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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 36ème jour de séance, 86ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 3 DÉCEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      COHÉSION SOCIALE (suite) 2

      ART. 37-4 (suite) 2

      APRÈS L'ART. 37-4 4

      ART. 37-5 6

      ART. 37-6 9

      ART. 37-7 13

La séance est ouverte à neuf heures trente.

COHÉSION SOCIALE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de programmation pour la cohésion sociale.

ART. 37-4 (suite)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 834 vise à écrire que le reliquat des droits acquis par le salarié à la date de la rupture du contrat de travail au titre du droit individuel à la formation est doublé et que, par dérogation à l'article L. 933-6 du code du travail, les actions de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis de l'expérience financées à ce titre sont engagées postérieurement à la date de rupture du contrat de travail dans le cadre de la convention de reclassement personnalisé.

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Même avis. Nous nous sommes expliqués assez longuement hier sur cette question.

L'amendement 834, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 139 vise à clarifier le texte en précisant que mobiliser le reliquat du DIF n'est qu'un des moyens qui peuvent être utilisés dans le cadre des conventions de reclassement personnalisé.

L'amendement 139, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 140 tend à plafonner le doublement du DIF.

L'amendement 140, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Hervé Novelli - Il est prévu de doubler le DIF dans le cadre du reclassement personnalisé. Or, cette disposition n'est pas conforme aux termes de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 qui fixait un plafond de 120 heures. Une telle remise en cause législative risque d'altérer le dialogue social. Avec l'amendement 56, je souhaite respecter l'intention initiale des partenaires sociaux : le DIF correspond à des droits acquis dans une limite de 20 heures par an, cumulables sur six ans, ce qui correspond à un plafond de 120 heures.

M. Christian Vanneste - L'amendement 310 est identique. Il convient en effet de limiter la pression sur les entreprises.

Mme Jacqueline Fraysse et Mme Janine Jambu - Ah là là !

M. Christian Vanneste - Outre le plan financier, le plan psychologique est également essentiel : l'économie libérale repose sur la confiance, qui exige pour les entreprises la sécurité et la possibilité de voir clairement l'avenir. Il convient donc de respecter les accords du 20 septembre 2003.

M. Dominique Dord, rapporteur - Avis défavorable à ces amendements qui contredisent l'amendement 140 plafonnant le doublement du DIF à 240 heures, ce qui correspond à une formation relativement courte de deux mois. Il est vrai que la charge de l'entreprise en est un peu accrue, mais il me semble que nous avons trouvé un équilibre, les entreprises ayant bénéficié par ailleurs d'un certain nombre de compensations.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le DIF contribue à anticiper la gestion des emplois et des compétences. C'est un des éléments de sécurisation des parcours professionnels. L'amendement 140 présente toutes les garanties nécessaires. C'est précisément parce que nous sommes conscients des difficultés des entreprises que l'Etat s'est engagé à compléter le financement du doublement du DIF. Dès lors, MM. Novelli et Vanneste pourraient retirer leurs amendements : il n'y aura pas de surcoût pour les entreprises.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je rappelle de qui l'on parle : de salariés qui seront victimes d'un licenciement économique et dont on double, en la circonstance, un reliquat d'heures. Le plafonnement prévu par l'amendement de M. le rapporteur et soutenu par M. le ministre me semble devoir être maintenu. Il n'est pas acceptable de revenir en arrière.

Les amendements 56 et 310, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Christian Vanneste - Non, ils sont adoptés !

M. le Président - Je regrette : le président peut voter et, en cas d'égalité, les amendements mis aux voix ne sont pas adoptés.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 953, adopté par la commission, précise que les salariés stagiaires de la formation professionnelle qui bénéficient d'une allocation au titre de la convention de reclassement ne percevront pas en sus l'allocation de formation.

L'amendement 953, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 348 de Mme Billard est défendu.

L'amendement 348, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 835 est défendu.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 141 renvoie aux partenaires sociaux la responsabilité de fixer la durée de la convention. Sur l'amendement 835, avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Il revient aux partenaires sociaux de déterminer le montant de l'allocation, mais aussi la durée de la convention. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement 835 et favorable à l'amendement 141.

L'amendement 835, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 141, mis aux voix, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Au-delà de tout sentiment personnel, il convient tout de même, mes chers collègues, de suivre le débat.

Mme Muguette Jacquaint - Les amendements 382 et 396 de Mme Billard sont défendus.

Les amendements 382 et 396, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Francis Vercamer - L'amendement 483 vise à supprimer les mots « au minimum » dans la dernière phrase du cinquième alinéa du I de l'article. Une contribution des entreprises équivalente à deux mois de salaire me paraît suffisante.

M. Dominique Dord, rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, conformément à l'esprit du texte, qui laisse aux partenaires sociaux le soin de fixer les conditions de la convention. Rien n'empêche les entreprises d'accorder une indemnité de reclassement supérieure à deux mois de salaire.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Les deux mois de salaire font référence aux deux mois de préavis dont l'employeur est redevable à tout salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté. Les représentants des organisations patronales ont souhaité conserver une liberté dans le cadre des négociations. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

L'amendement 483, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 954 est de précision. J'ai cru comprendre, en effet, que l'Etat pourrait prendre en charge le différentiel s'agissant du DIF.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je l'ai dit tout à l'heure à MM. Vanneste et Novelli, l'Etat contribuera, dans le cadre de l'accord passé avec l'UNEDIC, au financement des actions engagées au titre de la convention de reclassement personnalisé, en prenant en charge le surcoût lié au doublement du reliquat du DIF. Avis favorable, donc.

L'amendement 954, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 955 rectifié est de coordination et l'amendement 956 de précision.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis favorable sur les deux amendements.

L'amendement 955 rectifié, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 956.

L'article 37-4 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 37-4

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 836 vise à introduire deux nouveaux articles dans le code du travail.

L'article L. 320-4 crée, dans les entreprises qui ne sont pas soumises à l'article L. 321-4-3, une période de reclassement de douze mois pendant laquelle les contrats de travail et les salaires sont maintenus - ils sont financés soit par l'employeur, soit par le fonds prévu à l'article L. 320-5. Dès l'annonce de suppression d'emplois s'ouvrirait ainsi une période d'une durée maximale de trois mois pendant laquelle les organisations syndicales pourraient négocier avec l'employeur toute mesure appropriée. Pendant ces trois mois, les entreprises sous-traitantes contraintes de supprimer des emplois en font la déclaration à l'entreprise donneuse d'ordres.

L'article L. 320-5 crée un fonds de mutualisation de reclassement, dont l'objet est d'assurer le maintien des salaires. Ce fonds est alimenté par une cotisation égale à 0,2% des rémunérations brutes versées par les employeurs, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat.

Il convient de différencier les entreprises susceptibles de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi et celles qui n'en ont pas les moyens, dont les salariés doivent bénéficier des mêmes dispositions que ceux des entreprises dominantes, lesquelles sont, par un effet de cascade, la cause de leur licenciement. Seul un fonds de mutualisation permettra de répondre à cette forme d'injustice. Ses gestionnaires, désignés par les organisations patronales représentatives, décideront de l'intervention du fonds selon la situation de l'entreprise. Le montant de la cotisation est estimé à ce jour à 0,2% de la masse salariale. Cet amendement fait référence à un débat auquel M. Borloo lui-même a contribué dans la presse.

M. Dominique Dord, rapporteur - Cet amendement rappelle une proposition présentée par une organisation syndicale dont nous avons longuement débattu. Il n'est pas très éloigné de ce que nous avons pu lire ces jours derniers sous la plume de Jean-Louis Borloo...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous avons les mêmes lectures !

M. Dominique Dord, rapporteur - En cas de licenciement, on pourrait imaginer un statut intermédiaire entre le salariat et le chômage, avec un système de mutualisation. La commission a cependant repoussé cet amendement. Dans l'esprit du syndicat Force ouvrière, il ne s'agissait pas d'inscrire cette disposition dans la loi, mais de négocier dans le cadre conventionnel. Je vous propose donc de suivre la commission : le débat ne manquera pas de rebondir.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Nous avons tous le souci de sécuriser le parcours professionnel des salariés. Le coût ne doit néanmoins pas en être trop lourd pour les entreprises. Or, en l'état, créer un fonds de mutualisation représenterait bien un surcoût. Par ailleurs, si cet amendement tend à réduire les inégalités entre salariés de grandes et petites entreprises, il ne règle pas le problème des salariés victimes d'un licenciement économique individuel, hors plan de sauvegarde de l'emploi. La proposition de M. Borloo d'un contrat intermédiaire est un peu différente de la vôtre car c'est une structure intermédiaire qui porterait ce contrat, et non l'entreprise qui licencie le salarié. Avis défavorable donc.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Dans la mesure où ces dispositions prennent place dans un plan de cohésion sociale, il est normal de s'intéresser au sort des salariés des entreprises les plus petites et des PME-PMI sous-traitantes. Ce sont vraiment eux qu'il faut aider.

