Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2004-2005)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 48ème jour de séance, 115ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 18 JANVIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

HOMMAGE AUX VICTIMES DU TSUNAMI DE L'ASIE DU SUD-EST 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

LIBÉRATION DES CAMPS 2

POLITIQUE SOCIALE DU GOUVERNEMENT 3

MISE EN SÉCURITÉ DES CONDUITES DE GAZ 4

AVENIR DES SERVICES PUBLICS 5

LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE 5

AIDES AUX VICTIMES DU TSUNAMI 6

PROPOS DE M. LE PEN SUR L'OCCUPATION 7

ASSURANCE MALADIE 8

AIRBUS A380 8

ÉDUCATION NATIONALE 9

POLITIQUE DU HANDICAP 10

GRÈVE À LA SNCF 10

ÉGALITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite) 11

RÉGULATION DES ACTIVITÉS
POSTALES 15

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ DE M. JEAN-MARC AYRAULT 21

La séance est ouverte à quinze heures.

HOMMAGE AUX VICTIMES DU TSUNAMI DE L'ASIE DU SUD-EST

M. le Président - Mes chers collègues, l'une des plus terribles catastrophes naturelles de l'histoire a endeuillé l'ensemble de notre planète. Nos pensées vont vers les victimes, vers leurs familles, vers les populations si durement touchées du sud-est asiatique, vers nos compatriotes qui, en cette fin d'année, ont rencontré un tragique destin sur les rivages de l'Océan indien.

Nos remerciements vont vers tous ceux dont la générosité, qu'elle soit publique ou privée, dans le monde entier, et notamment en France, ont contribué à alléger les souffrances des populations et entreprendre la reconstruction de ces zones dévastées et meurtries.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Le Gouvernement français s'associe à l'hommage rendu, au nom du peuple français, de la souveraineté nationale à la mémoire de toutes les victimes du tremblement de terre, du tsunami en Asie. Il est résolu à contribuer à l'extraordinaire élan de générosité qui s'est manifesté dans le monde entier envers les populations aujourd'hui confrontées à des problèmes humains et matériels à la mesure de la catastrophe. Comme l'a annoncé le Président de la République, la France aura à cœur de participer à cet élan dans le cadre européen et sous l'autorité des Nations Unies selon les traditions humanistes et les valeurs de générosité qui fondent notre République.

M. le Président - A la mémoire des victimes et en signe de solidarité, je vous invite à observer quelques instants de recueillement. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence)

M. le Président - Je vous remercie

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le Président - Monsieur le Premier ministre ne pourra pas assister à la séance des questions au Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il m'a demandé de l'en excuser auprès de vous.

LIBÉRATION DES CAMPS

M. René André - Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, je l'adresserai au Gouvernement.

L'Europe tout entière va dans quelques jours célébrer, commémorer la libération des camps nazis, d'Auschwitz, de Treblinka, de Birkenau, de Belzec, de Sobibor, de Mauthausen, de Buchenwald et de bien d'autres encore. Autant de lieux où le crime absolu fut accompli, où l'indicible se produisit. L'histoire de ces camps, c'est l'histoire de millions d'hommes, de femmes, d'enfants martyrisés parce que nés juifs, c'est l'histoire des millions d'hommes et de femmes martyrisés parce qu'ils s'étaient élevés contre la barbarie, contre l'odieuse occupation de leur pays.

Nous avons en cette occasion un double devoir : tout d'abord, rendre hommage à tous ceux qui ont été déportés en raison de leur naissance, de leur culture de leur patriotisme, saluer celles et ceux qui furent l'honneur de leur patrie et comment ne pas évoquer les mémoires de Jean Moulin, de Mendel, de Estienne d'Orves, des fusillés de Châteaubriant...

M. Daniel Paul - Très bien !

M. René André - Bref ceux qui ont été martyrisés parce qu'ils étaient des patriotes, parce qu'ils refusaient l'occupation, parce qu'ils aimaient la France.

Nous devons aussi sans cesse lutter pour préserver la vérité, faire en sorte que les jeunes générations ne se laissent jamais détourner de ce que fut la réalité de l'occupation, des crimes nazis.

Que compte faire le Gouvernement pour à la fois préserver cette vérité et rendre hommage à ces victimes ? (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants - La politique de mémoire est une impérieuse nécessité. Chaque jour, nous qui sommes tous attachés aux valeurs de la République, nous mesurons combien elles doivent être défendues.

Cette défense passe déjà par le respect de la vérité historique. Nous allons donner une ampleur exceptionnelle aux cérémonies de la libération des camps et de la victoire du 8 mai 1945.

Je relève simplement les temps forts : le 27 janvier, le Président de la République représentera la France à la cérémonie internationale, et le même jour sera inaugurée la nouvelle exposition française consacrée à cette immense tragédie. Le 17 avril, le Premier ministre sera à Ravensbrück. Le 24 avril, à Paris, sur le parvis des droits de l'homme, ce sera la journée nationale de la déportation. Le 7 et le 8 mai, l'anniversaire de la capitulation du IIIe Reich sera célébré avec une ampleur exceptionnelle. Enfin, en octobre, en Alsace, sur l'emplacement du Struthof, nous inaugurerons le centre européen du combattant résistant déporté. A chaque fois, nous rendrons hommage aux combattants, aux victimes, aux résistants. A chaque fois, nous nous adresserons aux jeunes générations pour bien leur transmettre la signification de ces pages d'histoire que nous avons hélas subies. Car enfin, tel est bien notre devoir (Applaudissements sur les bancs de l'UMP).

POLITIQUE SOCIALE DU GOUVERNEMENT

M. Jean-Marc Ayrault - D'après un rapport transmis récemment par les préfets, les Français ne croient plus en rien... (« Et surtout pas en vous ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)... et ils ne manquent pas de vous le faire savoir au travers des divers mouvements sociaux en cours. Le pacte social est profondément altéré. Que signifie la revalorisation du travail quand le chômage de masse s'incruste, quand la pauvreté s'étend et quand le pouvoir d'achat des ménages recule ? Au blocage des salaires dans la fonction publique et dans les entreprises, s'ajoutent la hausse des prix à la consommation - dix pour cent en trois ans -, la flambée de l'immobilier et l'augmentation de trois milliards des prélèvements en 2004. Aucune négociation sur les salaires n'existe. La seule recette que vous ayez trouvée, c'est de supprimer l'acquis des trente-cinq heures ! (« Ça oui ! » sur les bancs du groupe UMP) Que signifie l'autorité de l'Etat quand le Gouvernement n'aime pas ses fonctionnaires ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Quand les services publics ne peuvent plus assurer l'égalité de traitement des usagers, soit parce que leurs moyens sont diminués - comme on le voit à la SNCF ou dans l'éducation nationale -, soit parce que vous les transformez en entreprises commerciales, comme l'illustre le nouveau statut de La Poste. Que signifie la protection sociale, quand les assurés sociaux découvrent que les fameux plans de sauvetage des retraites et de l'assurance maladie creusent les inégalités sans réduire les déficits ?

Votre politique n'a même pas le don de la performance. Tous les mécanismes sont grippés : croissance, emploi, investissement... La France est dans l'impasse ; c'est ce que le Président de la République appelle « être sur la bonne voie » ! Les préfets sont formels : les Français ne croient plus à rien. Alors, qu'allez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Monsieur le président Ayrault, vous avez raison de rappeler que l'observatoire de la pauvreté, qui a analysé la situation française dans les années 1997 à 2002, a relevé que les inégalités s'étaient gravement accentuées dans la période...

M. Augustin Bonrepaux - Mensonge !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - En quinze ans, le nombre de érémistes a triplé. Par contre, vous avez tort d'oublier de rappeler que la production de logements sociaux n'aura jamais été aussi basse qu'en 1999, avec moins de 40 000 opérations... (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP) ou que la mise en œuvre de la RTT a soumis les bas salaires à une pression terrible...

M. Daniel Vaillant - C'est faux !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Ce gouvernement a pris plusieurs décisions. Hier matin, François Fillon a signé un protocole d'accès des jeunes des quartiers aux universités et aux grandes écoles. Nous avons adopté un plan de cohésion sociale, dont l'objectif est de tripler la production de logements sociaux. Contrairement à vous, nous avons décidé une augmentation historique du SMIC. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous avons créé les contrats d'avenir, qui ne sont pas des stages parking mais de véritables contrats de travail. Chacun peut comprendre que toutes ces actions nécessitent du temps, car il s'agit en fait d'inverser la tendance de déclin dans laquelle votre action avait placé ce pays. Au reste, j'appelle l'ensemble des élus à contribuer à la réussite du plan de cohésion sociale, car l'avenir de notre pays en dépend. Enfin, je salue les réformes courageuses qui sont intervenues. Différer la réforme des retraites ou celle de l'assurance maladie n'aurait pas rendu service aux Français. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UDF)

MISE EN SÉCURITÉ DES CONDUITES DE GAZ

M. Francis Hillmeyer - Le 26 décembre dernier, à 17 heures 3, à Mulhouse, un immeuble d'habitation s'effondre, causant 17 morts et 15 blessés. Une poche de gaz est à l'origine du sinistre, et vous avez pu, Monsieur Devedjian, constater sur place l'ampleur du drame et le désarroi des victimes. Mises en cause, les conduites en fonte grise acheminent encore le gaz sur 2 200 kilomètres de réseau. Gaz de France les a repérées depuis plusieurs années et a programmé leur remplacement selon un échéancier courant jusqu'en 2008.

Notre groupe estime que plus personne ne doit vivre avec ce danger à sa porte. Gaz de France estime que 468 millions seront nécessaires pour les éliminer totalement. Une décision en ce sens sera-t-elle prise au cours de cette année ? Les maires seront-ils destinataires des cartes des cheminements afférents ? Le conseil d'administration de Gaz de France du 28 janvier prochain va-t-il statuer sur ces différents points ? Le Gouvernement entend-il mobiliser de nouveaux moyens pour accélérer la mise en conformité des installations de gaz dans les parties privatives des habitations, en vue de prévenir de nouvelles catastrophes ? De quelle manière vont être indemnisés ceux qui ont tout perdu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Le drame de Mulhouse a généré beaucoup de souffrances et tous ceux qui comme moi se sont rendu sur place en ont été saisis. Cependant, l'enquête est en cours et il faut se garder de toute conclusion hâtive. Il est établi qu'une canalisation en fonte grise présente aujourd'hui une fissure, mais l'on ne peut dire si elle est à l'origine de l'explosion ou si elle a été provoquée par elle. Laissons l'enquête aller jusqu'à son terme. Les fontes grises présentent un certain degré d'insécurité. Gaz de France a fait depuis 1980 l'effort de remplacer près de 28 000 kilomètres de canalisations. J'ai demandé à l'entreprise d'accélérer le changement des 2 200 kilomètres restants et nous ne faisons pas de la réalisation de cet objectif une question d'argent. Il convient cependant de respecter les procédures d'appels d'offres et de lancement des travaux et de faire en sorte que les élus locaux se mobilisent sans tarder sur cette priorité. Gaz de France est déterminé à agir et le Gouvernement le soutient.

S'agissant de l'indemnisation des victimes, un fonds auquel participe le Gouvernement et l'ensemble des collectivités se met en place. La mobilisation solidaire doit être exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

AVENIR DES SERVICES PUBLICS

M. Michel Vaxès - Face à l'exceptionnelle mobilisation qui s'organise contre la politique de démantèlement des services publics menée par le Gouvernement... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Mais oui ! Vos vociférations ne couvriront pas la clameur qui monte de la rue et qu'on entend d'ici ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Messieurs les ministres, vous ne pouvez vous contenter de mesurer l'inquiétude des fonctionnaires. Ceux-ci attendent des réponses concrètes et des moyens pour assurer leur mission. Ils se désespèrent de voir advenir une revalorisation de leur pouvoir d'achat, en recul de plus de 5% depuis cinq ans. Cette semaine d'action n'illustre pas - comme tente de le faire croire M. Dutreil - l'opposition entre deux France, celle du public et celle du privé. Les mouvements en cours et à venir sont soutenus par une majorité de nos concitoyens (« Faux ! » sur les bancs du groupe UMP).

Il se pourrait que dès le 5 février vous mesuriez l'ampleur de l'union des travailleurs du privé comme du public contre votre politique de privatisation ! Postiers, cheminots, enseignants, magistrats, médecins, électriciens, gaziers, tous se mobilisent pour défendre l'intérêt général, l'égal accès de tous à des services de qualité, et l'équilibre de l'aménagement du territoire.

Une alternative existe à votre politique, mais elle passe par un plan de relance du secteur public et des trois fonctions publiques, et implique une autre conception de la construction européenne.

Allez-vous engager les investissements utiles à la sauvegarde de notre service public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat - Le Gouvernement porte aux fonctionnaires toute la considération due à ceux qui font vivre le service public, mais cela ne veut pas dire immobilisme, ni démagogie. Au contraire, il faut accompagner la modernisation nécessaire à l'ensemble des services publics.

S'agissant du pouvoir d'achat, notre politique est juste, car la feuille de paie moyenne des fonctionnaires de l'Etat augmentera de 3,1% en 2005, soit plus que l'inflation. Les bas salaires seront revalorisés et une prime exceptionnelle sera attribuée aux fonctionnaires en fin de grade.

