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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 45ème jour de séance, 106ème séance

2ème SÉANCE DU LUNDI 20 DÉCEMBRE 2004

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

ÉGALITÉ DES DROITS

DES PERSONNES HANDICAPÉES
-deuxième lecture- (suite) 2

QUESTION PREALABLE 2

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 17

ARTICLE PREMIER A 20

APRÈS L'ARTICLE PREMIER A 22

ARTICLE PREMIER BIS A 22

ARTICLE PREMIER BIS 23

ARTICLE PREMIER TER A 24

ARTICLE PREMIER TER 28

ARTICLE PREMIER QUATER 28

ARTICLE PREMIER QUINQUIES 29

ARTICLE PREMIER SEXIES 29

ARTICLE PREMIER SEPTIES 31

APRÈS L'ARTICLE PREMIER SEPTIES 32

ARTICLE 2 A 32

La séance est ouverte à quinze heures.

ÉGALITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES -deuxième lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

QUESTION PREALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communistes et républicains une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. François Liberti - Imprégnée d'humanisme, la loi du 30 juin 1975 a posé les fondements de la solidarité nationale en faveur des personnes en situation de handicap. Force est de constater aujourd'hui que les efforts de la collectivité ont davantage porté sur la protection et l'assistance que sur l'intégration professionnelle et sociale, sans parler des déficiences du dispositif administratif et financier.

En dépit des nombreuses recommandations internationales en faveur d'une réelle intégration, les ambitieux principes que vous affichez ne trouvent pas de traduction concrète dans ce projet de loi largement décrié par les associations, qui ne cessent de dénoncer les reculs opérés par la majorité sénatoriale.

Dès le premier article, vous fondez la définition du handicap sur la notion obsolète de déficience, passant outre la conception de l'Organisation mondiale de la santé, qui lie le handicap à l'inadaptation de l'environnement. Seule cette définition permettrait pourtant de sortir de la logique de catégorisation et de marginalisation.

En l'état, ce texte ne permettra pas de restaurer la dignité et l'indépendance des personnes en situation de handicap.

Comment accepter qu'une personne qui ne peut pas travailler du fait de son handicap vive avec une allocation de 578 € par mois, soit 45,7 % du SMIC, en dessous du seuil de pauvreté ? L'allocation aux adultes handicapés représentait, en 1982, 60,2 % du SMIC, et ce n'est pas le complément de ressources que vous avez annoncé qui permettra de compenser cette perte de pouvoir d'achat ! Comment voulez-vous, dans ces conditions, que le principe du libre choix d'un projet de vie devienne une réalité ?

Quant au financement, nous réclamons l'introduction du cinquième risque dans ce texte pour que les entreprises, au travers des cotisations, participent aussi à l'effort financier que vous faites reposer sur les seuls salariés.

Ce texte ne permettra pas davantage l'accessibilité aux lieux essentiels, ni la participation à la vie économique et sociale et il ne mettra pas fin aux discriminations dont sont victimes les personnes en situation de handicap.

Le droit à compensation doit être universel pour permettre à toutes les personnes en situation de handicap d'exercer pleinement leur citoyenneté. Ce principe a de nombreux corollaires, qu'il s'agisse du droit concernant l'environnement quotidien, du droit d'aller et venir - et donc d'utiliser les moyens de transport -, du droit d'accéder aux aides techniques nécessaires en terme de mobilité, de manipulation ou de communication, du droit de disposer des aides humaines indispensables.

Certes, la loi prévoit une obligation plus stricte d'accessibilité aux transports, aux constructions neuves ou aux bâtiments recevant du public, mais faute d'imposer des délais de mise en accessibilité, cette prescription risque de se transformer en simple faculté.

Certes, la loi renforce la responsabilité de l'Etat et des collectivités territoriales en matière d'insertion professionnelle des travailleurs handicapés, mais outre que le texte n'est toujours pas conforme à la directive européenne relative à l'emploi, il n'est pas assez coercitif.

S'agissant de l'éducation, la double inscription scolaire, dans l'école du quartier et dans un établissement spécialisé, dévoie le droit à la scolarisation pour tous en milieu ordinaire.

Quant aux établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif, leur situation va devenir particulièrement difficile. Afin de préserver la qualité des services à la suite du passage aux 35 heures, ces établissements ont procédé à de nouveaux recrutements, financés par les allégements de charges de droit commun et grâce à un blocage des salaires des personnels. La suppression de ces allégements, en 2005, conduira à la disparition de 4 500 postes, et je ne parle pas de la légitime revendication des personnels qui demandent la remise à niveau de leurs salaires. Sans les 218 millions nécessaires à la compensation de ces charges, ce sont 9 000 emplois qui risquent de disparaître !

Enfin, l'amendement du Gouvernement, adopté au Sénat, et tendant à autoriser des non-professionnels à réaliser des actes médicaux, est inacceptable. Ces dispositions ne peuvent que relever du domaine réglementaire après concertation avec les professionnels et les acteurs de la santé.

Vous avez dit ce matin, Madame la ministre, que ce texte devait échapper au débat politicien, et je partage votre opinion.

La loi Veil, votée à l'unanimité, était une grande loi d'orientation. On aurait pu penser que la présente en serait une aussi, le Président de la République ayant érigé l'insertion des personnes en situation de handicap en grand chantier national. C'est d'ailleurs tout à son honneur, et il aurait pu le faire aussi bien sous la précédente législature. Mais le texte qui nous est présenté n'est pas à la hauteur. Il est très en deçà des attentes exprimées par le monde du handicap. Ses dispositions sont renvoyées à de trop nombreux décrets - certains décrets de la loi Veil n'ont jamais été publiés ! - et son budget insuffisant. J'en appelle donc à la sagesse de notre assemblée que j'invite à voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Marie Geveaux - Avons-nous lu le même texte ? Dire qu'il est en décalage avec la réalité et qu'il manque d'envergure, c'est tout simplement se moquer du monde ! Il s'agit bel et bien d'une grande loi qui, je le sais pour les avoir rencontrées à de nombreuses reprises, répond aux attentes des associations. Ces dernières ont exprimé des inquiétudes légitimes ces dernières semaines, durant la discussion au Sénat : je pense que les heures qui viennent permettront de les rassurer.

La définition qui est adoptée dans ce texte permet d'englober toutes les formes de handicap, y compris l'autisme par exemple. Elle répond à une demande du monde associatif. Quant au droit à compensation, il est essentiel, et je suis désolé que nous ne puissions trouver un accord sur ce point. En ce qui concerne les ressources, nous sommes parvenus à des avancées considérables, avec notamment la création d'une compensation ressources ou le reste à vivre. On ne peut donc pas dire que rien n'a été fait ! Et la retraite à taux plein à partir de 55 ans, et le renforcement des droits sociaux pour les handicapés qui se trouvent en CAT ? Tout cela n'a rien de flou ! Quant à l'accessibilité, il est vrai qu'elle a été écornée au Sénat, mais les amendements que nous avons adoptés en commission ont bien rétabli les choses, notamment avec le délai de dix ans.

Le milieu associatif attend beaucoup de nous. On ne peut imaginer ce que c'est exactement que le handicap tant qu'on n'y est pas confronté. Nous avons rencontré beaucoup de gens qui le vivent, et nous avons vu que ce texte leur donne grande satisfaction. Ils attendent ces avancées depuis trop longtemps, il faut que nous les votions. L'UMP sera fière d'avoir contribué à ce beau texte en faveur des handicapés, et ne votera bien sûr pas cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Hélène Mignon - On ne peut certes pas dire que rien n'est fait dans ce texte, mais on peut dire qu'il est flou, quand on constate le nombre de décrets auquel il fait référence ! Quand aux consultations que nous avons tous menées, je me demande parfois si c'était avec les mêmes associations, et si nous avons entendu les mêmes choses... Certes, le droit à compensation est fondamental, mais nous ne savons toujours pas précisément ce qu'il englobe. Nous ne pouvons qu'être favorables au reste à vivre, mais il est évident que la fameuse caisse constituée par le produit d'une journée de travail pour les salariés ne répond pas aux attentes ! Nous en discuterons à nouveau à l'occasion de la discussion des articles. En attendant, le groupe socialiste votera cette motion.

M. André Chassaigne - Il est quelque peu choquant d'entendre le porte-parole du groupe UMP dire que François Liberti se moque du monde. C'est bien là une approche politicienne du sujet ! François Liberti n'a fait qu'exposer les questions qui se posent à tous ceux qui rencontrent les associations. Il a souligné les insuffisances de ce texte, sans outrance et avec honnêteté. Est-ce se moquer du monde que de dire qu'il y a un décalage entre ce qu'apporte ce texte et les attentes des associations, que nous envisageons autrement le rôle de l'environnement, que la question du revenu ne sera pas résolue après le vote de cette loi, pas plus que les problèmes de compensation, de scolarisation ou d'accessibilité ? Cette question préalable a pour objectif de souligner les manques de ce texte : le groupe des députés communistes et républicains la votera.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - Sur la définition du handicap, il est clair que nous ne partageons pas la même analyse. Il nous est en effet apparu, après en avoir discuté avec les associations et avec les représentants de la société civile, qu'en l'état de la conscience de nos concitoyens, il était important, certes de mentionner le rôle de l'environnement, mais aussi d'énumérer les différentes formes de handicap, en y ajoutant le handicap cognitif et psychique. Le handicap cognitif renvoie bien sûr à l'autisme, au sujet duquel notre société est singulièrement en retard. Cette affection est tellement déroutante que même éclairés par les récentes avancées, nous ne savons comment la prendre en charge, et que l'arrivée d'un enfant autiste dans une école maternelle pose problème. Notre société a encore peur du handicap, ou en tout cas de certaines de ses formes. Les nommer dans la loi, c'est prendre une attitude offensive pour démystifier la question. Vous voyez que ma réponse n'a rien de politicien. En ce qui concerne le handicap psychique, je ne me servirai pas de faits d'actualité récents, à propos desquels nous n'avons pas d'information, pour souligner l'importance de la question. Nous devons inventer des prises en charge spécifiques, mais pour l'instant, notre société est complètement démunie. Nommer ce handicap dans la loi est important pour faire évoluer notre culture collective.

Sur plusieurs autres problèmes, j'aurais tendance à répondre, Monsieur Liberti, que vous n'avez pas tort. Il est évident que l'allocation adulte handicapé est insuffisante pour permettre à ceux qui ne peuvent pas travailler de vivre dignement. C'est pour cela que je crée une garantie de ressources pour les personnes handicapées ! C'est ensuite que nous divergeons : vous militez pour porter l'AAH au niveau du SMIC, alors que je préfère le principe de la compensation. Nous ne voulons pas renvoyer les personnes handicapées aux revenus de l'exclusion : nous assumons le fait que leur incapacité à travailler provient du handicap, et non pas de je ne sais quelle circonstance sociale. Mais sur le problème de base, nous sommes d'accord : 587,74 €, ce n'est pas suffisant pour vivre ! Pour l'accessibilité non plus, vous n'avez pas tort ! Il n'est qu'à voir combien quelqu'un d'ordinaire peut avoir de difficulté à se mouvoir lorsqu'il est quelque peu empêché pour imaginer ce que c'est en cas de handicap. C'est pour cela que nous avons réintroduit un délai de dix ans !

Je serais heureuse qu'à l'occasion de ce débat, nous discutions de tous ces points de divergence, mais sans entrer dans une approche politicienne, car les associations ne nous le pardonneraient pas. C'est une amélioration de la situation qu'elles attendent, et il faut la leur donner. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - Nous abordons la discussion générale.

M. Claude Leteurtre - J'aborde cette discussion avec confiance bien que beaucoup d'interrogations restent en suspens. En commission, un large consensus s'est dégagé pour améliorer le texte et je remercie tout particulièrement notre rapporteur Jean-François Chossy de nous avoir fait profiter de son expérience,...

Mme la Secrétaire d'Etat - Il a en effet accompli un excellent travail.

M. Claude Leteurtre - ...ainsi bien entendu que l'honorable professeur Dubernard. En première lecture, j'avais regretté que le texte présenté par le Gouvernement ne soit ni une loi d'orientation ni une loi de programmation, et je le regrette plus encore aujourd'hui, alors que le Sénat a effectué un véritable travail de détricotage des avancées adoptées par notre assemblée. Le projet qui nous revient est devenu un catalogue de mesures sans cohérence. Chacun y trouvera peut-être satisfaction à quelque revendication particulière mais nous sommes collectivement déçus par son défaut manifeste d'ambition.

Une loi d'orientation à l'image de celle de 1975 eût permis d'affirmer les grands principes que la République entend appliquer à l'exercice des droits des personnes en situation de handicap, lesquelles demandent fort légitimement à être reconnues comme des citoyens à part entière. Une loi de programmation, parce qu'elle aurait favorisé la « sanctuarisation » des moyens de financement, aurait mis en évidence les moyens que notre société est prête à mobiliser pour cette cause. Il est un peu facile d'affirmer que les moyens nécessaires seront disponibles, sans entrer dans le détail. A cet égard, l'installation de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie n'est pas de nature à nous rassurer complètement. Enfin, les départements sont en droit d'attendre de l'Etat qu'il leur signifie précisément les conséquences financières des responsabilités nouvelles qui leur sont transférées.

Les personnes en situation de handicap et leurs familles attendent de nous un texte cohérent. En l'état, je suis au regret de constater qu'il se présente plutôt comme une suite de bonnes intentions difficiles à concrétiser. S'agissant par exemple de la prestation de compensation, le Gouvernement a affirmé à plusieurs reprises qu'elle permettrait une compensation intégrale et universelle des surcoûts engendrés par la situation handicapante. Las, tel n'est pas le cas. La compensation n'est pas intégrale, puisque le remboursement des aides techniques ne sera assuré que sur la base de la liste des produits et prestations remboursés au tarif de la sécurité sociale. En pratique, cela revient à ne rembourser qu'un tiers des aides nécessaires. Est-ce pour cela que le Sénat a voulu instituer auprès de chaque future Maison du handicap un fonds départemental ? Quoi qu'il en soit, il n'est pas acceptable d'introduire des prestations extra-légales pour venir compléter un dispositif légal qui se voulait intégral. D'autre part, les barrières d'âge de 20 et 60 ans n'ont toujours pas été levées. Le Gouvernement explique qu'il a besoin de temps pour régler ce problème technique, mais les plus vulnérables des personnes handicapées - je pense bien entendu aux enfants - peuvent-elles encore attendre ? Nous faisons du règlement rapide de ce problème une question de principe.