Je n'ai pas bien compris si le Gouvernement souhaitait s'en remettre à la négociation ou passer par la loi. S'il s'agit de créer un nouveau type de contrat de travail, c'est au législateur de le faire. Le Gouvernement devrait faire preuve de courage et adresser un message clair aux entreprises. Je ne suis pas certain que, choisissant la voie de la négociation, on ne se heurterait pas au refus du Medef de participer à tout financement.

M. Francis Vercamer - Cet amendement est intéressant en ce qu'il garantirait une sécurité aux salariés tout en permettant une certaine flexibilité aux entreprises. Déconnecter le statut du salarié de l'entreprise à laquelle il appartient permettrait à la fois de sécuriser les parcours professionnels, de faciliter le passage d'une entreprise à l'autre et d'éviter les ruptures brutales entre période d'emploi et période de chômage. Nous avons déjà eu l'occasion, à l'UDF, d'en discuter avec Force ouvrière. Mais s'il est pertinent de réfléchir à un nouveau type de contrat de travail, il ne faut pas, encore une fois, tout demander aux entreprises et les mettre à contribution. Une remise à plat s'imposerait avant qu'un amendement comme celui-ci puisse être voté car le financement des mesures qu'il comporte pose problème.

Mme Muguette Jacquaint - Je soutiens l'amendement de nos collègues. Les salariés des PME-PMI sous-traitantes se retrouvent trop souvent dans des situations catastrophiques, alors même que l'entreprise donneuse d'ordre ne connaît, elle, aucune difficulté. Le fonds de mutualisation qu'il est proposé de créer aurait le mérite de mettre à contribution les grandes entreprises pour faire mieux respecter les droits des salariés de ses sous-traitants.

On nous reproche d'être, d'une manière générale, contre les entreprises...

M. Jean-Michel Fourgous - Et on a raison !

Mme Muguette Jacquaint - C'est faux. Nous montrons par ce type de proposition que nous sommes soucieux du sort des PME-PMI. Cet amendement permettrait précisément une solidarité des grandes entreprises à leur égard.

L'amendement 836, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Arlette Grosskost - L'amendement 403 tend à proroger à dix-huit mois la durée du congé de reclassement, étant entendu que les exonérations de cotisations sociales porteraient sur la durée totale du congé. N'est-il pas dommage en effet qu'une entreprise vertueuse, comme Wärtsiliä, qui se proposait d'accorder à ses salariés un congé de reclassement tout le temps nécessaire pour qu'ils retrouvent un travail se soit vu objecter qu'il n'était pas possible d'aller au-delà de neuf mois ? L'entreprise s'engageait à verser aux salariés 65% de leur rémunération le temps nécessaire et assortissait cela d'une prime de rapidité, un salarié retrouvant un emploi au bout de trois mois touchant par exemple 10 000 euros.

M. Dominique Dord, rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Nous ne sommes bien sûr pas en désaccord avec l'idée que l'Etat pourrait accompagner les entreprises vertueuses, mais en l'espèce, c'est lui qui supporterait le coût des exonérations de cotisations sociales pendant les neuf mois supplémentaires. Le coût de la mesure ne serait donc pas neutre pour ses finances.

Mme Muguette Jacquaint - Tout à fait.

M. Dominique Dord, rapporteur - Nous souhaiterions par ailleurs conserver une cohérence entre la durée du congé de reclassement et celle de la convention de reclassement personnalisé, qui sera de quatre à neuf mois. Par ailleurs, comme indiqué dans l'exposé sommaire de l'amendement, rien n'interdit aujourd'hui à une entreprise de proposer à ses salariés une période supplémentaire de suspension du contrat de travail. La seule différence résiderait dans l'assujettissement aux cotisations sociales.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - L'Etat peut-il accompagner les entreprises vertueuses ? Je tiens tout d'abord à rendre hommage à votre démarche, Madame Grosskost, qui, élue d'une région où le taux de chômage atteint 14%, connaissez bien la question. Nous nous heurtons à un problème réel. La plupart des très grandes entreprises offrent, en cas de licenciement économique, des compensations qui vont au-delà de ce que prévoit la loi ou la convention. Mais entre les entreprises de plus de 1 000 et de moins de 1 000 salariés, l'écart dans ce domaine est de un à six. Dès lors l'Etat doit-il accompagner cet effort supplémentaire pour les salariés des grandes entreprises ? Pourra-t-il faire de même pour ceux des PME ? Notre principal souci est de réduire le fossé qui existe entre ces catégories. C'est pourquoi je ne peux répondre favorablement à votre demande et je préférerais que vous retiriez cet amendement, qui a cependant contribué à la réflexion sur la sécurisation des parcours professionnels l

Mme Arlette Grosskost - Effectivement, Wärtzliä a mis en place un plan de reclassement au-delà des neuf mois et finance les charge sociales supplémentaires. Mais il se trouve que d'autres entreprises, qui envisageaient un tel plan, ont reculé devant le coût des charges. Il aurait été intéressant d'accompagner les entreprises volontaires. Puisqu'une réflexion est en cours sur ces entreprises vertueuses, j'attendrai ses conclusions et je retire mon amendement.

Mme Muguette Jacquaint - C'est la vertu du libéralisme !

ART. 37-5

M. Hervé Novelli - Cet article instaure un délai de prescription de un an pour les recours des salariés contre le plan social. C'est un élément de sécurité juridique pour les entreprises, que je salue. Mais on peut aller plus loin. Dans l'avant-projet transmis à la sous-commission de la négociation collective, le délai prévu était de six mois. Le point de départ étant la dernière réunion du comité d'entreprise, au délai de douze mois s'ajoutent, en cas de recours, ceux de la procédure judiciaire, qui peut durer des années. Ensuite le jugement peut remettre totalement en cause les solutions déjà appliquées. Par amendement, je demanderai que le délai soit porté à huit mois.

Mme Muguette Jacquaint - Cet article porte une nouvelle atteinte aux droits des salariés. En effet, à l'annonce d'un plan de licenciement, la seule arme dont ils disposent est parfois d'agir en justice. Dans le prolongement du rapport de Virville, et pour donner raison au Medef, vous restreignez les délais de recours en cas de licenciement économique. Il s'agit de neutraliser les pouvoirs des représentants des salariés et d'encadrer autant que possible l'intervention du juge, toujours trop présent dans les relations de travail, pour certains. Dans son rapport, M. Camdessus affirmait que « vouloir s'opposer à la destruction de l'emploi par la voie judiciaire est illusoire » et même que le temps gagné, en alourdissant le coût des licenciements, se paye en emplois. Vous traduisez ces propos dans la loi.

Il est d'abord prévu un délai de quinze jours à compter de chacune des réunions du comité d'entreprise pour demander en référé la suspension du plan de sauvegarde de l'emploi en raison du non-respect de la phase de consultation du comité d'entreprise ou de l'insuffisance des mesures. Proposer un tel délai, c'est bien mal - ou trop bien - connaître la façon dont les choses se passent en pratique. De l'avis des professionnels, il sera en effet souvent impossible d'obtenir dans ce délai dérisoire le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise qui fait apparaître l'irrégularité, et qui est la pièce maîtresse du contentieux. Le délai que vous imposez est intenable. C'est pourquoi notre amendement 84 supprime cet article.

Au fond, vous nous parlez d'entreprise citoyenne, mais la citoyenneté du salarié s'arrête aux portes de l'entreprise. Pour défendre l'une des choses les plus fondamentales de sa vie, son emploi, il ne pourra plus agir que pendant un an. La prescription quinquennale en vigueur actuellement crée une insécurité juridique pour l'entreprise, nous dit-on. Pour supprimer cette insécurité, vous créez une injustice à l'égard du salarié. Vous suivez le Medef, mais nous sommes bien loi de la cohésion sociale.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Notre amendement 850 supprime également ce dispositif qui introduit une grande nouveauté dans notre procédure.

