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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 35ème jour de séance, 85ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 2 DÉCEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

        DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
        SUR UNE REQUÊTE EN CONTESTATION
        D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES 2

        COHÉSION SOCIALE (suite) 2

        ART. 37-1 (suite) 2

        ART. 37-2 2

        ART. 37-3 9

        APRÈS L'ART. 37-3 17

        ART. 37-4 18

        ORDRE DU JOUR DU VENDREDI 3 DÉCEMBRE 2004 20

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL SUR UNE REQUÊTE EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

Mme la Présidente - En application de l'article L.O. 185 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication d'une décision de rejet relative à une contestation d'opération électorale. Conformément à l'article 3 du Règlement, cette communication est affichée et elle sera annexée au compte rendu.

COHÉSION SOCIALE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de programmation pour la cohésion sociale.

ART. 37-1 (suite)

M. Jacques Desallangre - L'amendement 75 vise à supprimer cet article qui abroge certaines dispositions de la loi de modernisation sociale.

Mme Martine Billard - L'amendement 379 est identique.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 844 aussi.

M. Dominique Dord, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Même avis, nous nous sommes longuement expliqués cet après-midi.

Les amendements 75, 379 et 844, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Hélène Mignon - Les amendements 853 à 863, et 840 sont défendus.

L'amendement 853, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les autres amendements.

M. Gérard Larcher, ministre délégué- L'amendement 997 rectifié est de cohérence : il anticipe sur l'amendement 931 du rapporteur, qui modifie l'article L.321-3.

M. le Rapporteur - Avis favorable. Je retirerai, le moment venu, l'amendement 931, satisfait par celui-ci.

M. Jacques Desallangre - Une nouvelle fois, vous répondez aux aspirations du Medef ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Novelli - Quelle paranoïa !

M. Jacques Desallangre - Vous allez peut-être prétendre que cette mesure obéit à un besoin de souplesse, mais cela serait loin de nous rassurer !

M. le Ministre délégué - Le livre III traite du plan social, et le livre IV de l'information. L'expérience des accords de méthode a prouvé que les partenaires sociaux ont voulu regrouper la lecture des livres III et IV. Nous en tirons les conséquences.

L'amendement 997 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 37-1 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 37-2

M. Laurent Wauquiez - Cet article atteste tout d'abord votre volonté de mener une gestion prévisionnelle des emplois.

Par ailleurs, les accords de méthode ont fait leurs preuves en matière de simplification des procédures, et d'amélioration des garanties. 170 accords ont été signés, et tous les syndicats ont accepté de participer à cette démarche.

Cela étant, quelle sera la place de ces accords dans l'ordre public social ? Autant il peut être intéressant de simplifier les procédures en échange du renforcement des garanties de reclassement, autant il faut veiller à ne pas entamer le bloc dur de l'ordre public social.

A cet égard, l'article apporte de nombreuses garanties. Tout d'abord, les accords de méthode ne remettent pas en cause le fait que le licenciement n'est possible que s'il n'y a pu avoir de reclassement interne. Par ailleurs, ils ne restreindront pas les obligations d'information des représentants du personnel, et enfin, ils ne reviendront pas sur les règles du licenciement économique en cas de redressement ou de liquidation judiciaire.

Les accords de méthode ne permettent pas de faire n'importe quoi avec les règles protectrices du droit du travail.

M. Jacques Desallangre - Cet article, qui remet en cause tout un pan de la législation du travail, répond aux aspirations du Medef et paralyse les comités d'entreprise.

Le Gouvernement prétend que les accords de méthode clarifieront et sécuriseront les règles relatives au licenciement économique, en privilégiant la voie de l'accord collectif. Introduits à titre expérimental par la loi Fillon du 3 janvier 2003, ils peuvent déroger au droit du travail.

Mais quels syndicats accepteront de signer de tels accords ? Ils auront tout intérêt à laisser la loi s'appliquer !

Dans un prétendu souci de sécurité juridique, vous limitez à un an le délai pour contester en justice ces accords, au lieu de cinq aujourd'hui.

Une étude sur 161 accords de méthode, publiée en septembre par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle du ministère de l'emploi, atteste que seuls, 67 accords signés après l'annonce d'un plan de restructuration laissent aux partenaires sociaux le temps de rechercher des solutions alternatives et de négocier des mesures d'aide au reclassement ; 45 accords séparent la discussion des motifs économiques de celle des conséquences sociales ; dans 22 accords, il y a renonciation à l'action judiciaire. Une étude de la Semaine sociale Lamy aboutit à des conclusions analogues. C'est l'ère du moins-disant social qui s'ouvre. Nous ne pouvons l'accepter.

Mme Janine Jambu - Notre amendement 76 supprime l'article. Celui-ci ne fait que revenir sur dix années de législation et tout particulièrement sur la loi de 1993 par laquelle le groupe communiste avait introduit dans le code du travail la nullité du licenciement pour insuffisance du plan social.

Dans sa première partie, cet article crée une obligation trisannuelle de négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois au sein des entreprises de plus de 300 salariés. En clair, c'est un moyen d'associer les organisations syndicales à l'anticipation des restructurations. Comme dans l'affaire qui vient d'opposer la CGT à la direction de Perrier-Nestlé, cela se traduit par l'acceptation d'un programme d'accompagnement des suppressions d'emploi. Poser le principe de l'accord majoritaire permettrait de limiter les risques de dérive mais, dans la législation actuelle, la direction peut signer avec une organisation minoritaire.

La seconde partie généralise les accords de méthode, introduits à titre expérimental par la loi Fillon du 3 janvier 2003, et qui permettent de déroger aux dispositions des livres III et IV sur la consultation des représentants du personnel.

Comme si cela ne suffisait pas, le texte adopté par les sénateurs tend à élargir le champ dérogatoire au contenu même du plan de sauvegarde de l'emploi et à réduire à un an au lieu de cinq le délai de contestation. Il s'agit d'éviter tout recours en justice et ainsi de mettre fin à la possibilité actuellement offerte à un syndicat ou à un salarié d'agir en nullité du licenciement. Récemment, les salariés de Wolber à Soissons ont obtenu gain de cause, contre la direction de Michelin. Avec cet article, ce ne sera plus possible. Il s'agit d'un recul gravissime.

Mme Martine Billard - Mon amendement 380 vise à supprimer cet article, pour les mêmes raisons. Les Verts désapprouvent de telles dérogations en matière de licenciement, d'autant que le taux de syndicalisation est très faible dans notre pays. Les salariés ne disposeront pas des outils nécessaires pour négocier les accords. D'ailleurs, vous avez refusé d'améliorer leur information sur le droit du travail.

Mme Hélène Mignon - Mon amendement 845 est également de suppression. Avec cet article, on continue de détricoter le code du travail. La loi du 4 mai 2004 a déjà permis que des accords d'entreprise dérogent aux accords de branche. Vous allez provoquer l'atomisation du droit du travail en matière de licenciement. Les salariés ne pouvant plus s'appuyer sur la loi, leur niveau de protection ne dépendra plus que du rapport de forces au sein de l'entreprise.

M. le Rapporteur - Je comprends que nous soyons en désaccord sur des questions comme le principe de l'accord majoritaire, mais je suis étonné que vous vouliez supprimer, avec cet article, l'idée d'une gestion prévisionnelle des emplois. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Il s'agit d'un avantage pour les salariés.

Quant aux accords de méthode, seulement 173 ont été conclus, dont 130 avant la fin du mois de mai. Mais la plupart ont été signés par les organisations majoritaires. Je comprends que le concept vous gêne, mais la réalité devrait vous rassurer. La commission a repoussé les amendements de suppression.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Ces accords ont une double vocation : adapter les règles de consultation du comité d'entreprise et renforcer le dialogue social. En septembre, nous avons présenté au Conseil supérieur de l'emploi un rapport sur l'expérimentation de ces accords. Il apparaît que sécuriser la procédure et l'adapter à la situation réelle de l'entreprise sont des priorités. Dans 70 % des accords, une instance de concertation a été mise en place. Dans 30 % des cas, les moyens des représentants du personnel et l'information des salariés ont été renforcés.

Monsieur Wauquiez, il sera fait obligation d'étudier tous les trois ans le devenir des métiers et des compétences. Ces dispositions n'auront pas d'impact sur les obligations de fond prévues par le code, en matière de reclassement par exemple.

