne parviendrez pas à faire passer ces huit articles pour des mesures de progrès social. Vous invoquez la vieille rengaine idéologique des contraintes pesant sur les entreprises pour tenter de masquer le retour en arrière qu'orchestre l'article 37-1. Comment pouvez-vous prétendre que votre objectif est de renforcer la cohésion sociale alors que vous mettez toute votre énergie à accentuer l'exploitation des salariés au profit exclusif des actionnaires ? Vous favorisez le chantage à l'emploi. C'est la jurisprudence Bosch appliquée au processus législatif !

Depuis quinze jours, nous assistons à une véritable comédie. Présenté comme équilibré, le texte serait cependant rejeté par le Medef. Ne nous y trompons pas ! Il s'agit bien d'un recul social historique ayant vocation à le satisfaire pleinement. Vous ne serez pas surpris que nous votions contre cet article 37-1, une fois faite la démonstration de la nocivité de chacune de ses dispositions.

La loi de modernisation sociale n'affrontait pas frontalement la déferlante de licenciements et la diffusion de la précarité de l'emploi, désormais soumis aux fluctuations du marché. Ce n'était pas une révolution. Las, la droite parlementaire et le Medef n'ont pas pu supporter des mesures que nous jugions pourtant bien timides. Nous sommes fondés à redouter que les huit articles dont nous allons débattre ne constituent les prémisses d'une remise en cause de l'existence même d'un code du travail. Après tout, dans certains pays européens, il n'existe pas de droit du travail. Tirer toujours vers le bas, c'est ce dont rêve le patronat et vous vous en faites les plus zélés assistants. A l'approche des fêtes de fin d'année, le Gouvernement a toujours un petit geste pour le patronat. En 2002, ce fut la suppression de la commission de contrôle de l'utilisation des fonds publics ; l'année dernière, le RMA était créé, cependant que la loi sur le dialogue social faisait voler en éclat le principe de faveur ; cette année, à la veille de Noël, vous nous demandez de légiférer à la hâte sur les licenciements économiques, au risque de remettre en cause quinze années de législation protectrice des salariés. Ainsi, après l'adoption de ce texte, le baron Seillière et son dauphin Guillaume Sarkozy pourront sabrer le champagne sous l'arbre de Noël. Les petits souliers du patron des patrons débordent déjà de cadeaux, tombés, comme chaque année, de la hotte de M. Raffarin. Leur fierté de délocaliser et de licencier trouvera une fois de plus sa juste récompense.

M. Hervé Novelli - Abrogeant enfin définitivement les dispositions de la loi Guigou précédemment suspendues, cet article est fort bienvenu ! En son temps, j'avais du reste plaidé pour leur suppression immédiate, même si je ne me réjouis pas que le dialogue social conduit durant la période de suspension n'ait pas abouti. La méthode alors privilégiée par le Gouvernement a créé une situation d'insécurité juridique et d'incertitude politique. Réjouissons-nous que la page soit aujourd'hui définitivement tournée.

Je me félicite également que le débat sur la sauvegarde de la compétitivité - appréhendée comme un motif valable de licenciement économique - ne soit plus considéré comme un tabou. Dans le contexte de concurrence exacerbé né de la mondialisation, pourquoi priver nos entreprises de leurs facultés d'anticipation, alors même que la jurisprudence plaide pour la reconnaissance de la sauvegarde de la compétitivité en tant que motif valable de restructuration. La question qui se pose n'est donc pas de savoir si la sauvegarde de la compétitivité est un motif valable de licenciement économique, mais de décider s'il faut en inscrire le principe dans la loi ou continuer de s'en remettre à la jurisprudence.

En théorie, la jurisprudence n'est pas une source autonome de droit, ce qui devrait conduire à privilégier la voie législative. Le Gouvernement peut-il préciser une fois pour toutes sa position ?

Mme Hélène Mignon - Le Gouvernement et sa majorité touchent au but qu'ils se sont fixé : l'abrogation des articles de la loi de modernisation sociale suspendus l'année dernière par la loi Fillon !

Quelles sont donc les dispositions suspendues de la loi de modernisation sociale que vous proposez d'abroger ? L'obligation de négocier la réduction du temps de travail à 35 heures, préalablement à l'établissement d'un plan social, conformément à « l'amendement Michelin » que nous avions adopté ; l'obligation d'informer les représentants du personnel, préalablement à toute annonce publique sur des mesures pouvant modifier de façon importante les conditions de travail ou d'emploi des salariés ; la dissociation des procédures d'information et de consultation des salariés sur un projet de restructuration avec licenciements collectifs ; l'obligation de réaliser une étude d'impact social et territorial en cas de décision de cessation d'activité totale ou partielle concernant au moins 100 salariés ou de projet de développement affectant les conditions d'emploi et de travail des salariés ; l'extension des prérogatives du comité d'entreprise, autorisé, en cas de compression des effectifs, à formuler des propositions alternatives à celles de l'employeur et à faire jouer son droit d'opposition avec recours à un médiateur en cas de divergence importante entre ses propositions et celles de l'entreprise ; la suppression du critère des qualités professionnelles pour établir l'ordre des licenciements économiques ; enfin, l'extension des pouvoirs de l'administration en matière de plans sociaux.