Cette politique est par ailleurs raisonnable, car elle se fait sans augmentation des impôts ni des déficits.

Notre tâche eut été plus facile si les donneurs de leçons d'aujourd'hui n'avaient pas été les mauvais gestionnaires d'hier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous devons aujourd'hui supporter la dette financière - entre 1997 et 2002, seules la France et l'Allemagne n'ont pas désendetté l'Etat, et nous le payons quant à nous d'un milliard 300 millions que nous aurions préféré redistribuer en pouvoir d'achat ! Nous devons encore supporter la charge des pensions - 1,9 milliard de plus en 2005, que nous n'aurions pas si vous aviez fait votre travail ! Et les syndicats me parlent d'un contentieux syndical qui remonte au 1er janvier 2000, soit sous le gouvernement Jospin ! Merci de nous laisser les factures, mais vous seriez plus avisés de nous donner des leçons si vous les aviez acquittées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE

M. Philippe-Armand Martin - Monsieur le ministre de la sécurité intérieure, sous l'impulsion du Président de la République, depuis mai 2002, le Gouvernement lutte fermement contre l'insécurité, grâce à une mobilisation sans précédent des services de police et de gendarmerie.

Vous avez présenté vendredi dernier les chiffres de la délinquance pour l'année 2004 : ce sont les meilleurs jamais recensés depuis dix ans ! La délinquance générale recule ainsi de 3,76%, ce qui représente la plus forte baisse depuis 1995.

Quant à la délinquance de voie publique, elle baisse de 8,45% par rapport à 2003, et passe sous la barre des 2 millions d'infractions.

Enfin, pour la première fois depuis dix ans, les violences physiques se sont stabilisées à moins 0,25%.

Nous devons cependant poursuivre nos efforts, notamment dans les zones rurales, et en particulier dans ma circonscription de la Marne, confrontées à de nouvelles formes de délinquance. Quelles mesures allez-vous prendre en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - C'est vrai, la délinquance est en baisse. En 2001, elle augmentait de 7,7%, pour baisser, en 2004, de 3,8%, tandis que les violences aux personnes, en hausse de 14,6% en 2001, se sont stabilisées à moins 0,25% aujourd'hui.

Il faut continuer à mobiliser l'ensemble des forces de sécurité qui accomplissent un travail remarquable sur le terrain.

Plus d'effectifs, un meilleur équipement, une police en charge de la sécurité et des interpellations, telles sont les clés de notre réussite.

Quant aux zones rurales, la délinquance a reculé de 6,6%, mais nous devons nous adapter à ses nouvelles formes afin d'assurer la protection de tous.

La première de nos priorités sera d'assurer une présence plus forte de la police et de la gendarmerie sur le terrain, et de mieux encadrer ces services.

Elles devront ensuite faire face aux violences contre les personnes et mieux protéger les plus vulnérables, qu'il s'agisse des personnes âgées, des enfants ou des femmes, en se mobilisant au bon endroit et au bon moment.

Enfin, notre dernière priorité sera de lutter contre le crime organisé.

Vous le voyez, notre approche est globale, volontariste, et au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

AIDES AUX VICTIMES DU TSUNAMI

M. Jean-Jacques Guillet - Nous venons de nous incliner devant les victimes du raz-de-marée qui s'est produit le 26 décembre dernier. L'élan de solidarité sans précédent qui s'est manifesté dans le monde entier, et en particulier dans notre pays, a démontré que les peuples riches peuvent dégager des moyens considérables, quand ils le veulent, au service des plus démunis.

Il faut aujourd'hui aller au-delà de l'aide d'urgence. Deux conférences internationales se réunissent actuellement, l'une à Paris sur le développement mondial, et l'autre à Kobé, sur la réduction des désastres. Ces deux conférences montrent que des moyens sont nécessaires, et c'est dans le cadre des Nations Unies que l'on les trouvera - la conférence de Djakarta à laquelle M. Darcos a participé l'a amplement démontré. Il faut aussi une volonté politique qui suppose trois objectifs.

Il s'agit tout d'abord de prévenir les sinistres par la mise en place d'un système d'alerte. La France a fait des propositions et je serais heureux que le Gouvernement les précise. Nous devons ensuite accorder aux pays touchés, et en particulier à l'Indonésie à laquelle je pense en tant que président du groupe d'amitié France-Indonésie, une assistance sur le long terme. Nous devons enfin lutter contre la pauvreté et garder en mémoire les objectifs du millénaire tels qu'ils ont été définis à New York en 2000. Quel est votre avis sur ces trois points, Monsieur le ministre des affaires étrangères ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères - Au lendemain d'une telle catastrophe, il y a le temps de l'urgence, du deuil, de la reconstruction.

Le Gouvernement remercie une fois encore tous ceux qui se sont remarquablement et généreusement mobilisés, les particuliers, les collectivités locales, les entreprises, les services de l'Etat, les ONG, nos diplomates et nos soldats.

Nous avons partagé le deuil des dizaines de milliers de familles qui ont été touchées en Asie du sud-est et en France. Les chiffres les plus récents dont nous disposons font état de 22 Français tués, 74 disparus, et nous sommes sans nouvelle de moins de 50 de nos compatriotes. Nous pourrons dans les jours prochains établir un bilan définitif de ce drame et rendre à toutes les victimes l'hommage solennel qui leur est dû.

Enfin, nous allons participer à la reconstruction de cette vaste zone par la mise en place de crédits et de prêts.

Vous avez eu raison de le souligner, Monsieur le député, cette tragédie est encore plus terrible car elle touche des pays pauvres. C'est précisément pourquoi le Président de la République continuera de se battre pour que dans le cadre des Nations Unies nous dégagions des ressources supplémentaires et durables afin de lutter contre la pauvreté.

Nous avons tiré deux leçons de cette catastrophe : nous proposons d'installer un système d'alerte contre les risques sismiques dans l'île de la Réunion ; nous devons créer en Europe, en coordination avec les Nations Unies, une force européenne de protection civile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PROPOS DE M. LE PEN SUR L'OCCUPATION

M. Daniel Boisserie - Je souhaitais m'adresser à M. le Premier ministre. Les récents propos de M. Le Pen contestant la dureté de l'oppression nazie ont indigné les Français. Il a en effet osé prétendre qu'en France, « l'occupation allemande n'a pas été particulièrement inhumaine ». Une telle affirmation est une offense à la mémoire de tous ceux qui sont tombés sous les coups du IIIe Reich et de ses affidés français. Les stèles élevées partout sur le territoire de la République à la mémoire de milliers de résistants témoignent de la barbarie nazie. Lorsque M. Le Pen déclare qu'il y aurait beaucoup à dire sur le massacre d'Oradour-sur-Glane, élément fondateur de notre conscience collective, il nie la responsabilité de l'occupant dans l'un de ses crimes les plus odieux alors même qu'a été créé un Centre de la mémoire afin d'éviter que le temps ne plonge le massacre des 642 habitants de ce village martyre dans l'oubli ou l'indifférence. Mes collègues Perol-Dumont, présidente du conseil général de la Haute-Vienne, Alain Rodet, président de l'association des maires de ce département, le groupe socialiste et, je n'en doute pas, toute la représentation nationale, s'associent à mes propos.

J'ai souhaité vous faire part de la douleur de mes concitoyens face à des considérations insultantes et insupportables qui blessent la République tout entière. La réaction du Gouvernement de la République doit être à la mesure de la gravité de ces déclarations. (Applaudissements sur les tous les bancs)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Je vous remercie de vos propos.

Mercredi dernier, lorsque j'ai pris connaissance des déclarations de M. Le Pen, j'ai été bouleversé. J'ai pensé à ceux qui ont survécu à cette période, et à ceux qui n'ont pas survécu. Oui, ces propos sont insupportables et abjects. Comment parler de « bavures inévitables » aux rescapés de Montluc ou d'Oradour ? On ne peut prétendre construire l'avenir d'un pays lorsque l'on nie son passé. (Applaudissements sur les tous les bancs)

J'ai immédiatement demandé au procureur de la République de faire diligenter une enquête sur des faits susceptibles d'être qualifiés d'« apologie de crime de guerre » ou de « contestation de crime contre l'humanité ». M. Le Pen doit être mis dans l'obligation de rendre des comptes. (Applaudissements sur les tous les bancs) La saisine de la justice allait de soi. A ce stade de l'enquête, il ne m'appartient pas d'en dire davantage, d'autant que dans ce domaine, la jurisprudence évolue. Mais nous avons le devoir de dire qu'il ne faut rien oublier. (Applaudissements sur les tous les bancs)

ASSURANCE MALADIE

M. Jacques Domergue - Pour sauvegarder notre système d'assurance maladie solidaire, comme le souhaitaient tous nos concitoyens, il était indispensable de le moderniser. La loi du 13 août 2004 le permet. Après le rétablissement de la confiance avec le monde médical, trop souvent méprisé par le précédent gouvernement, et la mise en œuvre d'une véritable politique de santé publique sanctionnée par une loi, voici venu le temps de cette modernisation. On ne peut que se féliciter de la ferme volonté du Gouvernement de maintenir l'égalité d'accès de tous à des soins de qualité, tout en recherchant une maîtrise médicalisée des dépenses de santé. La réussite de la réforme exige la responsabilisation de tous - professionnels de santé et patients -, ainsi qu'un changement des comportements. Cela passe au quotidien par la promotion des bonnes pratiques médicales, la mise en place du dossier médical personnel, le recours au médecin traitant, destiné à mieux coordonner les soins, éviter le nomadisme médical et les prescriptions redondantes. D'ici peu, tous nos concitoyens âgés de plus de 16 ans devront choisir un médecin traitant, le plus souvent leur médecin de famille. A cet égard, je félicite le Gouvernement pour la rapidité de la publication des décrets d'application : plus de 80% d'entre eux sont déjà parus. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Reste maintenant à mettre en œuvre la réforme, dont la convention médicale, signée hier entre l'UNCAM et trois syndicats de médecins, dont le principal, la CSMF, est un élément majeur. Monsieur le ministre de la santé, Monsieur le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale les principales modalités de la réforme et nous dire comment le Gouvernement entend poursuivre la modernisation de notre assurance maladie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie - La convention médicale signée la semaine dernière par la majorité des syndicats médicaux, représentant la majorité des praticiens, et approuvée par l'UNCAM, est en effet une étape-clé pour l'avenir de notre système. Pour la première fois, des engagements réciproques ont été pris entre les médecins et l'assurance maladie : d'un côté, 998 millions d'euros d'économies attendues pour la seule année 2005, de l'autre, 500 millions d'euros sur deux ans d'engagements de revalorisations pour les professionnels. Cette convention est équilibrée entre généralistes et spécialistes, avec la mise en place de parcours de soins plus rationnels au profit d'abord des patients.

Reste maintenant à faire vivre cette convention. Nous serons particulièrement vigilants, Philippe Douste-Blazy et moi, pour que les engagements soient bien tenus de part et d'autre. Maîtrise médicalisée des dépenses mais aussi égalité d'accès aux soins partout sur le territoire doivent être au rendez-vous. Vous pouvez compter sur notre mobilisation pour assurer la réussite de la réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

AIRBUS A380

M. Jacques Masdeu-Arus - Airbus a donc dévoilé ce matin à Toulouse son premier A380, plus gros avion civil jamais construit au monde, dont le premier vol est prévu en mars ou avril. Cet avion, concurrent direct de Boeing en matière de gros porteurs, est le fruit de dix années de travail. Il marque la réussite éclatante du savoir-faire industriel de notre pays et de ses partenaires européens. Le Président de la République l'a d'ailleurs salué ce matin comme « une grande réussite pour l'Europe » et appelé les pays européens à faire preuve de la même ambition dans le domaine des hautes technologies, d'où ils sont trop absents. En effet, cette réalisation industrielle unique laisse présager d'importants succès en matière commerciale, mais aussi de compétitivité et d'emplois.

Monsieur le ministre des transports, quel est votre sentiment sur l'aboutissement de ce projet ? Quelles leçons en tirez-vous pour notre pays face à la compétition mondiale ?

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - L'Airbus A380, plus gros avion au monde qui sera sans doute aussi le plus confortable, respecte les normes les plus exigeantes de l'OACI et ne consomme que trois litres de kérosène aux cent kilomètres par passager. Cent quarante-neuf commandes ont déjà été enregistrées en Australie, en Amérique, en Asie et en Europe, avant même le premier vol, alors que le point d'équilibre pour le constructeur se situe à 250. C'est dire le bel avenir auquel est promis l'A380 ! Avec une gamme désormais complète d'appareils de cent à huit cents places, Airbus est devenu le premier constructeur aéronautique mondial.