Je ne peux approuver ces trois amendements.

M. Jacques Desallangre - Vous ne cessez de substituer des accords d'entreprise au code du travail. Or, c'est la loi qui est protectrice. Dans la majorité des cas, vous le savez, les accords sont négociés sous la contrainte et dans la peur. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Ne dites pas que vous allez supprimer l'affrontement, il existe.

Les amendements 76, 380 et 845, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 137 de la commission vise à préciser que les obligations en matière de gestion prévisionnelle s'appliquent aussi aux groupes de dimension communautaire.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le Gouvernement est favorable à cette précision.

Monsieur Desallangre, il est certain qu'il existe une forte anxiété chez les salariés. C'est la raison pour laquelle nous voulons renforcer la prévision et la négociation. Nier cette anxiété serait nier une réalité que tous les élus locaux connaissent.

L'amendement 137, mis aux voix, est adopté.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 847 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission a accepté cet amendement, car la question de l'emploi et celle du salaire sont liées. Il ne faut pas exagérer la portée de cet amendement, mais nous pouvons l'adopter.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Sagesse.

L'amendement 847, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Tel qu'il était rédigé, l'article 37-2 paraissait réservé presque exclusivement aux grandes entreprises, les petites ayant trop de difficultés à conclure des accords de méthode. En ouvrant, par notre amendement 138, la possibilité pour les branches de négocier ces accords, la quasi-totalité des entreprises pourront y accéder. Sans doute nos collègues de l'opposition vont-ils manifester leur hostilité, puisque nous proposons de recourir à l'accord et qu'eux veulent en appeler à la loi.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis favorable. L'expérimentation de la gestion prévisionnelle, telle qu'elle s'est déroulée par exemple dans la métallurgie, montre comment il est possible de former des personnels et d'éviter les licenciements. La portée de l'accord se trouve ainsi enrichie.

M. Laurent Wauquiez - Cette intéressante proposition répond aux critiques formulées par M. Desallangre. Les petites entreprises n'auraient pas pu à elles seules entrer dans la procédure des accords, trop compliquée pour elles. En outre, cette disposition aura pour vertu d'inciter des secteurs d'activité, par exemple la plasturgie, à se constituer en branches.

M. Jacques Desallangre - Je suis heureux d'entendre nos collègues de la majorité se réjouir d'adopter cet amendement, qui m'inspire au contraire beaucoup de réticences. Il s'agit en effet d'un de ces amendements que le Medef a livrés clé en mains aux sénateurs, qui ainsi n'ont pas eu à se fatiguer les méninges (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Je ne crois pas pour ma part à l'absence de conflits ni au dépassement des intérêts.

L'amendement 138, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Roy - Je ne partage pas l'optimisme de la majorité sur la capacité des accords à protéger les salariés. Seule la loi offre une véritable protection. Ou, dans la meilleure hypothèse, le Gouvernement verse dans l'angélisme, ou il est prisonnier de son idéologie ; dans les deux cas, il fait fi de la réalité. Nous n'admettons pas que des accords d'entreprise puissent déroger sans plus de précision aux dispositions des livres III et IV du code du travail, qui définissent les principes et les règles fondamentaux de la consultation du comité d'entreprise, qu'il s'agisse, au livre III de licenciements collectifs pour motif économique, et au livre IV de projets de compression des effectifs. Tel est le sens de notre amendement 830.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Si l'on supprime le principe des accords dérogatoires, il est inutile d'introduire dans la loi les accords de méthode. Il est trop simple, Monsieur Roy, d'affirmer que les accords d'entreprises dérogent au code du travail sans plus de précision. Au contraire, figurent dans le texte des dispositions garantissant l'ordre public social.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Comme il s'en est déjà expliqué, le Gouvernement ne peut pas approuver l'amendement, dont l'adoption ferait perdre tout intérêt aux accords de méthode.

M. Laurent Wauquiez - Il existe une différence entre le livre III et le livre IV, qui tend uniquement, comme je l'ai vérifié sur le terrain à l'occasion d'un plan de licenciement, à organiser des discussions parfaitement abstraites ne permettant pas aux salariés d'entrer dans le vif de la négociation, c'est-à-dire les mesures concrètes de reclassement (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Cette séparation entre les deux livres est totalement contre-productive. Les accords de méthode permettent d'y remédier.

L'amendement 830, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Hélène Mignon - Le législateur a élaboré le livre III et le livre IV pour répondre à des besoins précis ressentis dans les entreprises.

Pour le reste, comme l'a dit Patrick Roy, il n'est pas admissible que des accords d'entreprise puissent déroger sans plus de précision aux dispositions des livres III et IV. Tout au plus serait-il acceptable que les partenaires sociaux puissent fixer des délais plus longs afin de donner toute sa portée à la consultation du comité d'entreprise. C'est à quoi tend notre amendement 831.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Si j'étais membre de l'opposition, je n'aurais pas déposé cet amendement. En effet, ou bien vous êtes hostiles à ce que l'accord l'emporte sur la loi, ou bien vous commencez, comme c'est le cas ici, à admettre certaines dérogations, et vous rentrez dans la discussion. Je vous suggère donc de retirer l'amendement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis également défavorable.

L'amendement 831, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 832 est défendu.

L'amendement 832, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre - Notre amendement 77 tend à supprimer le troisième alinéa de l'article. En effet, en élargissant le champ de la contractualisation au plan de sauvegarde de l'emploi, le Gouvernement donne satisfaction aux employeurs qui souhaitent échapper à une disposition majeure du code du travail introduite en 1993 par les parlementaires communistes, et qui prévoit la nullité du licenciement pour insuffisance du plan social. En renvoyant à la négociation le contenu du PSE, le Gouvernement applique à la lettre ses intentions affichées dans la loi sur le dialogue social. Ainsi, on peut déroger à la loi par un accord moins favorable que les dispositions du code du travail. Il devient également possible de passer outre les contraintes qualitatives du contenu du plan social, et d'empêcher sa contestation, grâce à l'exercice d'un rapport de forces et de pressions tels qu'on les connaît bien. Dans ces conditions les salariés peuvent être acculés à accepter des PSE au rabais. Juridiquement, les possibilités de recours en nullité sont pratiquement supprimées. Vous permettez donc au patronat de licencier sans contrainte ni contrepartie. Ainsi progresse la politique du moins-disant social.

Nous dénonçons cette véritable contre-révolution sociale, dont les conséquences seront terribles.

M. le Rapporteur - Rejet. Il faut en effet apporter un contrepoint à ce que vient de dire M. Desallangre : la CGT a signé 60 % des accords de méthode et 70 % de ceux-ci portaient sur des plans de sauvegarde de l'emploi qui comportaient des avancées pour le personnel - en encadrant par exemple le recours au volontariat en cas de difficultés économiques. Peut-on parler de régression sociale dans de tels cas ? Certainement pas ! Un certain nombre de ces plans ont aussi permis d'obtenir que le chef d'entreprise s'engage sur le maintien d'emplois : à qui cela a-t-il profité, sinon aux salariés ? Et que dire de l'accord de méthode conclu dans le groupe Areva, prévoyant un taux de reclassement de 97 % ? Même si je comprends votre méfiance, je vous invite à être plus prudents dans votre appréciation : la leçon à tirer des deux cents accords conclus n'est pas celle que vous dites.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je ne peux non plus être favorable à cet amendement. C'est en effet grâce à un accord de méthode que, malgré l'éclatement de la « bulle Internet », Areva a réussi à trouver une solution pour près de 98 % de ses salariés. Il s'agit donc bien d'un instrument qui évite des traumatismes sociaux en préservant l'activité et l'outil économique !

M. Jacques Desallangre - Le contraire eût été malheureux dans le cas d'Areva : n'est-ce pas un groupe dont le capital est encore majoritairement détenu par l'Etat ?

L'amendement 77, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Roy - Le rapporteur dit comprendre la méfiance de l'opposition mais il la comprendrait encore mieux s'il ne se bornait pas à analyser une seule expérience !

Lorsque le rapport des forces est défavorable dans l'entreprise, la loi constitue l'ultime rempart pour les salariés. Dès lors, au lieu d'étendre le champ de la négociation dérogatoire sans poser de limites précises, il importe de rappeler que les accords doivent se conformer au principe de faveur. Tel est le sens de l'amendement 833.

