Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2004-2005)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 50ème jour de séance, 121ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 20 JANVIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

RÉGULATION DES ACTIVITÉS
POSTALES (suite) 2

ART. 4 2

ART. 5 3

ART. 5 BIS 5

ART. 6 7

ART. 7 7

APRÈS L'ART. 7 10

ART. 8 10

ART. 9 14

APRÈS L'ART. 9 14

ART. 11 15

APRÈS L'ART. 13 16

ART. 14 16

ART. 15 16

ART. 16 16

ART. 17 16

ART. 18 16

APRÈS L'ART. 18 19

ART. 19 19

APRÈS L'ART.19 19

APRÈS L'ARTICLE PREMIER (précédemment réservé) 20

TITRE 20

ORDRE DU JOUR DU MARDI 25 JANVIER 2005 22

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

RÉGULATION DES ACTIVITÉS POSTALES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la régulation des activités postales.

ART. 4

M. Daniel Paul - Encore un article visant à organiser, de la façon la plus tatillonne, le secteur postal libéralisé. Nous sommes opposés à la mise en concurrence des activités relevant du service public. Nous pensons en effet que, pour des activités de réseau comme celles de la Poste, le monopole public est plus efficace et permet de mieux répondre aux besoins de la population. Même si cela ébranle vos convictions, il faut bien constater que c'est grâce aux économies d'échelle et à la péréquation que la Poste a pu construire le réseau le plus dense d'Europe. A titre d'exemple, l'Allemagne compte un point de poste pour 6 490 habitants, contre un pour 3 530 habitants en France... Sans oublier que la recherche industrielle, elle aussi, fait avancer les peuples, rappelons également que la présence postale contribue au dynamisme des espaces ruraux et que les postiers alimentent la cohésion sociale ! Tout cela constitue une richesse pour notre pays, qui ne se mesure, il est vrai, pas dans son PIB...

Or, ce réseau, construit grâce au monopole, est menacé, quoi qu'en dise M. Bailly. Pour faire passer la réforme, vous avez décrété qu'il était « décalé par rapport aux attentes des Français », mais votre objectif est clair : faire baisser les coûts en fermant des bureaux, ou en déléguant l'activité à des non-postiers. Vous ne restructurez pas le réseau : vous fermez des guichets en zone rurale, mais n'en ouvrez pas pour autant en zone urbaine ! Les usagers de la Poste doivent souvent faire longuement la queue. En zone rurale, en réduisant la présence postale, vous alimentez la déprise des territoires. La Poste est pourtant un atout précieux pour leur développement, car elle assure un service bancaire, un accès à la communication et le maintien d'un emploi dans la commune. Pourquoi ne pas, au contraire, lancer un mouvement de développement, pour assurer un service plus diversifié aux citoyens ? Ces nouveaux services constitueraient un atout précieux dans les zones rurales, mais aussi dans les quartiers les plus défavorisés ! Mais ces propositions ne sont pas conformes aux directives européennes et à la logique qui prévaut dans notre pays... Elles sont peut-être des vœux pieux, mais nous nous battrons pour les défendre.

M. Alfred Trassy-Paillogues - Cet article prévoit des modifications au code des postes et télécommunications pour renforcer le régime des sanctions à l'encontre des opérateurs qui violent le secteur réservé ou qui exercent sans autorisation, définir les pouvoirs d'enquête des autorités réglementaires et le rôle du ministre dans la poursuite des infractions, et actualiser le régime des envois prohibés en prenant en compte la convention postale internationale. Lorsque le texte aura été amendé, ces dispositions seront sans nul doute approuvées par le groupe de l'UMP.

M. François Brottes - Cet article est un de ceux qui peuvent justifier que nous légiférions dans les meilleurs délais, pour contrer les opérateurs qui piratent le secteur réservé de la Poste. Il prévoit des sanctions et des moyens de contrôle, mais certaines zones d'ombre persistent. Lorsqu'un concurrent qui empiète sur le secteur réservé de la Poste est pris la main dans le sac, que se passe-t-il ? Que devient le courrier qu'il a détourné ? Est-il remis à l'opérateur du service universel, pour qu'il le distribue, comme c'est prévu en cas de faillite d'un opérateur ? La question est d'actualité : on connaît déjà des opérateurs internationaux qui agissent nettement en-dehors des règles.

M. Daniel Paul - L'amendement 14668 est un amendement de suppression.

M. Jean Proriol, rapporteur de la commission des affaires économiques - Avis défavorable.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Même avis.

L'amendement 14668 n'est pas adopté.

M. François Brottes - L'amendement 14752 vise à aggraver les sanctions contre les opérateurs qui empiètent sur le secteur réservé. Je souhaiterais une réponse claire : qui va être chargé de distribuer le courrier détourné par un opérateur concurrent ? Celui-ci aura une amende à payer, mais continuera-t-il à délivrer le courrier, ou sera-ce la Poste, ce qui coûterait beaucoup de temps et d'argent ?

M. le Rapporteur - L'amendement 38 est identique.

Les amendements 38 et 14752, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Ministre délégué - En cas de saisie, les courriers seront distribués par la Poste. En cas de simple amende, ils le seront par l'opérateur.

M. le Rapporteur - Les amendements 39, 40 et 41 sont rédactionnels.

M. le Ministre délégué - Avis favorable.

Les amendements 39, 40 et 41 sont successivement adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 42 est défendu.

M. François Brottes - L'amendement 14756 est identique. Si le seul risque, pour l'opérateur qui veut empiéter sur le secteur réservé de la Poste, est une amende, c'est une incitation à la tricherie ! Il a de larges chances de ne pas être pris et, s'il l'est, il aura tout de même encaissé le prix du courrier ! Une des solutions est d'augmenter les amendes : il y a quelques années, discutant de la loi d'orientation forestière, nous avions constaté que, dans une région de France, on volait beaucoup de liège. Pourquoi ? Parce que l'amende était très faible. Depuis, l'amende a été considérablement augmentée et les vols ont cessé.

Les amendements 42 et 14756, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 43 rectifié tend à prévoir un dédommagement du prestataire du service universel.

M. le Ministre délégué - Il n'a plus lieu d'être car il supposait l'adoption de l'amendement 22... qui a été repoussé.

L'amendement 43 rectifié est retiré.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. Daniel Paul - Des décisions essentielles pour notre avenir, car elles concernaient la libéralisation des services publics, la réforme de l'âge des retraites ou encore les fonds de pension, ont été prises les 15 et 16 mars 2002, lors du sommet de Barcelone des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union. Elles n'ont pas été prises à Paris, au Parlement, bien qu'elles concernent l'ensemble des citoyens.

La directive postale du 10 juin 2002 s'inscrit dans la droite ligne de ce sommet européen. Force est de constater que ce document intitulé « Conclusions de la présidence », a été élaboré en toute discrétion. Nous sommes loin des principes fondateurs de la démocratie. Selon le philosophe allemand Jürgen Habermas, l'usage public de la raison est au cœur du projet parlementaire et ce sommet de Barcelone constitue donc une atteinte à la démocratie, les gouvernements s'étant engagés sans en avoir informé au préalable les représentants des populations.

Pis encore, en refusant de dresser le bilan des exemples existants, les gouvernements ne se sont pas interrogés sur le bien-fondé de la libéralisation du marché des services postaux, de l'énergie, des télécommunications ou encore des transports.

Les décisions du sommet de Barcelone ne sont pas légitimes. Et les dirigeants continuent de déplorer l'abstentionnisme des électeurs aux élections européennes !

Aujourd'hui, vous octroyez des pouvoirs considérables à une agence non choisie par le peuple, constituée d'un nombre restreint de membres, désignés de façon non démocratique. Vous fermez la porte à la modernisation du service public, qui supposerait une large consultation des citoyens, et ce au moment même où les termes de décentralisation et de régionalisation sont dans toutes les bouches.

Les décisions de Barcelone emporteront certainement l'assentiment des membres d'une autorité qui, dans le secteur des télécommunications, a poussé vers une concurrence encore plus forte entre les opérateurs. Mais quel cas a-t-on fait des missions de service public ? Pour notre part, nous ne pouvons que demander la suppression de cet article.

M. Alain Gouriou - Notre groupe émet de fortes réserves sur la dévolution à l'autorité de régulation des importantes responsabilités décrites à l'article 5.

La position sur la composition de cette autorité a évolué : en première lecture au Sénat, il a été proposé qu'elle soit formée de six membres, au lieu de cinq. Nous aurions préféré, en raison des métiers spécifiques de la Poste et de l'importance de cette régulation, qu'une autorité indépendante se consacre entièrement au secteur postal. Proposer de porter le nombre des membres de cette autorité à sept, comme on le fera tout à l'heure, ne peut nous satisfaire pleinement : le problème est en effet que, dans l'esprit de ce projet, cette autorité aura pour tâche essentielle de surveiller étroitement l'opérateur historique, la Poste, plutôt que de faire respecter le service public et le domaine réservé.

