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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 42ème jour de séance, 101ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 14 DÉCEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

RÉUNION D'UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE 2

STATUT GÉNÉRAL DES MILITAIRES
(suite) 2

ARTICLE PREMIER 2

ART. 2 7

ART. 4 8

ART. 5 8

APRÈS L'ART. 5 10

ART. 6 10

ART. 7 13

ART. 8 13

APRÈS L'ART. 8 14

ART. 9 14

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 15 DÉCEMBRE 2004 15

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mme la Présidente - M. le Premier ministre informe l'Assemblée qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2005.

STATUT GÉNÉRAL DES MILITAIRES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au statut général des militaires.

Mme la Présidente - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

ARTICLE PREMIER

M. Charles Cova - Devant la commission de la Défense, Madame la ministre, vous avez manifesté votre opposition à la réintégration dans le texte, à l'article 45, de la position de retraité, qui figurait dans le statut général de 1972. Toutes les associations de retraités militaires en ont conçu des craintes et notre commission a donc proposé, à l'unanimité, un amendement tendant à la réinsérer. La situation risquant d'être bloquée, j'ai déposé, après avoir travaillé avec votre cabinet, trois amendements, aux articles premier, 11 et 18. Toutes les associations représentées au conseil supérieur de la fonction militaire, et quelques autres, insistent pour que la position de la commission soit votée en l'état, mais un des trois amendements n'a pas franchi le cap de la commission des finances. Cela vous a contraint à reprendre les trois au nom du Gouvernement : je vous en donne acte, mais j'aurais apprécié d'être tenu informé de ces changements.

M. Francis Hillmeyer - L'amendement 41 introduit une dimension européenne dans le statut général des militaires. Il est bon de réaffirmer la volonté de la France de participer à la construction de l'Europe de la défense. Nos armées sont de plus en plus engagées dans des conflits ou des opérations de maintien de la paix en Europe, et la France est l'un des moteurs de l'Europe de la défense qui progresse à grands pas.

M. Guy Teissier, président et rapporteur de la commission de la défense - Avis favorable. Introduire la dimension européenne dans le statut général des militaires permet de réaffirmer la volonté de la France de participer à la construction de la défense européenne.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Je suis la première à comprendre votre souci de voir reconnu  le rôle de la défense française dans la défense européenne: nous y travaillons en effet avec constance. C'est grâce à des initiatives françaises que la défense européenne est aujourd'hui une réalité ! C'était une grande idée il y a dix ans, une perspective il y a cinq ans. Aujourd'hui, la défense européenne mène des opérations, comme en Bosnie ou en Iturie. L'Europe de la défense crée des institutions, comme l'agence européenne de l'armement, la cellule de planification et de commandement, les groupements tactiques ou la force européenne de gendarmerie, et constitue également un socle industriel.

En revanche, cette référence à l'Europe me semble inappropriée dans l'article premier. Les armées françaises interviennent certes dans les opérations de l'Europe de la défense, mais aussi dans le cadre de l'OTAN - c'est un général français qui est à la tête de l'opération de l'OTAN au Kosovo - ou d'opérations multilatérales telles que celles du sud de l'Afghanistan ou de la corne de l'Afrique. Cette modification rendrait l'article premier trop restrictif par rapport à l'ampleur des tâches que nos armées accomplissent. Nous aurons bien d'autres occasions pour insister sur ce point, à commencer par le mentionner très clairement dans l'exposé des motifs.

M. Jacques Brunhes - Je voudrais proposer un sous-amendement, pour préciser que notre armée participe à la politique de défense « autonome » de l'Europe. Nous sommes suffisamment réalistes pour nous être faits à l'existence d'une Europe de la défense, non sans efforts, mais nous n'accepterons pas qu'elle soit soumise aux diktats de l'OTAN. Nous pouvons concevoir que des opérations telles que celles du Kosovo se fassent, exceptionnellement, sous la direction de l'OTAN, mais la défense européenne doit être autonome et agir sous mandat international.

M. le Rapporteur - Ce sous-amendement 217 est d'importance, et il est peu opportun de le présenter en séance. La défense est un ensemble, on ne peut la sectoriser. Avis défavorable.

Mme la Ministre - Ce sous-amendement n'est pas compatible avec les opérations actuelles. La défense européenne peut intervenir dans trois cas de figures, étant entendu que c'est toujours l'Union européenne qui prend la décision d'agir. Elle peut d'abord intervenir seule, comme elle l'a fait l'année dernière en Iturie. Elle peut intervenir en liaison avec l'OTAN, comme en Bosnie : que deviennent les accords de Berlin Plus, avec votre sous-amendement ? Elle peut enfin intervenir pour l'OTAN, comme à Kaboul aujourd'hui. Votre sous-amendement ne permet pas de prendre en compte la réalité quotidienne de nos armées.

M. Jérôme Rivière - L'armée a pour mission de défendre les intérêts supérieurs de la nation. Nous sommes intervenus hier au Kosovo dans le cadre d'un mandat de l'OTAN, et ne pouvons exclure de soutenir demain des coalitions internationales distinctes de l'Union européenne. La défense européenne est en construction, et la définition que vous donnez de la mission de nos armées est trop limitative. L'article tel qu'il est rédigé me paraît bien préférable.

M. Yves Fromion - La France est membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU et ses responsabilités dépassent donc largement le cadre européen. Elle ne saurait se laisser enfermer sans perdre justement l'autonomie à laquelle vous êtes attaché ! Cet amendement est en contradiction avec la position que vous souhaitez voir tenir par la France sur la scène internationale.