M. le Rapporteur - Il est inutile d'écrire que ces accords « doivent être conformes aux dispositions de l'article L. 132-4 du code du travail » : tous peuvent déjà être plus favorables que la loi. Le principe même de l'accord de méthode, c'est en effet de favoriser une logique gagnant-gagnant, et toute concession des salariés doit avoir une contrepartie. Rejet, par conséquent.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis défavorable également, d'autant que l'amendement entraînerait une forte insécurité juridique, la notion de « dispositions plus favorables » étant particulièrement difficile à apprécier.

L'amendement 833, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Janine Jambu - Notre amendement 78 vise à promouvoir un principe de simple démocratie sociale, que nous avons longtemps défendu seuls : celui de l'accord majoritaire. Dans sa rédaction initiale, le projet nous donnait satisfaction sur ce point mais, sous de fallacieux prétextes, le Sénat est revenu sur cette disposition pour se conformer à la demande du Medef - son amendement concordait en effet avec l'un des 22 commandements de l'organisation patronale. La Haute assemblée ne voulait pas, à l'en croire, prendre le risque de freiner le développement des accords de méthode et donc d'empêcher les entreprises de s'adapter au détriment de l'emploi. De fait, quelle organisation syndicale représentant la majorité des salariés accepterait de signer un accord au rabais et de brader le contenu du plan social ? Il fallait donc contourner l'obstacle pour complaire à un Medef qui, dès octobre 2003, demandait à pouvoir licencier sans règles, et vous bradez par conséquent les garanties collectives reconnues aux salariés par la loi. Nous ne pouvons accepter ce nouveau recul, bien caractéristique de votre conception partisane du dialogue social, et nous proposons de revenir à la rédaction de la loi Fillon du 3 janvier 2003. En effet, bien que suspendant pour 18 mois l'application de la loi de modernisation sociale, celle-ci posait que, pour être valides, les accords de méthode devaient être des accords majoritaires.

Vous ne pouvez tout de même vous désavouer ! Et, ce vote étant une affaire de logique, nous demandons un scrutin public !

Mme la Présidente - Sur le vote de l'amendement 78, je suis donc saisie par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur - On ne peut refuser au groupe communiste le mérite de la cohérence : cet amendement nous avait d'ailleurs été fourni, pratiquement « clés en mains », par la CGT, lors de son audition...

Mme Janine Jambu - Il n'y a pas de déshonneur à cela !

M. le Rapporteur - Certes. Je voulais simplement rappeler que le Medef n'est pas seul à nous alimenter en propositions. Mais tout cela est parfaitement normal et nous facilite le travail en nous permettant d'avoir une bonne idée des positions en présence.

Cet amendement est donc « traçable » mais il relève d'une cohérence qui n'est pas celle que souhaite la commission. Le choix effectué par le Sénat nous paraît de nature à favoriser la conclusion des accords de méthode, en particulier dans les PME.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Laissons les problèmes de traçabilité car tous les partenaires sociaux nous font en effet des suggestions et il n'est que normal que nous écoutions ce qu'ils ont à nous dire sans que cela implique un comportement de « petits télégraphistes » !

Je suis ravi, Madame Jambu, que vous reconnaissiez enfin les mérites de la loi du 3 janvier 2003. Mais, la loi du 4 mai dernier relative au dialogue social étant intervenue entre-temps, nous ne pouvons accepter votre amendement.

M. Hervé Novelli - Très bien.

A la majorité de 30 voix contre 9 sur 39 votants et 39 suffrages exprimés, l'amendement 78 n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Notre amendement 841 tend à préciser que les accords ne peuvent déroger aux dispositions de l'article L. 431-5, qui définit les règles fondamentales de la consultation du comité d'entreprise - en indiquant en particulier que pour qu'il puisse formuler un avis motivé, le comité d'entreprise doit disposer d'informations précises et écrites transmises par le chef d'entreprise, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée du chef d'entreprise à ses propres observations.

M. le Rapporteur - La commission a accepté cet amendement car ces dispositions relèvent en effet de l'ordre public social, et les accords de méthode ne doivent en aucun cas y déroger. J'ajoute que les accords passés au niveau syndical ont tendance à priver un peu de leur pouvoir les comités d'entreprise, et il est donc opportun de réaffirmer leur rôle.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis favorable : il ne faut évidemment pas que les accords de méthode dérogent à ces principes.

L'amendement 841, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Les amendements 842, 843 et 848 sont défendus.

Les amendements 842, 843 et 848,successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Michel Fourgous - Ces accords de méthode seront signés à chaud, à un moment critique de la vie de l'entreprise, où chaque mois compte. Mon amendement 201 a donc pour objet de ramener de douze à trois mois le délai de contestation.

M. le Rapporteur - Je propose par mon amendement 886 une solution intermédiaire, qui distingue deux types d'accords de méthode : pour ceux qui concernent le plan de sauvegarde de l'emploi, le délai serait de douze mois ; pour tous les autres, il serait de trois mois - ce délai plus court étant justifié par le fait qu'il peut éventuellement se cumuler avec le délai de recours sur le plan social lui-même.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le Gouvernement est favorable à l'amendement de M. Dord, qui est équilibré, et souhaite que M. Fourgous retire le sien car le souci de rapidité ne doit pas l'emporter sur l'exercice de certains droits.

M. Hervé Novelli - M. Dord avance dans l'exposé des motifs de son amendement l'argument de la cohérence avec le délai proposé à l'article 37-5, mais des amendements ont été déposés pour modifier celui-ci.

M. le Rapporteur - Certes je ne saurais préjuger de ce que fera l'Assemblée, mais ces amendements ont été repoussés en commission.

L'amendement 201, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 886 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Francis Vercamer - Mon amendement 48 vise à inclure des formations participant à la lutte contre l'illettrisme dans les plans de formation.

M. le Rapporteur - La commission l'avait repoussé mais le ministre m'indique qu'il serait possible de l'accepter... Je propose donc de le rectifier, en remplaçant la phrase « il propose des formations qui participent à la lutte contre l'illettrisme » par « il peut proposer... », le reste sans changement.

M. Denis Jacquat, vice président de la commission des affaires culturelles - Cela ressemble un peu à un cavalier, mais la proposition du Gouvernement est sage.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Malheureusement, l'illettrisme existe toujours ; c'est pourquoi le Gouvernement accepte l'amendement 488, sous réserve que son auteur accepte la rectification proposée.

M. Francis Vercamer - D'accord, même si le passage de l'indicatif au potentiel en altère la portée normative.

L'amendement 488 ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 37-2 modifié.

ART. 37-3

M. Hervé Novelli - Cet article traite des procédures applicables en cas de modification du contrat de travail pour motif économique. J'observe au passage que la réponse que m'a faite le Gouvernement cet après-midi au sujet de la reconnaissance de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise au titre de motif valable de licenciement économique mériterait d'être complétée.

Le présent article me donnera l'occasion de défendre un amendement relatif aux départs négociés. Reposant sur un accord amiable entre l'employeur confronté à des difficultés et le salarié, le départ négocié est systématiquement requalifié par le juge en licenciement économique. Il y a là une forme de rigidité qui constitue un véritable frein à l'embauche. Il est parfaitement concevable qu'un salarié préfère un départ négocié dans des conditions qu'il juge acceptables plutôt que de bénéficier d'un éventuel plan social. Le départ négocié repose sur l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969, tendant à ce que les réductions d'effectifs s'inscrivant dans un projet de restructuration soient atteintes autant que faire se peut par le jeu des départs volontaires et négociés. Il me semble opportun de clarifier le régime de cette forme amiable de rupture du contrat de travail.

M. Laurent Wauquiez - Je souhaite préciser que la chambre sociale de la Cour de cassation estime que le prononcé d'un licenciement économique à des fins de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise n'est licite que si l'entreprise considérée est confrontée à des difficultés économiques. La qualification de licenciement économique ne peut être valablement retenue si la réduction de l'effectif participe d'une simple volonté de réduction des charges ou de réorganisation interne, cependant que l'entreprise ne serait pas placée dans une situation concurrentielle mettant en cause sa survie. Evitons par conséquent de céder au fantasme selon lequel le licenciement économique en vue de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise pourrait se généraliser sans limites. C'est donc à juste titre que la jurisprudence est considérée comme équilibrée.