Le premier paragraphe fixe un délai de quinze jours à partir de chaque réunion du comité d'entreprise pour une saisine en référé. En pratique, ce sera source de complications supplémentaires, alors que l'article L. 321-7-1 du code du travail qui organise la consultation du comité d'entreprise est déjà l'un des plus compliqués, et que vous auriez fait oeuvre utile en le simplifiant. Il y est question des convocations et nouvelles convocations en l'absence de quorum, et de la saisine des autorités administratives, avec des délais qui courent à chaque fois. Dans ces conditions, le délai de quinze jours sera inapplicable.

Le deuxième paragraphe est encore plus grave, car il limite à douze mois le délai de recours pour les actions en contestation de la régularité de la procédure de licenciement, ce qui constitue évidemment une atteinte à la capacité du salarié de faire valoir ses droits, alors que les règles de procédure sont faites pour protéger l'exercice des droits et qu'il n'existe pas, en droit français, de saisine enfermée dans des délais aussi brefs. Il faut donc revenir au droit commun de la prescription.

M. Dominique Dord, rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements, car elle a estimé qu'un point d'équilibre avait été trouvé à cet article. C'est en effet une demande très forte des entreprises que d'avoir des procédures sécurisées au maximum, ce qui suppose de définir des délais de recours. Cette idée fait quasiment l'objet d'un consensus.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Non.

M. Dominique Dord, rapporteur - Entre le Medef, qui aurait souhaité deux mois, et la CFDT, qui aurait voulu dix-huit mois, pour ne prendre que ces deux exemples, il fallait arbitrer. Le Gouvernement s'est prononcé en faveur d'un délai d'un an.

Quant au délai de quinze jours pour le référé, la commission le juge raisonnable, dans la mesure où il intervient au terme d'une procédure déjà assez longue et qui a réuni les partenaires sociaux. Avis défavorable, donc.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - La sécurité juridique est essentielle dans ces procédures lourdes et déstabilisantes. C'est pourquoi nous avons voulu définir des délais de recours, que nous avons souhaités raisonnables, connus de tous et compatibles avec la vie économique des entreprises. Quel sens peut bien avoir en effet une décision prise cinq ans après les faits ? Inapplicable, elle crée des situations inextricables. Avis défavorable, par conséquent.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il ne faut pas confondre le délai imparti pour saisir une juridiction et le temps que met ensuite celle-ci pour rendre sa décision. Invoquer la lenteur de la justice pour justifier la réduction du délai de saisine laissé au salarié licencié est intellectuellement malhonnête. Si l'on veut une justice rapide, il faut dégager des moyens nouveaux pour elle, mais non pas réduire les droits des justiciables !

En réduisant le délai de recours, vous portez atteinte aux droits des justiciables sans pour autant leur garantir une décision prise dans un délai raisonnable.

Avec cet article, vous obtiendrez en réalité l'effet inverse de celui que vous recherchez, car ce n'est pas parce qu'un salarié n'aura pas eu le temps de saisir le juge des référés que son argument sur la nullité de la procédure aura cessé d'être valable. Simplement, il ne lui restera plus qu'à le faire valoir devant le tribunal juge du fond, qui rendra sa décision d'annulation cinq ans plus tard !

Le rapporteur nous dit qu'à la demande des entreprises, il faut sécuriser les procédures. Pour ma part, je trouve singulier que la seule manière de les sécuriser soit de réduire les droits des salariés, alors que ce sont eux qui sont les plus désarmés face à la justice.

M. Laurent Wauquiez - M. Le Bouillonnec a raison de distinguer le délai de saisine du temps que met une juridiction à rendre sa décision. Il n'en demeure pas moins que si le délai de saisine est de cinq ans, on aura beau avoir une justice rapide, capable par exemple de se prononcer dans les six mois, le résultat sera quand même une décision prise trop tard, décrédibilisée et n'apportant rien au salarié.

S'agissant du référé, il ne faut pas sous-estimer la capacité de réaction des justiciables. On l'a bien vu dans l'ordre de la juridiction administrative, les justiciables sont tout à fait capables de réagir très vite : ils font une première requête dans le délai qui leur est imparti, ce qui permet au juge de commencer à travailler, et présentent ensuite un mémoire complémentaire.

Les amendements 84 et 850, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - L'article 37-5 traitant de la procédure contentieuse en cas de licenciement économique, il paraît plus logique de le placer en fin de chapitre, après l'article L. 321-15 consacré au même sujet. D'où l'amendement 998 du Gouvernement.

M. Dominique Dord, rapporteur - La commission ne l'a pas examiné mais, à titre personnel, avis favorable.

L'amendement 998, mis aux voix, est adopté.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 383 procède du même esprit que nos amendements précédents.

L'amendement 383, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 837 est en quelque sorte un amendement de repli par rapport à notre amendement de suppression : nous proposons de porter le délai de recours de quinze jours à un mois - ce qui est à notre avis un minimum pour que les parties puissent matériellement saisir le juge des référés, en évitant les difficultés que j'évoquais tout à l'heure.

J'observe que M. Fourgous, lui, va nous proposer de réduire ce même délai à huit jours : on voit bien de quel côté le porte sa conception du droit du travail. Que ne va-t-il jusqu'au bout de sa logique et que ne demande-t-il la suppression de tout délai ?

M. Jean-Michel Fourgous - Ce n'est pas au spécialiste des prud'hommes que vous êtes que je rappellerai la raison d'être des référés : abréger les délais ! Quant à l'ennemi des salariés, ce n'est ni le capital, ni l'entrepreneur, ni l'entreprise : c'est le chômage ! En réduisant le délai de recours à huit jours comme je le propose en effet par mon amendement 203, on abrégera une période difficile pour les deux parties et on sera fidèle à l'esprit de cette procédure.

M. Dominique Dord, rapporteur - La distance qui sépare ces deux amendements semble indiquer que le Gouvernement a trouvé un juste équilibre. Rejet, par conséquent.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Merci de cet hommage. Notre souci a été en effet de sécuriser les procédures tout en protégeant les droits de chacun. Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 203 est révélateur de ce que recherche M. Fourgous ! Plus vite le salarié sera mis au chômage, mieux ce sera, surtout si c'est sans appel ! La sécurité des entreprises sera assurée. Quant à celle des salariés...

L'amendement 837, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Michel Fourgous - Je renonce à mon amendement, ne voulant pas compromettre l'équilibre recherché par le Gouvernement !

L'amendement 203 est retiré.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 755 vise à rappeler que la régularité d'un licenciement doit s'apprécier à la fois sur la forme et sur le fond.

L'amendement 755, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 838, 322 et 57 tombent.

L'article 37-5 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 37-6

Mme Janine Jambu - Cet article « prétexte » est présenté par le Gouvernement comme un gage de sa volonté d'aider à la reconversion des territoires. Il s'agit pourtant de bien peu de chose : ces mesures ne lui coûtent rien et elles ne contribueront pas à responsabiliser les entreprises. Perdues dans la panoplie des dispositions visant à assouplir les règles du licenciement, elles apparaissent tout au plus comme un « ersatz » de l'article 118 de la loi de modernisation sociale.

Lorsqu'il s'agit de définir des droits nouveaux ou d'offrir des garanties aux salariés ou aux chômeurs, vous n'êtes guère portés à la précision ! Ainsi le texte ne dit mot de l'ampleur que devra revêtir le projet de licenciement pour que prenne effet cette obligation de contribuer à la réactivation du bassin d'emploi, mise à la charge des entreprises de plus de mille salariés. On ne sait pas non plus quels critères retiendra l'Etat pour décider d'intervenir ou non lorsque le licenciement économique sera le fait d'une entreprise de moins de mille salariés. Enfin, si l'effort est appelé à varier selon la taille des entreprises, celles-ci pourront dans tous les cas se libérer de l'obligation de réactivation en acquittant une contribution financière : les plus grosses risquent alors de percevoir ce mécanisme comme un permis de licencier, alors que les plus petites n'auront d'autre choix que de s'y engager sans disposer des moyens nécessaires.

