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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 55ème jour de séance, 133ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 2 FÉVRIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

DIRECTIVE « BOLKESTEIN » 2

TRANSPOSITIONS DES DIRECTIVES EUROPÉENNES 2

TEMPS DE TRAVAIL EN EUROPE 3

GESTION DES FONDS EUROPÉENS 4

POLITIQUE DU MÉDICAMENT 4

DÉCLARATIONS DE NAISSANCE 5

INDEMNISATION DES COMMUNES SINISTRÉES
À LA SUITE DE LA CANICULE DE 2003 5

CRISE DE LA VITICULTURE 6

RELATIONS ENTRE L'ADMINISTRATION FISCALE
ET LES CONTRIBUABLES 7

DÉFAILLANCES D'ENTREPRISES 8

CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DE TRANSPORT 9

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE 9

RÉFORME DE L'ORGANISATION
DU TEMPS DE TRAVAIL
DANS L'ENTREPRISE (suite) 10

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 10

AVANT L'ARTICLE PREMIER 22

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le Président - Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens.

DIRECTIVE « BOLKESTEIN »

M. Pierre Cohen - Depuis un mois se concocte une directive relative aux services dans le marché européen dite directive « Bolkestein » qui tend à favoriser la libre circulation des salariés et des services afin de procéder à des simplifications administratives et de dynamiser la concurrence. Elle repose sur le principe dit « du pays d'origine » qui implique qu'un prestataire de service est uniquement soumis à la loi de son pays d'origine et n'est en rien obligé de se conformer aux lois et aux règlements du pays d'accueil. Ainsi, une entreprise du bâtiment originaire d'un pays européen pourra, en France, être soumise à une fiscalité différente de celle des entreprises françaises, appliquer une réglementation plus laxiste par exemple sur le plan de la sécurité, ainsi qu'un droit du travail et des salaires au rabais. Il s'agit d'une concurrence déloyale, symptomatique d'un libéralisme qui procède à de nombreuses dérégulations. Outre que cette directive met à mal toutes les avancées sociales et économiques, elle porte atteinte à nos services publics en les assimilant à des services marchands.

Le parti socialiste, avec d'autres organisations politiques ou syndicales, s'oppose à cette directive et refuse tout amendement. Nous vous demandons donc, Monsieur le Premier ministre, de vous opposer fermement à cette directive dans le cadre de la conférence intergouvernementale, mais également de veiller à ce qu'aucune directive sur les services ne soit débattue tant qu'une loi cadre sur les services publics ne sera pas adoptée par l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - Cette directive est inacceptable : telle n'est pas notre conception du service public ni de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Si nous souhaitons un nouveau traité européen, c'est précisément parce que nous voulons que notre modèle politique puisse peser dans les institutions européennes. Nous utiliserons tous les moyens dont nous disposons pour nous opposer à cette directive : tel est le message donné par M. le Président de la République ce matin en Conseil des ministres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

TRANSPOSITIONS DES DIRECTIVES EUROPÉENNES

M. François Sauvadet - La France est un des moins bons élèves européens sur le plan de la transposition des directives. Dans son rapport du mois de juillet dernier, la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne a relevé que notre pays souffrait du déficit de transposition le plus important, du plus grand stock de directives anciennes, des plus longs délais de transposition, et qu'il était l'objet de nombreuses procédures d'infractions.

Ainsi, la France pourrait faire l'objet de nouvelles poursuites juridiques, voire de sanctions financières pour non-exécution de décisions de la Cour de justice européenne en matière de protection de l'environnement. Notre pays est condamné par la Cour de justice pour n'avoir pas fait le nécessaire en matière de déversement de substances dangereuses dans l'eau ou pour favoriser l'accès des citoyens à l'information concernant l'environnement. Au moment où nous demandons beaucoup d'efforts aux pays candidats, mais aussi aux Etats-Unis et à la Chine, il serait bon que la France donne l'exemple.

Quelles dispositions entendez-vous prendre pour que la France évite d'être condamnée par la Cour de justice et qu'elle transpose sans tarder - sans toutefois passer par la voie des ordonnances - les dizaines de directives que nous devrons bien appliquer un jour ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes - La transposition des directives européennes est une priorité gouvernementale. J'ai présenté ce matin en Conseil des ministres une communication après le dernier bilan de la Commission qui fait d'ailleurs état d'une amélioration de nos résultats puisque dans les six derniers mois, nous sommes passés de 4,1 % de retard de transposition à 3,2 %. Nous sommes en treizième position sur les vingt-cinq Etats membres. Ces résultats sont néanmoins insuffisants. Nous discutons en ce moment avec l'Assemblée nationale et le Sénat pour mettre en place des rendez-vous mensuels afin d'accélérer les transpositions. Cet effort est nécessaire pour trois raisons : exemplarité dans la construction européenne, garantie de la sécurité juridique de nos concitoyens, limitation des contentieux. Il est vrai que nous avons pris du retard sur le plan des directives relatives à l'environnement, mais, concernant par exemple Natura 2000, nous avons désigné 100 sites depuis 2002 et nous nous engageons à désigner tous les sites d'ici 2006.

Je souhaite conclure sur une note particulièrement positive : la Commission européenne a salué les résultats de la France pour ses engagements concernant les objectifs de Kyoto. De fait, le Gouvernement, le Premier ministre, le Président de la République y sont particulièrement attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

TEMPS DE TRAVAIL EN EUROPE

M. Alain Bocquet - Non seulement vous liquidez les 35 heures (Protestations sur les bancs du groupe UMP) mais vous vous ingéniez à cacher la vérité aux Français. Le temps de travail maximum légalement autorisé en Europe est de 48 heures par semaine. Tel est probablement l'objectif que vous voulez atteindre avec le Medef. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous anticipez au galop l'adoption d'une directive européenne sur la durée du travail en cours de révision. Votre réforme constitue un vaste retour en arrière, un recul social historique. L'heure travaillée en France sera encore moins payée alors que la productivité horaire du travail est bien au-delà de la moyenne européenne. Vous auriez pourtant mieux à faire que de copier les pays européens les plus rétrogrades. L'accord sur le temps choisi s'inspire du système de l'opting out en vigueur en Grande-Bretagne, qui contraint des salariés à travailler jusqu'à 61 heures par semaine. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) La remise en cause des 35 heures, pour des raisons idéologiques et l'intérêt financier de quelques-uns, révèle une nouvelle face de la construction européenne version libérale, celle-là même que le projet de Constitution entend sanctuariser. Cela renforce notre détermination à soutenir les manifestations du 5 février et à faire triompher le « non » au référendum. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Vous auriez obtenu une minorité de blocage sur cette directive européenne « temps de travail ». Pouvez-vous vous engager à la faire échouer définitivement, afin d'étendre à l'échelle européenne l'avancée des 35 heures (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), qu'approuvent 77 % des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Vous avez rappelé, en reprenant textuellement les propos que j'ai tenus au Conseil des ministres Emploi du 7 décembre, la position du Gouvernement, définie par le Premier ministre. Je lis : « j'ai déjà indiqué, en juin et en octobre, tout en reconnaissant à la proposition le mérite de poser clairement le principe de la prééminence de la négociation collective par rapport à l'accord individuel, que la suppression de l'opting out prévue à titre transitoire devait être un principe clairement affiché. » En ralliant l'Espagne, la Suède, la Belgique, la Finlande et le Portugal, la France a réuni une minorité de blocage qui a permis de renvoyer cette question à la présidence luxembourgeoise. Avec Claudie Haigneré, nous avons rencontré le commissaire Spidla pour redire le caractère inacceptable du maintien de l'opting out. Je l'ai confirmé mardi dernier, avec Jean-Louis Borloo, à Alan Johnson, ministre britannique du travail. Le Gouvernement assume la prééminence de l'accord collectif, comme il le fait dans le cadre de l'assouplissement des 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

GESTION DES FONDS EUROPÉENS

M. Claude Gaillard - Les fonds européens revêtent une grande importance pour le développement économique, l'aménagement du territoire et la solidarité territoriale. Ils soutiennent nos collectivités dans des domaines aussi divers que l'emploi, la formation, la protection de l'environnement, les aménagements urbains... Or, leur gestion est soumise à la règle du dégagement d'office, qui permet à la Commission européenne de « reprendre » les crédits qui n'auraient pas été utilisés deux ans après leur programmation. Le Gouvernement négocie actuellement les nouvelles règles qui seront applicables en 2007. Dès 2002, il s'était donné pour objectif de faire progresser l'utilisation de ces fonds. Pouvez-vous nous en dresser le bilan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire - La procédure du dégagement d'office s'appliquera en 2004 à 17 millions d'euros de crédits - 15 en 2003 -, soit 0,8 % des 2,2 milliards octroyés par Bruxelles sur l'ensemble de nos territoires. Nous avons donc bien travaillé. Je félicite les services de l'Etat et des collectivités territoriales, les associations et tous ceux qui ont monté des dossiers nous permettant de bénéficier de ces fonds. Des projets importants pour le développement économique, l'emploi, la formation, l'aménagement urbain et rural ont ainsi pu être soutenus, grâce à la décision de simplifier les procédures prise par le Premier ministre en juillet 2002.

Il n'y a pas de pénurie des fonds européens. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Vuilque - Venez chez nous !

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire - Nous sommes à la cinquième année d'un plan qui porte sur sept ans, et le taux d'exécution atteint 65 %. Si des dossiers ont été ralentis dans certaines régions, c'est parce que le taux de programmation a dépassé 100 % des crédits disponibles. Gilles de Robien et moi-même avons donc demandé aux préfets de revoir la programmation...

M. Augustin Bonrepaux - Ne nous racontez pas de salades !

M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire - ...pour se concentrer sur des projets de court terme, afin qu'en 2005, aucun crédit ne fasse plus l'objet d'un dégagement d'office. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

POLITIQUE DU MÉDICAMENT

M. Yves Bur - Les médias s'inquiètent depuis quelques semaines des risques liés à certains médicaments et de la fiabilité des études cliniques réalisées par les entreprises pharmaceutiques. Les risques générés par la consommation de certains médicaments ont en effet conduit plusieurs d'entre elles à retirer des médicaments ou à en restreindre la prescription, en même temps qu'à s'interroger sur leur politique de promotion.

Ces faits rappellent que les médicaments sont des substances actives et complexes, dont les effets peuvent associer bénéfice thérapeutique et risques. Il n'en faut pas plus pour faire naître le soupçon que les intérêts financiers l'emportent sur les exigences de santé publique.

Pouvez-vous nous confirmer que les autorités de contrôle françaises et européennes sont parfaitement à même d'évaluer la valeur et le risque que présente un médicament, et qu'elles fonctionnent bien en toute indépendance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille - L'autorisation de mise sur le marché d'un médicament dépend du seul rapport entre les bénéfices et les risques du produit. L'AFSSAPS évalue les médicaments à trois stades. Avant la mise sur le marché, il s'agit des essais cliniques. La loi de santé publique du 9 août 2004 oblige les industries pharmaceutiques à fournir au ministère de la santé et à l'Agence l'ensemble des essais cliniques, pour que les intérêts financiers à court terme ne prévalent pas. Il convient aussi de développer la pharmacovigilance et la pharmaco-épidémiologie. Cette année, 18 000 effets indésirables ont été signalés par l'industrie pharmaceutique elle-même et 15 000 par les médecins généralistes. Enfin, il faut durcir les sanctions à l'encontre de ceux qui diffusent de fausses informations médicales et garantir l'indépendance des experts, en renforçant les moyens dévolus aux agences et en veillant à éviter tout conflit d'intérêts entre l'industrie pharmaceutique et les experts en médicaments. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DÉCLARATIONS DE NAISSANCE

M. Marcel Bonnot - J'associe à ma question mes collègues Irène Tharin et Damien Meslot, avec lesquels j'ai déposé une proposition de loi tendant à adapter notre législation relative aux déclarations de naissance aux officiers d'état-civil. Les textes applicables en la matière remontent en effet au 20 novembre 1919 et font obligation de déclarer la naissance de l'enfant dans la commune du lieu de l'accouchement. Or, depuis plusieurs années, du fait notamment des restructurations hospitalières, nombre d'accouchements interviennent dans des maternités distantes des communes de résidence des parents. La législation actuelle conduit ainsi à fausser les statistiques relatives aux taux de natalité des communes rurales. Cet anachronisme législatif peut conduire à des aberrations statistiques. L'aire urbaine Belfort-Montbéliard vient ainsi de décider d'implanter un centre médical de pointe dans une commune de 1 000 habitants, qui serait donc conduite à enregistrer les naissances d'un bassin de vie comptant plus de 300 000 âmes. Notre proposition de loi n'a pas d'autre prétention que de faire évoluer notre droit, à moins que votre pouvoir réglementaire, Monsieur le Garde des Sceaux, puisse y suppléer. Quel est votre sentiment sur cette question ? Quelles mesures envisagez-vous pour corriger les injustices nées de la législation actuelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice - Monsieur le député, nous avons déjà évoqué ce sujet ensemble lors du débat sur le nom de famille. Quelle est la question ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Pour tous les actes administratifs de la vie quotidienne, nous avons besoin de la référence précise que constitue l'acte de naissance. Or, depuis 1919, il est de règle que la naissance soit déclarée dans le seul lieu incontestable : celui de l'accouchement. Il est impératif de conserver cette référence certaine. Cependant, j'ai bien conscience des phénomènes que vous avez évoqués et de l'indignation des maires qui voient disparaître des statistiques officielles l'augmentation naturelle - et effective - de leur population. Pour y répondre, j'ai signé un décret le 19 janvier dernier disposant que l'officier d'état-civil du lieu de naissance transmettra automatiquement l'acte de naissance à son homologue du lieu de résidence déclarée des parents. Ces naissances seront donc inscrites sur les tables annuelles et décennales de vos communes. Nous répondons ainsi à l'attente qu'expriment nombre de maires depuis de longues années, sans rien sacrifier de l'exigence de sécurité qui s'impose en ces matières. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

INDEMNISATION DES COMMUNES SINISTRÉES À LA SUITE DE LA CANICULE DE 2003

M. Jean Launay - Tous les Français ont gardé en mémoire la gestion calamiteuse de la période de canicule de l'été 2003 par le Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il est vrai que, sur ce sujet, vous ne pouvez céder à votre penchant habituel de rejeter toute responsabilité sur le gouvernement de Lionel Jospin !

