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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 39ème jour de séance, 93ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 8 DÉCEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      RETRAITES DES MAÎTRES
      DE L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ 2

      ARTICLE PREMIER 16

      ART. 2 20

      APRÈS L'ART. 2 21

      APRÈS L'ART. 3 22

La séance est ouverte à neuf heures.

RETRAITES DES MAÎTRES DE L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Yves Censi et de plusieurs de ses collègues visant à améliorer les retraites des maîtres de l'enseignement privé sous contrat.

M. Yves Censi, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Justice sociale et liberté de choisir le mode d'exercice de sa profession, tels sont les enjeux fondamentaux qui sous-tendent le texte dont nous allons débattre. Présentée par près de trois cents de nos collègues, cette proposition de loi constitue une avancée considérable dans le sens de l'équité sociale. Je tiens à remercier le président Dubernard pour son appui éclairé, les présidents des groupes - et plus particulièrement Bernard Accoyer - pour leur esprit d'ouverture et le président Debré pour son soutien constant. Enfin, je souhaite rendre hommage à François Fillon et à Jean-Pierre Raffarin. Leur reconnaissance immédiate de notre initiative va permettre de résoudre un problème en suspens depuis trop longtemps. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Nous allons donc légiférer dans le droit fil de la loi Debré de 1959 et de la loi Guermeur de 1977. Les deux mesures que nous proposons tendent à lever toute ambiguïté sur le statut des maîtres, à sécuriser les établissements qui les emploient et à préciser les responsabilités de l'Etat. Nous confortons le rôle de chacun, dans le respect des singularités, pour ceux qui souhaitent les assumer. Nous affirmons dans le même temps la force de l'éducation nationale, de l'enseignement public - qui est commun à tous - et le respect de ce qu'il est convenu d'appeler le « caractère propre », lequel trace le cadre légal de l'exercice de nos différences.

M. Christian Vanneste - Très bien !

M. le Rapporteur - Par ailleurs, en favorisant l'équivalence des droits sociaux et en permettant une normalisation générale des droits à la retraite, nous affirmons qu'il est possible d'être différents sans s'en excuser et sans pour autant admettre l'inégalité de nos droits fondamentaux. Chacun a donc compris qu'il s'agit d'un enjeu d'intérêt national et en aucune manière de mesures catégorielles. C'est tout le génie des lois Debré et Guermeur d'avoir exigé de chacun qu'il prenne tout à la fois les responsabilités qui lui sont propres et celles qui incombent à l'ensemble de la nation. N'est-ce pas du reste le fondement de l'équité : ce qui, en apparence, ne semble s'appliquer qu'à quelques-uns, profite en réalité à l'ensemble du corps social. Croire que les établissements privés sous contrat sont seuls responsables de leur destin et que l'Etat n'est en charge que de l'éducation nationale ne serait pas conforme à l'idée que nous nous faisons des devoirs de la République. Chacun à sa place est responsable de l'ensemble de l'édifice.

Alors, oui, la loi fondatrice a été bien faite, dans un climat bien plus tendu que celui qui prévaut maintenant, et nous pouvons apprécier le caractère visionnaire de l'affirmation selon laquelle il est possible de remplir une mission de service public sans être fonctionnaire. La culture du contrat s'étant diffusée dans la société, nous comprenons mieux aujourd'hui combien la qualité d'agent public des enseignants des établissements privés sous contrat d'association correspond à un véritable statut, qui ne doit pas donner lieu à des interprétations hasardeuses ou se définir seulement par référence à un contentieux générateur de peurs et de retards sociaux.

La question des droits sociaux est intimement liée à la reconnaissance d'un statut contractuel précisément défini, car elle s'accompagne inévitablement d'une affirmation des droits et des devoirs correspondants. A ce titre, comment imaginer que pour un même service et pour un même employeur, un agent public et un fonctionnaire ne bénéficient pas de droits à pension équivalents ? La présente proposition ne crée par conséquent aucune mesure hasardeuse, aucune innovation pouvant heurter : elle se borne à réaffirmer des principes parfaitement conformes à nos principes fondamentaux.

Un mot sur la démarche. Chaque partenaire du dialogue social doit être en mesure d'apprécier l'ensemble des conséquences de ce texte. La loi doit donc être claire et lisible par tous. Nous avons veillé à ce que n'y figure aucun alinéa relevant du domaine réglementaire afin que la démocratie sociale joue pleinement son rôle, après que la démocratie parlementaire aura fixé le cadre général. Cette méthode doit permettre aux partenaires sociaux comme à l'éxécutif, Monsieur le ministre, de dégager les solutions les plus pérennes et les mieux partagées. Là encore, chacun doit prendre sa part de responsabilité, à l'intérieur du cadre posé par la loi. A cet égard, nous avons voulu que le texte ne prédétermine pas à l'excès les modalités d'application des principes qu'il énonce. Certains s'en seraient peut-être trouvés rassurés, mais cela peut conduire à un déni de responsabilité contraire à l'exigence démocratique. Le respect du rôle de chacun dans le dialogue social est un gage de paix civile. C'est forts de ces principes républicains que nous sommes parvenus à un texte de progrès et d'équilibre.

Notre commission des affaires culturelles a reconnu que la proposition de loi ne vise aucunement à fonctionnariser les maîtres contractuels, puisqu'elle clarifie leur statut d'agent public de l'Etat. Qu'il soit provisoire ou définitif, le contrat de droit public lie chaque maître à l'Etat. Cependant, sa nature particulière a donné lieu à un débat, en particulier pour ce qui concerne celui liant les maîtres enseignant dans les établissements privés sous contrat d'association.

Dans les établissements privés sous contrat simple, les personnels enseignants sont sans ambiguïté liés à leur école par un contrat de droit privé régi par le code du travail. Les dispositions du texte relatives au statut des maîtres ne concernent donc pas les écoles sous contrat simple. Par ailleurs, dans tout contrat, l'Etat reste employeur et peut rompre le lien. Cependant, s'agissant des maîtres des établissements privés sous contrat d'association, le Conseil d'Etat considère que ce lien est celui qui unit un agent contractuel de droit public à l'Etat, car le maître contractuel enseignant dans un établissement privé n'exerce pas une activité privée mais exécute une mission de service public. La loi ne reconnaît d'ailleurs qu'un enseignement public : du point de vue juridique, l'expression « enseignement privé » appliquée aux établissements sous contrat est un abus de langage.

Pour la Cour de cassation, en revanche, le contrat reste de droit privé car l'employeur direct du maître est l'établissement privé ; le contrat relève donc du code du travail et les contentieux entre signataires ressortissent de la juridiction des prud'hommes. D'où l'ambiguïté que la proposition entend lever. Si cette divergence d'appréciation des deux ordres de juridiction ne s'est pas traduite par des conflits de jurisprudence matériellement préjudiciables aux enseignants, elle trouble néanmoins le bon fonctionnement des établissements, et il convient de clarifier une situation que les commentateurs signalent comme l'une des zones majeures de difficultés de l'édifice législatif.

Cette double facette juridique n'est pas satisfaisante. Elle a donné lieu ces dernières années à un contentieux croissant, majoritairement devant les juridictions de l'ordre judiciaire. Elle pénalise les établissements et les gestionnaires du régime des maîtres contractuels.

La proposition de loi sort le contrat des maîtres du code du travail. Leurs titulaires doivent cependant pouvoir continuer à bénéficier des institutions sociales et des droits qui sont les leurs à ce jour. Au même titre que les enseignants titulaires de la fonction publique travaillant dans une classe sous contrat d'association, les maîtres contractuels pourront bénéficier de la représentation syndicale, de la protection des délégués du personnel, des avantages des comités d'entreprise et des comités d'hygiène et de sécurité. En effet, comme les fonctionnaires détachés, l'exercice de leur activité professionnelle dans un établissement privé justifie qu'ils bénéficient de ces dispositions, à défaut de dispositions équivalentes ou de réglementation établie sur ces points dans l'enseignement public.

La commission a ensuite précisé certaines des conséquences juridiques de la proposition de loi. Concernant les comités d'entreprise, les maîtres contractuels doivent pouvoir continuer à être électeurs et éligibles. Les inspecteurs du travail pourront être amenés à intervenir en cas de réclamation concernant les élections, puisque cette attribution d'ordre technique ne concerne pas le statut d'agent public ou l'Etat employeur. En outre, comme pour l'élection des délégués du personnel, les tribunaux d'instance ne peuvent que rester compétents pour connaître des litiges. Une obligation de versement de contributions par les établissements privés devrait toutefois être prévue, afin de préserver le financement des comités d'entreprise, l'Etat ne pouvant pas apporter son concours à ces structures privées. Un amendement sera présenté en ce sens par notre collègue Lionnel Luca.

Par ailleurs, en matière de compensation du temps de représentation des enseignants délégués syndicaux, délégués du personnel, ou membres d'un comité d'entreprise, les règles explicites du droit public s'appliqueront. En matière de convention collective, la situation actuelle peut perdurer. Il n'existe pas de tels accords concernant les maîtres contractuels et il ne peut du reste en exister, compte tenu de leur qualité d'agent public. On peut d'ailleurs ainsi observer que cette qualité a toujours prévalu depuis 1959. Les conventions collectives sont conclues avec les syndicats représentatifs des personnels travaillant dans les établissements privés et concernent l'ensemble des maîtres du primaire, professeurs du secondaire des classes hors contrat, services administratifs, techniques et économiques, documentalistes des classes hors contrat, animateurs et psychologues.

La couverture par l'assurance maladie des maîtres contractuels a été redéfinie par l'article 12 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 qui a donné sa gestion au régime spécial des fonctionnaires. Je tiens à ce titre à rendre hommage à l'action décisive de Philippe Douste-Blazy et de Xavier Bertrand.

En ce qui concerne la prévoyance, une partie de celle-ci étant prise en charge par l'Etat, il reviendra aux partenaires sociaux - qui ont validé la décision de constituer un groupe de travail sur ce sujet dans le relevé de conclusion du 21 octobre 2004 - de faire des propositions, afin que l'ensemble des situations soient couvertes d'ici au 1er septembre 2005, date d'entrée en vigueur du présent texte.

Concernant l'institution d'un régime de retraite additionnel, la proposition de loi vise à répondre là encore à l'exigence d'équivalence des situations dans lesquelles sont placés les maîtres titulaires de l'enseignement public et les maîtres des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat. Ce principe de traitement social équitable résulte de la loi Guermeur du 25 novembre 1977.

