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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 51ème jour de séance, 122ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 25 JANVIER 2005

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

Sommaire

      PROCLAMATION D'UNE DÉPUTÉE 2

      FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ 2

      PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT 2

      APRÈS L'ART. 4 12

      FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 13

      A N N E X E ORDRE DU JOUR 14

La séance est ouverte à neuf heures trente.

PROCLAMATION D'UNE DÉPUTÉE

M. le Président - M. le Président de l'Assemblée nationale a reçu le 24 janvier 2005 de M. le ministre de l'intérieur une communication faite en application de l'article L.O. 179 du code électoral l'informant que le 23 janvier 2005, Mme Véronique Besse a été élue députée de la 4e circonscription de la Vendée.

FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

M. le Président - Par lettre du 18 janvier 2005, M. le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire précédemment confiée à M. Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes, avait pris fin le 21 janvier 2005.

PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Lagarde et de M. Morin tendant à prévenir le surendettement.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur de la commission des affaires économiques - Depuis dix ans bientôt, la Constitution permet d'inscrire à l'ordre du jour la discussion de textes d'initiative parlementaire. Dans ce cadre, le groupe UDF s'est efforcé de soulever des problèmes que nous rencontrons tous chaque jour sur le terrain. Tel est le cas avec la proposition que j'ai aujourd'hui l'honneur de vous présenter. Chacun sait en effet que le surendettement est à la croisée de la plupart des problèmes sociaux : outre qu'il crée ou aggrave des situations de fragilité sociale - ce qu'une rhétorique administrative un peu trop pudique appelle « les accidents de la vie » -, il est une des voies les plus sûres vers l'exclusion. Un million de foyers sont aujourd'hui surendettés, dont plus de la moitié très gravement, et en 2004, ce sont près de 200 000 familles qui sont entrées dans une procédure de traitement du surendettement.

Notre assemblée a déjà beaucoup débattu de cette question, notamment à votre initiative, Monsieur le ministre de la cohésion sociale, et en une quinzaine d'années, nous avons pu mettre en place un véritable droit du surendettement : loi Neiertz de 1989 complétée par la loi du 8 février 1995, loi relative à la lutte contre l'exclusion sociale en 1998, loi dite Borloo du 1er août 2003 complétée par la loi de programmation pour la cohésion sociale, avec la procédure de rétablissement personnel qui permet aux personnes les plus gravement endettées de repartir sur des bases satisfaisantes.

Mais s'il est désormais possible de sortir du surendettement, mieux vaut n'y pas entrer. Le volet curatif doit s'accompagner d'un volet préventif, et pour les personnes concernées, et pour la société. L'intérêt de chacun est évidemment d'éviter cette procédure. Il faut cesser de prétendre que le surendettement est volontaire car quelles que soient les mesures prises pour le traiter, nul n'en sort indemne : outre que la procédure est longue, les personnes endettées sont stigmatisées et leur banquier hésitera longtemps avant de leur consentir de nouvelles facilités financières. Le surendettement a également un coût économique et social considérable : le seul fonctionnement des commissions administratives coûte 180 millions chaque année ; s'y ajoute le coût des aides dispensées par l'Etat et les collectivités territoriales, les subsides des fonds de solidarité pour le logement ou l'énergie. S'y ajoute en outre le coût social des problèmes qui se greffent sur le surendettement dans les domaines de l'éducation, du logement ou de la famille. Enfin, la consommation et donc la croissance pâtissent considérablement de ces situations.

Chacun sait que le crédit à la consommation et notamment le crédit revolving - auquel ont eu recours 80 % des personnes surendettées - joue un rôle déterminant dans le surendettement. L'accord de ce type de crédit est en effet trop rapide et trop facile pour être sérieusement contrôlé. Plusieurs milliers d'euros peuvent ainsi être délivrés en quelques minutes à n'importe qui ou presque à la caisse d'un grand magasin ou sur internet. Certaines sociétés sont spécialisées dans ce genre de crédits, mais elles ne contrôlent pas l'encourt de crédit des emprunteurs. Il importe donc d'encadrer le crédit revolving. La loi sur la sécurité financière de 2003 tout comme la loi adoptée récemment à l'initiative de M. Chatel misent sur l'information et la volonté des consommateurs. L'encadrement de la publicité a ainsi été renforcé, les modalités de résiliation, de suspension et de gestion des crédits revolving ont été clarifiées. Néanmoins, les publicités relatives à ce type de crédit, auquel certaines personnes recourent encore de manière irraisonnée, demeurent toujours trompeuses.

Une typologie classique distingue deux types de personnes surendettées : un tiers seraient des surendettés « actifs » qui gèrent mal leur argent et leur crédit - ces personnes empruntent directement à la caisse d'un grand magasin car cela facilite un achat impulsif et parce qu'elles ne souhaitent pas aller voir leur banquier, qui est au fait de leur solvabilité ; les deux autres tiers seraient touchés par un surendettement « passif » consécutif aux « accidents de la vie ». Cette typologie ne doit pas nous amener à penser qu'il est inutile de prévenir le surendettement au prétexte que l'on ne pourrait ainsi aider qu'un tiers des personnes surendettées : un tiers des 200 000 personnes qui entrent chaque année dans le surendettement, cela représente déjà 60 000 familles ; en outre, l'« accident de la vie » ne crée que rarement le surendettement : le plus souvent, il le révèle. Dans la plupart des cas en effet, les personnes touchées mobilisent les crédits revolving qui leur avaient été accordés avant l'« accident » pour faire face à leurs charges immédiates. C'est cet endettement secondaire qui les fait le plus souvent basculer dans un endettement aggravé.

Pour prévenir ces deux types d'endettement, la proposition tend à responsabiliser les prêteurs et les emprunteurs. Les établissements de crédit doivent ainsi étudier la situation financière des souscripteurs avant de répondre positivement à leur demande. En cas de non vérification, l'établissement serait responsable de l'insolvabilité du souscripteur et ne pourrait donc pas engager de procédure de recouvrement, sauf si le souscripteur a délibérément fourni de fausses déclarations. Tel est le sens de l'article premier de la proposition.