M. Jacques Brunhes - Je comprends votre argument, Madame la ministre, mais ne puis le suivre. On prête au terme « autonome » un sens restrictif qu'il n'a pas : il n'exclut nullement que l'Europe puisse agir avec l'OTAN ou d'autre partenaires. Mais c'est l'Union européenne, et en son sein la France, qui en décide. Nous souhaitons que l'Union ait une politique de défense qui soit vraiment la sienne, même si elle implique naturellement des alliances et un travail en commun avec les organisations internationales ou l'OTAN. D'où ce sous-amendement.

M. Francis Hillmeyer - L'amendement 41 n'a pas à nos yeux de valeur restrictive. Nous écrivons que notre armée participe à la politique de défense de l'Union européenne : cela ne signifie pas qu'elle y participe exclusivement. D'autre part l'Europe de la défense est un vrai projet politique, qui ne se réduit pas à des actions ponctuelles. Une très large majorité des citoyens de l'Union est favorable à une politique de défense commune. C'est cet aspect symbolique que nous souhaitons inscrire dans le texte, pour souligner que la France peut, là aussi, être le moteur de l'Europe. C'est pourquoi je souhaiterais maintenir cet amendement 41.

Le sous-amendement 217, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 41, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 42 de la commission reprend l'amendement 1 de M. Cova.

M. Charles Cova - Un de nos ancien collègues, M. Le Theule, écrivait dans son rapport de 1972 au nom de la commission de la Défense : « L'article premier est assez étranger à la tradition juridique française. Sauf dans le préambule des constitutions, notre droit pratique peu le style solennel. Mais sans doute a-t-on estimé que les personnels militaires attacheraient de l'importance à une réaffirmation de leur rôle éminent dans la nation ».

Mon amendement inscrit en toutes lettres, à l'article premier du statut général des militaires, cette spécificité qui est de savoir en s'engageant qu'on pourra faire don de sa vie pour la patrie ou pour la paix dans le monde. En toutes circonstances, l'état d'esprit du soldat doit être celui du combattant. Le soldat de la République est bien plus qu'un individu : il est porteur des valeurs de celle-ci. A l'heure du combat, l'individualité s'efface devant la cause. Notre hymne national n'évoque-t-il pas l'amour sacré de la patrie ? Cette dimension sacrée, en même temps que laïque, rend le sacrifice de la vie plus important que ce qui est défendu. Comme l'a écrit Antoine de Saint-Exupéry, « ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort ».

Mme la Ministre - Le texte actuel s'est contenté de reprendre la formulation du statut général des militaires de 1972. Toutefois, parce que nous attachons un intérêt particulier à cette caractéristique de l'état militaire, nous avons décidé de le faire figurer en tête dans l'énoncé des principes. Nous n'avions pas envisagé d'aller plus loin, pour ne pas risquer la grandiloquence ; mais je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

Les amendements 42 et 1, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 43 est rédactionnel. La formulation du projet n'est pas satisfaisante, car ceux qui « quittent l'état militaire » retournent par définition à la vie civile. C'est « le retour à une activité professionnelle dans la vie civile » que doit offrir, et qu'offre déjà de fait, le statut des militaires.

Mme la Ministre - Cette rédaction est en effet meilleure que le texte du Gouvernement

L'amendement 43, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre - L'amendement 196 du Gouvernement a pour objet de compléter l'avant-dernier alinéa de l'article par les mots : « et assure aux retraités militaires le maintien d'un lien avec l'institution ». Il s'agit en réalité - et le cas se présentera deux autres fois - d'un amendement d'origine parlementaire, dû à MM. Cova, Viollet et Vitel. Le Gouvernement a été conduit à les reprendre dans la mesure où l'un d'eux pouvait avoir un enjeu financier, mais je veux rendre à César ce qui est à César.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. Charles Cova - Nous n'avons aucune vanité de pères porteurs, et je retire mon amendement 166.

L'amendement 196, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 44 de la commission confère à l'organisme créé par cet article, que nous proposons d'appeler Haut comité d'évaluation de la condition militaire, la solennité et l'indépendance souhaitables. Il replace le Parlement au centre de la réflexion sur l'évolution de la condition militaire.

M. Charles Cova - Le dernier alinéa de l'article premier prévoit que « l'évolution de la fonction militaire fait l'objet d'un rapport périodique établi par une commission d'évaluation, dont la composition est fixée par décret ». Il est en effet nécessaire qu'un organisme indépendant procède à une telle évaluation régulière. L'objectif est double : il faut que cette évaluation soit objective, et qu'elle soit perçue comme telle par ceux qu'elle concerne. Compte tenu du rôle éminent de cet organisme, je propose moi aussi par l'amendement 16 rectifié de l'appeler Haut comité plutôt que commission. L'évaluation dont il est chargé doit être portée à la connaissance des plus hautes autorités de l'Etat : nous proposons donc qu'un rapport soit établi périodiquement et adressé au Président de la République ainsi qu'au Parlement, à qui rien n'interdit de s'en saisir et de débattre de son contenu. C'est sur ce point que mon amendement diffère de celui de la commission. Je ne vois pas en effet la nécessité de faire siéger au sein du Haut comité des parlementaires, qui seraient en quelque sorte juge et partie.

Cet organisme trouverait en outre son originalité dans sa mixité, qui lui confèrerait une certaine indépendance. Il serait en effet composé de personnalités éminentes, reconnues, et provenant d'horizons divers. Je rappelle que la commission Denoix de Saint Marc préconisait la formation d'un Haut conseil composé de personnalités civiles reconnues, nommées en conseil des ministres, et qui ne devrait comporter ni membre militaire - qui serait juge et partie - ni parlementaire - pour éviter que la condition militaire devienne l'enjeu de luttes politiques. Je suis d'avis de s'en tenir à ces recommandations, et me sépare donc de l'amendement de la commission. La nomination des membres par le Président de la République serait emblématique d'une politique nouvelle, davantage en phase avec les attentes du monde militaire.