M. François Brottes - Nous parvenons à un moment solennel de notre débat. Lorsque nous aurons adopté l'article 5, les sages de l'ART ne seront plus en fonction. Avec l'article 5 bis, nous leur redonnerons sans doute vie. Dans quelles conditions ? Le suspense et l'angoisse sont insoutenables ! Est-ce que ce seront des hommes et des femmes neufs ?

Je m'interroge sur le fait qu'il y ait désormais plusieurs ministres compétents. Cela signifie-t-il que la future autorité aura plusieurs interlocuteurs au Gouvernement ? Je crois savoir que le Premier ministre coordonne l'action de son équipe mais j'aimerais savoir comment vous comptez faire travailler de concert les ministres concernés.

Monsieur Devedjian, vous qui êtes le ministre compétent en la matière, pourriez-vous m'éclairer ?

M. Daniel Paul - J'ai déjà défendu l'amendement 14669.

L'amendement 14669, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 14718 est de coordination.

L'amendement 14718, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 44 2e rectification est rédactionnel.

L'amendement 44 2e rectification, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. François Brottes - J'aimerais comprendre pourquoi plusieurs ministres seront les interlocuteurs de l'autorité. Ma question n'est pas perfide. Je m'interroge sur cette dérogation à la règle. Quels seront les ministres concernés ? N'y a-t-il pas un risque que l'autorité joue sur les contradictions entre ses différents interlocuteurs ?

M. le Ministre délégué - Ma modeste personne n'est que celle d'un ministre délégué et... le ministre de tutelle a au moins les mêmes compétences que son ministre délégué. D'autre part, certaines compétences sont partagées entre différents ministères. Les différences de sensibilité ne comptent pas, il y une unité du Gouvernement.

M. François Brottes - C'est bien connu !

M. le Ministre délégué - En droit, c'est incontestable !

L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5 BIS

M. Daniel Paul - L'agence que vous avez choisie pour réguler le secteur postal n'est pas neutre. Du fait de sa composition restreinte, elle taira les débats contradictoires, inévitables au sein d'un organisme disposant de pouvoirs aussi importants. En faisant ce choix, vous refusez une approche pluraliste de la question. La nomination par décret des membres de cette agence illustre une tendance lourde : l'emprise croissante de personnalités non élues disposant de pouvoirs politiques de taille. Nous devrions bien nous interroger sur les effets de cette évolution...

Nous savons l'estime que le Gouvernement porte aux élus territoriaux : l'un d'entre vous les a qualifiés de « conservateurs ringards » parce qu'ils défendaient le principe du maintien de la présence postale !

Nous revendiquons au contraire une participation élargie à l'élaboration de la politique du service public, plus précisément du service postal, pour discuter des prix, de l'implantation territoriale, de la distribution, de l'avenir des services financiers.

Quel doit être le critère retenu pour juger de l'efficacité de la Poste ? Le même que celui choisi pour les entreprises privées ? Quel doit être le rôle de la Poste dans le maintien et le développement de l'emploi ? D'autres obligations encore, relatives à l'aménagement du territoire, méritent l'attention.

Cette confrontation entre rentabilité économique, utilité sociale et efficacité s'impose. Or, alors que la Poste remplit des missions dont bénéficie l'ensemble de la société, les objectifs de performance fixés dans le contrat de plan 2003-2007 obéissent à une logique strictement financière. A nos yeux, les représentants des usagers et des élus ont toute légitimité pour définir ensemble les missions du service public postal, dont nous ne contestons pas qu'il doit être rénové. Il faut ouvrir un large débat pour aider les solutions alternatives au projet ultralibéral à s'épanouir. Ne confisquons pas la parole aux citoyens pour fixer les orientations stratégiques de notre économie. L'appropriation de ces enjeux cruciaux par un cercle restreint d'initiés ne correspond pas à notre vision du débat public.

M. François Brottes - Je regrette que le Président de notre Assemblée ne se soit pas inscrit dans la discussion générale sur cet article puisqu'il est l'un des trois hauts personnages de l'Etat qui va procéder à la désignation des membres de cette autorité. Il y aurait matière à s'interroger sur la manière dont on peut par la suite contrôler l'action de la personnalité que l'on a choisie, et la position du président Debré à cet égard aurait été intéressante à entendre.

Nous aurions souhaité qu'une autorité de régulation spécifique soit dédiée au secteur postal. Au reste, je veux saluer le courage du président Ollier, qui s'était élevé il y a quelques mois contre la propension de certains « sages » à intervenir dans le débat public pour faire pression sur le législateur. On peut en effet s'interroger sur la légitimité démocratique dont sont investis les membres nommés des autorités administratives indépendantes. En tout état de cause, il serait sans doute préférable qu'ils limitent leur prise de parole à leur domaine de spécialité et qu'ils laissent aux élus le soin de prendre les décisions qui engagent l'avenir du pays. Je tenais à faire part de ces observations devant notre président.

Mme Marylise Lebranchu - Comme l'a justement relevé M. Paul, nous ne serons plus à brève échéance - même si nous le regrettons - dans la situation où un ministre aura autorité directe sur le service postal. Il convient donc d'aborder la question des prérogatives de l'autorité de régulation avec prudence. Depuis plusieurs années, les autorités indépendantes tendent à se multiplier. Dans la mesure où l'environnement du service postal sera profondément bouleversé par les ouvertures de capital qui ne manqueront pas d'intervenir, nous considérons qu'une autorité de régulation distincte de celle en charge des télécommunications aurait été plus à même de suivre l'évolution du secteur. Quoi qu'il en soit, compte tenu de l'importance juridique de l'autorité régulatrice, nous souhaitons que son action soit strictement contrôlée par les élus et que ceux-ci se prononcent sur les enjeux essentiels avant qu'elle n'entre en fonction, en précisant notamment leur conception du champ du service public.

M. Daniel Paul - Mme Lebranchu vient de tenir des propos auxquels nous devons tous réfléchir. Songez que si les autorités indépendantes s'unissaient pour constituer une sorte de caste d'experts n'ayant plus aucun compte à rendre, les responsables politiques risqueraient de se trouver bien démunis pour convaincre la population de la pertinence de leurs propres analyses. Dans des domaines aussi lourds d'enjeux que l'énergie, les télécommunications ou les postes, il n'est pas bon que certains cercles non élus tendent à échapper à tout contrôle démocratique. Quelles que soient nos approches respectives sur le fond des problèmes, nous devons être attentifs à ce risque de dérive. Nous sommes quant à nous résolument opposés à l'organisation en agences. Les secteurs qui intéressent directement la vie des Français doivent relever du politique directement. C'est pourquoi notre amendement 14670 tend à supprimer l'article 5 bis.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

Si nous n'avons, Madame Lebranchu, pas fait le choix de maintenir deux autorités de régulation, c'est d'abord parce que l'ART a su se faire une place et une réputation dans le paysage économique français, ce qui prend du temps, et que nous voulions profiter de l'autorité qu'elle a acquise. Par ailleurs, en ces domaines, les régulateurs ont besoin de disposer d'un équipement assez lourd et nous avons considéré qu'il était préférable à tous égards de mutualiser les moyens. Enfin, nombre de domaines sont communs aux télécommunications et aux postes, qu'il s'agisse de l'analyse économique sur les tarifs ou de l'expertise juridique.

M. Jean Dionis du Séjour - En tant qu'européen convaincu, j'attire l'attention sur le fait que nous sommes dans une phase transitoire de sortie des monopoles nationaux liée à la nécessité de mettre fin à la situation de consanguinité entre les Etats membres et leurs opérateurs historiques. A ce stade de l'évolution, le système des agences est indispensable. Ultérieurement, lorsque la concurrence aura été installée, je suis convaincu que la fonction de régulation pourrait revenir aux responsables politiques.

Une observation pour conclure : l'ART a aujourd'hui une culture très « télécoms » ; ce ne sera pas un mince défi que de la sensibiliser aux enjeux du service postal.

Mme Marylise Lebranchu - Tout à fait !

L'amendement 14670, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Comme le sait parfaitement M. Dionis du Séjour, l'ARCEP est née de la volonté de maintenir une seule autorité de régulation, dont les prérogatives couvrent à la fois le domaine des télécommunications et celui des postes. Nous soutenons ce choix du Gouvernement, même si, bien entendu, d'autres options étaient possibles. Il convient désormais de prendre les dispositions les mieux adaptées pour lui assurer un bon fonctionnement.