Il semble de plus nécessaire de rendre obligatoire un délai d'agrément de sept jours, tant pour l'établissement de crédit que pour l'emprunteur, afin que la banque ait le temps de vérifier la solvabilité de l'emprunteur et que celui-ci puisse se rétracter sans avoir à rembourser les sommes déjà engagées. C'est le sens des articles 2 et 3. Il s'agit de rendre effectif le droit de rétractation. En effet, ce droit n'existe aujourd'hui que si le prêteur le prévoit dans son contrat, ce qui est rarement le cas. En outre, les crédits accordés immédiatement ne permettent pas en pratique à l'emprunteur de se rétracter lorsque les biens achetés font l'objet d'une consommation immédiate. Le délai de sept jours prévu aux articles 2 et 3 résoudrait le problème.

Il convient enfin de donner aux établissements les moyens de s'informer sur la situation d'endettement des emprunteurs. A cette fin, nous proposons de créer un répertoire des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels.

Cette idée a rencontré trois types de critiques. Le ministère des finances tout d'abord craint qu'une telle disposition ne restreigne l'offre de crédit, ralentissant ainsi la consommation et la croissance. Il ne saurait pourtant y avoir de croissance saine et durable fondée sur le surendettement, dont le coût social dépasse largement le surcroît très passager de consommation qu'il permet.

Les associations de consommateurs, ensuite, tout en jugeant l'idée intéressante, souhaitent que les données contenues dans le fichier soient strictement protégées. C'est le cas dans cette proposition de loi qui en restreint l'usage au seul examen de la solvabilité des emprunteurs - les technologies actuelles le permettent. Un amendement que je propose renforce encore l'impossibilité d'utiliser ce répertoire à d'autres fins.

Enfin, certaines sociétés de crédit craignent d'avoir à financer ce répertoire qui, de surcroît, selon elles, risque de faciliter l'implantation en France de banques européennes. A cela, j'objecte qu'un tel répertoire leur permettrait de disposer d'informations bien plus fiables sur leurs clients potentiels, et donc de sécuriser les crédits qu'elles délivrent, sans pour autant que ces informations puissent être exploitées en vue de prospections commerciales. Par ailleurs, ces sociétés de crédit utilisent déjà ce type de répertoire à l'étranger, sans que cela semble les gêner.

Géré par la Banque de France, surveillé par la CNIL, ce fichier présente des garanties satisfaisantes.

Les auteurs de cette proposition de loi n'ont pas la prétention de régler tous les problèmes de surendettement. Leur seule ambition est d'améliorer sa prévention et d'accélérer la réflexion du Parlement comme du Gouvernement. Quand chaque année quelque 200 000 familles se surendettent, il serait criminel de ne rien faire. Je tiens à cet égard à saluer l'action du ministre qui a su, depuis deux ans, lever certains tabous sur le sujet. Pour poursuivre cet effort, nous avançons trois idées. J'espère que la discussion parlementaire et le dialogue avec le Gouvernement permettront de les enrichir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - Je salue l'initiative de notre collègue Lagarde qui a le mérite d'aborder un problème réel. En effet, la prévention du surendettement est insuffisante dans notre pays, chacun s'accorde sur ce constat. En 2004, près de 200 000 familles se trouvaient en situation de surendettement. C'est devenu un véritable fléau social, voie la plus sûre vers l'exclusion. L'Assemblée en a amélioré le traitement, à l'initiative notamment du ministre Borloo, dont je salue l'action. La procédure de rétablissement personnel, nouvellement créée, permet aux familles surendettées de sortir de la spirale du surendettement. Malgré ses difficultés administratives de mise en œuvre, elle connaît une montée en puissance rapide avec 13 000 jugements d'ouverture de procédure depuis mars dernier. A terme, 35 000 foyers pourraient en bénéficier.

Le mieux pourtant, comme l'a souligné le rapporteur, serait pour les familles de ne pas tomber dans le surendettement, c'est le bon sens même. Ce point fait consensus, comme la constatation que la facilité, sinon la légèreté, avec laquelle certains crédits revolving sont accordés aggrave le surendettement, quand il ne le crée pas.

Dès lors, M. Lagarde propose de « co-responsabiliser » prêteurs et emprunteurs. Tout d'abord, en privant les prêteurs imprudents du recours aux procédures d'exécution forcée. Ensuite, en empêchant le déblocage des fonds pendant le délai de rétractation de l'emprunteur. Enfin, en créant un fichier national des crédits aux particuliers. Les deux premières idées méritent d'être étudiées. La troisième, en dépit d'intentions louables, soulève davantage de difficultés.

La commission des affaires économiques a déjà adopté une proposition de loi de notre collègue Luc-Marie Chatel relative à la protection et la confiance du consommateur, permettant notamment de lutter contre le surendettement. Pour ce qui est de la présente proposition de loi, elle avait souhaité que l'on n'en examine pas les articles tout en insistant sur la nécessité de poursuivre le travail, Monsieur le ministre. Pour ma part, je suis disposé à accepter la discussion des articles, pour autant que ne s'ouvre pas à cette occasion un débat sur des sujets qui ne peuvent pas être tranchés aujourd'hui. J'interpelle donc le rapporteur. La position de la CNIL nous interdit de voter ce matin la constitution d'un fichier national des prêts aux particuliers. En revanche, les articles 2 et 3 de sa proposition de loi ne me paraissent pas poser de problèmes particuliers et, si le ministre en est d'accord, nous pourrions parfaitement les adopter. Sous ces réserves donc, nous avons ce matin l'occasion de montrer que le travail parlementaire permet d'avancer, ensemble, sur des sujets concrets touchant à la vie quotidienne de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Abelin - Depuis le vote de la loi Neiertz en 1989, l'activité des commissions de surendettement révèle une montée continue et, semble-t-il inexorable, du phénomène. De 70 000 dossiers par an au début des années 1990, on est passé à quelque 200 000 en 2004. Depuis 1990, ce sont au total plus d'un million et demi de dossiers qui ont été déposés, et quatre à cinq millions de personnes touchées par le surendettement.