On pourrait à l'envi multiplier les exemples de bonnes intentions affichées grevées par de multiples dérogations. C'est le cas notamment de l'accessibilité et de la scolarisation. Dans ces deux domaines, le texte qui nous revient du Sénat n'est pas acceptable en l'état. Il comporte en effet beaucoup trop de possibilités de déroger aux règles que nous avions adoptées en première lecture, qui constituaient pourtant un minimum. Il est impératif, à tout le moins, d'y revenir si nous voulons que l'accessibilité et la scolarisation deviennent réalité.

Introduit par le Sénat, l'article premier A mérite une attention toute particulière. Il vise en effet à afficher sur les unités de conditionnement des boissons alcooliques un message à caractère sanitaire, préconisant l'absence de consommation par des femmes enceintes. Cette démarche me semble tout à la fois hypocrite et stigmatisante. Hypocrite, parce qu'elle a été introduite quelques jours après que notre assemblée a écorné la loi Evin. Les ravages causés par l'alcool ne se limitent malheureusement pas au syndrome d'alcoolisation fœtale. Y a-t-il moins de risque à boire avant de prendre le volant ? De deux choses l'une : ou l'alcool est dangereux pour la santé, et alors il faut l'afficher dans tous les cas, ou bien il ne l'est que pour les femmes enceintes, comme le laisse supposer le texte du Sénat. Nous connaissons tous la réponse.

C'est aussi une disposition stigmatisante, parce qu'elle montre du doigt une catégorie particulière de personnes en situation de handicap. A-t-on réfléchi au regard porté sur les mères d'enfant atteint à la naissance de malformations et de troubles neurologiques ? Faut-il vraiment que les mamans d'enfants handicapés mentaux soient montrées du doigt ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Il ne s'agit pas du tout de cela !

M. Claude Leteurtre - Toutes les malformations neurologiques du nouveau-né ne sont pas imputables au syndrome d'alcoolisation fœtale. Certes, l'alcoolisation chez la femme enceinte est d'une extrême dangerosité pour le développement neurologique du fœtus. Cependant, prenons garde aux assimilations faciles qu'autorise cet article : tous les handicapés mentaux ne sont pas nés de mère alcoolique !

Mme la Secrétaire d'Etat - Bien entendu ! Personne n'a jamais envisagé les choses sous cet angle !

M. Claude Leteurtre - Cette disposition aurait bien mieux trouvé sa place dans le texte que nous avons adopté sur la santé publique. Et croyez bien que je ne m'exprime pas sous « l'amicale pression » d'un quelconque lobby viticole, même si je suis un élu du Calvados ! J'ai suffisamment protesté contre l'absence d'un véritable plan de lutte contre l'alcoolisme dans la loi sur la santé publique. J'avais d'ailleurs, avec mes collègues de l'UDF, déposé plusieurs amendements, refusés par le Gouvernement, tendant à créer un institut national de prévention de l'alcoolisme. N'oublions pas qu'on estime à cinq millions le nombre de personnes que l'usage abusif d'alcool expose à des difficultés d'ordre médical, psychologique et social, et que deux à trois millions de nos concitoyens sont sous la dépendance de l'alcool.

J'en viens aux nouvelles responsabilités que le texte confie aux départements. Au prétexte de la nécessaire harmonisation du dispositif sur l'ensemble du territoire, on fait des conseils généraux de simples services déconcentrés de l'Etat. Leur marge de manœuvre est réduite à zéro. Plus grave, la méthode de ventilation des financements par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie risque de provoquer des reculs dans les départements les plus en pointe dans le domaine du handicap. Tel n'était pas le sens du rapport Briet-Jamet, qui préconisait à juste titre une véritable décentralisation des politiques liées à la dépendance, quelle qu'en soit l'origine.

Et puisque nous parlons de financement, permettez-moi d'exprimer ma perplexité. Le Gouvernement demeure incapable de donner une évaluation précise du coût des politiques du handicap. En 2001, on estimait à un montant de 35 à 40 milliards d'euros le budget social du handicap au sens large. Les prestations sociales, toutes catégories de financeurs confondues, s'élevaient à 25,6 milliards. En quinze ans, l'effort de la nation en faveur des personnes en situation de handicap est passé de 2,7 % du PIB à 1,7%, ce qui représente un manque à gagner de 6 milliards d'euros. Serait-il déraisonnable de se fixer pour objectif de combler ce décrochage ou, au moins, de l'enrayer ? Nous ne savons pas, en l'état actuel des choses, quelle sera l'incidence financière des nouvelles dispositions introduites par le projet et qui les paiera. On ne me fera pas croire que les 800 millions supplémentaires prélevés sur les recettes de la journée de solidarité y suffiront ! Rapportés aux 6 milliards que j'évoquais à l'instant, on voit bien que le compte n'y est pas. Et il serait inacceptable que les dispositions que nous allons adopter ne soient pas plus avantageuses pour les personnes en situation de handicap que celles dont elles bénéficient aujourd'hui. Nous attendons des réponses claires sur ce point. Et que l'on cesse de nous dire que les recettes sont prévues, alors que l'on ne sait même pas évaluer le volume des dépenses ! J'avais demandé un Jaune budgétaire sur le sujet. L'engagement a été pris, mais il n'a pas été tenu.

Un mot sur la méthode retenue pour cette seconde lecture. Elle est manifestement précipitée, alors que trop d'interrogations restent en suspens. Quel impératif nous force à débattre d'un texte aussi important à la veille des vacances de Noël ? De toute façon, il ne pourra être voté avant la deuxième quinzaine de janvier. Je comprends bien qu'il faille que le dispositif se mette rapidement en route maintenant que la CNSA est en place. Mais trois semaines de réflexion supplémentaires n'eussent pas été de trop. Je le dis d'autant plus volontiers que les travaux de notre commission ont bien montré qu'il était possible d'aller vers un consensus. Et je crois que nous devons cette unanimité aux personnes en situation de handicap.

Enfin, alors que le Gouvernement sait très bien que nombre d'entre nous souhaitent que l'on envisage enfin de fixer au niveau du SMIC le revenu minimum d'existence des personnes en situation de handicap, il vient d'annoncer que celui-ci ne dépasserait pas 80 % du salaire minimum ! Est-ce une bonne façon de traiter la représentation nationale que de l'annoncer ainsi, au moment où le débat s'engage en séance publique ? Cela veut-il dire que le Gouvernement refuse toute discussion à ce sujet ?

Bien entendu, le groupe UDF portera la plus grande attention au sort qui sera réservé à ses amendements. Derrière les articles de ce texte, il y a des milliers d'enfants et d'adultes, mais aussi des familles entières qui souffrent. Personne ne demande que les personnes handicapées soient des citoyens plus égaux que les autres. Elles souhaitent simplement pouvoir exercer les mêmes droits. C'est de leur dignité qu'il s'agit. Il suffirait, me disait un ami handicapé, d'un seul article pour retrouver cette dignité : « les personnes handicapées sont des citoyens au même titre que tous les membres de la communauté nationale. » Ne le décevons pas.

Pendant quarante ans, j'ai travaillé dans le domaine de la santé. Depuis deux ans, je suis parlementaire. Je crois que les graines d'espoir semées par le Président de la République doivent produire une moisson fructueuse pour les handicapés. Je souhaite, Madame, que vous attachiez votre nom à une belle loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. André Chassaigne - Le texte que nous examinons avait suscité à l'origine de grands espoirs chez les personnes handicapées et leurs proches. En effet, depuis la loi fondatrice de 1975, il était temps d'améliorer le statut et les conditions de vie des handicapés. Cet espoir était d'autant plus vif qu'il était soutenu par un contexte politique apparemment porteur : le Président de la République n'avait-il pas inscrit la lutte contre le handicap parmi l'un des trois grands chantiers de son mandat ? L'Union européenne n'avait-elle pas proclamé 2004 Année européenne du handicap ?

Après avoir salué l'initiative d'une nouvelle loi, nous avons éprouvé une réelle déception lors de la première lecture du texte. Les associations ont exprimé unanimement leur mécontentement. C'est grâce à leurs actions, et aussi aux interventions que nous avons faites avec d'autres, que plusieurs points négatifs ont été supprimés, et quelques dispositions positives intégrées. Cependant, les reculs opérés au Sénat ont suscité à nouveau la déception. L'altération du droit à la compensation, la suspension du délai pour rendre accessibles les lieux publics et la mise en cause de la scolarisation en milieu ordinaire ont conduit légitimement les personnes handicapées à protester. Derrière le voile de sagesse dont prétend se parer le Sénat, se cacherait donc une philosophie profondément réactionnaire ? Répondant à la question d'actualité que vous a posée le 8 décembre Daniel Paul, vous vous êtes engagée à améliorer les ressources des handicapés et leur accès à l'éducation. Nous veillerons à ce qu'il en aille bien ainsi. Vous avez confirmé ce matin votre volonté de faire progresser le texte en tenant compte partiellement des revendications unanimes des associations outrées du décalage entre les attentes et les réalités. Il en est ainsi de la réintroduction dans la loi des délais aux termes desquels le dispositif d'accessibilité devra être mis en œuvre. Mais s'agira-t-il d'une obligation à caractère coercitif ?

La responsabilité et le suivi de la scolarisation des jeunes handicapés seront confiés sans condition, avez-vous dit, à l'éducation nationale. Mais de quels moyens disposeront pour cela les établissements scolaires, alors que l'on prévoit pour la rentrée 2005 des milliers de suppressions d'emplois, dont 135 dans la seule académie de Clermont-Ferrand ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Pas pour l'encadrement des enfants handicapés, au contraire !

M. André Chassaigne - Au-delà même de vos promesses, de graves insuffisances persistent. Ainsi, 60 % des personnes handicapées disposent de moins de 1 000 € par mois, et 55 % n'ont pas d'autres ressources que l'AAH. Aussi votre proposition demeure-t-elle bien insuffisante. Nous sommes encore loin, avec ce projet, d'une compensation intégrale du handicap, tant humaine que technique, qui permettrait à tous de vivre dignement. Pour un handicapé mental, la prothèse, si j'ose dire, c'est l'accompagnement humain dans tous les actes de la vie. « Ce n'est pas seulement du mécanique », me disait hier un responsable de l'ADAPEI de mon département. Nous défendons, en fait, la conception d'un droit universel pour toutes les personnes handicapées. Or, sur ce point, votre texte se situe en deçà de la loi de modernisation sociale de janvier 2002.

De même, votre décision de créer une garantie de ressources pour les personnes handicapées incapables de travailler, qui soit cumulable avec l'AAH et atteindrait 80 % du SMIC, n'est pas à la hauteur des attentes exprimées par les associations, et ne répond que partiellement à la détresse des personnes concernées. La revendication de porter l'AAH au niveau du SMIC demeure donc entière. Ces insuffisances seront lourdes de conséquences sur la participation des personnes handicapées à la vie sociale, qui est déjà bien réduite. Une question me brûle la langue : quand donc les grandes déclarations généreuses sur l'égalité des chances cesseront-elles de se borner dans la réalité à des demi-mesures ? Ce projet est un texte de compromis, avez-vous indiqué ce matin. Reste qu'il ne réunit pas le consensus, en particulier parce qu'il ne satisfait pas à l'objectif de citoyenneté et de participation à la vie sociale du pays.

Après l'amendement de suppression du Sénat, notre commission des affaires sociales a rétabli l'obligation pour les collectivités territoriales de rendre techniquement accessibles, dans un délai de dix ans, les lieux publics et les moyens de transport. Nous veillerons à la qualité des mesures effectivement adoptées, et surtout nous attendons des précisions sur le caractère coercitif du dispositif. En revanche, nous restons sur notre faim pour les questions d'habitat. Pourquoi ne pas profiter des plans de réhabilitation des logements sociaux pour rendre progressivement tous ces logements adaptables à des personnes handicapées ? En effet, l'accessibilité est la condition essentielle pour que le maintien des handicapés à domicile ne tourne pas à l'enfermement. Or, vous ne nous proposez rien d'important dans ce domaine. Face à une application bien élastique sur le terrain, des mesures réglementaires sont indispensables pour que les logements déjà adaptés soient effectivement attribués aux personnes concernées, ce qui n'est pas toujours le cas.

En fait, votre texte repose sur une conception étriquée du handicap, qui ignore le lien entre la déficience et l'environnement. Nous regrettons votre refus de respecter la recommandation du comité des ministres du Conseil de l'Europe de 1992, paradoxal de la part d'un Gouvernement qui déplore souvent les retards dans la transposition des directives de l'Union européenne. L'Europe ne serait-elle donc une référence pertinente que lorsqu'elle s'intéresse au marché ? Une définition dynamique du handicap permettrait de mieux tenir compte des liens entre facteurs personnels et réalités environnementales.

Ce problème de définition n'est pas le seul talon d'Achille de votre texte. L'idéologie de la baisse de la dépense publique vous conduit à transformer vos déclarations généreuses en mesures au rabais. Les chômeurs et les assurés sociaux en ont déjà fait les frais. Le tour des handicapés serait-il à présent venu ? Pourtant, les faire entrer de plein droit dans tous les aspects de la vie sociale requiert des moyens financiers conséquents.

Nous sommes donc déçus et insatisfaits. Promouvoir l'autonomie et la dignité de toutes les personnes handicapées appelait un texte autrement plus ambitieux. Nous persistons à défendre l'entière prise en charge des handicapés par la sécurité sociale. A tout le moins, l'intégralité des moyens de la CNSA doit être affectée aux besoins des personnes handicapées ou âgées. La CNSA ne saurait financer de façon durable les maisons départementales, sauf à duper les salariés.