Il est facile de voir pourquoi nous sommes fermement opposés à l'abrogation de ces dispositions. Jusqu'où irez-vous dans le démantèlement du droit du travail ? Je me demande si l'on ne se dirige pas tout simplement vers un non-droit du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - Vous ne pouvez pas, chers collègues, soutenir que l'on commence d'examiner les dispositions concernant le code du travail, car nous avons déjà beaucoup touché à celui-ci dans les articles précédents.

Cela précisé, venons-en aux dispositions de la loi de modernisation sociale que vous souhaitez abroger. Ne trouvez-vous pas dommage, vous qui vantez les mérites de l'anticipation, que l'on se prive désormais d'étude d'impact social et territorial en cas de fermeture, totale ou partielle, d'une entreprise ? Pour ce qui est de l'anticipation, je suis d'ailleurs sceptique sur ce qui est possible quand on sait les difficultés pour les comités d'entreprise d'obtenir des informations quand un plan de licenciement est en préparation, alors même que c'est un de leurs droits.

On nous objecte que les salariés souhaitent, non pas des délais avant d'être licenciés, mais des propositions de reclassement. Peut-être, mais seulement ceux d'entre eux qui peuvent espérer se reclasser ! Quelles perspectives peut avoir une salariée de 50 ans, peu qualifiée, qui n'a jamais travaillé dans une autre entreprise que celle qui la licencie et vit dans un bassin d'emploi où le taux de chômage est élevé ? Eh bien, oui, elle préférera sans doute que du temps s'écoule avant qu'on la licencie, afin de conserver son salaire le plus longtemps possible, lequel lui ouvrira d'ailleurs de meilleurs droits à indemnités de chômage et à retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

On invoque la compétitivité de nos entreprises. C'est un problème réel, mais le manque de compétitivité est aussi lié parfois à une mauvaise gestion des entreprises. Voyez ce qui est arrivé chez Vivendi et Alcatel, entreprises qui n'auraient pas dû rencontrer de difficultés, et dont les salariés ont pourtant payé un lourd tribut du fait des errements de leurs directions. Mais qu'est-ce donc qu'une entreprise compétitive ? Une entreprise qui double, triple, quadruple... ses marges ou la rémunération de ses actionnaires, ou bien une entreprise qui réalise une marge honnête lui permettant de réinvestir ? Vous aurez compris que nous demandons la suppression de l'article 37-1.

M. Jean Le Garrec - M. Novelli sait, comme moi, et quoi qu'il soutienne par ailleurs, que la compétitivité d'une entreprise est liée à de nombreux facteurs comme la formation de ses salariés, ses investissements de recherche, son organisation, ses capacités d'anticipation de l'évolution des marchés...

M. Jean-Michel Fourgous - ...des facilités de financement qui lui sont accordées.

M. Jean Le Garrec - M. Novelli sait, comme moi, que la place du coût du travail dans le coût final d'un produit n'est pas suffisamment analysée. Le PDG de Renault déclare lui-même que « le coût ouvrier » ne représente pas plus de 300 euros dans le prix d'une voiture et que l'augmentation de la durée du travail dans une grande usine automobile allemande ne fera pas gagner plus de dix euros.

M. Pierre Cardo - Il n'y a pas que le coût du travail ouvrier qui entre en ligne de compte dans le prix d'une voiture. Et celui des cadres, des chercheurs... ?

M. Jean Le Garrec - Il peut exister, dans certains cas, un problème réel de masse salariale, nous ne l'avons jamais nié. D'ailleurs, dans la loi de modernisation sociale, nous avons toujours eu le souci d'une approche équilibrée - on nous l'a assez reproché. Mais qui pourrait dénier l'utilité d'une étude d'impact social et territorial avant l'établissement d'un plan de licenciement ?

M. Novelli a le mérite d'avoir posé le problème clairement, liant licenciements économiques et compétitivité des entreprises...