Face à cela, le législateur n'est pas resté indifférent. Il a, à plusieurs reprises, complété et fait évoluer la loi. En effet, les causes du surendettement ont changé au fil des ans : d'un surendettement actif lié à l'abus de crédits, on est passé à un surendettement plus passif, largement dépendant des accidents de la vie. Avec la procédure de rétablissement personnel instituée en 2003, nous disposons d'une panoplie complète, de traitement.

Pourquoi dès lors une nouvelle proposition de loi ? Tout d'abord, parce que les situations de surendettement ont doublé depuis dix ans, et se multiplient très rapidement depuis trois ans. Ensuite, parce que, en dépit de l'action des associations de consommateurs et des associations familiales, ainsi que des ADIL en matière de crédits immobiliers, la prévention demeure insuffisante. Malgré les progrès apportés notamment par la récente proposition de loi de notre collègue Chatel en matière d'encadrement des crédits revolving, l'information demeure largement illisible et inefficace pour une grande partie des emprunteurs. Il convient donc, tout en protégeant ceux-ci contre eux-mêmes, de responsabiliser les prêteurs de dernier rang. Le fichier national des incidents de paiement est utile, mais il ne permet, hélas, bien souvent d'intervenir que lorsqu'il est trop tard. Pour avoir présidé pendant près de vingt ans une ADIL et ayant travaillé dans un service traitant de surendettement, je puis témoigner de ce que l'information des emprunteurs ne peut à elle seule suffire. Ainsi, l'envie de devenir propriétaire est si forte chez certains de nos concitoyens que, de bonne foi ou non, ils oublient de signaler à la banque tous leurs crédits annexes et ignorent les simulations financières. Pour peu que les prêteurs pensent d'abord à leur commission, on court vite au désastre ! De même, les crédits revolving deviennent un piège pour de nombreuses familles aux charges beaucoup trop élevées par rapport à leurs ressources qui voient, dans une nouvelle proposition de crédit, un ballon d'oxygène, alors que ce crédit ne fera que les mettre davantage en difficulté. On compte en moyenne quatre crédits par famille surendettée. Et ne sont pas seulement touchées les familles à revenus modestes. J'ai ainsi eu à connaître d'un couple de fonctionnaires, aux revenus substantiels et stables rassurant les prêteurs, qui avait réussi l'exploit de cumuler 51 crédits à la consommation ! Seul le recensement exhaustif des encours de crédits aurait pu alerter plus tôt les prêteurs.

Un fichier comme celui que notre rapporteur propose de créer existe déjà dans neuf pays européens. Certains craignent qu'il porte atteinte aux libertés publiques. Mais d'une part, l'accord de l'emprunteur sera obligatoire, d'autre part, le fichier sera exclusivement géré par la Banque de France et l'accès en sera réservé aux seuls établissements habilités par la loi.

A ceux qui craindraient un effet négatif sur la croissance, je dirai que l'interrogation du fichier permettra d'élargir l'accès au crédit aux populations actuellement écartées par les systèmes de « scoring » utilisés par les établissements.

A ceux qui objecteraient le coût de ce fichier, je demanderai de le comparer au coût social du surendettement et au coût de traitement des dossiers.

Les débats en commission ont montré que tous les groupes souhaitaient prévenir le surendettement. Le groupe socialiste a approuvé une proposition en ce sens. Une centaine de députés UMP ont signé une autre proposition. Les associations familiales sont favorables à l'adoption d'un dispositif.

Pendant l'examen du projet sur la ville et la rénovation urbaine, le groupe UDF avait déjà proposé, par la voix de Jean-Christophe Lagarde, la création d'un tel fichier. Monsieur le ministre, vous déclariez alors : « Je ne sais pas encore quelle forme il pourra prendre. Fichier personnel, carnet, fichier d'information, peu importe comment on l'appellera. Il faudra peser les avantages et les inconvénients et se préserver des marchands d'informations. On peut et on doit le faire. Je suis convaincu que, sur ce point crucial, même si c'est difficile, un accord global devrait être trouvé, j'espère avant la fin de l'année. » C'était le 11 juillet 2003.

Monsieur le ministre, vous qui avez beaucoup fait contre le surendettement, Monsieur Chatel, pourquoi attendre encore ? On sait quels délais seront nécessaires pour mettre au point le système informatique qui découlera de la loi. Pourquoi refuser d'avancer ? Le temps est paraît-il à l'action et à la « positive attitude »... Vous avez l'occasion de le prouver. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Claude Sandrier - Cette proposition porte sur une question difficile et douloureuse. Le surendettement, qui affecte un million de foyers, est symptomatique des difficultés que rencontrent nos concitoyens. Il symbolise l'échec d'une société passée sous la tutelle des marchés financiers et dans laquelle l'être humain compte moins que le CAC 40 et le rendement des dividendes.

Notre pays compte 1,3 million d'allocataires du RMI, soit une augmentation de 10,5 % en deux ans. Il compte 2,5 millions de chômeurs, 1,5 million de personnes vivant avec moins de 400 € par mois et 2 millions d'enfants vivant sous le seuil de pauvreté. Ces chiffres sont en augmentation constante et la politique du Gouvernement n'a fait qu'aggraver la situation. Un récent rapport du Secours catholique demande de mettre un terme à « ces emplois qui produisent de la pauvreté, conséquences d'une société de plus en plus libérale et américanisée ».

Il est compréhensible qu'un groupe de la majorité se penche sur la question du surendettement, qui fait aussi partie de votre bilan. Mais il n'est pas inutile de rappeler que les chiffres alarmants que je viens de citer sont d'abord le fruit d'une politique qui sacrifie l'être humain à la rentabilité financière. Les rendements aujourd'hui exigés vont de 15 à 20 %, ce qui est économiquement suicidaire. Il faut valoriser le travail plutôt que le capital. Cela permettrait d'améliorer l'emploi et le pouvoir d'achat, ce qui ferait disparaître de nombreux cas de surendettement.