Le dispositif législatif mettant en place un régime public additionnel de retraite, assorti d'un financement de l'Etat, fait l'objet d'un amendement du Gouvernement, l'article 40 de la Constitution ne nous permettant pas de faire adopter un tel dispositif. A ce titre, je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir déposé cet amendement comme le souhaitait la commission. Ce nouveau régime compensera la disparition de l'indemnité de départ à la retraite, mais bien entendu, les maîtres partant à la retraite dans les prochaines années, bénéficieront d'un dispositif transitoire d'indemnité dégressive, mis en place grâce à un amendement que je présenterai tout à l'heure avec mes collègues Paillé et Estrosi et qui sera, je l'espère, accepté par le Gouvernement

Je souhaite que cette proposition de loi, qui est la nôtre, recueille un vote favorable largement consensuel. Ainsi aurons-nous complété l'édifice législatif des lois Debré et Guermeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Si le sujet de l'enseignement privé enflammait autrefois les passions, nous allons avoir aujourd'hui un débat serein et consensuel autour d'une proposition de loi qui clarifie le statut juridique des enseignants du privé et rapproche le montant de leur retraite de celle de leurs homologues du public. Ce texte, qui répond aux préoccupations légitimes de l'ensemble des acteurs de l'enseignement du privé, fait également écho au souci de la nation de voir la liberté d'enseignement pleinement garantie et reconnue, dans le respect des textes en vigueur. Deux millions d'enfants sont aujourd'hui scolarisés dans le privé, 140 000 enseignants et 60 000 autres personnels y travaillent. A côté du service public de l'éducation nationale, qui demeure l'instrument structurant de la nation, l'enseignement privé contribue utilement et efficacement à la mission éducative de notre pays.

Je remercie le rapporteur pour l'ampleur et la qualité de son travail, qui a permis d'aboutir à un texte juste et équilibré. Mes remerciements vont également au président Dubernard pour son soutien sans réserve et sa clairvoyance, qui a permis de sécuriser la procédure d'étude de cette proposition de loi.

C'est Michel Debré qui est le père du dispositif qui régit aujourd'hui les relations entre les établissements d'enseignement privé et l'Etat. Défendant la loi du 31 décembre 1959, son objectif était d'affermir la liberté d'enseignement en disposant que l'enseignement privé serait dispensé selon les programmes et les méthodes de l'enseignement public, par des maîtres exerçant une mission de service public dans des établissements privés liés à l'Etat par contrat, mais dont le caractère propre serait garanti par la loi. Mais cette double facette juridique des établissements d'enseignement privé est devenue une source permanente de contentieux. Aussi est-il légitime que l'Etat, garant de l'équilibre instauré par la loi de 1959, y porte remède, répondant à la double exigence d'équité pour les familles et les maîtres qui ont choisi l'enseignement privé, et de juste répartition des charges entre l'Etat employeur et les établissements.

L'article premier de la proposition de loi dissipe l'ambiguïté sur le statut des maîtres contractuels de l'enseignement privé, qui sont aujourd'hui considérés par le Conseil d'Etat comme des agents contractuels de l'Etat et par la Cour de cassation comme des salariés de droit privé de leur établissement. Il rappelle, conformément à l'esprit de la loi de 1959, la prééminence du lien qui les rattache à l'Etat, laquelle fait obstacle à ce qu'ils soient liés par un contrat de droit privé à leur établissement. C'est à fort juste titre que le texte signifie, par les mots « en leur qualité d'agents publics », qu'il ne s'agit que d'expliciter un principe juridique contenu dans le texte de 1959. C'est en effet l'Etat qui recrute les maîtres contractuels. L'accord de la direction de l'établissement et l'autorité qu'exerce sur eux le chef d'établissement n'en font pas des salariés de l'établissement. La proposition de loi en tire toutes les conséquences, empêchant que la juridiction prud'homale se reconnaisse à l'avenir compétente pour statuer sur les litiges les concernant assimilant l'établissement privé au sein duquel ils exercent leurs fonctions à leur employeur en lieu et place de l'Etat. La proposition de loi rétablit ainsi, fort justement, chacun dans ses obligations.

Les droits des maîtres du privé, leurs droits syndicaux en particulier, ne sont en rien touchés. De même, la prééminence du lien de droit public qui les unit à l'Etat ne remet pas en question leur affiliation aux régimes ARRCO et AGIRC, non plus que leur régime de prévoyance. Il est normal que les maîtres continuent de bénéficier de cet acquis : il conviendra d'en discuter avec les partenaires sociaux, notamment l'AGIRC.

Le Gouvernement se félicite que la commission ait cherché à sécuriser les conditions d'emploi des maîtres, assurant en particulier, dans des conditions définies par décret, une priorité d'accès aux postes vacants pour les enseignants titulaires d'un contrat définitif dont le service est supprimé ou réduit, les enseignants bénéficiant d'un contrat provisoire préalable à l'obtention d'un contrat définitif, les lauréats de concours. Il se félicite également du dépôt de plusieurs amendements, notamment celui de M. Lionnel Luca qui clarifie la situation en matière de droits syndicaux, et celui de M. Yvan Lachaud concernant le rôle du chef d'établissement.

La commission enfin a souhaité que les dispositions relatives à la création d'un régime additionnel de retraite, qui risquaient de tomber sous le coup de l'article 40, soient présentées par le Gouvernement lui-même. Elle a donc proposé de supprimer le deuxième alinéa de l'article premier, le Gouvernement soumettant un amendement largement inspiré du texte initial de la proposition de loi.

Au terme d'un travail parlementaire exemplaire, voilà un texte qui rétablit l'équité entre enseignants du privé et du public. Le Gouvernement s'engage à en mettre en œuvre les dispositions sans retard. Les décrets d'application seront publiés de façon que les nouvelles mesures puissent prendre effet au 1er septembre 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Nous n'avions pas l'habitude de débattre de ces sujets avec vous, Monsieur Fillon...

M. le Ministre - C'est toujours un plaisir pour moi que de débattre avec vous, Monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz - Certains s'étonnent peut-être de me voir à la tribune pour ce débat. C'est oublier que, bien qu'athée, j'ai été responsable pendant treize ans dans mon parti des relations avec les croyants...

Cette proposition de loi vise à mettre en place un régime additionnel de retraite pour rapprocher le montant des retraites des enseignants du privé de celle des enseignants du public, à carrière comparable.

Quelques rappels historiques s'imposent. Depuis 2002, le ministère de l'éducation nationale négocie avec le secrétariat général de l'enseignement catholique des modifications du code de l'éducation concernant les enseignants du privé sous contrat. Ce secrétariat prétend intervenir au nom des 130 000 enseignants du privé sous contrat. Or, seuls trois syndicats membres du comité national de l'enseignement catholique ont été associés aux discussions, la CFDT, la CFTC et le SPELC. Aucun signe d'ouverture n'a été adressé à l'ensemble des syndicats, contrairement à ce que vous aviez promis, Monsieur le ministre. Cette méthode de concertation, bien peu démocratique, est, hélas, un puissant levier de désinformation : on tente ainsi de faire croire que les personnels et les responsables confessionnels défendent des intérêts communs.

Aujourd'hui, les enseignants du privé ont le même régime de retraite qu'un salarié de droit privé. Leur pension est versée par trois caisses : la CNAVTS, l'ARRCO et l'AGIRC.

Le taux de cotisation excède de 3,7 points celui d'un enseignant du public.

M. Yvan Lachaud - Eh oui !

M. Maxime Gremetz - Les retraites du privé sont en moyenne inférieures de 20 % à celles du public.

M. Christian Vanneste - C'est la fracture scolaire !

M. Maxime Gremetz - Le régime additionnel que vous nous proposez est loin de répondre à l'attente des enseignants. Un supplément de retraite de 10 % sera versé à ceux qui partiront en 2030, alors que la profession attend une réponse dès aujourd'hui. Les enseignants commenceront à cotiser à hauteur de 0,75 % à ce régime additionnel le 1er septembre 2005. A cette date, ils seront transférés au régime spécial d'assurance maladie des fonctionnaires, ce qui supprimera la cotisation maladie de 0,75 % qu'ils paient actuellement.

On pourrait se réjouir de cette réforme si elle était juste et efficace. Or, il n'en est rien.

On lit au 1° de l'article premier que les enseignants du privé « ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'Etat, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel ils sont nommés ». C'est drôle, s'agissant d'un contrat de droit privé ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Soumis aux mêmes exigences de qualification, de titre et de service que leurs collègues de l'enseignement public, recrutés, formés et payés par l'Etat, ces enseignants ne sont pourtant pas des fonctionnaires. Ils ont un double statut. D'une part, ils signent un contrat d'enseignement, de droit public, avec le rectorat ; d'autre part, conformément à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, un contrat de travail de droit privé règle leurs relations avec l'établissement.

Les conséquences de cette situation sur les droits individuels sont loin d'être négligeables. Electeurs aux prud'hommes, ces enseignants peuvent saisir cette juridiction en cas de conflit avec le chef d'établissement ou avec le président du conseil d'administration. Ils bénéficient de l'accord-cadre de prévoyance de 1947, qui oblige l'établissement à cotiser pour eux à une caisse assurant la couverture décès et invalidité. L'établissement doit aussi les affilier aux caisses ARRCO et AGIRC et déclarer le montant des cotisations. Au moment du départ à la retraite, il doit verser une indemnité, en application du code du travail.

Un syndicat peut nommer un enseignant délégué syndical dans l'établissement. Les enseignants sont comptabilisés dans l'effectif d'entreprise, ce qui permet, dans la plupart des établissements, d'atteindre le seuil permettant de créer un comité d'entreprise, dont le budget sera calculé sur la base de la masse salariale globale, enseignants compris. Enfin, les élus du personnel et les représentants syndicaux peuvent prétendre à des heures de délégation pour accomplir leur mission.

Seul le lien de subordination à l'établissement permet de garantir ces droits sociaux. C'est ce qui disparaîtra avec ce texte, nous en avons la certitude. Pour le démontrer, voici un extrait d'un courrier adressé le 30 septembre 2004 à une organisation syndicale par le président de la Fédération nationale de l'enseignement catholique : « Si ces textes aboutissent, les cotisations de prévoyance et les indemnités de départ en retraite cesseront ipso facto d'être dues. »

Les droits individuels et collectifs contenus dans le code du travail garantissent l'existence d'un contre-pouvoir dans les établissements. Tant que ceux-ci restent privés, ils doivent assumer le coût de la protection sociale et de la représentation des personnels de droit privé.

