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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 58ème jour de séance, 141ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 8 FÉVRIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

PIRATAGE DE LA MUSIQUE SUR INTERNET 2

CONDITIONS DE TRAVAIL 2

MISSIONS SANITAIRES DES SAPEURS-POMPIERS 3

DIALOGUE SOCIAL 4

PSYCHIATRIE 5

POLITIQUE ÉCONOMIQUE GÉNÉRALE 6

POLITIQUE SOCIALE DU GOUVERNEMENT 7

ENCHÈRES ÉLECTRONIQUES INVERSÉES 7

PRÉVENTION DES INONDATIONS DU RHÔNE 8

POLITIQUE SOCIALE DU GOUVERNEMENT 8

JOURNÉE DE SOLIDARITÉ
POUR LES PERSONNES ÂGÉES 9

FISCALITÉ RÉGIONALE 10

RAPPELS AU RÈGLEMENT 11

RÉFORME DE L'ORGANISATION
DU TEMPS DE TRAVAIL
DANS L'ENTREPRISE (suite) 11

ART. 3 (suite) 11

AMENDEMENTS PRÉCÉDEMMENT RESERVÉS 15

ART. 4 24

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

PIRATAGE DE LA MUSIQUE SUR INTERNET

M. Pierre-Christophe Baguet - La culture est un bien universel et ancestral et la musique participe du lien entre les peuples : elle est la meilleure expression de notre richesse et de nos racines, et la France joue en ce domaine un rôle reconnu. Un récent rapport de l'OCDE nous range cependant au nombre des pays les plus touchés par le piratage sur internet, ou chargement illégal en ligne. Alors que les nouvelles technologies devraient permettre un plus large accès à la culture, nous arrivons ainsi à la situation inverse. L'UDF a déposé un amendement qui a été adopté à l'unanimité. Il vise à obliger les fournisseurs d'accès à spécifier que le piratage nuit à la création artistique. Nous demandons depuis longtemps l'application d'un taux réduit de TVA aux biens culturels. Encore les éditeurs doivent-ils faire l'effort de pratiquer des prix raisonnables.

Que comptez-vous faire, Monsieur le ministre, pour garantir la diffusion légale des œuvres dans le respect de la création et des artistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Je vous remercie d'avoir su éviter la caricature et la démagogie. Il est important de dire haut et fort que les nouvelles technologies et internet doivent permettre l'accès du plus grand nombre à la création artistique. Mais nous devons aussi avoir le courage de dire que chaque artiste a le droit de voir son talent et son œuvre rémunérés. Or ceux-là mêmes qui défendent les artistes nous font un procès simplement parce que nous voulons dire, en particulier aux jeunes, mais aussi aux fournisseurs d'accès et aux éditeurs, que si l'objectif à fixer doit être d'un million de titres accessibles par internet - et non 300 000 -, la gratuité reste un leurre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe UMP) Ce n'est pas elle qui assurera l'égal accès de tous à la culture. Le bon équilibre doit être recherché avec les artistes et avec les fournisseurs d'accès. C'est ce que nous sommes en train de faire, et nous ne nous laisserons pas intimider ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

CONDITIONS DE TRAVAIL

M. Gilbert Biessy - Monsieur le Premier ministre, ce sont plusieurs centaines de milliers de personnes qui ont manifesté samedi pour défendre l'amélioration des conditions de travail, les 35 heures, le pouvoir d'achat des salaires et des retraites et l'emploi, y compris dans la fonction publique. Visiblement, vous avez du mal à les entendre. Votre surdité est inquiétante pour notre démocratie. Alors que le nombre de demandeurs d'emploi ne cesse de croître, vous augmentez le contingent des heures supplémentaires, vous ouvrez la possibilité de travailler jusqu'à 48 heures par semaine et vous acceptez les suppressions d'emplois, envisageant même de faire disparaître entre 16 000 et 21 000 postes dans la fonction publique. Vous dynamitez les droits des travailleurs. Sur la directive Bolkestein, votre volte-face de la semaine dernière ne trompe personne, puisque le projet de Constitution prévoit en tout état de cause l'application de ladite directive. La seule façon de lui faire échec est donc de voter « non » au référendum ! (Huées sur les bancs du groupe UMP)

Vous ne pouvez mépriser la mobilisation de ce week-end : nos concitoyens rejettent vos choix, qui s'opèrent au détriment de notre peuple. (« La question ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Vous avez trente secondes, Monsieur Biessy.

M. Gilbert Biessy - Vous pourriez faire un premier geste en retirant le texte en discussion sur la réforme des 35 heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Je l'ai dit hier, le Gouvernement est attentif aux inquiétudes qui se sont exprimées ces derniers jours. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) S'agissant de la directive sur les services, le Gouvernement a émis dès le 4 juin, au Conseil des ministres Emploi qui se tenait à Luxembourg, ses plus extrêmes réserves sur l'avant-projet. Il n'avait alors été soutenu que par la Belgique. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

J'en viens à la proposition de loi en cours d'examen. A la suite du rapport de la mission parlementaire conduite par Patrick Ollier (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe socialiste), j'ai reçu les partenaires sociaux à deux reprises, en août et en octobre. Quel bilan les représentants des salariés tirent-ils des 35 heures ? Si elles leur ont permis de bénéficier de plus de temps libre, elles se sont aussi traduites par le gel du pouvoir d'achat et l'accroissement du stress au travail.

J'ai par ailleurs demandé aux représentants des différentes branches professionnelles de me faire part des difficultés concrètes rencontrées sur le terrain. La discussion parlementaire doit maintenant se poursuivre. Le texte qui vous est proposé est équilibré (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Il se fonde sur l'accord collectif, y compris, d'ici trois ans, pour les très petites entreprises. La poursuite de la discussion nous permettra de clarifier un certain nombre de points. Par ailleurs, je reste - avec les rapporteurs des deux assemblées - à la disposition des partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

MISSIONS SANITAIRES DES SAPEURS-POMPIERS

M. Jean Lemière - Au cours des dernières semaines, des centaines de sapeurs-pompiers ont manifesté leur inquiétude dans divers rassemblements, organisés dans le plus grand calme. Ils ont voulu exprimer leur préoccupation quant aux contours des missions de secours qu'ils exercent au profit de nos concitoyens. Ils redoutent en particulier que les centres hospitaliers ne soient aujourd'hui trop souvent tentés de recourir à des services privés pour porter secours aux personnes en danger. Sans aller jusqu'à parler de privatisation des secours, le risque existe d'une certaine démobilisation de nos SDIS. Cette situation, en particulier chez les volontaires, ne serait pas sans conséquences sur la protection des Français, notamment en milieu rural. La présence d'un service public aussi vital constitue un enjeu d'aménagement du territoire.