Il n'est pas non plus inutile de rappeler que les gouvernements successifs de M. Raffarin ont choisi d'alléger les prélèvements sur les plus riches en alourdissant les autres. Relèvement de la CSG, moindre remboursement des prestations de santé, hausse des prix et des taxes, allongement du temps de travail avec diminution du salaire horaire, gel des salaires : je pourrais multiplier les exemples de mesures amputant le pouvoir d'achat des ménages. Elles sont, avec la multiplication des emplois précaires, la cause essentielle du phénomène de masse que constitue le surendettement.

Nos concitoyens ne s'y trompent pas, qui sont 75 % à se dire prêts à descendre dans la rue pour défendre leur pouvoir d'achat.

Cette proposition, compte tenu des enjeux, n'a donc qu'un caractère marginal. Nous ne pouvons que nous réjouir que son auteur souhaite renforcer la prévention et mieux encadrer le crédit renouvelable. Mais l'enjeu majeur est aujourd'hui le droit au crédit. Trop de nos concitoyens se trouvent exclus de la possibilité de souscrire un prêt. Il n'y a pas de droit au crédit en France et les organismes prêteurs ont la totale liberté d'accorder ou non un prêt. Nombre de nos concitoyens sont ainsi amenés à souscrire des crédits renouvelables à des taux proches du taux d'usure. Ces offres, qui prolifèrent, jouent un rôle déterminant dans 80 % des cas de surendettement.

Reconnaître un droit au compte et un droit au crédit à des taux préférentiels pour les personnes les plus fragilisées constituerait une avancée significative. Dépositaires de fonds propres constitués encore majoritairement du fruit du travail des salariés, les établissements bancaires ne sauraient en effet s'exonérer de leurs responsabilités d'intérêt général. Ce droit au crédit serait le meilleur des remparts contre les pratiques prédatrices de certains organismes de prêt à la consommation, qui exploitent de façon éhontée le désir légitime de nos concitoyens d'améliorer leur niveau de vie et d'accéder à certains biens d'équipement.

La multiplication des situations de détresse liées au surendettement résulte également de la faiblesse de la réglementation sur la publicité en faveur des crédits à la consommation, qui se multiplient dans la presse populaire et à la télévision. En première lecture, une collègue socialiste avait fait un rapprochement pertinent avec la publicité sur le tabac.

Par ailleurs, il faudrait abaisser le seuil du taux d'usure à 10 % de plus que le taux légal, au lieu de 30 % actuellement, les taux d'intérêt actuellement proposés pour les crédits à la consommation étant scandaleusement élevés.

Or, vous ne proposez rien de tel.

Nous ne pouvons que vous faire part de certaines préventions à l'égard du fichier positif. Cette idée n'est pas nouvelle. Depuis 2002, le Gouvernement cherche un moyen d'instaurer un tel fichier pour endiguer le fléau du surendettement. C'était une idée chère à Francis Mer.

Or, si 70 % des cas de surendettement font suite à un « accident de la vie » - le plus souvent, la perte d'un emploi -, ce n'est pas un fichage qui redonnera aux intéressés des moyens financiers. Ce sont de véritables aides publiques qu'ils ont besoin, mais elles leur sont refusées, ce qui les pousse vers les maisons de crédits. Ce n'est pas faire du misérabilisme que de le souligner, c'est établir un simple et triste constat.

La précarité des ménages constitue une formidable aubaine pour les organismes de crédits, qui se donneront simplement bonne conscience en constatant l'absence d'inscription au fichier pour ouvrir un crédit à la consommation.

Le fichier positif ne créera aucun droit supplémentaire, mais fera courir des risques supplémentaires de surendettement et empêchera plusieurs milliers de familles de passer un cap difficile de leur vie, pour cause de surendettement passager. Le fichier positif est le type même de la fausse bonne idée. Il faut tout de même rappeler que 98 % des crédits sont remboursés sans aucun problème.

Nous avons déposé un certain nombre d'amendements pour améliorer ce texte. Nous déterminerons notre vote en fonction de l'accueil qui leur sera fait. Nous regrettons que vous souhaitiez limiter le débat à un seul des quatre articles. C'est sans doute pour adopter les amendements du groupe communiste...

M. le Rapporteur - C'est sûrement cela !

M. Luc-Marie Chatel - Le surendettement est un sujet de préoccupation majeur et je salue l'initiative de Jean-Christophe Lagarde. Elle vient après de nombreux travaux parlementaires et une initiative semblable de notre collègue du groupe UMP, Jacques Masdeu-Arus.

Le Gouvernement se préoccupe du problème. En trois ans, un certain nombre de dispositions ont été votées. La loi sur la sécurité financière améliore l'information de l'emprunteur. Monsieur le ministre, sur la faillite civile, vous avez su faire bouger les lignes. A partir d'une expérience locale, vous avez réussi à nous convaincre. Enfin, la semaine dernière, l'Assemblée nationale a adopté des dispositions tendant à améliorer l'information du consommateur dans le domaine des crédits renouvelables. L'emprunteur pourra à tout moment résilier son contrat, ce qui rompt avec le système de tacite reconduction. La durée des crédits non utilisés sera en outre limitée à trois ans. Nous avons eu des débats de qualité, qui ont transcendé nos clivages.

Le surendettement, lié à la multiplication des offres dans la société de consommation, est souvent causé par un accident de la vie. Dans le cadre de la mission parlementaire que m'avait confiée le Premier ministre, j'ai participé à des commissions de surendettement et j'ai pu voir quels drames pouvaient provoquer un divorce ou la perte d'un emploi. Aujourd'hui, le phénomène du surendettement touche 2 à 3 % de nos concitoyens. Chaque année, 160 000 d'entre eux tombent dans cette spirale infernale.

Le Parlement a déjà beaucoup travaillé sur cette question de la responsabilité des prêteurs. Le fichier négatif des incidents de paiement tenu par la Banque de France est peu efficace et il faudra l'améliorer. Le débat porte aujourd'hui sur un fichier positif. A l'issue de ma mission parlementaire, j'étais favorable à sa création. D'autres pays en ont pris l'initiative et nous pourrions nous inspirer en particulier de ce qu'a fait la Belgique il y a deux ans.