Vous ne répondez pas aux attentes légitimes de ces personnels. Ce que souhaitent les enseignants du privé, c'est la garantie de l'emploi et le droit au temps complet.

Derrière cette proposition se cache la volonté de faire reconnaître par l'Etat des instances confessionnelles qui auraient en charge la gestion de l'emploi, l'Etat se bornant à fixer les règles générales. Dans certaines académies déjà, les commissions consultatives mixtes se contentent d'entériner les choix d'affectation faits par les instances privées.

On vous envoie en franc-tireur, Monsieur le rapporteur, et vous l'avez accepté : pour une fois, on parlera de vous ! Le Gouvernement n'a pas le courage d'assumer un texte aussi explosif, issu d'un lobbying mal inspiré.

Nous souhaitons que la gestion de l'emploi reste sous la responsabilité exclusive de l'administration et sous le contrôle des élus qui siègent aux commissions consultatives. Nous avons déposé des amendements de fond, mais la commission les a repoussés. Leur sort conditionnera notre vote.

M. Dominique Richard - La loi dite Debré du 31 décembre 1959 et la loi dite Guermeur du 25 novembre 1977 ont posé les principes réglant les relations entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés. Quarante-cinq ans après le texte fondateur, notre pays a atteint un équilibre qu'il convient de sauvegarder, tant notre système éducatif a besoin de quiétude pour relever les défis qui lui sont lancés.

Ce texte ne vise qu'à clarifier le droit, suite à des différences d'appréciation entre le Conseil d'Etat et la Cour de cassation sur la qualification du contrat de travail signé par les enseignants des établissements privés sous contrat d'association. Il s'agit en outre de rapprocher leurs conditions de retraites de celles dont bénéficient leurs collègues de l'enseignement public.

C'est le grand mérite de ce texte, fidèle à l'esprit du législateur de la Ve République, d'avoir apporté des réponses à des situations inéquitables. C'est votre honneur, Monsieur Censi, d'avoir pris cette initiative. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) C'est l'honneur du Gouvernement de l'avoir soutenue. Grâce à l'esprit de dialogue qui vous anime, Monsieur le ministre, le relevé de conclusions du 21 octobre 2004 a été signé par les principales organisations syndicales du secteur : la CFTC, la CFDT, le SPELC, mais aussi, Monsieur Gremetz, la CGT, qui souhaite être associée à la poursuite de la concertation.

M. Maxime Gremetz - Vous n'avez pas suivi l'évolution de la situation !

M. Dominique Richard - En qualifiant d'agents publics les enseignants contractuels ou agréés exerçant dans des établissements privés sous contrat, cette proposition va clarifier leur situation et reconnaître leur contribution au service public de l'éducation, conformément à l'esprit de la loi Debré.

C'est un progrès essentiel que nous devons saluer. Mais cette clarification en appelle d'autres, Monsieur le ministre. Nous vous avons entendu, d'ailleurs. Il importe de rassurer les chefs d'établissement, les enseignants et les parents. Il faut préciser l'intention du législateur pour garantir la sécurité juridique du texte, dans la perspective des négociations qui vont s'ouvrir, afin d'aboutir à une application effective de la loi au 1er septembre 2005.

Nous devons d'abord réaffirmer que ce texte ne compromet en rien le respect du caractère propre des établissements privés. Le chef d'établissement conservera la capacité de recruter librement les enseignants et de faire appliquer le projet d'établissement.

Il convient de rappeler que cette réforme du contrat de travail signé par les enseignants ne change en rien la nature du contrat liant l'Etat et l'établissement.

Un amendement de M. Lachaud, adopté selon la procédure de l'article 88, vise ainsi à préciser que l'enseignement confié à un agent public l'est « dans le cadre de l'organisation arrêtée par le chef d'établissement ».

S'agissant des droits sociaux, un amendement de M. Luca lève toutes les ambiguïtés.

En matière de prévoyance, les enseignants qui ont acquitté des surcotisations pendant des années ne comprendraient pas une perte de couverture. Le rapporteur nous a rassurés en commission, mais ces questions sont juridiquement complexes. Le Gouvernement a souhaité garantir ces avantages acquis.

Toutes les questions vont trouver des réponses, ce qui témoigne de la démarche très positive du Gouvernement.

S'agissant enfin des retraites, cette proposition vise à réparer une grave injustice. Il y a 20 % d'écart entre des enseignants exerçant la même mission de service public. La loi Guermeur devait y remédier, mais le décret d'application n'a jamais été publié. A l'époque, le sénateur Jean Sauvage, rapporteur du texte, disait très justement : « Il s'agit d'harmoniser des situations restées injustement différentes à ce jour. Comment accepter qu'un maître ayant le même niveau de formation, astreint aux mêmes obligations et concourant au même service, ne puisse bénéficier de droits sociaux semblables à ceux de son homologue de l'enseignement public ? »

Cette remarque de 1977 n'a rien perdu de son actualité. Cette proposition remédie enfin au problème.

M. François Rochebloine - Partiellement.

M. Dominique Richard - Ce texte va dans le bon sens. Il concerne tous les enseignants contractuels ou agréés, que leur établissement soit lié à l'Etat par un contrat simple ou par un contrat d'association.

Toutefois, il faut évoquer l'indemnité de départ à la retraite, qui a vocation à disparaître à terme. Nous souhaitons que sa disparition soit progressive, à mesure de la montée en puissance du nouveau dispositif. L'amendement Censi le permet.

En second lieu, si la progression de 5 % au 1er septembre 2005 est un signe fort de l'engagement de l'Etat, n'accorder ensuite qu'un point tous les cinq ans est peu convenable : il faudrait 25 ans pour que le compte y soit ! L'article 40 nous interdit de déposer un amendement à ce sujet, mais le groupe UMP est unanime pour demander au Gouvernement de s'engager, dans le cadre des négociations et d'ici au 1er septembre 2005, à fixer un rythme qui permette de ne pas dépasser quinze ans, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) ce qui, pour voir supprimer une anomalie reconnue, exige déjà beaucoup de patience.

Monsieur le rapporteur, Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir chaleureusement pris ces questions à bras-le-corps. C'est l'honneur de notre République de corriger de telles anomalies, tous les enseignants, du privé comme du public, servant la même cause exaltante, celle de permettre à nos enfants de réussir leur vie d'adulte. Le groupe UMP votera cette loi avec enthousiasme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58 alinéa 2. Je ne peux laisser déformer ainsi la position de la CGT. Ne lui faites pas dire ce qu'elle ne dit pas !

M. Dominique Richard - Vous êtes porte-parole de la CGT ?

M. le Président - Ce n'est pas un rappel au Règlement. Nul ici n'est porte-parole d'un syndicat, nous sommes les élus de la nation.

M. Yves Durand - Je m'exprime pour ma part au nom du groupe socialiste.

Pourquoi une telle proposition est-elle nécessaire ? La loi dite Debré de 1959 définit les principes de retraite des enseignants du privé et l'article 15 de la loi dite Guermeur de 1977 met fin à toute disparité quant à l'accès et au niveau des retraites. C'est l'absence de décrets d'application qui rend la situation difficilement tolérable pour ces personnels des établissements privés.

Il n'est pas question de rouvrir le débat, toujours difficile, entre public et privé. Je regrette cependant qu'en 1983 la droite se soit violemment opposée à la création d'un grand service public de l'éducation...

M. François Rochebloine - Pas seulement la droite, il y avait un million de personnes dans la rue !

M. Christian Vanneste - Nostalgie totalitaire !

M. Yves Durand - ...qui aurait mis fin à l'inégalité et à la précarisation des personnels du privé et allait dans la logique de ce qu'avait voulu M. Debré. L'histoire jugera des occasions manquées.

Aujourd'hui, il s'agit des personnels. Ils connaissent la même carrière et, de plus en plus, les mêmes difficultés que leurs collègues du public et le groupe socialiste a toujours été favorable à l'harmonisation des conditions d'activité et de cessation d'activité. Nous sommes pour tout ce qui peut arrimer les personnels du privé au public, que ce soit dans le mode de nomination - qui est à préciser -, les conditions d'enseignement ou les rapports avec le chef d'établissement. La proposition sur les retraites allant dans ce sens, nous ne pouvons qu'y être favorables. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)

Nous y sommes favorables car il s'agit de l'application tardive de dispositions antérieures et parce qu'il s'agit d'améliorer les conditions de retraite de personnels dont la mission de service public est reconnue.

On aurait souhaité que le Gouvernement soit aussi attentif à préserver le sort de ses propres fonctionnaires, et notamment des enseignants du public dont les retraites et les conditions de travail subissent une dégradation dramatique, en raison de l'adoption de la loi qui porte votre nom, Monsieur le ministre. Mais il est resté sourd aux revendications de ces enseignants appuyés massivement par les parents lors du mouvement du printemps 2003. Je souhaite donc que ce pas que nous faisons vers les personnels du privé permette de construire une véritable solidarité entre tous ces personnels pour défendre ensemble les missions du service public d'éducation.

M. René Couanau - Si vous voulez l'intégration, dites-le !

M. Yves Durand - Si nous sommes favorables à cette amélioration pour les personnels, nous jugeons tout à fait nécessaire de faire la clarté sur l'utilisation des crédits publics au profit de l'enseignement privé. La solidarité avec les personnels ne peut dissimuler qu'un avantage financier est ainsi accordé à l'enseignement privé, au détriment de l'école de la République, qui pâtit depuis trois ans de restrictions budgétaires sans précédent. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) A égalité de droits, égalité de devoirs. Car c'est bien l'école publique qui subit le plus les difficultés dues à la situation économique, c'est elle, ouverte à tous sans distinction, qui doit résoudre les problèmes que ne savent pas gérer les autres institutions, elle qui, soumise à la carte scolaire, préserve une certaine mixité sociale.

C'est pourquoi une transparence totale est nécessaire dans l'attribution des fonds publics au profit des établissements privés, que la décentralisation rend encore plus opaque.