Monsieur le ministre de l'intérieur, pouvez-vous confirmer à nos sapeurs-pompiers le contenu de leurs missions en matière de secours aux personnes ? Quelles initiatives comptez-vous prendre pour clarifier le rôle de chacun des acteurs du secours dans les départements et répondre aux inquiétudes légitimes qui s'expriment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Je souhaite d'abord rendre hommage à nos 240 000 sapeurs-pompiers, volontaires et professionnels, qui 24 heures sur 24, sont mobilisés au service de nos compatriotes. Grâce à la loi de modernisation de la sécurité civile, ils disposent désormais de tous les moyens pour remplir leurs missions. Je veux répondre aux inquiétudes qui s'expriment par un message clair : il n'est pas question de remettre en cause les activités sanitaires des sapeurs-pompiers, non plus que leur présence sur l'ensemble du territoire, en particulier en milieu rural. Et il n'est pas davantage question de diminuer le nombre de centres de secours, car cela conduirait à allonger la durée des interventions. Pour apaiser les inquiétudes, ma méthode, c'est la concertation, tant au niveau national, dans le cadre de la conférence nationale des SDIS que je prépare avec M. Douste-Blazy, que dans les départements, puisque j'ai donné instruction aux préfets que les pompiers trouvent toute leur place dans l'organisation des secours à l'échelon local. Détermination, mobilisation et concertation, telles sont les exigences du Gouvernement pour nos sapeurs-pompiers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DIALOGUE SOCIAL

M. François Hollande - Monsieur le Premier ministre, il y a mille jours, ici même, lors de votre discours de politique générale, vous proclamiez votre volonté de dialogue social. Convenez aujourd'hui que vous êtes loin du compte ! Aucune négociation n'est ouverte, sur aucun sujet : pas davantage l'emploi que le pouvoir d'achat ou les salaires dans la fonction publique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Après les imposantes manifestations de samedi (Mêmes mouvements), toutes les organisations syndicales attendaient une initiative, une proposition, une ouverture. Las, rien n'est venu, et vous avez même cru bon de répondre par une formule badine. Je considère que cette attitude, la vôtre, dans ces circonstances, n'est pas à la hauteur de celle que l'on est en droit d'attendre d'un chef de gouvernement (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP) Par votre attitude, vous prenez en effet le risque d'amplifier un mécontentement. Sur le dossier des 35 heures, vous aviez pris l'engagement dans la loi sur le dialogue social de ne présenter aucun projet de loi sans concertation préalable avec l'ensemble des organisations syndicales. Il n'y a pas eu de concertation, et il y a aujourd'hui une proposition de loi ! Sur le fond comme sur la méthode, vous ne contribuez pas à l'apaisement des esprits, pourtant indispensable pour rétablir la confiance et relancer la croissance.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous recevoir les organisations syndicales qui vous en ont fait la demande ? Allez-vous écouter leur message ? Vous avez déclaré que vous aviez, samedi, ouvert vos fenêtres pour écouter les manifestants ; le temps est désormais venu d'ouvrir votre porte aux organisations syndicales. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre - (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP) Monsieur le député, ce n'est pas parce qu'on défile à la tête de manifestations organisées par d'autres que l'on est un spécialiste du dialogue social ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Ma porte est ouverte aux syndicats : au mois de septembre, puis au mois d'octobre, je les ai reçus pour parler du temps choisi, de cette liberté de travailler plus pour celui qui veut gagner plus (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Je les ai reçus les uns après les autres et je continuerai de les recevoir régulièrement, et Gérard Larcher fait de même au ministère du travail. Nous avons des contacts réguliers avec les uns et les autres. Le mépris n'est pas dans notre nature. L'époque de la distance ou de l'arrogance est désormais révolue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous sommes attentifs aux demandes des syndicats. Ils souhaitent que, dans les petites entreprises, l'on puisse rapprocher progressivement la rémunération des heures supplémentaires du régime applicable dans les plus grandes : nous irons dans cette direction. Ils demandent que le dialogue social se renforce dans les petites entreprises, pour qu'il y ait moins d'écarts entre les différents salariés, selon qu'ils travaillent dans une plus ou moins grande structure : nous irons dans cette direction. Notre politique, nous la menons pour la France, pas pour telle ou telle catégorie de Français, et ce n'est pas le sectarisme qui l'inspire.

Monsieur le député, un gouvernement souhaitant défendre une politique d'avenir ne saurait s'engager sur la voie que vous proposez, celle de la démagogie. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) La France a besoin de courage et de détermination. Le progrès social dans notre pays ne peut se financer que par le travail, dans un double souci de justice et de liberté. A l'écoute du pays, notre politique vise à servir la France tout entière, et non pas seulement un parti de la France. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP où certains députés se lèvent ; brouhaha sur les bancs du groupe socialiste où beaucoup crient « Démission ! Démission ! »)

PSYCHIATRIE

M. Michel Herbillon - Après le double crime ayant eu lieu à l'hôpital psychiatrique de Pau il y a quelques semaines, la prise en charge des patients souffrant de maladies mentales s'est retrouvée au cœur des préoccupations des Français. Cette tragédie a appelé l'attention, de manière brutale et traumatisante, sur la grave crise dans laquelle s'enfonce depuis longtemps la psychiatrie dans notre pays, en particulier à l'hôpital public.

Depuis dimanche dernier, les médias se font l'écho d'accusations portées par certains syndicats quant aux conditions d'accueil des malades à l'hôpital psychiatrique Esquirol de Saint-Maurice dans le Val-de-Marne, qui se trouve dans ma circonscription. Cette affaire, sur laquelle je souhaiterais que vous nous communiquiez toutes les informations dont vous disposez, est révélatrice du malaise dont souffrent ces hôpitaux. Les raisons en sont, hélas, connues. Le manque d'investissement depuis des décennies y a abouti à des conditions d'hospitalisation parfois peu respectueuses de la dignité des malades non plus que de la sécurité des personnels. A cela s'ajoutent un manque criant de personnel qualifié, la diminution, annoncée depuis longtemps, du nombre de psychiatres, la fermeture de nombreux lits au fil des ans, la prise en charge d'un nombre croissant de patients à l'hôpital, faute de solutions adaptées à l'extérieur.