Cependant, au fil des débats, il m'est apparu qu'il fallait affiner le concept qui soulève beaucoup de questions. Qui gèrerait ce fichier ? La Banque de France probablement, comme c'est le cas de la Banque centrale en Belgique, mais la question n'est pas tranchée. Sur le financement, il n'y a pas consensus, non plus que sur l'utilisation du fichier. Serait-elle obligatoire ? Ce n'est pas le cas en Allemagne, ce l'est en Belgique. Y ferait-on figurer les seuls crédits à la consommation, l'ensemble des crédits, voire d'autres données concernant les dépenses courantes ? Il y a là un débat de fond. Et la consultation de ce fichier serait-elle réservée aux professionnels ou ouverte aux clients ? Enfin, on sait qu'aux Etats-Unis des organismes financiers s'en servent pour des opérations de promotion. Il faudrait au moins prendre toutes les précautions dans ce domaine, et c'est ce qui a motivé l'avis réservé de la CNIL pour l'instant.

Si l'idée d'un fichier positif fait son chemin, il s'agit donc d'un objectif à moyen terme. Il faut d'ailleurs convaincre l'ensemble des acteurs. Chez les professionnels, quelques organismes prêteurs la soutiennent, mais les banques y sont absolument opposées. Les associations de consommateurs sauf une lui sont également défavorables, ce qui a conduit à un vote négatif du Conseil national du crédit et du titre. Le groupe UMP considère donc qu'il faut aller plus loin et, avec le Gouvernement, mener une action pédagogique et affiner ce concept.

D'autre part, le rapporteur nous propose une seconde mesure, qui serait d'application immédiate. Il s'agirait de rendre obligatoire un délai de sept jours, prévu à titre facultatif dans le code de commerce, qui permettrait au prêteur de vérifier la solvabilité du client. Il ferait pendant au délai accordé à l'emprunteur pour se rétracter. Grâce à l'ouverture du Président Ollier, nous avons pu débattre largement en commission. Si celle-ci a rejeté l'idée de discuter de l'ensemble des articles, nous souhaitons cependant pouvoir adopter cette mesure de bon sens qu'est le délai de 7 jours. Le groupe UMP votera donc les articles 2 et 3 de la proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Alain Vidalies - Dans le fil de la démarche initiée il y a quinze ans par les lois Neiertz, cette proposition de loi vise à prévenir le surendettement. L'objectif est louable. L'adoption de la loi sur le rétablissement personnel a constitué une avancée importante. Mais à l'évidence on ne peut se soucier uniquement des conséquences : mieux vaut prévenir que guérir.

Il est d'ailleurs paradoxal d'avoir fait voter cette procédure de rétablissement personnel dans la loi Borloo au moment où le Gouvernement supprimait pratiquement la moitié des succursales de la Banque de France, chargées de gérer les dossiers de surendettement.

M. Hervé Morin - Cela peut se faire ailleurs.

M. Alain Vidalies - Selon la dernière enquête de la Banque de France, plus de 80 % des dossiers de surendettement comportent quatre crédits renouvelables ou plus. Le lien entre ce fléau qui frappe chaque année 160 000 familles supplémentaires et les conditions de distribution du crédit est donc clair, en particulier pour le crédit à la consommation accordé sans contrôle à la caisse du magasin et qui fait l'objet de publicités racoleuses. Il est assez extraordinaire que cette absence de contrôle soit même devenu un argument pour les prêteurs. Tel grand groupe de la distribution vante ainsi la simplicité d'accès à une « réserve d'argent », sans justificatif de salaire, sur simple présentation d'un RIB, d'un chèque annulé et de la photocopie d'une pièce d'identité. Telle grande banque propose « un amour de crédit pour profiter des soldes ». Mais c'est un amour tarifé au prix fort ! Au quatrième trimestre 2004, les taux effectifs étaient de 14,59 % pour les crédits inférieurs à 1 524 € et de 12,25 % pour les découverts et réserves d'argent. Bien entendu, à ce niveau, acheter à crédit devient une conduite à risque pour les plus modestes au moment où les salaires et les revenus stagnent.

Pourtant, certaines banques ne s'en contentent pas. Dernièrement, le directeur délégué général de BNP Paribas déclarait à un quotidien économique que plus les crédits sont de faible montant, plus le taux de l'usure devient un frein au développement du marché sub prime, celui que représentent les emprunteurs présentant un risque élevé. Pour certaines grandes banques, la solution est de déplafonner le taux de l'usure pour les crédits aux plus modestes !

Devant de tels errements, le législateur doit organiser la prévention du surendettement. La proposition du groupe UDF est de mettre à la charge du prêteur une obligation de s'informer sur la solvabilité de l'emprunteur et de créer un délai de réflexion de 7 jours. Nous approuvons ces mesures qui font l'objet des trois premiers articles.

Mais la principale innovation serait la création d'un fichier positif géré par la Banque de France et consultable après accord de l'emprunteur. La création de ce fichier fait débat, notamment parmi les associations de consommateurs. L'obligation d'information, à la charge du prêteur, sur la situation financière de l'emprunteur est certes un objectif largement partagé, mais les réponses diffèrent : on propose notamment régulièrement l'obligation, pour le prêteur, de consulter le fichier des incidents de paiement. Les opposants au fichier positif lui reprochent d'être une intrusion inacceptable dans la vie privée des demandeurs. Ils insistent également sur le risque de détournement ou d'utilisation commerciale de ce fichier. Mais la proposition de loi semble apporter toute garantie à ce sujet, dès lors que le fichier sera exclusivement tenu par la Banque de France et consultable uniquement avec l'accord de l'intéressé.

Au moment où la création d'un dossier médical personnel informatisé pour chaque Français a été acceptée, il est d'ailleurs singulier d'insister sur les risques d'atteinte à la vie privée pour l'état des crédits en cours ! Ancien membre de la CNIL, j'avoue que la différence d'appréciation qu'elle porte sur les deux cas me laisse dubitatif...