M. Yves Fromion - Je ne partage pas l'avis de M. Cova sur la question de la participation des parlementaires au Haut comité. Sur ce point la proposition de la commission me semble équilibrée. Avec la professionnalisation, le Parlement est devenu l'âme du lien armée-nation. On ne peut sans contradiction demander qu'il joue son rôle, qu'il s'implique dans tout ce qui concerne la condition militaire et la défense, et dire en même temps qu'il ne doit pas être partie prenante de ce Haut comité. On le verra d'autant plus quand nous débattrons de la possibilité ouverte ou non aux militaires d'avoir des organisations professionnelles, perspective à laquelle beaucoup sont défavorables : mais dès lors, il est nécessaire d'avoir des structures de concertation qui assurent au Parlement une vraie connaissance de la condition militaire. L'amendement de la commission va dans ce sens et je retire mon amendement 7.

M. le Rapporteur - La commission n'est pas favorable à l'amendement 16 rectifié de M. Cova.

Mme la Ministre - Nous pouvons nous retrouver sur plusieurs points, puisque nous souhaitons tous qu'une instance indépendante évalue l'évolution de la fonction militaire et rende à ce sujet un rapport périodique. Comment la nommer et la désigner ? Je suis tout à fait d'accord pour que l'appellation de Haut comité d'évaluation soit finalement retenue si tel est le souhait général. Dans un souci de simplification, je souhaite aussi que l'on ait recours au décret simple dans tous les cas où un décret en Conseil d'Etat n'est pas obligatoire. Je présenterai demain en conseil des ministres le code regroupant l'ensemble des textes applicables aux militaires. La simplification administrative fait partie des priorités du Gouvernement.

Sur le fond, je penche plutôt du côté de M. Cova. Il est utile de se doter d'une instance d'expertise technique, chargée de mener des études quantitatives et qualitatives sur l'évolution de la fonction militaire afin de dégager des indicateurs objectifs permettant d'en apprécier l'évolution. Mais l'instance ne jouera aucun rôle de concertation. Elle devra se borner à recueillir des éléments d'aide à la décision et de les transmettre aux autorités politiques, au premier rang desquelles se situent bien évidemment le Président de la République et votre commission de la Défense. On ne peut être juge et partie. En participant directement à l'instance d'évaluation, les parlementaires risqueraient d'être liés par ses conclusions et d'éprouver quelque difficulté à se positionner en décideurs. Conservons à l'instance son caractère technique et laissons aux autorités politiques le soin de décider. Cette logique me conduit à préférer l'amendement 16 rectifié de M. Cova.

M. Jérôme Rivière - Madame la ministre voudra bien me pardonner de considérer que l'amendement de la commission est plus riche que l'amendement 16 rectifié, que j'avais pourtant cosigné. Nous sommes tous très soucieux de la qualité du lien armée-nation, à laquelle le Parlement doit pleinement contribuer. A ce titre, il est tout à fait opportun que des parlementaires participent aux travaux du Haut comité d'évaluation.

M. Jacques Brunhes - Pour ma part, l'appellation initiale de commission d'évaluation me convenait tout à fait et je ne vois pas l'utilité de retenir le titre de « Haut comité ». Du reste, le parlementaire très expérimenté qu'est le président Teissier ne peut ignorer le caractère un peu dérisoire de certains arguments. N'est-il pas illusoire de prétendre que le Parlement va être replacé au cœur de la réflexion sur l'évolution de la fonction militaire simplement parce que deux ou trois députés ou sénateurs vont participer aux travaux d'un comité ? Quant aux rapports au Parlement prétendument obligatoires qui figurent dans presque tous les textes que nous adoptons, chacun sait qu'au bout du compte, ils ne viennent pratiquement jamais en discussion publique. Ne nous payons pas de mots en renvoyant des sujets essentiels à un improbable comité chargé de produire un hypothétique rapport !

M. Jean-Louis Léonard - Ce débat risque de nous faire perdre de vue l'essentiel. N'oublions pas les militaires ! Ce qui a motivé cet amendement, c'est la demande très forte qu'ont exprimée les militaires que les choses ne se passent plus en vase clos et que les représentants du peuple s'intéressent de près à l'évolution de leur condition. Ne confondons pas condition et fonction militaires. A cet égard, le fait que Mme la ministre accepte que le Parlement puisse être associé à la réflexion constitue une indéniable avancée.

M. le Rapporteur - Monsieur Brunhes, j'avoue que je suis un peu surpris de vous voir jouer contre votre camp ! Mieux vaut deux ou trois parlementaires participant aux travaux de l'instance qu'aucun. Et même si vous considérez que nous nous payons de mots, je maintiens ma position : on n'entretiendra de lien fort entre le Parlement et la fonction militaire que si des élus du peuple participent activement à l'évaluation des évolutions de la condition militaire. Nous devons nous assurer que le rapport du Haut comité d'évaluation viendra jusqu'à nous, et le meilleur moyen d'y parvenir, c'est de participer directement à son élaboration. Cependant, nous ne sommes pas opposés à une rectification de l'amendement tendant à préciser que les travaux du Haut comité seront systématiquement présentés au Parlement.

M. Jacques Brunhes - J'entends vos arguments et je voterai cet amendement. Faisons-le cependant sans illusion ! Deux parlementaires c'est mieux que pas de parlementaires du tout, mais cela ne change rien au fond du problème...

M. Jean-Louis Léonard - Laissez-nous rêver un peu !

M. le Rapporteur - Puisse l'espérance passer sur tous nos bancs !

Mme la Ministre - Ce débat nous éloigne un peu du cœur de notre sujet. Pour le clore, j'aurais plutôt tendance à me rallier à la proposition du rapporteur. Si vous souhaitez que nous précisions dans le texte que le rapport périodique du Haut comité d'évaluation sera transmis au Président de la République et au Parlement, je n'y vois aucun inconvénient.