Face à cette crise et au désarroi des personnels, médicaux et non-médicaux, qui se sentent depuis longtemps abandonnés des pouvoirs publics, vous avez, Monsieur le ministre de la santé, annoncé un plan Santé mentale, visant à redonner un nouvel élan au secteur psychiatrique. Pouvez-vous nous indiquer comment celui-ci redonnera confiance aux professionnels et rassurera les familles sur les conditions de prise en charge de leurs proches ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille - Trop de tabous, trop de peurs, trop de silences entourent la question de la maladie mentale et de la prise en charge des malades mentaux dans notre pays. Il ne faudrait surtout pas assimiler les responsables des faits divers tragiques ayant eu lieu récemment, en particulier à Pau, avec le million et demi de personnes suivies sur le plan psychiatrique.

Nous avons lancé un vaste plan Santé mentale, pour lequel je remercie le Premier ministre de son soutien actif. Un effort massif d'investissement sera consenti en faveur de l'hôpital psychiatrique public avec plus de 750 millions d'euros en moyens d'équipement et en moyens humains, de façon à améliorer à la fois l'accueil des patients et la sécurité de tous dans les établissements. Un effort sera fait également en matière de formation du personnel infirmier, par le biais d'un tutorat d'un an auprès des personnels les plus expérimentés. Enfin, 15 % à 20 % des malades aujourd'hui hospitalisés en psychiatrie pourraient l'être dans le secteur médico-social. Avec Marie-Anne Montchamp, nous avons donc le projet de créer trois mille lits médico-sociaux dans les trois prochaines années.

S'agissant du centre hospitalier spécialisé d'Esquirol dans votre circonscription, dès que j'ai été mis au courant des faits, j'ai diligenté une enquête administrative. Ou ces faits sont avérés et, vous pouvez me faire confiance, ils seront sanctionnés. Ou ils ne le sont pas, et je ne tolérerai pas que l'activisme de certains personnels déstabilise la direction des établissements.

Concernant l'hôpital psychiatrique de Pau, chacun s'accordera à saluer le courage et la dignité de tous ses personnels qui ont continué à faire fonctionner l'établissement dans des moments très difficiles. C'est à l'honneur du service public hospitalier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

POLITIQUE ÉCONOMIQUE GÉNÉRALE

M. Marc Laffineur - Monsieur le ministre des finances, vous avez présenté ce matin un diagnostic de la situation économique générale de notre pays et détaillé les blocages qui l'empêchent d'avancer. L'emploi est la première priorité du Gouvernement, mais il n'y a pas d'emploi sans croissance, pas de croissance sans confiance, et pas de confiance sans emploi. La croissance a été bonne en 2004, autour de 2,5 %, et devrait atteindre le même niveau en 2005. Pour autant, cela ne suffit pas, et le Gouvernement souhaite créer les conditions d'une croissance durablement supérieure. Que fera-t-il dans les mois à venir pour soutenir le pouvoir d'achat, la consommation et l'emploi, renforcer les entreprises créatrices d'emplois, lever les blocages qui verrouillent notre économie, et mettre nos finances publiques au service de l'emploi et de la croissance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Gaymard, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Vous avez raison, la croissance ne s'engendre pas seule, elle se construit dans la confiance. Nous avons ce matin, avec Jean-François Copé, Patrick Devedjian et François Loos, annoncé nos axes d'action.

Le soutien du pouvoir d'achat est notre première priorité. Nous proposerons donc au Premier ministre de diminuer en priorité l'impôt sur le revenu (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour les tranches inférieures du barème (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), d'optimiser la prime pour l'emploi et de proroger la mesure exceptionnelle prise par mon prédécesseur en faveur des donations - il sera désormais possible de transmettre non pas 20 000 mais 30 000 € en franchise de droits de succession à chacun de ses enfants et de ses petits-enfants. Le soutien du pouvoir d'achat passe également par une action sur les prix - avec Christian Jacob, nous travaillons donc à une réforme de la loi sur la concurrence, de façon à obtenir les prix les plus bas pour les consommateurs -, un accès plus facile au crédit - nous y pensons notamment, avec François Fillon, pour les étudiants -, enfin un effort pour réduire le poids du logement dans le budget des ménages, lequel atteint aujourd'hui 27 % en moyenne - avec Jean-Louis Borloo et Marc-Philippe Daubresse, nous réfléchissons aux moyens de sécuriser les bailleurs et de réviser l'indice de la construction, qui a beaucoup dérapé ces dernières années.

Voilà donc une première série de mesures pour le pouvoir d'achat.

Une deuxième série de mesures concerne nos entreprises. Il s'agit tout d'abord d'accélérer les remboursements de TVA : avec Jean-François Copé, nous prenons l'engagement que désormais 80 % de la TVA seront remboursés aux entreprises dans le mois qui suit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Elles pourront en outre compenser les créances et les dettes fiscales, ce qui est une révolution. D'autre part, avec Christian Jacob, nous allons assurer aux PME un meilleur développement et un meilleur accès au crédit.

Enfin, sur le plan structurel, il faut mieux orienter l'épargne vers le financement des entreprises. Nous avons confié à M. Barbier de la Serre une mission destinée à dégager des propositions pour mettre fin aux dysfonctionnements que nous connaissons. D'autre part, avec M. Borloo, sous l'autorité du Premier ministre, nous allons envisager tous les blocages à l'emploi qui sévissent dans notre pays.