Quelles leçons tirer de cette remarquable réussite de l'A380 ? Tout d'abord, qu'il est possible de construire les divers éléments d'un avion dans différents pays européens pour les assembler en un lieu unique avec succès - ce que bien peu présageaient. Ensuite, que la volonté politique qui a présidé à la naissance du projet a été déterminante - quatre chefs d'Etat européens étaient présents ce matin à Toulouse. Enfin, que seule l'alliance de technologies les meilleures au monde, d'avances d'Etat remboursables - dont le ministère des transports est fier de les avoir accordées -, et de capitaux privés allemands, français, et britanniques, a permis ce succès. Lorsque les Européens se donnent la main, ils sont vraiment capables d'être les champions du monde. Ils en ont apporté la preuve aussi avec le viaduc de Millau, plus haut viaduc du monde, construit par des entreprises françaises avec un maître d'œuvre britannique.

Quand des Européens se donnent la main pour parvenir à un tel résultat, c'est une grande réussite dont l'Europe et tous les Européens peuvent être fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

ÉDUCATION NATIONALE

M. Christian Bataille - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, au cœur du projet républicain se trouvent la laïcité et, de manière indissociable, l'école de la République. Vous dites vouloir améliorer notre politique de l'éducation. Or on ne peut que constater l'abîme entre vos déclarations d'intention et la réalité de vos choix budgétaires, qui se traduisent par des milliers de suppressions de postes, par la réduction des moyens et donc de la qualité de l'enseignement. Vous invoquez des prétextes démographiques et pédagogiques, mais toutes les académies sont touchées : mille suppressions de postes dans le Nord-Pas-de-Calais, plus de six cents en Lorraine, plus de trois cents en Picardie, une centaine en Bourgogne, dans les Pays de la Loire, en Bretagne et en Normandie. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Certaines disciplines comme les sciences économiques, certaines langues vivantes sont menacées de disparition. Les surveillants aussi, malgré leur rôle pédagogique.

Par ces mesures, vous avez fait contre vous l'unanimité des syndicats d'enseignants et des organisations de parents d'élèves. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Alors que les collectivités locales font des efforts pour soutenir l'investissement éducatif, il serait désastreux que l'Etat suive une logique de renoncement. Monsieur le ministre, entendez-vous revenir sur ces mesures de suppression de postes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Les moyens humains et financiers seront répartis en janvier 2005 en fonction de la démographie scolaire. Dans une académie qui vous intéresse particulièrement, Monsieur Bataille, il y aura dans le primaire le maintien d'un taux d'encadrement déjà meilleur que dans d'autres académies. Dans le secondaire, il y aura 895 suppressions de postes parce que le nombre des élèves se réduit de 8 200. Notre pays consacre 23 % de son budget à l'éducation : il est le premier de l'OCDE pour la dépense éducative. Nous avons, en quinze ans, créé 100 000 postes supplémentaires, alors que le nombre des élèves recensés diminuait de 500 000. Si les résultats du système éducatif avaient suivi l'amélioration du taux d'encadrement, nous pourrions engager la discussion sur les bases que vous proposez. Or c'est le contraire qu'on constate : les performances sont en recul persistant. C'est pourquoi vous allez être saisis d'un projet de loi d'orientation sur l'avenir de l'école, qui prévoit des créations de postes là où sont les besoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mais ces créations de postes ne seront possibles que si nous gérons les moyens de manière rigoureuse. (Mêmes mouvements)

POLITIQUE DU HANDICAP

M. Alain Marty - Madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, la politique du handicap est l'un des grands chantiers ouverts par le Président de la République en juillet 2002. Nous allons voter le projet sur l'égalité des droits et des chances : 5,5 millions de nos concitoyens vont en bénéficier.

Vous étiez hier dans ma circonscription. Vous avez pu voir que les associations soutiennent votre projet. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Je veux insister sur un point : l'accessibilité des bâtiments publics et des transports. Nous avons fixé un délai de dix ans. Comment voyez-vous votre action dans la mise en œuvre de ce texte tant attendu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - L'accessibilité des lieux publics est au cœur de ce texte. Un engagement précis a été pris par le Premier ministre il y a quelques jours : doter le fonds interministériel de l'accessibilité de 25 millions. Cela représente le doublement, en un an, de l'effort conduit depuis dix ans. Une dotation de 4 millions dont va bénéficier le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce permettra de rendre accessibles les commerces de centre-ville. La chaîne de déplacement doit être cohérente : à quoi servirait-il d'améliorer l'accessibilité des transports si la cité n'est pas plus facile d'accès ? Ce texte va permettre d'accueillir les personnes handicapées dans la cité, pour que nous la renforcions de nos différences. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

GRÈVE À LA SNCF

M. Jacques Houssin - Monsieur le ministre de l'équipement, le mouvement de grève qui s'annonce à la SNCF devrait être suivi, d'après les prévisions. Alors que vous vous êtes montré soucieux de garantir la continuité du service public en négociant un accord sur ce point, comment se fait-il que ce genre de mouvement ait encore lieu ? Demain, nos concitoyens vont encore voyager dans la bousculade et arriver en retard à leur travail, à moins de partir avec trois heures d'avance. Ils auront le sentiment que rien n'a changé, alors que nous leur répétons sans cesse que nous agissons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Notre objectif n'est pas de supprimer le droit de grève, qui est constitutionnel, mais de faire en sorte que les salariés éprouvent de moins en moins le besoin de recourir à la grève. C'est pourquoi, le 28 octobre, a été mis en place un système d'alarme sociale.

M. François Liberti - Ça sonne !

M. le Ministre - Seulement 14 % des alarmes ont débouché sur une grève.

Celle qui aura lieu demain durera 24 heures, point à la ligne. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) S'agissant de la visibilité du conflit, la SNCF a pu s'engager sur 1 206 trains qui rouleront demain.

Quant à la RATP, qui dispose déjà d'un système d'alerte sociale, elle travaille sérieusement sur la continuité du service public et le respect des usagers en cas de grève. J'ai aussi l'accord du GART, le groupement des autorités responsables de transports, pour travailler, au niveau local, à des accords de branche afin d'éviter les conflits dans ce secteur. Le Premier ministre m'a demandé d'aboutir au premier semestre 2005 et je lui rendrai compte au 31 mars. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Le Garrec.

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

ÉGALITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES (suite)

L'ordre du jour appelle le vote et les explications de vote sur le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées - Monsieur le président, mes premiers mots seront pour vous remercier de l'intérêt que vous en particulier vous avez porté à ce texte. Je remercie chaleureusement le rapporteur M. Chossy, qui a soutenu avec talent ce projet de loi, sans oublier M. Dubernard, président de la commission des affaires sociales, dont la compétence a contribué à faire évoluer la réflexion.

Au terme d'un dialogue social approfondi avec l'ensemble du mouvement associatif et des représentants institutionnels, et d'un riche débat parlementaire, ce projet de loi a atteint son point d'équilibre : un nouveau paradigme du handicap a été défini. Le handicap est certes un défi à notre Etat providence, mais c'est également une chance pour notre démocratie.

Nous vivons un moment fondateur, et cependant ce n'est qu'une étape dans la poursuite de ce chantier voulu par le Président de la République. Il y aura un après-la-loi et un au-delà de la loi. La société tout entière doit changer pour que le handicap ne soit plus qu'un aspect de cette diversité dans laquelle notre démocratie s'enracine.

En 2005, je serai particulièrement attentive à la publication des textes d'application. Nous devrons également étudier la situation des personnes handicapées mentales vieillissantes afin de leur assurer une offre médicale qui réponde à leurs besoins. Pour la première fois, la notion de handicap psychique est définie dans ce projet de loi. Nous devrons également travailler à la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées en nous appuyant sur l'expertise des sites pour la vie autonome. En outre, nous avons abordé la question de la représentativité des associations, encore faut-il y répondre. Nous devons également nous inspirer des expériences européennes intéressantes et penser la question du handicap dans un cadre international.

Un dernier mot sur ce que j'ai coutume d'appeler l'émergence du cinquième risque, le risque dépendance. Il importe de créer une nouvelle branche de la protection sociale pour que sortent de l'ombre des millions de personnes. Avec la mise en œuvre de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, les Français s'affranchiront de leur peur et la question du handicap ne sera plus jamais honteuse ou gênante.

Je vous remercie pour la grande qualité des débats, votre ouverture d'esprit. Je présente à cette nouvelle politique mes meilleurs vœux pour 2005 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires sociales - Je suis très satisfait du travail réalisé dans nos deux assemblées. Je me suis personnellement engagé pour faire progresser ce projet de loi afin qu'il réponde au mieux aux attentes des personnes handicapées et des associations. Pour ce faire, nous avons emprunté plusieurs directions : la prestation de compensation du handicap est un élément fort, c'est le cœur de cette loi ; le guichet unique que représente les maisons départementales des personnes handicapées ; la garantie d'une ressource dépendance.

Nous avons également cherché à faire progresser les mentalités en changeant les mots. La proposition de substituer « scolarisation » à « intégration scolaire » des personnes handicapées a une importance symbolique.

Ce projet de loi, nous y croyons, avec cœur, avec foi. Nous rencontrerons peu de difficultés en commission mixte paritaire, nous saurons avec nos collègues sénateurs faire évoluer ce texte dans le bon sens. Cet engagement que je prends à titre personnel, je sais qu'il est aussi le vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Claude Leteurtre - C'est sans enthousiasme que le groupe UDF votera ce texte. La grande réforme de la loi de 1975 que nous attendions s'est transformée en un simple toilettage de façade, qui peine à masquer les insuffisances de notre politique en faveur des personnes en situation de handicap. A l'évidence, il n'y a pas assez d'argent pour financer l'ensemble des mesures annoncées. Madame la ministre, au cours du débat, je vous ai par trois fois demandé qui paierait...

M. Paul Giacobbi - Les départements !

M. Claude Leteurtre - Et, faute de réponse, je vous pose à nouveau la question. En quelques années, l'effort de la nation en faveur des personnes en situation de handicap a diminué de 6 milliards, pour ne plus représenter que 1,7% du PIB, contre 2,1% précédemment. Le Gouvernement est-il décidé à inverser la tendance ? Sachant que le budget global du handicap représente 40 milliards, les 850 millions supplémentaires dégagés par la journée de solidarité ne permettront pas de rattraper le décrochage. Et il y a tout lieu de penser que les conseils généraux seront une nouvelle fois mis à contribution. Quant au tour de passe-passe qui consiste à remplacer le complément d'AAH par une garantie de ressources relevant du budget de la sécurité sociale, il ne convainc personne, d'autant que le nombre de bénéficiaires de l'AAH continue d'augmenter de près de 5% par an.

Eu égard à la prévalence du syndrome d'alcoolisation fœtale, j'ai personnellement voté la disposition introduite par le Sénat visant à mettre en garde les femmes enceintes contre les risques associés à la consommation d'alcool. Je maintiens cependant qu'elle n'a rien à faire dans ce texte et qu'elle risque de stigmatiser certaines mères. Mais, compte tenu du fait que de 400 à 1 500 nouveaux-nés sur les 750 000 naissances annuelles pourraient être victimes du SAF, je me suis résolu à adopter une disposition qui constitue l'une des premières mesures concrètes de lutte contre l'alcoolisme dans ce pays.

Malgré ces défauts, ce texte comporte de nombreuses avancées, qu'il s'agisse du droit à compensation - bien que nous déplorions que les barrières d'âge n'aient pas été levées -, du droit à être scolarisé en milieu ordinaire, de l'accessibilité ou de la garantie de ressources à hauteur de 80% du SMIC. L'UDF veillera à sa bonne application et à la rapidité de parution des décrets d'application. Nous entendons également que le budget de l'éducation nationale permette la scolarisation de tous les enfants en situation de handicap et que le programme pluriannuel de création de places en établissement se déroule selon le rythme annoncé. Il importe que toutes les familles en attente de place aient rapidement satisfaction.

Les personnes en situation de handicap attendaient beaucoup, et le texte qui nous est aujourd'hui soumis reste insuffisant à bien des égards. Il ne permet pas de leur offrir l'espérance de la vie meilleure à laquelle ils ont droit (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Daniel Paul - Nous arrivons au terme de la deuxième lecture d'un texte attendu depuis plusieurs décennies, et je tiens d'emblée à saluer la mobilisation exemplaire des associations pour infléchir l'action du Gouvernement. Nous aurons eu fort à faire, Madame la ministre, pour vaincre vos réticences à agir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Un député UMP - Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Daniel Paul - Au reste, les personnes handicapées et les associations qui les représentent restent très inquiètes, et votre obstination à retenir de la situation de handicap une définition désuète et inopérante n'est pas de nature à les rassurer. Vous avez refusé de choisir une approche globale, prenant en compte l'environnement dans lequel vit la personne en situation de handicap, et la France continue de se singulariser par sa vision restrictive. A cet égard, la substitution à l'ACTP de la nouvelle prestation de compensation ne nous semble que très partiellement opérationnelle. Les associations estiment que 60% seulement des besoins en compensation liés à l'existence d'une situation handicapante seront couverts. De même, vous avez, aux termes d'un raisonnement fallacieux, supprimé le complément d'AAH sans être en mesure de démontrer que la garantie de ressources censée le remplacer améliorerait réellement la situation des intéressés. A cet égard, vous vous êtes refusée avec constance à envisager la création d'un revenu minimum d'existence équivalent au SMIC. Au final, on est bien loin de la simplification annoncée et rien ne permet d'avancer que le nouveau dispositif permettra aux personnes en situation de handicap d'accéder à une citoyenneté pleine et entière.