M. le Rapporteur - Très bien !

M. Alain Vidalies - Le groupe socialiste est favorable à la création du fichier positif tel qu'il est encadré dans la présente proposition. Il avait évoqué le risque de merchandisation à propos du dossier médical personnalisé, car les données de santé ne seront pas concentrées dans un établissement public, comme nous l'avions proposé, mais déléguées à des structures privées gestionnaires. Les cas de détournement ou de faillite ne sont toujours pas réglés, mais cela ne semble avoir frappé, à l'époque, ni le Gouvernement, ni la CNIL...

En matière de crédit donc, une série de faux arguments nous empêchent d'avancer chaque fois qu'une proposition, même modeste, serait susceptible de mettre en cause la responsabilité du prêteur. Il y a quelques jours, lors de la discussion de la proposition de loi de M. Chatel, j'ai encore proposé de faire, simplement, figurer le taux de l'usure dans les contrats. Si le refus est motivé par l'espoir des grands organismes bancaires de proposer des crédits au-delà du taux de l'usure pour les plus modestes, qui représenteraient un risque majeur, il me semble qu'il est temps que le législateur prenne ses responsabilités ! Nous ne pouvons continuer à constater de tels errements. Le fait que d'autres pays appliquent ces réponses depuis des décennies me paraît être un argument déterminant. La proposition de loi, en créant un fichier positif, une obligation d'information à la charge du prêteur et un délai de réflexion pour l'emprunteur va dans la bonne direction. Le groupe socialiste est favorable à l'adoption de tous ses articles.

M. Daniel Boisserie - Cette proposition de loi est le deuxième texte en une semaine qui concerne la politique du crédit. On peut regretter un tel doublon. Quant à celui qui a dernièrement été adopté définitivement par le Parlement, Alain Vidalies, au nom du groupe socialiste, l'a qualifié de « tromperie sur la qualité substantielle de la marchandise »... Ceci étant rappelé, force est de constater la montée en puissance du surendettement, qui touche entre 500 000 et un million de foyers. L'augmentation des dossiers est de 160 % depuis 1994, et de 105 % en une seule année pour la Haute-Vienne. Mais, malgré ces chiffres, le lobby bancaire a sans doute pesé de tout son poids pour que ce texte ne voie pas le jour. Le marché du crédit en France présente en effet un fort potentiel de développement : les encours de crédit à la consommation y représentent 2 000 € en moyenne par client, contre 4 000 en Grande-Bretagne et 6 000 aux Etats-Unis. Le total représentait 113,4 milliards à la fin 2003. Ces chiffres ont de quoi attiser les appétits de marchands d'argent !

Mais il faut aussi tenir compte des signes particulièrement inquiétants concernant l'évolution du pouvoir d'achat des ménages. Le poids énorme des dépenses immobilières pour les jeunes ménages, et notamment pour ceux qui doivent s'équiper, emporte leur précarisation croissante, alors que l'emploi de cette frange de population est également fragile. Il faut créer des garde-fous à leur intention. Une autre catégorie de surendettés augmente elle aussi dans des proportions préoccupantes : ce sont les personnes à faibles revenus qui, appauvries par le chômage, la maladie ou le divorce, ne peuvent s'acquitter de leurs dettes dans les délais alors qu'elles parviennent avec d'énormes difficultés à assumer les charges courantes.

Cette proposition de loi est intéressante et parfaitement justifiée puisque, dans ce contexte économique, elle permet de remédier à l'insuffisance de la protection législative. La loi du 21 janvier tendant à redonner confiance au consommateur n'est pas satisfaisante, et celle du 1er août 2003 ne permet pas de lutter efficacement contre le surendettement. Il faut agir plus énergiquement, en obligeant les établissements de crédit à vérifier la solvabilité de leurs clients. La proposition a l'intérêt d'aborder le problème du point de vue de la protection de l'emprunteur, et non du prêteur. La responsabilisation des établissements de crédit est absolument nécessaire et il faut se montrer plus coercitif compte tenu des pratiques scandaleuses auxquelles donnent lieu les offres de crédit.

Trois points me semblent particulièrement intéressants dans cette proposition. D'abord, les emprunteurs disposeront désormais d'un délai de rétractation de sept jours qui leur permettra, le moment de la tentation passé, de faire le point sur les conséquences de l'emprunt sur leur budget. Ensuite, les organismes de crédit devront assumer les conséquences d'une information insuffisante sur la solvabilité de leurs clients, en cas de défaillance de ces derniers. Enfin, un fichier positif tel qu'il en existe dans d'autres pays doit être créé. On prétend que les établissements bancaires et les associations de consommateurs sont contre. On conteste également son efficacité et on rappelle que la CNIL y est défavorable. Certes, le fichier ne prendrait pas en compte tous les types de dettes, mais il constituerait un instrument de prévention. Par ailleurs, les établissements bancaires, qui sont contre, réclament un fichier des incidents de paiement des dettes non bancaires, ce qui semble assez contradictoire avec leur position.

Cependant, malgré les aspects très positifs de cette proposition de loi, je regrette des insuffisances. Ainsi, il serait souhaitable que le fichier soit étendu à tous les organismes de crédit européens, car les banques françaises sont loin d'être les seules à s'intéresser à ce marché. Je regrette aussi que la proposition n'évoque pas une intervention de l'Etat nécessaire pour que les ménages en difficulté puissent emprunter à des taux plus raisonnables, il faut en effet encadrer les taux des crédits revolving. Je regrette également qu'elle n'aille pas plus loin dans la défense des personnes en grandes difficultés et qu'elle ne traite pas du problème des frais occasionnés par les découverts bancaires. Les banques perçoivent à cette occasion des taux usuraires. Le rejet d'un chèque de 20 € engendre des frais d'un montant trois fois supérieur : ce n'est plus acceptable. En outre, la complexité des relevés bancaires ne facilite pas la gestion d'un budget : je suis bien incapable de comprendre, sur certains relevés, le calcul des pénalités et les raisons qui les motivent ! Le surendettement est ainsi le début d'une spirale fatale. De ponctuelles, les difficultés financières deviennent permanentes car le surendettement entraîne bien souvent la privation des carnets de chèques et de la carte de crédit. Il conduit même parfois la personne à être privée d'établissement bancaire. C'est le début de la marginalisation, car comment faire alors pour payer ses dettes ou encaisser son salaire ou les prestations des organismes sociaux ?