M. Christian Vanneste - Vous n'y connaissez rien !

M. Yves Durand - Comment expliquer l'augmentation du forfait d'internat de plus de 28 millions ? Si vous voulez vraiment aller vers la sérénité scolaire, ce dont je doute un peu en entendant les vociférations de la droite,...

M. Christian Vanneste - Ce n'est pas vraiment le chemin que vous prenez !

M. Yves Durand - ...je vous engage solennellement à faire toute la transparence.

Certains élus de la majorité voient dans ce texte un signe adressé à l'enseignement privé, dans un conflit séculaire qui pourtant n'a plus d'objet.

Plusieurs députés UMP - Dépassé !

M. Yves Durand - A vous entendre, j'en doute.

M. André Flajolet - C'est la voix des Jésuites !

M. Yves Durand - Ne les attaquez pas, j'ai pour eux le plus grand respect. Ils ont été capables de faire croire malgré Galilée que la terre ne tournait pas autour du soleil.

Mme Christine Boutin - Archaïque !

M. Lionnel Luca - C'est comme les socialistes !

M. Yves Durand - D'autres dans la majorité s'inquiètent du risque diabolique de fonctionnarisation rampante.

En ce qui nous concerne, nous voterons cette proposition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) dans un tout autre état d'esprit, celui de la concorde et surtout de la solidarité avec des personnels (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) qui se donnent à leur métier comme ceux du public...

M. Christian Vanneste - Discours de chauve-souris !

M. Yves Durand - ...et qui, tous, méritent un peu plus de respect. C'est uniquement en pensant aux personnels de l'éducation que nous voterons pour. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Christine Boutin - Très bien.

M. Yvan Lachaud - Enfin, doivent se dire les 140 000 enseignants du privé sous contrat, un texte de loi aborde l'inégalité des retraites entre enseignants du public et du privé qui perdure depuis la loi Debré de 1959. La différence va de 25 % à 40 %, c'est-à-dire qu'un professeur certifié de l'enseignement privé sous contrat paye chaque année 1 400 € de cotisations de plus que son homologue du public, mais percevra une retraite inférieure de plus de 800 € par mois.

M. Maxime Gremetz - La faute à qui ?

M. Yvan Lachaud - On peut se le demander.

Je félicite donc Yves Censi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), auteur d'une proposition qui va rétablir l'équité entre des enseignants qui sont tous recrutés et rémunérés par l'Etat.

Le changement de statut pour les enseignants du secteur privé sous contrat, qui seront désormais liés à l'Etat par un contrat de droit public, est une grande avancée. Certains se sont inquiétés de la possibilité pour le chef d'établissement de choisir librement son équipe pédagogique. La situation actuelle ne sera nullement modifiée puisque c'est le recteur qui nomme les enseignants, sur proposition du chef d'établissement.

S'agissant des retraites, le groupe UDF avait demandé lors de la discussion sur la réforme de 2003, à travers un amendement de mes collègues Rochebloine et Baguet, la parité entre enseignants du public et du privé, au nom du principe « à cotisations égales, retraite égale », mais le Gouvernement ne nous avait à l'époque pas entendus. Aujourd'hui, on nous propose une réforme a minima, mais qui a au moins le mérite d'exister.

L'équité ne sera pas assurée, ni à court ni à moyen terme : on s'achemine seulement vers un supplément de pension de 10 % en 2020. La montée en charge prévue du dispositif reste trop lente, d'autant que ce sont les enseignants qui vont partir dans les années qui viennent qui ont les pensions les plus faibles. Ce texte est donc à la fois une satisfaction et une déception pour les enseignants du secteur privé, qui attendaient beaucoup de notre majorité.

Un régime additionnel est contraire au système que nous défendons en matière de retraites, fondé sur la simplification et l'équité : un régime général unique de base, des régimes complémentaires, et un dispositif par capitalisation, dépendant de la volonté de chacun d'épargner.

Le groupe UDF a donc déposé un amendement demandant au Gouvernement d'étudier les mesures qui restent à prendre pour que soit réellement appliquée les dispositions de la loi Guermeur de 1977, qui prévoit d'accorder aux maîtres des établissements privés sous contrat, en matière de rémunération et d'avantages sociaux, les mêmes mesures qu'aux maîtres de l'enseignement public. Cette loi disposait qu'un décret instaurant l'égalité des retraites devait être pris avant le 31 décembre 1978, mais depuis rien n'a été fait.

Il s'agit, par cette proposition de loi, de donner un signe fort aux enseignants du secteur privé, pour leur assurer que nous sommes conscients de l'urgence de réduire les disparités entre les deux secteurs. Un rapport d'évaluation paraît ainsi indispensable, dans le but d'accélérer le rattrapage.

Pourquoi tant de prudence sur ce dossier, alors que la participation de l'enseignement catholique au service public d'éducation est aujourd'hui unanimement reconnue ? Aujourd'hui, une famille française sur deux scolarise dans l'enseignement privé sous contrat, dont l'enseignement catholique représente plus de 90 % des effectifs, l'un de ses enfants, à un moment au moins de sa scolarité. Selon les chiffres du ministère de l'éducation, près de 200 000 élèves sont passés en 2002 d'un système à l'autre. Les parents recherchent en effet, avec pragmatisme, la voie qui convient le mieux à leur enfant. Il y a un quart de siècle, certains prédisaient à l'enseignement catholique un enfermement dans une dérive libérale ou communautariste : c'est l'inverse qui s'est produit, et l'on constate la diversité des familles sur le plan social, culturel et même religieux.

La situation s'est pour ainsi dire renversée : il y a quelques années, l'enseignement privé passait pour le bastion d'une pédagogie traditionnelle ; on sait aujourd'hui que c'est un lieu de recherche et d'initiative pédagogique. La diffusion de thèmes chers à l'enseignement privé, tel celui de « communauté éducative », le montre bien.

La laïcité a évolué dans le sens de plus d'ouverture et de plus d'intelligence. L'enseignement privé, par les réflexions qu'il a su engager, apporte sa contribution au grand débat sur l'école, comme plus généralement à l'appréhension des grandes évolutions du monde.

Le groupe UDF, qui réitère ses félicitations à Yves Censi et votera cette proposition de loi, attend du Gouvernement qu'il accepte de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les mêmes dispositions s'appliquent aux maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat et à ceux de l'enseignement public : c'est une question d'équité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Dominique Paillé - « Patience et longueur de temps... ». Cette morale bien connue d'une fable de La Fontaine, je l'ai pour ma part apprise au cours des études que j'ai effectuées, jusqu'à mon baccalauréat, dans le secteur privé sous contrat. Ses responsables et enseignants peuvent aujourd'hui la faire leur, puisque cette proposition de loi que nous sommes un grand nombre, à l'UMP et à l'UDF, à avoir cosignée, parachève tardivement l'œuvre initiée par Michel Debré en 1959. Je remercie chaleureusement mon ami Yves Censi pour son opiniâtreté, car ce texte apporte un peu plus de sérénité à tous ceux qui ont fait preuve de leur capacité à former des générations de nos concitoyens, dans le respect des valeurs de la République.

Chacun ici connaît la situation actuelle : les maîtres de l'enseignement privé sous contrat sont rémunérés par l'Etat sur la base d'une grille indiciaire calquée sur celle des maîtres de l'enseignement public, leur carrière est organisée sur le modèle de celle des fonctionnaires de l'éducation nationale, les épreuves des concours sont identiques à celles de l'enseignement public, les programmes sont également identiques ; enfin, marque de leur participation au service public, ils accueillent tous les enfants, sans distinction d'opinion ou de religion. Cette assimilation, voulue à la fois par la loi Debré et la loi Guermeur, s'arrêtait le jour de leur fin d'activité : cette proposition de loi tend à mettre un terme à cette anomalie et marquera, je l'espère, la fin heureuse des conflits, en reconnaissant pleinement le pluralisme du service public de l'éducation. Mais il convient que ces dispositions ne se traduisent en aucun cas, pour quelque enseignant que ce soit, par une diminution de ses ressources globales ; je vous demande instamment, Monsieur le ministre, de veiller à ce qu'elles soient un progrès pour tous, et qu'elles soient appliquées dans les délais les plus brefs. Cette préoccupation a inspiré l'amendement à l'article 2 que j'ai déposé avec notre rapporteur et Christian Estrosi, et que je vous demande évidemment, mes chers collègues, de soutenir. Nous pourrons clore un chapitre de notre histoire par une page démontrant la maturité incontestable de notre société démocratique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Martine Aurillac - Améliorer les retraites des maîtres de l'enseignement privé sous contrat et les rendre enfin égales à celles de leurs collègues dont ils partagent la grande mission de service public est un devoir moral, que cette proposition de loi, à l'initiative de notre collègue, Yves CENSI, se propose d'accomplir, et dont, Monsieur le ministre, vous prenez la décision courageuse d'assurer les conséquences financières. Je m'en étais déjà souvent préoccupée, notamment sous la précédente législature en posant plusieurs questions écrites dont les réponses, évidemment, n'avaient que très partiellement satisfait les intéressés.

J'aurais voulu être cosignataire de cette proposition de loi, mais un pur hasard de calendrier ne m'a pas permis de l'être. Vous pouvez néanmoins me compter au nombre de ceux qui soutiennent ce texte.

M. le Rapporteur - Vous l'avez prouvé.

Mme Martine Aurillac - Le 1° de l'article premier a pour objet de régler le conflit d'interprétation de la loi actuelle entre les juridictions administrative et judiciaire, au bénéfice de l'interprétation du Conseil d'Etat. Il importait, en effet, de clarifier la situation des enseignants sous contrat, en réaffirmant qu'ils sont agents publics contractuels de l'Etat, liés par un contrat de travail à l'Etat qui conclut une convention avec les établissements. Ce statut particulier emporte la compétence de l'inspecteur d'académie et des tribunaux administratifs. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous confirmer que la rédaction de cet article n'aura pas pour effet involontaire de priver les établissements d'enseignement privé sous contrat des prérogatives qui sont actuellement celles des chefs d'établissement en matière de recrutement, de changement d'affectation et d'organisation du service ? C'est un souci légitime de certains responsables, qui redoutent l'atteinte au caractère propre des établissements et à la dotation globale d'heures d'enseignement. Quant à la protection sociale et aux droits sociaux et syndicaux, ils semblent soigneusement préservés.