Nous vous demandons de faire davantage en faveur de l'insertion professionnelle des handicapés. Une transposition complète de la directive européenne de novembre 2000 permettrait d'inscrire l'obligation d'aménagement raisonnable dans le code du travail. Nous attendons également une politique plus incitative en matière d'embauche. Qui de nous n'a pas été interpellé par des travailleurs handicapés qui ne trouvent pas d'emploi ? Trop de personnes handicapées ne trouvent pas de travail par manque de volontarisme des entreprises, privées et publiques, mais aussi de l'Etat en matière d'embauche.

Nous aurions aimé pouvoir voter ce texte mais en l'état actuel, nous ne le pouvons. Aux côtés des personnes handicapées et de leurs associations, nous continuerons à en dénoncer les lacunes. Il privilégie en effet une logique d'assistance, en décalage avec les aspirations des intéressés à une véritable justice sociale. Il ne sort pas, et pour cause, du cadre de votre politique économique et sociale profondément libérale. Notre logique est tout autre : nous refusons une société à deux vitesses, où les personnes en situation de handicap, quel que soit celui-ci, n'auraient d'autre perspective qu'isolement et exclusion. L'égalité des chances ne se décrète pas, elle se construit. C'est une question de volonté politique, de dispositions juridiques bien sûr, mais aussi de moyens financiers. Nous souhaitons que le débat qui s'ouvre permette d'avancer en ce sens pour répondre aux revendications des personnes en situation de handicap et de leurs associations. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

Mme Hélène Mignon - Comment ne pas évoquer d'abord le calendrier ? Après son examen précipité en première lecture avant l'été, quelques jours seulement après votre nomination, Madame la ministre, voilà que ce texte nous est présenté en deuxième lecture la semaine de Noël, clôturant le travail parlementaire de l'automne. C'est qu'il est attendu avec impatience par les intéressés, me rétorquera-t-on, mais ce que les personnes handicapées attendent avant tout, c'est une réponse concrète à leurs besoins.

Vous souhaitez revenir, Madame la ministre, sur divers amendements choquants adoptés par le Sénat. Soit, mais alors pourquoi les avoir acceptés, certains disent même suscités ?

Mme la Secrétaire d'Etat - C'est totalement faux.

Mme Hélène Mignon - J'ai pourtant lu le compte-rendu des débats du Sénat, où apparaissent souvent dans votre bouche « Avis favorable » ou « Sagesse ». Si je me suis trompée, je vous prie de m'en excuser.

Puisque vous prétendez vous être largement concertée avec les associations, vous pouviez anticiper le tollé qu'allaient susciter des amendements comme celui concernant la scolarisation.

Vous nous avez indiqué que des amendements seraient déposés tendant à améliorer les conditions de vie des personnes en situation de handicap. Nous vous demanderons, au fil de ces amendements, des éclaircissements puisque nous n'avons pas pu les examiner en commission.

Contre l'avis de tous, vous vous obstinez à donner une mauvaise définition du handicap. Les situations de handicap sont la résultante de l'interaction entre des facteurs individuels et des facteurs environnementaux, par exemple de nature culturelle, sociale, architecturale... Pourquoi traiter de l'accès à la culture pour les personnes handicapées dans un texte, de leur formation professionnelle dans un autre ? Pourquoi n'avoir pas traité de tous ces aspects dans un seul texte ? La définition du handicap est pourtant essentielle puisque, au-delà des réponses qu'il convient d'apporter aux personnes et qui font l'objet du droit à compensation, en découle l'obligation faite aux pouvoirs publics d'engager une véritable politique d'accessibilité. Seule cette accessibilité permettra l'accès des personnes handicapées à la citoyenneté.

Oui, je parle de personnes handicapées, ne souhaitant pas m'engager dans une vaine querelle sémantique qui pousserait à préférer l'expression, plus politiquement correcte, de « personne en situation de handicap ».

Votre texte concerne les personnes. Nous aurions choisi, nous, de lutter contre les situations de handicap, sans ignorer bien sûr les personnes handicapées.

M. Jean Le Garrec - Très bien !

Mme Hélène Mignon - Contrairement à ce que vous m'aviez répondu en première lecture, une loi contre les situations de handicap n'exclurait nullement la compensation. Elle lui donnerait au contraire tout son sens. S'il est difficile de définir la situation de handicap d'une façon qui ferait l'unanimité, vous vous affranchissez en tout cas de toute définition qui impliquerait une profonde transformation sociale pour que les personnes handicapées soient réellement intégrées à notre société.

Vous avez parlé ce matin de concepts nouveaux, de politiques nouvelles, de « changer les mots pour changer les regards ». Alors pourquoi en rester au statu quo et à une définition en contradiction avec les recommandations de l'OMS et de l'ONU, avec les conclusions du Conseil des ministres européen, avec la loi de santé publique d'août dernier, avec l'exposé des motifs même de votre projet de loi ? Vous y avez certes introduit le terme « environnement » mais n'acceptez toujours pas que le handicap résulte de l'interaction entre les déficiences d'une personne et les caractéristiques de son environnement. Le cadre restrictif de ce texte, comme celui de la loi de 1975, contribue à faire des personnes handicapées une catégorie à part dans la société. Il aurait d'ailleurs été beaucoup plus cohérent que nombre de dispositions figurent dans la loi de cohésion sociale votée ce matin. Bref, le présent projet de loi aura été une occasion manquée et ne changera pas radicalement l'approche des situations de handicap par notre société.

Le texte initial n'était pas très ambitieux et l'Assemblée nationale l'avait amélioré en première lecture. Notre mission, jusqu'à mercredi, sera donc de revenir en deuxième lecture sur les reculs intolérables marqués au Sénat, vous en semblez d'accord avec nous, mais aussi d'aller plus loin. Jusqu'où ? Tout est là. Nous nous apercevons que nous ne plaçons apparemment pas le curseur au même endroit...

Le président de la commission des affaires sociales s'est étonné du grand nombre d'amendements déposés. Il sait pourtant parfaitement combien les associations ont sollicité les parlementaires sur tous les bancs, preuve même que le texte n'est pas satisfaisant. Il s'agit d'une fausse deuxième lecture, tant le texte a été modifié et tant le débat s'est rouvert sur de nouvelles questions. Il doit donc y avoir un débat approfondi sur tous les amendements, en particulier ceux dont nous n'avions pas encore connaissance la semaine dernière. En effet, une loi aussi importante ne sera pas remise sur le métier tous les ans !

La question de la représentativité des associations fait débat. Après qu'avait été retiré en première lecture un amendement tendant à empêcher les associations dites gestionnaires de participer aux instances représentatives, le sénateur About est revenu à la charge en proposant une stricte parité entre associations gestionnaires et associations représentatives, et le Sénat l'a suivi. Certaines associations, face à l'absence de réponse de la part de l'Etat, ont choisi de prendre leurs responsabilités et de se donner les moyens de conduire les projets auxquels aspirent les personnes handicapées qu'elles représentent. On ne peut que les en féliciter et les remercier. Mais si elles sont devenues gestionnaires, elles n'en restent pas moins représentatives. Il faut certes veiller à ce que la représentativité demeure réelle. Mais ce n'est pas en instaurant une stricte parité, ce qui ne semble d'ailleurs pas être votre volonté, Madame la ministre, que l'on résoudra la question, pas plus qu'en organisant l'élection de personnes handicapées par des personnes handicapées - hors cadre associatif - pour les représenter au sein des instances consultatives.

Mme la Secrétaire d'Etat - Qui a formulé cette idée ?

Mme Hélène Mignon - On nous l'a soumise. Quelqu'un l'a donc bien formulée... Nous la jugeons dangereuse, faisant notamment courir le risque de dérives communautaristes. Force est de constater qu'une sorte de hiérarchie s'est instituée et que certaines familles de handicaps ont plus de mal à se faire entendre que d'autres. Il importe donc de prendre le temps de la réflexion sur cette question, complexe, de la représentativité, dont l'enjeu est considérable.

En matière d'accessibilité des bâtiments, le Sénat a adopté, souvent avec l'aval du Gouvernement, des amendements marquant des reculs inacceptables, qu'il s'agisse de la suppression des délais, des nouvelles possibilités de dérogations, de la définition de « l'effectif du public admis ». Sous couvert de pragmatisme, tous ces amendements traduisent une profonde méconnaissance des situations de handicap rencontrées au quotidien par des millions de personnes. Quelle indifférence ! Quel mépris même ! Le coût des investissements effraie certes les élus locaux, le budget des collectivités n'étant pas extensible à l'infini. Mais savoir faire des choix est aussi de la responsabilité des élus. A la lumière de tout cela, on comprend mieux l'entêtement de certains à refuser que la loi définisse le handicap au regard de l'environnement.

S'agissant de la scolarisation, oublions l'amendement choquant du Sénat puisque vous y avez vous-même dit votre opposition, Madame la ministre. D'une façon générale, la loi doit disposer que l'enfant handicapé est scolarisé dans le cadre du droit commun, sous la responsabilité pleine et entière de l'éducation nationale, qui met en place l'accompagnement nécessaire en tenant compte de la spécificité de chaque handicap.

En ce qui concerne le financement, je redis ici notre hostilité au choix fait de supprimer un jour férié, mesure inégalitaire qui, de surcroît, coûtera aux collectivités. Des simulations auraient d'ailleurs dû être effectuées préalablement. Quant à la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, tout laisse à penser qu'elle deviendra rapidement une usine à gaz, tant ses contours sont mal définis et la répartition des responsabilités y est hasardeuse. Et je ne parle pas des inégalités entre territoires qui en résulteront.

Vous conviendrez d'autre part que le choix du Gouvernement d'utiliser les fonds de la suppression du jour férié à d'autres fins que le seul droit à compensation est surprenant. Vous nous annoncez qu'ils financeront des places en CAT. Mais qui assurera le fonctionnement de ces établissements ?

Le chantier est vaste. Je rejoins notre collègue Leteurtre : certains amendements relèvent plus de la santé publique que du présent projet, qu'il s'agisse de l'alcoolisme ou des enfants prématurés.

Nous discuterons également des soins qui exigent l'intervention de professionnels à domicile et de ceux que l'on peut apprendre à faire soi-même, comme les piqûres d'insuline dans les cas de diabète. Le corps médical a droit au respect, mais la personne handicapée a aussi le droit d'être reconnue comme une personne à part entière.

M. Jean Le Garrec - Très bien !

Mme Hélène Mignon - Ce texte ne nous satisfait donc pas - et je conteste que nous n'ayons pas agi. Il nous faut aller plus loin si nous ne voulons pas avoir à rouvrir le chantier à brève échéance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Ghislain Bray - Permettez-moi d'abord de revenir sur les propos singuliers que tenaient nos collègues de l'opposition en première lecture. Une expression m'avait particulièrement interloqué, celle de « simple toilettage » dont l'opposition taxait ce texte, prétendant sans scrupule qu'il manquait d'ambition et de souffle et dénonçant un décalage entre les ambitions et les moyens. On vous reprochait même, Madame la ministre, d'avoir manqué de courage pour répondre aux attentes des personnes handicapées, voire, ce matin encore, d'avoir piétiné je ne sais plus qui ou quoi...

Toilettage, l'accès à la prestation de compensation? Toilettage, l'amélioration de l'AAH? Toilettage, la scolarisation en milieu ordinaire, l'insertion des travailleurs handicapés en milieu ordinaire, le nouveau « guichet unique » de la maison départementale des personnes handicapées ?

M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Non : avancée !

M. Ghislain Bray - Notre groupe aurait-il déposé autant d'amendements en première lecture pour le seul plaisir de « dépoussiérer » le texte de 1975 ? Ce débat mérite mieux : vous l'aurez compris, notre souhait était de revenir en profondeur sur la loi sur le handicap. Il était en effet plus qu'urgent d'améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées, afin qu'elles puissent enfin vivre comme tout citoyen, c'est-à-dire dans une société équipée pour les accueillir, ayant toutes les possibilités de les intégrer.

Mme Claude Greff - Très bien !

M. Ghislain Bray - La tâche était immense. Nous nous sentions véritablement investis d'une mission, celle de faire entendre la voix des personnes handicapées, et je crois que ce texte répond aujourd'hui à leurs justes revendications. Aussi, Madame la ministre, je vous félicite pour l'écoute dont vous avez témoigné pour parfaire ce texte avec courage, mais aussi avec cœur. Vous avez ainsi pris l'engagement de compenser l'absence de ressources des personnes handicapées qui sont dans l'incapacité durable de travailler, garantie cumulable avec une AAH à taux plein.

Permettez-moi cependant de revenir sur un amendement que j'avais déjà déposé en première lecture, qui me tient particulièrement à cœur. Il est intolérable que des produits indispensables à la vie et aux soins quotidiens des personnes handicapées soient soumis à une TVA exorbitante de 19,6 % ! Cette terrible pénalisation des personnes handicapées va totalement à l'encontre de l'esprit de ce texte. Il est indispensable, m'aviez-vous répondu en première lecture, de disposer d'une évaluation chiffrée pour répondre à cette requête. Je renouvelle donc ma demande, en me faisant à nouveau, comme je le fais depuis 2002, le porte-parole des personnes handicapées, et en espérant que vous pourrez leur répondre favorablement.

Vous décidez dans le même temps, avec les maisons départementales, de privilégier une uniformisation des choix de gestion des problèmes rencontrés par les personnes handicapées sur l'ensemble du territoire. Nos concitoyens handicapés avaient grand besoin de ce guichet unique, notamment pour leurs démarches administratives. Combien de personnes handicapées, en effet, sont en plein désarroi faute de réponse précise sur des problèmes administratifs ? Combien cherchent désespérément un domicile adapté à leur handicap, alors même que ces logements existent ?

Je salue une importante avancée opérée en deuxième lecture par le Sénat. L'article 24 bis dispose désormais que sera créée, dans les communes de 5 000 habitants et plus, une commission communale pour l'accessibilité aux personnes handicapées, qui sera notamment chargée de mettre en place un système de recensement de l'offre de logements accessibles aux personnes handicapées.