M. le Rapporteur - Je maintiens néanmoins l'amendement qui prévoit déjà, outre la nomination de quelques parlementaires dans le Haut comité, que les travaux de celui-ci donnent lieu à débat au Parlement.

Mme la Présidente - Un débat au Parlement sur un rapport qui ne lui est pas soumis, cela peut poser quelque problème. Il faudra trouver une meilleure formulation pour la seconde lecture.

L'amendement 44, mis aux voix, est adopté.

L'article premier, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je souhaite préciser à ce stade pourquoi j'ai dû appliquer l'article 40 aux 250 amendements déposés, afin d'éviter des malentendus. Une vingtaine seulement sont irrecevables. ils concernent pour l'essentiel les droits sociaux des militaires. Il n'était pas possible d'augmenter directement des charges pour le budget de l'Etat, s'agissant des avantages reconnus aux anciens combattants, de l'alignement de la pension de certains lieutenants sur celle des majors ou de l'octroi du bénéfice du congé parental d'éducation pour valider des droits à pension. De même, il n'est pas possible d'augmenter le champ d'intervention des fonds de prévoyance militaire, de faire relever de l'indemnisation des accidents du travail les maladies contractées lors d'opérations extérieures, ou d'étendre le versement des pensions de réversion au titre de l'invalidité. Tout dispositif permettant de cesser plus tôt l'activité militaire est coûteux. C'est pourquoi je n'ai pas retenu la proposition qui pérennisait le congé spécial ou l'aide au départ pour les officiers supérieurs. De même, il n'est pas possible de cumuler une pension de retraite militaire et des droits à l'allocation chômage ou de faire bénéficier de l'assurance chômage les contractuels quittant volontairement l'état militaire, car ce serait une charge supplémentaire pour l'UNEDIC.

J'ai en revanche été le plus souple possible s'agissant du rôle du service de santé des armées qui accueille déjà les militaires en retraite, ou de certaines dispositions qui laissent plus de temps aux militaires pour faire constater leur invalidité. Il ne s'agit que d'une règle de procédure n'ouvrant pas de droit nouveau.

Tout amendement maintenant le droit en vigueur, en l'occurrence le statut de 1972, est recevable. Enfin, le Gouvernement peut toujours reprendre les propositions qui lui semblent recevables sur le fond dès lors qu'il en assume le coût. Mais depuis vingt ans, aucun gouvernement n'a jamais remis en cause l'article 40.

Enfin, j'ai accepté, par exception, passant outre à l'avis motivé des administrateurs de la commission, une dizaine d'amendements à l'article 89, visant à prolonger les limites d'âge. J'estime, en effet, qu'un débat sur ce point est nécessaire, par cohérence avec la réforme des retraites pour les civils.

ART. 2

M. Jacques Brunhes - J'accorde au président de la commission des finances qu'aucun gouvernement n'a voulu supprimer l'article 40. Mais mon groupe a toujours dénoncé ce couperet qui ne permet pas à la démocratie de fonctionner pleinement. On peut toujours gager une mesure, ou trouver des recettes nouvelles. D'autre part, au Sénat, le débat de fond a lieu en séance, même si les amendements tombent sous le coup de l'article 40. C'est ce que nous souhaitons : les droits sociaux des militaires, leur santé méritent un tel débat.

Il est quand même curieux d'entendre le président de la commission des finances nous expliquer qu'il va être très strict avec les amendements qui instaurent des droits nouveaux, plus souple sur la santé, et qu'il fermera un peu les yeux quand il s'agit de la limite d'âge ! Le travail parlementaire nécessite un débat, même s'il n'y a pas de vote. Quatre de nos amendements sur les droits sociaux des militaires sont tombés sous le coup de l'article 40 et nous le regrettons vivement.

M. le Rapporteur - L'amendement 45 reprend la définition exacte des réservistes énoncée à l'article 86.

Mme la Ministre - Sagesse.

L'amendement 45, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Brunhes - L'amendement 154 précise que le CSFM donne son avis sur les dérogations concernant les statuts particuliers. Ne pas conserver cette disposition de la loi de 1972 serait un recul.

M. le Rapporteur - Défavorable, car cet amendement est satisfait par l'article 18.

Mme la Ministre - Même observation.

L'amendement 154, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, mis aux voix, est adopté de même que l'article 3.

ART. 4

M. Gilbert Le Bris - Comme les fonctionnaires, les militaires pourront désormais s'exprimer librement, quitte à répondre d'éventuels excès. L'impératif de modération ne doit cependant pas cantonner l'armée dans son rôle de grande muette. Nous espérons au contraire que la libre expression se développera, sans qu'il soit plus besoin de recourir à des pseudonymes. Pour renforcer le lien avec la nation, l'armée doit pourvoir lui parler. On a trop souvent anesthésié son expression, ce qui a engendré une atonie intellectuelle et un strict conformisme. Les militaires peuvent enrichir le débat. On peut aussi accepter l'insolence de jeunes officiers. Aidons de jeunes capitaines Lyautey du Rôle social de l'officier, ou des colonels de Gaulle de Vers l'armée de métier, à éclore demain. Mais permettre ne suffit pas. Sachons faciliter l'expression par des revues, la promouvoir par des prix, susciter les vocations de plume. Cet article ouvre des potentialités ; il faudra les utiliser.

M. Jean-Claude Viollet - Notre amendement 182, 2e rectification, est en cohérence avec l'article premier de la Constitution qui pose le principe de laïcité, et avec la loi de 1905 qui précise que la République garantit le libre exercice « des cultes » et non « du culte » comme il est écrit dans le projet.

M. le Rapporteur - Si pour un monarque, Paris valait bien une messe, le nouveau statut des militaires vaut certainement un pluriel. Favorable.