L'article 118 de la loi de modernisation sociale comportait un dispositif de même inspiration, mais qui allait plus loin dans la logique d'un travail local en commun. En effet, les organisations syndicales de salariés et d'employeurs devaient être réunies avant la signature de la convention et elles étaient associées à l'application des mesures prévues. Désormais, elles ne seront plus que consultées...

Vous semblez ne pas vous intéresser réellement à l'essentiel, Monsieur le ministre délégué, c'est-à-dire à la réalisation concrète des mesures de revitalisation. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement de suppression de l'article.

M. Laurent Wauquiez - S'il est un dispositif évanescent, c'est bien plutôt la loi Guigou et son article 118, Madame Jacquaint. Au contraire, cet article 37-6 permet de vertébrer des actions dont l'expérience a montré qu'elles pouvaient alors être concluantes. Il évitera notamment les effets de domino constatés dans nombre de bassins, les licenciements effectués par une entreprise importante entraînant la défaillance des sous-traitants.

Cet article contient au moins trois dispositions intéressantes : il instaure un seuil minimum de contribution à la création d'emplois, d'un montant supérieur à deux fois le SMIC mensuel par personne licenciée ; moins restrictif en ceci que celui de l'article 118, le dispositif sera déclenché dès qu'il y aura licenciement d'ampleur, sans attendre la fermeture du site ; enfin, les sous-traitants et les entreprises de moins de mille salariés sont pris en compte.

Cependant, on ne peut se contenter de mécanismes défensifs et celui-ci ne trouvera sa pleine efficacité que parce qu'il s'appuiera sur la constitution de pôles de compétitivité, gages d'une attitude offensive en matière d'emploi.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 85 vise donc à supprimer l'article.

M. Dominique Dord, rapporteur - Dans cette affaire, chacun joue un peu à fonds renversés. M. Fourgous propose de rétablir la loi de modernisation sociale sur ce point, cependant que le groupe communiste en soutient la suppression définitive. Pour sa part, la commission considère bien entendu que cet article doit être maintenu, car il étend et précise le champ de l'ancien article 118. Désormais le fait générateur de la dynamique de revitalisation industrielle pourra être constitué par tout licenciement susceptible d'affecter l'équilibre du bassin d'emploi, même en cas de maintien de l'activité. Auparavant, la démarche de revitalisation n'intervenait qu'en cas de fermeture de site.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Madame Jambu, le texte n'est pas imprécis mais souple, car nous tenons compte des réalités de terrain. L'objectif est bien de compenser les effets déstabilisateurs de certains licenciements pour le bassin d'emploi, mais on ne peut enfermer le dispositif dans des critères trop rigides. L'expérience montre que certaines entreprises structurent l'ensemble d'un bassin d'emploi. Il est donc légitime que l'Etat puisse les aider à surmonter leurs difficultés. C'est pourquoi l'article 14 de la loi de finances pour 2005 dispose plusieurs moyens tendant à dynamiser les différents pôles de développement d'un bassin d'emploi considéré. Il faut être logique : soit on ne demande rien à l'Etat, soit on lui donne la possibilité d'assumer ses responsabilités. Pour cela, le préfet doit pouvoir disposer d'une étude d'impact territorial décrivant le rôle plus ou moins structurant de chaque entreprise. Bien entendu, le Gouvernement n'est pas favorable à la suppression de cet article.

L'amendement 85, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - J'avoue que je n'ai pas très bien compris la remarque de M. Wauquiez tendant à démontrer que l'intervention de Mme Jambu était « gazeuse »....

M. Laurent Wauquiez - Pas du tout ! Je parlais de l'article 118 de la loi de modernisation sociale.

Mme Muguette Jacquaint - Notre amendement 86 vise à ce que le décret d'application de l'article 118 de la loi de modernisation sociale soit publié dans les six mois suivant la promulgation du présent texte. Le premier paragraphe de cet article donne au représentant de l'Etat dans le département, en cas de licenciements prononcés par une entreprise occupant entre 50 et 1 000 salariés, et dont l'ampleur est de nature à affecter le bassin d'emploi, la possibilité de réunir l'employeur, les organisations syndicales et les élus intéressés. Cette réunion a pour objet de déterminer les moyens que l'entreprise peut mobiliser pour contribuer à la création d'activités et aux actions de formation professionnelle. Ce même paragraphe précise que la contribution est proportionnée au nombre d'emplois supprimés par l'entreprise et à ses capacités.

Le paragraphe II de l'article prévoit une contribution nouvelle, à la charge des entreprises de plus de 50 salariés dont les licenciements ont un effet déstabilisateur pour l'ensemble du bassin d'emploi. Il est également prévu que les entreprises de plus de 1 000 salariés apportent une contribution à la création d'activités et au développement de l'emploi dans le bassin affecté par la fermeture totale ou partielle de leur site. Cette contribution s'apprécie au regard du nombre d'emplois supprimés et des moyens de l'entreprise, et elle prend la forme d'actions propres de l'entreprise ou d'une participation financière auprès d'organismes habilités.

L'amendement 86, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Michel Fourgous - Mon amendement 323 traite des obligations de réindustrialisation. Le texte « Guigou-CGT » ne posait d'obligation de réindustrialisation en cas de plan social qu'aux entreprises de plus de 1 000 salariés. Non sans humour, notre rapporteur - souhaitant peut-être que l'on parle désormais de loi « Guigou-CGT-Dord » - propose tout bonnement d'étendre cette obligation aux boîtes en difficulté occupant moins de 1 000 salariés ! Décidément, l'humour de ceux qui, dans cet hémicycle, viennent de l'entreprise, est mis à rude épreuve !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Quant à nous, c'est de patience que nous devons nous armer !

M. Jean-Michel Fourgous - Certains, parmi vous, ont peut être remarqué que j'étais plutôt libéral... (Murmures) Mais il n'est nul besoin de l'être pour constater en toute objectivité que les contraintes s'exerçant sur l'ensemble des entreprises ne cessent d'augmenter. Avant de légiférer, la gauche ne consulte personne - sauf peut être, pour être juste, quelques grands cabinets de communication. Quant à la droite, elle ne se concerte qu'avec les organisations syndicales de salariés ! L'entreprise, personne ne s'en soucie, alors que c'est elle qui crée la richesse dans notre société. J'en appelle donc à la raison : on ne va tout de même pas renforcer les contraintes qui pèsent sur les PME en difficulté !

M. Dominique Dord, rapporteur - Faisant preuve de la malice que chacun lui connaît, M. Fourgous s'est bien gardé de défendre son amendement car il était sans doute un peu gêné de nous dire qu'il demandait le rétablissement - sur ce point précis - de la loi de modernisation sociale ! Je vous laisse donc juge : qui de lui ou de moi se fait l'allié objectif de Mme Guigou et de la CGT ? (Sourires)

Naturellement, la commission a repoussé cet amendement, l'article 37-1 - que M. Fourgous a voté - ayant définitivement supprimé l'article auquel il fait référence. Le souci de cohérence commande que notre collègue retire son amendement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Il ne s'agit pas de faire peser des charges supplémentaires démesurées sur les entreprises qui emploient de 50 à 1 000 salariés. On dénombre seulement 2 000 entreprises de plus de 1 000 salariés et, cœur battant de notre économie, elles sont plusieurs dizaines de milliers à employer entre 50 et 1 000 personnes. Est-il anormal de proposer que le représentant de l'Etat puisse, avec l'entreprise et en fonction de sa situation, déterminer les politiques à mettre en œuvre suite aux difficultés de cette entreprise ? L'Etat a des responsabilités globales sur les bassins d'emploi et à l'endroit de ceux qui y vivent. La loi de modernisation sociale, elle, générait des inégalités entre les salariés selon la taille de leur entreprise. Je souhaite donc que vous retiriez votre amendement, Monsieur Fourgous.

M. Jean-Michel Fourgous - C'est bien la loi Guigou qui a instauré l'obligation pour les entreprises de plus de 1 000 salariés de faire des efforts financiers de réindustrialisation ? Qu'en est-il dans le texte gouvernemental actuel ? De plus, proposez-vous ou non d'étendre ces obligations aux 30 000 entreprises qui emploient entre 50 et 1 000 salariés ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Une entreprise dispose de plusieurs moyens d'intervention pour contribuer au développement économique local - ressources foncières ou immobilières par exemple. Le représentant de l'Etat tiendra évidemment compte de ces possibilités. Nous proposons un dispositif souple et adapté.