Mme la Secrétaire d'Etat - C'est très important.

M. Ghislain Bray - Pour être confronté à de nombreuses demandes dans ma circonscription, je ne peux que me réjouir de cette initiative qui permettra de réduire des délais souvent honteusement longs.

Par votre persévérance, Madame la ministre, vous avez su porter ce projet de loi. La loi de solidarité sur l'autonomie a déjà créé une journée de solidarité en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, qui permettra de financer de nouvelles actions ; le ministère de la culture s'est engagé, lors de la commission nationale culture-handicap, à favoriser l'accès à la culture des personnes handicapées. Le Gouvernement agit pour que notre société prenne conscience des réels problèmes rencontrés par les personnes handicapées. Ne doutons pas que ce travail de solidarité débouchera sur une plus grande ouverture aux personnes handicapées.

Je salue le travail remarquable du rapporteur, M. Jean-François Chossy, fondé sur une écoute constante des personnes handicapées et de leurs représentants. Il a su en outre faire régner la concertation au sein de notre commission. Ce projet répond aux exigences du Président de la République, qui a fait de l'insertion des personnes handicapées l'une des trois priorités de son quinquennat.

La plus belle des conclusions est apportée par l'article 50, qui dispose que les décrets d'application seront publiés dans les six mois suivant la publication de la loi. Respecter les personnes handicapées, c'est d'abord ne pas leur faire attendre pendant des années les améliorations de leur vie quotidienne auxquelles elles ont droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - L'enjeu de ce texte était de moderniser la loi de 1975, devenue obsolète. Le Président de la République voulait en faire un moment fort du quinquennat, et l'année européenne du handicap, en 2003, est venue nous rappeler cette nécessité.

Les associations nous font pourtant part de leur profonde déception devant une occasion manquée. On ne peut que regretter les conditions dans lesquelles ce texte aura été examiné, notamment cette deuxième lecture, qui aura été coupée de navettes parlementaires et se sera prêtée à l'introduction de divers cavaliers.

Le projet que nous avions adopté en première lecture a été bien malmené au Sénat. A peine trois jours après les Chantiers de l'accessibilité, où avait été dénoncée l'inaccessibilité des lieux publics, nos collègues de la Chambre haute supprimaient le délai de dix ans pour la mise en accessibilité des transports et tout délai pour celle des établissements recevant du public, tandis qu'ils réintroduisaient des dérogations économiques, notamment pour la plus grande partie des commerces de proximité. Ils opposaient ainsi aux personnes en situation de handicap un prétendu « intérêt social supérieur ».

Pour les députés Verts, il ne peut y avoir qu'égalité des droits entre tous les citoyens. La loi doit prévoir les aménagements pour assurer cette égalité, avec des échéances précises.

Nos collègues sénateurs ont également adopté un amendement sur le volet scolaire qui inscrit dans la loi, sous couvert de « prévention des troubles », la discrimination envers certains enfants en situation de handicap, et autorise leur exclusion de l'école. Nous étions pourtant censés consacrer la primauté de la scolarisation en milieu ordinaire ! Aussi je me félicite que la commission ait adopté l'amendement déposé par plusieurs d'entre nous pour supprimer cette disposition.

Le respect du choix des parents en faveur du milieu scolaire ordinaire de proximité doit être notre priorité. Il faut à cette fin prévoir les mises en accessibilité, mais aussi de créer des centres ressources, tant pour les enfants que pour mettre en confiance les enseignants.

S'agissant des aspects financiers, la commission propose de porter le niveau de l'AAH à 80 % du SMIC. C'est plus que l'existant, mais moins que le niveau du SMIC demandé par les associations et il semble que les titulaires d'une pension d'invalidité ne soient pas concernés.

Quant à l'aide au travail, nous passons à côté de la nécessaire réforme des CAT.

Autre lacune, le refus de passer de la notion de « personne handicapée » à celle de « situation de handicap ». Cette seconde définition, qui fait l'unanimité des grandes associations réunies au sein du Comité d'entente, serait moins stigmatisante. Inspirée des recommandations de l'OMS, de l'ONU et du Conseil des ministres européens, elle montre comment le handicap doit se comprendre dans l'interaction entre une personne qui connaît une altération d'une fonction et son environnement. Elle appelle tous les efforts de la collectivité pour adapter l'environnement aux personnes.

S'agissant de la citoyenneté proprement dite, la loi reste loin de la reconnaissance du droit d'une personne en situation de handicap à prendre son destin en main. Il ne suffit pas de distinguer associations gestionnaires et associations non-gestionnaires. La région Ile-de-France vient de créer un conseil consultatif des citoyens et citoyennes handicapés, qui prévoit un collège élu par des personnes en situation de handicap reconnues par la COTOREP. Faut-il avancer dans cette voie dans les diverses instances représentatives ? La question reste posée.

Les personnes en situation de handicap attendent des dispositifs concrets de compensation, la scolarisation des enfants, l'accessibilité des lieux, ainsi que, sur le plan même du langage, la prise en considération de ce qu'elles sont. Les Verts attendront, quant à eux, la suite du débat avant de décider de leur vote.

M. Jean-Marie Geveaux - C'est la sagesse même. (Sourires)

M. Patrick Roy - A l'issue de la première lecture, votre projet n'avait pas recueilli l'assentiment du groupe socialiste, qui est attaché à l'égalité des droits et des chances pour tous nos concitoyens. Aujourd'hui, nous souhaiterions sincèrement réserver un meilleur sort à votre texte, mais tel ne sera pas le cas. Ce projet ne suscite d'ailleurs guère plus d'enthousiasme de la part des associations de personnes handicapées dont la déception est à la mesure de leur attente et la colère à la mesure des nombreux reculs infligés par la majorité sénatoriale, tant par rapport au projet initial que par rapport au droit européen.

Le projet sans garantie ni financement que vous présentiez voilà quelques mois s'est métamorphosé en texte régressif...

Mme la Secrétaire d'Etat - Un peu de sérieux !

M. Patrick Roy - ...qu'il s'agisse des dérogations économiques au principe d'accessibilité ou du refus constant de la majorité de consacrer un véritable droit à compensation, universel et intégral. Comment prétendre assumer la contradiction entre les objectifs louables affirmés par le Président de la République lui-même et ces mesures particulièrement regrettables violant la dignité des personnes les plus fragiles ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Vous n'y allez pas un peu fort ?

M. Patrick Roy - Ce projet s'inscrit dans le long terme et concerne autant les adultes que les enfants en situation de handicap. Nous pouvions donc attendre un dispositif ambitieux de scolarisation et il n'en est rien. En 2004, les crédits de l'enseignement scolaire consacrés au handicap ont diminué de plus de 5 %. Pour 2005, vous prévoyez la création de 800 postes supplémentaires d'AVS ayant le statut d'assistant d'éducation mais qu'en sera-t-il effectivement lorsque l'on sait que l'objectif de création de 6 000 postes similaires fixé à la rentrée de 2003 n'a toujours pas été atteint ?

Votre texte est très insuffisant en ce qui concerne l'accessibilité des bâtiments scolaires. Il n'évoque pas la question de la formation initiale des enseignants spécialisés...

M. le Rapporteur - Si !

Mme la Secrétaire d'Etat - Vous n'avez pas dû lire le paragraphe qui traite de cette question.

M. Patrick Roy - ...il n'impose aucune obligation de résultat au service public de l'éducation et ne traite pas non plus de la situation des enfants polyhandicapés...

M. le Rapporteur - Si !

Mme Muriel Marland-Militello - En effet !

M. Patrick Roy - ...ou des questions liées à l'accompagnement des étudiants handicapés. Vous avez en outre décidé de freiner l'application du plan Handiscol présenté en 1999 par le gouvernement de M. Jospin.

Mme la Secrétaire d'Etat - Pas du tout.

M. le Rapporteur - C'est de la désinformation !

M. Patrick Roy - Enfin, votre dispositif d'intégration risque d'être anéanti par les amendements qu'ont votés les sénateurs de la majorité et qui permettent d'exclure des élèves handicapés du milieu scolaire ordinaire lorsque « leur présence provoque des troubles qui perturbent de manière avérée la communauté des élèves ». C'est inacceptable. Sur quels critères cette décision sera-t-elle imposée aux parents ? L'article 8 revient ainsi sur le principe d'intégration de la loi de 1975. En l'état, votre projet rend illusoire la scolarisation effective des enfants et des adolescents handicapés.

Alors que votre action engage la crédibilité de l'Etat, vous présentez un texte par trop désinvolte en particulier à l'endroit des enfants. Votre projet, attendu, espéré, pourrait constituer un vrai progrès : il est encore temps d'agir.

Mme Muriel Marland-Militello - Je souhaite vous dire un certain nombre de vérités qui me tiennent à cœur. La première : tant qu'une personne ne vit pas personnellement un handicap dans sa chair, elle ne peut savoir ce qu'il en est vraiment. Le handicap est indicible.

Mme la Secrétaire d'Etat - En effet.

Mme Muriel Marland-Militello - Nous en sommes tous conscients.

Seconde vérité : nous n'allons pas aussi loin que nous le souhaiterions, mais nous souffrons d'un grand retard dont nous sommes collectivement responsables. Et l'on voudrait, dans une situation budgétaire très difficile, que le Gouvernement fasse des miracles ? C'est utopique ! Je crois que Mme la ministre a été aussi loin que possible d'un point de vue financier.

Mme la Secrétaire d'Etat - Vous ne manquez pas de courage en l'affirmant.

Mme Muriel Marland-Militello - Je sais à quel point M. le rapporteur, lui aussi, s'est investi, combien il a travaillé avec constance. Je lui rends hommage car nous l'avons tous harcelé, moi la première, tant cette cause nous tenait à cœur.

Troisième vérité enfin : il est inutile de faire comme si les amendements du Sénat étaient définitivement acceptés puisque nous allons précisément en discuter.

Mme la Secrétaire d'Etat - C'est juste.

Mme Muriel Marland-Militello - Comme nous nous apprêtons à combattre les régressions introduites par la majorité sénatoriale, pourquoi ressasser en permanence des amendements dont nous ne sommes pas responsables ?

M. Ghislain Bray - Exact.

Mme Muriel Marland-Militello - Enfin, il y a toujours une différence entre la portée d'une règle écrite, le sens qu'on veut lui donner et son application. C'est précisément pourquoi on ne va jamais assez loin d'un point de vue législatif. J'ajoute que les millions qui sont débloqués ne représenteront que quelques centimes d'euros supplémentaires pour chaque individu mais cela ne doit pas oblitérer pour autant l'avancée majeure que constitue ce budget.

J'ai une filleule qui souffre d'un handicap. Malgré toutes les lois sur l'accessibilité et toutes les normes prescrites, elle subit de terribles contraintes dans une vie quotidienne qui, à Paris en particulier, est infernale. Seule une loi sévère et coercitive permettra de surmonter les mauvaises volontés.

Enfin, plus grave encore : le regard des autres sur les personnes handicapées.

Mme la Secrétaire d'Etat - Absolument.

Mme Muriel Marland-Militello - Qu'il soit de compassion ou de rejet, de sollicitude, de dégoût ou de pitié, il est en tout cas différent de celui porté sur les autres et il persistera tant que les personnes handicapées n'occuperont pas toute la place qui leur revient dans la société tout entière. J'aurais souhaité que Mme la ministre, symboliquement, acceptât une modification lexicale.

Je sais combien, dans notre pays, l'expression verbale conditionne la psychologie des êtres, et parce que c'est vrai que l'on ne peut résumer le handicap à une situation sociale, je préfèrerais que l'on parle de personnes qui ont un handicap plutôt que de personnes en situation de handicap.

Je salue le soin apporté par M. Chossy à personnaliser toutes les dimensions du handicap, et je souhaiterais que l'on adopte cet amendement qui tend à remplacer l'expression « projet individualisé » par « projet personnalisé ».

Enfin, je voudrais dire ma tristesse à voir insultés tous nos efforts. C'est vrai, Mme la ministre, j'étais opposée à nombre de vos propositions, mais j'ai pris conscience de votre travail, aussi vous serais-je reconnaissante d'accepter certaines de mes propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

Mme la Secrétaire d'Etat - Monsieur Chassaigne, qui m'avez interrogée sur la sanction des délais, je vous rappelle que le texte prévoit une amende de 45 000 €, et de 75 000 en cas de récidive, sans parler des peines de prison en cas de manquement au principe d'accessibilité.

S'agissant de l'investissement particulier de l'éducation nationale pour l'accueil des enfants handicapés, c'est vrai qu'il faudra augmenter le nombre d'auxiliaires de vie, mais leur contingent croît déjà chaque année. Quant à Clermont-Ferrand, je sais, pour m'y être rendue récemment, que l'académie a accompli des efforts sans précédent. J'en profite pour dire toute mon admiration à l'équipe pédagogique du collège Gérard Philippe.

Concernant les ressources, la garantie de ressources des personnes handicapées complètera de manière conséquente l'allocation aux personnes handicapées, mais n'oublions pas que la compensation technique et humaine devrait les dispenser de puiser dans leurs ressources personnelles, comme cela se pratique aujourd'hui.

Vous avez évoqué la loi de mars 2002, qui a eu le mérite de poser le droit à compensation, mais encore fallait-il lui donner un contenu, ce à quoi s'attache ce projet de loi.

Je le reconnais que nous manquons de logements adaptés aux personnes handicapées, mais le parc social sera soumis à l'obligation d'une mise en accessibilité, et des dispositions règlementaires permettront de veiller au respect de ce dispositif.

Quant aux efforts demandés aux Français, la CNSA devrait nous permettre d'avoir une vision claire de l'investissement public.