En annonçant l'ouverture de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour 3 000 communes alors que 7 000 la demandent, vous fermez la porte à toute possibilité d'indemnisation pour quelque 20 000 familles françaises. Pour notre part, nous nous plaçons aux côtés des populations sinistrées et nous voulons y voir clair. Chacun peut mesurer les conséquences de la canicule sur nombre d'habitations, en particulier dans les zones argileuses. Dans mon département, au moins 500 maisons, réparties dans 113 communes, sont touchées. Nous rejetons fermement l'idée, que vous avez cru bon d'avancer, de possibles détournements. La réalité, c'est que trop de sinistrés attendent encore réparation alors que deux hivers sont déjà passés. Nous n'acceptons pas votre traitement des dossiers à la tête du client... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous mettez en avant la nécessité financière de respecter le régime de catastrophe naturelle, alors que les assureurs eux-mêmes reconnaissent que l'indemnisation des 1 359 premières communes bénéficiant déjà du statut n'a pas entraîné la mise en œuvre de la garantie de l'Etat. Il faut se mettre d'accord sur une méthode ! Etes-vous prêt à ouvrir le droit à indemnisation aux communes écartées jusqu'à présent ? Etes-vous prêt à mettre sur la table en toute transparence l'ensemble des dossiers transmis par vos préfets et à en discuter avec les élus concernés, qu'ils soient de droite ou de gauche ? Il est temps de mettre fin aux atermoiements et de répondre à la demande de justice qui monte du pays. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Je me garderai de répondre à votre question polémique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) par la polémique, car les Français qui nous écoutent, comme la représentation nationale, apprécieront votre ton ! J'ai, pour ma part, en mémoire les drames humains, familiaux, financiers derrière la catastrophe de l'été 2003 et je pense que nos compatriotes attendent sur ce sujet mieux que polémique et invectives. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Face aux conséquences de cette catastrophe, nous nous sommes mobilisés avec réalisme, en tenant compte des contraintes financières, comme il est du devoir de tout gestionnaire, mais aussi avec responsabilité, en définissant des critères les plus larges possibles à partir des zones concernées. Deux arrêtés ont été pris concernant l'un dans un premier temps 1 400 communes, l'autre dans un second temps 870. Pour autant, cela ne suffit pas, nous le savons. C'est pourquoi le Premier ministre, dans un souci de justice, a décidé de prendre en compte les situations individuelles au-delà des zones reconnues de catastrophes naturelles. Je n'ai pas mémoire que vous ayez tous fait, en de telles circonstances, honneur à cette exigence de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Dans le Lot, alors qu'une seule commune est concernée selon les critères de zone, nous examinerons toutes les situations individuelles sans aucun esprit partisan, dans le seul souci de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

CRISE DE LA VITICULTURE

M. Philippe Dubourg - Monsieur le ministre de l'agriculture, les viticulteurs, en particulier les plus petits d'entre eux qui composent l'immense majorité du vignoble bordelais, subissent depuis plusieurs années une crise sans précédent. La filière viticole française, ce sont 144 000 exploitations, 870 caves coopératives et unions, 1 400 entreprises de négoce, et au total 500 000 emplois. La baisse de la consommation de vin - depuis le début des années soixante, est tombée en France de cent litres par an et par personne à cinquante litres - et le ralentissement des exportations sont donc très durement vécus par les viticulteurs.

Après une première rencontre le 14 décembre dernier, vous avez encore reçu lundi, avec votre collègue Nicolas Forissier, les représentants de la filière. Vous avez, à cette occasion, annoncé diverses mesures de soutien, notamment des prêts bonifiés et un déblocage d'aides exceptionnelles pour un montant de quelque 70 millions d'euros. Pouvez-vous nous détailler votre plan d'aide à la viticulture ? Comment permettra-t-il aux entreprises et à leurs salariés de traverser la grave crise actuelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité - La crise de la viticulture dans notre pays, largement due à la surproduction et à l'émergence de nouveaux pays producteurs, est très durement ressentie dans certains vignobles. Nicolas Forissier et moi-même avons reçu à deux reprises la profession et lui avons annoncé quatre types de mesures. Tout d'abord, des mesures de confiance. Nous avons souhaité en effet que s'instaure un nouveau climat et comme nombre de parlementaires des régions viticoles, sur tous les bancs, l'avaient demandé, nous avons mis en place un Conseil de la modération afin de régler les questions en suspens entre le monde de la santé, le monde viticole, les ministères concernés et les associations. Nous avons en deuxième lieu pris des mesures de soutien conjoncturel : 40 millions d'euros de prêts bonifiés, 20 millions d'euros d'aides exceptionnelles avec une priorité aux jeunes exploitants, en faveur desquels 8,5 millions d'euros ont été spécifiquement débloqués. Nous envisageons ensuite de traiter les problèmes bassin par bassin car ils ne sont pas les mêmes en Champagne, en Bourgogne, en Aquitaine ou dans les pays de Loire... Nous recevrons successivement leurs différents représentants, en commençant d'ailleurs, Monsieur Dubourg, le 17 février par ceux de l'Aquitaine. Nous examinerons à cette occasion les mesures d'arrachage proposées dans certains bassins, et les mesures européennes de distillation demandées par d'autres. Nous avons enfin proposé des mesures d'avenir, visant à reconquérir nos parts de marché. Trois millions et demi d'euros supplémentaires seront ainsi consacrés aux aides à l'exportation et les recherches sur le vin seront encouragées.

Conscient des difficultés que traverse notre viticulture mais aussi du formidable atout qu'elle représente, le Gouvernement est à l'écoute de la profession viticole. Avec l'aide de la représentation nationale, des régions et des vignobles, nous avons bien l'intention d'aider au mieux nos viticulteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RELATIONS ENTRE L'ADMINISTRATION FISCALE ET LES CONTRIBUABLES

M. Jean-Claude Beaulieu - Le Gouvernement s'attache depuis 2002 à améliorer les relations entre l'administration et les administrés, qu'il s'agisse de faciliter l'accès de tous aux services administratifs, de simplifier les relations ou d'améliorer l'accueil. Ont ainsi été élaborées une charte des droits des victimes au ministère de la justice, une charte d'accueil et d'assistance dans les gendarmeries et les commissariats, une charte dite de Marianne dans les administrations. Au ministère de l'économie et des finances également, des mesures ont été prises pour faciliter et améliorer les relations entre l'administration fiscale et les contribuables - j'en veux pour preuve le développement des déclarations d'impôt en ligne.

Comment comptez-vous, Monsieur le ministre délégué au budget, amplifier ce mouvement et quels objectifs vous assignez-vous en ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Vous avez, à juste titre, rappelé l'immense travail accompli pour moderniser et améliorer les relations entre les Français et leurs administrations. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) Pour ce qui est plus particulièrement des relations entre l'administration fiscale et les contribuables, beaucoup a été fait depuis deux ans et demi. Nous avons à cœur, Hervé Gaymard et moi, de poursuivre dans cette voie, et même de passer à la vitesse supérieure. Notre idée est d'élaborer, comme cela s'est fait à la Chancellerie ou au ministère de l'intérieur, une charte spécifique. Cette charte du contribuable reposera sur trois principes. Tout d'abord, la simplicité. Dès cette année, la plupart des contribuables pourront remplir une déclaration simplifiée d'impôt sur le revenu, où le nombre de cases à remplir a été divisé par deux. A cela s'ajoutera la déclaration pré-remplie, actuellement testée en Ille-et-Vilaine, et qui sera généralisée en cas de réussite.

Le deuxième principe est l'équité. Parmi les chantiers concernant les relations entre l'Etat et les contribuables, je citerai la question des intérêts de retard. On sait que le taux n'est pas le même selon que l'Etat est créancier ou débiteur : il est de 9 % dans un cas et de 2,5 % dans l'autre. Nous réfléchissons à quelque chose de plus équitable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Un troisième thème n'est pas moins important : c'est le respect. Autant je suis intransigeant face au comportement inacceptable de certains contribuables envers les agents des impôts, autant je crois utile que les contribuables puissent, de façon d'abord expérimentale, évaluer la manière dont ils sont contrôlés : ce sera un exercice très intéressant de modernisation et d'amélioration de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DÉFAILLANCES D'ENTREPRISES

M. Pascal Terrasse - Notre pays, Monsieur le Premier ministre, aurait pu profiter d'une croissance mondiale exceptionnelle en 2004. Mais la France, moins bonne élève que ses partenaires, est à la traîne (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) et les chiffres de l'économie en témoignent. Il ne sert à rien de laisser croire que tout va bien alors que le chômage augmente, que les prélèvements obligatoires atteignent des sommets jamais atteints et les déficits publics des niveaux sans précédent, que les salaires et les retraites stagnent - dans le meilleur des cas... Non, Monsieur le Premier ministre, la France ne va pas bien, malgré vos campagnes de communication. Plus grave, comment peut-on laisser croire que la reprise économique est au rendez-vous, quand une véritable hécatombe frappe le monde de l'économie et de l'emploi ? Jamais depuis quinze ans le nombre des défaillances d'entreprises n'avait autant augmenté (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : après une hausse de 14 % en 2003, il s'est encore fortement accru en 2004, et ce sont 48 664 entreprises qui ont dû fermer ! On en mesure les conséquences sur l'emploi : deux cent mille emplois détruits... (Mêmes mouvements), ce qui pèse lourdement sur les comptes sociaux et notamment ceux de l'UNEDIC.

Telles sont les conséquences d'une politique à courte vue, bercée d'illusions, dont les Français mesurent malheureusement chaque jour le caractère désastreux. Quand allez-vous enfin prendre en compte la situation de l'emploi dans notre pays ? Quand allez-vous répondre à toutes ces entreprises défaillantes, fruit de la politique que vous conduisez depuis près de trois ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hervé Gaymard, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Auriez-vous, Monsieur Terrasse, le sens de la nuance ? Vous parlez du déficit budgétaire. En 1980 il était de quelques milliards de francs : en 1986 nous l'avons retrouvé à 160 milliards de francs. Et l'endettement invraisemblable que connaît aujourd'hui notre pays est lié en grande partie à votre mauvaise gestion (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP), notamment pendant les très fortes périodes de croissance que vous avez connues à la fin des années 1980 et à la fin des années 1990, avec M. Jospin.

Vous évoquez les défaillances d'entreprises. Sous M. Jospin, elles étaient en moyenne de 50 000 par an. Depuis 2002 elles sont en moyenne de 40 000. Mais parlons des créations d'entreprises : en 2003, il y en a eu 200 000, et 220 000 en 2004. Voilà le résultat de notre politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), de la loi Dutreil - que prolonge l'action de M. Jacob -, du statut de la jeune entreprise innovante, et des investisseurs providentiels. Aujourd'hui, après avoir stimulé la création des entreprises, notre souci est de permettre leur développement, et de leur donner les moyens de financement nécessaires. Nous avons rapproché l'Agence de l'innovation de la Banque des petites et moyennes entreprises, et, sous l'autorité du Premier ministre, avec Christian Jacob, nous préparons une grande loi pour le développement des entreprises et la création d'emplois. L'économie française, Monsieur Terrasse, recommence à créer des emplois, et toute notre énergie est dédiée à ce but : cessez donc de jouer au porteur de mauvaises nouvelles ! Notre pays est dynamique, il a des réserves de croissance, et nous allons prendre les mesures nécessaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DE TRANSPORT

M. Alain Gest - Mardi dernier, Monsieur le ministre des transports, une contrôleuse du TER Toulouse-Cahors a subi une odieuse agression sexuelle, alors qu'elle se trouvait seule dans une rame de train. L'agresseur a été interpellé, et l'on peut espérer que la sanction sera exemplaire. Qu'entend faire la SNCF pour éviter que des faits aussi insupportables se reproduisent ?

On peut aisément comprendre la colère suscitée par cet acte méprisable. Cependant, de tels faits justifient-ils le déclenchement de grèves sauvages qui, dans plusieurs régions, ont perturbé pendant trois jours la circulation des trains ? (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Si l'auteur de l'acte doit être sanctionné sans faiblesse, fallait-il également punir des millions d'usagers en les contraignant à de longues heures d'attente ? Cette situation a exaspéré de nombreux Français, et des collectifs d'abonnés mécontents se sont créés dans tout le pays ; vous n'avez sûrement pas été sourd à celui qui, en Picardie, a souligné qu'il était devenu difficile d'aller à Paris pour son travail...

Le groupe UMP, comme vous, Monsieur le ministre, préfère, chaque fois que c'est possible, le dialogue et l'accord contractuel à l'aspect contraignant de la loi. C'est pourquoi il suit avec intérêt la concertation que vous avez engagée, afin de donner satisfaction - d'après un récent sondage - aux 65 % de Français qui souhaitent que la grève soit compatible avec un fonctionnement acceptable des transports publics. Pouvez-vous rassurer ces millions d'usagers sur l'issue des négociations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Scandaleux !