Parmi ces mesures, certaines sont d'effet immédiat ; d'autres seront inscrites dans la prochaine loi de finances ; d'autres enfin sont des chantiers à long terme - car la bataille de l'emploi se gagne sur le long terme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

POLITIQUE SOCIALE DU GOUVERNEMENT

Mme Martine David - Monsieur le Premier ministre, depuis près de trois ans vous administrez à nos concitoyens une amère potion, censée permettre plus de croissance et d'emploi. Vous avez ainsi contraint les Français à d'importants sacrifices, rogné leur pouvoir d'achat, précarisé leur situation sociale. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Or vos promesses n'ont pas été tenues. Cette politique de flexibilité censée faciliter l'embauche a échoué ! Les conséquences sur le taux de chômage sont terribles : de 8,8 % en décembre 2001, il est passé à près de 10 % aujourd'hui ! Le nombre des chômeurs s'est accru de 322 000. Plus inquiétant, la situation des femmes se fragilise de plus en plus ; de même les jeunes sont parmi les principales victimes de votre politique. A qui ferez-vous croire que les petits boulots qui se multiplient pourront compenser les licenciements ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Non, Monsieur le Premier ministre, contrairement à ce que vous répondiez à François Hollande, votre politique ne sert pas la France ! Les facilités sans contreparties accordées aux entreprises, les scandaleuses attaques contre le droit du travail sur commande du Medef (Mêmes mouvements) ne suffisent pas à relancer l'économie et l'emploi, non plus que la sape idéologique des 35 heures (Mêmes mouvements). Cessez de faire régner l'insécurité économique et sociale. Quand nous direz-vous enfin les mesures que vous comptez prendre au service de l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale - Je ne doute pas que, dans les régions, les moyens budgétaires dégagés par l'augmentation des impôts permettra de régler le problème de l'emploi ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Plus sérieusement, je rappelle qu'à l'arrivée de François Mitterrand les chômeurs étaient 1,5 million : quand il est parti ils étaient 2,8 millions ! (Mêmes mouvements) La dernière année du gouvernement que vous souteniez, le chômage a connu une augmentation extrêmement importante. Les courbes s'inversent lentement : pour la première fois nous créons à nouveau des emplois et le chômage diminue (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) C'est l'effet des mesures que nous avons prises en faveur de la création d'entreprises, de l'apprentissage, de la création de contrats de travail spécifiques pour les titulaires du RMI ; à quoi s'ajouteront la semaine prochaine des mesures en faveur des services à la personne. Je suis convaincu que l'ensemble de ces dispositifs nous permettra de rejoindre le peloton de tête des pays européens. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ENCHÈRES ÉLECTRONIQUES INVERSÉES

M. Jacques Le Guen - Ma question, à laquelle s'associe mon collègue Gérard Lorgeoux, s'adresse à M. le ministre des petites et moyennes entreprises. Elle concerne les conséquences pour l'agriculture et l'industrie agro-alimentaire du recours par la grande distribution au système des enchères inversées sur internet. Les entreprises doivent se connecter à un marché virtuel et n'ont que quelques minutes pour sous-enchérir. Des sommes non négligeables sont mises en jeu. Il en découle une pression accrue sur les fournisseurs, qui se répercute nécessairement sur les producteurs, et l'on risque une importante dégradation des cours, alors que plusieurs filières agricoles sont déjà en crise. Il y a l'effet sur l'emploi. D'autre part, les consommateurs manifestent une exigence de qualité et de sécurité alimentaire légitime, mais qui a évidemment un coût. Quelles mesures peuvent être prises pour éviter que ce système se traduise par des baisses de prix, nuisibles aux acteurs des filières, sans que le consommateur en soit nécessairement le principal bénéficiaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation - Dans le cadre de la future loi sur les PME, qui traitera notamment des problèmes d'accès au financement, de statut juridique, de transmission, nous aborderons également les pratiques commerciales, et en particulier le problème que vous soulevez. Il ne s'agit pas d'interdire les enchères, qui sont aussi vieilles que le commerce. Mais le mécanisme des enchères électroniques inversées doit être règlementé : il faut interdire l'anonymat et les offres fictives, et enregistrer le déroulement des enchères pour en permettre un contrôle a posteriori. Ainsi pourra-t-on s'assurer que ce mécanisme n'est pas utilisé pour faire pression sur les entreprises. C'est dans cet esprit que nous travaillons, comme nous allons le faire plus généralement dans cette loi en faveur du développement des PME, fer de lance de notre économie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

PRÉVENTION DES INONDATIONS DU RHÔNE

M. Roland Chassain - Après les inondations de l'été 2003 dans le Sud de la France et notamment dans le pays d'Arles, le Premier ministre avait annoncé à la représentation nationale un nombre important de mesures. Le 19 décembre 2003, devant les élus des zones concernées, il s'était engagé à renforcer la coordination de la gestion interrégionale du Rhône. A cette fin, en septembre dernier, le préfet de la région Rhône-Alpes, choisi par le Gouvernement comme coordinateur, a réuni à Tarascon les maires de la rive gauche. J'ai réuni hier, aux Saintes-Maries-de-la-Mer, les maires de la rive droite du Rhône ; nous refusons que la Camargue et la petite Camargue soient sacrifiées !

Nous accepterons le nouvel aménagement du fleuve si une véritable solidarité entre les territoires est respectée : la création de zones d'extension des crues doit se faire sur l'ensemble du cours du fleuve, de sa source à la mer. Les élus et les habitants de la zone du déversoir de Boulbon attendent du Gouvernement des mesures spécifiques tenant compte des efforts fournis au nom de la solidarité nationale. Tous les élus et les associations des riverains du Rhône et de ses affluents doivent être pleinement associés aux réflexions et aux décisions concernant le fleuve.

Monsieur le ministre, un an après ces terribles intempéries, pouvez-vous nous rappeler le bilan des actions engagées par les pouvoirs publics et le calendrier des mesures à venir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable - Les événements de l'été 2003 ont placé la prévention des inondations sur le Rhône au rang de priorité.

Premièrement, 80 millions d'euros ont été mobilisés par l'Etat pour les réparations d'urgence. Mon ministère a déjà versé 19,8 millions d'euros sur les 24 millions promis, le reste de la somme sera alloué au cours de l'année 2005.

Deuxièmement, une stratégie globale de prévention des inondations a été mise au point. M. Lacroix, préfet de la région Rhône-Alpes et préfet coordinateur de bassin, et M. Torre, président du comité de bassin, ont mis en place un dispositif de concertation. Vendredi dernier, le comité de pilotage s'est réuni. Trois plans - pour le grand delta, pour le Rhône moyen au sud de Lyon et un autre pour le haut Rhône - ont été définis et 8 millions d'euros sont à la disposition du préfet pour lancer ses premières actions.

Sur le grand delta, zone où se concentrent les plus grands enjeux, la concertation locale va être lancée. Il n'est pas question de sacrifier des territoires mais d'identifier des zones d'expansion des crues dans un véritable esprit de solidarité entre l'amont et l'aval du fleuve. Une réunion de présentation des actions aux élus est prévue le 3 mars.