Mme la Ministre - Egalement.

L'amendement 182, 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 46 est rédactionnel.

Mme la Ministre - Favorable.

L'amendement 46, mis aux voix, est adopté.

L'article 4, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. Jacques Brunhes - Cet article interdit aux militaires d'adhérer à un groupement politique. Quel jugement portera-t-on sur cette loi dans les trente prochaines années ? Il faut avoir une vision ambitieuse et mettre la législation en cohérence avec la réalité : certains militaires militent dans des partis politiques sous des pseudonymes ou sans être formellement inscrits. L'argument de la neutralité n'est pas convaincant pour trois raisons : les militaires ont le droit d'être candidats à une fonction publique élective et peuvent, pendant leur mandat, adhérer à un parti politique ; de plus, tous les fonctionnaires ont une obligation de neutralité dans l'exercice de leur fonction et ils peuvent néanmoins adhérer à une organisation politique ; enfin, cette interdiction parait aussi anachronique que celle concernant le droit de vote des militaires avant 1944, considéré alors comme incompatible avec les règles de neutralité des armées. Si l'on regardait les débats d'alors, je suis persuadé que l'on retrouverait les mêmes arguments dans les mêmes camps. Pourtant, la participation des militaires à la réflexion des partis politiques sur les questions de défense ne peut que nous enrichir. C'est précisément ce à quoi tend mon amendement 155. J'ajoute qu'une obligation de discrétion s'impose à eux, et que tout acte militant dans une enceinte militaire doit être interdit. Mais il convient de préserver la citoyenneté des militaires, gage de la bonne intégration républicaine des armées.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. M. Boucheron l'a excellemment dit pendant la discussion générale : il ne faut pas banaliser la fonction militaire. Un militaire ne sera jamais un fonctionnaire comme un autre car il peut aller jusqu'à sacrifier sa vie pour son pays : il doit être le soldat de la France, non d'un parti. M. Brunhes confond liberté d'opinion et adhésion à un parti. Si 83 % de nos concitoyens ont une bonne image de nos armées, c'est précisément parce que l'armée est au-dessus des clivages politiques et qu'elle est l'armée de la nation.

M. Jérôme Rivière - Très bien !

Mme la Ministre - M. le rapporteur a excellemment répondu : il y a une irréductible spécificité du métier de soldat. L'important n'est pas tant le silence des militaires sur leur adhésion éventuelle à un parti mais les propos de tiers qui en feraient état. Dès lors, l'opinion peut en être troublée, et ce n'est pas sain. De plus, les militaires n'ont formulé massivement aucune demande allant dans le sens souhaité par M. Brunhes. Puisqu'enfin ils peuvent exercer des fonctions électives dans le cadre d'une disponibilité, cela signifie qu'il ne sont pas exclus d'une citoyenneté pleine et entière.

M. Philippe Folliot - Je souscris aux propos du rapporteur et de Mme la ministre. Je crains que la proposition de M. Brunhes ne conduise à assimiler le statut des militaires à celui de n'importe quel fonctionnaire, alors que leurs missions sont spécifiques. Je crains également qu'une politisation de l'armée n'entraîne des changements au niveau des états-majors à chaque alternance politique. Cela serait d'autant plus grave que jamais l'armée n'a bénéficié d'une image aussi positive auprès de nos concitoyens, ce qui est dû sans doute à la neutralité dont nous parlions. Les militaires défendent la nation tout entière.

M. Jérôme Rivière - Je suis d'accord. J'ajoute qu'il convient de distinguer l'adhésion à un parti politique et l'adhésion à des idées politiques. Il faut simplement éviter le « militantisme » des militaires.

M. Jacques Brunhes - Je regrette vos propos, Madame la ministre. Ce texte pouvait être ambitieux (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) mais je me demande ce que l'on en pensera dans vingt ans : comment l'interdiction de la simple possibilité d'adhérer à un parti politique sera-t-elle perçue ? Les arguments avancés sont toujours les mêmes : c'est au nom de la spécificité du statut militaire que l'on a interdit le vote des soldats avant 1944. Mme la ministre a parlé de trouble. Mais c'est exactement le même mot qui a été utilisé alors ! Il n'y aurait pas, dites-vous, de demande de la part des militaires. Mais outre que cela se comprend dans le contexte où nous sommes, il ne s'agit pas d'une demande mais d'un droit. Il n'est pas question de politisation de l'armée mais de démocratie. Enfin, j'ai ajouté qu'il fallait tenir compte des spécificités du métier des armes et que des restrictions étaient nécessaires.

L'amendement 155, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Viollet - Mon amendement 208 va dans le même sens que celui de M. Brunhes. Je l'ai dit dans la discussion générale : il importait que le débat sur l'engagement politique éventuel des militaires ne fût pas clos avant d'être ouvert. Cette question devait être publiquement posée. Je prends acte avec tristesse de la réponse de la commission et du Gouvernement, mais je rappelle que selon la Constitution, les partis concourent à l'expression du suffrage. Or, il a fallu du temps pour rendre aux militaires le droit de vote. La réponse que donnera notre assemblée fera date dans l'histoire de la longue marche de la démocratie. Vous arguez que les militaires ne sont pas demandeurs, mais croyez-vous que les Français demandent à ce qu'existent des partis politiques si l'on en juge au nombre d'adhérents ?

M. Charles Cova - Il en est de même avec les syndicats.

M. Jean-Claude Viollet - En effet, et je ne me réjouis pas que seuls 7 % des salariés soient syndiqués.

M. le Rapporteur - Dans l'histoire de notre République, les militaires ont été parfois chéris et parfois honnis, et selon les périodes on a accru ou restreint leurs pouvoirs. Le droit de vote leur a été accordé à la Libération par le général de Gaulle - et non par le Front populaire - parce que l'époque voulait qu'il en soit ainsi. Aujourd'hui, peut-être certains d'entre vous se sentent-ils une âme de précurseur, mais le temps d'un tel changement n'est pas arrivé. Avis défavorable donc.