S'agissant des retraites, il reste à définir les modalités de l'alignement, largement dépendantes des négociations à venir. Néanmoins, je plaide vigoureusement, Monsieur le ministre, pour que le rattrapage ne soit pas trop étalé dans le temps, car les attentes ont déjà été bien longues.

Sous le bénéfice de ces observations, je voterai bien sûr cette proposition de loi, qui met fin à une injustice et permet de conforter, en matière d'enseignement, le libre choix auquel nous sommes très attachés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Lionnel Luca - Il faut se réjouir que ce texte tant attendu soit le fruit d'une initiative parlementaire, que près de 280 députés l'aient cosigné avec Yves Censi et que grâce à vous, Monsieur le ministre, nous puissions le faire passer dans les faits.

Depuis de longues années, la situation des enseignants du secteur privé était ambiguë - agents publics contractuels, mis à disposition de leur établissement par le recteur d'académie, mais une fois l'affectation prononcée, placés sous l'autorité directe du chef d'établissement - et les divergences de jurisprudence entre le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ont été source d'instabilité et de contentieux. Il faut donc se féliciter que cette proposition vienne enfin clairement réaffirmer que ces maîtres ont qualité d'agents publics contractuels. Le contrat passé, en effet, a le caractère d'un contrat administratif d'emploi d'agent public et ces enseignants ne peuvent être recrutés par un établissement privé sous contrat s'ils ne peuvent faire valoir un diplôme national, validé par l'Université. Qualification exigée, intégration dans une grille de classification, règles de promotion et d'avancement, temps de travail, soumission à l'autorité de l'inspection d'académie, respect des programmes, stages de formation : tout est commun entre ces maîtres et ceux de l'enseignement public.

M. Maxime Gremetz - A ceci près que les enfants paient !

M. le Président - Je vous prie de laisser l'orateur s'exprimer !

M. Lionnel Luca - La proposition de loi sort donc le contrat de ces maîtres du cadre du code du travail, sans pour autant les priver de leurs droits sociaux actuels : droits à une représentation syndicale, à un comité d'entreprise, à un comité d'hygiène et de sécurité... C'est là un retour à l'esprit de la loi Debré du 31 décembre 1959, qui faisait prévaloir le lien unissant ces enseignants à l'Etat.

De même, l'institution d'un régime additionnel de retraite va permettre de servir un complément de retraite à ces maîtres qui, ayant les mêmes obligations que ceux du public comme on l'a vu, perçoivent malgré la loi Guermeur une pension de 20 % inférieure. La proposition permettra de rapprocher les situations, à défaut d'établir une parfaite égalité. Quoi de plus normal puisque ces enseignants assument toute leur part dans le cadre de l'école de la République ? A cet égard, je me réjouis de la position adoptée par M. Durand. De fait, ce sont ces maîtres qui ont le plus souffert des turbulences passées. Ils ont assumé toutes leurs responsabilités, se considérant comme placés au service de l'école de la République, et non d'une orientation confessionnelle ou idéologique. Nous ne ferons donc que leur rendre justice, d'autant qu'eux ne répugnent jamais à assurer la surveillance ou la correction des examens.

Pour toutes ces raisons, j'exprime ma reconnaissance à M. Censi et au ministre. Quant à M. Gremetz, je lui indique que, du côté de Nice, une déléguée syndicale mordante de ma connaissance, enseignante du privé proche de la CGT et fille de l'ancien maire communiste de Beausoleil, attend avec impatience ce texte. Elle se désolerait que ses anciens camarades ne le votent pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. André Flajolet - Cette proposition vise à une réelle équité pour tous les enseignants, même si c'est à un terme bien lointain. Sur ce texte court, signé par 279 députés et soutenu par bien d'autres, nous avons eu un rapport très complet, nourri des réflexions et suggestions des élus de la nation ainsi que de l'apport des partenaires sociaux et des représentants de l'enseignement privé sous contrat.

Ce texte a d'abord le mérite de reconnaître explicitement le rôle de ce dernier comme acteur irremplaçable du service public d'éducation. Il a aussi celui de réaffirmer le caractère propre des établissements, tel qu'il a été défini en 1959 par la loi Debré.

Je salue cet effort du législateur pour en finir avec des interprétations divergentes, sinon contradictoires, sources d'un contentieux difficile à gérer et même à comprendre tout simplement, fût-ce pour quelqu'un qui comme moi a exercé pendant 25 ans dans l'enseignement privé !

Cependant, cette évolution vertueuse dont ce texte ouvre la possibilité pourrait sans doute se faire dans un délai plus raisonnable : il faut être plus attentif aux réalités vécues par ces maîtres, qui cotisent davantage et reçoivent moins que ceux du privé ! Nous comptons sur vous, Monsieur le ministre, pour convaincre votre collègue de Bercy de réduire plus rapidement une distorsion bien injuste. Comme devrait le savoir M. Gremetz si, comme moi, il a lu Karl Marx, une liberté qui n'a pas les moyens de s'exprimer est un leurre !

Il importait que soient garantis les moyens de la respiration démocratique : les droits sociaux acquis par ces enseignants au fil du temps seront donc préservés. Tel qu'il est, ce texte conforte une approche apaisée et contribue à la reconnaissance de la diversité constitutive de notre système d'enseignement. L'enseignement privé, ne serait-ce que par son rôle au service des plus défavorisés, méritait amplement que ce signal d'équité lui soit adressé.

Il importait encore plus de rappeler que l'éducation ne se réduit pas à l'instruction.

Je voterai donc la proposition amendée, remerciant M. Censi pour l'audace tranquille avec laquelle il a travaillé à conforter le pluralisme scolaire et le principe du caractère propre de l'enseignement privé. Mais je sais également gré au groupe UMP d'avoir permis la discussion de ce texte, fidèle en cela à ses engagements et à ses valeurs. Enfin, j'exprime ma reconnaissance au président Debré dont la fidélité aux fondements de la loi de 1959 contribuera à une plus grande solidarité envers les maîtres d'aujourd'hui et les retraités de demain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Trois cents députés se seront donc associés pour que soit discutée cette proposition, travaillant un peu comme une communauté éducative, dans le respect de la diversité de chacun. Je salue tous ceux qui ont contribué à cette œuvre commune : M. Accoyer et le groupe UMP, M. Dubernard et la commission des affaires sociales, le Président de notre assemblée, le Premier ministre et le ministre de l'éducation nationale - et je n'aurai garde d'oublier MM. Luca et Lachaud, pour leur apport s'agissant respectivement des droits syndicaux et du rôle du chef d'établissement.

La proposition clarifie d'abord la nature du contrat liant les maîtres des établissements privés sous contrat à l'Etat, et donc leur statut. Le code de l'éducation est en effet très elliptique sur ce point : l'article L. 442-5 se borne à évoquer un aspect contractuel sans en préciser les implications juridiques. Selon les jurisprudences, il s'agissait soit d'un contrat administratif, soit d'un contrat de travail relevant du droit privé. La dernière interprétation prévaut sans conteste pour les maîtres des établissements sous contrat simple, mais le débat devait être tranché pour ceux des établissements sous contrat d'association. Pour le Conseil d'Etat, dans sa jurisprudence Lelièvre, le lien est celui d'un agent contractuel public à l'Etat car le maître contractuel remplit une mission de service public en contrepartie d'une rémunération servie par l'Etat. Pour la Cour de cassation en revanche, il s'agit d'un contrat de droit privé, l'employeur direct étant l'établissement privé. La proposition tranche en interdisant de qualifier le contrat de travail et en réaffirmant la qualité d'agents publics de ces maîtres, avec toutes les conséquences que cela emporte - compétence des juridictions administratives notamment. Nous revenons ainsi à l'esprit de la loi de 1959.

Cela étant, la proposition ne revient nullement sur les droits sociaux acquis par ces enseignants et la commission a veillé d'ailleurs à préciser ce point. Je note également avec satisfaction l'extension du dispositif aux maîtres et aux documentalistes de l'enseignement privé agricole sous contrat régi par la loi Rocard.

Il ne s'agit nullement ici d'un texte de fonctionnarisation ou d'un texte en faveur d'une catégorie : c'est une loi de clarification, mais aussi de justice sociale et d'équité. Je me réjouis donc du travail accompli pour ces 140 000 maîtres et ces deux millions d'élèves.

La proposition vise, d'autre part, à donner une base légale à l'établissement d'un régime additionnel de retraite. Comme l'a noté M. Gremetz, les maîtres du privé cotisent pour 3,7 % de plus que les autres, mais perçoivent une retraite inférieure de quelque 20 %. L'idée est donc de rétablir une certaine équité, et je tiens à remercier M. Fillon de l'avoir reprise à son compte. Ces deux avancées marquent une évolution remarquable, et des réunions de travail doivent régler d'autres problèmes de l'enseignement privé. Nous pourrons donc poursuivre le chantier. Permettez-moi aujourd'hui de saluer l'esprit qui préside à ce débat et de féliciter le Gouvernement pour son esprit d'ouverture, le rapporteur pour son esprit d'initiative et la commission pour le travail de consensus qu'elle a su réaliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Decool - Je voudrais vous remercier, cher Yves Censi, pour cette initiative. Professeur dans l'enseignement privé, je connais l'ambiguïté du statut des maîtres de l'enseignement privé. Alors qu'ils exercent les mêmes fonctions qu'un professeur du public, reçoivent la même formation et dispensent les mêmes cours, alors qu'ils sont recrutés et rémunérés par l'Etat, leur statut reste précaire et leur retraite inférieure.

La présente proposition de loi vise à rapprocher les deux régimes de retraite. Je souhaite vous interpeller sur un point. L'article premier a pour objet de clarifier le lien entre l'Etat et les enseignants du privé, alors que des divergences entre le Conseil d'Etat, qui considère le maître du privé comme un agent contractuel, et la Cour de cassation qui le considère comme le salarié d'un établissement privé, avaient créé des ambiguïtés. Mais la rédaction du premier alinéa de cet article, formulé sous forme de négation, soulève des difficultés. Elle pourrait entraîner la disparition des droits sociaux des maîtres du privé, en particulier en ce qui concerne le régime de prévoyance. Ainsi, un professeur de 49 ans, atteint d'un cancer, bénéficie aujourd'hui de trois ans de traitement plein puis de deux ans de demi-traitement avec une prévoyance. Son salaire reste intégral jusqu'à 60 ans et il valide ses trimestres et ses points de retraite complémentaire. En revanche, si le texte passe en l'état, il continuera à bénéficier de trois ans de plein traitement puis de deux ans de demi-traitement, mais sans prévoyance. De plus, il ne validera ni ses trimestres, ni ses points de retraite complémentaire.