Monsieur Leteurtre, je comprends d'autant mieux les conditions que vous posez à votre soutien que je connais votre investissement en ce domaine, mais pour autant, nous n'aurions pu nous contenter d'une simple loi cadre, et le Gouvernement a choisi d'agir immédiatement. Par ailleurs, vous reprochez à cette loi d'être un catalogue, mais la complexité du sujet nous obligeait à en aborder toutes les dimensions. S'agissant de l'investissement public, convenez que nous ne savons pas aujourd'hui le mesurer, et j'espère que la LOLF tout comme la CNSA nous permettront d'en avoir une vision plus précise. Quant aux délais, nous ne pouvons plus nous permettre d'attendre, aussi ai-je fait le choix de ce calendrier, avant les fêtes.

Mme Claude Greff - Il faut d'abord travailler !

Mme la Secrétaire d'Etat - Madame Billard, les aller-retour entre le Sénat et l'Assemblée, outre qu'ils font partie du jeu démocratique, enrichissent le débat.

S'agissant des CAT, leur statut d'établissement médico-social est confirmé par ce texte, ce qui renforce la protection des travailleurs handicapés.

Mme Claude Greff - C'est très important !

Mme la Secrétaire d'Etat - Je serai par ailleurs attentive aux remarques de l'UNAPEI, très investie sur ces questions.

Madame Mignon, je m'étonne que vous ayez centré votre intervention sur la définition du handicap. Outre la nécessité d'éviter le « politiquement correct », je rappelle qu'il faut circonscrire le champ du handicap pour éviter le glissement vers le handicap social, et je ne me souviens pas avoir entendu de critiques, de la part des associations, sur la définition retenue par ce texte.

Enfin, cette loi ne va pas clore le débat. Au contraire, nous allons continuer à travailler, à élaborer de nombreux plans d'action, afin qu'il n'y ait pas de décalage entre l'esprit de la loi et son effectivité.

Monsieur Bray, je vous remercie d'avoir souligné les avancées de ce texte, et je salue votre assiduité et votre contribution à ce débat.

Madame Marland-Militello, je relève le courage et la justesse de vos propos. Vous avez su nous faire prendre conscience de la réalité du handicap pour les personnes handicapées, et si je n'ai pas toujours suivi vos préconisations en matière d'appellation, je vous donne rendez-vous en 2005 pour nous aider à réfléchir sur le changement de regard, et sur la dénomination. Le terme de handicap est-il encore pertinent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Claude Greff - Très bien !

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Ce projet de loi, examiné en deuxième lecture, devait concrétiser le troisième grand chantier du mandat du Président de la République, sur la place des personnes handicapées dans notre société.

La révision de la loi fondatrice de 1975 était nécessaire, malgré les modifications de 1987 et 2002 : les associations appellent constamment notre attention sur les difficultés que les personnes en situation de handicap affrontent au quotidien. Mais l'enthousiasme fut de courte durée ! Dès qu'elles eurent pris connaissance du texte, les associations ont fait des propositions, par voie de manifeste, d'études ou d'amendements, afin que le grand chantier présidentiel ne se trouve pas réduit à une addition de petits ajustements. Cette réaction a été d'autant plus vive qu'il y a consensus pour engager une dynamique d'intégration. Malgré cela, il fallut beaucoup d'insistance pour obtenir quelques avancées en première lecture... et le Sénat a aussitôt adopté des modifications dont certaines sont des reculs intolérables. Pourtant, plusieurs pays européens ont engagé des politiques audacieuses en la matière. Il est de l'honneur du législateur d'agir pour faire évoluer la conscience nationale, car notre pays accuse encore un retard important. Le PDG de la SNCF, Louis Gallois, a récemment pu constater les difficultés que rencontraient les voyageurs handicapés au quotidien, d'autant plus inadmissibles qu'il s'agit d'un service public. Elles soulignent le long chemin qui reste à parcourir.

Vous refusez toujours de prendre en considération la « situation de handicap ». Loin d'être une querelle sémantique, cette notion revêt une importance capitale : l'ensemble des politiques et la perception même de la société en dépendent. La situation de handicap est le produit à la fois de la déficience de la personne et des barrières environnementales, culturelles, sociales, voire réglementaires qu'elle rencontre et qui l'empêchent de vaquer aux occupations de la vie quotidienne. Il est évident que la suppression de ces obstacles ne gommera pas la déficience de la personne, mais elle lui permettra de circuler librement dans la cité, et de se rendre à l'école ou dans tous les lieux de travail, de culture et de loisir. Le texte, lui, privilégie une approche personnaliste, qui révèle une conception du handicap plus tournée vers l'assistanat que vers la reconnaissance de droits pleins et entiers, à l'opposé des souhaits des personnes en situation de handicap. Agir sur les situations de handicap doit pourtant constituer l'objectif central de toute politique.

Vous avez rappelé ce matin, Madame la ministre, votre souci d'affirmer des concepts nouveaux. Le texte que vous nous proposez aurait pu saisir l'occasion, et établir par exemple plus nettement le lien entre la déficience et l'environnement constitutif de la situation de handicap. Cela aurait rendu nécessaire d'adapter la législation en matière de voirie et de cadre bâti, mais le texte ne propose rien dans ce domaine. Vous nous avez dit que des délais seraient fixés et des contrôles exercés. Nous prenons acte de votre volonté de résister aux pressions de vos collègues sénateurs.

Mme Claude Greff - Les vôtres aussi !

Mme Martine Carrillon-Couvreur - En ce qui concerne le droit à compensation, la loi de modernisation sociale de janvier 2002 reconnaissait à la personne handicapée le droit à la compensation de son handicap quels que soient son origine et sa nature, quels que soient l'âge et le mode de vie de la personne.

Mme la Secrétaire d'Etat - Sans dire comment !

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Elle garantissait un minimum de ressources pour couvrir les besoins de la vie courante, ce qui avait constitué une étape importante. Mais vous prétendez que le montant de l'AAH disponible pour les dépenses de la vie courante se trouve automatiquement majoré par la création de la prestation de compensation. Vous vous êtes donc contentée d'ouvrir la possibilité de compléter cette allocation avec un revenu d'activité. C'est déjà une avancée.

Mme Claude Greff - Une avancée considérable !

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Mais nous espérons des réponses concrètes sur le revenu des personnes en situation de handicap qui ne peuvent pas travailler. Qu'est-ce, par exemple, qu'une « AAH disponible substantiellement majorée pour les personnes accueillies en établissement »? D'autre part, de nombreuses associations ont évoqué le remplacement de l'AAH par un SMIC associé à une fiscalisation de droit commun. Il aurait été utile de disposer d'une étude et d'engager la discussion sur ce dispositif. Vous venez d'annoncer des évolutions sur ce sujet, mais la question des revenus doit faire l'objet d'une réflexion approfondie.

Ce texte contient également des avancées en matière de scolarisation, mais qui restent malheureusement au niveau des principes, et qui s'accompagnent de reculs importants après la discussion au Sénat. Cet épisode démontre qu'il reste en France des barrières à abolir. Certains de nos voisins ont fait le choix d'une scolarisation en milieu ordinaire. Pour cela, il faut mobiliser les énergies et les moyens financiers. Toutes vos bonnes intentions restent donc tributaires de la bonne volonté de l'éducation nationale. Or, des postes sont supprimés, au lieu de profiter de la baisse globale du nombre d'élèves pour que l'encadrement puisse accueillir des enfants handicapés.

M. Jean Le Garrec - Très bien !

Mme Martine Carrillon-Couvreur - En outre, le sort réservé au plan Handiscol laisse présager un désintérêt de cette question.

Mme la Secrétaire d'Etat - Vous faites erreur !

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Ce plan a pourtant démontré son utilité, et aurait dû être doté des moyens dont il a besoin. La formation initiale des enseignants, l'augmentation du nombre d'enseignants spécialisés, la prise en compte, dans le calcul des effectifs de la classe, de la présence d'un enfant handicapé, l'ouverture de classes adaptées, l'aménagement des locaux n'ont malheureusement pas été abordés non plus, malgré l'importance vitale de l'accès à l'éducation pour chaque enfant.

J'en viens au financement du projet. La création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie marque une volonté de rompre avec le principe de solidarité nationale et de reléguer le handicap dans le domaine de l'assistance. Pourtant, toutes les associations ont rappelé leur souhait de voir la perte d'autonomie et le handicap faire partie du champ de la sécurité sociale. Pour financer cette nouvelle caisse, vous supprimez un jour férié. Cette mesure est censée rapporter, en année pleine, entre 1,7 et 2 milliards, sur lesquels 850 millions seront consacrés aux personnes en situation de handicap, dont 550 millions pour la seule prestation de compensation. Mais ce montant ne suffira pas. Qui financera le complément ? Et les explications concernant le financement de votre loi restent floues. Sur ces 850 millions, 200 seront affectés à la prise en charge des aides techniques et des aménagements du logement par exemple et 350 millions au volet « aide humaine » de la prestation de compensation. Qu'allez-vous faire des 300 millions restants ? Et à quoi les recettes qui seront perçues en 2005 seront-elles affectées, alors que la CNSA ne sera opérationnelle que le 1er juillet 2006 ?

Encore faudrait-il que ces recettes soient à la hauteur de vos prévisions. De nombreuses études économiques en doutent, alors que la mesure crée un risque sérieux de détruire des emplois. Le financement que vous avez prévu est donc bien aléatoire. Le rapport du Conseil économique et social sur la prise en charge des personnes en situation de handicap montre bien ses limites, et aurait dû faire l'objet d'un examen approfondi. Nous regrettons que cela n'ait pas été le cas.

Mme Claude Greff - Arrêtez de regretter ! Il faut travailler maintenant !

Mme Hélène Mignon - Je vous en prie !

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Une définition du handicap en deçà de la définition internationale, un droit à compensation qui ne fait référence qu'aux conséquences du handicap, des revenus toujours insuffisants pour les personnes concernées, un financement qui rompt avec le principe de solidarité nationale... Voilà le contenu de ce projet de loi. Pourtant, traiter du sujet était tout à votre honneur. Légiférer sur l'intégration des personnes en situation de handicap est un devoir : il ne s'agit pas de quelques cas isolés, mais d'un problème de société. Il nous appartient de tout faire pour supprimer, réduire ou compenser les situations de handicap. C'est la place des personnes touchées par le handicap dans les prochaines décennies qui se joue. Il faut du temps pour faire évoluer les mentalités. Une loi est écrite pour longtemps. Chaque gouvernement y apporte sa contribution. Ce projet de loi n'atteint pas cet objectif. Des avancées, j'en conviens, ont vu le jour lors des débats, mais elles demeurent largement insuffisantes. Même le Président de la République semble souhaiter que l'on aille plus loin.

Toutes les préoccupations que je viens d'évoquer sont largement partagées par les personnes en situation de handicap et par les associations qui les représentent. Le renvoi de ce texte devant notre commission est donc pleinement justifié. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je ne puis dire à quel point je regrette que Mme Carrillon-Couvreur, qui est l'une des personnalités les plus mesurées de notre commission, ait été conduite à défendre cette motion de renvoi (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Au total, il a été procédé à plus de deux cents auditions en préalable à cette deuxième lecture, à Paris et sur le terrain, et 584 amendements ont été examinés par notre commission. De ma vie de parlementaire, je n'avais vu le dépôt d'un nombre aussi considérable d'amendements pour une deuxième lecture...

M. Gérard Bapt - Mais avait-on jamais vu autant de personnes handicapées manifester devant l'Assemblée nationale ?

M. le Président de la commission - Je suis donc déçu et surpris que le groupe socialiste use de toutes les ficelles de la procédure (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) pour différer l'examen de ce texte fondateur, très attendu par tous ceux que concerne la question du handicap. Examinons et votons sans plus tarder ce beau texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Secrétaire d'Etat - Je ne reviendrai pas sur les différents points que j'ai déjà abordés. Mme Carrillon-Couvreur s'est interrogée sur la destination des 300 millions restant à mobiliser au-delà de la prestation de compensation. Croyez bien qu'au vu de l'urgence de la situation et de l'ampleur du retard à rattraper, nous n'aurons aucun mal à les affecter à la création de nouvelles places en établissement. Nous avons devant nous un effort exceptionnel à accomplir, et il faut accélérer la cadence.

S'agissant des recettes de la CNSA, 180 millions seront mobilisés en faveur des personnes les plus lourdement handicapées, afin de leur permettre de bénéficier d'un accompagnement permanent en multipliant à leur profit les forfaits d'auxiliaire de vie. D'autres ressources iront aux clubs d'entraide des personnes présentant un handicap psychique, au financement d'opérations d'accessibilité particulièrement urgentes et à l'ACTP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

Mme Muriel Marland-Militello - Sincèrement, le moment est venu de travailler sur chaque article, quitte à améliorer tout ce qui peut l'être en séance publique, si nous en sommes majoritairement d'accord ! Nous avons fait le maximum en commission et les personnes handicapées attendent que nous passions aux actes. S'il faut enrichir le texte, faisons le sous leur regard. Le renvoi en commission, pour s'opposer une nouvelle fois des arguments cent fois entendus, n'apporterait rien ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. André Chassaigne - Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Daniel Paul, qui a participé très activement aux travaux sur ce texte et qui se trouve retenu cet après-midi par la réunion du conseil municipal du Havre. Notre groupe votera la motion de renvoi en commission car plusieurs points essentiels restent en débat. L'un des plus importants concerne la garantie de ressource donnée aux personnes handicapées : pourquoi avoir choisi de créer un complément spécifique de l'AAH plutôt que d'augmenter directement l'allocation ? Il faut approfondir cette question essentielle à la lumière des explications données ce matin même par le Gouvernement avant d'en débattre en séance publique.

M. Philippe Tourtelier - J'observe que la position du groupe communiste est extrêmement claire et que notre collègue de l'UDF a posé tout à l'heure des questions essentielles qui n'ont pas trouvé de réponses.