M. Jacques Desallangre - Cet article est particulièrement révélateur du type d'« équilibre » recherché par le Gouvernement et par la majorité. Et l'entretien qu'a accordé notre rapporteur aux journalistes du Figaro le 24 novembre est également très éclairant, lorsqu'il estime que le Gouvernement fait un choix efficace en remettant en cause la jurisprudence Majorette, puisqu'il répond à la demande du patronat que la procédure très contraignante du plan social ne soit pas déclenchée de manière trop systématique. En réalité, le Gouvernement fait plus, en prévoyant, conformément aux attentes du Medef, que la qualification de licenciement économique n'est pas systématiquement établie lorsque le salarié refuse une modification - même importante - de son contrat de travail. C'est la porte ouverte - mais faut-il encore s'en étonner ? - à la déréglementation et au moins-disant social. La pression qui va s'exercer sur les salariés risque de devenir insupportable : en fait, toute résistance à une modification unilatérale du contrat de travail pourra conduire à un licenciement, sans contraintes particulières pour l'employeur. Autre illustration très inquiétante de l'« équilibre » recherché par le Gouvernement, le déclenchement du plan de sauvegarde de l'emploi ne sera pas systématique en cas de licenciement collectif. Vous comprendrez que, dans ces conditions, nous nous opposerons très fermement à l'adoption de cet article.

Mme Janine Jambu - Notre amendement 79 vise en effet à le supprimer, dans la mesure où il constitue un pas supplémentaire dans la voie de la régression sociale en mettant en cause deux garanties fondamentales : celle de refuser une modification unilatérale du contrat de travail et celle de bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi en cas de licenciement collectif. Le projet du Gouvernement tend à légitimer le chantage à l'emploi et à organiser un face à face déséquilibré entre le salarié privé de toute forme d'assistance et l'employeur. Demain, tout refus de changer de lieu de travail, de mode de rémunération ou d'emploi du temps pourra devenir un motif valable de licenciement. Nous ne pouvons accepter un tel recul.

Mme Martine Billard - Notre amendement 381 vise également à supprimer cet article, car nous refusons avec la même vigueur que nos collègues communistes la remise en cause des droits les plus essentiels qu'il entend opérer. Il est de notre devoir de protéger les salariés d'une modification unilatérale de leur contrat de travail sans contrepartie - en particulier pour ce qui concerne le mode de rémunération. Il est déjà fréquent que le lieu de travail ne soit plus mentionné dans le contrat, de manière à décourager toute demande de garanties ! Si demain, tout est librement modifiable, autant dispenser l'employeur de l'obligation d'établir un contrat de travail !

Quant aux dispositions relatives au licenciement collectif, la formulation retenue est tellement habile qu'elle susciterait notre admiration si elle n'était pas aussi perfide : « lorsqu'au moins dix salariés ont refusé la modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail et que leur licenciement est envisagé, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique ». Même si neuf salariés s'opposent fermement à la modification imposée, les garanties afférentes au licenciement collectif ne joueront pas ! Pour moi, collectif s'oppose à individuel, et cela commence lorsque plus d'une personne est en cause !

C'est donc une remise en cause de plus. Entendra-t-on encore dire après cela que le droit du travail est trop contraignant ? Mais je suis sûre que l'imagination de certains est sans limite, qu'elle nous permettra de voir avant demain des amendements pires encore, et que tout cela continuera, hélas, jusqu'à ce qu'on change de gouvernement...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nul ne peut contester qu'il s'agit ici d'une modification très importante. Nul ne peut nier qu'on touche à une définition du contrat de travail qui a certes été introduite à l'article 321-1 en août 1989, mais qui est la conséquence d'une construction jurisprudentielle très ancienne, au-delà du dispositif des licenciements économiques. Celle-ci tendait à reconnaître que, lorsque le salarié s'engageait dans le lien du travail, il le faisait sur la base de conditions qui causaient son accord, et qu'il appartenait à l'employeur de respecter les causes de l'engagement du salarié, tout comme ce dernier devait respecter les causes de l'engagement de l'employeur. Les conditions fondamentales de l'accord mutuel étaient respectées par les deux parties : j'y ai toujours vu la belle expression du droit à être embauché comme de la liberté d'embaucher. La jurisprudence constante des juridictions qui l'ont construite - comme dans beaucoup de domaines du droit du travail : ainsi le contrat à durée déterminée a d'abord été une construction jurisprudentielle - a été de dire qu'il y a des choses sur lesquelles les parties peuvent revenir, mais d'autres sur lesquelles on ne le peut pas, car le faire serait toucher à ce qui a été la cause fondamentale de l'acceptation du contrat.

Le respect de ces causes respectives, c'est le respect des parties. Et le refus de permettre à l'une d'elles, notamment l'employeur, d'imposer à l'autre des modifications touchant à ces causes - alors que si les choses avaient été d'emblée ainsi le contrat n'aurait pas été accepté -, a toujours été considéré par la jurisprudence comme un élément déterminant. Pourquoi remettez-vous cela en cause ? La notion de condition substantielle n'est-elle pas assez définie par la loi et la jurisprudence ? C'est l'une des mieux définies du code du travail. A-t-elle conduit à des abus, à des excès susceptibles de contraindre l'une des parties - et ce n'est pas nécessairement le seul employeur - à y voir désormais une option obsolète ? Ce n'est pas le cas. Cela veut donc dire que si délibérément, contre toute attente, contre toute réflexion de la doctrine et de la jurisprudence, et contre tout accord des partenaires sociaux sauf un, vous modifiez ce dispositif en faisant s'écrouler un pan entier du droit du travail, c'est que vous visez un objectif qui ne s'inscrit plus dans l'essence du code du travail tel qu'on l'a construit. Vous portez ainsi atteinte à la nécessité même pour notre société d'avoir un code du travail. J'en suis outré.

J'ai fréquenté trente ans les conseils de prud'hommes ; j'ai vu des employeurs, comme des salariés, bénéficier légitimement de cette disposition. Elle a servi tout le monde : c'est dire qu'elle a servi le rapport social dans son éthique même. Si aujourd'hui la représentation nationale accepte de revenir sur cette notion fondamentale, cela sous-entend que vous engagez un processus de déstructuration du code du travail. Si en effet l'idée de condition substantielle est abandonnée dans le licenciement économique, elle le sera demain dans les autres aspects où elle intervient. Je rappelle qu'un licenciement peut être considéré comme abusif si l'employeur a imposé des changements modifiant les conditions substantielles. Je rappelle qu'un salarié peut se voir opposer l'illégitimité de son refus si celui-ci ne repose pas sur des conditions substantielles. Et nous ne sommes pas là dans le licenciement économique, mais dans le rapport contractuel fondamental.

Il n'y a pas de raison pour mettre en place une déviation aussi complète par rapport au fondement jurisprudentiel. Vous avez voulu, Monsieur Borloo, faire un texte de cohésion sociale. Vous ne pourrez pas alléguer une démarche de cohésion sociale si vous portez atteinte à ce fondement du droit que vous connaissez pour avoir, comme moi, pratiqué les juridictions. Si ce soir on vote cela, on déséquilibre le droit du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Rapporteur - L'article 37-3 vise trois objectifs. Le premier ne semble guère poser de problème, d'autant qu'il reprend presque totalement la jurisprudence : c'est la substitution à la notion de modification substantielle de celle de modification d'un élément essentiel du contrat. Là où s'expriment plus de divergences, c'est sur le troisième objectif, qui remet en cause la jurisprudence Framatome-Majorette. Sur le premier objectif, modifiant la définition du licenciement pour motif économique, nous reviendrons à l'occasion des amendements. Quant à la jurisprudence Framatome-Majorette, je comprends bien ce qu'ont dit nos collègues de l'opposition. Je veux toutefois leur préciser un point. Vous évoquez les pressions que peut subir tel ou tel. Mais tout d'abord, pour ce qui est du contact personnel, de la liberté des parties de contracter - y compris, je ne le conteste pas, dans des conditions qui peuvent être défavorables aux salariés - le projet ne change rien. Ce qu'il change, c'est l'effet de l'acceptation sur le collectif. La nuance est importante, et vide d'une bonne partie de sa substance la plaidoirie, assurément éloquente, de M. Le Bouillonnec.