S'agissant du droit à la scolarisation en milieu ordinaire pour tous, il est inacceptable de renvoyer la décision finale d'orientation de l'enfant à la commission des droits et de l'autonomie. Il faut remettre les parents au cœur du processus de décision et croyez bien que nous ne renonçons pas à obtenir cette avancée dans la loi sur l'avenir de l'école.

Le principe d'accessibilité générale des locaux reste entaché de trop nombreuses dérogations. Nous regrettons aussi la création de la CNSA en ce qu'elle parachève l'éclatement de notre protection sociale, les transferts de charges aux départements et le fait que la rémunération des salariés handicapés des CAT reste inférieure au SMIC.

Grâce à l'exceptionnelle mobilisation du monde associatif et à la détermination de nombreux parlementaires sur tous les bancs, le texte initial a été sensiblement amélioré et un nombre particulièrement conséquent de nos amendements a été adopté. Nous restons loin cependant de la réalisation d'une citoyenneté de plein exercice pour toute personne en situation de handicap vivant sur notre sol. Le projet de loi témoigne d'une approche dépassée et minimaliste des enjeux, tendant à maintenir des personnes en situation de handicap dans un régime d'assistance, cependant que l'engagement public diminue et que notre système de protection sociale continue d'être démantelé.

Notre groupe votera contre ce texte. En cette période de vœux, je souhaite que les associations et les personnes en situation de handicap elles-mêmes restent extrêmement vigilantes. C'est avec elles que nous préparerons la loi progressiste dont le pays a besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste ; murmures sur les bancs du groupe UMP)

Mme Geneviève Levy - Ce texte répond à l'objectif fixé par le Président de la République de faire de l'intégration des personnes handicapées l'une des trois premières priorités de son quinquennat. Depuis 2002, le Gouvernement mène une politique du handicap extrêmement active : les crédits sont en augmentation constante et ils ont été « sanctuarisés ». Le projet de loi que nous nous apprêtons à voter tend à améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées et de leurs familles. Placé sous le signe du pragmatisme et de l'ambition, il s'appuie notamment sur les 850 millions supplémentaires dégagés au profit des personnes handicapées par la journée de solidarité.

Il faut saluer le travail de la commission et de son rapporteur, mais aussi la qualité des propositions du Gouvernement et le déroulement des débats qui nous ont permis d'adopter près de 150 amendements.

Je citerai en particulier l'amendement à l'article 3 qui crée, dés 2005, une garantie de ressources pour les personnes handicapées qui ne peuvent pas travailler. Elle représentera 140 euros de plus que l'allocation adulte handicapé actuelle et s'accompagnera de la prestation de compensation. 160 000 personnes devraient être concernées par cette mesure, soit 30 000 de plus qu'aujourd'hui.

Je retiendrai encore l'attribution de la retraite à taux plein pour les travailleurs lourdement handicapés : 120 trimestres en vaudront 160.

S'agissant de la scolarisation des enfants, leur intérêt est mieux pris en compte, grâce à la suppression de la précision apportée par les sénateurs, selon laquelle l'intégration scolaire des enfants handicapés ne devait pas perturber les autres élèves. La scolarisation de l'enfant handicapé sera donc demain le principe, à condition qu'elle respecte son projet personnalisé.

Personnellement impliquée dans le monde du handicap, je me félicite de l'attention portée à l'accessibilité, divers amendements ayant été adoptés pour que les établissements recevant du public ainsi que les transports collectifs soient rendus accessibles dans les dix prochaines années.

Ce texte conforme aux attentes des personnes handicapées, représente une grande avancée ; aussi l'UMP est-elle fière de soutenir un Gouvernement qui en a pris l'initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Hélène Mignon - L'examen en deuxième lecture nous a permis de revenir sur certains amendements votés au Sénat, dont celui particulièrement choquant relatif à la scolarisation des enfants handicapés.

Ce texte a beau contenir quelques avancées, il n'en demeure pas moins fort critiquable. Tout d'abord, la dimension environnementale du handicap n'a pas été reconnue. Au-delà de la seule sémantique, il s'agissait de prendre en compte l'interaction entre des facteurs de nature différente - culturelle, sociale, ou architecturale - pour apporter les réponses individuelle ou collectives les plus adaptées. Il faut être cohérent avec les textes internationaux que la France a ratifiés.

L'égalité des chances commence par l'école de la République et nous avons heureusement pu revenir sur l'amendement choquant du Sénat. Il faut travailler dès l'enfance à changer le regard de la société sur les personnes handicapées, aussi l'Etat doit-il dégager les moyens nécessaires à une politique de scolarisation en milieu ordinaire volontariste et adaptée aux besoins individuels.

Vous nous dites, Madame la ministre, avoir été entendue par le ministre de l'éducation nationale, mais comment vous croire au vu du budget 2005 alloué à ce ministère et du nombre de suppressions de postes ? Près de 45 000 enfants échappent aujourd'hui à toute forme de scolarisation ! Nous restons sceptiques sur le droit réel à la scolarisation et je ne parle pas de la déception des parents, qui se sentent exclus du processus au profit d'un groupe médico-administratif. Espérons que la CMP rejettera cette disposition.

Quant au droit à compensation, il ne deviendra réalité que si l'on s'en donne les moyens.

L'estimation des fonds de la CNSA destinés à la compensation est aléatoire. Si la notion de critères de ressources a favorablement évolué, grâce à la disparition des barrières d'âge et à la prise en considération du handicap psychique, ces avancées n'ont pas été budgétisées.

Or, comment être optimistes, quand on sait que la caisse a déjà dû se substituer à l'Etat pour tenir les promesses gouvernementales de création de CAT et que le Premier ministre a annoncé, le 13 janvier, qu'en 2005, 25 millions y seraient encore prélevés pour permettre l'accessibilité des ministères ?

Que va-t-on nous proposer dans ces conditions ? Une compensation au rabais ou un deuxième jour férié travaillé ?

Seule une prestation légale de compensation aurait permis d'en garantir un égal accès sur l'ensemble du territoire, à partir du droit de chacun de choisir son projet de vie. Las, la coexistence de plusieurs dispositifs ne permettra pas de garantir l'égalité de traitement.

Evidemment, nous approuvons l'augmentation du reste à vivre pour les personnes en établissement, ainsi que le meilleur cumul de l'AAH et d'un revenu d'activité, mais vous avez renvoyé à un décret les modalités de cumul avec les revenus professionnels ! Quant au complément d'AAH, que vous supprimez avant l'été pour le rétablir en hiver, tout en le modulant entre les anciens et les nouveaux bénéficiaires, nous ne pouvons qu'être inquiets.

S'agissant de l'instauration d'un revenu pour les personnes incapables de travailler, vous avez fait naître beaucoup d'espoir, mais ne s'agit-il pas là d'un petit tour de passe-passe ?

Sous prétexte de ne pas perpétuer une politique d'assistance, vous vous êtes contentés d'un vague toilettage du système allocatif !

Malgré l'inauguration très médiatique d'un élévateur à Matignon, trop de dérogations subsistent au principe d'accessibilité.

Cette loi n'est pas la grande loi que l'on attendait pour remplacer le texte de 1975. Vous nous dites que les questions en suspens pourront être abordées dans d'autres textes, mais on ne fait pas de grande loi avec des cavaliers !

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce projet et s'engage à tout mettre en œuvre pour que les personnes handicapées accèdent à une citoyenneté pleine et entière, telle que Ségolène Royal l'avait présentée en conseil des ministres en juillet 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

A la majorité de 364 voix contre 163, sur 529 votants et 527 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je ne parlerai pas du retard des Français ni des efforts que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin doit faire pour le rattraper en termes de création de places. Je ne parlerai pas davantage de la détresse des personnes handicapées, ni de l'incompréhension des parents face à une décision d'orientation non partagée, car, Monsieur Daniel Paul, les associations ne sont la propriété d'aucune doctrine politique.

Depuis mon arrivée au Gouvernement, vous n'avez cessé de dire que vous ne voteriez pas ce texte, aussi ne suis-je guère surprise aujourd'hui, même si au cours des débats, loin des échos médiatiques, j'ai pu relever parfois une attitude constructive. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Maxime Gremetz - Lamentable !

Mme la Secrétaire d'Etat - Votre vote révèle un clivage politique. La doctrine de l'assistance, en renvoyant la politique du handicap à un problème environnemental et à une logique de projets sociaux non financés, s'oppose ainsi à une volonté pragmatique de rattraper notre retard, grâce à une politique de compensation et à la mobilisation de tous pour prendre en compte le risque de dépendance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Je suis fière d'appartenir à ce Gouvernement qui a su avancer sur ce sujet, et garantir l'intégration des personnes handicapées au cœur de la cité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures 5.

RÉGULATION DES ACTIVITÉS POSTALES

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la régulation des activités postales.

M. le Président - Une contrainte nous imposant de lever la séance à 19 heures 20 et comme nous devons avoir examiné l'exception d'irrecevabilité, chacun devra faire preuve de discipline, à l'exemple de M. Ollier, président de la commission des affaires économiques, qui, renonçant à son temps de parole, permettra à M. le rapporteur de parler cinq minutes de plus. J'invite chacun à la concision.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Merci, Monsieur le président, de votre bienveillance régulatrice ! (Sourires)

A Lisbonne, en 2000, les quinze pays de l'Union européenne se sont fixé comme objectif de faire de l'UE la première économie de la connaissance d'ici à 2010. Conscients que le développement des échanges est un puissant moteur de l'économie, les Quinze ont voulu poursuivre la libéralisation des échanges tant matériels qu'immatériels. C'est ainsi qu'a été adopté le « paquet télécom » qui assoit la concurrence dans l'ensemble du secteur des technologies de l'information et de la communication que nous avons transposé l'année dernière grâce à la loi sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle.

Les Quinze ont également appelé à la poursuite de la libéralisation dans le secteur des transports et des services postaux, qui sont en effet un instrument essentiel de communication et d'échange. Dès 1992, dans son « Livre vert sur le développement du marché unique des services postaux », la Commission européenne avait ouvert le débat sur une politique postale communautaire, processus qui a permis d'aboutir à l'adoption de la directive du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité, dite directive « postale ». Son intitulé met en évidence le lien qui doit unir l'ouverture progressive et contrôlée des marchés à l'amélioration de la qualité du service pour les utilisateurs. Ainsi la France a-t-elle toujours défendu la nécessité de prendre en compte les objectifs de service public et d'aménagement du territoire. Cette directive postale aurait dû être transposée avant le 31 décembre 2000.

Après la décision des ministres européens des postes du 15 octobre 2001, cette directive a été modifiée par celle du 12 juin 2002 afin de poursuivre l'ouverture à la concurrence des services postaux. Cette deuxième directive aurait dû être transposée avant le 31 décembre 2002. La France est donc en retard. Deux procédures sont en cours à son encontre devant la Cour de justice des communautés européennes.

La première concerne l'indépendance de la régulation et date de l'an 2000. Elle constate que le ministre chargé des postes ne dispose pas de l'indépendance requise par la directive par rapport aux intérêts de l'opérateur postal historique. La seconde porte sur la délimitation du monopole de La Poste, également appelé « secteur réservé ». Le monopole postal aurait dû en effet être limité aux objets de correspondance de moins de 100 grammes depuis le 1er janvier 2003 alors qu'il est aujourd'hui fixé à 350 grammes.

Ce projet vise ainsi essentiellement à transposer les directives européennes postales de 1997 et de 2002. Il permet également de doter La Poste des outils nécessaires pour lutter à armes égales avec ses concurrents.

Les directives définissent parmi l'ensemble des domaines postaux un domaine appelé le « service universel postal » qui correspond à notre notion de service public.

M. Daniel Paul - Non !

M. le Ministre délégué - Ce service universel est constitué des envois de correspondance de moins de deux kilos, des envois de colis de moins de 20 kilos, des envois recommandés et à valeur déclarée, y compris transfrontaliers.

Les Etats membres de l'Union ont l'obligation de garantir que toute la gamme du service universel postal sera disponible au moins cinq jours sur sept sur l'ensemble de leur territoire et accessible à tous, à un prix abordable. En France, c'est La Poste qui est chargée de cette mission. Soucieux de la qualité du service rendu, nous avons choisi d'aller au-delà de nos obligations communautaires, en maintenant la distribution du courrier six jours sur sept.

Les Etats membres peuvent octroyer au prestataire du service universel un certain monopole, dans la limite des seuils définis par la directive, afin de garantir le financement de cette mission. Nous avons confirmé le monopole de La Poste en l'ajustant aux seuils prévus. Depuis le 1er janvier 2003, le secteur réservé couvre les envois d'un poids inférieur à cent grammes. Au 1er janvier 2006, cette limite tombera à cinquante grammes.

Les Etats membres doivent par ailleurs garantir qu'une autorité indépendante des opérateurs postaux veillera au respect des règles de concurrence et à la bonne fourniture du service universel postal. Nous avons donc prévu d'étendre les pouvoirs de l'ART à la régulation du secteur. Avec de nouveaux services et de nouveaux membres compétents dans le domaine postal, celle-ci serait dénommée, comme l'ont proposé les sénateurs, Autorité de régulation des télécommunications électroniques et des postes - ARCEP.