J'ajoute que l'article 118 de la loi de modernisation sociale n'a jamais fait l'objet d'un décret.

Cinquante conventions ont aujourd'hui été signées par de grandes entreprises en faveur de la revitalisation de bassins d'emploi, une trentaine d'autres sont en préparation. Ce sont là des éléments essentiels pour la revitalisation des territoires.

M. Jean-Michel Fourgous - Je me montrerai bienveillant et compréhensif à l'endroit d'un gouvernement qui hérite d'une législation si peu adaptée aux réalités économiques : je retire donc mon amendement. Cela dit, je vous demanderai des précisions, Monsieur Dord.

L'amendement 323 est retiré.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - L'amendement 999 est de coordination.

M. Dominique Dord, rapporteur - La commission ne l'a pas examiné mais j'y suis à titre personnel favorable.

L'amendement 999, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - En cas d'impossibilité, pour l'entreprise, d'acquitter la contribution due, l'amendement 1000 permet au représentant de l'Etat de signer une convention visant à ce que cette contribution soit inférieure à deux fois le SMIC. Vous le voyez, nous prenons précisément en compte la situation des entreprises.

Mme Muguette Jacquaint - Et qui vérifiera ?

M. Dominique Dord, rapporteur - A titre personnel, je suis favorable à cet amendement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Qui vérifiera la situation réelle des entreprises ? De plus, certaines entreprises sont en difficulté en raison d'une mauvaise gestion. Et l'Etat devrait prendre en charge une partie de leurs obligations ? Il aurait fallu tenir compte des divers cas de figure susceptibles de se présenter.

Mme Muguette Jacquaint - Exactement. Tout le monde sait, par exemple, que la situation catastrophique d'Alstom est due à une gestion aventureuse. S'il faut œuvrer à la préservation des emplois, il convient également d'organiser de réels contrôles des entreprises. Et comment les fonds publics seront-ils utilisés ?

M. Christian Vanneste - Pourquoi mon amendement 933 n'a-t-il pas été mis en discussion commune avec le 1000 et pourquoi son examen est-il prévu après l'examen de l'amendement 934 ? Je suis perplexe quant à l'ordonnancement de nos travaux car je propose également que le représentant de l'Etat puisse abaisser la contribution d'une entreprise en difficulté, même si celle-ci n'est pas en redressement judiciaire ni en liquidation.

M. le Président - L'ordre des amendements dépend des alinéas auxquels ils sont rattachés. Mais, pour vous être agréable, je vous autorise à vous exprimer dès maintenant.

M. Christian Vanneste - Une entreprise doit certes s'adapter au marché, mais il est possible d'imaginer qu'entre les pouvoirs publics et les entreprises s'instituent des rapports de confiance, dès lors que l'Etat a des préoccupations différentes comme le précise mon amendement 934 relatif à la prise en compte de l'équilibre social de la population et du degré d'activité du territoire concerné. En effet, l'Etat doit entretenir de plus en plus des relations partenariales avec les entreprises comme ce sera le cas avec les pôles de compétitivité, comme c'est déjà le cas avec des administrations qui font des efforts comme les DRIRE ou les CODEFI.

Il serait temps de comprendre qu'il vaut mieux prévenir que guérir.

Lorsqu'une entreprise est en difficulté sans être en redressement ni en liquidation, sa contribution aux actions de revitalisation doit être réduite par l'Etat, qui est seul en mesure d'avoir une vision globale de la situation. L'amendement 934 lui offre en effet la possibilité de faire réaliser des études d'impact.

L'amendement 1000, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 934, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur - Le plan de sauvegarde peut comporter des mesures qui concourent à la revitalisation du bassin d'emploi. L'amendement 142 rectifié propose qu'il en soit tenu compte au moment où s'appliquent les dispositions de l'article L. 321-16.

L'amendement 142 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 143 est de coordination.

L'amendement 143, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 887 vise à exonérer les entreprises de moins de 50 salariés des dispositions de l'article 37-6.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Favorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je m'étonne de voir ainsi exclure du bénéfice de cet article un nombre non négligeable de salariés. Vous reconnaissez pourtant la forte contribution des petites entreprises à la création d'emploi ! Sans être un spécialiste du monde rural, j'y suis très attaché, et il me semble qu'une entreprise de quarante-huit salariés peut jouer un rôle aussi important pour un territoire rural qu'une entreprise de 800 ou 900 salariés dans une grande métropole. C'est justement au niveau du territoire que peut s'analyser l'impact du dispositif. Il serait donc plus pertinent de ne pas fixer de seuil.

M. Dominique Dord, rapporteur - Ce que vous dites est bel et bon. Je suis moi-même élu d'un territoire rural, et je sais qu'un plan de licenciement dans une entreprise de moins de cinquante salariés aura un impact sur le bassin d'emploi. Mais si l'entreprise en arrive là, c'est qu'elle va déjà très mal. Lui demander d'accompagner la revitalisation du bassin d'emploi relève donc du vœu pieux.

Mme Muguette Jacquaint - Je rejoins M. Le Bouillonnec. Dans bien des bassins d'emploi, le tissu industriel est aujourd'hui constitué de PME. Les entreprises de moins de cinquante salariés qui procèdent à des suppressions d'emplois sont souvent les sous-traitantes d'entreprises dont la situation financière est loin d'être catastrophique, mais qui leur imposent des conditions d'activité qui les fragilisent. Les PME ne sont pas toutes dans la même situation. Identifions l'origine de leurs difficultés avant de laisser leurs salariés en faire les frais.

L'amendement 887, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 888 est rédactionnel.

L'amendement 888, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Vanneste - L'amendement 935 est défendu. L'argumentation est la même que pour l'amendement 934.

L'amendement 935, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Nous l'avons dit, les restructurations affectant des PME peuvent avoir un impact sur le bassin d'emploi. Mais les moyens financiers de ces entreprises sont parfois limités. L'amendement 1001 propose donc que les modalités de leur contribution - qui ne sera pas nécessairement financière, Monsieur Fourgous - soient définies en concertation avec le préfet, au cas par cas.

M. Dominique Dord, rapporteur - Avis favorable. Le dispositif pourra ainsi être limité pour les entreprises de moins de 1 000 salariés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Voilà qui est totalement contradictoire. Nous venons de prévoir que le dispositif ne serait pas applicable aux entreprises de moins de cinquante salariés, et vous décidez maintenant - ce qui est judicieux - que pour les PME, qui ont souvent moins de cinquante salariés, l'Etat pourra intervenir. Il aurait mieux valu ne pas fixer de seuil ! Je précise d'ailleurs que les collectivités territoriales, les agences de développement économique et les missions locales travaillent beaucoup plus facilement avec les PME qu'avec les grandes entreprises.

L'amendement 1001, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 889 est un amendement de cohérence.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis favorable sous réserve d'une rectification : je souhaite remplacer les mots « ces dispositions » par les mots « les dispositions de l'alinéa précédent ».

M. Dominique Dord, rapporteur - Soit.

L'amendement 889 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 890 est un amendement de sécurisation juridique.

L'amendement 890, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 37-6 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A la demande du groupe UMP, je suspends la séance pour quelques instants.

La séance, suspendue à 11 heures 45, est reprise à 12 heures 5.

ART. 37-7

M. Hervé Novelli - Je souhaiterais élargir mon propos au-delà de la fixation de l'ordre du jour du comité d'entreprise, objet de cet article 37-7, en rappelant que la décision du conseil des prud'hommes de Soissons d'annuler le plan social lié à la fermeture de l'usine Wolber par Michelin et de réintégrer les 451 salariés licenciés, s'est fondée sur l'irrégularité de consultation du comité d'entreprise.

Le texte actuel du code du travail sur la fixation de l'ordre du jour du comité d'entreprise par le chef d'entreprise et le secrétaire du comité est utilisé pour retarder, voire bloquer, les consultations du comité, notamment celles menées lors de licenciements pour motif économique. En effet, un arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 1997 précise que si aucun accord ne peut être obtenu entre l'employeur et le secrétaire du comité, il appartient au plus diligent des deux de saisir le juge des référés pour résoudre le différend. La Cour va plus loin, indiquant que toute fixation unilatérale de l'ordre du jour invalide la consultation. L'employeur qui contreviendrait à cette obligation de décision conjointe commettrait un délit d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise et s'exposerait à des sanctions pénales puis à une éventuelle condamnation par le juge civil à reprendre toute la consultation, ce qui rallongerait d'autant la procédure de licenciement économique.