D'autre part, contrairement à ce que vous dites, cette jurisprudence Framatome-Majorette a été contestée depuis le début. Elle offrait une interprétation du texte de l'époque que les règlements et les circulaires qui sont venus ensuite éclairer ce texte n'ont pas reprise. Et je ne vois pas de différence entre le texte de l'époque et celui d'aujourd'hui : le législateur reprend, peut-être de façon plus précise, ce qu'il avait voulu dire à l'époque, et que la jurisprudence a interprété - ce qui est son droit - d'une manière non conforme à l'esprit du législateur d'alors. Cette jurisprudence rend obligatoire l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi dès lors que l'employeur propose la modification du contrat de travail de plus de dix salariés. Vous jugez cette disposition excellente et protectrice : je ne le conteste pas dans la plupart des cas. Mais il y a un paradoxe. S'il arrive parfois - souvent peut-être - que le salarié subisse une pression de son employeur, on ne peut pas non plus exclure qu'un salarié accepte une modification de son contrat sans que ce soit sous la pression. Dans ce cas, il serait tout de même un peu fort que ces salariés qui ont librement accepté - même si cela peut vous faire sourire - une modification de leur contrat soient quand même décomptés au titre de ceux qui seraient visés par une procédure de licenciement économique, déclenchant un effet collectif à travers le plan de sauvegarde de l'emploi.

Par conséquent, même si je comprends votre argumentation, on peut tout de même la réduire fortement, d'abord du point de vue du respect du texte de départ, et ensuite quant à sa portée. Enfin, au risque de passer pour être à la solde du Medef - ce que je ne suis aucunement, c'est du moins ce qui m'a paru ressortir des auditions de certains de ses responsables -, je crois que l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi ne joue pas nécessairement toujours en faveur de l'intérêt collectif. Que cette obligation joue quand il y a refus de la modification, c'est normal ; mais il n'est pas normal qu'elle empêche des modifications acceptées. Si une société déménage son siège social de 20 kilomètres, ce changement sera a priori accepté par les salariés. Avec la jurisprudence actuelle, elle sera néanmoins tenue d'élaborer un plan de sauvegarde de l'emploi, faisant surgir le spectre d'éventuels licenciements... On ne peut donc pas être aussi affirmatif à ce sujet que nos collègues.

Enfin, vous avez entendu parler d'une jurisprudence IBM qui montre que les entreprises peuvent également mettre en œuvre des stratégies de contournement de cette obligation. Contestable en droit, contre-productive en fait et souvent inappliquée, cette jurisprudence peut être revue sans poser les problèmes métaphysiques et politiques que nos collègues ont soulevés.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Tout a été dit par le rapporteur. On ne porte pas atteinte au droit de la modification du contrat de travail, mais on se contente de modifier le champ de la procédure du licenciement collectif.

Le droit actuel contraint les entreprises à mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi dès qu'une réorganisation interne est envisagée, en dehors de tout licenciement, et de nombreux analystes, parmi lesquels le professeur Jean-Emmanuel Ray, ont montré que cette législation était un véritable obstacle à la gestion prévisionnelle des emplois. Donc, avis défavorable.

Mme Martine Billard - A entendre M. le ministre, on pourrait se demander comment des salariés peuvent bien s'opposer à la réorganisation de l'entreprise ! Mais la réalité est différente. Les modifications substantielles du contrat de travail touchent, par exemple, à la rémunération. La répartition du temps de travail n'est plus considérée comme un élément substantiel de travail, il peut l'être à condition d'avoir été précisé. Malheureusement, tant de conflits se sont élevés à ce propos que bien peu d'entreprises aujourd'hui prennent le risque de le préciser !

Vous ne m'avez pas convaincue.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Qu'est-ce qu'une condition substantielle pour un salarié ? Ce qui touche à sa vie, qu'il s'agisse de sa rémunération, grâce à laquelle il fait vivre sa famille, de son temps de travail qui rythme son existence et celle de sa famille, de son lieu de travail dont la modification peut bouleverser la vie de famille, comme la justice a déjà pu en décider.

La situation n'est pas égale entre l'employeur et le demandeur d'emploi qui doit faire vivre les siens. Comment pouvez-vous nier la dimension alimentaire du travail ? En encadrant la modification du contrat de travail par l'employeur, la justice reconnaît la nature essentielle de certains éléments du contrat, et, par là même, introduit un peu d'humanité dans ce domaine.

On vous reprochera demain d'avoir commis une telle erreur dans un texte sur la cohésion sociale !

M. Patrick Roy - M. Le Bouillonnec a parlé avec son cœur, car cet article opère une véritable régression sociale. En vérité, vous n'avez qu'une envie : supprimer le code du travail, et toute trace d'humanité dans la gestion des relations entre l'employeur et son salarié ! Si M. Borloo veut que sa loi assure un minimum de cohésion sociale, qu'il retire au moins l'article 37-3 !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Très bien !

Les amendements 79, 381 et 849, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Compte tenu de l'importance de ce vote, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

La séance, suspendue à 23 heures 25, est reprise à 23 heures 35.

M. Jacques Desallangre - Notre amendement 80 vise à supprimer le I de cet article, qui tend à assimiler le refus d'une modification essentielle du contrat de travail à une cause de licenciement. Il s'agit d'une évolution brutale par rapport à la jurisprudence. En effet, se fondant sur l'article L. 122-14-3 du code du travail, les juges ont toujours considéré qu'un tel refus, constituant un droit pour le salarié, ne pouvait être à lui seul une cause de licenciement.

Cet article va accroître les pressions sur les salariés. Il va inciter les employeurs à réviser les contrats de travail, les horaires, les rémunérations. Récemment, la société Bosch a menacé de fermer un site si les salariés n'acceptaient pas la remise en question des 35 heures et des baisses salariales. Cet article va rendre plus aisées de telles pratiques. C'est inacceptable.

L'amendement 80, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Janine Jambu - Notre amendement 68 vise à intégrer dans la loi les avancées jurisprudentielles qui ont fait du licenciement économique l'ultime recours et dont l'objectif est de prévenir les suppressions d'emplois. Nous souhaitons donner une définition précise du licenciement économique afin qu'en cas de difficultés réelles, on cherche en priorité à réduire les coûts non salariaux. Si les mutations technologiques sont une nécessité, il faut que la réorganisation soit indispensable à la pérennité de l'entreprise.

Cet amendement ne vise pas à figer le droit, mais à inciter les employeurs à mieux justifier leurs projets de restructuration. La responsabilité sociale de l'entreprise, sujet de colloque en vogue, doit reposer sur des incitations fortes pour ne pas rester un vœu pieux.

Le Medef ne retient qu'une seule dimension de la compétitivité, le coût de la main-d'œuvre. Il omet sciemment la dimension hors prix, qui comprend l'innovation, la relation avec le client, la formation, la qualité, la recherche-développement.

Quand c'est la rupture du contrat de travail qui est en jeu, le salarié ou son représentant doit pouvoir s'assurer que toutes les options ont été étudiées pour préserver l'emploi. Il est dangereux de laisser au seul marché le pilotage des entreprises. Les stratégies de réduction comptable des effectifs servent davantage l'intérêt d'actionnaires avides que l'intérêt de l'entreprise, qu'on ne cesse pourtant d'invoquer. Les salariés de Vivendi, d'Alcatel, de France Télécom et d'Alstom ne font-ils pas les frais de stratégies aventureuses arrêtées dans les cénacles feutrés des conseils de surveillance ? De tels choix devraient être régulés et amendables dans des cercles plus larges. Les pouvoirs publics et les salariés ne peuvent se contenter de jouer des rôles de figuration.

Il faut éviter que le licenciement économique serve à substituer aux CDI des contrats précaires ou dévalorisés.

M. Christian Vanneste - Mon amendement 307 vise à introduire la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise parmi les motifs de licenciement économique. Cet amendement n'est pas idéologique, mais pédagogique. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) On sait que « trop d'impôt tue l'impôt ». De même, la protection tue parfois la protection.