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Si l'on peut comprendre l'émotion soulevée par cette odieuse agression, on ne peut admettre que cette émotion et cette solidarité s'expriment au détriment du service public sur une aussi longue période (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe UMP). C'est pourquoi le président de la SNCF a clairement déclaré que les jours de grève ne seraient pas payés. Quand on est à son poste, on est payé : quand on n'y est pas, on n'est pas payé, et ce principe ne souffre aucune exception (Mêmes mouvements).

Quant à la sécurité dans les trains, elle s'améliore. L'année 2004 a encore vu 487 agressions, de niveaux très différents, mais cette insécurité a baissé de 7 % en deux ans. Il est vrai que les recrutements ont été nombreux depuis sept ou huit ans, dont huit cents contrôleurs, mais aussi des recrutements dans la surveillance générale ; on a pourvu les cheminots et les contrôleurs de téléphones portables, et des vidéosurveillances ont été installées dans les gares.

En 2005, nous allons recruter deux fois plus de contrôleurs et renforcer la formation. Pour préparer l'avenir, la SNCF a fait le choix de la concertation. L'accord du 28 octobre 2004, historique, va permettre de prévenir les conflits. Sur 164 demandes de concertation, il n'y a eu que 27 mouvements de grève. Auparavant, il y en aurait eu 164. Nous allons mettre le premier semestre à profit pour aboutir à un véritable service public continu des transports. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. Paul-Henri Cugnenc - Monsieur le ministre de la santé, vous nous avez indiqué, fin janvier, que la Caisse nationale d'assurance maladie avait déjà reçu plus de 600 000 formulaires individuels de déclaration d'un médecin traitant. Or il s'agit d'un dispositif qui vient juste de se mettre en place. Les Français ont donc compris le sens de votre réforme, qui vise à rendre notre médecine plus efficace et plus juste. Il me semble que seuls les esprits compliqués ne comprennent pas cette réforme simple. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Les trois-quarts des médecins généralistes ont déjà signé des formulaires. Tous les assurés de plus de 16 ans vont recevoir, avant le 15 mars, un formulaire personnalisé. Cette réforme traduit votre volonté affirmée d'assurer à chacun un suivi médical de qualité. Pouvez-vous nous informer des éléments d'appréciation dont vous disposez, s'agissant d'une réforme attendue par nos concitoyens et par la grande majorité des professions de santé ? Pouvez-vous nous indiquer les prochaines étapes de sa mise en œuvre, qui n'est combattue que par des militants de l'opposition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille - Je vous remercie : vous avez parfaitement compris le sens de cette réforme. Nous avons reçu plus de 600 000 formulaires, en effet, ce qui explique que les trois-quarts des généralistes en aient déjà signés.

Les trois-quarts des syndicats représentatifs ont approuvé la convention.

Je souhaite apporter deux précisions, tout et n'importe quoi ayant été dit à propos de cette réforme. D'une part, pour ceux qui consulteront le médecin traitant puis le spécialiste, il n'y aura aucune diminution du remboursement. D'autre part, un patient souffrant d'une maladie donnée, par exemple une maladie cardiaque, n'aura pas à repasser par le généraliste pour revoir le spécialiste. Assez de mensonges !

Vous m'interrogez sur la prochaine étape. Il s'agit de la convention pour la permanence des soins. Le problème de la démographie médicale est tel qu'il nous faut mettre en place, avant le 15 mars, un système garantissant à tous les territoires une permanence des soins assurée par des médecins libéraux en liaison avec les hôpitaux locaux. C'est la seule solution pour garantir l'égalité de traitement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Baroin.

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL
DANS L'ENTREPRISE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une motion de renvoi en commission.

Mme Muguette Jacquaint - « Le travail ne peut être une loi sans être un droit », a écrit Victor Hugo. Or force est de constater que depuis 2002, la loi comme le droit du travail ont été mis à mal, et que le principe constitutionnel du droit à l'emploi a été bien fragilisé. Votre politique conduit à l'atonie de la croissance et à l'envolée du chômage.

Vous avez commencé par la mise en cause des 35 heures, dont voici une nouvelle étape. Résultat des premières mesures d'assouplissement, qui étaient censées relancer l'emploi : le chômage a augmenté.

Vous avez supprimé les emplois-jeunes, taillé à la hache dans les budgets destinés à l'insertion et à la formation des travailleurs les plus en difficulté, au motif de favoriser la création d'emplois dans le secteur marchand. Résultat : le chômage des jeunes a augmenté.

Vous avez créé des contrats précaires - contrat RMA, contrat initiative emploi, contrat d'avenir, contrat d'accompagnement - qui sont généreux pour l'employeur mais n'offrent à leurs titulaires qu'une formation et des débouchés bien incertains.

Pendant ce temps, en l'espace d'un an, le CAC 40 a progressé de 14 %, l'indice de l'industrie automobile de 31 %, celui des industries diversifiées de 35 % et celui du bâtiment et de la construction de 26,6 %. Les exonérations de cotisations sociales patronales se sont envolées, pour dépasser 20 milliards.

Mais le carnet de commandes du Medef était plus garni que cela, et vous avez continué à l'exécuter avec un zèle remarquable. Vous avez revu les règles de la négociation collective, dans l'objectif de rendre la législation du travail supplétive et de permettre aux accords de branche ou d'entreprise de déroger davantage aux lois qui protègent les salariés. Le mouvement a été renforcé par les dispositions relatives aux licenciements économiques votées dans la loi de cohésion sociale. En outre, vous bradez et livrez à la loi du marché notre capital industriel et technologique - EDF, SNECMA, AREVA, la Poste...

Cette politique ne va évidemment pas sans dégâts. On découvre ainsi qu'il y a besoin de cohésion sociale, que des gens souffrent de la précarité... Comme l'écrivait il y a quelques semaines dans un quotidien René Passet, professeur émérite d'économie, votre politique, qui allège les prélèvements pour les plus riches, les alourdit pour les autres, et allonge le temps de travail, est lourde de conséquences économiques et sociales. La croissance promise se fait toujours attendre et le taux de chômage atteint près de 10 % de la population active. En outre, la tendance longue à la réduction du taux de pauvreté s'est retournée ; le nombre de pauvres, qui avait diminué de 500 000 entre 1998 et 2001, atteint 3,5 millions, soit 6,1 % de la population. Certes, c'est encore relativement peu en comparaison des Etats-Unis... Mais l'écart va croissant entre les revenus extrêmes, le nombre d'allocataires du RMI s'est accru de 10,5 % entre juin 2002 et juin 2004, le nombre de dossiers de surendettement a augmenté de 22 % entre le premier trimestre 2003 et le premier trimestre 2004 ; nous avons aussi notre million de « travailleurs pauvres » et, selon l'INSEE, 29 % de nos SDF travaillent en moyenne 32 heures par semaine ! Nous ne tarderons donc pas à atteindre les performances anglo-saxonnes...

Vous revenez sur les 35 heures pour, dites-vous, « clore le débat ». Vous le faites en négligeant la concertation avec les organisations syndicales, qui présentent un front uni contre cette proposition de loi, et en ne vous fondant que sur les rapports du Medef.

Pourtant, alors qu'entre 1997 et la fin 2001 environ 400 000 emplois ont été créés du fait de la réduction du temps de travail, depuis les assouplissements Fillon, nous constatons une reprise du chômage, et même la perte de 60 000 emplois dans le secteur marchand entre septembre 2002 et septembre 2004 ! Certes les accords RTT ont été diversement appréciés selon les entreprises et les secteurs, et nous l'avions dit lors de la discussion de la loi « Aubry II ». Mais les salariés mettaient en cause l'application plus que le principe même de la réduction du temps de travail, auquel ils restent attachés : 77 % d'entre eux sont pour le maintien de leur temps de travail actuel. Seulement 18 % veulent travailler plus - afin de gagner un peu plus, tellement leurs salaires sont bas...

Les Français, en réalité, veulent travailler moins afin de pouvoir mieux exercer leur citoyenneté, par exemple dans le domaine associatif ou politique, ou tout simplement afin de consacrer plus de temps à leur famille ou aux loisirs. La première loi, qui combinait réduction du temps de travail, créations d'emplois et aides publiques, a été beaucoup plus positive que la loi dite « Aubry II ». Cette dernière a en effet probablement cassé la dynamique de l'emploi en minorant l'exigence de créations d'emplois et la loi Fillon a bien entendu accentué cette dérive.

Mais on ne peut néanmoins prétendre que la loi « Aubry II » est responsable de tous les maux ! Vous entendant, je m'interroge : de quels arguments userez-vous, lorsque vous aurez supprimé les 35 heures, pour justifier que tout aille mal ? Selon nous, la réduction du temps de travail non seulement s'inscrit dans un processus historique, mais constitue un formidable levier pour l'emploi. Ainsi, 350 000 emplois ont été créés et 50 000 autres ont été sauvegardés. Entre 1998 et 2000, la France a créé plus d'emplois que ses voisins.

La réduction du temps de travail n'a pas non plus altéré la compétitivité de notre pays. Selon le Bureau of Labor Statistics des Etats-Unis, le coût horaire en dollars d'un ouvrier français n'a augmenté que de 11,5 % entre 1990 et 2003 alors qu'il augmentait dans le même temps de 43 % aux Etats-Unis et de 42 % en Grande-Bretagne.

M. Maxime Gremetz - C'est juste.

Mme Muguette Jacquaint - En 2002, ce coût horaire était le moins élevé de l'ensemble des pays industrialisés. L'économiste René Passet peut ainsi ironiser : « Malheureuses firmes françaises exsangues dont, en 2004, les profits nets auront augmenté au moins trois fois plus vite que les salaires et qui, entre 2000 et 2003, auront pu consacrer 56 milliards au rachat de leurs propres titres pour le plus grand bien de leurs actionnaires ! »

M. Maxime Gremetz - Très juste.

Mme Muguette Jacquaint - En outre, La Tribune l'a rappelé récemment, il n'y a pas eu de captation significative des marges des entreprises par les salaires. D'après la direction du budget, les lois Aubry ont généré 28,2 milliards d'allègements de charges entre 1999 et 2003 qui ont bénéficié pour l'essentiel aux entreprises. Notre collègue UMP, Max Roustan, dans son rapport du 27 mai 2004, reconnaît lui-même que la réduction du temps de travail et les accords qui ont été conclus ont permis d'accroître la productivité.

Mme Janine Jambu - Eh oui !

Mme Muguette Jacquaint - Une étude de l'INSEE publiée en juin 2004 relevait quant à elle : « Le coût annuel moyen d'un salarié en 2000 était de 37 941 € en France contre 45 664 € en Allemagne. »

M. Maxime Gremetz - Très juste.

Mme Muguette Jacquaint - Autres chiffres : la productivité horaire du travail dans l'industrie manufacturière a progressé en France de 4,6 % entre 1995 et 2000 contre 4,5 % aux Etats-Unis, 4,1 % au Japon et 2,4 % en Allemagne, essentiellement grâce aux efforts des salariés, les investissements affichant une relative stagnation. Vous le voyez, le prétendu déclin de la France n'est pas lié aux 35 heures. Selon les experts entendus lors de la mission d'information le 7 janvier 2004, la hausse automatique du coût du salaire horaire en raison de la RTT a été entièrement compensée : à hauteur de 1,4 % par les allègements de charges, de 1 % par la modération salariale et de 2,2 % par l'augmentation de la productivité.

Les mesures que vous préconisez portent atteinte au droit du travail en sacrifiant des garanties essentielles pour les salariés mais elles favorisent en revanche la flexibilité et les allègements de charges, axes principaux de votre action, comme en témoignent vos propos sur l'harmonisation des SMIC, censée augmenter les salaires des travailleurs. Vous avez en fait joué des divisions entre les salariés payés au SMIC et les autres. En effet, faute d'avoir augmenté de 11,4 % le taux horaire du SMIC comme le préconisaient les parlementaires communistes, la loi « Aubry II » a mis à mal l'unicité du SMIC - je le dis d'autant plus facilement que nous avions en son temps combattu cette décision. La multiplicité des SMIC a donc servi de prétexte pour porter un coup d'arrêt à la vocation du salaire minimum qui est, selon la loi de 1970, d'assurer aux salariés « dont les rémunérations sont les plus faibles la garantie de leur pouvoir d'achat et une participation au développement économique de la nation. » En trois ans, seuls les salariés qui ont travaillé 39 heures ont été effectivement augmentés mais en contrepartie, car il y en a une, l'indexation du SMIC sur les gains de pouvoir d'achat des salaires a été supprimée. Les syndicats, dans leur grande majorité, ont condamné ce « décrochage ».

Le nouveau régime indemnitaire des heures supplémentaires est également inique. En fait, vous proposez une majoration de 10 % des heures supplémentaires afin d'allonger la durée effective du travail. De plus, cette majoration équivaut seulement à une hausse de 1 % du salaire mensuel.

Il en va de même en ce qui concerne la modification du régime juridique des astreintes. La Cour de cassation, dans son arrêt du 10 juillet 2002, a donné une définition équilibrée de la notion d'astreinte : « les périodes d'astreinte, si elles ne constituent pas un temps de travail effectif durant les périodes où le salarié n'est pas tenu d'intervenir au service de l'employeur, ne peuvent être considérées comme un temps de repos, lequel suppose que le salarié soit totalement dispensé directement ou indirectement, sauf cas exceptionnels, d'accomplir pour son employeur une prestation de travail même si elle n'est qu'éventuelle ou occasionnelle ; il en résulte qu'un salarié ne bénéficie pas de son repos hebdomadaire lorsqu'il est d'astreinte. »

L'article 3 de la loi du 17 janvier 2003 dite « d'assouplissement des 35 heures » a rompu cet équilibre : à l'exception des durées d'intervention, la période d'astreinte est prise en compte pour le calcul des périodes minimales de repos quotidien et hebdomadaire. Une astreinte ne donnant pas lieu à intervention pourra ainsi être décomptée du temps de repos, alors même que le salarié est mobilisable. Nous reviendrons sur cette question.