Les concurrents de La Poste exerçant une activité de distribution de correspondances devront y avoir été autorisés par le régulateur. Seuls les prestataires assurant jusqu'à la distribution seront soumis à ce régime d'autorisation. Ces autorisations, accordées pour dix ans, seront renouvelables mais non cessibles. Leur octroi sera assorti d'exigences de qualité, de respect de la confidentialité des envois et de protection des consommateurs.

L'ARCEP jouera un rôle essentiel en matière de règlement des différends dans le secteur postal et de régulation tarifaire. Ainsi, les tarifs des services réservés devront désormais être homologués par le régulateur. En revanche, les tarifs du service universel non réservé pourront faire l'objet d'un encadrement pluriannuel. Si cet encadrement pluriannuel est global, c'est-à-dire concerne un ou plusieurs paniers de services postaux, les tarifs individuels de ces derniers n'auront alors pas à faire l'objet d'un accord au cas par cas. Nous reviendrons sur ce point très important.

L'ARCEP veillera aussi à ce que le financement du service universel postal soit assuré dans le respect des règles de concurrence. Elle pourra notamment faire vérifier les règles d'affectation des coûts de La Poste. Si elle devait constater un déséquilibre, c'est-à-dire si le monopole aujourd'hui accordé à La Poste ne couvrait pas le surcoût économique que représente la fourniture du service universel sur tout le territoire, le projet de loi lui fait obligation de proposer au ministre des mesures pour y remédier.

Le projet de loi prévoit également que le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur le financement du service universel, en examinant notamment l'opportunité de créer un fonds de compensation, abondé par les concurrents de La Poste, destiné à financer la mission de service universel dévolue à La Poste, si le champ du monopole n'y suffisait plus. Cette possibilité est expressément prévue dans les directives.

Enfin, l'ARCEP sera dotée d'un large pouvoir de sanctions.

Je suis convaincu que l'ensemble de ce dispositif permettra de concilier la libéralisation du secteur et la fourniture d'un service public postal de qualité, auquel nous sommes tous attachés.

Ce projet de loi dote également La Poste des outils nécessaires pour lutter à armes égales avec ses concurrents, mettant à profit les délais qui nous séparent des prochaines étapes de l'ouverture des marchés à la concurrence. Dans cette perspective, la création d'un établissement de crédit postal est une mesure-clé.

La gamme des produits financiers offerts par La Poste n'a cessé de s'étoffer depuis l'après-guerre et comprend aujourd'hui presque tous les produits d'épargne, s'étendant même au crédit immobilier avec épargne préalable. Un pas décisif a été fait en 1998 avec la fin de la centralisation au Trésor des dépôts de CCP, désormais gérés par une filiale de La Poste. La création d'un établissement de crédit obéissant aux règles bancaires parachève aujourd'hui cette évolution. Elle permettra à La Poste de conforter sa clientèle, qui aujourd'hui la quitte lorsqu'elle a besoin d'emprunter, et de développer l'activité de ses bureaux. Elle devra naturellement s'exercer dans le respect des règles professionnelles et prudentielles applicables à toutes les banques. La Poste y travaille avec les autorités de marché. L'établissement de crédit recourra pour ses activités aux moyens en personnel de La Poste dans le cadre de conventions de service, qui devront exclure toute distorsion de concurrence, en assurant en particulier une juste rémunération de La Poste et de son réseau.

La Poste sera également mise sur un pied d'égalité avec ses concurrents. Bien que cette entreprise de 320 000 salariés, dont près d'un tiers de droit privé, soit largement exposée à la concurrence, le précédent gouvernement lui a imposé la réduction du temps de travail sans qu'elle puisse bénéficier des aides prévues pour en atténuer le coût considérable. La Poste va devoir engager sans attendre de grandes réorganisations d'ici à 2009, date à laquelle elle pourrait perdre tout monopole. Son éligibilité aux exonérations Fillon la placera à égalité avec ses concurrents à compter du 1er janvier 2006. Cette mesure, d'un coût de 230 millions d'euros en année pleine, est très attendue de l'entreprise et de ses personnels.

L'évolution du réseau des bureaux de poste, intimement liée aux enjeux d'aménagement du territoire, trouvera des réponses dans la négociation sur le terrain, et non à partir de solutions dictées d'en haut.

La loi prévoit de longue date un abattement sur les taxes locales au profit de La Poste. Cet abattement se justifie par la mission d'aménagement du territoire qui lui a été confiée en sus de ses obligations en matière de courrier. Il sera complété par la création du fonds postal national de péréquation territoriale, qui permettra de financer la présence postale, là où elle apparaîtra nécessaire. Au niveau départemental, ce fonds pourra être géré en s'appuyant sur les compétences des commissions départementales de présence postale territoriale. Le contrat de plan conclu entre l'Etat et La Poste en a posé le principe. Des représentants de La Poste et un groupe d'élus présidé par le sénateur Hérisson, président de la commission supérieure du service public des postes et communications électroniques, sont en train d'en définir le détail. Ils viennent de formuler leurs premières propositions.

Enfin, le régime de responsabilité des envois postaux va être modifié, mesure très attendue par les clients de La Poste. En effet, La Poste bénéficiait jusqu'à présent d'une irresponsabilité de droit, qui n'est plus conforme aux principes généraux du droit. Nous aurons l'occasion d'y revenir, mais il nous faut d'ores et déjà réfléchir à un dispositif répondant mieux aux attentes des utilisateurs et applicable à l'ensemble du secteur postal. Les dispositions votées au Sénat méritent d'être encore améliorées, en instaurant sans doute un principe beaucoup plus large de responsabilité pour les envois postaux.

La concurrence dans les services postaux existe déjà, dans notre pays comme chez ses voisins européens, dans le secteur par exemple du colis ou du publipostage non adressé. Les gains de productivité que cette concurrence entraîne chez les opérateurs du secteur, nourrit et soutient la croissance de notre économie. Une nouvelle étape doit aujourd'hui être franchie. Ce projet de loi prépare La Poste et l'ensemble des acteurs du secteur à conquérir de nouveaux marchés dans un contexte de plus en plus concurrentiel, tout en garantissant sur l'ensemble du territoire un service public de qualité, auquel les Français sont tant attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Proriol, rapporteur de la commission des affaires économiques - Si l'on excepte quelques petits textes de portée technique - 36 depuis 1990 ! -, il faut remonter au 17 juillet 1918 pour trouver une loi d'envergure dédiée exclusivement à l'activité postale. Il s'agissait de la loi portant création du premier service de comptes courants et chèques postaux. En effet, la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et des télécommunications, comme son nom l'indique, ne concernait pas seulement La Poste.

Le présent projet de loi est rendu nécessaire à la fois par nos obligations communautaires et par la nécessité de tenir les engagements du contrat de plan conclu entre l'Etat et La Poste. Il ne fait que définir un cadre et des outils nécessaires pour atteindre des objectifs partagés sur tous les bancs de l'Assemblée. Qui pourrait être contre l'idée de moderniser le service postal ? D'améliorer la qualité du service rendu aux usagers, et ce au meilleur coût ? De permettre à La Poste, opérateur historique, de lutter à armes égales avec ses concurrents européens ?

Une adaptation est non seulement souhaitable, mais inéluctable. Le projet de loi, en transcrivant les directives européennes de 1997 et 2002 avalisées par le gouvernement Jospin, fixe in concreto les conditions d'un meilleur service. Le service universel postal, consacré par l'Union européenne et tant décrié comme un service public a minima est en l'espèce, comme me l'ont rappelé à maintes reprises mes interlocuteurs lors des auditions, la reprise quasi conforme des exigences du service public à la française avec la garantie, tous les jours ouvrables, et au minimum cinq jours par semaine, d'une levée et d'une distribution. Nous allons au-delà en assurant la desserte à domicile six jours sur sept.

Relisez les auteurs de la doctrine, mes chers collègues : le service public n'est pas figé, il doit évoluer. Le rapport de la Cour des Comptes rendu en octobre 2003 est édifiant : la Poste a connu une stratégie de développement tardive, les services financiers sont sujets à une fragilité structurelle, l'inadaptation du réseau est persistante... La Poste est une entreprise industrielle qu'on ne soupçonne pas, il suffit de se rendre dans un centre de tri pour s'en rendre compte.

    Les réformes en cours résultent d'un long parcours et ont été lancées par des gouvernements de gauche. M. Quilès, auteur de la loi de 1990, estimait déjà en avril 1989 « qu'on ne dirige pas de grands ensembles comme les PTT avec un rétroviseur ni avec une godille ».

    M. François Brottes - Et Colbert, qu'en pensait-il ?

    M. le Rapporteur - Monsieur Brottes, Colbert a beaucoup apporté à la France, ne vous moquez pas de lui.

    Selon M. Quilès, « le statu quo n'est pas possible, dans la mesure où il se traduirait par un déclin inéluctable et par l'abandon du service public ». C'est ainsi que, le 1er janvier 1991, la Poste et France Télécom perdent leur statut d'administration pour devenir deux établissements autonomes de droit public.

En octobre 2001, à Luxembourg, les quinze ministres européens en charge de la Poste et des télécommunications, dont Christian Pierret pour la France, s'accordent à poursuivre par étapes l'ouverture à la concurrence des services postaux dans l'Union européenne, entamée avec la directive du 15 décembre 1997. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Celle-ci devait être transposée au début de l'année 1999. Nous sommes loin du compte...

Le Gouvernement, comme notre commission, a choisi d'œuvrer avec pragmatisme afin d'établir un régime équilibré. Pour ce qui est des opérateurs, qu'il s'agisse du prestataire du service universel ou des nouveaux entrants, nous aménageons les pouvoirs de l'autorité de régulation des communications et des postes. Avec le président de notre commission, nous proposons de porter le nombre de ses membres de 5 à 7. Nous voulons en outre concilier les impératifs de modernisation issus des bouleversements technologiques et économiques du marché mondial et la préservation des services de proximité dans un souci d'aménagement du territoire. Ainsi, la commission a souhaité éviter que les nouveaux entrants ne fassent que de « l'écrémage », en n'intervenant que sur les segments les plus rentables : de là, l'introduction de l'obligation d'une surface d'activité géographique « conséquente ».

Un droit commun à tous les opérateurs du secteur a par ailleurs été mis en place. Un amendement a supprimé ce qui restait du régime d'irresponsabilité de la Poste, créant une responsabilité forfaitaire, en cas de faute prouvée, pour tous les opérateurs. Notre commission a aménagé d'une manière équilibrée les pouvoirs de l'autorité de régulation : elle lui a reconnu une pleine compétence, avec toutes les marges de manœuvre prévues par la directive, pour contrôler les tarifs et la qualité des prestations du service universel. En matière de tarifs, La Poste conserve toutefois l'initiative de la proposition, l'autorité de régulation ne pouvant formuler un refus qu'en le motivant précisément.

La commission a adopté l'article 8 du projet, qui tend à créer une banque postale de plein exercice, en ne modifiant que la date prévue pour la mise en place de la filiale bancaire détenue à 100% par La Poste, laquelle restera toujours majoritaire.

M. Daniel Paul - C'est vous qui le dites !

M. le Rapporteur - Je le répète, La Poste restera majoritaire. Elle a déjà près de deux cents filiales non privatisées. Notre loi n'autorise aucune privatisation, je le dis clairement à ceux qui le craignent comme à ceux qui le souhaitent.

Les nombreux rapports des missions d'information et des commissions ad hoc, comme l'examen du projet de loi en première lecture au Sénat, ont démontré que la création de l'Etablissement de crédit postal est une condition indispensable pour donner à La Poste les moyens de rester dans le peloton de tête des postes européennes, qui ont été plus rapides à se moderniser. Loin de dénaturer le groupe et de contrevenir à ses missions d'intérêt général, l'ECP apparaît comme le moyen de pérenniser cette spécificité : devenir une banque comme les autres afin de préserver l'identité de « la banque pas comme les autres ».

L'identité postale bancaire est consubstantielle à La Poste : les premiers clients des comptes chèques postaux furent en effet les grandes banques françaises, comme le Crédit Lyonnais et le Crédit foncier. Jusqu'en 1940, les chefs d'entreprise, industriels, commerçants, artisans et les professions libérales comptent parmi les principaux utilisateurs du service des CCP. L'activité financière ne constitue pas une diversification mais prolonge une mission historique, confirmée par la loi de 1990.

Rassurons aussi les salariés et les usagers : les services financiers représentent 70% de l'activité de guichet, mais, à l'inverse, la marque « La Poste » demeure rassurante pour les clients patrimoniaux. Si la Banque postale quittait le réseau, elle perdrait son identité et hypothéquerait ses chances de survie. Elle restera une banque de détail ouverte à tous. La Poste est souvent, pour nos concitoyens les plus défavorisés, leur porte-monnaie quotidien. Elle le restera. Mettre fin à son obligation non écrite d'être une banque sociale porterait atteinte à l'image du groupe.