POLITIQUE SOCIALE DU GOUVERNEMENT

M. Jean-Marie Le Guen - Un terme fait aujourd'hui l'unanimité pour caractériser la politique du Gouvernement : l'arnaque ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP ; « Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

L'arnaque, c'est le terme repris par les commentateurs pour analyser votre politique en matière de droit du travail (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Vous démantelez les 35 heures, vous permettez le rachat à bas pris des congés payés des salariés ! (Mêmes mouvements)

L'arnaque, c'est le titre de L'Express cette semaine. Vous baissez les impôts pour les plus riches et vous augmentez les cotisations sociales de la majorité des Français !

Les deux milliards d'euros de la journée de solidarité pour la dépendance vont servir essentiellement à combler les dépenses de l'Etat creusées par la baisse des impôts pour les riches !

Monsieur le Premier ministre, le talent de Paul Newman vous fait malheureusement défaut, nous craignons que ce film ne se termine mal. Quand allez-vous cesser cette surenchère libérale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - Vous ne nous décevez jamais ! J'admire votre don de la caricature, et votre faculté d'oubli ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous avons engagé la réforme des retraites, de la protection sociale, de la dépendance, de l'Etat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), de la cohésion sociale. A tous ces rendez-vous, vous étiez aux abonnés absents !

Que nous reprochez-vous ? De ne pas avoir assez baissé les impôts ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Depuis le début de la législature, le Gouvernement a baissé les impôts de 14 milliards d'euros. En comparaison, le gouvernement Jospin avait augmenté les impôts de 10 milliards d'euros durant les deux premières années de son mandat ! Quand la gauche est au pouvoir, elle augmente les dépenses et les impôts ! La droite, elle, engage les réformes, gère le pays et baisse les impôts. Voilà toute la différence entre la droite et la gauche dans le domaine des finances publiques !

Comme l'a rappelé M. Gaymard ce matin, nous allons continuer à baisser les impôts, à aller chercher la croissance avec les dents au service de la reprise de l'emploi, de la croissance et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

JOURNÉE DE SOLIDARITÉ POUR LES PERSONNES ÂGÉES

Mme Françoise Branget - Les propos tenus par M. Le Guen sont choquants et indignes de cet hémicycle ! (« Très bien ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Après l'été 2003, le Gouvernement a décidé la création d'une journée de solidarité par l'abandon d'un jour férié (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Grâce à cet effort collectif, deux milliards d'euros par an seront dégagés dont 1,2 milliard exclusivement pour les personnes âgées (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), geste tout à fait exceptionnel envers nos aînés.

Or, le Journal du Dimanche, dans son édition du 6 février, affirme qu'en réalité ce sont seulement 365 millions d'euros cette année et 600 millions l'an prochain qui seront consacrés aux personnes âgées. Selon ce journal, le solde de la contribution de solidarité ne servirait qu'à réduire le déficit afin « de donner un coup de pouce à Hervé Gaymard ». Ces informations sont-elles fondées ? Pouvez-vous assurer que l'intégralité des revenus issus de la journée de solidarité sera exclusivement utilisée pour financer la politique en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Les affirmations du Journal du Dimanche sont fausses, et d'autant plus que le Président de la République lui-même, ce matin, a expliqué combien le Gouvernement a tenu à la mise en place de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. C'est précisément à cette caisse qu'il appartiendra de gérer les recettes issues de la journée de solidarité et nous avons pris avec M. Douste-Blazy toutes les dispositions nécessaires pour qu'elle soit opérationnelle avant l'été. Ces recettes, au titre de l'exercice 2005, devraient s'élever à deux milliards, dont 800 millions pour les personnes handicapées et 1,200 milliard pour les personnes âgées.

Notre pays vit actuellement la révolution de la longévité. Nos concitoyens les plus âgés ont besoin d'être accompagnés. Nous devons donc travailler en particulier à la médicalisation des maisons de retraite, à la formation des personnels et à la solvabilité de l'APA : les Français peuvent être certains que pas un seul euro de la CNSA ne sera affecté ailleurs qu'à la politique en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Henri Emmanuelli - Le Gouvernement nous doit de l'argent !

FISCALITÉ RÉGIONALE

M. Christian Jeanjean - Les majorités régionales socialistes ont déclenché de façon coordonnée un mouvement de hausse sans précédent de la fiscalité régionale (Huées sur les bancs du groupe UMP). Le débat sur le projet de budget pour 2005 commence aujourd'hui en région Languedoc-Roussillon : celui-ci augmentera de 40 % par rapport à 2004 ; la majorité socialiste envisage une augmentation de près de 80 % de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle (Mêmes mouvements). C'est hallucinant ! Alors que le Gouvernement œuvre à l'amélioration du pouvoir d'achat des Français, ces hausses irresponsables témoignent de l'incapacité des socialistes à gérer des collectivités locales. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Plus étonnant encore : les socialistes justifient ces augmentations par la décentralisation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) alors que les lois de décentralisation n'entreront en vigueur qu'en 2006 et que la réforme constitutionnelle votée dans le cadre de ces lois garantit le financement de tous les transferts de compétence.

Pouvez-vous nous donner votre sentiment, Madame la ministre déléguée à l'intérieur, sur l'explosion de la fiscalité régionale et nous assurer qu'elle n'est pas due à je ne sais quel désengagement de l'Etat mais aux seuls choix des socialistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur - En ce moment même, la région Languedoc-Roussillon débat de son budget. Le rapport de son président commence par ces mots : « La région Septimanie - c'est ainsi qu'il appelle la région... - a rendez-vous avec l'Histoire ». Et c'est exact ! La taxe sur le foncier non bâti augmente de 80 % (Huées sur les bancs du groupe UMP) comme la taxe professionnelle (Huées sur les bancs du groupe UMP) : alors que nous nous inquiétons tous des délocalisations, c'est autant de points de compétitivité en moins pour les entreprises de cette région (Huées sur les bancs du groupe UMP) et pour celles qui souhaitent s'y installer. Autre décision historique : une augmentation de l'emprunt de 113 % qui pèsera sur les générations futures.

Les présidents de région, en outre, ont décidé de faire réaliser un audit. Les préfets viennent de recevoir un questionnaire émanant d'une entreprise privée alors que la loi prévoit que c'est la commission d'évaluation des charges, mise en place aujourd'hui même...

M. Yves Durand - Cela n'a rien à voir !

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur - ...présidée par un élu et composée d'élus de toutes tendances qui devra procéder à ces vérifications. Autre décision historique : la gauche préfère le contrôle des sociétés privés à celui des élus de la nation. (Huées sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Enfin, si nous savions depuis longtemps que la gauche, lorsqu'elle est au pouvoir, augmente les impôts, nous constatons aujourd'hui qu'elle n'en assume pas la responsabilité. Qu'adviendra-t-il des finances ainsi prélevées sur les Français, alors que la décentralisation ne pèse nullement sur le budget 2005 et que les transferts de compétence seront intégralement financés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Leroy.

PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY

vice-président

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement. Il porte sur les questions au Gouvernement, pendant lesquelles il ne m'était pas possible de le faire. Je tiens à ce qu'elles restent consacrées d'abord à la politique nationale et non à régler des problèmes locaux entre des élus de la majorité et des membres du Gouvernement appartenant à la même assemblée territoriale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Le député qui a interrogé Mme Roig pouvait avoir cet échange avec elle au conseil régional de Languedoc-Roussillon. En outre il l'a interpellée en disant que dans cette région la taxe d'habitation avait augmenté de 80 %. Il devrait savoir que depuis le gouvernement Jospin, la taxe d'habitation au niveau régional a été supprimée. Ce détail (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) n'a pas empêché Mme Roig de se lancer dans un réquisitoire caricatural.

Je vous demande de transmettre notre protestation au Président de l'Assemblée, pour que le Gouvernement, à l'avenir, évite ce type de dérapage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Je ne manquerai pas de faire part de votre rappel au Règlement au Président Debré. Je ne doute pas qu'à la Conférence des présidents, où le Gouvernement est présent, vous le ferez aussi au nom de vos collègues socialistes. La tradition parlementaire est, vous le savez, la liberté de parole dans l'hémicycle. Je ne doute pas qu'on en usera largement cet après-midi...

M. Daniel Mach - Rappel au Règlement. Notre collègue s'est peut-être trompé en mentionnant la taxe d'habitation, mais la vérité reste bien que les taxes ont augmenté de 79 % dans la région Languedoc-Roussillon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL DANS L'ENTREPRISE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Patrick Ollier et plusieurs de ses collègues portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

ART. 3 (suite)

M. le Président - Hier soir, le vote sur les amendements identiques 47 et 65 a été reporté, en application de l'article 61, alinéa 3, du Règlement.

Les amendements identiques 47 et 65, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Compte tenu du vote qui vient d'intervenir, l'amendement 48 tombe. Les amendements 66 et 68 sont en discussion commune.

M. Alain Vidalies - Notre amendement 66 revient sur la date à laquelle la distinction entre les entreprises de moins de 10 salariés et les autres disparaîtra pour le paiement des heures supplémentaires. Ce devait être en 2005. Le Gouvernement propose maintenant 2008, pour essayer de répondre aux objections du Conseil constitutionnel qui considère que cette distinction ne peut se pérenniser, mais passer quand même les échéances de 2007.

Permettez-moi de revenir, à l'occasion de cet amendement, sur les déclarations contradictoires du Gouvernement s'agissant de la concertation avec les partenaires sociaux. Les documents de l'Union des industries métallurgiques et minières dont nous disposions à l'ouverture du débat indiquaient que les partenaires sociaux avaient refusé de s'associer à toute négociation. Vous avez alors reconnu qu'en effet, il n'y avait pas eu de négociations, contrairement aux engagements que le Gouvernement avait pris dans la loi sur la démocratie sociale, et même que vous aviez omis de consulter le Conseil économique et social ! Tout cela figure au Journal officiel.

Le Premier ministre vient pourtant de répondre à M. Hollande, lors des questions d'actualité, qu'il y a eu des négociations ! Qui devons-nous croire ? Le Premier ministre - et vous nous direz alors où, quand et comment ont eu lieu les négociations - ou vous-même, Monsieur le ministre, qui avez reconnu l'absence de concertation préalable ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 68 de M. Liebgott a le même objet. Rappelons que l'article 3 porte sur les dispositifs applicables aux entreprises de moins de vingt salariés, et qu'il tend à substituer aux accords collectifs ou aux conventions le rapport individuel entre l'employeur et le salarié. Nous avons déjà dénoncé l'ouverture de cette faille dans les fondements de notre droit du travail : le Préambule de la Constitution de 1946, qui a valeur constitutionnelle, affirme en effet le droit des salariés à la représentation et au débat collectif, tout comme, d'ailleurs, le droit de grève et celui de manifester - je le dis pour ceux que cela irrite encore.

Le Gouvernement se livre là à une manipulation des plus grossières. Le Conseil constitutionnel n'a validé le caractère dérogatoire du dispositif applicable aux entreprises de moins de vingt salariés qu'à la condition qu'il serait temporaire. Or ce temporaire dure, et cela attente au principe fondamental de la représentation des salariés.

Nous souhaitons d'autre part avoir une explication sur la durée de 70 heures par an introduite par le biais de la référence à l'article L. 212-15-3.

M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La commission a donné un avis défavorable à ces deux amendements. Nous avons déjà expliqué pourquoi il était nécessaire de proroger le régime dérogatoire mis en place par les lois Aubry. En ce qui concerne la négociation collective, je rappelle que nous examinons une proposition de loi, non un projet de loi. Enfin, la durée de 70 heures fait référence à la forfaitisation en heures affectée au régime des cadres à l'intérieur des dix jours de RTT.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail - Le Gouvernement partage l'avis de la commission sur ces deux amendements.

La pédagogie est l'art de la répétition : je vous le répète, Monsieur Vidalies, nous avons rencontré les partenaires sociaux en août, puis en octobre, et l'adaptation de la législation sur le temps de travail était au menu de nos rencontres. Du reste, ils ont réagi au sortir de nos réunions : je vous ferai parvenir les dépêches s'il le faut !

L'objectif du texte est de laisser toute latitude aux petites entreprises pour la mise en œuvre du dispositif, dans l'attente de la convention ou de l'accord collectif prévu à l'article 227-1 du code du travail. Le délai, qui expire au 31 décembre 2008, est donc pleinement justifié. Lui substituer la date de publication de la loi irait à l'encontre de l'un des objectifs du texte, qui est de permettre aux 27 % de salariés des TPE qui ne sont pas encore couverts par un accord collectif sur le temps de travail, de l'être dans les trois ans qui viennent.