Comme à propos de la RTT, vous avez joué du mécontentement légitime des nombreux salariés qui ont subi, à la suite du passage aux 35 heures, un gel de leur salaire.

M. Hervé Novelli - Exact !

Mme Muguette Jacquaint - Et ce sont les mêmes arguments qui reviennent, ce qui prouve bien que vos orientations ne sont pas les bonnes.

Vous répétez à l'envi que vous ne touchez pas à la durée légale du travail. Fort bien, mais son seul effet est de fixer le seuil au-delà duquel les heures travaillées sont décomptées et payées en heures supplémentaires. Modifier le régime des heures supplémentaires revient donc à modifier insidieusement la portée de la durée légale.

M. Maxime Gremetz - Très juste !

Mme Muguette Jacquaint - La loi Fillon autorisait déjà les accords de branche à déroger au régime des heures supplémentaires, pour ne les rémunérer que 10 % de plus que le taux normal - au lieu de 25 % dans le régime légal - et aller jusqu'à 180 heures autorisées par an - au lieu de 130 dans la loi Aubry.

Objectif du Gouvernement : obtenir un retour à 39 ou 40 heures pour un coût très faible, sachant que les salariés ont déjà payé la réduction du temps de travail sous forme de modération salariale ou de flexibilité. Nul n'est d'ailleurs prêt à renoncer aux 17 milliards d'euros d'aides publiques. « Il est très difficile de revenir sur la loi, car les salariés eux-mêmes ont financé une partie du passage aux 35 heures par la modération salariale » reconnaissait il y a peu Guillaume Sarkozy, président de l'Union des industries textiles.

Il s'agit bien, en somme, de travailler plus pour gagner moins. Une organisation syndicale a bien résumé ce texte en parlant des « cadeaux de Jean-Pierre Raffarin au Medef». Négociation au niveau des entreprises : cadeau pour le Medef ; plafond d'heures supplémentaires explosé à 220 heures, soit 40 heures de travail par semaine : cadeau pour le Medef ; heures supplémentaires rémunérées à 10 % pour les petites entreprises : cadeau pour le Medef.

Cadeau pour les salariés : pouvoir travailler 40 heures par semaine pour gagner un salaire décent.

Cadeau pour les demandeurs d'emploi : continuer à chercher désespérément un emploi et à alimenter la fracture sociale. Voilà, pour résumer, l'analyse de la CFTC.

Vous modifiez la législation sur le temps de travail sur trois points, à commencer par le compte épargne-temps : la durée d'ancienneté pour bénéficier d'un CET et la durée de validité d'un CET - au terme de laquelle le bénéfice acquis doit être utilisé - sont respectivement fixées à deux et cinq ans. Les lois Aubry avaient pris soin de limiter le cumul indéfini nuisant à l'application de la RTT et l'effet de financiarisation : vous faites sauter ces verrous.

L'autre modification majeure est la monétarisation du compte épargne-temps, c'est-à-dire le paiement au salarié, dans une certaine limite, des droits acquis, mais sur la base d'une heure banalisée. C'est un moyen de plus de priver le salarié d'une partie de son salaire, une escroquerie sous des dehors vertueux !

Cette monétarisation pourra également s'opérer sous la forme de plans d'épargne entreprise, assortis d'incitations fiscales qui viendront alimenter les marchés financiers et les capitaux des entreprises : les salariés voient ainsi leurs placements joués en Bourse au gré des actionnaires.

J'en viens aux heures supplémentaires. Leur rémunération n'est que peu modifiée pour les entreprises de plus de 20 salariés. Pour les entreprises de moins de 20 salariés, en revanche, le régime dérogatoire applicable jusqu'au 31 décembre 2005 est prorogé jusqu'au 31 décembre 2008.

On laisse ainsi perdurer l'inégalité de rémunération entre salariés selon la taille de l'entreprise, de même qu'on proroge une disposition qui devait permettre aux PME de préparer leur adaptation à la réduction du temps de travail, bien qu'elle puisse être contournée.

Une nouveauté apparaît dans le texte : la notion de temps choisi. J'ai déploré à plusieurs reprises à cette tribune que l'on parle de temps choisi à propos du temps partiel, imposé dans 80 % des cas.

M. Jean Le Garrec - Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint - Bref, quand on parle de temps choisi, cela me fait bien rire !

Le Gouvernement a d'abord relevé le contingent d'heures supplémentaire à 220 heures, ce qui ouvre la voie à 40 heures hebdomadaires. Voilà maintenant qu'on revient, comme l'a rappelé mon ami Alain Bocquet, sur les 39 heures !

Moyennant un accord de branche ou d'entreprise, le salarié pourra effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent conventionnel. La limite maximum de travail hebdomadaire deviendrait ainsi celle qui est déterminée au niveau européen, soit 48 heures. Le salarié, selon vous, aurait le choix de « travailler plus pour gagner plus ». C'est oublier que seul l'employeur peut décider de l'utilisation des heures supplémentaires, qu'il faudra effectuer avant de songer à utiliser son « droit au temps choisi ». En période de fort chômage, le salarié ne choisit pas : s'il n'est pas content, il peut aller voir ailleurs !

On tend ainsi à anticiper la révision de la directive européenne sur le temps de travail, qui permettra à la durée hebdomadaire du travail d'atteindre 61 heures. Le projet est en effet de porter à 48 heures sur 12 mois la durée maximum aujourd'hui fixée à 48 heures sur 4 mois.

L'accord sur « le temps choisi » inventé par le Gouvernement rappelle le système de l'opting out autorisé par la directive de 1993 sur le temps de travail, qui permet à l'employeur de décider, de concert avec un salarié, que celui-ci pourra dépasser la durée maximale de 48 heures hebdomadaires. Une possibilité massivement utilisée en Grande-Bretagne, à telle enseigne que la Commission a jugé nécessaire de réviser la directive pour limiter les abus. Mais elle est allée bien au-delà de l'objectif : cette révision réduit considérablement la protection offerte aux salariés.

Le projet de directive révisée soumet l'opting out, quand la loi nationale le permet, à la signature d'une convention collective ou d'un accord. Mais dans les autres cas, il continue d'être possible avec le consentement du salarié. Dans tous les cas, celui-ci ne pourra travailler plus de 61 heures par semaine, sauf si une convention collective ou un accord l'autorise. Pour mémoire, la durée maximum en France ne peut être portée à 60 heures - contre 48 heures habituellement - que par dérogation administrative pour un motif exceptionnel.

Ce n'est pas tout. La période de référence pour le calcul de la durée maximale est modifiée : la période « standard » demeure certes de quatre mois, mais on voit mal pourquoi les employeurs s'y tiendraient. Les Etats membres peuvent en effet la porter à un an sans aucune contrepartie, sous réserve seulement que les partenaires sociaux soient consultés et le dialogue social encouragé.

Enfin, le projet de directive retient une définition très large du temps de travail. Il distingue le « temps de garde » - qui correspond à la période d'astreinte - de la «période inactive du temps de garde», au cours de laquelle le salarié n'est pas appelé à exercer ses fonctions. Au final, seule la « période active » est considérée comme du temps de travail. Cette disposition révèle l'objectif central de la révision de la directive de 1993 : faire des économies. Au travers de plusieurs arrêts, la Cour de justice des communautés européennes avait mis au point une jurisprudence protectrice, en définissant comme du temps de travail l'intégralité du temps de garde des médecins dans les hôpitaux. Bien entendu, cette approche obligeait les hôpitaux à embaucher et n'était pas sans incidence sur l'évolution des finances publiques. Cependant, en attendant l'entrée en vigueur de la directive révisée, la Cour de justice persévère : dans un arrêt du 5 octobre 2004 concernant la durée du travail des secouristes, elle a jugé que « les périodes de permanence doivent être intégralement prises en compte » comme du temps de travail, et rappelé que « la limite maximale de 48 heures constitue une règle du droit social communautaire, dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale destinée à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé ».

Un tel rappel s'impose plus que jamais. En l'état, la directive révisée contredirait en effet ses propres objectifs d'amélioration de la santé et de la sécurité au travail et de recherche d'une meilleure compatibilité entre vies professionnelle et familiale. A l'évidence, votre majorité anticipe la révision de cette directive !

Enfin, s'agissant des PME, vous prorogez les dispositions déjà prises dans la loi Fillon, au risque de pérenniser les inégalités entre les salariés et entre les entreprises. Vous confirmez ainsi l'existence de deux catégories de salariés et d'entreprises : d'un côté les grandes entreprises passées aux 35 heures, pour lesquelles vous reconnaissez qu'il sera difficile de revenir en arrière ; de l'autre, celles qui resteront à 39 heures, car elles n'auront plus aucun intérêt financier à réduire leur temps de travail. Résultat, coexisteront dans ce pays huit millions de salariés à 35 heures et huit millions à 39 heures ! Les mêmes différences de traitement s'appliqueront entre les entreprises qui ont joué loyalement le jeu de la RTT et celles qui ont toujours traîné les pieds. Venez nous dire après cela que vous êtes plus soucieux que nous du bien-être des entreprises et de leurs salariés ! Votre seul objectif, c'est de créer les conditions d'un libéralisme débridé.

Bien entendu, nous ne sommes pas favorable au statu quo et nous ne souhaitons pas le retour pur et simple au dispositif Aubry II, sans aucun aménagement. Mais nous sommes déterminés à poursuivre le mouvement historique de réduction du temps de travail. La RTT s'impose pour tous les salariés exposés à des travaux pénibles. Elle permet de lutter contre l'usure prématurée que génèrent des conditions de travail difficiles et elle constitue un moyen efficace de faire reculer le chômage de masse.

Si quatre à cinq millions de salariés ont bénéficié d'une RTT effective de quatre heures, d'autres ont vu le gain amputé par l'obligation de récupérer les pauses ou certains congés, en particulier dans les PME. La majorité des travailleurs saluent l'amélioration des conditions de vie que procure une véritable RTT. Il n'en va pas de même pour les conditions de travail, puisque la moitié des salariés ayant connu une réduction de leur temps de travail se plaignent d'une aggravation de la pénibilité de leurs tâches, du fait de l'intensité accrue du travail, de l'absence d'embauches compensatrices ou de l'introduction d'une plus grande flexibilité des horaires...

M. Hervé Novelli - Quel réquisitoire !

Mme Muguette Jacquaint - C'est pourquoi nous ne pouvons en rester aux lois de 1998 et de 2000. Les raisons qui fondent depuis des décennies la revendication de RTT restent d'actualité. Les travailleurs aspirent à toujours plus de temps libre pour leur vie personnelle, pour s'occuper de leur famille, pour leurs loisirs, pour se cultiver, pour voyager, pour se consacrer à des activités sociales. Sensibles aux campagnes menées contre la RTT, déçus par les lois Aubry ou trompés par les promesses non tenues de salaires plus élevés, des salariés peuvent émettre des opinions contraires. Mais, en réalité, aucun ne voudrait travailler plus pour le même salaire et presque tous souhaitent travailler moins si leur salaire est maintenu !

La richesse de notre pays, le volume des profits et leur part dans la valeur ajoutée autorisent, sans difficulté majeure pour l'économie nationale, une réduction importante du temps de travail avec maintien des salaires et embauches correspondantes. Au contraire, la demande intérieure, soutenue par les nouveaux revenus salariaux, aurait un effet bénéfique pour les carnets de commandes et donc pour l'emploi.

L'ensemble de ces éléments nous incitent à plaider pour une nouvelle étape dans la dynamique de réduction du temps de travail. De plus, si l'on considère ensemble les salariés qui travaillent au-delà de la durée légale, ceux qui travaillent entre 35 et 39 heures, ceux qui sont contraints au temps partiel, les précaires qui ne travaillent qu'une partie de l'année et les chômeurs qui ne travaillent pas du tout, la moyenne du temps de travail s'établit à moins de 30 heures par semaine. Par conséquent, fixer à un terme rapproché la durée légale à 32 heures avec maintien des salaires - comme le demandent nombre d'organisations et de partis politiques - n'affaiblirait pas les capacités productives du pays.

Condition inséparable de la RTT, l'entrée massive en formation des travailleurs sans emploi ou en sous-emploi - notamment des millions de jeunes sans qualification ou insuffisamment qualifiés - afin que les personnes aujourd'hui privées d'emploi puissent pourvoir les emplois libérés. Une nouvelle législation sur le temps de travail devra l'organiser.

Notre groupe est résolument favorable à la RTT et nous avons déjà eu l'occasion de formuler nos propositions à ce sujet, notamment lors des discussions des lois Aubry et Fillon.

Nous plaidons ainsi pour que l'on considère comme du temps de travail les temps de pauses, d'habillage et de déplacement et pour que soit abrogé le forfait jours des ingénieurs et cadres. Cette invention conduit en effet ces catégories de salariés à rester enfermés dans des durées de travail très élevées et l'octroi de jours de repos n'a pas empêché que 80 % des cadres se disent aujourd'hui davantage stressés qu'auparavant.

Les heures supplémentaires sont utilisées comme un moyen détourné pour augmenter la durée habituelle du temps de travail. Leur déclenchement doit par conséquent se limiter aux circonstances exceptionnelles et ne devrait intervenir qu'avec l'accord des salariés et de leurs représentants. Les heures supplémentaires servent aussi à aggraver la flexibilité en les faisant récupérer dans les périodes de creux de la production.