La commission a validé dans la loi l'accord signé avec les syndicats de La Poste le 21 juin 2004, qui prévoit la mise en place d'un régime spécifique de représentation des salariés, reposant sur des instances transversales puisqu'il y a une double population de fonctionnaires et de contractuels.

    En ce qui concerne la présence postale qui nous préoccupe tous, la commission a reconnu dans la loi l'existence des commissions départementale de présence postale, qui résultait du contrat de plan de 1998 et qui sont appelées à jouer un rôle pivot dans le futur dispositif.

    La commission a pris deux initiatives fortes en ce qui concerne cette présence. Un amendement précise que, sauf circonstances exceptionnelles...

    M. Daniel Paul - Cela commence mal...

    M. le Rapporteur - Cette précision vaut surtout pour certains départements d'outre-mer, comme la Guyane. Selon l'amendement, pas plus de 10% de la population d'un département ne peut se trouver éloigné de plus de 5 km d'un point d'accès à la Poste.

    M. Alain Gouriou - Qu'appelle-t-on « un point d'accès » ? Une boîte aux lettres ?

    M. le Rapporteur - En outre, le Fonds postal national de péréquation territoriale est institué pour apporter un soutien à la présence postale, non sur la base d'un contrat bipartite entre l'Etat et La Poste comme l'avait prévu le Sénat en le rattachant au contrat de plan, mais sur celle d'un contrat pluriannuel tripartite entre l'Etat, la Poste et les principales associations représentatives des collectivités territoriales.

    Enfin, la commission a noté que le climat a changé entre la Poste et les élus locaux.

    M. Arnaud Montebourg - C'est vrai.

    M. le Rapporteur - Le malaise se dissipe. Le président Bailly a œuvré dans ce sens en confirmant la présence postale à travers 17 000 points de contacts et en élaborant une charte du dialogue territorial avec les élus.

    La Poste française a 28 millions de clients. Elle a de bons produits. Elle a de solides professionnels. Elle compte beaucoup d'amis.

    Les Français ont un attachement affectif à leur Poste...

M. Daniel Paul - C'est ce qui vous gêne !

    M. le Rapporteur - ...aux valeurs de service public qu'elle incarne, comme aux cent mille facteurs qui passent six jours sur sept à leur domicile. Aidons la Poste. L'immobilisme lui serait mortel. C'est un travail de fond, mais le temps presse.

Je vous invite à adopter ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ DE M. JEAN-MARC AYRAULT

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

Mme Marylise Lebranchu - Dans le débat actuel sur le sens que nous voulons donner à la construction européenne, ce texte aurait dû mettre en évidence le degré d'appréciation des Etats devant une directive. Certes, nous ne disposons pas encore d'une définition idéale du service public au plan communautaire, les traités applicables n'allant pas aussi loin que le projet de traité, mais je regrette que vous ayez opté pour un net recul du service public en faisant croire qu'il s'agit de la simple transposition d'une directive, d'un texte technique. C'est cette utilisation de l'Europe qui peut décourager une majorité de Français.

Christian Pierret, alors ministre du gouvernement Jospin, avait exposé devant la délégation à l'Union européenne en quoi la présidence française de l'année 2000 avait valorisé la notion de service public. Commentant les rapports de Gérard Fuchs sur les services d'intérêt général et de Didier Boulaud sur la poursuite de la libéralisation des services postaux, il avait décrit l'apport de cette présidence.

En effet celle-ci a fait progresser en Europe la notion de service public, au sens français. Nous y tenions car sans libéralisation organisée, à terme, nos services postaux pouvaient être mis en danger par la perte de gros clients partis vers d'autres entreprises européennes. Distinguons en effet l'ouverture, c'est-à-dire une européanisation des réseaux sous maîtrise publique, et la libéralisation qui serait l'abandon pur et simple au jeu du marché par déréglementation et, peut-être privatisation. C'est bien là ce qui sépare la gauche de la droite.

A Barcelone, la thèse du gouvernement français a prévalu. Elle avait été préparée par un mémorandum du gouvernement Jospin au Conseil européen dès le sommet de Laeken. Il a su démontrer aux Européens qui n'avaient pas encore fait du libéralisme une théologie le rôle que peut jouer le service universel, dans le contexte de la mondialisation. De ce fait, votre collègue de l'époque avait pu mettre en partie en échec les perspectives de l'accord général sur le commerce des services qui n'avait pu progresser tranquillement comme les libéraux - pas tous les libéraux français, il est vrai - l'espéraient. Comme l'a dit à juste titre Christian Pierret, l'Union européenne ne remet pas en cause le service public : elle peut servir à faire partager la conception française du service d'intérêt général. Mais aujourd'hui, la Commission fait prévaloir de plus en plus souvent l'impératif de la concurrence.

En présentant ce texte, vous ferez croire aux Français et aux Européens que le recul de la présence postale est dû à l'Europe, alors que vous n'utilisez pas les marges de manœuvre qui sont les vôtres, au détriment de la stricte interprétation de la Constitution et du rôle du Parlement. Pourtant la France avait su faire échouer un projet de directive en 2000. A Nice, une déclaration avait permis de reprendre dans un texte européen officiel l'article 36 de la charte des droits fondamentaux. Le Parlement européen avait soutenu cette initiative, et le travail de Didier Boulaud, celui si remarquable de François Brottes sur la directive postale, vous donnaient toutes les cartes pour poursuivre dans cette voie. Mais cette fragile victoire de la notion de service public, vous la remettez en cause.

La directive permet une ouverture maîtrisée avec le maintien d'un secteur réservé suffisamment large. La libéralisation totale n'est donc ni inéluctable ni même nécessaire. On sait ses conséquences en Suède, avec 55 opérateurs, la perte de 15 000 emplois, une augmentation de 70% du prix du timbre en moins de dix ans. La France, elle, a choisi la solidarité entre usagers. Ce texte aurait dû être l'occasion de parfaire le service public postal en l'adaptant au cadre européen. Vos propositions suscitent au contraire la critique.

Certes il fallait un texte pour créer un régulateur indépendant et transposer une deuxième directive postale européenne. Mais pourquoi faire du zèle et se débarrasser inconsidérément de ce qui pouvait être maintenu ? Personne ne vous demande d'instaurer autant de concurrence, au détriment de la poste elle-même. Nous pouvions adapter la directive en fonction de nos besoins propres de services d'intérêt général. De plus la question de la banque postale mérite un examen attentif.

En réalité, ce texte organise le démantèlement du service public de la Poste et une réduction drastique du nombre de guichets, notamment en renvoyant au décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les modalités selon lesquelles seront déterminées, au niveau départemental, les règles d'accessibilité au réseau. Ce faisant, le Gouvernement méconnaît les compétences reconnues au Parlement par l'article 34 de la Constitution. C'est d'autant plus inquiétant que ce qui se passe dans les commissions départementales est alarmant. Certains élus refusent d'y siéger car il s'agit moins de concertation que d'information sur des décisions déjà prises.

M. Arnaud Montebourg - Très juste !

Mme Marylise Lebranchu - L'évolution de la Poste mettant en cause un transfert de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé, il n'est pas concevable que le Parlement ne décide pas lui-même de ce qui doit rester dans le secteur public - et l'organisation des guichets, leur accessibilité en fait bien partie.

Ce projet est bien dans la ligne de la politique que vous menez depuis 2002 sur la décentralisation et les territoires ruraux. Leurs habitants s'inquiètent, comme ceux des quartiers périurbains. Ils se sentent abandonnés, humiliés, en proie à une insécurité citoyenne. Le beau mot de réforme signifie désormais désengagement de l'Etat. S'il n'est plus le garant des grands équilibres, n'est-ce pas le contrat social républicain qui est remis en cause ? Vos choix correspondent à une option politique, direz-vous, et je la respecte, même si je la combats. Mais même dans ce cadre, mieux aurait valu ne pas vous contenter de réduire les services. L'entreprise externalise désormais ses fonctions. Mais l'Etat n'est pas une entreprise, la solidarité et l'égalité ne sont pas des fonctions qu'on externalise, car nul ne prendra le relais. Vos choix nous choquent car ils mettent en cause la cohésion sociale. Une fois le mal fait, aucune théorie ne vous aidera à réparer. De plus, dans une économie moderne, l'accès aux services, à la culture, à l'information sont des éléments de la croissance. A défaut de faire la réforme pour les citoyens, de cela au moins vous auriez dû vous soucier.

Vous empruntez ce chemin alors que le mandat qui vous a été donné en 2002 était l'un des plus difficiles à interpréter de la Ve République. Au moment où les Français se sentent abandonnés face à la machine économique et financière, vous leur dites que seul vaut le retour immédiat sur investissement, quels que soient les déséquilibres sociaux qui en résultent !

En fournissant les bases d'une privatisation que la directive ne demande pas, vous persévérez dans l'erreur. Le contrat de plan 2003-2007 signé entre l'Etat et La Poste ne laisse guère de doute : on y parle au fil des pages de gains de productivité et de rentabilité, d'orientation vers le client - où est l'usager ? -, de restructuration et de diminution des coûts de production.

Un député socialiste - C'est un business plan !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - La réaction est en marche !

Mme Marylise Lebranchu - La recherche de rentabilité ne peut être le seul critère retenu, sauf à vouloir introduire une entreprise publique en bourse ! Pour reprendre le vocabulaire économique, il convient aussi de mesurer les externalités positives telles que la contribution à l'équilibre du territoire national, l'égalité d'accès aux services et le service aux activités rurales.

Aujourd'hui, la recherche des profits, des gains de productivité ou des clients prime sur l'aménagement du territoire et l'égalité entre les citoyens ; 4 000 « points de contact » non rentables sont fermés pour optimiser les rendements, la restructuration des centres de tri passe par leur automatisation accrue et leur relocalisation. Par ailleurs, la restructuration interne est menée à marche forcée : 60% des directeurs départementaux ont été renouvelés en moins de deux ans pour devenir des « managers » avec des objectifs commerciaux à la clé, et la division par métiers - courrier, colis, finances - annonce déjà une vente possible par « lots ».

Distribuer un journal parlementaire à l'ensemble d'une population par le biais de la Poste ne sera pas possible. Vous arguerez sans doute que c'est la mission du militant mais l'information de chacun est au cœur de la démocratie. Désormais, seuls les citoyens habitant en zone urbaine seront servis. Faudra-t-il inventer un service public de la Poste pour distribuer l'information sur les enjeux de société ou sur les enjeux de santé ! Quid de l'égalité de traitement devant la lettre d'amour ? Faudra-t-il parcourir des kilomètres pour atteindre le bureau de poste le plus proche en zone rurale ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Les lettres d'amour n'en seront que meilleures !

Mme Marylise Lebranchu - La fermeture des points de contact menace l'attractivité de territoires en difficulté dont l'Etat est responsable. Le Conseil Constitutionnel, en s'appuyant sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, a rappelé en 1996 que l'égalité de traitement est une prescription à valeur constitutionnelle. Cette décision concernait l'alter ego de la Poste, France Télécom.

Or, où est l'égalité de traitement des usagers dans ce projet de loi ?

M. Arnaud Montebourg - Où est la Constitution ?

Mme Marylise Lebranchu - Qui peut citer dans cet hémicycle un territoire rural ou une zone périurbaine qui ne soit pas confrontée à l'absence criante de services publics ? Nos campagnes se vident et l'Etat laisse faire. Pis encore, il accélère le mouvement. Les maires ruraux ont beau s'organiser, il leur manque un partenaire : l'Etat.

Et pourtant, quelle autre entreprise que la Poste peut s'enorgueillir d'un tel réseau ? Elle maille le territoire de ses 17 000 implantations territoriales. En se refusant à distinguer ce qui relève de l'organisation interne de ce qui relève de l'équilibre des territoires et de l'égalité entre les usagers, l'Etat est responsable de ce repli organisé.

L'article premier précise que La Poste contribue à l'aménagement du territoire. La loi du 2 juillet 1990 le disait déjà. Pourtant, le Premier ministre a tenu, le 16 novembre dernier devant le Congrès des maires de France, des propos qui ne vont pas dans le même sens. Face à la colère des élus locaux, il a déclaré : « je suis prêt à m'engager à vos côtés pour que la Poste soit ce grand service public, qui reste sur le territoire une grande entreprise dont nous avons besoin, mais naturellement c'est un travail que nous devons faire en commun, territoire par territoire, de manière à ce qu'il puisse y avoir un intérêt, notamment pour la ruralité, à avoir ce lien social permanent, notamment dans les territoires où il y a un vieillissement de la population. » Plus d'un élu local a noté que M. Raffarin a parlé de « travail en commun », ce qui sous-entend, une fois de plus, que le financement sera pour partie à la charge des communes. Plus vous perdez de la ressource fiscale, plus il vous faudra dépenser dans une sphère de compétence qui n'est pas la votre et qui, de plus, obère vos capacités d'exercer les compétences que la loi vous assigne !

Jacques Chirac, en campagne électorale, déclarait le 13 avril 2002 : « Notre espace rural mérite une véritable ambition, on ignore trop souvent ses besoins en infrastructures et en services publics. Le monde rural est aujourd'hui victime de la politique d'aménagement du territoire de ces dernières années ». Monsieur le ministre, que ne cherchez-vous à rencontrer l'auteur de ce discours ?