Mme la Ministre - Tout en me réjouissant que chacun ait pu exposer ses arguments, je confirme mon avis défavorable.

M. Jérôme Rivière - Il y a une différence fondamentale entre l'adhésion à un parti politique et le droit de vote : le vote est secret, tandis que l'adhésion à un parti est l'affichage public de convictions.

M. Jacques Brunhes - Il est un peu hypocrite de reconnaître aux militaires le droit d'être candidats à des élections, ce qui suppose bien d'afficher certaines convictions, et de ne pas leur reconnaître celui de participer à la vie politique en adhérant à un parti.

M. le Rapporteur - Vous évoquez une situation peu répandue : je n'ai connu qu'un seul officier qui se soit mis en disponibilité pour exercer un mandat électif... En outre, dans un tel cas, la mise en disponibilité est obligatoire, et suspend donc la fonction militaire ; l'intéressé peut ensuite refermer la parenthèse de sa vie politique pour reprendre l'uniforme.

M. Jacques Brunhes - Oui, mais entre temps, il s'est affiché.

L'amendement 208, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5

M. Charles Cova - Mon amendement 6 rectifié vise à créer, à la diligence des maires, des commissions extra-municipales comprenant des militaires, lesquels pourraient ainsi appeler l'attention des élus sur les questions de la vie courante. Sans qu'il s'agisse d'une obligation, ce serait une manière d'assurer l'harmonie entre tous les habitants et d'exprimer de la considération pour les militaires et leurs proches - qui sont aussi des électeurs...

M. le Rapporteur - Tout ce qui n'est pas interdit étant autorisé, les militaires peuvent faire partie de commissions extra-municipales. Je puis d'ailleurs témoigner que le groupement d'intérêt public dont je suis président dans les Calanques a demandé aux militaires - qui ne l'ont pas souhaité - d'en faire partie. Cet amendement est donc superflu.

Mme la Ministre - Je remercie M. Cova d'avoir souligné la nécessité du lien entre l'armée et la nation au niveau local, mais dans la mesure où il est en effet déjà possible de créer des commissions extra-municipales, je lui suggère de retirer son amendement.

M. Charles Cova - Je vais suivre votre conseil, mais tous les maires ne savent pas qu'ils peuvent créer de telles commissions.

L'amendement 6 rectifié est retiré.

ART. 6

M. Jean-Claude Viollet - Mon amendement 209 tend à autoriser les militaires à adhérer à des groupements à caractère syndical ou interprofessionnel ; je ne reviens pas sur le débat que nous avons eu tout à l'heure.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, la contrepartie des interdictions posées à cet article étant la représentation par les CFM et CSFM.

Mme la Ministre - Même avis. J'ajoute que dans les armées, le lien hiérarchique implique l'attention portée aux besoins de ses subordonnés ; ce qui s'est passé dans la gendarmerie en 2001 résulte pour partie du fait que les responsables n'ont pas su écouter les hommes de terrain.

Certains ont évoqué les exemples étrangers, mais je constate qu'il n'y a pas de représentation syndicale dans les grandes armées comparables à la nôtre, l'américaine et la britannique, et que dans les armées où la syndicalisation existe, on ne peut pas dire que l'efficacité soit au rendez-vous.

L'amendement 209, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Brunhes - Notre amendement 157 tend également à autoriser les militaires à se syndiquer. L'interdiction nous paraît en effet contestable, d'abord pour des raisons juridiques, au vu du préambule de 1946, de l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'Homme, de plusieurs résolutions du Conseil de l'Europe et des droits fondamentaux reconnus par le projet de traité constitutionnel de l'Union européenne. Ensuite pour des raisons politiques : ce droit est reconnu aux militaires en Belgique, en Grande-Bretagne et en Allemagne. En France, les fonctionnaires en ont été privés jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale, pour raison d'incompatibilité avec le fonctionnement normal de l'Etat ; lorsqu'on leur a rendu ce droit, la République ne s'est pas effondrée... Pourquoi en irait-il autrement pour les militaires ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable car le syndicalisme est incompatible avec le métier des armes. Imagine-t-on qu'un syndicat puisse, au moment d'un départ en OPEX, bloquer l'accès d'un bateau ou d'un avion ? Quant à l'Allemagne, permettez-moi de vous dire que ses syndicats n'ont rien à voir avec les nôtres, et que tout se règle là-bas par le consensus ! Du reste, un certain nombre de fonctionnaires n'y ont pas le droit de grève, comme ceux de l'éducation nationale ! Faut-il imiter l'Allemagne en tout ?

Mme la Ministre - Même avis, et je voudrais rassurer M. Brunhes : les militaires français sont très heureux de leur image et de leur mode de fonctionnement, lorsqu'ils ont l'occasion de se comparer à d'autres.

L'amendement 157, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Brunhes - Je rappelle que le droit de se syndiquer était interdit aux fonctionnaires avant la deuxième guerre mondiale en vertu des mêmes arguments catastrophistes ! Je peux comprendre vos réticences, mais pourquoi les militaires ne pourraient-ils pas adhérer aux confédérations syndicales reconnues ? Tel est le sens de l'amendement 156.

L'amendement 156, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Brunhes - L'amendement 158 tend à permettre aux militaires en activité d'adhérer aux associations d'anciens militaires, en levant les ambiguïtés de l'article 6, selon lequel l'adhésion des militaires en activité à des groupements professionnels est incompatible avec les règles de la discipline militaire. Quid des associations de militaires retraités qui font valoir leur caractère convivial et leur rôle dans le maintien du lien entre l'armée et la nation ? Par ailleurs, certains militaires y adhèrent, et il conviendrait de normaliser leur situation. Je note du reste que plusieurs députés de la majorité partagent mon opinion.