Les chefs d'entreprise sont obligés d'informer et de consulter le comité d'entreprise avant toute décision, notamment en matière de durée du travail, d'emploi, d'organisation du travail ou de formation. Ces consultations doivent se dérouler selon un échéancier fixé par la réglementation. Mais beaucoup de décisions doivent être prises dans des délais resserrés imposés par les contraintes économiques.

L'article 37-7, qui prévoit l'inscription de plein droit à l'ordre du jour du comité d'entreprise des consultations obligatoires, ne règle rien puisqu'il n'indique pas qui est à l'origine de l'inscription, ni si celle-ci requiert l'accord des deux parties. Le Sénat, puis notre commission, ont jugé utile de préciser que l'ordre du jour est fixé par le chef d'entreprise ou le secrétaire du comité. Cet ajout, hélas, ne règle rien puisque le désaccord entre les deux parties pourra porter sur le caractère obligatoire ou non de la consultation, ce qui ne fait que déplacer le contentieux. Le parallèle n'est en outre qu'apparent, étant donné que l'obligation de consulter pèse uniquement sur le chef d'entreprise et que son non-respect peut l'exposer, à titre individuel, à une sanction pénale et, à titre collectif, à un risque de nullité du plan social.

Je défendrai donc tout à l'heure un amendement 58, inspiré de la réglementation en vigueur pour le comité d'entreprise européen, tendant à laisser le dernier mot au chef d'entreprise en cas de désaccord persistant avec le secrétaire du comité.

Mme Janine Jambu - Cet article 37-7 parachève votre œuvre de régression sociale, muselant une nouvelle fois le comité d'entreprise et les représentants du personnel. Permettre que les consultations du comité, obligatoires de par la loi, la réglementation ou les accords collectifs, soient inscrites de plein droit à son ordre dujour revient à donner la maîtrise de l'ordre du jour au chef d'entreprise. Celui-ci peut commencer la procédure de licenciement, sans avoir à débattre préalablement de l'ordre du jour avec le secrétaire. Ainsi en arrive-t-on au paradoxe que l'ordre du jour sera fixé par accord entre les parties, sauf lorsqu'il porte sur des questions vitales pour les salariés ! C'est une atteinte très grave aux droits des salariés. Concrètement, il devient possible au chef d'entreprise de reporter indéfiniment les questions embarrassantes.

La seconde mesure concerne l'information du comité d'entreprise en cas d'OPA ou d'OPE, autrement dit, en cas de fusion-acquisition, laquelle a souvent des conséquences funestes en matière d'emploi. Souvenons-nous de Sanofi-Aventis, Sagem-Snecma, BNP-Paribas... La stratégie de l'entreprise ne concerne pas uniquement l'employeur et les actionnaires : les salariés aussi ont le droit d'être informés. Ils ne militent pas contre l'entreprise, ils n'en sont pas les ennemis, Monsieur Fourgous. Ils sont au contraire intéressés au premier chef à son développement et sa prospérité. S'ils s'élèvent contre certains choix, c'est lorsque ceux-ci se font au profit exclusif de quelques actionnaires, avides de dividendes toujours plus élevés. Le comité d'entreprise doit-il être informé par voie de presse ou bien préalablement à l'annonce publique de l'offre ? Lorsque celle-ci peut affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi des salariés, l'article 100 de la loi de modernisation sociale exige de privilégier l'information des salariés. La modification proposée revient sur l'article L. 432-1 du code du travail, qui date de 1946 et pose le principe général de la consultation du comité d'entreprise sur toutes « les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise ».

Ce nouveau recul social d'envergure montre, s'il en était besoin, les limites de votre discours sur l'équilibre. Pour les OPA et les OPE, les salariés seront simplement informés, et après publicité.

Vous vous plaignez de la complexité du code du travail. Elle est réelle, certes, à force d'introduire des dérogations en faveur du patronat, comme ce matin, comme déjà dans la loi NRE. Cet article est directement d'inspiration patronale. Le baron Seillière peut pousser des cris d'orfraie. En fait, c'est lui qui a tenu la plume.

Notre amendement 87 supprime donc l'article.

M. le Président - C'est le cas également de l'amendement 851 du groupe socialiste.

M. Dominique Dord, rapporteur - Rejet.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Défavorable !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Les deux premiers paragraphes de l'article ne posent pas de difficulté car ils reprennent des obligations légales. Ce qui est gênant, c'est la modification de l'article L. 432-1 bis. Le chef d'entreprise ne sera plus tenu de consulter le comité d'entreprise avant une OPA ou une OPE. Il l'informera dans les deux jours qui suivent. Le comité d'entreprise donnait un avis et faisait des observations motivées. Désormais il n'aura plus aucun effet sur l'appel d'offres.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je rappelle qu'il s'agit ici de la transposition obligatoire de l'article 6 de la directive européenne du 11 mars 2002.

Mme Muguette Jacquaint - Eh oui !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Madame Jacquaint, vous souteniez un gouvernement favorable à la transposition de cette directive. Il faut l'assumer.

Mme Muguette Jacquaint - Allez donc voir dans le compte rendu si Mme Jacquaint y était favorable ! (sourires)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Les deux premiers alinéas figuraient dans la directive, mais pas le troisième. C'est le Gouvernement qui introduit lui-même le dispositif concernant les OPA.

Les amendements 87 et 851, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Muguette Jacquaint - Je défends les amendements 89 et 88, mais auparavant, Monsieur le ministre, et sans polémiquer, sachez que, même avec un gouvernement de gauche, nous avons bataillé ferme pour faire accepter dans la loi de modernisation sociale des amendements dans l'intérêt des salariés.

Actuellement, l'employeur doit arrêter conjointement avec le secrétaire du comité d'entreprise l'ordre du jour des séances. Aucun des deux ne peut imposer à l`autre une rédaction. La jurisprudence le confirme depuis 1985, par exemple dans l'arrêt de la cour de cassation du 4 novembre 1997. Un autre arrêt du 6 mai 1986 indique que l'employeur qui fixe unilatéralement l'ordre du jour commet un délit d'entrave. C'est plus particulièrement lui qui doit rechercher l'accord, puisqu'il est chargé d'envoyer dans les délais légaux l'ordre du jour établi en commun. La cour de cassation a bien confirmé que l'employeur doit rechercher cet accord quel que soit l'objet, donc même lorsque la consultation résulte d'une obligation légale ou s'il s'agit d'une réunion supplémentaire décidée par lui seul.

Il y a donc un équilibre : si l'employeur décide unilatéralement, le secrétaire du comité peut s'adresser au juge des référés, que l'employeur peut lui aussi saisir si le secrétaire n'a pas de motif valable de s'opposer à l'inscription d'une question à l'ordre du jour. Les secrétaires de comité d'entreprise ont appris à utiliser cette arme notamment dans les procédures de restructuration.

Or, vous réaffirmez ici le principe de l'élaboration conjointe, mais vous le videz immédiatement de toute portée pratique, puisque l'employeur peut fixer unilatéralement l'ordre du jour si la consultation est obligatoire. Or, elles le sont toutes, car en fait la marche générale de l'entreprise oblige à consulter - et le code dit que l'employeur « doit » et non « peut » consulter.

En pratique, il devient donc maître de l'ordre du jour. C'est bien ce que le patronat souhaite depuis soixante ans et vous reprenez ainsi la proposition 36 du rapport de Virville.

Plus grave encore : la référence faite à une consultation rendue obligatoire par un accord collectif de travail légitime d'emblée les ordres du jour et le calendrier fixés à l'avance par un accord de méthode sans que le secrétaire puisse dire son mot. C'est un véritable contournement, dans ce cas précis, des attributions des comités d'entreprise au profit d'accord dérogatoires signés, le cas échéant, par des syndicats minoritaires. Qui plus est, le nouveau texte permettra aux employeurs de tenter d'évacuer ou d'abréger les discussions sur le livre IV du code du travail au profit du livre III. Même en l'absence d'accord de méthode, la phrase litigieuse rend l'employeur maître du calendrier des consultations.

Telles sont les raisons qui motivent nos amendements 89 et 88.

M. Dominique Dord, rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements, qui ne règlent rien au problème d'un éventuel désaccord.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Défavorable pour les raisons déjà exposées.