M. Arnaud Montebourg - C'est Tartuffe à l'Elysée !

Mme Marylise Lebranchu - En octobre 2002, Frédéric de Saint-Sernin, alors parlementaire, observait dans le cadre d'une question que « la présence de l'Etat dans nos campagnes est un gage d'équilibre du territoire et une obligation pour que chaque Français puisse bénéficier d'un égal accès aux services publics ». Puis, il demanda au ministre de la fonction publique comment éviter la disparition, d'année en année, de nos perceptions et de nos bureaux de poste.

M. Arnaud Montebourg - C'était une bonne question !

Mme Marylise Lebranchu - M. de Saint-Sernin cherche encore la réponse à sa question !

Je ne veux pas croire que ces propos n'aient visé qu'à entretenir la démagogie ambiante et que le présent texte poursuive le même objectif ! Mais force est d'admettre que votre projet n'est pas de nature à rassurer ceux qui font vivre nos territoires. Chacun, sur tous les bancs de notre Assemblée, a pu mesurer la dureté des choix du Gouvernement pour les plus fragiles et sa propension à réduire les recettes de l'Etat pour servir son électorat, quitte à restreindre le champ des possibles pour le plus grand nombre. L'injustice de sa politique fiscale tend à creuser les inégalités territoriales, et ceux qui ont le plus besoin des services de proximité ne sont généralement pas les principaux bénéficiaires des réductions d'impôt sur le revenu !

Aux termes du projet gouvernemental, les modalités d'accès à la Poste dans le département seront fixées par un décret en Conseil d'Etat...

M. Gérard Charasse - Ah, les décrets !

Mme Marylise Lebranchu - Comment ne pas songer alors aux décrets d'application de la décentralisation Raffarin ? 59 restent en souffrance alors que l'ensemble devait être disponible avant la fin de l'année dernière...

M. le Ministre délégué - Ne nous reprochez pas cinq semaines de délai alors que vous nous avez fait prendre cinq ans de retard dans la transposition de la directive !

Mme Marylise Lebranchu - Situation inédite sous la Cinquième République, les collectivités se trouvent dans l'impossibilité d'élaborer leurs budgets, faute de pouvoir apprécier valablement le montant des transferts de charges. Si le Gouvernement entend renoncer aux transferts de charges, qu'il le dise ! Il trouvera ici une large majorité pour abroger des dispositions dont personne ne veut !

Il est urgent, en tout cas, de fixer les règles et de retenir une méthode valable pour l'ensemble du territoire. D'importantes restructurations ont déjà eu lieu. Qu'adviendra-t-il si un décret vient fixer des critères d'accessibilité différents de ceux ayant présidé à ces décisions ?

M. Arnaud Montebourg - Imparable démonstration !

Mme Marylise Lebranchu - Il est également prévu que les nouvelles règles prennent en compte la distance et la durée d'accès au service postal, les caractéristiques démographiques et économiques des zones concernées, ainsi que les spécificités géographiques du territoire départemental. Les établir représente par conséquent un énorme travail et il y a d'ores et déjà tout lieu de redouter que nombre de territoires ne bénéficient pas de la couverture postale élémentaire. Dans ma circonscription, il est patent que les habitants de La Roche-Maurice, Sibiril, Henvic, Plourin-les-Morlaix, Ploudiry, Roscoff, Plouvorn, Guerlesquin ne seront pas tous traités de la même façon ! Mais cela vaut aussi pour Frangy ou Saint-Pierre de Chartreuse. Beaucoup de gens ne pourront accéder au point de contact postal qu'en voiture. Comment feront ceux qui ne possèdent pas de véhicule, sachant que les guichets ambulants transportant des fonds sont désormais interdits ? Plus les services s'éloignent, plus la situation des ménages devant obligatoirement se doter d'un second véhicule alors qu'ils n'en ont pas forcément les moyens se dégrade. Nombre de familles ayant des enfants scolarisés sont déjà forcées de faire plus de quarante kilomètres par jour...

M. le Ministre délégué - Pour aller à la Poste, cinq kilomètres suffiront !

Mme Marylise Lebranchu - Le maire de Roscoff nous alerte sur le risque de concentration de tous les services indispensables dans certaines communes « têtes de zone ». Comment faire en sorte que les personnes non motorisées - âgées notamment - y accèdent facilement ? Je gage que vous opposerez un refus poli aux amendements que nous présenterons en vue de garantir la présence postale sur l'ensemble du territoire. Sachez cependant que, dans leur circonscription, les élus qui vous soutiennent ici avec constance partagent nos préoccupations et expriment les mêmes inquiétudes que nous. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste) Les élus locaux sont garants du pacte républicain, et au moins aussi à même que le directeur départemental de La Poste de défendre l'intérêt général ! Soucieux de donner à leurs territoires toutes les chances que leur procurent leurs potentialités, les élus ne veulent pas de la concertation telle que vous l'entendez mais d'une véritable négociation. Le Gouvernement leur parle volontiers d'innovation. Qu'il commence par leur rendre les moyens dont il les a privés et qu'il les associe plus directement aux décisions qui les concernent au premier chef !

Dans notre incomparable région de Bretagne, les Assises du territoire ont réuni plus de huit cents élus et membres des conseils de développement. Ne décourageons pas leur bonne volonté. Dans le climat actuel, une nouvelle déception préparerait des lendemains qui déchantent pour toutes les forces politiques républicaines. Ne laissons pas la sinistrose s'installer.

La banalisation des tarifs spéciaux porte un autre mauvais coup à l'égalité de traitement entre les usagers. Elle permettra en effet aux grandes entreprises de négocier les prix à la baisse, cependant que particuliers, artisans et responsables de PME seront privés de toute marge de discussion. La situation créée se rapproche de celle des petits producteurs face à la grande distribution. La capacité d'innovation des petites unités de production - que vous invoquez si volontiers - se trouve durablement altérée par de telles évolutions.

Il est inutile de demander à la grande distribution de faire ce que l'entreprise publique ne fait pas elle-même. Comment les TPE ou les PME innovantes pourraient-elles résister, quand même les tarifs postaux sont plus élevés pour elles que pour les grands groupes ?

Il faut donner à ceux qui innovent les moyens de résister à leur rachat par un groupe plus important. La baisse des tarifs pour les gros clients se fera forcément au détriment des prix consentis aux particuliers et aux petites unités économiques. Alors que vous venez de valider l'augmentation du timbre à 53 centimes, les grandes entreprises auront plus de latitude pour s'en affranchir grâce à votre disposition législative. Quelle belle illustration de votre bataille contre la vie chère, d'autant plus qu'en milieu rural, faute d'accès au haut débit, le recours à la transmission électronique n'est pas prêt de devenir une réalité compétitive !

Rappelez-vous que les résultats de 2002 et la montée des extrêmes sont surtout le fruit d'une désillusion et d'une perte d'espoir.

Par ailleurs, qu'en sera-t-il de la sécurité des commerçants en charge des points de poste ? De la sécurité des usagers ? De la confidentialité ? Si la majorité des opérations sont anodines, certaines traduisent des difficultés essentielles. Comment un particulier pourra-t-il expliquer à son commerçant et voisin le découvert sur son CCP ? Pensez-vous qu'il soit anodin de recevoir une lettre recommandée d'un tribunal ?

Et que dire du découragement des postiers qui ont bâti le service, qui ont accepté moult évolutions pour assister aujourd'hui à ce démantèlement que ne justifie même pas l'ouverture à la concurrence ? Comment ne pas s'inquiéter face à la lourdeur de la tâche qui attend les personnels de ces nouveaux services, dont la rémunération sera dérisoire ?

Plusieurs députés UMP - Mais c'est du Zola que vous nous décrivez là !

Mme Marylise Lebranchu - C'est la réalité, telle que la présente l'Union professionnelle artisanale. Il s'agit d'ailleurs de votre électorat.

J'en viens à la méthode. Le champ du service universel de la Poste, à savoir une offre de qualité à un prix accessible à tous sur l'ensemble du territoire, est défini par une directive européenne, et la marge d'adaptation nationale se résume au mode de financement. La France a choisi la formule du service réservé. Si le projet de loi prévoit la création d'un fonds de compensation du service universel, son article 7 permet de différer jusqu'au 31 décembre 2005 la présentation par le Gouvernement de propositions de financement. Pourquoi attendre cet hypothétique rapport, d'ailleurs dépourvu de tout effet juridique, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel ?

Soit nous décidons d'instaurer ici ce régime de péréquation, soit le Gouvernement aura toute la liberté d'adaptation et d'appréciation. Il pourra revenir devant le Parlement, mais je ne pense pas que vous en ayez l'intention, ou le Parlement pourra se saisir lui-même au travers d'une proposition de loi, que le Gouvernement pourra refuser d'inscrire à l'ordre du jour : il pourrait donc très bien ne pas y avoir de suivi.

Etrange méthode que de voter une réforme avant de s'occuper de son financement, sauf à penser que vous êtes mus par d'autres logiques que celles du développement de l'entreprise publique. La Poste serait un prétexte pour le Gouvernement, afin d'imposer une évolution qui est loin d'être impliquée par la directive. Dans ce cas, nous nous éloignerions du fondement même de tout service public, qui est l'égalité de tous. Ce n'est pas ce rapport qui pourra donner valeur constitutionnelle à vos décisions.

M. François Brottes - C'est une vraie inquiétude.

Mme Marylise Lebranchu - Outre le service universel postal, La Poste assure d'autres services d'intérêt général qu'il faut financer, comme l'aménagement du territoire et la distribution de la presse. Or, ces missions ne sont financées ni de façon stable, ni de façon sécurisante pour La Poste.

Concernant l'aménagement du territoire, la loi renvoie au contrat de performance de La Poste pour le financement d'un fonds de péréquation, ce qui est très insuffisant. Il faut que la création du fonds de péréquation territoriale et les principes de son fonctionnement soient fixés par la loi. Les comptes rendus des conseils municipaux, des communautés d'agglomération ou des communautés de communes reviennent sur le même constat. Les communes rurales demandent ainsi l'appui de tous afin de garantir le financement d'une organisation pérenne du service postal. Le conseil de la concurrence lui-même souligne que 211 millions d'euros demeurent à la charge de La Poste, s'agissant de l'aménagement du territoire.

Les aides à la presse, quant à elles, coûtent selon le conseil de la concurrence 772 millions. L'Etat n'ayant compensé que 290 millions, la charge nette de l'exercice a été de 482 millions. Il n'y a donc aucune raison objective d'abandonner cette charge à La Poste parce qu'elle assure le service universel. Je rappelle l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen relatif à la libre communication des pensées et des opinions. Ce type de contrainte budgétaire vous avait fait réagir, Monsieur le ministre. En commission, vous vous êtes même demandé si « au vu de la récente prise de contrôle de nombreux titres par de grands groupes capitalistiques, il est vraiment justifié de subventionner Dassault ou la Banque Rothschild. »

M. le Ministre délégué - J'étais dans une phase de réflexion (Sourires) !

Mme Marylise Lebranchu - La Poste assume aussi des services d'intérêt général, et elle doit donc bénéficier d'une juste compensation financière, à moins que vous ne vouliez différencier les organes de presse. Il est vrai qu'il y a une différence entre l'accès de tous à l'information dans les meilleures conditions et l'extension de ces droits à tous les journaux spécialisés. Ce débat aurait dû avoir lieu avec la presse et les syndicats de journalistes, mais cela n'a pas été le cas. Il faut donc accorder à la Poste un financement à l'euro près.

Concernant l'établissement bancaire, il est positif de vouloir augmenter le périmètre des services proposés par la Poste mais il convient là encore de lui en donner les moyens. Le conseil de la concurrence rappelle que « le développement d'une concurrence loyale et efficace au bénéfice des consommateurs, par la libéralisation progressive du secteur postal prévue par les directives ne pourra intervenir que si les opérateurs, qu'il s'agisse de La Poste ou de ses concurrents, ne se voient pas contraints de supporter des charges ne relevant pas du service postal universel mais d'objectifs d'intérêt général supplémentaires. » Nous craignons que La Poste soit obligée de devenir la banque des plus démunis sans aucune compensation, ce qui la mettrait en difficulté. Si cette exception d'irrecevabilité n'était pas votée, François Brottes aura l'occasion d'y revenir (Sourires).