Il y a trois facteurs de croissance : le progrès technique, l'investissement et le travail. Le troisième subit les effets des mutations intervenues dans les deux premiers. Certains pays ont parfaitement compris ce phénomène. J'ai lu l'excellent rapport de Pierre Méhaignerie sur le Danemark. (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Vous savez que 800 000 Danois changent d'emploi tous les ans. Cela représente un tiers de la population active. La formation et le retour à l'emploi sont assurés de manière rapide et efficace, assurant à ce pays un quasi plein emploi. Dans le Nord, j'ai vu l'inverse : des procédures longues, qu'il s'agisse des entreprises ou de l'orientation des salariés, avec une tendance systématique au conflit.

Il est temps de faire des choix que d'autres pays ont su faire. Le travail n'est ni un gâteau à partager, ni une forteresse à défendre, mais un flux, qui dépend de la compétitivité des entreprises. La compétitivité, c'est le plus sûr moyen de protéger l'emploi. La jurisprudence ne suffit pas, il faut intégrer cette véritable protection dans la loi. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Je me réjouis que ces deux amendements soient en discussion commune. Cela montre à quel point d'équilibre est arrivée la jurisprudence s'agissant de la définition du licenciement économique. Modifier un élément quelconque de cette définition, forgée par dix années de travail, est une affaire délicate.

Je reconnais la cohérence de nos collègues communistes qui cherchent inlassablement à restreindre à tout prix le champ du licenciement économique. Toutefois, je m'interroge : si le licenciement n'était pas économique, quel en serait le régime ? Votre amendement risque d'être défavorable aux salariés.

Mme Janine Jambu - Pas du tout !

M. le Rapporteur - Vouloir trop restreindre le champ du licenciement économique pourrait aboutir au résultat inverse de celui que vous recherchez, puisque vous admettez le fait du licenciement tout en lui retirant la protection attachée au licenciement économique.

Mme Janine Jambu - Vous interprétez !

M. le Rapporteur - Sur l'amendement défendu par M. Vanneste, ma position est analogue. Il ne faut pas l'accepter, parce qu'il n'a pas recueilli l'assentiment de la majorité des partenaires sociaux. Le dispositif que nous examinons est issu, je le rappelle, de onze réunions interprofessionnelles. De plus, cet amendement est inutile. En effet la jurisprudence est désormais stabilisée et satisfaisante, en particulier en ce qu'elle prend en compte l'exigence de compétitivité. La décision du conseil constitutionnel sur la loi de modernisation sociale de janvier 2002 conforte la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, puisque cette décision précisait que « la notion de réorganisation indispensable à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise diffère de la nécessité de sauvegarder la compétitivité et qu'elle interdit à l'entreprise d'anticiper des difficultés économiques à venir en prenant des mesures de nature à éviter des licenciements ultérieurs plus importants. » C'est exactement, Monsieur Vanneste, ce que vous voulez introduire dans la loi. Mais l'y introduire conduirait à restreindre le nombre de critères autorisant les licenciements économiques au profit de la seule exigence de compétitivité. Ainsi, mieux vaut conserver en l'état la jurisprudence de la cour de cassation, dont nous ne remettons nullement en cause la pertinence.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur. Nous sommes opposés à l'amendement du groupe communiste et nous demandons le retrait de l'amendement 307, afin de maintenir une position réaliste et équilibrée, ne banalisant pas le licenciement économique, qui demeure un acte grave.

M. Jacques Desallangre - La démonstration de M. Dord ne m'a pas convaincu. Surtout, nous dénonçons l'amendement de M. Vanneste comme l'un de ces fameux amendements clés en main du Medef. La notion de sauvegarde de la compétitivité se prête en effet à une interprétation extensive. C'est au nom de la compétitivité que 451 salariés de Wolber ont été licenciés, alors que Michelin est une entreprise compétitive, dont les bénéfices sont confortables. Au reste, les machines qui étaient à Soissons sont parties en Inde où elles produisent les mêmes équipements. Ne mettez pas à toutes les sauces cette sauvegarde de la compétitivité, dont vous semblez attendre beaucoup.

M. Christian Vanneste - Comme je l'ai dit, mon amendement répond à une démarche pédagogique. La France est encore très loin du but que je propose, et c'est pourquoi elle obtient de moins bons résultats que la Grande-Bretagne et les pays nordiques. Les esprits chez nous ne sont pas prêts, en raison d'un certain archaïsme et de certains archaïques (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Cependant, désirant soutenir le Gouvernement dans les importantes avancées qu'il propose, je retire l'amendement 307.

L'amendement 68 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Novelli - La jurisprudence requalifie systématiquement des départs librement négociés en licenciements économiques, s'appuyant sur les dispositions de l'article L. 321-1 du code du travail. Notre amendement 55 rectifié tend à sortir du champ du licenciement économique les départs librement négociés. En effet lorsqu'une entreprise est conduite à réorganiser ses effectifs, il convient de privilégier les mesures susceptibles d'éviter les licenciements.

M. Christian Vanneste - L'amendement 308 est identique. Il faut donner la première place à l'accord, comme c'est le cas au Danemark (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Si nous nous contentions de respecter l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969, nous pourrions continuer à distinguer entre le départ imposé et le départ volontaire, qui ne doit évidemment pas être transformé en licenciement économique faisant appel à une procédure lourde et pénalisante non seulement pour les entreprises, mais pour les salariés eux-mêmes. L'accord, puis la loi, puis la jurisprudence, voilà la bonne hiérarchie.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Autant le maintien négocié dans l'entreprise à des conditions différentes nous paraît à exclure du champ du licenciement économique, autant le départ négocié doit en relever. Ces amendements modifieraient substantiellement la jurisprudence, ainsi que l'équilibre de notre droit social.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Nous sommes attachés à une gestion collective et concertée des restructurations économiques. Nous ne souhaitons pas que les ruptures négociées liées à une réorganisation de l'entreprise aient lieu en dehors du cadre collectif du licenciement économique, afin d'éviter tout risque de pression sur les salariés. Nous voulons concilier sécurité et souplesse. Je suggère donc de retirer ces amendements.

Les amendements 55 rectifié et 308, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jacques Desallangre - Notre amendement 81 tend à supprimer le § III de l'article, qui annule en partie la jurisprudence du 3 décembre 1996 de la Cour de cassation, connue sous le nom de jurisprudence Majorette et Framatome. Vous donnez ainsi satisfaction au Medef, qui dans son document « Baisser le chômage et augmenter la croissance » mettait en bonne place « l'exclusion de la procédure des licenciements économiques des départs négociés ».

Comme l'a reconnu le rapporteur dans l'entretien éclairant qu'il a donné au Figaro le 24 novembre, c'est exactement ce qui deviendra possible une fois cette jurisprudence abolie et l'article L. 321-4 dévitalisé : l'employeur aura toute liberté de déguiser un licenciement économique en licenciement individuel et de se débarrasser en quelques jours de ses salariés. Au lieu de saisir les représentants du personnel d'un projet portant au moins sur dix licenciements, il notifiera directement à chacun son intention de modifier son contrat de travail et, lorsque ces salariés refuseront, il n'aura plus qu'à engager autant de procédures qu'il y aura de récalcitrants ! Le patronat s'affranchira ainsi de tout plan social, de tout contrôle du comité d'entreprise... et de tout risque d'annulation. Quant au Gouvernement, il pourra faire valoir une baisse du nombre des suppressions d'emplois pour raisons économiques...

Au total, les salariés concernés par les 20 % de licenciements économiques réalisés dans le cadre d'un plan social perdront toute garantie et les employeurs pourront licencier en 14 jours sans se plier à d'autres procédures que l'entretien individuel. Bien sûr, nous refusons catégoriquement de vous suivre dans cette voie !

L'amendement 81, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Janine Jambu - La nouvelle rédaction que vous voulez donner à l'article L. 321-1-3 ne contraindra à consulter les représentants du personnel qu'à partir de dix refus. Ces représentants n'ayant pas le moyen de vérifier que ce seuil est atteint, cette individualisation de la procédure permettra à l'employeur, comme le rapporteur l'a d'ailleurs reconnu en commission, de contourner l'obligation qui lui est actuellement faite par l'article L. 321-4-1 d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi. Notre amendement 82 vise donc à instituer un mécanisme de contrôle, aussi bien au bénéfice du comité d'entreprise que des organisations syndicales, par l'intermédiaire de leur représentant au comité - étant entendu que ces organisations tiennent de l'article L. 411-11 le droit d'agir en cas de violation des dispositions de l'article L. 321-4-1.