Comme l'a dit le ministre, il faut donner à cette autorité toutes les chances de réussir. Nous avons opté pour une autorité unique, reste à améliorer son fonctionnement. L'an dernier, nous avons déjà élargi le contrôle du Parlement et pris des dispositions concernant la déontologie, le secret professionnel en particulier. Aujourd'hui, l'amendement 45 2e rectification de la commission tend à porter le collège de 5 à 7 membres, l'ART devenant l'ARCEP. Nos collègues sénateurs pensaient quant à eux qu'il suffisait d'ajouter un membre. Nous ne sommes pas tout à fait de cet avis, car il serait gênant de donner au président de cette autorité le pouvoir, par sa voix prépondérante, de départager deux camps d'égale importance. Pas de nombre pair, donc. Il ne nous paraîtrait en outre pas normal qu'il n'y ait qu'une personne compétente en matière postale - puisque le membre supplémentaire serait tout naturellement une personnalité « postale », si j'ose dire.

Nous proposons d'autre part que les décisions, pour être valables, soient prises au moins à cinq. Mieux vaut en effet éviter que l'autorité puisse se réunir en sous-collèges.

Nous avons ainsi, avec cet amendement et l'amendement 14772 de M. Proriol, un dispositif complet.

M. le Ministre délégué - Je suis favorable à cet amendement ainsi qu'à celui de M. Proriol. Les deux combinés font bien apparaître que l'ARCEP n'est pas un organe nouveau mais la continuité de l'ART.

M. François Brottes - L'amendement de la commission améliore un peu le texte du Gouvernement, mais il fait la part trop belle aux sages d'une culture de marché qui n'est pas celle du courrier. Vous ne voulez pas d'un régulateur dédié, soit, c'est votre choix, mais au moins ajoutez au collège actuel quatre personnes. D'abord pour améliorer l'équilibre des savoirs, ensuite pour éviter qu'une décision importante soit bloquée parce qu'il y aurait trois malades et que l'autorité de régulation serait ainsi empêchée de délibérer.

L'amendement 45 2e rectification est adopté.

L'amendement 14772 est adopté.

L'article 5 bis ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Daniel Paul - L'amendement 14671, de suppression, est défendu.

L'amendement 14671, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 7

M. Daniel Paul - Après vous être débarrassé du terme encombrant de service public, vous songez enfin à vous préoccuper de l'intérêt des usagers et vous vous posez donc ici la question - en des termes pour le moins vagues - du financement du service universel postal. Gouverner, c'est prévoir. C'est donc bien dès aujourd'hui qu'il faut se le demander : qui assurera les missions de service public ? Comment seront-elles financées ?

Il est difficile de ne pas vous préoccuper desdites missions. L'Union européenne elle-même, dans son traité instituant la Communauté, souligne le rôle joué par les services d'intérêt général dans « la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union ».

Le bilan de la Poste à cet égard est loin d'être négligeable. Elle a assuré une présence postale dans environ 14 000 communes françaises et maintenu, grâce aux postiers et aux guichetiers, un contact personnalisé avec le public. Qui assurera demain la présence postale dans les zones peu peuplées ? Qui financera la collecte et la distribution dans les zones peu accessibles ?

Pour répondre à ces enjeux, votre réflexion se limitera-t-elle aux propositions européennes concernant la mise en place d'un fonds de péréquation ? Il existe une péréquation aujourd'hui, qui a démontré son efficacité : c'est celle que la Poste fait vivre avec l'ensemble de ses activités. Mais si demain les activités les plus rentables sont assurées par les concurrents, il est certain que les finances de la Poste seront mises à mal.

Quels seront les contributeurs de l'éventuel fonds de compensation ? Sans doute la Poste et les collectivités territoriales. Mais comment la Poste pourra-t-elle supporter de nouvelles charges. Et comment feront les plus pauvres des collectivités territoriales, alors qu'après le transfert de charges résultant de la décentralisation, vous faites de nouveau appel à elles pour financer les domaines relevant du bien-être collectif ?

Les communes seront déjà largement mises à contribution avec le financement des agences postales et l'externalisation des coûts dont ces dernières vont être l'instrument.

Vous promettez des baisses d'impôts. N'oubliez pas cependant de rappeler à votre électorat la hausse des impôts locaux qui ne manquera pas de résulter du désengagement de l'Etat et de la privatisation du secteur public. Au risque de vous offusquer, je soulignerai donc que « la rente » du monopole public a tout son intérêt pour redistribuer vers le service public ce qu'il ne distribue pas aux actionnaires du monopole privé.

M. François Brottes - Il est proprement scandaleux que le présent projet n'institue pas un fonds de compensation et que vous prétendiez avoir besoin d'un rapport pour voir dans deux ans si un tel fonds est nécessaire ! Le temps que ce rapport soit rendu, qu'un projet soit élaboré et adopté, que les décrets paraissent, il s'écoulera quatre ans et il sera trop tard pour la Poste ! N'oublions pas que celle-ci va devoir supporter une nouvelle charge de 150 millions, qu'elle verse 480 millions pour l'aide à la diffusion de la presse, que la concurrence va être féroce, que les gros clients de la Poste pourront peut-être devenir leurs propres opérateurs postaux, que lorsqu'un opérateur fera faillite, ce sera à la Poste de faire le boulot, bref que les charges vont s'accroître tandis que les revenus diminueront !

S'il n'y a pas de fonds de compensation, qui va payer les charges que la Poste devra assumer, étant entendu que ces charges n'attendront pas deux ans pour apparaître ?

Mme Marylise Lebranchu - Le rapport en question, lorsqu'il arrivera, n'aura aucune valeur juridique et ne sera pas opposable à qui que ce soit. Et que se passera-t-il si un problème se présente à la fin de 2006, avant même le vote du budget pour 2007 ? Ou bien le Gouvernement prendra une mesure budgétaire, ce qui sera difficile. Ou bien, entre temps, une initiative parlementaire dictée par l'urgence créera le fonds, mais nous le ferons dans de moins bonnes conditions, parce que nous aurons déjà le nez sur le guidon. Ou bien encore on aura mis la Poste à genoux... D'ici à la deuxième lecture, il est possible de créer le fonds de compensation. La directive est assez souple sur ce point. Les autres pays ont créé ces fonds : ils ne les ont pas encore fait fonctionner, tant que leurs opérateurs historiques n'ont pas de problèmes, mais ces fonds sont prêts à intervenir quand les problèmes se poseront. M. le ministre et M. le rapporteur ont pris l'engagement que jamais l'aménagement du territoire ne serait remis en cause, mais comment fera-t-on ?

J'observe qu'hier soir, après que la commission avait rejeté une disposition sur les lettres recommandées administratives, nous avons été capables en un quart d'heure de revenir sur cette position, parce qu'il s'était passé entre-temps quelque chose que nous ignorons, et d'abandonner les lettres recommandées que peut-être la Poste aurait été contente de garder. Ne me dites pas que nous ne sommes pas capables, d'ici à la deuxième lecture, de décider la création du fonds de compensation, avec des modalités qui seront - nous l'acceptons - renvoyées au décret. J'espère donc bien que nous parviendrons à vous convaincre.

M. Daniel Paul - L'amendement 14672 est défendu.

L'amendement 14672, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes - Je ne reprends pas nos explications précédentes, mais nos questions demeurent et j'espère que M. le ministre pourra y répondre à l'occasion de notre amendement 14760. J'ajoute un argument supplémentaire, qui va dans le sens de votre préoccupation libérale. Au moment où le marché s'ouvre, il n'y a pas de fonds de compensation ; les opérateurs entrants n'ont donc pas de contribution à apporter. Supposons que dans deux ans vous décidiez finalement de créer ce fonds. Les opérateurs existants devront y contribuer, et aussi ceux qui entreront à ce moment-là sur le marché. Mais ces derniers diront que ce n'est pas juste : ceux qui sont entrés avant eux n'ont pas contribué, ils ont eu des facilités et pu prendre des parts de marché. La règle du jeu n'est pas la même pour tous !

En ne créant pas immédiatement le fonds de compensation, vous introduisez donc une injustice entre les différents opérateurs entrants. Et nous comprenons d'autant moins ce refus que la directive vous invite à la position contraire.

M. le Ministre délégué - Je crois que vos questions partent d'une incompréhension. Le principe de base, c'est que le service universel est financé par le fait même du monopole. Le fonds de compensation vient en plus, si nécessaire. Peut-être le monopole ne suffira-t-il pas à équilibrer les charges de service universel : c'est pourquoi la commission a prévu un rapport pour le savoir. Pourquoi a-t-elle prévu un délai de deux ans ? C'est que c'est à peu près dans deux ans que sera achevée l'organisation du marché ; or, pour créer un fonds de compensation, il faut quand même savoir où l'on en est.