L'exposé des motifs précise que la proposition de loi ne remet en cause ni les droits syndicaux ni l'affiliation au régime de protection sociale des maîtres, mais il n'a aucune valeur juridique. En outre, le relevé de conclusions signé le 21 octobre entre l'éducation nationale et les principaux syndicats du privé réaffirme le « caractère d'agent public des enseignants des établissements privés sous contrat d'association, sans remettre en cause les droits syndicaux et sociaux, et notamment le régime de prévoyance » dont ils bénéficient. L'intervention du législateur est donc indispensable. Par souci de sécurité juridique, j'ai déposé un amendement pour mentionner expressément le lien contractuel entre l'Etat et les maîtres du privé. Pour le reste, je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Je voudrais remercier les orateurs, qui ont tous d'une certaine manière soutenu ce texte. Yves Censi, et aussi les organisations syndicales et l'ensemble des partenaires de l'enseignement, ont réalisé un travail en profondeur qui a abouti, Monsieur Gremetz, à un relevé de conclusions signé entre toutes les organisations syndicales. (M. Maxime Gremetz proteste) Un relevé de conclusions n'est pas un accord, mais la CGT, pas plus que les autres organisations, n'était obligée de le signer ! Elles ont considéré qu'il s'agissait d'un progrès important et je me réjouis que l'ensemble des parlementaires aient le même souci de faire progresser la justice sociale et le statut juridique des maîtres de l'enseignement privé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

M. Maxime Gremetz - Je demande la parole !

M. le Président - Il n'y a pas fait personnel, ni de rappel au Règlement qui tienne. Vous aurez la parole à l'article premier.

M. Maxime Gremetz - Dans ce cas, je demande une suspension de séance.

La séance, brièvement suspendue, est reprise.

ARTICLE PREMIER

M. Jacques Domergue - Cette proposition de loi vise à mettre fin à l'iniquité qui touche les maîtres de l'enseignement privé sous contrat. La divergence d'interprétation entre les plus hautes juridictions de notre pays fait relever le contrat qui les lie à leurs établissements soit du droit privé, soit du droit public, ce qui a pour conséquence un régime de retraite privé ou public, alors que le métier est le même.

La qualité de l'enseignement public n'est pas en cause : il a toujours fait preuve d'une formidable capacité d'adaptation aux exigences de son temps. Parfois décrié, il n'en reste pas moins excellent. Le dernier rapport de l'OCDE nous place dans une situation moyenne, mais avec une large marge de progression et nous n'avons pas à rougir de cet enseignement. L'enseignement privé, lui, doit répondre au souci légitime des parents quant à la transmission des valeurs religieuses, et sa qualité est égale. L'enseignement privé est complémentaire du public, ce qui doit faire prévaloir l'équité. Pourtant, malgré une formation, un programme et un engagement communs, une différence persiste quant aux régimes de retraite. Cette situation ne résulte que de la jurisprudence de nos hautes juridictions, et il est de la responsabilité du législateur d'y mettre fin. L'article premier a donc pour objet de rattacher le régime de retraite des maîtres de l'enseignement privé à celui des fonctionnaires et de poursuivre cette assimilation tout au long de la carrière. Certes, cela prendra du temps, mais il est important d'amorcer le processus. Je me félicite donc de cette initiative parlementaire, en ces temps où, trop souvent, on laisse à d'autres le soin de faire des choix. Nous aurons su, durant notre mandat, prendre nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Antoine Herth - Je voudrais attirer votre attention sur l'enseignement agricole, auquel la commission a étendu le champ de cette proposition de loi. Le personnel de l'enseignement privé agricole a longtemps réclamé l'harmonisation sur deux points : les divergences entre agents relevant du ministère de l'agriculture et relevant de l'éducation nationale et entre public et privé. Trouver une solution pour les retraites constitue une avancée, car la loi Rocard sur l'enseignement agricole n'avait pas réglé ce point. Depuis 2002, le ministère de l'agriculture a engagé des crédits considérables pour répondre à ses obligations envers les établissements agricoles privés. Reste la question très importante du calendrier, sur laquelle nous devons avoir des réponses. Mais, alors que nous allons examiner une loi importante sur l'école et sa place dans les valeurs de notre société, il n'était pas possible de laisser perdurer l'inéquité entre établissements privés et publics. Il fallait commencer par régler ce problème. Je remercie Yves Censi d'avoir pris cette initiative et vous, Monsieur le Président, d'avoir accepté que nous examinions ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Il ne faut pas, comme se plaît à le faire l'un de nos collègues, induire en erreur la représentation nationale ! Qu'écrit M. Censi en page 24 de son rapport ? « Le ministère de l'éducation nationale a dégagé les termes d'un accord avec trois » - trois ! - « syndicats représentatifs de l'enseignement privé le 21 octobre 2004 - le SNPEFP-CGT ayant signé uniquement pour participer au futur groupe de travail mis en place par ce relevé ». On ne saurait être plus clair : vous mentez ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Peut-être préférez-vous que je dise que vous proférez des contrevérités, mais le résultat est le même ! (Mêmes mouvements)

M. Pascal Terrasse - Au confessionnal ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Maxime Gremetz - J'ai là le relevé de conclusions. Alors, ne nous racontez pas d'histoires !

L'examen de ce texte s'inscrit dans un contexte très particulier. Bien que beaucoup feignent de l'ignorer, des milliers d'enseignants du second degré ont défilé hier pour dénoncer la suppression de milliers de postes...

Un député UMP - Puisqu'il y a moins d'élèves !

M. Maxime Gremetz - Nous avons bien compris que ceux du public, vous ne pouviez pas les voir en peinture ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Moi, je défends tous ceux que la précarité menace, tous ceux contre lesquels on exerce un chantage à l'emploi pour les obliger à accepter des conditions de travail indignes.

La conséquence directe des amputations de moyens successives de l'enseignement public, c'est que 50 % des familles se dirigent aujourd'hui vers les établissements privés, soit 10 % de plus qu'il y a dix ans...

Plusieurs députés UMP - Demandez-vous pourquoi !

M. Maxime Gremetz - Mais je connais la réponse ! Faute de moyens suffisants, la moitié des collèges publics doivent accueillir plus de 500 élèves, alors que les trois quarts des privés restent à taille humaine. Et la situation empire dans les lycées - 88 % des lycées publics scolarisent plus de 500 élèves, contre seulement 25 % des établissements privés. La réalité que vous refusez d'admettre, c'est que les moyens que l'on ne donne plus au public vont directement au privé. (« N'importe quoi ! » sur les bancs du groupe UMP) D'ailleurs, cette proposition de loi ne vise pas à améliorer la retraite des enseignants du privé (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)... mais à décharger les établissements qui les emploient des contraintes financières qui leur incombent normalement ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Nous sommes tous d'accord pour améliorer la pension de retraite des maîtres, mais qui doit payer ? L'enseignement privé fait déjà payer les familles. On peut imaginer qu'il a les moyens d'assumer ses obligations d'employeur ! Vous faites une nouvelle fois un choix de classe...

M. le Président - C'est terminé, Monsieur Gremetz, vous n'avez plus la parole ! Nous en venons aux amendements à l'article premier.

M. Jean-Pierre Decool - Par notre amendement 7, nous proposons de réaffirmer le lien contractuel noué entre l'Etat et les enseignants, en disposant que ceux-ci sont liés par un contrat d'enseignement de droit public. Cette formulation positive permet de lever toute ambiguïté sur le statut des maîtres de l'enseignement privé.

M. Maxime Gremetz - Mon amendement 9 va dans le même sens, et je le défends avec joie !

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement 9, mais elle a repoussé le 7 qui a le même objet. Loin de dissiper les ambiguïtés qui nourrissent le contentieux, votre formulation risque d'en introduire de nouvelles. Il est préférable de disposer que, pour les fonctions au titre desquelles ils sont employés et rémunérés par l'Etat, les enseignants ne sont pas liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel ils sont nommés. J'ajoute que l'amendement à venir de M. Luca est de nature à rassurer les auteurs de ces amendements.

M. le Ministre - Même avis. La notion de contrat d'enseignement introduirait une nouvelle ambiguïté. Quant au maintien des droits sociaux, l'amendement de Lionnel Luca répond à la préoccupation qu'expriment les auteurs de ces amendements. Et je puis moi-même vous redire qu'ils ne seront pas mis en cause !

M. Pascal Terrasse - Les propos du rapporteur ne sont, eux, guère rassurants. Faut-il comprendre qu'une activité professionnelle pourrait n'être régie par aucun contrat de travail ?

Plusieurs députés UMP - Il n'a rien compris !

M. Pascal Terrasse - Il faut être plus explicite. Sinon, même les plus hautes juridictions auront du mal à apprécier la nature exacte du lien qui rattache les enseignants à l'Etat. S'agissant, Monsieur le ministre, de la prévoyance, vous ne pouvez contester que le système français ne s'applique pas de la même manière selon que vous êtes salarié du privé ou agent public. Il faut donc dissiper tout malentendu.

M. Maxime Gremetz - Nous sommes bien au cœur d'une contradiction majeure ! Le Gouvernement et sa majorité veulent à la fois maintenir les enseignants sous la subordination de leur employeur et rapprocher leur situation de celles des professeurs de l'enseignement public ! Ce n'est pas tenable. Et comment accepter que l'on inscrive dans la loi qu'ils n'ont pas de contrat ? Avec le RMA, M. Fillon nous a habitués aux objets juridiques non identifiés, mais là, il dépasse les bornes ! Comment croire que le risque contentieux ne s'en trouvera pas renforcé ? De quel type de contrat parle-t-on ? S'il s'agit d'appliquer le statut de la fonction publique, tout le monde sait où l'on va. S'il est question d'autre chose, nous devons nous prononcer en connaissance de cause.