Notre collègue de l'UMP semble considérer que le retour en commission ne permettrait pas d'enrichir le texte. Vous aurez compris, en écoutant la démonstration de Mme Carrillon-Couvreur, que nous pensons l'inverse. S'agissant des définitions et du vocabulaire, j'estime par exemple que nous ne sommes pas allés au bout de la logique de non-discrimination en ne retenant pas systématiquement l'expression de « personne en situation de handicap », laquelle traduit mieux que toute autre l'interaction entre une déficience physique et un environnement - favorable ou non à sa compensation. En se rapprochant ainsi de la terminologie validée par la plupart des pays en avance sur ces questions, nous aurions concouru à une évolution des mentalités, sans risque de stigmatiser plus encore les personnes en situation de handicap en entérinant la notion de handicap social, comme semble le redouter Mme la ministre. Il reste encore du chemin à faire - notamment en commission ! - pour que la culture de l'autonomie l'emporte sur celle de la déficience !

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La séance, suspendue à 17 heures 25, est reprise à 17 heures 50.

M. le Président - J'appelle dans le texte du Sénat les articles du projet sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas pu parvenir à un texte identique.

ARTICLE PREMIER A

Mme Muriel Marland-Militello - La ministre ayant proposé de travailler en 2005 sur la meilleure formule pour désigner les personnes ayant un handicap, je suis d'accord avec elle pour renvoyer cette discussion à l'année prochaine.

M. le Rapporteur - La disposition adoptée par le Sénat pose le problème de la parité de représentation entre associations. Aussi la commission unanime a-t-elle adopté l'amendement 29, tendant à ce qu'un décret en Conseil d'Etat définisse les critères de représentativité des associations de personnes handicapées et de leurs familles, après avis du conseil national consultatif des personnes handicapées. En effet, ce conseil nous semble le mieux placé pour réfléchir sur ces critères et formuler des propositions utiles. Nous pensons ainsi compléter et rendre plus réaliste la décision du Sénat.

M. Ghislain Bray - L'amendement 433 est défendu.

M. François Liberti - Le Sénat a distingué entre associations gestionnaires et non-gestionnaires. Cette distinction aurait des conséquences majeures sur l'organisation du mouvement associatif des personnes en situation de handicap. En effet, certaines associations représentatives sont souvent gestionnaires d'établissements médico-sociaux sans que cela remette en cause leur mission première de représentation des personnes handicapées. De plus, l'expression « toutes les instances nationales ou territoriales qui émettent un avis ou adoptent des décisions concernant la politique en faveur des personnes handicapées » nous paraît trop générale. C'est pourquoi nous proposons l'amendement 356, ainsi rédigé : « Les critères de représentativité des associations de personnes handicapées et de leurs familles, au sens de la présente loi, sont définies par décret. » Notre préoccupation rejoint celle de la commission, dont nous soutenons l'amendement.

Mme la Secrétaire d'Etat - La disposition introduite par le Sénat crée une distinction trop radicale entre les associations gestionnaires ou non-gestionnaires. Elle a suscité parmi les associations une vive émotion, à laquelle je remercie le rapporteur d'avoir été particulièrement attentif. Il s'ensuivrait un bouleversement du paysage associatif difficilement concevable. C'est pourquoi je vous propose, par l'amendement 630, de modifier l'article L. 146-1 A, et je vous proposerai plus loin d'autres modifications allant dans le même sens. Sans doute faut-il aménager un partage entre les associations gestionnaires et les autres, mais sans exiger entre elles une stricte parité. J'ai décidé de créer un groupe de réflexion réunissant les principaux partenaires associatifs, les représentants des ministères concernés et des personnalités qualifiées pour examiner les difficultés rencontrées, poser les principes à respecter et envisager des solutions.

Dans ces conditions, je souhaite que le rapporteur veuille bien retirer son amendement au profit de celui du Gouvernement dont l'inspiration est d'ailleurs très proche.

M. le Rapporteur - Le rapporteur ne veut pas faire preuve d'entêtement. Mais la commission dans son ensemble a réfléchi à la meilleure solution susceptible d'éviter des malentendus ou des sentiments de défiance. Il nous semble que renvoyer au décret la définition de la représentativité est une bonne formule. Il est également opportun que le décret tienne compte de l'avis du CNCPH. Si donc vous nous dites qu'une réflexion va s'engager, celle-ci ne devra en aucun cas éviter la question de la représentativité. J'espère que le groupe de travail annoncé, auquel je souhaite que la commission soit associée, permettra d'avancer dans le bon sens. A cette condition, je vais retirer l'amendement, mais je le fais douloureusement car la commission l'avait voté à l'unanimité.

Mme Martine Billard - Je trouvais la rédaction de la commission à la fois plus claire et plus large.

Mme Hélène Mignon - Ce qui me gêne dans l'amendement du Gouvernement, c'est que le conseil départemental consultatif des personnes handicapées est consulté « le cas échéant ». Pourquoi ne le serait-il pas systématiquement ?

M. le Rapporteur - Puisque j'ai retiré l'amendement de la commission au profit de celui du Gouvernement, je souhaiterais améliorer la rédaction de celui-ci. Pourquoi écrire dans un cas que les représentants des personnes handicapées sont « nommés », alors que l'on parle de « désignation » dans l'autre ?

M. le Président - Pour la qualité de nos travaux, il convient que les positions des uns et des autres soient claires...

Mme la Secrétaire d'Etat - Je comprends cette exigence. Mais cet amendement a soulevé de telles réactions dans le monde associatif que des ajustements sont encore nécessaires ici.

M. le Président de la commission - L'amendement 630 du Gouvernement n'a pas été examiné par la commission. Le rapporteur le découvre en séance.

Mme la Secrétaire d'Etat - Pourquoi la mention « le cas échéant », Madame Mignon ? Parce qu'il y a deux cas de figure, celui où l'association désigne elle-même ses représentants et celui où le CDCPH peut être amené à procéder à cette désignation, aucune n'émanant spontanément de l'association. Nous n'avons pas encore entamé le travail de fond sur la représentativité. Je souhaite donc que l'on maintienne l« le cas échéant ».

M. le Rapporteur - Et ma proposition ?

M. le Président - Vous avez retiré votre amendement au profit de celui du Gouvernement. Restons-en là. Il y a 800 amendements à examiner...

L'amendement 29 est retiré.

L'amendement 356, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 630, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Vu les explications données par la ministre, je retire l'amendement 30 rectifié.

L'amendement 30 rectifié est retiré.

L'article premier A modifié, mis aux voix, est adopté.

M. François Liberti - Alors qu'on nous avait promis qu'on pourrait améliorer le texte, ça commence mal !

APRÈS L'ARTICLE PREMIER A

M. le Rapporteur - L'amendement 31 tend à préciser les missions du CNCPH. C'est une façon aussi de dire que cet organisme a besoin de davantage de moyens...

Mme la Secrétaire d'Etat - Il est légitime d'insister sur le rôle du CNCPH et sur la nécessité de renforcer ses moyens. Sur ce point, vous avez été entendus puisqu'en 2005, le comité bénéficiera de moyens supplémentaires dans le cadre d'une nouvelle organisation. Pour autant, le texte repris dans cet amendement figure déjà à l'article 26 du texte, adopté conforme par les deux assemblées. Je vous invite dont à retirer cet amendement.

M. le Rapporteur - Etant donné les engagements pris par la ministre concernant le CNCPH, dont je sais qu'elle les tiendra, je me range une nouvelle fois à son avis, mais je ne souhaiterais pas être amené à devoir retirer tous les amendements de la commission... Je retire également l'amendement 32, qui allait de pair avec le 31.

Les amendements 31 et 32 sont retirés.

Mme Hélène Mignon - L'amendement 533 est défendu.

L'amendement 533, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER BIS A

M. André Chassaigne - Je souhaite défendre une fois encore une définition du handicap conforme aux recommandations des organisations internationales. Le tenir seulement pour une déficience ou l'altération d'une fonction physique, sensorielle, mentale ou psychique, est archaïque et non fondé sur le plan scientifique. En reprenant a minima la définition de la classification internationale, le Gouvernement voudrait faire admettre que le handicap est consubstantiel à la personne. Or, chacun sait combien l'environnement peut l'aggraver ou l'atténuer. Si l'on considère que c'est d'abord la société qui est « handicapante », la perspective est toute différente. C'est pourquoi nous préférons à l'expression « personne handicapée » celle de « personne en situation de handicap », qui exprime mieux l'interaction entre les facteurs individuels et les facteurs sociaux, culturels et environnementaux. Le handicap n'est pas un état, c'est un résultat.

M. le Rapporteur - L'article premier bis prévoit l'organisation d'une conférence triennale sur la politique en faveur des personnes handicapées ; l'article premier ter crée un Observatoire national de la formation, la recherche et l'innovation sur le handicap, qui établira également un rapport triennal ; l'article 51 exige du Gouvernement qu'il remette tous les trois ans au Parlement un rapport sur cette politique. L'amendement 33 propose de faire coïncider les dates, en faisant notamment en sorte que le rapport prévu à l'article 51 paraisse en 2006, en même temps qu'aura lieu la conférence triennale.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable. Cette harmonisation des dates est judicieuse. Il faudra cependant travailler sur les conséquences qu'elle induira.

L'amendement 33, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 34 est défendu.

L'amendement 34, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Marie-Renée Oget - Par les amendements 474 et 473, nous demandons que la conférence nationale du handicap traite également de l'emploi et des ressources des personnes en situation de handicap, ainsi que des questions liées au polyhandicap.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements : ces précisions sont inutiles.

Les amendements 474 et 473, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 35 prévoit que le Gouvernement dépose, à l'issue des travaux de la Conférence nationale du handicap, un rapport sur le bureau des assemblées, après avoir recueilli l'avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Il s'agit, là encore, de regrouper les articles 51 et premier bis A.

Mme la Secrétaire d'Etat - Favorable. Il faudra, je le répète, veiller à la méthode de travail.

L'amendement 35, mis aux voix, est adopté.

L'article premier bis A modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

M. Jean-Marie Geveaux - L'amendement 772 est rédactionnel.

L'amendement 772, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 793 est défendu.

L'amendement 793, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 36 est rédactionnel.

L'amendement 36, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Par l'amendement 37, la commission propose de compléter l'énumération des programmes de recherche, en insérant les mots : « des actions d'amélioration du cadre de vie prenant en compte tous les environnements, produits et services destinés aux personnes handicapées et mettant en œuvre des règles de conception conçues pour s'appliquer universellement. » Il faut en effet se préoccuper de l'esthétique et de l'ergonomie de l'environnement des personnes handicapées. Cet amendement pourrait se résumer par un slogan : « design pour tous ».

Mme la Secrétaire d'Etat - Cette notion est en effet très importante.

L'amendement 37, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Les amendements 38 et 794 sont rédactionnels.

Les amendements 38 et 794, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article premier bis modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER TER A

M. Jean-Paul Garraud - L'article premier ter A, introduit par le Sénat, a été rejeté par la commission. Il vise à faire figurer sur les bouteilles d'alcool des messages d'alerte à destination des femmes enceintes. Or ce sujet n'est pas celui qui nous occupe aujourd'hui. Je tiens d'ailleurs à saluer l'action de Mme la ministre en faveur des droits des personnes handicapées.

Nous aurions pu aborder ce sujet à l'occasion de la loi sur la santé publique ou du débat que nous avons eu sur la modification de la loi Evin. Nous ne l'avons pas fait, et nous voilà contraints d'en parler aujourd'hui. Ce n'est pourtant pas le sujet ! Mieux vaudrait d'ailleurs attendre, pour trancher sur cette question controversée, les conclusions du conseil de la modération qui sera mis en place en janvier.

On peut comprendre que l'on souhaite prévenir les femmes enceintes contre une consommation excessive d'alcool. Mais s'il faut faire figurer des messages d'alerte sur tous les produits dont la consommation excessive peut entraîner des répercussions sur la santé, on peut aussi le faire sur le sel, le beurre, voire le lait. L'excès est mauvais en toute chose !

Du reste, la question n'est pas tranchée : il y a des médecins qui soutiennent qu'une consommation modérée de vin - et non d'alcool - peut avoir des effets bénéfiques pour la santé. Elle était d'ailleurs prônée au moment de la Libération, et la viticulture a contribué à la reconstruction du pays.

Les viticulteurs sont passionnés par leur métier. Ce qui leur fait le plus mal, au-delà des difficultés économiques, c'est l'incompréhension qui domine à leur égard dans les pouvoirs publics. Les voilà maintenant suspectés de fabriquer un produit toxique pour la santé publique, alors même que lors des derniers entretiens de Bichat, d'éminents professeurs ont reconnu qu'une consommation modérée de vin pouvait avoir des effets bénéfiques pour la santé.

Attendons donc pour nous prononcer un autre débat, et surtout les conclusions du conseil de la modération.

Mme Martine Billard - Je voudrais lever une ambiguïté. Ayant présenté un amendement de suppression de cet article en commission, je me retrouve cosignataire de cet amendement, mais sur le fond, je suis en accord total avec nos collègues sénateurs. Je me suis déjà battue dans cet hémicycle pour la lutte contre l'alcoolisme. Il ne s'agit pas de remettre en cause le travail des vignerons, mais de reconnaître que l'alcool peut avoir des effets sur la santé et qu'il faut savoir en limiter la consommation, notamment chez les femmes enceintes.

Je regrette que ni la loi de santé publique, ni la loi sur l'assurance maladie n'aient abordé ce sujet et que le Gouvernement ne fasse pas montre de plus de fermeté. Ce qui m'a amenée à déposer un amendement de suppression, c'est précisément le fait que l'on utilise cette loi pour faire adopter des amendements qui auraient dû être discutés dans un autre cadre. Il est particulièrement choquant d'affirmer que l'alcool n'a aucune conséquence pour la santé des femmes enceintes pour mieux défendre les vignerons !

M. Jean-Paul Garraud - Ce n'est pas ce que j'ai dit !

Mme Martine Billard - A ce compte-là, on peut supprimer les messages d'alerte sur les paquets de cigarettes ! Je me retrouve en porte-à-faux, puisque nous voilà repartis dans la défense d'un lobby qui entend lutter contre toutes les mesures de santé publique qui visent l'alcool. Je soutiendrai donc cet article.