Vous estimez injuste, Monsieur Brottes, de payer autant les ouvriers de la onzième heure que ceux de la première. Cela ne l'est pas : quand le nouvel entrant n'était pas encore sur le marché, le monopole de fait de la Poste était plus grand. Le marché devient de plus en plus concurrentiel, et donc le prix n'est pas le même. Si un opérateur entre vingt ans plus tard, devrions-nous moduler dès maintenant les tarifs pour en tenir compte ? C'est impossible. Plus il y a d'opérateurs sur le marché, plus les conditions du profit sont difficiles.

M. Alain Gouriou - Que le monopole suffise à équilibrer le service universel, permettez-nous d'en douter. Il y a en outre une question de calendrier. Nous sommes en janvier ; les différentes lectures du présent texte dans les deux assemblées, puis la parution des décrets, prendront probablement quelques mois. A partir de ce moment, on entrera dans le marché concurrentiel, et très vite. Ne pas créer immédiatement le fonds de compensation, c'est donc prendre de véritables risques. Il serait bon que sa création soit traitée dès la deuxième lecture.

M. François Brottes - Pour qu'on ne nous accuse pas de mener une lutte inutile, je fais la proposition suivante : écrivons dans le texte qu'il est créé un fonds de compensation du service universel postal, dont les modalités, l'abondement et le fonctionnement seront déterminés par décret, une fois remis le rapport prévu par la commission. Ainsi nous n'aurions pas à revenir devant le législateur pour créer ce fonds. Il est important qu'il soit créé dès aujourd'hui par la loi, quitte à prendre tout le temps pour en définir les modalités, et à ne le faire fonctionner que quand ce sera nécessaire.

M. le Ministre délégué - Vous oubliez l'alinéa 4 de l'article 9 de la directive. Il dispose qu'afin d'assurer la sauvegarde du service universel, quand un Etat membre détermine que les obligations de service universel telles que les prévoit la directive se traduisent par des charges financières inéquitables pour le prestataire du service universel, il peut alors établir un fonds de compensation. Pour créer ce fonds, il faut donc établir qu'il y a des charges financières inéquitables : d'où le rapport !

M. François Brottes - Écrivez dans la loi qu'il est créé un fonds de compensation qui entrera en vigueur quand les charges de service universel deviendront inéquitables. Ainsi vous n'aurez pas besoin de revenir devant le Parlement : donnez-vous cette souplesse.

M. le Ministre délégué - Encore une fois, je dois d'abord prouver que les charges sont inéquitables.

M. François Brottes - Pour mettre en œuvre le fonds !

M. le Ministre délégué - Non, pour le créer !

Mme Marylise Lebranchu - Les autres pays qui ont créé des fonds de compensation se trouvaient dans la même situation que nous. Ils ont créé ces fonds dès le départ, en indiquant - je vous renvoie à leurs textes - qu'ils les « actionneraient » quand il en serait besoin. Vous avez en outre un élément supplémentaire : le rapport du Conseil de la concurrence, qui montre que les missions d'aménagement du territoire incombant à la Poste la placent dans une situation de déséquilibre par rapport à la concurrence. Voilà une autorité qui n'est certainement pas gauchiste, et qui vous donne la preuve qu'il y aura des charges supplémentaires. Vous avez cette preuve dont vous avez besoin !

M. Jean Dionis du Séjour - L'article 7 m'avait paru raisonnable, mais le débat me perturbe. Le point de départ, comme l'a dit M. le ministre, c'est l'idée que le déséquilibre créé par le service universel sera financé par le monopole sur le secteur réservé. Supposer que cela suffira à équilibrer l'obligation de couverture complète du territoire, avec la péréquation, c'est tout de même un pari... Je pense qu'il faut remettre la question en chantier d'ici la deuxième lecture.

M. François Brottes - Je souhaite une brève suspension pour tirer au clair ce que nous dit M. le ministre.

La séance, suspendue à 22 heures 45, est reprise à 22 heures 50.

Mme Marylise Lebranchu - Cette discussion montre la détermination de chacun d'entre nous à bien travailler entre les deux lectures.

L'amendement 14760, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 46 est défendu.

L'amendement 46, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7

M. François Brottes - L'amendement 14764 tend à créer un fonds de compensation du service bancaire universel, en vue d'assurer l'équilibre financier du service.

L'amendement 14764, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - L'amendement 14697 est défendu.

L'amendement 14697, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes - L'amendement 14758 tend à ce que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre 2005, une étude d'impact de la fiscalité, notamment environnementale, sur l'équilibre économique du marché du courrier. Nous avons tous, à gauche comme à droite, pris des mesures en faveur de l'environnement - je pense en particulier à la taxe sur la publicité non adressée - qui peuvent avoir diverses conséquences, sur l'économie ou encore, pour reprendre l'exemple que j'ai cité, sur l'information de nos concitoyens, puisque les journaux municipaux ou les lettres des députés sont également soumis à cette taxe. Il importe donc d'évaluer l'impact des contraintes engendrées par toute nouvelle fiscalité.

L'amendement 14758, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 8

M. Daniel Paul - La création d'un établissement de crédit bancaire entérine la séparation des activités postales, poursuivant ainsi la logique de démantèlement du service public en centres de profit, puisque la disparition de la segmentation entre différentes activités inégalement rémunératrices sonne le glas d'un équilibre atteint par le contrôle de l'ensemble du marché.

Pour sauver la Poste et préserver sa jeune clientèle, il faudrait, à l'instar de la Grande-Bretagne, de l'Espagne et de l'Italie, engager des partenariats avec des institutions financières, ce qui permettrait des prêts à la consommation et prêts immobiliers sans épargne préalable.

En choisissant la voie de la privatisation, vous fragilisez un secteur qui a pourtant fait ses preuves : en alimentant la Caisse des dépôts et consignations, les épargnes déposées à la Poste n'ont-elles pas participé au financement de nombre de biens publics, tout en assurant aux ménages la sécurité de leurs économies ?

Par ailleurs, de quelles garanties disposons-nous quant aux missions assignées à cette épargne ? Le contrat de plan en vigueur a déjà autorisé la Poste à transférer les fonds CCP du Trésor à Efiposte, avec une gestion privée et boursière, sans demander leur avis aux clients. Efiposte a ainsi été contrainte d'apporter plusieurs dizaines de millions de capital dans une filiale afin de respecter les ratios bancaires. L'ECP est maintenant dans la même situation.

Enfin, l'alignement sur les banques ne peut que mettre en danger les missions de service public de la Poste, qui accueille aujourd'hui la majorité des interdits bancaires.

Après la création de la filiale Ixis de la CDC, et son probable placement en bourse, vous faites un pas supplémentaire vers la privatisation de l'épargne. Et que dire du rachat, par la CDC, de 170 immeubles de France Télécom, dans le seul but de les revendre et de réaliser une plus-value ! Les priorités ne sont plus les mêmes !

Cet article s'inscrit dans un mouvement plus large de privatisation des établissements bancaires publics, qui n'était en rien imposé par la directive.

M. François Brottes - Les services financiers de la Poste constituent le deuxième grand sujet de ce texte. Nous nous étonnons qu'un sujet aussi important ait été introduit nuitamment au Sénat par voie d'amendement. Comment se fait-il que vous n'y ayez pas pensé dans le projet d'origine ? Et comment se fait-il, alors que vous aviez affirmé qu'il y avait urgence à légiférer, que nous débattions de ce texte un an après sa transmission par le Sénat ?

Quoi qu'il en soit, chacun peut constater la compétence des postiers en matière de services financiers, lesquels constituent aujourd'hui l'activité principale des bureaux de poste, sans ségrégation entre les usagers. Avant donc d'envisager la fermeture ou la réduction de l'activité de certains bureaux de poste, mieux vaut accroître la gamme des services financiers proposés, afin d'attirer davantage de clients, en particulier les jeunes. A cet égard, nous constatons une contradiction entre ce texte et le contrat de plan Etat-Poste qui, lui, n'ouvre qu'une toute petite fenêtre - les prêts immobiliers sans épargne préalable.

Trois solutions sont possibles.

D'abord, le partenariat, consistant à demander à la Poste de proposer à ses guichets des produits financiers portés par d'autres ; l'inconvénient de ce système, c'est que les bénéfices en sont retirés par les partenaires, et non par la Poste, ainsi privée de moyens pour financer l'ensemble de son activité.

Ensuite, comme vous le proposez, créer une entité qui risque de lancer un processus de privatisation par appartements.