Parce qu'elles donnent lieu à de nombreux abus, les astreintes doivent être limitées et encadrées. De manière générale, nous considérons qu'il faut lutter contre l'intensification du travail, source de gâchis humains et économiques, d'absentéisme, de maladie et de malfaçon. Pour y suppléer, l'obligation d'embauches compensatoires devrait être généralisée, grâce à la reconnaissance de réels pouvoirs de décision aux travailleurs et à leurs instances représentatives dans la gestion des entreprises. L'annualisation-modulation du temps de travail constitue un outil d'intensification du travail et tend à bouleverser les conditions de vie. Ce mode d'organisation est surtout utilisé dans la production en flux tendu, pour diminuer le salaire par unité de produit et supprimer des emplois. A nos yeux, le recours à des horaires modulés ne se justifie que dans les secteurs d'activité fortement saisonniers, comme le tourisme ou l'agriculture, avec des limites d'amplitude et des garanties d'emploi pour les salariés concernés.

Si nous souhaitons une application stricte de la réduction du temps travail dans les grandes structures et certaines adaptations pour les plus petites, il faut, pour y parvenir, créer les conditions d'une dialogue social renouvelé et promouvoir l'aide publique ciblée.

La loi Fillon de janvier 2003 a supprimé le lien entre réduction du temps de travail et aide à l'employeur, que nous avions bataillé pour faire admettre. En entérinant cette suppression, vous allez favoriser le ralentissement économique et ne pouvez espérer en rien une baisse sensible du chômage. Vous allez permettre aux employeurs non pas d'assouplir, mais de mettre fin aux 35 heures et favoriser le retour aux 39 heures.

Les allègements de cotisations, dont nous avons en vain dénoncé l'inefficacité en matière d'emploi et les conséquences néfastes sur les comptes sociaux, aujourd'hui octroyés sans plus aucune contrepartie, constituent un beau cadeau pour le patronat. Sur un salaire de 1 800 € environ, soit 1,7 fois le SMIC, un employeur gagne jusqu'à 26 points de cotisations ! Dans le même temps, vous n'avez pas diminué les cotisations salariales ni mis à contribution les revenus financiers des entreprises, comme nous le proposons depuis longtemps.

Qui donc attendait ce texte, si ce n'est le patronat et le Medef, qui d'ailleurs le reconnaissent eux-mêmes ? La remise en question des 35 heures et l'abrogation des articles anti-licenciements de la loi de modernisation sociale sont autant de cadeaux sans contrepartie, qu'ils appelaient de leurs vœux. Vous restez sourds en revanche aux revendications des salariés qui voudraient voir leurs salaires augmenter. Les fonctionnaires dénonçaient nombreux, il y a deux semaines, une perte de 5 % en cinq ans de leur pouvoir d'achat.

Tous les projets de loi que vous nous avez soumis en matière sociale depuis que vous êtes au pouvoir s'inscrivent dans une philosophie de remise en cause de l'ordre public social, tel que précisé par le Conseil d'Etat en 1973. En renvoyant largement à la négociation, alors même que les rapports entre patrons et salariés sont inégaux, vous permettez au patronat de dévoyer toutes les garanties minimales que la loi apporte, ou devrait apporter, aux salariés.

Alors que le Gouvernement et sa majorité prétendaient assouplir les lois Aubry et corriger leurs imperfections, c'est à une entreprise de destruction que vous vous êtes méthodiquement livrés, contre l'avis des syndicats de salariés. Les entreprises qui sont passées aux 35 heures pourront, comme l'a dit le Premier ministre, revenir à 39 heures, avec un coût de 10 % seulement pour les quatre premières heures supplémentaires, c'est-à-dire rien. En tout cas, rien qui puisse encourager les salariés à effectuer ces heures supplémentaires. Les patrons leur imposeront ces heures, pas ou peu majorées. On est loin de votre slogan : « Travailler plus pour gagner plus ».

Ce texte, comme tous les autres adoptés depuis deux ans et demi, jouera contre l'emploi. Encouragées à recourir aux heures supplémentaires et à la flexibilité, les entreprises n'embaucheront pas. Nous risquons donc d'avoir des centaines de milliers de chômeurs en plus. Mais peut-être leur proposera-t-on, comme on le fait en Allemagne (« Dirigée par un gouvernement socialiste ! » sur les bancs du groupe UMP) de travailler 30 heures par semaine pour un euro de l'heure !

Bref, comme d'habitude, vous allez à contre-courant non seulement des aspirations des salariés, mais aussi du mouvement historique de réduction du temps de travail, reflet de l'aspiration de nos concitoyens à plus de temps libre et à un meilleur épanouissement personnel.

Pour toutes ces raisons, je crois nécessaire de retourner en commission pour approfondir le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Mme Jacquaint nous a exposé avec la sincérité, l'honnêteté intellectuelle et le calme dont elle est coutumière, la position du parti communiste. Ces arguments, M. Gremetz nous les avait exposés, dans un style certes différent, mais à l'identique, en commission. Un renvoi en commission ne me paraît donc pas se justifier ! D'autant que nous avons déjà beaucoup travaillé sur les 35 heures, au sein de la mission d'information parlementaire sur le sujet, présidée par M. Ollier et dont M. Novelli était le rapporteur, puis à la commission des affaires sociales dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi. Nous avions prévu quatre séances de travail, ce qui paraissait suffisant pour examiner un texte ne comportant que quatre articles. (M. Emmanuelli s'exclame) Monsieur Emmanuelli, on ne vous a pas beaucoup vu en commission !

M. Henri Emmanuelli - Je n'en suis pas membre.

M. le Président de la commission - Vous pouviez y venir, si vous le souhaitiez.

En dépit de quatre séances de travail programmées, la commission ne s'est réunie qu'une seule fois. En effet, au cours de cette première réunion, après que M. Liebgott en eut exposé les raisons, les commissaires socialistes ont quitté la salle, ne défendant d'ailleurs pas les vingt amendements déposés par leur groupe. Nous avons, pour notre part, examiné une soixantaine d'amendements, dont une vingtaine du rapporteur et de la majorité, une vingtaine du groupe communiste et une vingtaine de Mme Billard. La commission s'est également réunie au titre de l'article 88 pour examiner vingt amendements des députés Verts, que ceux-ci ne sont pas venus défendre, puis encore aujourd'hui même au titre de l'article 91, où 100 amendements, dont 96 émanant du groupe socialiste, lui étaient soumis. Il est dommage qu'aucun représentant socialiste n'ait assisté à cette réunion ! Nous y avons adopté deux amendements de M. Le Garrec. L'essentiel du travail fait en commission l'a donc été grâce au groupe communiste, malvenu donc de solliciter maintenant le renvoi en commission ! Je vous invite par conséquent à repousser celui-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Le Garrec - Il est vrai, Monsieur le président de la commission, que nous n'avons pas participé aux travaux de la commission pour protester contre la méthode d'élaboration de ce texte, comme M. Liebgott l'a fort bien expliqué. Pour autant, nous soutenons la demande de renvoi en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Et je vais m'expliquer de ce qui peut paraître un paradoxe.

Après l'intervention de M. Borloo ici en fin de matinée, nous demandons en effet à avoir un débat approfondi avec lui en commission. En effet, alors que nous ne l'avions pas vu jusqu'alors dans ce débat, il est venu poser le problème de façon nouvelle. Il nous a parlé notamment de l'évolution capitalistique de nos sociétés, de la pression permanente qui s'exerce sur nos entreprises pour qu'elles réalisent des profits à deux chiffres, de l'efficacité mise à mal du principe de « création destructrice » décrit par Schumpeter.

Il a parlé - et c'est important - du rôle de l'emploi dans les entreprises de services, et je pourrais rappeler ici ce que nous a dit le président de la CAPEB : si on ne réduit pas le temps de travail dans les entreprises de main-d'œuvre, et si on n'augmente pas les salaires, on ne trouvera plus de salariés français qui veuillent faire ce travail dans de telles conditions - réalité que vous connaissez tous. Voilà des débats de fond, voilà la réalité ! Engager vraiment le débat sur les 35 heures, c'est lier la vision des mutations économiques, celle des nécessités de l'entreprise et celle de la transformation du travail. Et ce n'est pas en ajoutant des heures à des heures que vous règlerez ces problèmes : vous êtes à contresens de l'évolution réelle. Vous ne voyez qu'une petite part de la réalité, qui vous est dictée, et ne vous situez pas par rapport à l'ensemble du problème, qui est mondial.

M. Borloo a également rappelé la nécessité de la démocratie sociale. Or, il y a eu cent vingt mille négociations dans les entreprises, et des milliers de syndicalistes qui se sont mobilisés. Avec M. Borloo, nous avons entendu pour la première fois un discours de fond, avec lequel nous avons certainement des désaccords, mais qui posait au moins les problèmes réels. Car le risque, avec ce que vous faites, c'est, non pas de travailler plus pour gagner plus, mais, comme l'a dit M. Vidalies, de faire des heures pour du beurre...

Si par conséquent la commission se réunit pour aborder ces problèmes de fond, en reprenant, pour les approfondir, les propos de M. Borloo, nous pourrons alors engager ce débat réellement, et non de façon caricaturale comme vous le faites. C'est pourquoi je soutiens la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Hervé Novelli - Je ferai quelques commentaires sur le discours de Mme Jacquaint, après avoir, comme le président de la commission, rendu hommage à sa constance.

Je note dans son propos un certain nombre de points sur lesquels nous sommes d'accord. Ainsi, quand elle dit qu'il y a eu dégradation des conditions de travail à la suite de l'application de la loi Aubry II, elle a raison. Elle a encore raison d'observer une stagnation des salaires en conséquence de cette même loi. Il est certes un peu contradictoire, ayant dit cela, de vouloir ensuite passer aux 32 heures ; cela relève sans doute plus de la dialectique hégélienne que de l'observation des faits.

Sur la forme, et bien que n'étant pas membre de la commission des affaires sociales - ce qu'il m'arrive de regretter, compte tenu de sa qualité -, je crois pouvoir affirmer que le débat a bien eu lieu dans cette commission. Il faut évidemment tout le talent de M. Le Garrec pour demander le retour en commission après que le groupe socialiste ait quitté celle-ci et refusé d'examiner la proposition ; sans doute s'agit-il là encore de dialectique hégélienne, à moins qu'elle ne soit pré ou post-marxiste... Quoi qu'il en soit, Mme Jacquaint a eu le mérite de présenter un certain nombre d'amendements que va défendre le groupe communiste : il faut maintenant les examiner. Sur la forme, je ne peux donc approuver le renvoi en commission.

Quant au fond, Mme Jacquaint a fait état de certaines injustices liées à l'application des 35 heures, et il est bien vrai qu'il y en a eu. Nous avons relevé combien les salariés du bas de l'échelle avaient été bien souvent frappés, en conséquence de cette loi, par une stagnation des salaires et la suppression d'heures supplémentaires qui leur étaient utiles. D'autre part, la distinction que fait Mme Jacquaint entre les grandes entreprises, qui auraient bénéficié des 35 heures, et les petites qui en ont pâti, est avérée. La réduction du temps de travail, quand elle n'est pas justifiée par des gains de productivité, est dangereuse économiquement. On sait en effet que la croissance résulte de la combinaison de plusieurs facteurs : la quantité de travail, la quantité de capital et l'innovation. Il n'est donc pas besoin d'être économiste pour voir qu'en réduisant massivement la durée du travail, on pèse sur l'une des composantes de la croissance.

Notre proposition répond à trois besoins essentiels. Il s'agit tout d'abord d'améliorer le pouvoir d'achat d'un certain nombre de salariés français, mis en danger par la stagnation salariale résultant des 35 heures - cette « modération salariale » qui fait qu'un tiers des salariés ont vu leur pouvoir d'achat stagner.

M. Henri Emmanuelli - Parce qu'il augmente aujourd'hui ?

M. Hervé Novelli - Nous permettrons à ceux qui veulent le faire, sous accord collectif, de travailler plus. En second lieu, toujours sur la base du volontariat et sous accord collectif, nous permettrons d'ouvrir des fenêtres de liberté pour ceux qui souhaiteront, au-delà du contingent d'heures supplémentaires, s'assurer par un surcroît de travail un revenu supplémentaire. Enfin, certains se gargarisent du dialogue social à l'époque des lois Aubry, mais je rappelle que c'était un dialogue obligatoire, sous contrainte. Nous, nous faisons le pari que l'application de cette proposition verra un vrai renouveau du dialogue social. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP rejettera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Permettez-moi une citation.

« Le temps qui passe

« Le temps qui ne passe pas

« Le temps qu'on tue

« Le temps de compter jusqu'à dix

« Le temps qu'on n'a pas

« Le temps qu'il fait

« Le temps de s'ennuyer

« Le temps de rêver

« Le temps de l'agonie

« Le temps qu'on perd

« Le temps d'aimer

« Le temps des cerises

« Le mauvais temps

« Et le bon et le beau

« Et le froid et le temps chaud

« Le temps de se retourner

« Le temps des adieux

« Le temps qu'il est bien temps

« Le temps qui n'est même pas

« Le temps de cligner de l'œil

« Le temps relatif

« Le temps de boire un coup

« Le temps d'attendre

« Le temps du bon bout

« Le temps de mourir

« Le temps qui ne se mesure pas

« Le temps de crier gare

« Le temps mort

« Et puis l'éternité »

Devinez de qui c'est ?

M. Hervé Novelli - Prévert ?

M. Maxime Gremetz - Non, c'est « Tant de temps » de Philippe Soupault. Mais il nous faut aborder un domaine moins poétique, et traiter d'un projet de loi...