M. Dominique Richard - Je ne sais si MM. Gremetz et Terrasse ont lu et assimilé l'article premier...

M. Maxime Gremetz - Arrêtez ! Je ne suis pas allé à l'école bien longtemps mais je sais encore lire !

M. Dominique Richard - Il y a des contractuels de droit public...

M. Maxime Gremetz - Il y en a même beaucoup trop !

M. Dominique Richard - Et leur régime est parfaitement connu.

M. Pascal Terrasse - Là, on est rassuré !

M. Jean-Pierre Decool - Ayant obtenu l'assurance que nos préoccupations étaient prises en compte, je retire l'amendement.

L'amendement 7 est retiré.

L'amendement 9, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yvan Lachaud - L'amendement 5 précise que l'enseignement dispensé par les agents contractuels de l'Etat des établissements privés prend place dans le cadre de l'organisation des établissements, qui reste arrêtée par le seul chef d'établissement. En cas de désaccord entre un maître contractuel et le chef d'établissement, par exemple sur les moyens matériels mis à disposition des classes, l'organisation des emplois du temps, la désignation des responsables de classe ou l'organisation de la vie scolaire d'une manière générale, les maîtres pourront saisir l'inspection académique.

M. le Rapporteur - Avis favorable. Si la proposition de loi ne remet pas en question l'autorité des chefs d'établissement sur l'organisation et la gestion des établissements, il est opportun d'y insister.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Yves Durand - Je ne vois pas bien, ou plus exactement, je ne vois que trop le sens de cet amendement. Ou cette proposition de loi tend à réduire l'inégalité de traitement, notamment en matière de retraite, entre enseignants du public et du privé, et nous y sommes totalement favorables. Ou elle aborde aussi de tout autres questions... et c'est un tout autre problème. Ce n'est pas dans le cadre de cette proposition de loi, mais bien plutôt de la future loi d'orientation sur l'école, que doit être réglée la question de l'autorité des chefs d'établissement privés. Ne profitez pas de l'unanimité qui existe sur la question des retraites pour faire passer, de manière tout à fait contestable, des dispositions qui, elles, ne font pas du tout l'unanimité. Je suis contre cet amendement.

M. Maxime Gremetz - Cet amendement, soulignant la subordination des enseignants au chef d'établissement, non seulement ne règle rien, mais est explosif.

Si l'on examine des amendements de ce type, je me demande bien pourquoi on a opposé l'article 40 à celui que je proposais à l'article premier, tendant à instituer un régime de retraite additionnel au bénéfice des enseignants contractuels du privé, dont le coût était gagé sur une augmentation de l'impôt sur la fortune. Mais, on le sait, vous refusez obstinément de faire payer les riches, Mme Bettencourt et consorts !

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

M. Raoult remplace M. Debré au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

M. Lionnel Luca - L'amendement 2 rectifié permet aux personnels enseignants, alors même qu'ils ne sont pas liés à leur établissement par un contrat de travail, de continuer à bénéficier des droits syndicaux et sociaux qui leur ont été reconnus par la Cour de cassation. La réaffirmation du lien de droit public entre l'Etat et les enseignants du privé ne doit pas se traduire par un recul des droits de ceux-ci. Les enseignants concernés sont aussi bien les maîtres titulaires de l'enseignement public enseignant dans un établissement privé sous contrat d'association que les maîtres titulaires d'un contrat provisoire ou définitif et les maîtres délégués travaillant comme auxiliaires.

L'amendement permet l'élection de délégués syndicaux, de délégués du personnel, de délégués des comités d'hygiène et de sécurité, étant précisé que les personnels enseignants doivent être comptés dans l'effectif de l'établissement, et qu'ils sont électeurs et éligibles. Il donne par ailleurs aux comités d'entreprise les moyens de continuer à fonctionner dans les conditions actuelles, en prévoyant que les rémunérations des personnels enseignants entrent dans le calcul de la masse salariale brute sur laquelle est assise la participation de l'établissement privé au fonctionnement du comité. Il précise enfin que toutes ces dispositions dérogatoires ne sauraient faire naître un nouveau contrat de travail entre les personnels enseignants, agents contractuels de l'Etat, et les établissement privés sous contrat d'association.

M. le Rapporteur - La commission a donné un avis favorable. Cet amendement participe de l'équilibre recherché dans cette proposition de loi.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je suis favorable à l'amendement mais je m'interroge sur la participation des organismes de gestion de l'enseignement catholique - OGEC - au financement des comités d'entreprise. Dans la mesure où l'Etat est l'employeur des personnels, ne serait-ce pas à lui de contribuer ? Il y a là source de multiples contentieux.

M. Maxime Gremetz - Je suis favorable à cet amendement sous réserve que l'on apporte les éclaircissements concernant le financement. Mais je me demande pourquoi on a conservé le 1° de l'article.

M. Pascal Terrasse - Ce sont les organismes gestionnaires qui financeront les comités d'entreprises à hauteur de 0,2 %, alors qu'il est par ailleurs clairement indiqué que l'Etat est l'employeur des enseignants. Cela soulève en effet un problème juridique.

M. le Rapporteur - Je me félicite de l'attachement que porte M. Gremetz à la défense des droits syndicaux des enseignants du privé.

Les enseignants du privé ne sont ni des fonctionnaires, ni des salariés de droit privé. Ce sont des agents contractuels de l'Etat relevant du droit public, ce qui emporte un certain nombre de conséquences. Pour autant, il importe de renforcer leurs droits sociaux et syndicaux, ce qui est l'objet de cet amendement. S'agissant du financement, les règles de la comptabilité publique ne permettent pas à l'Etat de contribuer au fonctionnement d'un comité d'entreprise.

L'amendement 2 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - Avec l'abstention du groupe communiste et républicain.

ART. 2

M. Pierre-Christophe Baguet - A travail égal, retraite égale : tel est le principe qui devrait être appliqué à tous dans notre pays. Aux termes de la loi Guermeur de 1977, le décret égalisant les retraites des enseignants du public et du privé devait être pris avant le 31 décembre 1978. Hélas, depuis vingt-cinq ans, les enseignants du privé cotisent davantage que leurs collègues du public pour toucher une retraite inférieure d'environ 20 %.

L'égalité de traitement entre enseignants du privé et du public est un droit non négociable, dont la réalisation ne portera atteinte ni au régime de la fonction publique, ni au régime général. Il ne s'agit pas d'une faveur, mais de la correction de l'inégalité actuelle. Je suis fier d'avoir cosigné, avec tant de nos collègues de l'UDF et de l'UMP, cette proposition de loi, et je remercie notre rapporteur de son heureuse initiative.

Mais la réforme proposée fixe une échéance beaucoup trop tardive pour l'alignement. En 2020, l'écart entre le montant des retraites des enseignants du public et du privé sera encore de 10 %, contre 20 % aujourd'hui. Ainsi les enseignants titulaires du CAFEP paieraient encore en moyenne 1 400 € de plus de cotisations retraite que leurs homologues du public pour une pension encore inférieure de 800 €.

Je demande au Gouvernement d'accélérer la mise en œuvre de l'égalité de traitement entre enseignants du public et du privé. Au lieu ne de concéder qu'une hausse de 1 % tous les cinq ans, il faudrait au moins accorder 1 % par an pendant cinq ans. C'est une question de principe. Pourquoi se contenter de demi-mesures ? Monsieur le ministre, nous comptons sur vous. Les enseignants du privé attendent depuis vingt-cinq ans, ne les décevons pas. Nous rendrons ainsi hommage à la contribution qu'apporte l'enseignement privé sous contrat à l'éducation de nos enfants.

Je terminerai par un appel : je vous remercie de veiller à la parfaite application de ces mesures et de faire échouer toute tentative pour les présenter comme un avantage supplémentaire alors qu'il s'agit du début d'un légitime rattrapage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe UMP)

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. le Ministre - J'ai déjà défendu, dans mon propos introductif, l'amendement 1 rectifié du Gouvernement. Il ne fait que reprendre les dispositions relatives à la création du régime de retraite additionnel que le Parlement, pour des raisons constitutionnelles, ne pouvait inscrire dans ce texte. Nous reprenons la rédaction de M. Censi, pour créer ce régime que chacun souhaite.

M. le Rapporteur - La commission a approuvé cet amendement. Je veux remercier le ministre pour son écoute et pour sa compréhension dans l'application de l'article 40. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Pascal Terrasse - Par rapport à la version de M. Censi, cet amendement consolide les recettes. Mais y a-t-il eu une étude d'impact ? Connaît-on le coût du dispositif en année pleine ?

M. le Ministre - La mise en place du régime additionnel se traduira pour l'Etat par le versement de 30 millions de cotisations au titre de la part patronale.

M. Maxime Gremetz - L'article 40 n'est pas interprété de la même manière selon l'origine des amendements. C'est un jeu mystérieux.

Ce qui nous oppose, c'est la question du financement. Nous sommes d'accord pour reconnaître que les enseignants du privé sont défavorisés et qu'à travail égal, ils doivent bénéficier des mêmes avantages que les autres. Mais qui paie ?

Vous refusez de toucher aux écoles libres, qui ont tant de privilèges.

Plusieurs députés UDF et UMP - Lesquels ?

M. Maxime Gremetz - Celui de faire payer les familles, celui de moins payer les enseignants !

Vous ne voulez pas financer cette mesure par l'ISF, alors vous la faites payer à l'ensemble des Français, qui financent déjà l'école publique. J'approuve cette proposition, mais son financement est d'une injustice flagrante. En réalité, vous ne voulez pas taxer ceux qui sont vos électeurs, pour parler comme Nicolas Sarkozy.

M. Pierre-Christophe Baguet - Le ministre vient d'annoncer un effort de 30 millions en part patronale, c'est-à-dire de 6 millions par an, si on divise par 5. Ce n'est même pas suffisant pour compenser l'inflation. La nation s'honorerait de consentir un effort supérieur.

M. le Ministre - Il s'agit évidemment de 30 millions par an.

L'amendement 1 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Mon amendement 12, cosigné par mes collègues Paillé et Estrosi, n'a pas été examiné par la commission. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Une indemnité de départ sera versée à tous les enseignants du privé partant en retraite cette année, jusqu'à ce que le nouveau dispositif se mette en place. Cette indemnité, transitoire, sera dégressive. A terme, l'institution du régime additionnel compensera plus que proportionnellement la disparition de cette indemnité.