Enfin, comme nous le proposons, décider que l'établissement est à 100% public et détenu par la Poste. C'est une question de volonté politique ; un accord sur ce point entre la majorité et une partie de l'opposition permettrait d'assurer une pérennité au dispositif - lequel devrait définir clairement les missions à remplir : assurer à chacun, quel que soit son niveau de revenu, un droit au compte, au chéquier, à la carte bancaire..., bref permettre à chacun d'être considéré dignement, y compris par son banquier.

Mme Marylise Lebranchu - Très bien !

M. Daniel Paul - Notre amendement 14673 tend à supprimer cet article.

Vous vous contentez de réaffirmer que la Poste se doit d'offrir des services bancaires aux plus démunis et vous portez un coup supplémentaire au Livret A : vous avez décidé de diminuer d'un dixième de point l'aide de l'Etat à sa rémunération, ce qui a pour conséquence de mettre 680 millions supplémentaires dans les caisses de l'Etat, mais risque à terme de faire réfléchir la Poste au devenir de ce livret, de moins en moins attractif pour elle dans un contexte concurrentiel.

L'amendement 14673, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - L'amendement 14717 est défendu.

L'amendement 14717, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. François Brottes - Par notre amendement 14765, nous proposons que l'Etat signe avec la Poste une convention précisant les obligations de service public auxquelles les activités financières doivent se conformer. J'aimerais sur ce point connaître la position du rapporteur et du ministre.

M. le Rapporteur - Contre.

M. le Ministre délégué - Contre, nous avons déjà dit pourquoi. La lutte contre l'exclusion bancaire doit être l'affaire de tout le système bancaire, et non pas seulement de la Poste ; de même que celle-ci doit avoir accès aux profits bancaires - qui ont été particulièrement élevés cette année. Mais nous avançons avec prudence.

Quant à votre proposition, elle est hors directive, et vous n'avez pas mesuré les distorsions et déséquilibres qu'elle pourrait provoquer.

M. François Brottes - Les clients de la Poste, qui ne sont pas seulement les plus démunis, mais aussi des personnes modestes, dont les petits revenus ne sont pas intéressants pour les banques, doivent être assurés d'un service de qualité. C'est le cas actuellement, mais il faut que cette activité de la Poste soit reconnue, et ainsi valorisée.

L'amendement 14765, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Les amendements 14674, 14692 et 14710 sont défendus.

Les amendements 14674, 14692 et 14710, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. François Brottes - Les amendements 14740, 14742, 14743 et 14741 sont défendus.

Les amendements 14740, 14742, 14743 et 14741, repoussés par la commission et par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. Daniel Paul - L'amendement 14675 est défendu.

L'amendement 14675, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 47 rectifié est défendu.

L'amendement 47 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Daniel Paul - L'amendement 14693 est défendu.

L'amendement 14693, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Mon amendement 14773 dispose qu'à compter de la date du transfert à la Poste des biens, droits et obligations liés à la CNE, la Caisse des dépôts sera déchargée de toute responsabilité. Le président de la commission de surveillance, M. Auberger, tient à ces précisions.

M. le Ministre délégué - Avis favorable, sous réserve de l'adoption du sous-amendement 14888, qui précise que les conditions du transfert sont déterminées après avis de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts, formée de parlementaires, et que le Parlement recevra un rapport de la Cour des comptes sur les conditions de création de l'établissement de crédit.

Le sous-amendement 14888, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 14773, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Daniel Paul - L'amendement 14676 est de conséquence.

L'amendement 14676, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 48 est de précision.

M. le Ministre délégué - Avis favorable.

M. François Brottes - Nous devons savoir qui, parmi les agents de la Poste, sera transféré à ce nouvel établissement et qui restera dans la maison mère. Tous les guichets effectuent aujourd'hui des opérations financières. Or, l'établissement que vous venez de créer peut être considéré comme un premier pas vers une privatisation par appartements de la Poste. Il faut donc répondre aux inquiétudes des agents et savoir combien sont susceptibles d'être concernés.

L'amendement 48 est adopté.

M. Daniel Paul - L'amendement 14677 est défendu.

L'amendement 14677, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - De nombreux élus ont exprimé leur volonté de prendre part à la définition du service financier public. Pourtant, les fonds CCP sont déjà passés dans leur totalité à Efiposte, qui en fait une gestion boursière, et la création de votre banque postale s'est faite par des tractations entre le Gouvernement, la direction de la Poste et les banques privées françaises qui ont éludé le débat sur l'épargne populaire ! Discuter de sa mise à profit pour la collectivité et du modèle de coopération historique entre la Caisse des dépôts et la Poste intéresserait pourtant sûrement les usagers ! En matière de gestion de ses services financiers, la Poste ne se montre pas plus démocratique, d'après les organisations syndicales qui participent à son conseil d'administration.

L'emploi de l'épargne populaire doit pourtant être décidé de façon collective ! La Poste annonce que les filiales de SF2 sont profitables et les résultats d'Efiposte à la hausse, mais ce n'est pas ce qui préoccupe le plus les usagers ! La discussion doit être engagée sur d'autres sujets : la Poste pourra-t-elle proposer des prêts à la consommation ? Jusqu'à quand pourra-t-elle assurer son rôle de guichet social et accueillir les interdits bancaires, qui utilisent le mandat comme un chèque, et les érémistes, qui utilisent le livret d'épargne comme un porte-monnaie ? Jusqu'à quand, dans la course à la concurrence, pourra-t-elle supporter le coût de ce service bancaire de base ? L'amendement 14691 remédie au flou de votre projet sur les prêts à la consommation et supprime le reste de l'article en attendant que cette réflexion aboutisse.

M. François Brottes - Faute d'avoir obtenu une réponse sur les questions de personnel, je demande une suspension de séance, fondée sur l'article 58, alinéa 3, du Règlement.

M. le Président - Je propose de voter d'abord l'amendement.

M. le Rapporteur - Il me semble, Monsieur Brottes, que toutes les précisions que vous demandez ont été données par le président de la Poste lors de ses auditions.

Mme Marylise Lebranchu - Ce n'est pas à lui de les donner !

M. le Rapporteur - C'est tout de même lui qui gère sa maison ! Il a précisé que la grande majorité du personnel, qu'il s'agisse des fonctionnaires ou des contractuels, travaillerait pour l'ECP par le biais de conventions de service. Quant à la direction de l'ECP, on peut estimer qu'elle comptera entre 500 et 1 000 personnes.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement est défavorable à l'amendement de M. Paul. Quant à la question de M. Brottes, seuls quelques cadres seront réellement transférés - aux alentours, je pense, de 6 000 personnes. Pour le reste, les conseillers financiers seront mis à disposition par convention.

M. François Brottes - Mais nous ne savons toujours pas ce qui va se passer dans les guichets. J'appelle votre attention sur le fait qu'il fut un temps où une étude d'impact précédait tout projet de loi. Beaucoup de questions qui peuvent vous paraître idiotes pourraient être évitées si nous en avions une.

M. le Ministre délégué - Il est difficile de faire une étude d'impact sur les amendements !

M. le Président - Il y a bien longtemps que les études d'impact ont disparu, ce n'est pas propre à ce gouvernement.

L'amendement 14691, mis aux voix, n'est pas adopté.

La séance, suspendue à 23 h 25, est reprise à 23 h 30.

M. le Rapporteur - L'amendement 49 3e rectification est défendu.

L'amendement 49 3e rectification, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 50 est défendu.

L'amendement 50, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 9

M. le Rapporteur - L'amendement 51 est de précision.

L'amendement 51, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. François Brottes - Le groupe socialiste s'abstiendra sur l'article 9.

L'article 9 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 9

M. le Rapporteur - L'amendement 52 vise à supprimer la fonction de Médiateur du service universel postal, créée par le gouvernement précédent pour apaiser l'ire de la Commission qui exigeait la création d'une autorité de régulation.

Aujourd'hui, le besoin de ce Médiateur ne se fait plus sentir. Il vient en sus du Médiateur des usagers, du Médiateur national et d'une autorité de régulation.

M. François Brottes - Contrairement à ce qu'affirme le rapporteur, l'autorité de régulation ne remplacera pas le Médiateur du service universel postal, à moins que ce dernier ne soit intégré à l'autorité de régulation. En effet, cette autorité fera en sorte que les nouveaux entrants sur le marché puissent exprimer tous leurs talents, mais ne veillera pas au respect du service universel. Il est incompatible de confier à la même autorité la mission de servir les bénéficiaires d'un service en même temps que les prestataires de ce même service ! La commission et le Gouvernement doivent se ressaisir !