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour les mêmes raisons, et je m'étonne que M. Brunhes s'obstine à vouloir autoriser expressément tout ce qui n'est pas interdit !

M. Jacques Brunhes - Vous n'avez pas lu l'article 6 !

Mme la Ministre - Le droit d'association est reconnu de manière générale par le statut général des militaires, à l'exception des groupements professionnels militaires à caractère syndical et des groupements politiques. La formule a le mérite de la clarté, aussi suis-je défavorable à cet amendement.

L'amendement 158, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Charles Cova - Il est heureux que le droit de grève, incompatible avec la mission des armées, reste interdit. Par ailleurs, le respect des principes fondamentaux de neutralité, discipline et loyalisme, tout comme la valorisation de la place du militaire au sein de la société, commandent d'interdire l'adhésion à un syndicat ou à une association professionnelle.

En revanche, comment comprendre que les militaires en activité puissent adhérer aux associations d'anciens élèves d'écoles militaires qui tendent à défendre les droits moraux et matériels des militaires, mais pas aux associations d'anciens militaires, dont certains craignent les dérives politiques ou syndicales ? Et je ne parle pas des sectes, associations non professionnelles auxquelles il n'est pas interdit d'adhérer ! Par l'amendement 17 rectifié, je souhaite que vous exprimiez clairement ce qui est autorisé.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Pourquoi un militaire en activité voudrait-il appartenir à une association de retraités ? Ne venez pas me dire qu'ils y viendraient simplement fêter les rois ou chantonner ! C'est la défense d'intérêts catégoriels qui pourrait les motiver, et je connais en effet quelques associations de retraités qui se font les porte-parole de militaires en activité !

M. Charles Cova - Vous voyez bien qu'il en existe !

M. le Rapporteur - Mais c'est du para-syndicalisme ! Au-delà, je ne vois pas l'intérêt pour un militaire en activité d'adhérer à une association de retraités ; je dénoncerais même une certaine dérive clientèliste chez ces associations avides de voir leur rangs grossir pour étendre leur influence.

Mme la Ministre - L'article 3 de la loi actuelle reconnaît aux militaires les mêmes droits et libertés qu'aux autres citoyens, sauf disposition législative contraire. Par ailleurs, le droit d'association est reconnu aux militaires, sous réserve des exceptions que j'ai déjà mentionnées, et qui peuvent m'amener à m'opposer à ces adhésions, comme cela m'est récemment arrivé. Et le tribunal m'a donné raison après un recours. Il est plus clair d'en rester à l'énoncé de ce qui est interdit, plutôt que de dresser la liste de ce qui serait autorisé.

S'agissant de l'adhésion à des associations de retraités, restons pragmatiques. S'il s'agit de redynamiser l'effort de mémoire ou la solidarité, il n'y a pas de problème. En revanche, il n'est pas question que l'association intègre des actifs pour se transformer en syndicat ! Vous avez dans ce texte toutes les réponses à vos questions, aussi souhaiterais-je que vous retiriez votre amendement.

M. Charles Cova - Nous sommes bien hypocrites : tout le monde sait que 6 000 ou 7 000 officiers mariniers reçoivent le journal du sous-marinier, et les gendarmes L'essor de la gendarmerie... Autant d'actifs qui reçoivent des publications de retraités !

Je voudrais être sûr d'avoir bien compris : les militaires en activité peuvent adhérer à des associations qui ne sont pas des groupements professionnels. En cas de dérive, un juge des référés vous donne raison et vous interdisez l'accès des militaires à cette association... J'en conclus que les militaires en activité peuvent, aujourd'hui, adhérer à des associations d'anciens militaires. Je retire donc l'amendement 17 rectifié.

M. Jacques Brunhes - Je le reprends ! Mon amendement 158 visait aussi à permettre l'adhésion à des associations d'anciens militaires. M. Cova pose une question de fond, à laquelle vous dites que le texte répond déjà. Si cela est si évident, pourquoi ne pas le confirmer en adoptant l'amendement ? Il y a là une revendication forte des associations de retraités militaires, qui font valoir leur caractère social et convivial. Elles ont un rôle à jouer dans le maintien du lien entre l'armée et la nation.

M. Jérôme Rivière - Je partageais le souci de Charles Cova, mais après les précisions du Gouvernement, son amendement se révèle restrictif, puisqu'il ne concernait que les associations de retraités militaires alors que Mme la ministre autorise l'adhésion à tous les groupements qui ne sont pas explicitement interdits.

M. Gilbert Le Bris - Le statut qui nous est présenté parvient, dans l'état actuel des choses, à un point d'équilibre. Mais des tendances sont déjà en ferment, dans la société, qui poseront plus tard des problèmes, comme la porosité qui existe maintenant entre les associations, les syndicats et les partis politiques. De plus en plus d'associations se présentent à des élections, ou ont comme quasi unique activité la défense de positions politiques... Le statut des militaires devra suivre cette évolution de la société.

Mme la Ministre - Quelle que soit la forme du groupement, si l'action est de nature politique ou syndicale, l'adhésion est interdite. Cela ne peut être plus clair.

L'amendement 17 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 6, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. Jacques Brunhes - Les restrictions à la liberté de circulation et de résidence des militaires ne figuraient pas dans le statut de 1972 modifié : elles étaient du domaine réglementaire. L'article 7 est très restrictif en la matière et peut être sujet à interprétation. L'amendement 144 modifie sa rédaction en reprenant les dispositions des articles 12 et 13 du statut général des militaires et des articles 18 et 20 du Règlement de discipline générale. Par ailleurs, il réinsère le droit à permission, qui figurait à l'article 13 du statut général des militaires de 1972. De ce droit dériveraient les permissions évoquées à l'article 49 du projet.