M. Patrick Ollier - D'une proposition.

M. Maxime Gremetz - Effectivement, car le Gouvernement n'a pas voulu prendre ce texte à son compte et l'a courageusement fait faire par l'UMP. Cette proposition est très grave. C'est un recul social, et pas seulement par rapport aux 35 heures, par rapport à 1998 : si l'on tient compte de toutes les possibilités d'heures supplémentaires, des astreintes non prises en compte, de la remise en cause de la notion de durée effective, ce texte nous ramène à 40 heures, avant 1982 ! Voilà la réalité.

On a tort de parler d'une loi sur les 35 heures : il y en a eu deux, sur lesquelles je n'ai pas la même appréciation. La première était très positive et claire : c'est alors qu'il y a eu le plus d'accords dans les grandes entreprises, et aujourd'hui ni les salariés ni les entrepreneurs ne souhaitent les remettre en cause. Puis il y a eu la deuxième loi, à la suite de la pression du Medef, à laquelle on a cédé. Avant cela, l'application des accords était simple...

M. Gaëtan Gorce - Vous l'avez votée, la seconde loi.

M. Maxime Gremetz - Il faut voir pourquoi. Nous l'avons votée par solidarité gouvernementale. Vous, vous l'avez voulue. (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Et c'est vous qui avez commencé à mettre les heures supplémentaires à 10 % ; et aujourd'hui la droite ne maintient que cela... (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Je ne sais pas si ce dialogue avec le groupe socialiste est utile.

M. Maxime Gremetz - La première loi, c'était 10 % de réduction du temps de travail , 6 % de création d'emplois, avec des aides financières, dans le cadre d'un accord majoritaire et avec un comité de suivi. Quant à la deuxième, jusqu'au dernier moment nous avons dit que nous ne la voterions pas. Dès que l'on a changé l'équilibre initial de la loi, les patrons profitant d'un rapport de forces favorable ont imposé aux salariés de mauvais accords. C'est pourquoi, dans ce débat, nous n'entendons pas défendre la loi telle qu'elle est, et moins encore la liquider : nous ferons des propositions pour qu'elle soit vraiment efficace et qu'on aille de l'avant.

Vous n'arrêterez pas la roue de l'histoire. La réduction du temps de travail est un progrès de civilisation. Après avoir entendu ce magnifique poème de Philippe Soupault, donnons du temps au temps en votant le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Hervé Morin - Je rappelle que M. Gremetz a voté la deuxième loi Aubry, en laquelle il voyait un grand progrès. En outre, le groupe socialiste a voté le travail de nuit des femmes.

M. Daniel Mach - Honteux !

M. Hervé Morin - Le groupe UDF ne votera pas le renvoi en commission. Si la réduction du temps de travail est une tendance historique, encore faut-il que l'économie française la supporte. D'ailleurs, quand on réclame la hausse du pouvoir d'achat, il y a contradiction absolue à vouloir réduire le temps de travail.

J'observe, dans ce débat, des postures extraordinaires. A gauche, on dénonce « une loi de régression sociale ». Pour certains collègues, de l'autre côté, cette loi va bouleverser les choses. Or, je ne crois pas qu'elle change fondamentalement la situation. Nous avons eu l'occasion d'en parler avec M. Novelli. On nous propose d'assouplir le dispositif du compte épargne-temps, mais celui-ci est peu utilisé et, quand ce compte existe, il est généralement peu abondé. Seulement 10 % des entreprises qui ont signé des accords de réduction du temps de travail ont prévu un compte épargne-temps. Par ailleurs, faudra-t-il remettre en question les accords conclus ? Les entreprises et les syndicats y seront réticents. Enfin, dans les entreprises qui ont choisi l'annualisation, il n'y a plus d'heures supplémentaires, si bien que le compte est peu abondé. Toutefois, nous sommes favorables à cet assouplissement, même s'il aura des effets limités.

Il nous est aussi proposé de relever le contingent d'heures supplémentaires. Mais le nombre moyen d'heures effectuées ne s'élève qu'à 55 par an et par salarié. Nos compatriotes devront-ils travailler 47 ou 48 heures par semaine ? Nous en sommes loin.

Il faut adopter cette proposition, en regrettant, Monsieur Gremetz, de devoir proroger le régime dérogatoire des entreprises de moins de vingt salariés que vous aviez voté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 17 heures 50, est reprise à 18 heures.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement.

Dans sa réponse à l'exception d'irrecevabilité présentée par Jean Le Garrec, M. Larcher a fait état d'une concertation avec les partenaires sociaux pour préparer ce texte. Il est bien le seul à en avoir entendu parler. Nous aimerions qu'il nous en présente un compte rendu, exposant les points de vue exprimés. Le Gouvernement avait pourtant pris des engagements dans l'exposé des motifs de la deuxième loi Fillon et dans le décret de 2002 sur la modification des contingents d'heures supplémentaires. La commission nationale de la négociation collective a-t-elle été consultée ? Pour éclairer notre débat et permettre au Gouvernement de retrouver ces documents, je demande une suspension de séance.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - J'ai sous les yeux un compte rendu de mon premier entretien avec les partenaires sociaux, le 25 août 2004. A propos du temps de travail et de son organisation, je rappelais que nous n'envisagions pas de mettre en place un système anglo-saxon de type « opt-out », ni de remettre en cause la durée légale de 35 heures. J'évoquais la possibilité de recourir davantage au compte épargne-temps et la proposition de loi déposée par M. Morange en juillet dernier, la mutualisation du contingent à l'échelle d'une entreprise et le plafond des 48 heures hebdomadaire. Nous avions examiné le cas d'une exonération totale ou partielle de cotisations, puis la situation des très petites entreprises. Je donnais rendez-vous aux partenaires sociaux pour une nouvelle série de rencontres, qui ont eu lieu début octobre. Elles ont été assez médiatisées pour que nul n'ignore que le Gouvernement a pratiqué le dialogue. Le Premier ministre a lui-même reçu chacun des partenaires au cours du mois de novembre.

M. Gaëtan Gorce - Je ne doute pas que la courtoisie de M. Larcher le conduise à offrir le thé de temps en temps aux organisations syndicales, mais l'engagement qui avait été pris dans l'exposé des motifs de la loi Fillon portait non sur des échanges de gâteaux secs mais sur une négociation interprofessionnelle avant toute intervention législative. Je maintiens donc ma demande de suspension de séance, afin que le Gouvernement fasse des recherches plus approfondies dans ses archives.

Mme Muguette Jacquaint - Il est vrai que nous entendons parler depuis longtemps de relance des négociations, mais si les partenaires étaient convaincus, Monsieur le ministre, comment se fait-il qu'ils appellent à manifester samedi contre ce texte ? Les salariés souhaitent qu'on en reste aux 35 heures, mais que le partage du gâteau ne se fasse pas au seul avantage des profits. Vous leur dites que pour gagner plus, il faut qu'ils travaillent plus, mais je vous démontrerai tout à l'heure que certains ont travaillé plus pour gagner moins !

La séance, suspendue à 18 heures 10, est reprise à 18 heures 15.

M. le Président - J'appelle les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement : M. le ministre n'a pas répondu à ma question alors que pour la clarté de nos débats, je souhaiterais que le Gouvernement témoigne jusqu'au bout de sa connaissance du sujet.

M. le Ministre délégué - J'aurais pu en effet préciser que la lettre du 30 juin que j'ai co-signée avec M. Borloo en appelait à l'ouverture de négociations interprofessionnelles mais, parmi les partenaires sociaux, deux organisations ont déclaré qu'elles ne le souhaitaient pas.

M. Gaëtan Gorce - Lesquelles ?

M. le Ministre délégué - Le Medef notamment (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) que j'avais saisi de deux sujets et à qui j'avais déclaré que je ne serais pas le dynamiteur du code du travail.

M. Gaëtan Gorce - Je constate que le Gouvernement prend acte qu'il n'a pas été possible d'engager une négociation interprofessionnelle alors qu'il l'avait promise. Face à l'opposition du patronat et plutôt que d'œuvrer à la mise en place de bonnes conditions de négociations, il préfère donner satisfaction à ceux qui ont refusé tout dialogue en soutenant cette proposition de loi : voilà une remarquable illustration de la façon dont il considère le dialogue social.

M. Jean Le Garrec - Je remercie M. Novelli de son compliment à propos de mon maniement de la dialectique hégélienne. Je lui signale d'ailleurs un excellent film chinois : La Dialectique peut-elle casser les briques ? Je ne suis pas certain, Monsieur Novelli, de vous casser - métaphoriquement s'entend - avec la dialectique hégélienne, mais je vous promets de m'y efforcer (Sourires).

M. Hervé Novelli - Je n'en doute pas (Sourires).

M. Jean Le Garrec - L'amendement 71 est un amendement d'appel qui vise à rétablir la durée légale du temps de travail à 35 heures dans les métiers de l'hôtellerie et de la restauration : nous souhaitons en effet vous poser un certain nombre de questions avant de nous déterminer sur le sort que nous lui réserverons.

Nous savons fort bien que le décret que vous avez pris pour faire passer la durée légale du travail à 39 heures dans le secteur de la restauration faisait suite à l'accord signé avec FO, la CFTC et la CGC. Il y est question d'« équivalences d'heures » : comment peuvent-elles s'appliquer dans ces métiers ?

De plus, le budget 2005 prévoit des abattements de l'ordre de 525 millions afin d'aider ce secteur. Au-delà, vous vous êtes engagés à apporter au total une aide de 1,5 milliard.

M. Henri Emmanuelli - Il faut également compter avec l'évolution des prix.

M. Jean Le Garrec - Or, le président de cette branche s'était engagé à augmenter les salaires et à créer des emplois. Il n'en est plus aujourd'hui question. Qu'en sera-t-il demain ? Nous avons des doutes. Si ces engagements devaient rester sans suite, vous auriez organisé une fois de plus un marché de dupes.

M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Avis défavorable. D'un point de vue formel, la rédaction de l'amendement laisse en effet entendre que la durée équivalente à la durée légale est précisément égale à la durée légale. Or, par définition, la durée d'équivalence est supérieure à la durée légale. Sur le fond, je rappelle que l'accord de branche auquel M. Le Garrec s'est référé a conduit à la suppression du SMIC hôtelier, à une augmentation de plus de 10 % des salaires les plus bas, à l'obtention d'une sixième semaine de congés payés et de deux jours fériés supplémentaires. C'est là un exemple réussi de dialogue social.

M. Hervé Novelli - Très bien.

M. le Ministre délégué - Même avis. J'ajoute que, d'un point de vue budgétaire, la France s'est engagée à aligner le taux de TVA du secteur de la restauration sur celui de la restauration rapide en le portant à 5,5 %. Mais il faut l'unanimité européenne. Quant à l'emploi, je note que cet accord n'a pas suscité d'opposition : il a donc été considéré comme favorable aux salariés et à l'attractivité de ces métiers « en tension ». Des organisations représentatives des entreprises de ce secteur viennent d'engager avec nos services une importante campagne afin de contribuer à l'opération « 100 000 emplois ». Ainsi, le nombre d'offres d'emplois non satisfait est-il passé de 300 à 230 000 à la fin de l'année dernière.

Nous avons en outre demandé aux professionnels de faire un effort en matière de formation...

M. Henri Emmanuelli - De rémunération !

M. le Ministre délégué - ...initiale et continue, en particulier pour les serveurs en café-restaurant et en cuisine. Pour ces métiers pénibles, il convient en effet de mettre en place des parcours adaptés.

M. Gaëtan Gorce - L'intervention du Gouvernement me ramène à ma question précédente. L'exposé des motifs de la loi Fillon témoigne de l'autisme social du Gouvernement, qui prend des engagements et ne les respecte pas : il avait pris l'engagement solennel de « renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail », et de « saisir officiellement les partenaires sociaux avant l'élaboration de tout projet de loi portant réforme du droit du travail. » Il devait proposer à la commission nationale de la négociation collective d'adopter une charte de méthode fixant notamment les délais de réponse des partenaires sociaux. Cela suppose évidemment qu'aucun d'entre eux ne vous oppose un refus immédiat de discuter et que vous n'en déduisiez pas que vous pouvez légiférer en passant par-dessus l'ensemble des organisations syndicales...

J'aimerais que vous nous donniez votre interprétation de cet exposé des motifs. On nous fait le procès permanent d'avoir imposé les 35 heures en faisant fi du dialogue social, et on fait voter sur ce dialogue social un texte qu'on bafoue à la première occasion !

M. le Ministre délégué - Pas du tout !

M. Gaëtan Gorce - Si les engagements que vous prenez dans la loi ne valent rien, à quoi bon poursuivre le débat ? On ne peut que douter de votre capacité à faire respecter les garanties collectives que les salariés sont en droit d'exiger s'agissant du temps de travail. Pardonnez-moi d'insister, mais je persévérerai tant que je n'aurai pas obtenu de réponse satisfaisante du Gouvernement.

L'amendement 71 est retiré.