J'en viens à l'ordre public social, Monsieur Le Bouillonnec. Le cœur du droit du travail, c'est la loi et la négociation collective. Le Gouvernement s'est battu, lors du Conseil des ministres européen de l'emploi de décembre, pour éviter la pérennisation de l'opting-out, et qu'il a même réuni une minorité de blocage en ce sens. La loi fixe des principes généraux - durée maximale journalière et hebdomadaire, travail de nuit - et impose, conformément au Préambule de la Constitution, un cadre collectif. En l'absence de stipulations négociées explicites, il lui appartient enfin de fixer des règles, comme le fait le présent texte. S'il renvoie à l'accord individuel, c'est cependant dans un cadre précis - limitation des rachats de jours, conditions d'indemnisation, durée maximale des journées et des semaines. S'il n'y a pas d'accord au 31 décembre 2008, le passage au niveau supérieur de 25 % sera automatique. Le cœur de l'ordre public social est donc respecté.

M. Patrick Ollier - Contre les amendements. Je rends hommage à M. Vidalies et à M. le Bouillonnec pour leurs qualités de pédagogues : ils pratiquent en effet avec talent l'art de la répétition !

M. Alain Vidalies - C'est parce que vous ne comprenez pas !

M. Patrick Ollier - Mais il ne suffit pas de répéter cinquante fois une chose pour en faire une vérité.

Le Premier ministre et le ministre vous ont répondu sur la concertation. Je vous rappellerai pour ma part les déclarations de M. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, au Grand jury RTL-Le Monde du dimanche 6 février : « Ils nous ont consultés, il ne faut pas qu'ils fassent les surpris. Nous avons expliqué quels étaient nos points de désaccord importants avec ce texte. » Concertation ne veut pas dire accord. Il y a eu des échanges, certes, mais ils ont été plus ou moins constructifs selon les sujets.

Cessez donc de prétendre qu'il n'y a pas eu de concertation : ce n'est pas la vérité !

Les signataires du texte assument totalement leurs responsabilités. Ces amendements proposent de mettre un terme au dispositif de l'article 3 dès la promulgation de la loi : ils sont peut-être facétieux, mais cela ne témoigne pas en faveur du débat parlementaire !

Je confirme que l'ensemble des membres du groupe UMP a souhaité donner aux salariés cette nouvelle opportunité. Il est écrit que le salarié peut échanger une partie de ses jours de repos contre une majoration de salaire, aucunement qu'il doit le faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) S'il ne veut pas le faire, nul ne l'y contraindra.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Bien sûr ! Mais cette souplesse, ils ne peuvent la comprendre !

M. Patrick Ollier - Je tiens à faire pièce une fois pour toutes à ceux qui nous accusent de vouloir abroger les 35 heures, alors que nous ne proposons que d'en assouplir le régime. Arrêtez de tromper les Français sur nos intentions ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Le Garrec - Tout au long de ce débat, nous nous sommes battus pour obtenir des éclaircissements et j'admets bien volontiers que certains points ont été précisés. Las, bien des ambiguïtés demeurent. Le moment venu, chacun prendra sa part de responsabilité.

Je connais la charge d'un Premier ministre, et je conçois qu'il ne puisse pas être au courant de tout. Pour avoir attentivement écouté M. Raffarin au cours de la séance de questions, j'ai cru relever qu'il n'était pas totalement au clair sur plusieurs points. Pour compréhensible qu'elle soit, cette attitude est tout de même assez regrettable. Quelques exemples de ce flottement. D'abord, j'observe que l'on passe du temporaire à l'indéfini : « on va cheminer pendant trois ans puis l'on verra ce qu'il convient de faire »... C'est le paradoxe de Xénon, ou, pour emprunter au Cimetière marin de Paul Valéry, « Achille immobile à grands pas »... Le Premier ministre nous a ensuite reparlé - une nouvelle fois ! - du « temps choisi », en prenant bien soin de taire que le temps choisi ne démarrait qu'au-delà des 220 heures supplémentaires, assorties des sept heures de travail gratuit imposées à l'ensemble des salariés ! S'il s'exprimait de manière aussi complète, nous pourrions peut-être commencer à nous comprendre. Mais il ne le fait pas, ce qui ouvre la voie à une formidable ambiguïté. Le fond du problème reste entier : tout salarié refusant de faire des heures supplémentaires dans la limite du plafond légal continue de s'exposer à un risque de licenciement pour faute réelle et sérieuse. Et je vous laisse imaginer la liberté de l'ouvrier face à son taulier, lorsque celui-ci lui demandera de faire encore quelques heures de plus... (« Il n'a rien compris ! » sur les bancs du groupe UMP)

Il faut aussi arrêter de jouer sur les mots. Je ne doute pas, Monsieur le ministre, que vous vous soyez concerté avec les organisations syndicales...

M. le Ministre délégué - Nous avons même abordé le fond des problèmes.

M. Jean Le Garrec - ...mais un aimable échange de vues, cela ne fait pas une négociation ! La vérité, c'est qu'aucune négociation sur ce texte n'a eu lieu.

Enfin, M. Larcher a beaucoup dit que les droits afférents au CET seraient garantis par l'AGS, ce qui m'avait conduit à m'inquiéter de la situation financière de cet organisme, que votre nouvelle usine à gaz tendait à encore aggraver (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Ce que j'ignorais, c'est que par un décret du 24 juillet 2003, le Gouvernement a réduit de moitié le montant des indemnités dues aux 150 000 salariés chaque année privés d'emploi du fait de la liquidation de leur entreprise...

M. le Ministre délégué - Je l'ai pourtant dit !

M. Jean Le Garrec - Pas assez fort pour que nous l'entendions tous ! Dans ces conditions, je comprends mieux que l'AGS soit désormais à l'équilibre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Les amendements 66 et 68, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Ministre délégué - L'amendement 155 précise la date à laquelle s'apprécie la condition d'effectifs à laquelle est subordonné le bénéfice des dispositions transitoires. L'article 3 est ainsi complété : « les dispositions du présent article s'appliquent aux entreprises et aux unités économiques et sociales dont l'effectif est au plus égal à vingt salariés à la date de promulgation de la présente loi. L'effectif est apprécié dans les conditions prévues à l'article L. 620-10 du code du travail. »

M. le Rapporteur - Favorable.

M. Alain Vidalies - Nous n'avons pas trouvé trace de l'article L. 620-10 dans nos codes : quel est son contenu ? Sans doute s'agit-il de dispositions codifiées très récemment.

M. le Ministre délégué - Il procède en effet de l'ordonnance du 24 juin 2004, tendant notamment à harmoniser l'ensemble des modalités de décompte des effectifs afin de lever toute difficulté d'interprétation.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ah, ces ordonnances qui font la loi !