D'où notre amendement 14755 qui consacre, dans la loi, l'existence du Médiateur postal.

M. le Ministre délégué - Je suis tout à fait d'accord sur le fond avec M. le rapporteur.

Monsieur Brottes, ce Médiateur du service universel postal n'était qu'un artifice du gouvernement Jospin pour pallier l'absence d'une autorité de régulation imposée par la directive postale ! Cette invention ne répondait pas à de nobles sentiments ! La France serait condamnée à défaut de créer cette autorité.

Monsieur le rapporteur, Je retiens votre proposition. Toutefois, sur la forme, votre amendement 52 viole la Constitution car le Médiateur a été créé par décret. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. le Rapporteur - Loin de moi l'intention de violer la Constitution ce soir ! Je retire donc cet amendement en sachant qu'il reviendra désormais à l'ARCEP de contrôler le bon fonctionnement du service universel.

L'amendement 52 est retiré.

L'amendement 14755, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes - J'ai déjà longuement défendu cet amendement 14757. Puisque je vous fais le plaisir d'être bref, j'aimerais que la commission et le Gouvernement aient l'amabilité de me répondre de manière moins sibylline que tout à l'heure.

M. le Rapporteur - Le sujet de votre amendement est pertinent. Toutefois, la commission a émis un avis défavorable car l'élaboration d'un rapport ne changera rien à l'évolution des besoins de nos sociétés développées.

M. le Ministre délégué - La question est d'importance, elle mérite d'être débattue dans le cadre de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, la CSSPPTE. Je demanderai moi-même ce rapport à la Poste.

M. François Brottes - En espérant que vous donnerez à la CSSPPTE les moyens nécessaires ! Pour y avoir siégé, je sais combien elle est pauvre.

L'amendement 14757 est retiré.

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

ART. 11

M. Jean Dionis du Séjour - L'amendement 14648 tend à introduire un régime de responsabilité de la Poste. Jusqu'à présent, le principe de l'irresponsabilité totale de la Poste était consacré. La Poste n'était tenue responsable qu'en cas d'avarie ou de dommages directement causés par la perte du courrier et des colis.

Je propose de replacer ce régime dans un contexte plus général en s'inspirant de la méthode utilisée lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique. L'article 11 est trop archaïque. Je vous propose donc que la Poste...

M. François Brottes - Et les autres opérateurs ?

M. Jean Dionis du Séjour - ...tous les opérateurs soient tenus pour responsables dès lors qu'ils auront manqué à leur engagement, par exemple en matière de délai de livraison. Quand ils assurent un service de base, on pourrait envisager une responsabilité forfaitaire.

M. le Rapporteur - Le régime de responsabilité applicable à la Poste et aux autres opérateurs postaux nous a beaucoup passionnés. La réflexion de M. Dionis du Séjour est très mature, mais elle n'a pas eu la faveur de la commission. Par l'amendement 53 rectifié, nous proposons que la responsabilité des entreprises fournissant les services postaux puisse être engagée, à raison des seuls envois pour lesquels une preuve de distribution est prévue, dans trois cas : pour les avaries causées à l'occasion du traitement des envois, pour les dommages directs causés par leur perte et pour ceux liés à leur retard - si l'entreprise accomplissant le service a souscrit un engagement en la matière. Hormis ces cas, la responsabilité des entreprises ne peut être engagée. Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les différents types de preuves admissibles et les plafonds d'indemnisation.

M. François Brottes - Il s'agit en effet d'un sujet essentiel, qui n'a pas été esquivé en commission et que nous avons traité avec beaucoup de passion. Toutes les lettres sont importantes et le fait de ne pas recevoir celles qui vous sont adressées crée un fort sentiment de frustration ; pour autant, toutes les réclamations ne sont pas recevables. Nous ralliant à l'amendement de la commission, nous proposons de le compléter par le sous-amendement 14767 tendant à établir un régime de responsabilité de l'opérateur postal dès lors que l'expéditeur détient une preuve de dépôt - et non seulement de distribution - dans le réseau.

M. le Ministre délégué - Il s'agit d'un sujet important et difficile. La situation actuelle n'est plus acceptable. Il faut cependant bien mesurer que l'établissement d'un régime de responsabilité crée un avantage concurrentiel...

M. Jean Dionis du Séjour - Cela se vend !

M. le Ministre délégué - ...et qu'il n'est pas simple de mesurer le champ de la responsabilité. Je serais tenté de dire que l'amendement Proriol est moins mauvais que celui de M. Dionis du Séjour (Sourires), mais aucun des deux ne me satisfait pleinement. Quant à la position défendue par M. Brottes, elle me convient plutôt ! Je suggère par conséquent que nous améliorions la rédaction de cet amendement avant la seconde lecture et, tout en y étant plutôt favorable, je m'en remets sur ce point à la sagesse de votre assemblée.

M. Jean Dionis du Séjour - Puisque le ministre m'attribue un bonnet d'âne (Sourires), je retire mon amendement, tout en faisant part de la perplexité que m'inspire celui de M. Proriol : dans quel cas l'opérateur pourrait-il dégager sa responsabilité, celle-ci étant mise en œuvre s'il abîme ou égare le colis ? Autant poser d'emblée un régime de responsabilité pleine et entière des opérateurs.

Le sous-amendement 14767, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 53 rectifié ainsi modifié.

L'article 11 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Les articles 12 et 13 , successivement mis aux voix, sont adoptés.

APRÈS L'ART. 13

M. Jacques-Alain Bénisti - Depuis la loi du 12 juillet 1983 relative aux activités privées de sécurité, les bijoux doivent être convoyés par des entreprises de transport de fonds. Les 4 500 horlogers, bijoutiers, joailliers et orfèvres français sont donc contraints de faire appel à des entreprises spécialisées, ce qui génère des surcoûts importants dans un secteur d'activité soumis à une concurrence débridée. La réglementation sécuritaire qui lui est appliquée semble aujourd'hui disproportionnée et je propose par conséquent par mon amendement 14651 rectifié qu'elle ne porte plus désormais que sur les bijoux représentant une valeur d'au moins 100 000 euros.

L'amendement 14651 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 2 rectifié tend à exclure les courriers non adressés de la contribution environnementale sur les imprimés, instituée par l'article 20 de la loi de finances rectificative pour 2003.

M. le Ministre délégué - Avis favorable et je lève le gage.

M. François Brottes - Nous sommes favorables à cette évolution.

L'amendement 2 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'adoption de l'amendement 14651 fait tomber le 14775.

ART. 14

M. le Rapporteur - L'amendement 3 de la commission procède à une suppression de coordination.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement , mis aux voix, est adopté et l'article 14 est ainsi supprimé.

ART. 15

M. le Rapporteur - L'amendement 4 procède lui aussi à une suppression de coordination.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 15 est ainsi supprimé.

ART. 16

M. le Rapporteur - L'amendement 14721 substitue à la date du 1er janvier 2006 celle du jour d'avant.

M. le Ministre délégué - D'accord, et je lève le gage.

L'amendement 14721, mis aux voix, est adopté.

L'article 16, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 17

M. le Rapporteur - L'amendement 5 est rédactionnel.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 17, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 18

M. Daniel Paul - Convention collective, voilà une expression qui sonne heureusement à nos oreilles, surtout à une époque qui privilégie les accords d'entreprises ou les diktats patronaux. La petite musique de cet article 18 était donc a priori de nature à adoucir nos mœurs. Eh bien, c'est raté puisque, par l'amendement 14678, nous demandons la suppression de cet article.

Sur les 300 000 employés de la Poste, plus des deux tiers sont aujourd'hui des fonctionnaires, régis par des règles de droit public. Les autres relèvent du droit privé, souvent sous contrat extrêmement précaire.

Ce développement systématique de la précarité n'est pas sans conséquence. Un jeune homme embauché à 7 heures pour une demi-journée ne sera pas assermenté à 10 heures pour respecter les principes déontologiques de la Poste ! Il ne sera pas non plus suffisamment formé pour faire du travail de qualité. Et que pourra-t-il construire avec un horizon professionnel limité à une demi-journée ?

Outre que le statut de la fonction publique protège les salariés contre de telles dérives, il offre aussi des garanties pour la Poste en matière de déontologie et il est conforme à l'idée même de service public. Accepter une convention collective pour ce secteur, ce serait avaliser une politique qui privilégie les contrats de droit privé, ce serait aussi avaliser la privatisation du droit qui régit les activités postales, donc la mort du service public postal.

La Poste doit rester un service public. Les relations entre la Poste et son personnel doivent donc être exclusivement régies par le statut de la fonction publique.

Au lieu de systématiser le développement d'emplois privés souvent précaires, il conviendrait plutôt de titulariser les dizaines de milliers de contractuels existant à la Poste.