L'amendement 89, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 88.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 144 est rédactionnel.

M. Hervé Novelli - L'article L. 434-3 dit que l'ordre du jour est fixé par le président et le secrétaire, mais reste silencieux sur un éventuel désaccord entre les parties, ce qui, dans le cas des consultations obligatoires, débouche sur des contentieux allongeant inutilement les procédures. Le Sénat a jugé utile de préciser que, dans le cas des consultations obligatoires, l'ordre du jour est fixé par le président ou le secrétaire, ce qui ne règle malheureusement pas le problème et ne fait que déplacer l'objet du contentieux, puisque le désaccord entre les deux parties pourra porter sur le caractère obligatoire de la consultation prévue. Je propose donc, par l'amendement 58, de laisser dans ce cas-là le dernier mot au chef d'entreprise. Celui-ci étant le seul sur lequel pèse l'obligation de consulter, il est normal que lui revienne en contrepartie le pouvoir d'arrêter in fine l'ordre du jour.

Mme Muguette Jacquaint - Et voilà !

M. Dominique Dord, rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, qui me paraît satisfait par le 144.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - M. Novelli pointe à juste titre un facteur de blocage, qui conduit à faire primer la procédure pour la procédure sur la recherche d'une solution par le dialogue. Mais je crois que l'amendement 144 répond bien à sa préoccupation en affirmant clairement la faculté, soit de l'employeur, soit du secrétaire du comité d'entreprise, d'inscrire unilatéralement à l'ordre du jour les consultations obligatoires. C'est pourquoi je prie M. Novelli de bien vouloir retirer son amendement.

L'amendement 58 est retiré.

L'amendement 144, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Dord, rapporteur - L'amendement 145 est rédactionnel.

L'amendement 145, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 59, 60, 1006 et 1003 rectifié peuvent être mis en discussion commune.

M. Hervé Novelli - Je présenterai conjointement les amendements 59 et 60.

La décision du conseil des prud'hommes de Soissons, en date du 5 novembre dernier, oblige sous astreinte le groupe Michelin à réintégrer les 451 salariés licenciés de l'entreprise Wolber, le plan social ayant été frappé de nullité. Cette décision confirme le caractère absurde de la jurisprudence « Samaritaine ». Cinq ans après le licenciement des salariés, alors que l'usine de pneumatiques a été fermée sur le site français et déménagée en Inde et que la grande majorité des salariés concernés ont retrouvé un emploi, le groupe Michelin va donc être obligé de négocier un accord précisant leurs conditions de réintégration !

On voit bien ce que cette décision a d'irréaliste et ce que cette affaire a d'emblématique. Emblématique des incohérences de notre droit du travail, qui dessert l'embauche à force de multiplier les obstacles au licenciement ; emblématique aussi du paradoxe qui fait que nous avons en France un chômage deux fois plus élevé qu'en Grande-Bretagne, et en tout état de cause un des plus élevés d'Europe, en même temps qu'un droit du travail parmi les plus protecteurs au monde. Tout cela ne fait que pousser les employeurs à tenter de contourner le cadre du licenciement collectif et du plan social. Il y a ainsi trois fois plus de licenciements individuels que de licenciements économiques.

Pour régler le problème, je propose dans mon amendement 59 que la nullité résultant du défaut de plan de sauvegarde pour l'emploi ou de son inconsistance ne soit qu'une nullité partielle. Les licenciements prononcés dans ce cadre, et de ce fait illicites, doivent alors donner lieu soit au versement d'une indemnité, soit à une réintégration, celle-ci étant subordonnée à l'accord des deux parties - salarié et employeur. Mon amendement 60 pose quant à lui que la réintégration n'est pas de droit quand le site ou l'établissement dans lequel travaillaient les salariés au moment de leur licenciement ont définitivement fermé.

M. Jean-Michel Fourgous - Nos débats auront peut-être l'avantage de faire sentir à l'administration le découragement qui gagne les entreprises au vu d'une obligation comme celle de réintégrer des salariés licenciés. Je me rappelle d'ailleurs qu'au moment du vote de la loi Guigou, un leader syndical avait déclaré que ce texte ne servait pas l'emploi. Si le Gouvernement veut absolument garder le principe de réintégration, qu'il remette au moins en cause l'indemnité de douze mois, qui se rajoute dans beaucoup de cas à celle de six mois, et l'exécution provisoire prévue par la loi Guigou !

Le risque est grand, sinon, de conduire droit au dépôt de bilan bon nombre de PME, alors que ce sont elles les plus créatrices d'emploi. Si un salarié refuse la réintégration, une PME pourrait être obligée de lui verser douze mois de salaire, ce qui peut représenter pour elle l'absorption de plusieurs années d'équilibre.

Je distingue donc trois problèmes que j'appelle le Gouvernement à régler : celui de l'exécution provisoire, celui de la réintégration et celui du coût en cas de non-réintégration. J'ai le plus grand respect pour les fonctionnaires, l'ayant été moi-même, mais ce sont les entrepreneurs qu'il faut écouter par priorité car ce sont eux qui créent des emplois en prenant des risques tous les jours. Je souhaite donc que le Gouvernement fasse preuve de la plus grande vigilance dans cette affaire mais, soucieux de maintenir avec lui un climat de confiance, je retirerai mon amendement 1006. Je le ferai non sans douleur, dois-je ajouter, et j'attends donc que l'on nous explique comment se passent les négociations car j'avoue que nous avons parfois quelque mal à en saisir la logique.

L'amendement 1006 est retiré.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Parce qu'il partage vos préoccupations, Messieurs Novelli et Fourgous, le Gouvernement a déposé un amendement 1003 rectifié qui vise à aménager de façon pragmatique les règles de la réintégration. Le juge aura désormais à prendre en compte l'impossibilité matérielle de réintégrer un salarié licencié, que cette impossibilité résulte de la disparition de l'entreprise ou de l'absence d'emploi disponible. La pérennité des entreprises sera ainsi mieux garantie, Monsieur Novelli.

D'autre part, nous allons proposer aux partenaires sociaux une réflexion plus générale, afin de mettre davantage de rationalité dans les obligations imposées aux uns et aux autres. Le réalisme veut que nous agissions en sorte que chacun soit gagnant, en termes de sécurité comme de souplesse offerte.

Vous avez retiré votre amendement, Monsieur Fourgous, mais vous avez eu raison de soulever les problèmes de délais auxquels sont confrontées les PME. Sur ce point aussi, nous comptons réfléchir aux voies et moyens d'un meilleur équilibre et, si nous n'avons pas voulu toucher à ce point dans le projet, nous laissons toutes les perspectives ouvertes.

M. Dominique Dord, rapporteur - La commission a repoussé les amendements de M. Novelli.

Il y a certes quelque chose d'absurde à prononcer une décision de réintégration quand elle est matériellement inapplicable et en laisser subsister la possibilité dans nos textes relève d'une certaine hypocrisie. L'amendement du Gouvernement réglera une bonne partie de la question.

Cette obligation de réintégration agit visiblement comme un chiffon rouge sur les chefs d'entreprise, mais il faut ramener les choses à leur juste mesure : une fois que seront exclues les réintégrations matériellement impossibles, ces dispositions concerneront moins d'une centaine de cas par an. Je me rallie donc à la synthèse proposée par le Gouvernement, d'autant que l'idée avancée par M. Borloo d'un statut du licencié intermédiaire entre le salariat et le chômage me semble de nature à régler, si elle prenait corps, l'ensemble du problème.

M. Hervé Novelli - Je salue le réalisme du Gouvernement, mais j'appelle à nouveau son attention sur les difficultés qui résultent pour les PME du montant élevé de l'indemnisation.

Au bénéfice de cette observation, je retire mes amendements.

Les amendements 59 et 60 sont retirés.

Mme Muguette Jacquaint - Si j'osais, je dirais qu'au chiffon rouge évoqué par le rapporteur, le Gouvernement répond en agitant le drapeau blanc ! (Sourires)

M. Denis Jacquat - Pas mal !

Mme Muguette Jacquaint - Que MM. Novelli et Fourgous retirent leurs amendements ne peut étonner : le ministre délégué vient de leur donner entière satisfaction, à eux et au Medef ! Cet amendement 1003 rectifié revient en effet, sous couvert de bon sens, sur la jurisprudence Samaritaine qui oblige à réintégrer le salarié victime d'un licenciement abusif. Ce droit est désormais remis en cause, notamment parce que l'entreprise pourra s'abriter derrière la disparition d'un établissement ou d'un site. On fait comme si la réintégration n'était pas de la responsabilité de l'entreprise ou du groupe, de même que la recherche d'un reclassement préalable au licenciement.