M. Alain Vidalies - Rappel au Règlement. Ou le débat à l'Assemblée et les engagements que prend le Gouvernement ont un intérêt, ou le Gouvernement n'en tient pas compte et on en arrive à la plus extrême confusion. M. Morange lui-même, sans doute conscient de l'incongruité qu'il y a à parler de dialogue social quand on évite soigneusement de rencontrer les partenaires sociaux, écrit dans son rapport : « Parce que le dialogue social représente le meilleur vecteur pour la construction d'un droit du travail qui concorde avec l'intérêt général, il est important de renforcer, dans la continuité de la loi du 4 mai 2004 relative, notamment, au dialogue social, le rôle de la négociation collective. »

La majorité s'est engagée à ce que des négociations aient lieu avant chaque changement important. Et vous le rappelez, alors même que le Gouvernement vient de décréter qu'il n'y aurait pas de négociations parce que le patronat n'en voulait pas ! Cette règle de conduite vaut-elle pour l'avenir ? Il y aurait alors tout lieu de s'inquiéter au vu des projets annoncés par les promoteurs de ce texte ! Dans un entretien accordé aux Echos, M. Novelli déclare en effet que le texte ne clôt que provisoirement le débat, « laissant entière la question de la réforme des 35 heures dans la fonction publique... »

M. Patrick Ollier - C'est la vérité !

M. Alain Vidalies - « Celle-ci pose des problèmes pratiques majeurs qu'il faudra résoudre, notamment dans les hôpitaux. » On nous a déjà fait le coup : on commence par viser le secteur privé, puis on s'attaque aux « avantages » du secteur public. « A plus long terme, ajoute M. Novelli, il faudra bien s'intéresser aussi à la notion même de durée légale du travail. » Nous voilà dans un autre monde ! Monsieur le rapporteur, Monsieur le ministre, le non-respect de vos engagements signifie-t-il que la règle est désormais « négociation si le patronat veut bien négocier » ? Il faut nous le dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président - Ce n'était pas tout à fait un rappel au Règlement...

M. Henri Emmanuelli - Mais cela devait être dit.

M. Hervé Morin - Je fais à nouveau observer à mes collègues socialistes que ce texte ne modifie substantiellement ni l'équilibre des relations sociales, ni le droit du travail (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Muguette Jacquaint - Tu parles !

M. Hervé Morin - Il ne fait que corriger à la marge le compte épargne-temps (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et ouvrir les « heures choisies »...

M. Jean Le Garrec - Cette fois, Hegel est dépassé !

M. Hervé Morin - Bref, on est dans le jeu de rôles depuis deux jours ! Pour ma part, je suis tout à fait rassuré par l'accord interprofessionnel sur la négociation collective et la loi Fillon.

Un accord existe désormais quand il est signé par des syndicats majoritaires. Or, je vois peu de syndicats majoritaires renégocier les accords sur la RTT ou le compte épargne-temps.

M. Hervé Novelli - Puissions-nous enfin entrer dans le cœur du débat et aborder les amendements ! Puisque M. Vidalies tenait à me citer, j'aurais préféré qu'il me cite comme cosignataire de cette proposition de loi. Quant à l'interview que j'ai donnée aux Echos (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), je n'ai rien à y ajouter. Revenons plutôt au texte.

Mme Martine Billard - Quelle méconnaissance de l'entreprise ! (Rires sur les bancs du groupe UMP) Combien d'entreprises disposent-elles d'une représentation syndicale ? Très peu, vous le savez bien ! Et vous venez nous expliquer que les syndicats pourront faire jouer leur droit d'opposition ! Si la loi Fillon vise les accords d'entreprise et d'établissement, c'est bien pour contourner les accords de branche qui doivent être signés par les syndicats !

Le présent texte n'y apporte aucune restriction. Dans toute entreprise, le patron et les salariés peuvent donc négocier une augmentation du temps de travail. Croyez-vous que les salariés puissent refuser de faire des heures supplémentaires quand on leur dit : « C'est ça ou la porte » ? Et l'Inspection du travail est trop débordée pour intervenir dans les cas de licenciements de salariés protégés ! Je le vois tous les jours dans ma circonscription !

M. le Président - Je vous rappelle que tout est parti d'un rappel au Règlement... Je veux bien être souple sur les temps de parole, mais je vous propose de les consacrer plutôt à la défense des amendements.

Mme Muguette Jacquaint - M. Novelli et M. Morin prétendent que nous serions hors sujet. Mais ce texte vient hélas à la suite d'autres lois. Si j'en crois la presse, Monsieur Morin, vous voulez aller jusqu'à l'abolition des 35 heures. Vous y allez peut-être par étapes, mais vous y allez quand même !

Mon amendement 15 concerne le temps partiel. Les auditions auxquelles j'ai assisté dans le cadre de la Délégation aux droits des femmes, nous montrent que celui-ci n'a rien d'un temps choisi. Le travail à temps partiel concerne à 80% des femmes, souvent peu qualifiées et sous-payées.

On les incite à faire des heures complémentaires pour gagner un peu plus, en feignant d'ignorer qu'elles souhaiteraient en réalité travailler à temps complet pour sortir de la précarité. Chacun sait que le phénomène des travailleurs pauvres à temps partiel gagne du terrain dans nos sociétés. L'objet de notre amendement 15 est par conséquent de rémunérer à leur juste prix les heures complémentaires, en faisant en sorte qu'elles donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des quatre premières heures et de 50 % pour chacune des heures suivantes.

Mme Martine Billard - Notre amendement 36 procède de la même intention, et la majorité ne pourra qu'y souscrire si elle veut vraiment permettre à ceux qui le souhaitent de travailler plus pour gagner plus. Dans la majorité des cas, le temps partiel est subi. Il convient donc, pour le moins, de majorer la rémunération des heures complémentaires. Le temps partiel subi est un phénomène essentiellement féminin : 80 % des salariés à temps incomplet sont des femmes, dont beaucoup élèvent seules un ou plusieurs enfants. Dans son rapport sur les effets du temps partiel, Marie-Jo Zimmermann, présidente de notre délégation aux droits des femmes, montre que 80 % des travailleurs pauvres vivant avec un salaire de 600 € par mois sont des femmes. Sachant que la tendance est à une augmentation du temps partiel féminin non choisi, il est urgent d'adopter des dispositions compensatrices. C'est pourquoi il convient de majorer la rémunération des heures complémentaires...

M. Patrick Ollier - Au-delà de 35 heures, d'accord !

M. Henri Emmanuelli - Franchement, il n'y a pas lieu d'ironiser sur de tels sujets !

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements. Fixé par la loi de janvier 2000, le régime des heures complémentaires ne prévoit aucune majoration salariale et ne peut être aligné sur celui des heures supplémentaires.

Mme Martine Billard - Sauf si le législateur le décide !

M. le Ministre délégué - Votre rapporteur vient de rappeler l'état du droit, fixé par la loi de janvier 2000. Le Gouvernement ne peut être favorable à ces amendements, mais j'admets volontiers qu'ils posent à leur manière le problème de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, auquel le Président de la République a exhorté les forces vives à s'attaquer lors de la dernière cérémonie de vœux...

M. Henri Emmanuelli - Alors, nous sommes sauvés !

M. le Ministre délégué - Au reste, les chiffres disponibles invitent à nuancer l'analyse. Dans notre pays, 29,7 % des femmes sont employées à temps partiel...

M. Hervé Morin - Soit beaucoup moins qu'ailleurs !

M. le Ministre délégué - En effet. 40 % des Allemandes et 74 % des Néerlandaises travaillent sous le même mode. Il en va d'ailleurs de même pour les hommes : 5 % en France, 21 % aux Pays-Bas.

La loi de janvier 2000 n'a pas résolu le problème du temps partiel subi, notamment dans la grande distribution où l'extension des horaires d'ouverture pour répondre à certaines attentes de la société explique pour partie le phénomène...

M. Alain Vidalies - Et dire que M. Sarkozy veut ouvrir les grandes surfaces le dimanche !

M. le Ministre délégué - Enfin, je conteste fermement votre analyse d'une accentuation du recours au temps partiel : en deux ans, nous avons réduit d'un demi-point la proportion de salariés employés sous ce mode. Il reste, je le répète, que le temps partiel subi pose un vrai problème d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes. Pour nous, le temps partiel doit toujours être choisi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Ollier - Excellente explication !

M. Alain Vidalies - Les questions graves que soulèvent ces amendements méritent d'être abordées avec rigueur. Je me tiens à la disposition du rapporteur pour lui procurer un code du travail actualisé, car c'est pour le moins un raccourci de dire que le régime des heures complémentaires découle de la loi de janvier 2000. Il y a eu depuis, pour reprendre vos propres termes, quelques « adaptations à la marge »... Ainsi, s'il était naguère possible de déroger au droit commun par la voie d'un accord de branche, cette possibilité est désormais étendue aux accords collectifs et même aux accords d'établissement...

M. Henri Emmanuelli - Cela change tout !

M. Alain Vidalies - Il n'est donc plus nécessaire de négocier au niveau de la branche. Pour être concret, un « accord » à l'échelle d'un supermarché est suffisant pour imposer aux salariés des conditions de travail dérogatoires. Je rappelle que ces modifications sont issues de la loi de mai 2004, que M. Larcher a bien pris soin de passer sous silence.

La question du temps partiel non choisi mérite d'être traitée, car elle constitue l'une des difficultés majeures qu'affronte notre société. Les travailleurs pauvres ne sont plus une vue de l'esprit, nous les rencontrons dans nos circonscriptions. Comment vivre avec la moitié ou même 60 % du salaire minimum ? Certes, dans cette situation, l'on ne figure plus dans les statistiques du chômage mais l'on ne sort pas pour autant de la grande pauvreté, laquelle peut conduire, au moindre accident de parcours, à l'exclusion. Il faut regarder la situation avec lucidité. Du reste, j'admets que tout le monde porte une part de responsabilité dans le développement du temps partiel, dans la mesure où tout gouvernement confronté à l'échec de sa politique de l'emploi peut être tenté d'inciter à la diffusion du temps partiel, ne serait-ce que pour réduire les chiffres du chômage. Deux salariés occupés à mi-temps, cela ne fait qu'un emploi à temps complet de plus, mais deux chômeurs de moins...

M. Jacques Briat - C'est la logique de partage du travail des 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Billard - Vous n'avez pas honte ?

M. Henri Emmanuelli - Quel cynisme !

M. Alain Vidalies - Le Gouvernement peut-il préciser sa position sur le temps partiel ? Son « œuvre législative », depuis bientôt trois ans, ne démontre-t-elle pas une volonté de démanteler l'ensemble des garanties contractuelles ? J'ai cru comprendre, Monsieur le ministre, que vous partagiez notre préoccupation concernant le développement du travail à temps partiel. Il ne suffit pas de constater un problème, encore faut-il tenter d'y répondre. Quelles sont donc les propositions du Gouvernement à ce sujet ?

Mme Martine Billard - J'ai été très déçue par la réponse du ministre. A chaque fois que nous cherchons à améliorer la situation des salariés les moins bien rémunérés, ce n'est jamais le bon moment ! L'une des principales raisons de la pauvreté des femmes salariées tient au travail à temps partiel - chacun le reconnaît, y compris, dans vos rangs, la présidente de la Délégation aux droits des femmes. Or, voilà que, sur cette question, on nous renvoie au futur projet de loi sur l'égalité professionnelle hommes-femmes ! Pourquoi ne pas la régler dans ce texte, de façon qu'il comporte au moins une avancée, et pas seulement des dispositions défavorables aux salariés ?

Vu l'envolée des loyers comme du prix de l'immobilier, il est aujourd'hui impossible de se loger avec un salaire de caissière, de toute façon de misère, de surcroît à temps partiel, sans parler des frais supplémentaires, notamment de garde des enfants, induits par la désorganisation du travail, les modifications d'horaires n'étant trop souvent annoncées qu'au dernier moment. Monsieur le ministre, soit vous souhaitez réellement améliorer la condition des femmes salariées à temps partiel, et vous acceptez nos amendements, soit vous vous en tenez aux discours...

M. Hervé Morin - Je suis d'accord avec vous, Madame Billard, sur le risque de déséquilibre dans la négociation des accords d'entreprise, en particulier dans les PME. Mais l'une de vos craintes est infondée car là où il n'y a pas de délégués syndicaux, il ne pourra pas y avoir d'accord, ni donc de modification du régime des heures supplémentaires ou du compte épargne-temps.

Oui, il existe des conditions d'emploi à temps partiel scandaleuses, nous le savons tous. Mais que n'avez-vous proposé lorsque vos amis étaient au pouvoir, ce que vous proposez aujourd'hui ?

Mme Muguette Jacquaint - Nous l'avons proposé.

M. Hervé Morin - Jamais le groupe socialiste n'a déposé, de 1997 à 2002, d'amendement semblable à ceux-ci. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP)

Mme Muguette Jacquaint - Je ne suis pas membre du groupe socialiste !

M. Jean Le Garrec - Les deux amendements en discussion sont des amendements de fond. Monsieur le ministre, les comparaisons statistiques sur le taux de travail à temps partiel subi dans les différents pays européens n'ont pas grand sens car le contexte varie fortement selon les pays.

Je suis prêt à reconnaître nos insuffisances, voire nos erreurs, mais force est de constater que, dans la loi de modernisation sociale, nous nous étions efforcés d'introduire des garanties en matière de temps partiel, que vous faites à présent disparaître. Le délai de prévenance va être ramené de sept à trois jours, la durée maximale de deux heures pour le temps d'arrêt entre deux périodes de travail va être supprimée, ce qui aura pour conséquence de créer des problèmes insurmontables aux salariés concernés, des femmes pour l'essentiel. En vérité, par ces amendements, nous cherchons à débusquer vos intentions réelles. Renverser la hiérarchie des normes en privilégiant les accords d'entreprise, c'est bien faire disparaître des protections au bénéfice des salariés. Pourquoi avez-vous refusé le dialogue avec les partenaires sociaux sur ce texte ?

Enfin, Monsieur Novelli, chaque fois que vous vous exprimez publiquement, exposant votre vision ultra-libérale de la société, nos inquiétudes, légitimes, en sont avivées. L'entretien que vous avez accordé encore tout récemment aux Echos ne concerne certes pas le présent texte, mais votre vision du futur éclaire le présent. Tant que le Gouvernement n'aura pas dit sans ambiguïté que sur ce texte, aucune négociation n'a eu lieu, nous penserons que ce sont les propositions de M. Novelli qui valent et nous en serons particulièrement inquiets.