M. le Ministre délégué - Il fallait le faire !

M. Daniel Paul - Nous l'avions demandé !

M. le Ministre délégué - Vous aviez deux ministres !

L'amendement 14678, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - On vante beaucoup sur les bancs de la majorité la dynamique « de progrès et de mouvement » en marche à la Poste. J'émettrai pour ma part quelques doutes.

Alors que la mission des agents de la Poste était de rendre des services aux usagers, c'est une véritable idéologie de la consommation qui se met désormais en place. Je citerai à mon tour des perles de Forum pur illustrer mon propos : finie « l'assistance artificielle des clients », expression qui désigne probablement une activité aussi futile qu'aider une personne âgée à remplir des formulaires, vive la « vente additionnelle », c'est-à-dire l'écoulement des nouveaux produits mis sur le marché !

Si les guichetiers ne sont pas rentrés dans la logique, le plan d'action commerciale les y incitera. Selon celui de 2002, il suffit de suivre les quatre étapes suivantes d'une méthode de vente « guichet », la dernière étant la vente additionnelle et l'encaissement. S'ils restent trop réticents, des stages de formation leur inculquent les nouveaux impératifs professionnels, avec un programme quasi scientologique d'« ouverture des sens pour reconnaître son client». Pendant un à deux jours, les postiers doivent se mettre en scène dans des jeux de rôles où leur sont enseignées des règles comme le BRASMA - bonjour, regard, attention, sourire, merci , au revoir - ...

M. le Ministre délégué - Et à l'école du Parti, c'est comment ?

M. Daniel Paul - ...ou comme le OQQ - Où-Quand-Quoi - censées favoriser la vente des nouveaux produits.

Pour faire vendre, on transforme les agents en machines à vendre. Sans se soucier de l'intérêt des usagers ni du bien-être des salariés.

Nous protestons contre les déviances imposées aux agents postaux et nous réaffirmons le rôle primordial du statut des fonctionnaires pour assurer les missions de service public. Tel est le sens de notre amendement 14712.

L'amendement 14712, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 6 vise à ce que le secret professionnel soit assuré dans les mêmes conditions quel que soit l'opérateur postal concerné. La commission propose à cet effet que les obligations s'y rapportant soient inscrites dans le règlement intérieur.

M. le Ministre délégué - Favorable.

M. François Brottes - Les salariés des point poste seront-ils concernés par la convention collective ? Devront-ils s'y rattacher ?

M. le Rapporteur - J'ai déjà répondu la nuit passée. Les points poste ne relèvent pas de la convention collective, puisqu'ils sont tenus par des commerçants. Il n'en demeure pas moins que ces derniers seront soumis au respect de la confidentialité ainsi qu'à celui des règles postales. Il s'y engageront par le contrat qu'ils signeront.

Mme Marylise Lebranchu - M. Paul a soulevé de vrais problèmes et nous sommes là sur une des plus grosses failles du projet. Les habitants d'un village n'ont pas forcément envie que leur boulanger ou leur boucher, même si c'est un voisin et un ami, sache qui leur envoie du courrier. Et que se passera-t-il en cas de non-respect des obligations mentionnées précédemment ? La Poste retirera-t-elle son point de contact ? Si personne d'autre n'est susceptible de l'accueillir, que se passera-t-il ? Faudra-t-il qu'elle détache pour deux ou trois heures du personnel ? Cela coûtera cher.

M. le Ministre délégué - La convention sur la prestation postale entre la Poste et le commerçant comporte - je vous l'ai dit hier - une clause de confidentialité. Je crois que les commerçants ont autant de conscience que les postiers. Le non-respect de la convention pourra d'ailleurs conduire à sa résiliation. Alors certes, s'il n'y a pas d'autre commerçant au village, et si cela se passe au Pic du Midi de Bigorre, il sera difficile de créer un deuxième point poste. Mais je vous rappelle que sur 36 000 communes, 24 000 n'ont actuellement aucun point poste, et que 10 000 ont moins de deux cents habitants. Pour conclure par un clin d'œil amical, je vous ai apporté une copie de la une du Petit journal du 14 mai 1894, qui titre sur les nouveaux bureaux de poste à Paris. La photographie montre l'un d'eux : il est situé chez un commerçant... Vous le voyez - vous qui êtes si attachée à nos traditions postales - il n'y a pas de révolution !

M. Daniel Paul - J'ai posé en commission cette question des points poste et de la confidentialité. Elle a suscité quelques sarcasmes. Pourtant il y a des gens en situation de pauvreté ou de précarité qui, par dignité, n'ont pas envie d'étaler leurs problèmes devant quelqu'un avec qui ils n'ont pas le même rapport qu'avec un postier. Car dans la culture populaire les postiers sont porteurs d'une qualité que n'ont pas d'autres personnes et bénéficient d'une relation de confiance ; c'est cela que nous ne parvenons pas à vous faire comprendre. En commission, M. Bailly, président de la Poste, avait également balayé cette question d'un revers de main, affirmant qu'il n'y avait pas de problèmes. Et pourtant il y en a, et la convention que vous prévoyez ne suffira pas à les régler.

Quant à votre journal de 1894, Monsieur le ministre, il est pour moi un motif de confiance. Entre 1894 et aujourd'hui a été mis en place un vrai service public : on avait constaté que ce qui existait n'était pas suffisant, et l'on est passé à un stade supérieur. De même je ne doute pas qu'après avoir expérimenté ce que vous proposez, on passera derechef à un stade supérieur, dans le cadre d'une construction européenne qui fera toute leur place aux services publics.

M. Alain Gouriou - A propos de l'amendement 6, je voudrais citer un courrier reçu de l'Association des aînés ruraux, qui regroupe 740 000 adhérents en 10 000 clubs dans 83 départements. L'association souligne que, pour l'ensemble de la population, mais en particulier pour les personnes âgées, le service public est un gage de sérieux et de compétence. Confier les prérogatives de la Poste à des commerçants locaux, poursuit-elle, risque de nuire à la confidentialité à laquelle sont attachés nos compatriotes ruraux. Et l'association juge peu probable que les personnes âgées souhaitent confier la gestion de leurs finances à des commerçants ; il en résultera donc un manque à gagner pour la Poste. Vous le voyez, le mouvement associatif aussi soulève cette question, que ne traite pas bien l'amendement de M. Proriol.

M. François Brottes - Pour mériter une image, Monsieur le ministre, il faut avoir eu des bons points. L'image du XIXe siècle que vous nous avez sortie ne prouve pas que vous les ayez mérités ; et celle que je vais vous montrer en échange suggère plutôt que vous en avez récolté de mauvais. Je ne vous la présente pas sans émotion, car elle vient d'un département qui a vu naître mes grands-parents : c'est l'image d'un bureau de poste en Ardèche, aujourd'hui fermé comme une dizaine d'autres. On y avait modernisé la présence du service public, en trouvant d'autres solutions que les vôtres. Ces solutions aujourd'hui disparaissent. La Poste n'est pas coupable : elle n'a pas reçu les moyens d'assurer cette présence territoriale.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.

L'article 18 ainsi modifié est adopté.

APRÈS L'ART. 18

M. le Rapporteur - L'amendement 7rectifié concerne le patrimoine immobilier de la Poste qui va être transféré notamment à des filiales. La Poste a décidé de créer une filiale immobilière qui pourra procéder à des opérations de reclassement. Celles-ci sont assimilables à un transfert de propriété, ce qui implique de purger le droit de préemption urbain alors même que les immeubles en cause demeurent dans le périmètre du groupe La Poste et conservent leur affectation. Cette situation pénalise lourdement la Poste qui a à gérer un patrimoine foncier important. Nous proposons donc d'exonérer de telles opérations du champ d'application de ces procédures de préemption. Cette exonération ne concerne naturellement que les opérations réalisées à l'intérieur du groupe La Poste.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement comprend bien votre préoccupation. J'ai toutefois un souci constitutionnel. Tout groupe qui se restructure pourrait demander la même chose ; j'ai des doutes sur le caractère fortement inégalitaire de cette disposition.

M. le Président - Le mieux serait de retirer cet amendement, Monsieur le rapporteur, afin d'y réfléchir.

M. le Rapporteur - Soit.

L'amendement 7 rectifié est retiré.

M. Daniel Paul - Les amendements 14713, 14715 et 14714 ont pour but de défendre l'emploi public à la Poste. Nous proposons que la Poste engage, en concertation avec les organisations syndicales, un plan de titularisation des salariés de droit privé, dans la maison mère comme dans ses filiales. Il s'agit de lutter contre la précarisation croissante d'une frange non négligeable des salariés de la Poste.