Ainsi, alors que les salariés Wolber pourraient parfaitement être réintégrés dans le groupe Michelin, ce dernier pourrait, grâce à votre amendement, opposer la disparition de l'entreprise de Soissons : quand on prétend travailler pour la cohésion sociale et lutter contre le chômage, on peut faire mieux, Monsieur le ministre, qu'autoriser les employeurs à licencier, même sur des fondements suspects, sachant qu'ils ne pourront plus être condamnés à réintégrer leurs salariés ! MM. Novelli et Fourgous, Gouvernement et Medef : même combat !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement du Gouvernement, par son dispositif technique même, aboutit à une contradiction. En l'état actuel, le premier alinéa de l'article L. 122-14-4 prévoit deux cas. Tout d'abord, le tribunal peut constater que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; il va alors proposer la réintégration et, en cas de refus d'une des deux parties, décider l'indemnisation du salarié. Mais, deuxième cas, il peut constater la nullité de la procédure : il doit alors ordonner la réintégration. C'est sur cette deuxième situation que vous intervenez mais, curieusement, vous aboutissez à mieux protéger l'entreprise responsable d'une procédure viciée que l'entreprise licenciant sans fondement, l'indemnisation intervenant chaque fois que la réintégration prononcée pour non-respect de la procédure sera impossible. Que n'avez-vous imposé les mêmes dispositions dans les deux cas ? Il y a une vraie contradiction et la logique suivie est même un peu pousse-au-crime. A l'extrême, l'employeur qui ne motive pas le licenciement s'en sortira mieux que celui qui se conforme au code. Il semble donc indispensable d'harmoniser les procédures.

M. Francis Vercamer - Je suis sensible aux interventions de mes différents collègues. M. Novelli soulève à juste titre les difficultés pratiques qui s'attachent à la réintégration d'un salarié, même si l'entreprise est toujours en activité. Compte tenu des délais de jugement, la décision de réintégrer intervient plusieurs années après le licenciement, alors même, le plus souvent, que le salarié a pris une tout autre voie. Les obstacles juridiques évoqués par M. Le Bouillonnec méritent également d'être considérés. Pour ma part, je plaide pour une évolution tendant à ne prononcer la réintégration que si les parties en présence sont d'accord pour jouer le jeu.

M. Laurent Wauquiez - L'intervention de M. Le Bouillonnec à propos de l'article L. 122-14-4 du code du travail était précise mais incomplète. En effet, le code distingue bien trois cas de figure - et non pas deux. Premier cas, le licenciement est intervenu sans que la procédure soit respectée. La réparation prend alors la forme d'une régularisation formelle. Deuxième situation, il est procédé à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le tribunal peut alors - mais ce n'est qu'une faculté - prononcer la réintégration du salarié. Enfin, et c'est l'objet de nos préoccupations, si le tribunal constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, il prononce la nullité du licenciement et ordonne, à la demande du salarié, la poursuite du contrat de travail. Lorsque le salarié ne demande pas sa « réintégration », le tribunal lui octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.

L'amendement du Gouvernement permet d'atteindre un équilibre. Je rappelle en effet que le principe fondamental du droit de travail en matière de réparation pour licenciement abusif n'est pas le droit à réintégration mais celui de percevoir une indemnisation du préjudice subi. Ce serait en effet offrir une garantie bien fallacieuse que d'obliger un salarié à continuer de travailler sous l'autorité d'un employeur avec lequel il a été en conflit devant les prud'hommes ! La chambre sociale de la Cour de cassation est formelle : nul texte n'interdit de licencier ; ce qui fait principe, c'est l'obligation de réparer le préjudice causé par une procédure abusive. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP - CQFD !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Tout cela est parfaitement inexact !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Je crois que l'on peut remercier M. Wauquiez d'avoir éclairé la représentation nationale sur les principes fondamentaux du droit du travail. Ce qui nous importe le plus, dans le cadre de ce texte, c'est d'adapter notre tissu industriel et de permettre aux talents des salariés de s'exprimer, au profit de leur propre épanouissement et de la prospérité du bassin d'emploi auquel ils appartiennent. Dès lors, la vieille idée selon laquelle l'entreprise procédant aux licenciements serait bien placée pour orchestrer le reclassement de ses anciens salariés doit sans doute être abandonnée. Une entreprise en difficulté de Maubeuge peut-elle valablement organiser la réinstallation à Montpellier d'un salarié licencié ? Le système actuel ne sert ni les intérêts des salariés, ni ceux du bassin d'emploi.

J'en parle d'expérience car je viens de l'arrondissement qui a vécu la plus grande catastrophe économique d'Europe occidentale du dernier demi-siècle ! Les grandes entreprises publiques ayant fait faillite, nous avons été bien contents de parvenir à attirer des entreprises privées japonaises, canadiennes, allemandes et américaines. Et sur quoi d'autre que la ressource humaine auraient-elles pu s'appuyer pour organiser le redressement de notre bassin industriel ? Le véritable enjeu, c'est la valorisation de l'humain. Ce n'est pas en emballant la machine à contentieux que l'on sert le mieux les intérêts des salariés.

Ce que nous proposons - et je mesure qu'il y a là l'amorce d'une réforme radicale -, c'est de mutualiser les besoins d'emploi en créant des agences de valorisation des ressources humaines à l'échelle du bassin d'emploi. Il ne faut plus laisser partir les talents des salariés en recherche d'emploi à l'ANPE et dans les circuits d'indemnisation du chômage. Tout doit être fait pour mobiliser les compétences des salariés qui subissent ces mutations et pour les offrir aux entreprises du secteur en préservant leurs conditions d'emploi antérieures. Tirons profit de l'expérience norvégienne. Les contrats intermédiaires, d'une durée de neuf à quinze mois, permettent d'organiser dans de bonnes conditions le retour à l'emploi du salarié et de répondre directement aux besoins du bassin d'emploi. Nous avons transmis notre proposition aux partenaires sociaux et ils sont disposés à l'étudier plus avant. Ils nous disent : « Chiche ! L'idée va dans le sens de l'adaptation ». Les agences de mutualisation des moyens humains seraient financées par l'UNEDIC et par les entreprises elles-mêmes, et elles assureraient le pilotage du fonds de reconversion et de mutualisation créé par l'article 14 de la loi de finances pour 2005.

Sur ce projet, nous saisirons officiellement les partenaires sociaux le 15 décembre prochain. Je suis déterminé à surmonter les obstacles techniques et à faire tourner le modèle quelques mois pour le roder. Nous profiterons du rendez-vous conventionnel avec l'UNEDIC pour en dresser un premier bilan. L'objectif qui ne nous quitte jamais, c'est de faire en sorte que les mutations soient profitables à l'individu comme à la collectivité à laquelle il appartient.

S'agissant des problèmes de financement des procédures, évoqués par M. Wauquiez, il serait particulièrement désastreux que l'application du dispositif entraîne finalement la mort de certaines entreprises...

M. Hervé Novelli - Tout à fait !

M. le Ministre - Mon collègue Christian Jacob présentera un projet de loi de soutien aux entreprises dans le courant du prochain semestre. Je lui proposerai de réfléchir dans ce cadre aux modalités de validation des différentes évolutions que nous envisageons, en liaison avec les partenaires sociaux et avec les gestionnaires de l'assurance chômage.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de soutenir l'amendement de synthèse que vous soumet le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Muguette Jacquaint - J'ai bien entendu vos propos sur la mutualisation des moyens, Monsieur le ministre, mais vous savez comme moi que des entreprises provisionnent des millions pour licencier et que le paiement d'une cotisation ne les dérange en rien. Il serait préférable que de telles sommes soient utilisées à la formation des salariés.

L'amendement 1003 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 37-7 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Je vous informe qu'à la demande du Gouvernement, nous examinerons les articles 60 à 66 relatifs à l'accueil et à l'intégration des personnes issues de l'immigration après l'examen de l'article 38 bis. Nous reprendrons ensuite le cours normal des articles.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures 30.

La séance est levée à 13 heures 15.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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