M. Hervé Novelli - Sauvegarde des entreprises, ce n'est pas la même chose !

M. Jean Le Garrec - C'est une chose que de laisser la jurisprudence évoluer, c'en est une autre que de figer des dispositions dans le marbre de la loi, le président Canivet a raison de la souligner. Alors que l'emploi est, hélas, déjà trop souvent tenu pour la seule variable d'ajustement, à légiférer comme vous le souhaiteriez, on renforcerait ce risque. Je fais confiance au Gouvernement pour distinguer ce qui doit relever respectivement de la jurisprudence et de la loi. J'espère qu'il ne commettra pas l'erreur de tout mélanger.

M. Jacques Desallangre - Le Gouvernement a joué habilement en présentant un avant-projet de loi ouvertement provocateur, inspiré des thèses les plus ultra-libérales du Medef (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), avant de soumettre une nouvelle version, édulcorée, marquant de légers reculs par rapport à ses positions initiales. Mais cette stratégie pernicieuse ne saurait masquer l'objectif de la majorité qui est de saper toujours davantage le droit du travail.

Vous invoquez l'anticipation. En 1999, à Soissons, Wolber, filiale de Renault, licenciait 451 salariés en plein mois de juillet alors qu'aucun problème n'avait été signalé lors du comité d'entreprise le mois précédent. Si c'est cela que vous appelez l'anticipation !

Nous ne sommes pas dupes : au-delà des mises en garde que le Premier ministre feint d'adresser au président du Medef, la philosophie reste la même, à savoir la recherche obstinée du moins disant social. Il s'agit ici de rendre les licenciements plus aisés, plus rapides et moins coûteux. Que M. Novelli juge cet article bienvenu est particulièrement inquiétant, car M. Novelli a la franchise de dire qu'il faudrait aller plus loin et répondre davantage aux souhaits du Medef, au nom d'une compétitivité sur laquelle il conviendrait d'ailleurs de s'interroger. Car si Michelin a licencié 451 personnes à Soissons, ce n'est pas parce que cette unité lui faisait perdre de l'argent, mais parce qu'elle ne lui rapportait que 1 % de marge nette. En délocalisant en Inde, Michelin gagne beaucoup plus, il est vrai, mais la collectivité nationale, qui a dû prendre en charge les 451 chômeurs, y a-t-elle gagné ?

Depuis l'entrée en vigueur de la loi Fillon, les plans sociaux se sont multipliés : 1 300 en 2003, soit 30 % de plus que l'année précédente. La situation de l'emploi a continué à se dégrader. Le taux de chômage est de 9,9 %, et atteint même 21,5 % chez les moins de vingt-cinq ans. Et le Gouvernement continue à croire que sa politique est la bonne ! Ce projet n'arrangera rien, car les mesures proposées concernant les licenciements ne visent pas à les prévenir, encore moins à les interdire. Elles ne visent pas non plus à imposer aux employeurs une véritable obligation de reclassement. Non, les mesures dictées par l'organisation patronale tendent toutes à libérer les énergies d'un patronat soucieux avant tout de dividendes et de stock options. Il pourra ainsi licencier sans entraves, sans contrôle du juge, de l'administration et du Gouvernement. Nous ne serons pas les complices d'une telle entreprise et nous voterons évidemment contre cet article.

M. le Rapporteur - J'ai le sentiment que nous sommes en train de refaire le débat sur l'ensemble du texte. Pour ma part, je vais essayer de m'en tenir à l'article 37-1.

S'agissant tout d'abord de la définition du licenciement économique, je crois que la jurisprudence a trouvé un point d'équilibre assez subtil et que la loi n'a pas à rigidifier les choses.

Quant aux propos que je viens d'entendre, certains me sidèrent. J'ai en effet entendu dire que nous n'aurions pas été corrects avec les partenaires sociaux, mais enfin, rappelez-vous comment vous les avez traités dans la loi de modernisation sociale ! Si nous voulons parler un langage de vérité, évitons, je vous prie, de nous donner des leçons. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Quand j'entends dire que nous remettons en cause la loi de modernisation sociale, j'ai envie de rire.

Mme Hélène Mignon - Il n'y a pas de quoi.

M. le Rapporteur - Sur les 200 articles que comportait cette loi, onze seulement ont été remis en cause. Sur ces onze, trouvez-m'en un seul qui touche à un droit ouvert aux salariés licenciés ! Vous voulez réintroduire chacun de ces onze articles mais en quoi un médiateur supplémentaire, un nouveau délai, un nouvel expert changeront-ils quoi que ce soit au drame que vit un salarié licencié ? Arrêtons donc de nous payer de mots et respectons les gens frappés par ce drame au lieu de faire de la politique comme il y a cinquante ans ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Nous remplaçons des articles qui n'apportaient rien par des dispositions qui apportent beaucoup aux personnes concernées.