M. le Rapporteur - Il est excessif de prétendre que l'article 7 serait très restrictif. Les restrictions en matière de résidence existent pour d'autres services de l'Etat, comme le corps préfectoral, les commissaires de police ou les directeurs d'administration pénitentiaire. Que la liberté de circulation puisse être restreinte lorsque les circonstances l'exigent n'a rien non plus d'extravagant : le militaire en poste à Yamoussoukro doit rester dans son cantonnement ! Cette obligation spécifique est d'ailleurs assez rarement imposée. Le même régime s'applique d'ailleurs aux hauts fonctionnaires. Mais la rédaction très précise de l'amendement ne laisserait aucune marge d'appréciation. Il empiète sur le domaine réglementaire et fait des choix surprenants, puisque les militaires n'auraient pas le droit de circuler dans les départements et territoires d'outre-mer s'ils n'y sont pas affectés ! Enfin, les permissions sont mentionnées à l'article 46. Avis défavorable.

Mme la Ministre - Nous avons veillé à n'inscrire dans ce texte que des dispositions de nature législative. Le principe est la liberté de résidence et de circulation, qui peut être encadrée pour les besoins du service. Mais il faut laisser la définition des cas de restriction au niveau réglementaire, pour qu'ils soient mieux adaptés aux situations. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

M. Jacques Brunhes - Les restrictions à la circulation et à la résidence des militaires ne figuraient pas dans le texte de 1972. Pourquoi les faire passer du domaine réglementaire à celui de la loi ? Le rapporteur ferait mieux de me répondre, plutôt que de disserter sur Yamoussoukro et sur les DOM-TOM ! Son argumentation n'est vraiment pas sérieuse ! Lorsqu'il était du niveau réglementaire, le dispositif fonctionnait parfaitement. Laissons-le donc ! Le faire passer au niveau législatif le rend plus restrictif.

M. le Rapporteur - Mon argumentation est parfaitement sérieuse. En 1972, ces matières étaient du domaine réglementaire, et vous avez eu raison de dire que cela fonctionnait très bien. Mais depuis, il y a eu une évolution notoire : la projection de nos armées partout dans le monde. Cela justifie le changement. La loi ne comportera pas de restrictions supplémentaires, mais elle leur donnera plus de force.

M. Jacques Brunhes - Voilà de meilleurs arguments !

L'amendement 144, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 7, mis aux voix, est adopté.

ART. 8

M. Jean-Claude Viollet - L'article 8 précise que la responsabilité propre des subordonnés ne dégage leurs supérieurs d'aucune des leurs. Mais la loi organique relative aux lois de finances a prévu une possibilité de responsabilité pécuniaire des agents des services publics. Les spécificités propres aux militaires méritent une reconnaissance et une organisation particulière. L'amendement 210 propose donc que la responsabilité des militaires puisse être engagée lorsqu'ils assurent la gestion de fonds, de matériel ou de denrées ou lorsqu'ils ont, en dehors de l'exécution du service, organisé la destruction, la perte ou la mise hors service de biens qui leur étaient confiés. Cela va mieux en le disant !

M. le Rapporteur - Défavorable. Cet amendement reprend les dispositions de la loi de 1972 en matière de responsabilité pécuniaire des militaires. Or les articles 34 et 37 de la LOLF disposent qu'une loi de finances est une loi de règlement, et qu'elle peut comporter toutes dispositions relatives au régime de responsabilité pécuniaire des agents des services publics. La mention de la responsabilité pécuniaire des militaires a été supprimée pour alléger le statut et le rapprocher de celui des fonctionnaires, mais sa suppression n'emporte pas de conséquences pratiques. C'est ainsi que la prime pour responsabilités particulières n'est pas supprimée.

Mme la Ministre - Ma préoccupation a été de faire un texte aussi clair, donc aussi léger que possible. Les dispositions générales relatives aux fonctionnaires s'appliquent aux militaires comme aux fonctionnaires civils ; c'est pourquoi il n'est pas nécessaire de les reprendre ici.

M. Jean-Claude Viollet - Je ne veux pas alourdir le texte. Mon souci est de protéger nos militaires contre des mises en cause qui pourraient survenir dans le cadre de la LOLF et du fait de circonstances non prévues dans ce cadre. Mais compte tenu de vos explications, Madame la ministre, et de la garantie que vous donnez à nos militaires d'un soutien de leur tutelle dans le cadre de l'application de la LOLF, je retire l'amendement.

L'amendement 210 est retiré.

L'article 8, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 8

M. Yves Fromion - Mon amendement est en posture délicate, puisque nous avons voté à l'article 8 le refus de dispositions à peu près identiques à celles que je propose. Par cohérence, je le retire donc, mais je ne suis que partiellement convaincu par les explications qui nous ont été données. Le régime des militaires est très spécifique, et je ne suis pas sûr qu'il suffise de renvoyer à une disposition générale de la LOLF applicable à la totalité des fonctionnaires. Les militaires doivent affronter des situations qui n'ont rien à voir avec celles que connaissent les fonctionnaires classiques, et l'on peut craindre qu'ils se retrouvent en position défavorable. Mais enfin, Madame la Ministre, vous nous avez donné des garanties, et je les prendrai pour argent comptant...

L'amendement 8 est retiré.

ART. 9

M. le Rapporteur - L'amendement 49 est rédactionnel : il s'agit de remplacer « des fonctions » par « de leurs fonctions ».

L'amendement 49, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 9 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, mercredi 15 décembre, à 15 heures.

La séance est levée à 23 heures 35.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MERCREDI 15 DÉCEMBRE 2004

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 1741) relatif au statut général des militaires.

Rapport (n° 1969) de M. Guy TEISSIER, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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