Mais, au delà du surendettement, se pose plus largement la question de l'action du Gouvernement envers les plus modestes. Même s'il est vrai que le surendettement a commencé lorsque l'accession à la propriété s'est fortement développée, dans les années 1975-1980, avec des prêts à 13 % encadrés par des contrats difficilement renégociables, aujourd'hui tout augmente, sauf les salaires ! Comment peut-on survivre avec un RMI de 368 € par mois, forfait logement déduit ? Comment peut-on vivre avec un SMIC après avoir payé l'eau, l'électricité, le loyer et les assurances, sans recourir à ces crédits éblouissants, mais meurtriers ? Cette proposition de loi, même incomplète, est donc un pas important pour la défense des consommateurs, notamment les plus fragiles. Protégeant l'emprunteur des excès de prêteurs peu scrupuleux, elle répond aux souhaits des socialistes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Je suis heureux d'observer que l'étude de cette proposition de loi de M. Lagarde et de M. Morin a retenu l'attention de parlementaires de tous les bancs.

En premier lieu, je remercie les membres des commissions de surendettement et les magistrats qui, depuis 2004, ont considérablement amélioré la situation des Français surendettés grâce à un meilleur fonctionnement de nos procédures.

Bien que le nombre de personnes n'ayant pas accès à ces procédures reste inconnu, quelques chiffres : plus de 94 000 conventions ont été signées pour la sortie du traitement de la commission de surendettement, près de 6 000 par clôture des procédures, 31 000 par recommandations homologuées par des magistrats, un peu moins de 17 000 ont bénéficié de la procédure de rétablissement personnel, et enfin les dossiers en cours de traitement sont plus de 60 000. Ce chiffre, énorme, justifie l'adoption de la proposition de loi de M. Chatel pour la protection du consommateur la semaine dernière et l'examen de cette proposition de loi aujourd'hui.

En matière d'information, plusieurs procédures étaient possibles : rendre obligatoire l'utilisation du fichier des incidents de paiement ou bien recourir à des procédures telles que celle du fichier positif. Sur ce sujet grave, il convient de garder un équilibre entre responsabilité des emprunteurs et protection de l'accès au crédit des plus modestes.

Le Gouvernement est convaincu qu'il faut aller vers une information générale et obligatoire. Pour autant, la position de l'association consommation, logement et cadre de vie, la CLCV, montre combien ce sujet, délicat, mérite un travail approfondi. Je propose donc qu'un parlementaire soit désigné pour mener une réflexion sur la question du fichier positif avec l'ensemble des acteurs.

Nous sommes donc formellement opposés à l'adoption des articles premier et 4 relatifs au fichier positif. En revanche, le Gouvernement est favorable à l'instauration d'un délai de sept jours prévue aux articles 2 et 3 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - La commission n'ayant pas présenté de conclusions, conformément au troisième alinéa de l'article 94 du Règlement, l'Assemblée est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du projet de loi. Conformément aux dispositions du même article, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

M. le Président de la commission - Le Gouvernement rejette les articles premier et 4 mais accepte les articles 2 et 3 sous réserve qu'ils ne soient pas amendés. La commission suivra l'avis du Gouvernement et votera le passage à la discussion des articles.

M. Hervé Morin - En tant que co-signataire de cette proposition de loi et au nom du groupe UDF, je remercie le ministre de l'ouverture d'esprit et de la rare capacité de dialogue dont il a fait preuve...

Un député UMP - Ce matin, l'UDF ne tenait pas le même discours sur France 2 !

M. Hervé Morin - Sa proposition nous convient parfaitement. Puisque nous avons la chance de connaître un système bicaméral, nous pouvons très bien adopter deux des quatre articles de cette proposition de loi et revenir sur la question du fichier positif au terme d'un travail approfondi. Il sera toujours temps, au moment de l'examen de la proposition de loi au Sénat, d'inscrire le fichier positif dans la loi.

Pour ma part, je suis convaincu que ce fichier est la seule solution pour éviter le surendettement. Pour certains, il est toujours temps d'attendre ! Depuis vingt ans, on nous le répète à l'envi. Pour éviter le surendettement compulsif, il faudra pourtant rendre plus responsables les organismes de crédit.

Nous sommes favorables à la désignation d'un parlementaire ou d'une mission parlementaire, composée de députés de la commission, pour travailler à ce que nous souhaitons vraiment : l'élaboration du fichier positif pour prévenir le surendettement.

M. Luc-Marie Chatel - Toute avancée est bonne à prendre. Le groupe UMP est favorable à la disposition instaurant un délai de sept jours pour une meilleure protection de l'emprunteur, les articles sur le fichier positif ayant été renvoyés à un travail plus approfondi dans les mois prochains. Notre groupe votera donc le passage à l'examen des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies - Comme toujours, la majorité et le Gouvernement s'opposent à ce que toute disposition engageant la responsabilité du prêteur soit votée. Vous aviez déjà refusé de faire mentionner le taux d'usure ou encore d'interdire la publicité pour le crédit renouvelable, crédit particulier à l'origine de nombreuses situations de surendettement.

Nous préférions la solution du fichier positif à celle de l'obligation de consultation du fichier des incidents de paiement, mais ni l'une ni l'autre ne sera retenue.

Le délai de sept jours constitue une avancée véritable, quoique modeste. Nous ne ferons pas d'obstruction ni ne nous opposerons car ce serait pénaliser les Français. Si la majorité et le Gouvernement restent hostiles à toute remise en cause de la responsabilité des banquiers, ils veulent bien faire davantage appel à la capacité de réflexion de l'emprunteur. Nous nous associerons à cette avancée tout en restant particulièrement vigilants à la suite donnée aux travaux législatifs sur le surendettement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'Assemblée, consultée, décide de passer à la discussion des articles de la proposition de loi.

M. le Rapporteur - En réponse à ce qui a été dit sur le prétendu refus de la majorité de mettre en cause la responsabilité du prêteur, je dirai que les articles 2 et 3, par ce délai de réflexion, instaurent bien une responsabilité du prêteur qui pourra vérifier la solvabilité de l'emprunteur.