Le Gouvernement souhaitant laisser la plus grande latitude aux partenaires sociaux, cet amendement vise à leur confier le soin de déterminer le montant, l'assiette de calcul et le financement de l'indemnité.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Yvan Lachaud - Dominique Richard pour le groupe UMP et l'ensemble du groupe UDF ont regretté qu'on n'atténue pas l'inégalité constatée en matière de retraite dans un délai décent. Il ne s'agit pourtant que d'appliquer un principe simple : à cotisation égale, pension égale.

Or cette proposition ne vise pas l'égalité, mais un simple rapprochement des retraites, sans prévoir aucune baisse de cotisation. Il n'y aura d'équité ni à court, ni à moyen terme. On s'achemine vers un supplément de pension de 10 % en 2020.

Mon amendement 4 vise à demander, avant le 1er janvier 2006, un rapport évaluant les dispositions restant à prendre pour l'application des mesures prévues au premier alinéa de l'article L. 914-1 du code de l'éducation.

M. François Rochebloine - Très bien !

M. le Rapporteur - La commission a adopté cet amendement. Mais à titre personnel, j'estime que nous ne devons pas prendre l'habitude de demander sans cesse de tels rapports.

M. François Rochebloine - Il vaut mieux être prudent.

M. le Rapporteur - Il existe d'autres moyens de recours, comme les missions d'évaluation.

M. le Ministre - Sagesse.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 3

M. le Président - L'amendement 13 du Gouvernement vient d'être distribué.

M. Maxime Gremetz - Je demande que la commission se réunisse pour l'examiner.

M. le Président - Le Gouvernement souhaite d'abord intervenir, comme il en a le droit.

M. le Ministre - L'amendement 13 vise simplement à réparer un oubli en ce qui concerne les maîtres de l'enseignement public agricole. Il convient en effet de modifier le code rural pour y inclure les dispositions votées.

M. Maxime Gremetz - Je constate que le rapporteur les avait oubliées. Mais dans ce cas, il est inutile de réunir la commission.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Il s'agit bien d'une amendement de coordination avec l'amendement Luca.

M. le Rapporteur - J'y suis favorable à titre personnel. Si la commission n'avait pas envisagé ce cas, c'est qu'il n'y avait eu aucun litige. Mais mieux vaut une totale sécurité juridique.

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté.

M. Yvan Lachaud - Avec le nouveau statut, il pourrait y avoir des contentieux sur le financement des comités d'entreprise à hauteur de 0,2 % de la masse salariale. Mon amendement 6 rectifié précise donc que les maîtres sont exclus du décompte des effectifs pris en compte pour le montant de la subvention versée par l'établissement au comité d'entreprise.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement qui remet en cause les dispositions votées à l'article premier et empêcherait la constitution de comités d'entreprise dans presque tous les établissements.

M. Pascal Terrasse - Et votre position personnelle ?

M. le Rapporteur - A titre personnel, je n'y suis pas plus favorable.

M. le Ministre - Même avis. Je ne souhaite pas que les maîtres du privé perdent leurs droits syndicaux et sociaux, et dans ce domaine les comités d'entreprise jouent un rôle essentiel.

M. Pascal Terrasse - Cette position me surprend. S'il y a lien de subordination entre les salariés et les OGEC, nous sommes dans le cadre d'un contrat de droit privé. Mais en l'occurrence, tout le débat vise à bien préciser que l'employeur est l'Etat. A lui, dans ces conditions, de financer le comité d'entreprise et le CHSCT. 0,2 % de la masse salariale pour 130 000 personnes, ce n'est pas rien. Je comprends mal qu'on ne soutienne pas l'amendement de M. Lachaud.

M. Yvan Lachaud - Le groupe UDF a voté tous les amendements protégeant les droits des maîtres. Ce dont il s'agit ici, c'est des difficultés qui pourraient naître si des OGEC, considérant que les maîtres ne dépendent plus d'eux, ne voulaient plus financer les comités d'entreprise. Mais ceux-ci seront formés de toute façon dans les établissements de plus de 50 salariés, et il n'est pas question d'en exclure les maîtres.

M. Maxime Gremetz - Contradiction, contradiction !

M. le Rapporteur - Je comprends l'argument de M. Lachaud, mais le vote de l'amendement provoquerait quand même un recul des droits. Il est bien sûr hors de question de supprimer les comités d'entreprise. Je comprends moins les atermoiements de M Terrasse qui tantôt avance, tantôt recule, va à gauche puis à droite. Il faut choisir.

M. Pascal Terrasse - Vous, vous reculez.

M. Maxime Gremetz - Voilà les conséquences d'un statut bâtard, entre droit public et subordination à l'employeur privé. Pour le droit syndical, on reste dans un cadre privé, avec recours au conseil des prud'hommes, mais il faudrait que l'Etat subventionne les comités d'entreprise. C'est particulier ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous posez sans doute une vraie question, mais vous n'allez pas jusqu'au bout. J'observe quand même que l'école privée, ce n'est pas que l'école catholique. A côté des établissements confessionnels, il y a ceux du patronat. Bref, vous choisissez ce qui vous arrange, une fois la loi, une fois la jurisprudence. Il y a deux poids deux mesures. Ainsi, n'avez-vous pas hésité à remettre en cause la jurisprudenc Samaritaine ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 6 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Sur le vote de l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe des députés communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Auparavant j'indique à l'Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, le titre est ainsi rédigé : « Proposition de loi relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat ».

Nous en venons aux explications de vote.

M. Yves Durand - Au nom du groupe socialiste, je regrette d'abord que ce problème de justice à l'égard des maîtres du privé n'ait pas été réglé plus tôt. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) Nous avions proposé une grande politique, mais vous l'avez sabordée. Au cours du débat sur les retraites, M. Terrasse avait également fait une proposition, mais elle avait été repoussée. Aussi, nous nous interrogeons sur la nature exacte de ce texte, même si nous allons le voter. En effet, tout ce qui concourt à l'harmonisation de la situation des maîtres du privé et du public va dans le bon sens, et nous voulions même aller plus loin.

Mais en acceptant ce rattrapage, nous avons aussi quelques exigences. D'abord, nous demandons une transparence totale sur l'utilisation des crédits publics en faveur de l'enseignement privé sous contrat, et ceci non seulement pour les crédits d'Etat mais pour ceux des collectivités locales, surtout après l'adoption à la hussarde, par un 49-3, de la loi dite des libertés locales. Bref, nous allons voter un alignement progressif des retraites des maîtres du privé sur celles du public - restrictions budgétaires obligent - et rien d'autre, mais en souhaitant que, derrière, il n'y ait pas un autre débat concernant les rapports entre le public et le privé : je ne vous conseille pas de l'ouvrir car vous nous obligeriez à rappeler la situation que vous faites à l'enseignement public et à ses maîtres, y compris en matière de retraite. Le groupe socialiste votera ce texte en pensant aux personnels de l'enseignement privé, mais veillera à défendre l'école de la République lors du débat sur votre loi d'orientation, Monsieur le ministre, dont nous ne savons encore pas grand-chose (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Dominique Richard - Au-delà des contorsions du groupe socialiste, il faut rappeler que la mission du service public de l'enseignement est également remplie par tous les enseignants, qu'ils exercent dans un établissement public ou dans un établissement privé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Faute de parution du décret sur les retraites prévu par la loi Guermeur, le milieu de l'enseignement privé attendait ce moment : c'est l'honneur d'Yves Censi d'avoir saisi cette question à bras-le-corps, et c'est celui du Gouvernement d'avoir longuement écouté les professionnels et les parlementaires pour aboutir à ce texte équilibré. Les négociations vont reprendre pour affiner le dispositif, notamment sur la question de la sauvegarde de la prévoyance. Les députés du groupe UMP veilleront à ce que l'esprit de notre débat soit préservé ; et unanimement, ils souhaitent que le Gouvernement fasse tout pour réduire le délai, actuellement fixé à 25 ans. Accepter un délai de 15 ans, c'est déjà un effort de la part des enseignants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Le groupe UMP votera avec enthousiasme cette proposition de loi, qui marque une avancée majeure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Maxime Gremetz - J'espère que c'est avec le même enthousiasme que vous donnerez à l'enseignement public les crédits dont il a besoin !

M. René Couanau - Nous le faisons !

M. Maxime Gremetz - Les promesses n'engagent que ceux qui les croient...

M. Dominique Paillé - Pas de procès d'intention !

M. Maxime Gremetz - Notre position est simple : pas de « guerre de religion » entre école publique et école privée, nous n'avons jamais eu cette attitude (Rires sur les bancs du groupe UMP). Vous m'obligez à rappeler l'histoire : les laïcards, ce n'est pas chez nous - les laïcs, oui. La main tendue aux croyants, c'est Maurice Thorez en 1936. Mais il faut apprécier ce texte au regard de la situation de l'ensemble de l'éducation nationale, dont les besoins sont considérables.

Y a-t-il une injustice dans la manière dont les enseignants du privé sont traités ? C'est évident car à diplôme égal et à fonctions égales, on doit avoir les mêmes devoirs et les mêmes droits. Mais le rattrapage se fait dans des conditions qui ne nous satisfont pas : nous voulions d'une part qu'il soit plus rapide, d'autre part qu'il ne soit pas financé, comme toujours, par ceux qui n'en peuvent déjà plus !

Je pourrais vous donner des exemples, dans ma circonscription, de fermetures d'écoles publiques qui obligent les parents à mettre leurs enfants dans les écoles privées.

M. le Ministre - Ce n'est pas vrai ! C'est un problème d'effectifs.

M. Maxime Gremetz - Considérant que ce texte représente un progrès mais déplorant qu'aucun de ses amendements n'ait été accepté, le groupe communiste et républicain s'abstiendra.

M. Yvan Lachaud - Au nom du groupe UDF, je félicite le rapporteur de son excellent travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) et je remercie le ministre d'avoir manifesté sa grande sagesse et son esprit d'ouverture en acceptant nos amendements. Je souhaite que les sénateurs soient saisis au plus vite de ce texte et qu'ils puissent encore l'améliorer. Comme mon collègue Richard, je demande au Gouvernement de réduire les délais prévus pour rétablir l'équité entre les enseignants des deux secteurs ; notre groupe saisira le ministre de l'économie et des finances à ce sujet.

Ce jour est important pour la liberté de l'enseignement, et nous voterons ce texte avec grand plaisir (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

A l'unanimité des 122 suffrages exprimés sur 125 votants, l'ensemble de la proposition de loi est adopté.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à midi.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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