M. Jacques Desallangre - Non !

M. le Rapporteur - La gestion prévisionnelle des emplois, les accords de méthode, le DIF, la convention de reclassement personnalisée, la revalorisation des bassins d'emplois, vous trouvez que tout cela est négatif pour les salariés ? J'aimerais que nous essayions d'avoir un dialogue raisonnable en pensant à l'intérêt des salariés licenciés : eux ne sont pas ici à écouter des discours, mais ils sont confrontés à l'angoisse du lendemain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le rapporteur a bien résumé notre état d'esprit. Il importe de savoir gérer les mutations économiques, car si celles-ci ne sont pas préparées, la cohésion sociale en pâtit forcément.

Je signale qu'aucun partenaire social ne m'a demandé de garder les onze articles en question, aucun n'a considéré que l'un de ces articles pouvait empêcher le moindre licenciement. Il semble qu'au contraire, ils créent des conditions anxiogènes autour des licenciements. Et des inégalités, car selon que l'on appartient à une entreprise de plus ou moins de 1 000 salariés, on est traité de façon fort différente, qu'il s'agisse du niveau des indemnités ou des actions de reclassement. La différence peut aller de un à six. Pouvons-nous nous satisfaire de telles inégalités ? Je ne pense pas.

M. Vercamer et M. Novelli auraient préféré que nous abrogions. Je fais observer que la méthode que nous avons choisie a permis dix-huit mois de dialogue entre les partenaires sociaux. Nous avons ensuite relevé les points de convergence et de divergence et, comme nous l'avions annoncé, présenté une proposition, étant entendu que nous ne pouvions pas rester comme en apesanteur. Cette proposition, nous l'avons soumise à la sous-commission de la négociation collective et nous avons pris en compte son avis. Certains semblent s'en étonner, mais cela s'appelle la négociation.

Je voudrais aussi souligner que les accords de méthode marchent. Ils permettent notamment d'informer le comité d'entreprise plus en amont et d'avoir une gestion différente du plan de sauvegarde de l'emploi. Nous avons donc considéré qu'ils constituaient un apport positif de l'expérimentation conduite.

Derrière tout cela, il y a un formidable droit : le droit au reclassement. Nous devons continuer à y réfléchir et à l'améliorer.

Plus de souplesse, donc, et plus de sécurité.

Il s'agit aussi de sécuriser les procédures. Pensez-vous, Madame Billard, que le rêve soit de faire durer jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucun emploi ? Ce n'est pas une bonne gestion des restructurations. Quant à la jurisprudence, Monsieur Novelli, Monsieur Wauquiez, on peut en effet se demander pourquoi le Gouvernement a renoncé à préciser la définition du motif économique de la loi et s'est finalement rendu à l'idée que la jurisprudence de la Cour de Cassation avait permis, au fil des ans, de clarifier la portée de cette notion. Selon cette jurisprudence, une entreprise peut avoir à recourir au régime du licenciement économique dans quatre hypothèses : lorsqu'elle rencontre des difficultés économiques ; lorsqu'elle est confrontée à une mutation technologique ; lorsqu'elle est conduite à cesser son activité, et c'est l'arrêt Morvan contre le Royal Printemps de janvier 2001 ; enfin quand elle doit se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité, et c'est l'arrêt Vidéocolor de 1995. Voilà des règles réalistes et équilibrées, et, Monsieur Le Garrec, elles ne sont pas figées. Ce point d'équilibre trouvé par la Cour de cassation nous apparaît satisfaisant.

Pour ce qui est de la revitalisation des bassins d'emploi, vous serez saisis d'un amendement du Gouvernement qui prévoit, à l'initiative du préfet, une éventuelle étude d'impact social et territorial, mais que nous voulons à la mesure des dispositions. Car l'article 118 sur la revitalisation des bassins se limitait là encore aux grandes entreprises ; or nous considérons qu'une entreprise de 50 à 1 000 salariés peut avoir une incidence sur un bassin, comme M. Vercamer le sait bien. Quant à la compétitivité, elle n'est certes pas renforcée par une dimension procédurière. On peut être découragé d'investir en France, de prendre des risques, quand on n'est pas sûr de pouvoir mener à bien dans la durée les adaptations nécessaires - alors que notre pays, qui est le deuxième pays d'investissement, pourrait avoir des capacités formidables d'accueil des investissements étrangers.

Sur Wolber, Monsieur Desallangre, je vous donne un chiffre : aujourd'hui vingt-huit salariés sont en attente de solutions.

Enfin, le dispositif proposé accroît la sécurité, met l'accent sur la gestion prévisionnelle, et sur l'accord de méthode, et surtout, donne aux salariés des entreprises de 50 à 1 000 une capacité de reclassement très supérieure à ce qui existait : c'est donc un réel progrès social en même temps qu'économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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