Mme Hélène Mignon - J'avoue que dans un premier temps je n'étais pas favorable à un article qui à mon sens n'a pas sa place dans ce texte - ce dont je suis toujours convaincue -, mais comme cette obligation d'information n'est inscrite nulle part ailleurs et que les dégâts dus à l'alcoolisme sur les femmes enceintes et les fœtus peuvent être considérables, nous serions finalement irresponsables de ne pas le voter.

M. Gérard Bapt - Il eût été en effet préférable que cette disposition figurât dans la loi de santé publique.

Des études ayant montré que certains handicaps dont souffrent des enfants sont dus à une imprégnation alcoolique in utero, il convient que le danger de consommation d'alcool pendant la grossesse soit mis en évidence. Non, tous les acteurs de la santé ne diffusent pas d'informations sur les comportements à risque pendant la grossesse. J'ai ici une brochure consacrée à la lutte contre les drogues qui ne fait pas état du danger encouru par les femmes enceintes en cas de consommation d'alcool alors qu'un papillon publicitaire diffusé par une grande marque de champagne, lui, le mentionne. Pourquoi, dès lors, interdire cette mise en garde sur les étiquettes ? Enfin, évoquer en la matière des considérations économiques reviendrait également à contester l'appellation « Fumer tue » apposée sur les paquets de cigarettes.

M. François Liberti - Qu'il faille renforcer l'information sur les comportements à risque pendant la grossesse, nous en convenons tous, mais faut-il pour autant que ce type d'information figure dans un projet de loi relatif aux personnes handicapées ? J'en doute. Il s'agit semble-t-il d'abord, pour le Sénat, de combler une lacune législative.

M. Claude Leteurtre - Nous sommes certains de la neurotoxicité de l'alcool, et en particulier chez les femmes. Plus précisément, je suis d'accord avec Mme Billard sur la nécessaire information des femmes enceintes, mais si j'ai cosigné cet amendement de suppression, c'est qu'il me semble impératif de développer une approche globale de prévention de l'alcoolisme : il ne s'agit pas en effet de cibler une seule catégorie de la population. En outre, il y a un risque de stigmatisation : si cet enfant est handicapé, n'est-ce pas en raison du comportement de sa mère ? Cet article devrait donc être voté seulement si le ministre n'envisageait pas de promouvoir une politique globale de prévention de l'alcoolisme.

Mme Claude Greff - Nous avons certes le devoir de tout mettre en œuvre pour préserver la santé des femmes enceintes, mais en tant qu'infirmière, il ne me semble pas opportun d'inscrire un message d'éducation à la santé sur les étiquettes des bouteilles de vin.

M. Gérard Bapt - « En tant qu'infirmière », dites-vous ?

Mme Claude Greff - Outre qu'une telle étiquette n'est pas une notice, il faut cesser de vouloir tout réglementer. Nous devons aussi en appeler à la responsabilité de chacun et au bon sens. Inscrire un tel message sur une étiquette serait contreproductif car on finirait pas n'y plus prêter attention. De plus, nous sommes tous à même d'apporter une information et d'éduquer : au message écrit, je préfère la parole. Enfin, un devoir de prévention et d'éducation incombe également aux familles...

M. Gérard Bapt - Ce que vous dites est déshonorant.

Mme Claude Greff - ...mais aussi à l'école, aux infirmières scolaires, au personnel médical et paramédical, lequel s'acquitte excellemment de sa tâche. Je pense également aux centres de soins, aux maternités, aux différents services sociaux qui diffusent correctement ce type d'information. Les pouvoirs publics peuvent également diffuser ce message d'éducation et de prévention, tout comme un certain nombre d'ouvrages et de revues. Si un tel avertissement était apposé sur les étiquettes, non seulement ce serait une information trop partielle qui serait délivrée, mais certaines femmes risqueraient de s'en moquer ou d'en être culpabilisées. Il est préférable de favoriser le développement d'une prise de conscience des risques plutôt que d'asséner une telle information. Au-delà, pourquoi ne pas prévenir les femmes enceintes du risque qu'il y a à contracter une toxoplasmose en consommant de la charcuterie ?

M. Jean-Paul Garraud - Tout à fait.

Mme Claude Greff - Faudra-t-il aussi un message à l'intention des diabétiques, des cardiaques ou de ceux qui ont du cholestérol ? A tout vouloir écrire, on déresponsabiliserait les gens. J'ajoute qu'en prenant les bouteilles comme supports du message, on ne touchera pas les personnes qui consomment au verre ou dans les débits de boisson.

Mme Muriel Marland-Militello - J'avais cosigné l'amendement de suppression, car je pensais que l'article visé n'avait pas sa place dans ce projet, mais il m'apparaît à la réflexion que si nous sommes tous d'accord sur la finalité, à savoir mettre en garde contre les dangers de l'alcool, l'argument concernant l'emplacement est purement formel. J'ajoute à l'intention de mon amie Claude Greff que les personnes en danger d'alcoolisme sont plutôt celles qui achètent un litre de rouge pour le boire chez elles que celles qui consomment au verre. Et puis il y a bien un lien avec l'objet du projet, puisque l'abus d'alcool peut entraîner un handicap chez l'enfant à naître.

Il n'y a pas lieu d'opposer les différentes sources d'information entre elles : toute information a son utilité. Et en apposant un message sur les bouteilles, on touchera une population qui ne va pas forcément souvent chez le médecin ou chez l'infirmière. La loi doit aussi servir à protéger ceux qui ne savent pas se protéger eux-mêmes.

M. Gérard Bapt - Très bien !

Mme Muriel Marland-Militello - J'ai donc révisé ma position et je ne suis plus signataire de l'amendement.

M. Philippe-Armand Martin - Nous sommes tous conscients des problèmes liés à l'alcool et de la nécessité de prendre des mesures, mais encore faut-il ne pas se tromper de cible et ne pas nuire à toute une profession ainsi qu'à l'image d'un produit qui fait la fierté de la France.

Plusieurs députés socialistes - Scandaleux !

M. Philippe-Armand Martin - C'est pourquoi nous avions préconisé, dans le Livre blanc que nous avons rédigé à la demande du Premier ministre, de créer un conseil de la modération, qui soit notamment chargé de sensibiliser et d'informer sur les dangers d'une consommation excessive. Ce conseil doit voir le jour en janvier. Nous pourrons ensuite parvenir ensemble à des propositions qui nous donnent à tous satisfaction...

M. Gérard Bapt - Nous en sommes à la troisième tentative, après le texte sur la santé publique, le PLFSS !

M. Philippe-Armand Martin - N'essayons donc pas de nous donner bonne conscience avec un texte qui posera plus de problèmes qu'il n'en résout. Je dis oui à des mesures contre l'alcoolisme, mais non à cet article.

M. Gérard Bapt - Il y a 7 000 enfants par an qui naissent handicapés à cause de l'alcool !

M. le Président de la commission - L'amendement de suppression a été adopté en commission à la suite d'un mouvement d'humeur des députés, qui trouvaient que l'article ajouté par le Sénat n'avait pas sa place dans un projet sur le handicap, mais plutôt dans la loi de santé publique ou celle de financement de la sécurité sociale. Je fais toutefois observer que les amendements sur le sujet n'étaient pas passés lorsqu'ils avaient été présentés dans le cadre de ces deux textes.

Nous ne parlons pas ici d'adultes ou d'adolescents s'exposant plus ou moins volontairement à un risque, mais de fœtus, par définition incapables de prendre une décision par eux-mêmes.

Si l'on relit l'article premier ter A, on voit que le message pourra être discret...

Mme Hélène Mignon - Pas trop quand même !

M. le Président de la commission - ...et ciblé sur la femme enceinte. De plus, le verbe « préconiser » est employé.

Il faut bien dire que nous ne sommes pas très informés au sujet des effets de l'alcool sur le fœtus. Moi-même qui suis médecin, j'ai été surpris par certaines données, que j'ai trouvées en essayant d'approfondir le sujet, via une relation de l'Académie nationale de médecine et quelques articles spécialisés sur le syndrome d'alcoolisation fœtale - le SAF. Je me suis renseigné sur sa fréquence : entre 1 000 et 7 000 naissances par an, selon les estimations. Ce qui en fait un handicap beaucoup plus fréquent que la trisomie 21, avec cette différence importante que lui peut être évité. J'insiste aussi sur le fait que les enfants handicapés du fait de la consommation d'alcool de leur mère - que cette consommation soit exceptionnelle ou régulière - le sont de façon définitive.

L'alcool est une petite molécule qui franchit facilement la barrière placentaire et sa concentration est alors la même que dans les tissus de la mère. Mais le foie du fœtus ne métabolise pas l'alcool, de sorte que celui-ci est directement en contact avec les cellules neurologiques, en formation, du fœtus. Les résultats peuvent être : un accouchement prématuré, des troubles du développement, un retard de croissance, un aspect chétif, des malformations de la boîte crânienne, mais aussi des malformations cardiaques, rénales ou osseuses, et surtout des troubles de l'attention, de l'apprentissage, de l'insertion. Il me semble donc que cet article a sa place dans un texte sur le handicap et qu'il l'a d'autant plus que ce handicap peut être prévenu si les femmes enceintes sont bien informées. Nous, représentants de la nation, devons donc prendre nos responsabilités.

Il y a de meilleures sources d'information, j'en conviens, Madame Greff, mais celle dont nous parlons constituera un complément à celle qu'apporte le corps médical et elle peut toucher une population nombreuse.

Il ne s'agit pas ici de nuire à la viticulture, mais de faire en sorte qu'il y ait moins d'enfants naissant avec un handicap qui peut être évité.

M. le Rapporteur - En tant que rapporteur j'assume l'adoption par la commission de l'amendement de suppression, mais à titre personnel, je suis pour le maintien de l'article ajouté par le Sénat, et ce pour toutes les raisons qu'a fort bien exposées le président de la commission.

Mme Claude Greff - Je suis pleinement consciente de ce problème, et je diffuse le message chaque fois que je le peux, mais je suis convaincue qu'inscrire l'information sur une bouteille n'est pas suffisant. J'ai peur que la population ne cherche pas à avoir plus d'explications. J'ai bien compris, Monsieur le président, que cela n'est qu'une des mesures que vous souhaiteriez, mais on ne nous a rien proposé d'autre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille - Cette mesure a pleinement sa place dans ce texte, puisque le SAF est la première cause de handicap non génétique. Trois à quatre mille enfants naissent handicapés de ce fait. Mais les femmes enceintes ne le savent pas. La loi de santé publique du 9 août 2004 rend déjà obligatoire l'information sur les risques sanitaires de la consommation d'alcool pendant la grossesse dans les collèges et lycées, ainsi que l'information de tous les professionnels de santé et du secteur médicosocial. Mais j'attire votre attention sur quelque chose qui s'est produit depuis notre dernière discussion : trois femmes dont les enfants sont atteints du SAF ont porté plainte devant les tribunaux pour n'avoir pas été suffisamment informées. Or, la judiciarisation de la santé est loin d'être terminée. Si l'information est mentionnée sur les étiquettes, elles ne pourront plus dire qu'elles ne savaient pas : c'est essentiel sur le plan juridique. Par ailleurs, l'information est donnée systématiquement dans le carnet de maternité et figure dans la presse féminine.

Il ne faut pas présenter les vini-viticulteurs comme complètement insouciants de la santé publique alors que d'autres seraient parés de toutes les vertus. Il faut des mesures économiques favorables à ce secteur, et chacun voit d'ailleurs les grandes affiches, dans le métro ou ailleurs, qui vantent du whisky ou du champagne ! Mais en tant que ministre de la santé, je ne peux que vous le répéter : des enfants naissent handicapés parce que leur mère ne savait pas ! Nous sommes dans une loi sur le handicap, et nous avons le moyen d'en éviter un.

Mme la Secrétaire d'Etat - Permettez-moi d'intervenir moins comme secrétaire d'Etat que comme femme et mère de famille. Je suis mère de quatre enfants. Jamais je n'ai eu la moindre information sur le syndrome d'alcoolisation fœtale pendant mes grossesses. Nous sommes en train, à travers un titre premier décisif, d'essayer de lutter contre ce risque de handicap. Or vous savez que malgré toute notre volonté, rien ni aucune loi ne permettra jamais de revenir sur ce fait irréductible qu'est le handicap d'une personne. Il est temps de faire en nous la lumière et de dire aux producteurs viticoles qu'ils peuvent disposer d'un avantage concurrentiel à vendre un produit de qualité remarquable tout en assumant une question de santé publique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - Il me semble que l'Assemblée est pleinement informée. Je demanderai à chacun d'être bref dans la défense des amendements de suppression.

M. le Rapporteur - A titre personnel, je suis défavorable à l'amendement 39 de la commission.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis défavorable.

M. Ghislain Bray - Je retire l'amendement 313, car je suis cosignataire du 457.

M. Jean-Paul Garraud - Il faut bien sûr veiller à la santé des femmes enceintes, et même s'il n'y avait qu'un cas à sauver, on pourrait comprendre votre préoccupation ! Mais je reste persuadé que l'étiquette ne changera rien pour la femme qui boit des litres de vin rouge ! Et il sera très difficile d'expliquer aux viticulteurs que malgré toute la qualité de leur produit, il pourrait être la première cause de handicap mental non génétique. Le débat doit avoir lieu à un autre moment. Il faut attendre que le conseil des sages statue sur cette question. D'où l'amendement 432.

M. Philippe-Armand Martin - L'amendement 457 est défendu.

M. Claude Leteurtre - Je vois trop bien la manœuvre ! Je retire l'amendement 585.

Les amendements 39, 432 et 457, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article premier ter A, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER TER

M. le Rapporteur - L'amendement 40 vise à rétablir la rédaction de l'Assemblée afin que les programmes de recherche sur le handicap puissent associer, en tant que de besoin, des professionnels à la compétence reconnue.

Mme la Secrétaire d'Etat - La liste des acteurs qu'il convient d'associer aux programmes de recherche n'est pas limitative. Il n'est pas juridiquement nécessaire de la compléter avec ces « professionnels » qui recouvrent un champ bien vaste. Une telle précision semble peu utile.

L'amendement 40, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 795 est rédactionnel.