Auteur de cette proposition de loi, je souhaiterais bien évidemment qu'elle soit adoptée dans son intégralité, mais sur un sujet aussi complexe, je comprends le souci du Gouvernement de trouver un juste équilibre, et je me rallie à sa position, d'autant plus que je suis persuadé qu'il ne s'agit pas de noyer le processus législatif, tous les groupes parlementaires, à l'exception des communistes, étant favorables à la création d'un tel répertoire. Les difficultés techniques, l'ajustement européen, la nécessité de convaincre la CNIL, justifient de mettre entre parenthèses les articles premier et 4, qui tendaient à pousser le prêteur à vérifier la solvabilité de l'emprunteur.

Quant aux articles 2 et 3, ils visent à rendre effectif le droit de rétractation.

Nous faisons avancer deux idées simples, celle qu'il y a une co-responsabilité dans l'emprunt, et celle que l'achat à crédit est un acte de consommation à part, qu'il convient d'encadrer.

Le processus proposé par le Gouvernement me paraît satisfaisant et préparera le terrain pour la loi qui devrait arriver dans quelques mois.

L'article premier, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2 et l'article 3, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 4, mis aux voix, n'est pas adopté.

APRÈS L'ART. 4

M. Jean-Claude Sandrier - Les publicités sur les offres de crédit se multiplient et développent souvent un message déresponsabilisant qui peut conduire au développement du surendettement.

Parce qu'interdire ce type de publicité porterait atteinte à la concurrence entre les établissements de crédit, l'amendement 3 tend à ce que ces offres informent systématiquement l'emprunteur des risques du crédit à la consommation, qui peut le conduire au surendettement.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. J'adhère complètement à la position du président du Conseil constitutionnel, qui veut que dans la loi ne figurent que des dispositions de nature législative : ce n'est pas le cas des mesures que vous proposez.

Je trouve d'ailleurs ridicule la multiplication dans la loi d'affirmations telles que « fumer tue », ou « l'abus d'alcool nuit à la santé », alors que nous devons lutter contre l'inflation législative.

M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes - Avis défavorable.

L'amendement 3, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier - Je comprends les arguments du rapporteur, mais s'il est avéré que le tabac tue, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le dire, y compris dans la loi.

Le seuil de l'usure applicable aux crédits aux particuliers est aujourd'hui très élevé et de nombreux organismes de crédit pratiquent des taux proches de ce taux d'usure, toujours à la limite de la légalité, ce qui augmente d'autant le coût du crédit pour les particuliers.

Pour ces raisons, l'amendement 2 tend à redéfinir le seuil de l'usure pour que constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global excédant de 10 % le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit pour des opérations de même nature .

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement, auquel je suis défavorable à titre personnel, car il reviendrait à exclure encore plus de Français de l'accès au crédit.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable.

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Sandrier - Il n'existe pas en France de droit au crédit, et rien n'oblige un organisme prêteur à motiver son refus. 40 % des Français sont aujourd'hui exclus du crédit, du fait des méthodes particulièrement restrictives des établissements bancaires, et nombreux sont ceux qui se tournent vers des organismes moins scrupuleux.

A l'heure où le Gouvernement s'interroge sur le problème du surendettement, nous proposons, par cet amendement 4, d'instaurer un dispositif qui permettrait au public le plus large d'accéder au crédit en cas d'événement grave, moyennant la garantie de l'Etat.

M. le Rapporteur - S'il y a une mission parlementaire, nous pourrons travailler sur ce sujet, comme l'a indiqué le ministre, aussi cette disposition est-elle inutile.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable.

L'amendement 4, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 10 février 2005 inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents. Il sera annexé au compte rendu de la présente séance.

En outre, la Conférence des présidents a décidé que les votes solennels sur le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution et sur la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, auraient lieu respectivement les mardi 1er février et 8 février, après les questions au Gouvernement .

Enfin, la procédure d'examen simplifié a été engagée pour la discussion de sept projets de ratification de conventions internationales, inscrits à l'ordre du jour du jeudi 10 février.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 15.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

A N N E X E
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 10 février 2005 inclus a été ainsi fixé ce matin en Conférence des Présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution.

MERCREDI 26 JANVIER, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 27 JANVIER, à 9 heures 30 :

_ Proposition, adoptée par le Sénat, relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement ;

(Séance d'initiative parlementaire)

15 heures et 21 heures 30 :

_ Éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;

_ Proposition, adoptée par le Sénat, relative à la création du registre international français.

MARDI 1er FÉVRIER, à 9 heures 30 :

_ - Questions orales sans débat ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution ;

_ Proposition de M. Patrick OLLIER et plusieurs de ses collègues portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

MERCREDI 2 FÉVRIER, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 3 FÉVRIER, à 9 heures 30, à 15 heures et à 21 heures 30 :

_ Éventuellement, texte de la commission mixte paritaire sur le projet pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;

_ Suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 8 FÉVRIER, à 9 heures 30 :

_ Questions orales sans débat ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise ;

_ Projet, adopté par le Sénat, relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux.

MERCREDI 9 FÉVRIER, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures 30 :

_ Projet, adopté par le Sénat, relatif aux aéroports.

JEUDI 10 FÉVRIER, à 9 heures 30 :

_ Éventuellement, texte de la commission mixte paritaire sur le projet relatif au développement des territoires ruraux ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière d'affaires intérieures ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure ;

_ Projet autorisant l'approbation du protocole établi conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne modifiant, en ce qui concerne la création d'un fichier d'identification des dossiers d'enquêtes douanières, la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la Convention internationale pour la protection des végétaux (ensemble une annexe), telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Rome par la vingt-neuvième session de la conférence de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (ensemble deux annexes) ;

_ Projet, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord international de 2001 sur le café (ensemble une annexe) ;

(Ces sept textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en application de l'article 107 du Règlement)

_ Deuxième lecture du projet relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale ;

à 15 heures et, éventuellement, à 21 heures 30 :

_ Éventuellement, suite de l'ordre du jour du matin ;

_ Deuxième lecture du projet portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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