Mme Muguette Jacquaint - Le ministre nous a cité quantité d'autres pays européens où la situation des salariés à temps partiel subi est encore pire qu'en France. Est-ce à dire que tant que nous ne ferons pas aussi mal que ces pays, nous ne devons pas nous plaindre ? Devons-nous attendre pour agir que le taux de salariés à temps partiel ait atteint 40 % comme en Grande-Bretagne ?

M. Jean Le Garrec - Elle a raison.

Mme Muguette Jacquaint - A entendre les grands discours de M. Borloo et du Président de la République sur la pauvreté, il faudrait pourtant agir sans retard.

Chacun sait que les femmes gagnent en moyenne 20 % de moins que les hommes. Mais sait-on qu'à cette inégalité hommes-femmes s'en ajoute une autre entre femmes elles-mêmes, un travail à temps partiel étant payé 25 % en moyenne de moins qu'un travail à temps complet. Le temps partiel, c'est un moyen supplémentaire diabolique de payer encore moins les femmes.

Monsieur Morin, qui m'avez interpellée tout à l'heure, vous devriez relire mes interventions de l'époque. Vous verriez que j'y défendais déjà les mêmes positions. Par ailleurs, il n'est jamais trop tard pour pallier une insuffisance. J'ajoute que la situation en matière de travail à temps partiel s'est beaucoup aggravée depuis trois ans, les employeurs ayant compris qu'il allait être possible de faire travailler les salariés davantage sans les payer davantage. Monsieur le ministre, vous parlez, vous, de « travailler plus pour gagner plus ». C'est exactement ce que nous demandons par ces amendements relatifs au temps partiel. Acceptez-les donc.

Nous demandons également, par notre amendement 13, qu'il soit possible aux salariés de refuser de faire des heures complémentaires, sans risquer d'être licenciés.

Il y a clairement une volonté de développer le travail à temps partiel, puisqu'on a encore assoupli les protections qui l'entouraient. J'ai reçu dans ma permanence - et chacun de nous a vu de tels cas, M. Novelli l'a lui-même confirmé - une femme qui travaille à temps partiel et qui a trois heures de transport par jour. Quand elle a une coupure, elle ne rentre pas chez elle. Elle passe donc sept heures dehors pour un salaire de misère, qui ne lui permet même pas de payer la garde de son enfant ! Il est scandaleux, Monsieur le ministre, que vous ne vouliez pas changer de telles situations.

M. le Ministre délégué - On a évoqué la question du mandatement et de la place des accords d'entreprise. Je souhaite sur ce point expliciter la circulaire du 22 septembre 2004, prise en application de la loi du 4 mai. M. Morin a raison : l'article L.132-26 permet de recourir au mandatement, quel que soit le sujet de l'accord. Il faut que le mandatement soit organisé par la branche ; deux branches l'ont déjà fait. Que se passe-t-il dans l'hypothèse où il n'y a pas de délégué syndical ? Les accords d'entreprise peuvent être négociés avec les représentants élus du personnel au comité d'entreprise, ou à défaut avec les délégués du personnel, mais de tels accords doivent être approuvés par une commission nationale paritaire de branche. C'est cet équilibre que M. Le Garrec juge insuffisant ; pourtant la branche, dans cette commission nationale où sont représentés les partenaires sociaux et les syndicats, aura à s'exprimer sur l'accord.

En l'absence de tout représentant élu, cas qu'évoquait M. Morin, la négociation peut aussi être menée par des salariés mandatés, mais l'accord ainsi conclu doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

M. Alain Vidalies - Au niveau de l'entreprise !

M. le Ministre délégué - Il y a donc là un certain nombre de protections, et l'application de la loi du 4 mai préserve l'équilibre entre les salariés et l'entreprise.

M. Alain Vidalies - On propose au pendu de choisir la corde !

Les amendements 15 et 36, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gaëtan Gorce - Rappel au Règlement. Nous n'avons pas eu de réponse précise du Gouvernement sur la concertation interprofessionnelle. Je n'aurai pas la cruauté d'insister sur ce point, sur lequel le Gouvernement est manifestement mal à l'aise. Comme nous sommes une opposition constructive (Murmures sur les bancs du groupe UMP), je déplacerai la discussion sur un autre thème. M. Larcher nous indiquait hier qu'une concertation avait été engagée. En lisant son interview dans Le Parisien du 31 janvier, j'apprends qu'elle a eu lieu avec le Gouvernement lui-même. On y apprend en effet que le présent texte a été élaboré en concertation avec le Gouvernement, ce qui est la moindre des choses (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Et comme M. le ministre est cohérent, il explique ensuite à l'Assemblée que cette proposition a été élaborée en concertation avec les parlementaires : la boucle est bouclée !

Mais puisque nous parlons de concertation, je souhaite revenir à certains textes juridiques. Relisons l'article 3 du décret du 15 octobre 2002, signé par M. Raffarin, qui est toujours Premier ministre, et par M. Fillon, alors ministre des affaires sociales. Selon cet article, une modification du contingent d'heures supplémentaires ne pourrait intervenir qu'après l'établissement d'un bilan de la négociation collective relative à la fixation du contingent. Nous souhaitons avoir ce bilan. Le même article disposait qu'au vu de ce bilan, et après avis du Conseil économique et social, il pouvait être procédé au réexamen des dispositions réglementaires relatives à ce contingent. Peut-être n'avons-nous pas été assez attentifs, mais nous n'avons eu connaissance ni du bilan de la négociation présenté à la Commission nationale de la négociation collective, ni de l'avis du Conseil économique et social qui a dû précéder l'adoption du décret du 21 décembre 2004, qui portait le contingent de 180 à 220 heures. Par conséquent, Monsieur le ministre, puisque vous êtes, comme l'ensemble du Gouvernement, un adepte forcené de la concertation, j'imagine que ces dispositions ont été respectées. Pour que vous ayez le temps de les communiquer à la représentation nationale, je demande une suspension de séance.

M. le Ministre délégué - Je comprends bien, Monsieur Gorce, ces suspensions successives, qui n'ont d'autre but que d'éclairer la représentation nationale - qui doit en être illuminée... Je vous rappelle que la lettre du 30 juin comportait l'ensemble des programmes du plan de cohésion sociale, ainsi que l'évolution de la législation sur la durée du travail ; et je vous ai donné lecture du fil conducteur des entretiens bilatéraux. D'autre part la Commission nationale de la négociation collective a bien reçu un compte rendu le 26 juin ; j'en ai donné partiellement lecture hier. Il est vrai que le Conseil économique et social n'a pas été saisi de ce dossier, dès lors qu'il n'y avait pas d'engagement d'une négociation interprofessionnelle et que nous avons considéré qu'il fallait légiférer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Le Garrec - Voilà !

M. Gaëtan Gorce - Je remercie M. le ministre pour sa franchise : il nous a confirmé que les dispositions que le Gouvernement avait de lui-même intégrées dans le décret du 15 octobre 2002 n'ont pas été respectées. Le Gouvernement passe en force au mépris de ses propres dispositions. Le dialogue social, sujet de discours, mais non pas élément de la pratique gouvernementale... Je renouvelle ma demande de suspension, afin que le Gouvernement retrouve ses esprits après ce moment d'assouplissement des règles qu'il s'est lui-même fixées...

La séance, suspendue à 19 heures 20, est reprise à 19 heures 30.

M. le Rapporteur - La commission est défavorable à l'amendement 13. Les heures complémentaires, qui doivent rester dans la limite d'un dixième de l'horaire contractuel, ne donnent lieu ni à majoration, ni à repos compensateur. Cette limite peut être portée à un tiers de l'horaire par accord collectif, sachant que le paiement des heures effectuées au-delà du dixième est dans ce cas majoré de 25 %. En outre, le recours aux heures complémentaires ne peut avoir pour effet de porter le temps travail effectué à un temps plein. Enfin, l'article 212-4-3 du code du travail, selon lequel le refus d'effectuer des heures complémentaires n'est pas une faute pouvant motiver un licenciement, constitue une garantie supplémentaire.

M. Vidalies s'inquiétait de savoir si mon code du travail était actualisé. Je peux le rassurer en lui donnant lecture de l'article 212-4-4 : « Une convention ou un accord collectif de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut faire varier en deçà de sept jours, jusqu'à un minimum de trois jours ouvrés, le délai prévu au premier alinéa de l'article L 212-4-3, dans lequel la modification de la répartition de la durée du travail doit être notifiée au salarié. » (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué - Je partage l'avis du rapporteur.

M. Alain Vidalies - Cet amendement pose une question de principe à laquelle il n'a pas été répondu pendant la discussion générale. Actuellement, le salarié, par principe s'il est en CDI, et au dessus d'un quota s'il est en CDD, ne peut pas refuser de faire des heures supplémentaires. La décision reste une prérogative du chef d'entreprise et le refus constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Or, chaque fois que nous vous faisons des objections, vous invoquez la liberté de choix des salariés.

Il faut voter cet amendement, ainsi que ceux que nous avons déposés concernant les CDI, pour donner au salarié la possibilité de refuser des heures supplémentaires. Dans ce cas, votre démarche serait crédible. Si vous ne voulez pas de ces amendements, alors épargnez-nous vos histoires de « temps choisi » qui ne servent qu'à vendre un texte en faveur de la flexibilité. Nous attendons avec intérêt la réponse du rapporteur et du Gouvernement.

L'amendement 13, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - On nous dit souvent que les entreprises doivent pouvoir s'organiser. C'est pourquoi, d'année en année, on a réduit le délai de prévenance. Or, les salariés et les familles ont eux aussi besoin de s'organiser.

On nous annonce une loi sur l'égalité professionnelle. La Délégation aux droits des femmes va formuler des vœux pour qu'il soit possible de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Quand une salariée n'est prévenue que quelques jours à l'avance d'une modification de ses horaires, cela perturbe la vie familiale. Un parlementaire évoquait il y a peu, en interrogeant le Gouvernement, le problème des crèches. Quand vous travaillez à temps partiel, les changements d'horaires posent des problèmes de garde. Le temps n'est pas « choisi », mais imposé.

Beaucoup d'entreprises ne respectent même pas les délais légaux. On vous appelle la veille pour le lendemain et, si vous ne venez pas, vous êtes mal noté, vous ne faites pas d'effort, vous êtes insensible au développement de l'entreprise...

Mon amendement 14 a pour objet de revoir ces délais.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. J'ai déjà lu l'article L. 212-4-4, qui apporte des garanties suffisantes. Cet amendement aurait en outre une portée trop étendue par rapport à son exposé des motifs.

M. le Ministre délégué - Je ne vais pas ouvrir à cet instant le chantier du temps partiel, même s'il sera nécessaire de le faire. Nous avons besoin d'une étude d'impact et d'une analyse par branche professionnelle. J'ai commencé par la grande distribution, puisque nous constatons un certain nombre de choses. Le texte sur l'égalité professionnelle nous donnera l'occasion d'ouvrir ce débat.

Cependant, la flexibilité peut être utile à l'employeur comme au salarié. Il faut laisser une place à la négociation (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) et définir des rapports équilibrés entre le salarié et l'entreprise.

Mme Martine Billard - Je suis un peu choquée. Muguette Jacquaint parle d'êtres humains et le rapporteur répond sur les spécificités du contrat. S'agissant de femmes qui travaillent à temps partiel et qui doivent s'adapter à des changements d'horaires dans des délais très courts, le ministre délégué nous parle de négociation collective. Ce serait valable s'il n'y avait pas eu la loi Fillon, qui permet que des accords d'entreprise ou d'établissements soient moins favorables que l'accord de branche : il suffit que 50 % des salariés l'acceptent. Mais quel est le choix laissé aux salariés lorsqu'ils risquent d'être mis à la porte ? Si l'on veut qu'il y ait une réelle négociation, il faut revenir sur la loi Fillon afin d'en rester aux accords de branche, faute de quoi les salariés n'ont plus aucune protection.

M. Jean Le Garrec - Mmes Jacquaint et Billard ont fort bien exposé le problème. Vous avez permis que, par des accords signés au niveau de l'entreprise et même de l'établissement, le délai soit ramené de sept à trois jours, moyennant contreparties. Mais comment les conditions d'une véritable négociation pourraient-elles exister à ce niveau, où bien souvent il n'y a pas de représentation syndicale et où s'exerce la pression du chômage ? On vient de me citer le cas d'une jeune femme, à Besançon, qui a été licenciée pour avoir refusé un changement de ses horaires. C'est inacceptable, et c'est pourquoi je vous invite, Monsieur le ministre, à accepter cet amendement.

Mme Muguette Jacquaint - Pourquoi renvoyer à un hypothétique projet de loi sur l'égalité professionnelle des dispositions que nous pourrions prendre aujourd'hui pour améliorer le temps partiel ? D'après vous, Monsieur le ministre, la flexibilité arrange les entreprises, mais aussi les salariés. Permettez-moi d'en douter...

M. Hervé Novelli - Allez voir au Danemark !

Mme Muguette Jacquaint - Quand une femme qui travaille à temps partiel est payée 25 % moins cher que celle qui travaille à temps complet, qui est le gagnant ? Je vous le demande !

N'étant pas du tout satisfaite de la réponse du ministre, je demande une suspension de séance.

M. Léonce Deprez - Je crois bon d'intervenir pour assurer au débat un certain équilibre... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Nous souhaitons que la question du travail à temps partiel et celle de l'égalité des rémunérations entre hommes et femmes soient réexaminées par le législateur, mais il ne faut pas mélanger les débats.

Quant à l'idée de réduire le délai de prévenance, elle résulte d'un fait : les entreprises ont pour objectif de satisfaire leurs clients (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste), faute de quoi elles les perdent, et les emplois avec.

L'amendement 14, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 55.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              François GEORGE

Le Compte rendu analytique
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Préalablement,
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actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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