L'amendement 795, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier ter, modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER QUATER

M. le Rapporteur - Par l'amendement 41, la commission propose d'étendre au personnel médicosocial qui n'a pas le statut de professionnel de santé l'obligation d'une formation spécifique sur les handicaps au cours de la formation initiale ou continue.

M. François Liberti - L'amendement 357 est identique.

Les amendements 41 et 357, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 42 tire la conséquence de cette extension du dispositif de formation.

L'amendement 42, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 43 me permet d'aborder un point qui m'est cher. Chaque fois que cela est possible, j'aimerais remplacer l'expression « prise en charge » par « accompagnement ». La prise en charge s'adresse à un objet. Lorsqu'on s'intéresse à une personne handicapée, on l'accompagne tout au long de sa vie, on ne la prend pas en charge ! Tout cela est symbolique, mais ce projet de loi s'intéresse aux personnes en tant que telles, et il me semble utile, pour changer les mentalités, de changer les mots.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable, mais il faudra vérifier dans la suite de l'examen des articles que le terme d'accompagnement reste le plus approprié dans toutes les situations.

L'amendement 43, mis aux voix, est adopté, de même que l'article premier quater modifié.

ARTICLE PREMIER QUINQUIES

M. le Rapporteur - L'amendement 44 vise à permettre aux équipes pluridisciplinaires d'évaluation de faire appel à toutes les expertises nécessaires pour déterminer les besoins de compensation et élaborer le plan de compensation.

M. François Liberti - Notre amendement 360 vise le même objectif.

L'amendement 44, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 360 tombe.

L'article premier quinquies ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER SEXIES

Mme Maryvonne Briot - Ce nouvel article permet à une personne très lourdement handicapée de désigner une ou plusieurs personnes de son entourage pour accomplir à sa place les gestes techniques de soins qu'elle ne peut effectuer elle-même. Il s'agit de combler le vide juridique qui fait aujourd'hui que l'entourage peut être poursuivi pour non-assistance à personne en danger s'il ne réalise pas un geste vital ou d'exercice illégal de la médecine s'il l'accomplit ! La loi doit permettre de rassurer les aidants familiaux en levant toute ambiguïté sur la nature des actes pouvant êtres accomplis par l'entourage à la demande de leur bénéficiaire direct et sur les modalités de la formation au geste technique approprié qui pourrait être dispensée à cette fin par un professionnel de santé. Madame la ministre, j'appelle votre attention sur le fait que les associations de personnes handicapées et celles représentant des professionnels de santé demandent solennellement à être associées à la rédaction du décret d'application de cet article. J'insiste enfin sur le fait que nous abordons là des situations très concrètes : dans le cadre de l'élaboration du projet de vie et du protocole de soins d'une personne handicapée, il est très courant que le médecin et l'infirmier associent les aidants familiaux, en les considérant comme des personnes habilitées à effectuer certains gestes techniques.

M. François Liberti - Nous pensons qu'il faut préciser le dispositif. Le Sénat semble considérer que le fait de faire réaliser de manière habituelle des actes médicaux par des non-professionnels ne soulève pas de difficulté particulière. A nos yeux, il convient de prendre par décret toutes les garanties nécessaires pour que cette nouvelle faculté donnée à l'entourage n'entraîne aucun risque.

M. Gérard Bapt - L'amendement que s'apprête à défendre Mme Briot va dans le bon sens, mais il serait inutile d'en débattre si le Gouvernement propose ensuite sa propre réécriture de l'article. Qu'en est-il ? Mme la ministre peut-elle préciser ses intentions ? Dans sa rédaction actuelle, cet article inquiète les médecins et les infirmiers, puisqu'il est dit que des médecins pourront prescrire à des non-professionnels la réalisation d'actes médicaux. Il est indispensable de préciser les choses.

Mme Maryvonne Briot - Notre amendement 757 vise à réécrire l'article L. 1111-6-1 du code de la santé publique, en disposant qu'« une personne durablement empêchée, du fait des limitations fonctionnelles des membres supérieurs en lien avec un handicap physique, d'accomplir elle-même des gestes liés à des soins prescrits par un médecin, peut désigner, pour favoriser son autonomie, un aidant naturel pour les réaliser. La personne handicapée et les personnes désignées reçoivent préalablement, de la part d'un professionnel de santé, une éducation et un apprentissage adaptés leur permettant d'acquérir les connaissances et la capacité nécessaires à la pratique de chacun des actes pour la personne concernée. Lorsqu'il s'agit de soins infirmiers, cette éducation et cet apprentissage sont réalisés par un médecin ou un infirmier. Les conditions d'application du présent article sont définies, le cas échéant, par décret ».

En permettant à des aidants d'accomplir des gestes liés à des actes de soins, cet article répond à une demande très forte des associations représentant les personnes les plus lourdement handicapées. Je précise en outre qu'il ne s'agit pas de dispenser une formation lourde pour l'accomplissement d'un véritable soin mais d'apprendre à réaliser un geste technique, comme on apprend à une personne diabétique à faire une piqûre. Enfin, je souscris à l'idée de M. Bapt selon laquelle il serait bon que le décret d'application de la présente disposition soit élaboré dans le cadre d'une conférence de consensus. Notre objectif n'est évidemment pas d'introduire une confusion des rôles respectifs des soignants et des aidants, mais bien plutôt de rassurer tout le monde sur un sujet des plus délicats.

M. Gérard Bapt - L'amendement de Mme Briot semble un peu restrictif dans la mesure où il n'envisage que l'incapacité des membres supérieurs. On peut imaginer qu'une personne dont la motricité des membres supérieurs ne serait pas altérée pourrait être conduite à demander à bénéficier de ces dispositions.

Notre sous-amendement 823 tend à entourer le dispositif de toutes les garanties souhaitables, en renvoyant à un décret en conseil d'Etat ses modalités d'application pour ce qui concerne les soins infirmiers, au terme d'une procédure de définition des bonnes pratiques sous l'égide de la haute autorité en santé. La réforme de l'assurance maladie, dans laquelle tout n'est pas à jeter, a insisté sur les questions d'évaluation et de qualification. Autant en tirer parti ici, puisque aussi bien les médecins s'inquiètent des conséquences judiciaires que pourraient entraîner des actes prescrits à des personnes de l'entourage dépourvues d'information ou de formation. Notre sous-amendement est conforme aux intentions de Mme Briot et répond aussi à l'objectif général de la réforme de l'assurance maladie. J'ai également défendu le sous-amendement 824.

M. le Rapporteur - Le dispositif proposé au sous-amendement 823 paraît bien lourd et d'application difficile, avec le recours à une conférence de consensus et à des décrets en Conseil d'Etat. C'est pourquoi j'émets, à titre personnel, un avis défavorable, comme pour le sous-amendement 824, puisque le Gouvernement fera au Parlement une présentation globale de l'ensemble de la politique du handicap. La commission n'a pas examiné l'amendement de Mme Briot. Mais, lorsqu'elle a examiné l'article premier sexies, elle a jugé, à l'issue d'un assez long débat, ses contours un peu flous, et elle a en quelque sorte mandaté Mme Briot pour proposer une autre rédaction de cet article, ce qu'elle a fait de façon très compétente. Aussi, je suis personnellement très favorable à son amendement.

Mme la Secrétaire d'Etat - Comme le rapporteur, je suis défavorable aux sous-amendements, et favorable à l'amendement. Il s'agit là d'une question très sensible. Le Gouvernement a voulu répondre à la demande pressante de certaines personnes lourdement handicapées, qui ne pouvaient plus assurer par elles-mêmes les soins dont elles ont besoin. Faire appel à un professionnel de santé pour réaliser ces gestes est une garantie de qualité, mais impose des contraintes excessives dans un emploi du temps déjà très chargé, comme on sait. En souhaitant pouvoir désigner un aidant appartenant à leur entourage, ces handicapés veulent continuer à diriger leur vie, et compenser leur handicap en recourant au bras d'un autre. Le Gouvernement a bien entendu l'émotion qu'a provoquée cette disposition chez les professionnels de santé. Certains d'entre eux y ont vu la menace d'un transfert de compétences. Telle n'est absolument pas l'intention du Gouvernement.

Cependant, des questions restent à régler, parmi lesquelles la responsabilité par rapport aux gestes ainsi réalisés, et l'articulation entre plan de compensation et intervention des professionnels de santé. Après avoir travaillé avec les associations de personnes handicapées, les syndicats d'infirmiers libéraux, l'ANAES, le conseil de l'Ordre des médecins, le Gouvernement a accepté de restreindre son dispositif aux « aidants naturels », ainsi nommés dans la législation canadienne. Le rôle de ces bénévoles, que les infirmiers associent à leur action, est ainsi reconnu. Il ne serait pas concevable qu'ils agissent dans le cadre d'un exercice illégal de la médecine. Grâce à l'article ainsi rédigé, les aidants auront aussi le droit de bénéficier d'une éducation thérapeutique adaptée.

Mme Martine Billard - Sans doute faut-il en effet modifier le texte du Sénat. Mais préciser qu'il s'agit de « limitations fonctionnelles des membres supérieurs en lien avec un handicap physique » risque d'exclure du dispositif les personnes frappées d'un autre handicap, par exemple le maintien en position allongée ou la cécité. C'est une première difficulté. De plus, si la personne a désigné un « aidant naturel », et que c'est un autre qui intervient, il y aura là un deuxième motif de difficulté.

M. Gérard Bapt - Il faudrait que le Gouvernement nous réponde sur cette question de limitation fonctionnelle des membres supérieurs. Le rapporteur a écarté mes deux sous-amendements. Le deuxième portait sur un rapport à établir dans un délai de deux ans. Si le Gouvernement se propose de le réaliser, je retire ce sous-amendement. Le sous-amendement 823 est satisfait en partie puisque la ministre vient d'indiquer que l'amendement de Mme Briot a été rédigé à l'issue d'une large concertation. Peut-être cette concertation a-t-elle pris la forme d'une conférence de consensus, comme il s'en tient beaucoup au ministère de la santé. S'agissant de la Haute autorité de santé, vous eussiez pu aussi, Madame la ministre, m'indiquer que mon sous-amendement était satisfait, puisque votre réforme a intégré l'ANAES dans cette Haute autorité. Là encore je peux retirer mon sous-amendement.

Mme la Secrétaire d'Etat - Si je souhaite en rester à la rédaction de l'amendement 757, c'est que toute la concertation dont nous parlons a permis d'aboutir à une position équilibrée entre associations et organisations d'infirmiers. Mais il faudra engager ensuite une réflexion, sous la forme d'états généraux ou autre formule, sur la complémentarité entre le sanitaire et le médico-social autour des personnes très lourdement handicapées. Il s'agit là d'une question urgente, qui nécessite que le Gouvernement demande à la Haute autorité de santé de lui proposer une méthodologie adaptée. Aujourd'hui, la rédaction élaborée par Mme Briot est la meilleure possible.

Les sous-amendements 823 et 824 sont retirés.

L'amendement 757, mis aux voix, est adopté et l'article premier sexies, est ainsi rédigé.

ARTICLE PREMIER SEPTIES

M. le Rapporteur - A l'initiative, en particulier, de Mme Mignon, la commission a adopté l'amendement 45, d'une façon qui s'est révélée un peu précipitée.

Nous venons seulement d'apprendre que le Conseil constitutionnel a censuré les mêmes dispositions qui figuraient dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. Si donc aujourd'hui nous supprimions cet article, les mères d'enfants nés prématurément ne pourraient pas bénéficier de la prolongation de la suspension du contrat de travail que nous souhaitons leur voir accorder. J'ai donc déposé à la dernière minute un amendement 825 précisant que dans le quatrième alinéa de l'article L 122-26 du code du travail, les mots « à due concurrence de la différence entre la date de l'accouchement et la date réelle » sont remplacés par les mots « du nombre de jours courant de la date prévue à la date effective. »

Mme Marie-Renée Oget - Nous avions cosigné l'amendement 45 car nous considérions que ce projet de loi n'était pas le lieu pour une telle disposition. Cela étant, vu la décision du juge constitutionnel, nous nous rallions à l'amendement 825.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis défavorable au 45, favorable au 825.

L'amendement 45, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 825, mis aux voix, est adopté.

L'article premier septies, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER SEPTIES

M. le Rapporteur - L'amendement 548 de M. Bur et plusieurs de ses collègues est défendu.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. Il ne serait pas équitable d'accorder automatiquement le bénéfice de la CMU aux bénéficiaires de l'AAH des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, alors que continueraient d'en être exclus ceux des autres départements, de même que d'autres bénéficiaires de minima sociaux. Les personnes disposant de revenus identiques doivent être traitées d'égale façon sur l'ensemble du territoire. Je profite de l'occasion pour rappeler que le Premier ministre vient d'annoncer une extension du bénéfice de la CMU complémentaire à 300 000 enfants et leurs familles, ce qui témoigne du souci du Gouvernement d'améliorer la couverture complémentaire de nos concitoyens qui ne peuvent s'en payer une.

L'amendement 548, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE 2 A

M. André Chassaigne - J'interviens sur cet article dans la mesure où nous n'aurons pas l'occasion de le faire lors de l'examen des amendements, tous ceux que nous avions déposés ayant été rejetés au titre de l'article 40.

Votre définition du droit à compensation des personnes en situation de handicap est trop limitative. Il serait souhaitable de défendre le principe d'une compensation intégrale des déficiences et des incapacités en découlant, et non pas d'une compensation - parmi d'autres -, dont on ne sait d'ailleurs pas exactement ce qu'elle couvre. Nous demandons par ailleurs que l'origine du handicap soit exclue des conditions d'attribution de cette prestation, puisqu'il est bien question d'un droit universel. Nous ne savons que trop, et les personnes en situation de handicap plus encore que nous, que les imprécisions de la loi, qui se retrouvent ensuite dans les décrets et mesures opérationnelles, peuvent conduire à de véritables catastrophes sur le plan humain.

M. le Président - Dans la mesure où nous n'aurions pas le temps d'examiner tous les amendements à cet article avant de devoir lever la séance, je vous propose de le faire maintenant.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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