M. le Rapporteur - Cet amendement pose plusieurs problèmes d'ordre juridique : est-il possible de divulguer une correspondance privée, par exemple ? Mais surtout, dès lors que l'employeur envisage un licenciement, fût-ce pour refus d'une modification du contrat de travail, les articles L. 321-2, L. 422-1 et L. 432-1 obligent à en informer les délégués du personnel ou le comité d'entreprise. L'amendement est donc vraisemblablement inutile...

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je partage cette analyse. L'article L. 321-4 dispose en effet que l'employeur est tenu d'adresser aux représentants du personnel, avec la convocation aux réunions prévues à l'article L. 321-2, tout renseignement utile sur le projet de licenciement collectif.

L'amendement 82, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre - L'amendement 546, 2e rectification, vise à compléter l'article L. 321-1-3 du code du travail par l'alinéa suivant :

« Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement collectif économique effectué alors que la société a réalisé des profits, constitué des réserves ou distribué des dividendes au cours des derniers exercices. »

On l'a trop souvent constaté : de tels licenciements ne sont pas toujours justifiés par la mauvaise santé de l'entreprise. J'ai d'ailleurs rédigé cette disposition en juillet 1999, après l'affaire Wolber-Michelin où l'on a vu 451 salariés abusivement licenciés par une entreprise prospère à laquelle ils avaient donné des années de labeur mal rémunéré. Ces licenciements, qui ont suscité une révolte encore vive, ont été les premiers de toute une série : ont suivi Elf, Unilever, Danone, Alcatel, Whirlpool... Combien d'individus ont ainsi été détruits ?

Ces licenciements boursiers sapent en outre un édifice social qui repose avant tout sur le travail, comme l'avaient bien reconnu les constituants de 1946 ! Pourtant, la jurisprudence de la Cour de cassation permet aux entreprises de licencier pour raisons économiques lorsque leur objectif est de préserver leur compétitivité ou de s'adapter aux mutations technologiques. Ces licenciements « du troisième « type » constituent une iniquité que la justice vient d'ailleurs de reconnaître comme telle dans le cas des salariés de Wolber - sans toutefois pouvoir imposer leur réintégration rapide, mes propositions en ce sens ayant été ignorées et, surtout, l'usine ayant été rasée. Mais Michelin se porte de mieux en mieux !

La loi doit réformer cela en déniant tout caractère réel et sérieux au motif économique quand l'entreprise ou le groupe réalise des profits, constitue des réserves et verse des dividendes.

M. le Rapporteur - Nos collègues communistes et républicains ne manquent pas d'opiniâtreté : après avoir essayé de définir ce que pourrait être un licenciement économique, les voici qui tentent de dire ce en quoi il ne saurait consister, en s'appuyant sur le caractère scandaleux des licenciements dits boursiers. Je ne jugerai pas sur le fond : je me bornerai à constater que leur amendement tombe exactement sous le coup du considérant 50 du Conseil constitutionnel. Celui-ci a en effet jugé que la liberté d'entreprise supposait une capacité d'adaptation, même lorsqu'il y a profit.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis défavorable, pour le même motif.

L'amendement 546, 2e rectification, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Michel Fourgous - L'amendement 202 tend à permettre de mener concomitamment les différentes procédures de consultation. En effet, des délais trop longs sont meurtriers pour les entreprises. Celles-ci sont fragiles, contrairement à ce que soutiennent certains, qui n'ont en vue que des entreprises imaginaires dirigées par des hommes cyniques, prenant plaisir à licencier. Et, comme c'est là que se créent les emplois, il faut les protéger en raccourcissant autant que possible les procédures.

Au lieu de cela, on n'a fait ce soir qu'attaquer nos plus beaux fleurons, dont Michelin, nous ressassant l'exemple de 451 salariés : exemple malheureux, certes, mais je crois savoir qu'au total, il n'y a eu que 18 licenciements secs et, en tout cas, on oublie de dire que, depuis, Michelin a créé plus de mille emplois ! Je suis surpris que des députés fassent mine d'ignorer que, s'il se détruit deux millions et demi d'emplois, il s'en recrée autant. Cette malhonnêteté intellectuelle n'honore pas le Parlement.

Pour ma part, mon souci premier est de préserver les emplois : priorité à l'efficacité !

M. le Rapporteur - Comme je l'avais promis, je vais retirer l'amendement 931 : il est satisfait par l'amendement 997 rectifié du Gouvernement... ainsi, d'ailleurs, que celui de M. Fourgous !

Les amendements 202 et 931 sont retirés.

M. Christian Vanneste - Mon amendement 309 a pour objet d'encadrer les procédures de licenciement dans des délais préfixés, sécurité nécessaire tant à l'entreprise qu'aux salariés, pour lesquels les procédures de reclassement pourront ainsi être accélérées (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous devriez lire, chers collègues, l'excellent rapport de M. Méhaignerie, qui montre qu'au Danemark, la procédure ne dure que cinq jours, et la durée de chômage est extrêmement courte.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, qui à mon avis n'apporte rien car, de toute façon, les lettres de licenciement ne peuvent pas partir avant les réunions du comité d'entreprise prévues.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - L'amendement 997 sur la concomitance ayant permis d'encadrer les choses, celui-ci me semble pouvoir être retiré.

L'amendement 309 est retiré

L'article 37-3,mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 37-3

M. Jacques Desallangre - La lenteur des procédures juridictionnelles conduit les juges à se prononcer sur la légalité du licenciement plusieurs années après la mise en œuvre du plan social, et certains employeurs en profitent pour rendre impossible la réintégration. Nous proposons donc, par notre amendement 545, d'introduire un alinéa ainsi rédigé : « En cas de désaccord sur la pertinence du motif économique invoqué par l'employeur, les salariés ou les représentants du personnel peuvent, en cours de procédure, saisir le juge qui statuera en référé sur la cause du licenciement ».

M. le Rapporteur - Avis défavorable : un référé ne juge en aucun cas sur le fond.

L'amendement 545, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Michel Fourgous - Afin d'encadrer les conséquences à tirer de la nullité éventuelle d'un plan de sauvegarde de l'emploi, mon amendement 447 rectifié tend à supprimer les mots « et de nul effet ». Quand on voit les pouvoirs qu'on accorde aux juges, à qui on demande quasiment de cogérer l'entreprise, on croit rêver (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ! La nullité de la procédure, si elle peut conduire à une sanction financière, ne saurait entraîner un droit automatique à la réintégration du salarié dans l'entreprise.

M. le Rapporteur - Je crois que M. Fourgous commet une erreur d'interprétation : supprimer les mots « et de nul effet » ne change rien, le Conseil constitutionnel ayant clairement indiqué que la réintégration est la conséquence de la nullité du licenciement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je ne reviens pas sur le fait que la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi entraîne la nullité des licenciements prononcés sur le fondement de ce plan, mais il est vrai que ce raisonnement peut déboucher sur des situations inextricables, la disparition de l'emploi entraînant l'impossibilité de tirer des conséquences autres que financières. Le Gouvernement a déposé un amendement 1003 à l'article 37-7 pour remédier à ces difficultés, et il souhaite donc le retrait de celui-ci.

M. Jean-Michel Fourgous - Alors, rendez-vous à l'article 37-7. Je retire l'amendement 447 rectifié.

M. Jacques Desallangre - Les amendements 70 rectifié et 74 rectifié sont défendus.

Les amendements 70 rectifié et 74 rectifié, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 37-4

M. Hervé Novelli - Cet article institue une convention de reclassement personnalisé, qui s'appuie sur le droit individuel à la formation. Mais le doublement du reliquat des droits acquis à ce titre par le salarié n'est pas conforme à la volonté des partenaires sociaux et déséquilibre financièrement l'accord qu'ils avaient passé. Je défendrai donc un amendement à ce sujet.

M. Laurent Wauquiez - Le droit actuel du licenciement est profondément inéquitable : les salariés d'entreprises de plus de 1000 salariés bénéficient de véritables aides au reclassement, tandis que les autres sont livrés à eux-mêmes. Cet article constitue donc une avancée majeure, en offrant enfin aux personnes licenciées dans des entreprises de moins de 1000 salariés une convention de reclassement personnalisé.