M. le Rapporteur - Défavorable

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 14713, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 14715 et 14714.

M. Daniel Paul - L'amendement 14711 est défendu.

L'amendement 14711, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 19

M. le Rapporteur - L'amendement 8 de la commission tend à supprimer cet article, qui est un cavalier.

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 19 est ainsi supprimé.

APRÈS L'ART.19

M. le Rapporteur - L'amendement 14720 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 14720 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 14774 est une conséquence de l'article 8.

L'amendement 14774, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER (précédemment réservé)

M. le Président - Nous en revenons aux amendements 54 à 14640. Le Gouvernement oppose l'article 41 de la Constitution à ces amendements. Ceux-ci - au demeurant redondants avec l'article 8 du projet de loi - ne relèvent effectivement pas du domaine de la loi. L'article 41 de la Constitution leur est donc opposable. Conformément à la Constitution, je déclare donc ces amendements irrecevables.

M. François Brottes - Je veux exprimer notre étonnement devant cette initiative. Il nous a été dit, au début de la discussion, que ces amendements étaient renvoyés à la fin du texte. Nous avions conclu, Monsieur le Président, que vous aviez pris cette initiative afin de donner au Gouvernement le temps de préparer ses réponses. Nous voulions savoir, territoire par territoire, quels bureaux de plein exercice seront ou non maintenus, où seront les 10% de la population exclus d'un service public postal de proximité, quelle gamme de services sera proposée dans les points de contact. Il nous semblait indispensable de ne pas s'en tenir aux principes généraux, mais de répondre à ces questions, sinon commune par commune, au moins département par département. Notre assemblée refuse cette approche territoriale de l'avenir du service public postal. Nous devons en prendre acte, ainsi que de la position du Gouvernement et de votre propre analyse, Monsieur le Président - même si le caractère législatif de ces amendements nous semblait avéré, puisqu'ils rappelaient les grands principes de la loi, articulés par territoires.

Compte tenu de cette décision qui nous indigne profondément, je demande une suspension de séance.

M. le Président - Cette décision, que j'ai prise à la demande du Gouvernement, est conforme à la Constitution, et j'en avais informé la Conférence des Présidents. Après m'être longuement interrogé sur leur caractère législatif, je suis aujourd'hui persuadé que ces amendements ne relevaient pas de la loi. Garant du bon fonctionnement et de l'image de nos institutions, je remercie le Gouvernement d'avoir pris cette bonne décision.

M. Marc Laffineur et M. Guy Geoffroy - Très bien !

La séance, suspendue à 0 heure 30 le vendredi 21 janvier, est reprise à 0 heure 35.

TITRE

M. François Brottes - J'appelle l'attention de mes collègues de la majorité, qui seront peut-être à nouveau dans l'opposition un jour, qu'un grand nombre de leurs amendements, y compris parmi ceux du rapporteur, qui ont été adoptés, encouraient le même reproche. Nous prenons acte que la décision prise a été ciblée sur ces amendements en particulier pour que le débat n'ait pas lieu. Or, le droit d'amender, c'est d'abord le droit de s'exprimer et de solliciter du Gouvernement une explication.

Ces milliers d'amendements, loin de refléter une volonté d'obstruction, nous auraient permis d'y voir plus clair sur les conséquences de votre dispositif, territoire par territoire. En agissant ainsi, vous créez un dangereux précédent.

M. le Président - Il ne s'agit pas d'une appréciation politique, mais d'une simple lecture des institutions de notre Ve République...

M. Guy Geoffroy - Très bien !

M. le Président - En ce domaine, la dérive est ancienne et les lois empiètent sur le domaine règlementaire.

Par ailleurs, le droit d'amendement est une initiative parlementaire, et non une forme d'expression, sinon ce serait de l'obstruction ! La loi est là pour fixer des normes, des droits et des obligations. Vous disposez d'autres moyens pour vous exprimer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean Dionis du Séjour - Il a raison !

M. François Brottes - C'est pourtant bien du débat que naît une bonne norme. J'en viens à l'amendement 14726 qui tend à remplacer « régulation » par « dérégulation » dans le titre du projet de loi, pour mieux illustrer votre vision minimaliste du secteur réservé, sans doute appelé à disparaître en 2009, sans parler de l'absence de contraintes sérieuses imposées aux opérateurs.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car nous avons suffisamment prouvé tout au long de ce débat que ce texte tendait à fixer des règles équilibrées aux opérateurs du secteur postal. Nous avons beau être attachés à notre opérateur historique, nous devrons faire droit aux opérateurs entrants.

Quant à votre pile d'amendements....

M. le Président - Je vous demande de ne pas en parler, car ils ont été déclarés irrecevables !

Mme Marylise Lebranchu - Mais ne vous énervez pas ainsi, vous allez avoir une crise cardiaque !

M. le Président - Je veux simplement que cette Assemblée fonctionne à nouveau clairement !

M. le Ministre délégué - Avis défavorable au 14726.

L'amendement 14726, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

M. François Brottes - Et les explications de vote ?

M. le Président - Je n'ai été saisi d'aucune demande, mais, faisant une lecture bienveillante du Règlement, j'accepte de vous laisser la parole.

M. François Brottes - Il faut dire que nous ne nous attendions pas à voir disparaître si rapidement tous nos amendements, et que nous pensions avoir le temps de demander une explication de vote.

M. le Président - C'est vrai que si nous avions examiné vos 14 000 amendements, les explications de vote auraient eu lieu dans trois semaines.

M. François Brottes - Peut-être même plus tard (Sourires).

Nous voterons contre ce projet car, malgré quelques amendements de bonne conscience, le tarif unique du service public postal, et notamment du timbre, n'est pas garanti, aucun engagement n'a été pris pour garantir la pérennité de la distribution du courrier au domicile des usagers, ni pour maintenir un secteur réservé à la Poste. Vous n'avez pas su nous répondre sur la question de la confidentialité dans les points de contact.

Vous n'avez pas daigné reconnaître la nécessité d'imposer des contraintes territoriales aux concurrents de la Poste. Vous ne nous avez pas dit qui étaient les 10% qui se retrouvent exclus par votre dispositif des cinq kilomètres - mais les zones de montagne seront particulièrement touchées. Vous n'avez pas voulu que la banque postale soit intégralement détenue par la Poste.

Après la privatisation de France Télécom et l'ouverture du capital d'EDF-GDF, c'est donc un nouveau jour noir pour le service public, et nous voterons contre ce texte.

M. Daniel Paul - Voilà que l'on met en concurrence un grand service public, qui était il y a quelques années encore une administration, sans que l'on ait pris le temps de faire un audit de ce qui s'est passé dans ce domaine à travers l'Europe.

L'Etat se dessaisit de ses prérogatives, en transférant certaines responsabilités aux collectivités locales et en confiant à un régulateur une partie de son rôle.

Enfin, sur la mise en place d'une banque postale, certains membres de la majorité, confrontés aux interrogations des élus locaux dans leurs circonscriptions, sont eux-mêmes un peu dubitatifs. On cherche à occulter la mise à mal de la Poste ; pour notre part, nous défendons les services publics, instruments d'une société de solidarité.

Nous voterons donc contre ce projet mortel pour la poste.

M. Jean Dionis du Séjour - Monsieur le Président, je voudrais d'abord exprimer ma satisfaction de parlementaire après le carton rouge que vous avez opposé à l'obstruction, laquelle, débat après débat, allait à l'encontre d'une discussion de fond : je vous remercie de ce que vous avez fait ce soir.

Ce projet constitue un progrès. Transposant une directive européenne, il participe à l'organisation d'un marché européen. Il permet d'améliorer le service postal. Enfin, c'est une loi d'avenir pour les postiers, qui seront assurés d'avoir des postes bien rémunérés et stables. La présence dans le groupe de la Poste d'un établissement de crédit est un atout indéniable.

Nous voterons donc ce texte - qu'il faudra continuer à améliorer en deuxième lecture.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, mardi 25 janvier, à 9 heures 30.

La séance est levée le vendredi 21 janvier à 0 heure 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 25 JANVIER 2005

NEUF heures TRENTE : 1re SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion de la proposition de loi de MM. Jean-Christophe LAGARDE et Hervé MORIN (n° 2029) tendant à prévenir le surendettement.

Rapport (n° 2034) de M. Jean-Christophe LAGARDE, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

2. Fixation de l'ordre du jour.

QUINZE HEURES : 2e SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 2022) modifiant le titre XV de la Constitution.

Rapport (n° 2033) M. Pascal CLÉMENT, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Avis (n° 2023) de M. Roland BLUM, au nom de la commission des affaires étrangères.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


© Assemblée nationale