Sans déclaration législative d'intérêt général ou de service universel, il sera impossible de donner à la Poste une juste compensation financière. Vous pouviez le faire, vous ne l'avez pas fait, et c'est plus qu'une erreur. La Suède a créé un service universel confié à la poste et financé par l'impôt, avec l'accord de Bruxelles. La Commission a en effet considéré qu'il n'y avait pas en l'occcurrence d'aide d'Etat car un service d'intérêt général avait été préalablement défini. Le droit européen n'est pas équivoque : l'Europe oblige à ouvrir les réseaux, mais non à privatiser ou à changer le statut des entreprises et de leurs agents : c'est le principe de neutralité des Etats. Nous n'avons pas encore de texte transversal sur les services publics, mais même avant cette reconnaissance plus formelle, un rééquilibrage du droit de la concurrence est déjà possible. Pourquoi oublier le principe de neutralité des Etats ? Au Parlement européen, il y a eu trois attitudes françaises : celles de la droite, qui vote pour la libéralisation la plus radicale, de l'extrême gauche qui l'aide en refusant de livrer les batailles d'amendement, et celle de la gauche socialiste, communiste et verte qui mène ces batailles afin de sauver l'essentiel et qui, avant 2000, y a réussi. Le risque étant de laisser faire le marché, il faut une réponse politique forte au droit européen car il en va des principes fondamentaux de notre pacte républicain. Il faut financer les services publics par la péréquation entre zones rentables et zones non rentables, conserver l'infrastructure sous monopole public, quitte à organiser l'ouverture à travers des péages d'exploitation, solution choisie par un certain nombre de pays. Il faut aussi tirer les enseignements des expériences qui ont été menées ailleurs - la poste sudédoise, le Rail Track en Grande-Bretagne, ou le téléphone portable chez nous.

Ce projet fait courir des risques importants au service public postal alors que celui-ci est une chance pour notre pays. Il est en outre irrecevable car il contient plusieurs dispositions contraires à la Constitution et notamment à son article 34, mais aussi à l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ce texte n'est pas une simple adaptation technique, c'est une loi politique de première importance. Nous aurions aujourd'hui intérêt à relire les principes d'égalité de droits des usagers et des territoires. N'allez surtout pas faire croire à nos concitoyens que leur vie et l'avenir de leurs territoires sont liés à des directives communautaires, techniques et obscures. Ils le sont bel et bien à la façon dont nous envisageons l'évolution économique et la cohésion sociale. Ne nous étonnons pas que, dans la morosité générale et devant un tel sentiment d'abandon, se soit glissé comme un grain de sable dans la confiance entre nos concitoyens et les politiques. Le plus important serait de rétablir ce lien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - J'ai admiré, Madame Lebranchu, votre démonstration sans qu'elle m'ait convaincu. L'exception d'irrecevabilité est le plus souvent l'occasion pour l'opposition d'exprimer une position politique générale -nous en avons tous usé-, mais je dois reconnaître que vous avez ce soir tenté de la justifier par des arguments juridiques, même si l'on ne peut vous suivre.

Vous n'en êtes pas à une contradiction près, en expliquant que le gouvernement de Lionel Jospin avait été entendu par les autorités européennes, au moins jusqu'à la fin 2000, s'agissant d'une certaine conception du service public. Dans ce cas, que n'avez-vous transposé la directive de 1997 avant la date à laquelle elle devrait l'être, à savoir le 31 décembre 2000 ? Cela nous aurait évité des poursuites de la part de la Commission. Je note d'ailleurs que vous ne l'avez pas non plus transposée ultérieurement alors que vous êtes encore restés un an et demi au pouvoir... C'est ce retard qu'il nous faut aujourd'hui rattraper.

Vous critiquez la conception européenne du service public, mais celle-ci est désormais le droit. Nous n'avons d'autre choix que de transcrire les directives qui s'imposent à nous.

S'agissant de la présence postale, notre réseau demeure le plus dense d'Europe avec un contact postal pour 3 530 habitants contre 6 490 en Allemagne. A notre arrivée au pouvoir, il y avait 17 000 points de contact postal. Aucun n'a été supprimé et aucun ne le sera. Mieux, grâce à un amendement du rapporteur, la loi garantira désormais que leur nombre ne peut descendre en dessous de 14 000. Dans l'évolution du réseau, votre gouvernement a d'ailleurs sa part de responsabilité. Vous avez transformé 1 709 bureaux de poste en agences postales communales et en avez supprimé 52. Nous, nous n'en avons fermé aucun. Il nous est donc difficile de recevoir vos leçons !

Quant à l'ossature du réseau, elle date pour l'essentiel d'avant 1914. C'est ainsi que, les évolutions démographiques n'ayant pas été prises en compte, 17% des bureaux de poste desservent 50% de la population tandis que 60% d'entre eux en desservent 18%. Cet important déséquilibre ne peut être justifié. On manque cruellement de bureaux de poste en ville : deux nouveaux bureaux ont dû être créés à Antony, où c'était devenu indispensable.

La qualité du service rendu se dégrade lorsqu'il est transféré chez un commerçant, avez-vous dit. Vous ne dites pourtant rien lorsqu'il est assuré par un agent communal.

Mme Marylise Lebranchu - Ce n'est pas la même chose.

M. le Ministre délégué - Pensez-vous que les commerçants vont s'amuser à identifier les courriers reçus par tel ou tel ? Les facteurs le font-ils ?

Mme Marylise Lebranchu - Les facteurs, eux, sont soumis au secret professionnel.

M. le Ministre délégué - On compte dans notre pays 6 500 bureaux de poste ouverts moins de quatre heures par jour, dont 3 500 ouverts moins de deux heures. Est-ce dégrader le service que de le transférer dans un commerce ouvert huit, voire dix heures, par jour et qui, alors que souvent il vivotait, tirera bénéfice de sa nouvelle activité. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Pour ce qui est de la qualité du service, 80% du courrier, contre 65% il y a peu, sont aujourd'hui acheminés à J+1. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) C'est une amélioration considérable. Par ailleurs, 90% des clients interrogés se disent satisfaits des Points Poste, et 56% d'entre eux très satisfaits.

S'agissant du haut débit, dont vous avez déploré qu'il soit encore insuffisamment déployé sur le territoire, six millions de lignes sont aujourd'hui en service contre 500 000 en 2002. Cet essor ne s'est pas produit par une opération du Saint-Esprit. Il y a fallu une intelligence politique, des efforts de la part de l'Etat, des élus et des entreprises. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Vous avez accepté l'ouverture du secteur postal à la concurrence -je ne vous le reproche pas, nous aurions fait de même. Seulement, vous refusez d'en tirer les conséquences, à savoir que La Poste doit réaliser des gains de productivité. Quel mal y a-t-il d'ailleurs à ce qu'elle en réalise quand, comme l'an passé, elle les partage avec ses personnels en leur octroyant de ce fait une prime substantielle ? Ces gains de productivité sont par ailleurs indispensables pour qu'elle puisse soutenir la concurrence. Nul doute que la poste allemande, qui a réalisé l'an passé trois milliards d'euros de profits, sera présente demain dans notre pays. Si notre Poste, à laquelle nous sommes tous si attachés, n'est pas concurrentielle, c'est-à-dire capable d'offrir le meilleur service au meilleur prix, elle perdra des parts de marché et courra à la ruine.

Loin de désarmer et de démanteler La Poste, comme vous le prétendez, ce projet de loi lui permet au contraire de « faire du muscle » pour gagner la bataille de la concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Joyandet - Je rends hommage à Mme Lebranchu, dont le propos était intéressant, même si je ne le partage pas. Ce texte « n'est peut-être pas tout à fait inconstitutionnel », nous a-t-elle dit. Soit un texte est conforme à la Constitution, soit il ne l'est pas. Il n'existe pas d'entre-deux... Le Conseil d'Etat avait formulé à son sujet deux réserves, l'une relative au prix du timbre, l'autre aux conditions d'accès pour les nouveaux opérateurs : le Gouvernement en a tenu compte.

Sur l'avenir des territoires ruraux, les socialistes semblent avoir eu la révélation. Vous avez passé quinze ans aux affaires, sans laisser ces territoires en état d'affronter l'avenir. On ne peut prétendre que vous n'ayez pas fermé d'écoles. On ne peut prétendre que vous ayez donné accès au savoir à tous les enfants. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Nous parlons du service public : nous pouvons nous demander ce que vous avez fait pour les territoires ruraux, en matière de haut débit par exemple. Certains de nos concitoyens ne peuvent même pas recevoir la chaîne publique de télévision régionale pour laquelle ils paient la redevance. Nous sommes peut-être co-responsables de cette situation, mais votre plaidoyer était un peu exagéré. Madame Lebranchu, nous pourrions parler de la justice de proximité, pour laquelle vous avez fait quelque chose - mais il fallait faire beaucoup plus -, ou des services déconcentrés de Bercy.

Il y a des parlementaires qui se sont battus depuis dix ans pour défendre ces territoires. On ne peut pas dire que vous les ayez écoutés, même lorsqu'ils siégeaient sur vos bancs.

Le rapporteur a cité Paul Quilès, qui s'opposait au statu quo. C'est bien le maillage actuel qui est inégalitaire. Les habitants d'une petite commune historiquement dotée d'une poste ont plus facilement accès aux services que ceux d'une commune qui s'est considérablement développée.

Il faut distinguer le service public du service au public. (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Michel Vergnier - Cela n'a pas de sens.

M. Alain Joyandet - Entre un point public ouvert toute la journée et un immeuble de la Poste ouvert deux heures par jour, nos concitoyens font la différence.

La Poste était comme un coureur de fond auquel on ajouterait un handicap à chaque tour de piste en lui demandant d'aller plus vite que ses concurrents. Ce texte, bien travaillé par la commission, allège les contraintes de la Poste. C'est aussi ce qu'a fait le Gouvernement en prenant en charge une partie des retraites ou en accordant l'exonération des charges sur les salaires. Je salue le travail de la commission. Le groupe UMP ne votera pas cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Gouriou - M. Joyandet voudrait faire croire que nous sommes pour le statu quo. Ce n'est pas vrai. Sur tous ces bancs, il n'y a pas eu de protestations lorsque Mme Lebranchu a évoqué l'attachement des députés comme de l'ensemble des Français à la Poste, un service emblématique, au cœur du pacte républicain.

Le ministre a raison quand il parle d'un réseau d'une densité inégalée, mais il est faux de dire que la qualité du service s'améliore. En 2002, 76,8% du courrier était délivré en J+1 ; en 2004, ce taux est tombé à 74,4%.

M. le Ministre - 80% à la fin de l'année !

M. Alain Gouriou - Je n'ai pas eu ce chiffre.

Mme Lebranchu n'a jamais dit que le transfert de l'activité postale à un commerce était contraire à la Constitution. Mais s'il y a transfert, il faut définir des critères et c'est au Parlement de se prononcer.

Quant au retard mis à transcrire la directive, vous avez bien voulu reconnaître qu'il n'était pas dû en totalité au gouvernement précédent. Ce texte a été étudié par le Sénat il y a un an : nous aurions pu aller plus vite ! Ce délai aurait pu être mis à profit pour examiner ce qui s'est passé en Suède et en Allemagne, où les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs placés dans la directive.

S'agissant des inégalités territoriales, reconnaissez que la couverture GSM n'est pas satisfaisante, - et je ne parle pas du haut débit ou de la future TNT.

Plusieurs problèmes restent sans solution, qu'il s'agisse du fonds de péréquation, du fonds de compensation, de l'acheminement de la presse ou des retraites. Il y avait bien matière à défendre une exception d'irrecevabilité, que le groupe socialiste votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Dionis du Séjour - Le groupe UDF ne votera pas cette exception d'irrecevabilité par conviction européenne. On ne peut tenir un discours pro-européen - même si les socialistes deviennent nuancés dans ce domaine - et s'échapper dossier par dossier. Notre position est constante. Au contraire, entre votre pratique gouvernementale de 1997 à 2002 et vos positions actuelles, vous faites le grand écart. Nous ne le ferons pas. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Nous ne voterons pas cette exception parce qu'il est grand temps de parler du service postal. Se focaliser sur le nombre des points de contact, ce n'est pas rendre service à la Poste ni au pays. Le vrai débat, c'est le service. Ainsi, je m'interroge sur ce taux de 80% annoncé par la Poste. Dans le Lot-et-Garonne, je n'ai pas le sentiment qu'elle enregistre de tels résultats. A quelle heure a lieu la collecte ? Pourquoi se produit-elle de plus en plus tôt dans les territoires ruraux ? Nous souhaitons avoir ce débat.

M. Arnaud Montebourg - Allez expliquer cela dans le Lot-et-Garonne !

M. Jean Dionis du Séjour - Cela ne me pose aucun problème.

La Poste a besoin d'une loi de modernisation pour s'adapter à la concurrence. Faut-il rappeler que 300 000 emplois sont en jeu ? Les trois métiers de la Poste sont en pleine mutation : le courrier bien sûr, mais aussi les colis qui bénéficient de l'essor du commerce électronique, sans oublier la banque. Nous estimons une adaptation législative indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Daniel Paul - Il y a bien matière à défendre une exception d'irrecevabilité et celle de Mme Lebranchu mérite d'être votée. La presse disait ce matin que les Français ne croient plus en rien. Comment pourraient-ils croire en quelque chose quand vous ne leur donnez d'autre horizon que la satisfaction des exigences libérales, comme si la rentabilité économique constituait le socle de la société ?

Les services publics, pour vous, sont des structures dépassées, alors qu'ils sont porteurs de sens dans une société française et une Europe qui en ont de moins en moins. Mme Lebranchu s'est inquiétée de l'impact qu'aurait ce texte sur le référendum européen. Je pense au contraire que ce texte est révélateur de l'Europe que vous construisez : il éclairera utilement nos concitoyens.

Je voterai cette exception d'irrecevabilité, comme je voterai non à la Constitution européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir à 22 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE


© Assemblée nationale