Cependant, Monsieur le ministre, nous aurions besoin de clarification concernant la possibilité de mobiliser le DIF. Il doit être bien clair que celui-ci n'est qu'une des sources de financement de la convention de reclassement personnalisé, et nous voudrions être sûrs que la mise en œuvre de celle-ci n'est pas subordonnée à la mobilisation du DIF.

Mme Martine Billard - Avec les conventions de reclassement personnalisées, cet article recrée sous une forme sensiblement moins favorable ce que le PARE avait malencontreusement supprimé à compter du 31 décembre 2000. J'observe que le statut est moins protecteur : dans les anciennes conventions, le contrat de travail n'était pas rompu ; dorénavant, le bénéficiaire perd son statut de salarié et devient stagiaire de la formation professionnelle, ce qui soulève plusieurs interrogations. Quelles seront les conditions d'indemnisation ? Les droits aux ASSEDIC seront-ils recouvrés dès la fin de la période de formation ? Quid de la couverture sociale et des droits à la retraite ? La réalisation du DIF, même doublé, ne débouche, que sur 240 heures de formation - soit au plus deux mois de formation - contre 300 auparavant : est-ce suffisant ? Les bénéficiaires pourront-ils percevoir l'indemnité compensatrice pour les périodes de congés acquises avant le licenciement mais non réalisées ?

Mme Janine Jambu - En créant les conventions de reclassement personnalisées pour les licenciés des entreprises de moins de mille salariés, cet article est peut-être le seul à même de donner un semblant d'équilibre à ce volet du projet ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) Notre rapporteur a cependant tort de se croire autorisé à affirmer que cette évolution améliore globalement la protection sociale des salariés touchés par un licenciement. En effet, elle ne débouche pas sur la reconnaissance d'un véritable droit à reclassement, d'autant que les entreprises ne l'accueillent pas sans réticence. Ce que veulent les employeurs, c'est que leurs obligations soient réduites à la portion congrue. Quant à la CGPME et à l'UIMM, elles critiquent le coût du dispositif. Le droit au reclassement risque de rester virtuel, ou d'être soumis à des critères tellement restrictifs que très peu de salariés potentiellement concernés en bénéficieront effectivement. Au final, l'imprécision et les insuffisances du texte font douter de la sincérité de la volonté du Gouvernement.

L'idée de conventions de reclassement personnalisées est séduisante, mais l'absence de réponses sur les modalités pratiques de leur mise en œuvre nous laisse perplexes : y aura-t-il une condition d'ancienneté ? Le droit au reclassement sera-t-il inclus dans les droits ouverts au titre de l'indemnisation chômage ? Nous attendons - sans trop y croire - des réponses claires. Monsieur le ministre, saisissez la chance que nous vous donnons de préciser vos intentions.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Oui, Madame Jambu, le droit au reclassement est véritablement un droit nouveau donné au salarié. Nous fixons une obligation de moyens et nous prévoyons un statut, celui de stagiaire de la formation professionnelle, assorti, Madame Billard, de tous les droits sociaux afférents, notamment en matière de couverture sociale. Quant au contenu des conventions, il appartiendra aux partenaires sociaux de le définir précisément. Le DIF, Monsieur Wauquiez, contribuera au financement du dispositif, mais, rassurez-vous, en l'absence de DIF, le droit au reclassement s'exercera tout de même. Nous tablons sur une durée de huit mois car l'expérience montre que si un accompagnement et une offre de formation se mettent en place dans ce délai, la durée du chômage diminue de plus du quart, le retour vers l'emploi s'en trouvant grandement facilité. Enfin, je précise que le dispositif ne met pas fin au PARE.

Mme Françoise Branget - Notre amendement 511 vise à ce qu'un soutien psychologique puisse être apporté à toute personne ayant subi un licenciement économique, individuel ou collectif, et en exprimant le besoin. Le financement de cet accompagnement serait régi par un accord conclu par les partenaires de l'assurance chômage.

M. le Rapporteur - Bien que parfaitement consciente de l'intérêt d'un suivi psychologique, la commission n'a pas accepté cet amendement car elle estime que la définition du contenu des conventions de reclassement personnalisées doit être laissée aux partenaires sociaux.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis. Le caractère anxiogène d'un licenciement est indéniable, mais j'invite au retrait de l'amendement pour les raisons que vient de rappeler votre rapporteur.

Mme Françoise Branget - Je préfère le maintenir.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances - Je soutiens cet amendement car son premier signataire, Michel Raison, l'a déposé à la suite des difficultés que nous avons connues en Haute-Saône, où nombre de salariés anciens dans l'entreprise ont très mal vécu leur licenciement. Il faut être conscient de la gravité des souffrances psychologiques causées par un licenciement collectif. Et nous avons constaté l'absence de toute assistance psychologique dans cette circonstance. C'est ce qui a conduit M. Raison à déposer cet amendement qu'a très bien défendu Mme Branget.

M. le Rapporteur - Devant tant d'arguments, je sens que je vais me laisser convaincre... A titre personnel bien sûr.

L'amendement 511, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Michel Fourgous - Mon amendement 321 concerne le DIF et tend à supprimer le deuxième alinéa du I de l'article. Les partenaires sociaux ont conclu un accord que nous devons respecter. Il n'a jamais été prévu que le DIF soit utilisé à d'autres fins que d'offrir un droit complémentaire à la formation, et notamment qu'il soit utilisé dans le cadre d'une procédure de licenciement. Je demande donc qu'on revienne à l'accord interprofessionnel de 2003, et qu'on respecte ses règles relatives à la transférabilité du solde du DIF. Imposer le doublement du DIF risque de fragiliser encore des entreprises déjà en difficulté. Ne revenons pas sur une décision unanime des partenaires sociaux.

M. le Rapporteur - Autant j'ai fait preuve de faiblesse sur le précédent amendement (Sourires), autant cette fois je ne suis pas d'accord du tout, et sur le fond. Il s'agit de l'utilisation du reliquat du DIF. Or s'il y a un reliquat, et surtout s'il est important, cela veut dire que l'entreprise n'a pas joué le jeu de la formation, exposant ainsi encore davantage les salariés licenciés à la précarité. Le doublement du DIF - qu'un amendement viendra plafonner - est légitime. C'est tout l'esprit du droit individuel à la formation que de permettre au salarié d'être le plus possible adaptable face à un coup dur.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - La disposition visée par l'amendement est importante, et résulte de la concertation du Gouvernement avec les partenaires sociaux. Il est vrai que nous pouvons arriver sur six ans à 120 heures non consommées, ce qui donne 240 heures, et la question se pose du poids financier de ce DIF. C'est pourquoi l'amendement 954 du rapporteur prévoit que la participation de l'Etat au doublement du DIF peut être appelée, et je prends l'engagement qu'elle sera présente. Il y a une logique à utiliser le DIF dans le cadre du droit au reclassement, en particulier le DIF non utilisé ; le Gouvernement est attaché à cette disposition. Il serait heureux que vous puissiez retirer l'amendement.

M. Jean-Michel Fourgous - J'entends bien, Monsieur le Ministre, que si l'on reste dans une tranche de 120 heures, nous demeurons à peu près fidèles à l'accord des partenaires sociaux, et qu'il y a des amendements en ce sens. Cependant nous nous sommes engagés devant les Français à ne pas alourdir les charges des entreprises. Vous rendez-vous compte que sans cesse, tous les jours, nous alourdissons ces charges, les contraintes, les règlementations qui pèsent sur elles ? Ce sont pourtant les entreprises qui ont le secret de l'emploi, et non pas nous. Elles ne souhaitent sans doute pas que nous continuions à les instrumentaliser ainsi, au nom d'une morale dont on est prodigue dans cette maison. Cela dit, si on se limite à 120 heures sur six ans, je veux bien retirer l'amendement.

L'amendement 321 est retiré.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, vendredi 3 décembre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 50.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU VENDREDI 3 DÉCEMBRE 2004

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n° 1911), de programmation pour la cohésion sociale.

Rapport (n° 1930) de Mme Françoise de PANAFIEU et M. Dominique DORD, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Avis (n° 1920) de M. Alain JOYANDET, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Avis (n° 1928) de M. Georges MOTHRON, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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