M. Alain Vidalies - Il est fâcheux que l'on demande à l'Assemblée de se prononcer sur un article dont tout le monde semble avoir perdu la trace, d'autant que plusieurs problèmes pratiques restent en suspens. D'abord, il semble que l'on apprécie l'effectif pour toute la durée de la période à la date de promulgation du présent texte : qu'en sera-t-il des entreprises passant à « plus de 20 » avant 2008 ? Resteront-elles soumises aux dispositions transitoires ? Ensuite, comment les effectifs seront-ils calculés ? Quelle est l'incidence de ce fameux article L. 620-10 ?

M. le Ministre délégué - En réponse à vos interrogations, j'indique que l'effectif en question consiste en l'ensemble des salariés présents depuis plus d'un an dans l'entreprise, y compris ceux en CDD et en intérim, pris en compte au prorata de la durée du travail.

M. Gaëtan Gorce - Nous demandons un scrutin public sur l'amendement 155.

A la majorité de 75 voix contre 7 sur 84 votants et 82 suffrages exprimés, l'amendement 155 est adopté.

AMENDEMENTS PRÉCÉDEMMENT RESERVÉS

M. le Président - Je suis saisi d'un amendement 1854 et de quatorze amendements identiques déposés par le groupe socialiste. M. Gorce va défendre le 1854 et les quatorze autres en même temps ?

M. Gaëtan Gorce - Exercice difficile que de défendre quinze amendements en une seule intervention ! Ces amendements visent à rappeler le Gouvernement à ses responsabilités. On n'a cessé de nous dire depuis le début de ce débat, et encore tout à l'heure, lors de la séance de questions, par la bouche auguste de l'hôte de Matignon, que la concertation aurait eu lieu. Et M. Ollier, avec d'ailleurs un aplomb impressionnant, a soutenu qu'elle avait effectivement eu lieu. Je n'aurai pas la cruauté de lire intégralement à nos collègues de l'UMP les réactions des partenaires sociaux aux déclarations du Premier ministre hier matin. Plusieurs responsables d'organisations syndicales ont eu le sentiment d'être traités « avec mépris », selon leurs propres termes. Certes, leur avis vous importe peu et le Gouvernement leur a clairement adressé une fin de non-recevoir. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Nous avons bien compris que forts de détenir seuls le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, vous vous obstinerez en tout état de cause à légiférer.

Il n'en reste pas moins que vous vous étiez engagés solennellement dans la loi Fillon relative au dialogue social à organiser la concertation avec les partenaires sociaux, puis dans le décret relatif aux heures supplémentaires, à saisir le Conseil économique et social après qu'un bilan aurait été dressé, et cela, vous ne pourrez pas nous empêcher de le rappeler à l'opinion. Le plus grave n'est pas encore que cette majorité soit prise en défaut par rapport à ses engagements, mais qu'agissant de la sorte, elle ne pourra plus avoir aucune crédibilité auprès des partenaires sociaux, quel que soit le sujet en discussion. Reste à espérer que vous ne court-circuiterez pas systématiquement les instances de concertation, et même le Conseil d'Etat, comme vous l'avez fait pour cette fausse proposition de loi, prétendue avancée au nom d'une prétendue liberté qui ne fait que remettre en question les 35 heures auxquelles les Français sont attachés.

M. le Rapporteur - Ces amendements n'ont pas été examinés par la commission. J'y suis, à titre personnel, défavorable. Un bilan de la négociation collective relative aux heures supplémentaires a bien été dressé devant la commission nationale de la négociation collective en 2004.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. Nous nous sommes déjà longuement expliqués sur le sujet. Je vous renvoie à la lettre du 30 juin.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur les quinze amendements en discussion.

M. Hervé Novelli - Le dépôt de tous ces amendements est clairement une manœuvre d'obstruction de la part du groupe socialiste. Mais, plus grave encore, M. Gorce vient de qualifier ce texte de « fausse proposition de loi », ce qui revient à dénier le droit d'initiative parlementaire. En tout cas, de la part de M. Gorce, il s'agit bien d'une vraie tartuferie...(« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Le Garrec - Ce propos est inacceptable. 

M. Hervé Novelli - Nous avons eu un débat sérieux et argumenté. Il n'est pas tolérable d'entendre traiter ce texte de « fausse proposition de loi ».

M. le Président - Monsieur Vidalies, je vous donne la parole pour répondre, mais je vous rappelle que le Règlement ne m'y oblige pas.

M. Alain Vidalies - Peu importent les qualificatifs ! S'agissant de la méthode, votre objectif était bel et bien de ne pas avoir à soumettre ce texte au Conseil d'Etat ni au Conseil économique et social. Les partenaires sociaux n'en ont pas été dupes, non plus que de vos objectifs. Si M. Ollier a osé parler « d'ajustement à la marge » des 35 heures au nom d'une « plus grande souplesse », M. Novelli, lui, au moins, a bien dit de quoi il retournait dans l'entretien qu'il a accordé à un quotidien à la veille de l'ouverture de ce débat. « A plus long terme, il faudra s'intéresser à la notion même de durée légale du travail », y a-t-il déclaré. Nous sommes donc bien fondés à voir dans cette proposition de loi la première étape d'une entreprise de destruction de notre droit du travail.

La concertation aurait eu lieu, dites-vous. Il n'est que de lire les déclarations des principaux responsables d'organisations syndicales rapportées par l'AFP pour voir qu'il n'en est rien. « Le Premier ministre dit qu'il écoute, mais continue comme avant. C'est encore du mépris. », a immédiatement réagi le secrétaire général de Force ouvrière, pour qui on ne peut tout de même pas faire comme si rien ne s'était passé samedi. « Le Premier ministre méprise les partenaires sociaux », a renchéri son homologue de l'UNSA. Le président de la CFTC, pour sa part, avertissait qu'à ne pas être entendu, le peuple risquait de manifester son mécontentement. Ce sont bien les représentants des salariés qui se sentent méprisés par ce gouvernement.

A la majorité de 80 voix contre 5 sur 85 votants et 85 suffrages exprimés, l'amendement 1854, et les 14 amendements identiques, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Je suis saisi d'un amendement 1855 et de quatorze amendements identiques.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - S'il est possible que nos interventions vous paraissent répétitives...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - En effet, vous n'avez rien à dire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - ...ce reproche serait injuste, et je l'indique aux collègues de l'UMP, nombreux aujourd'hui, qui n'ont pas participé à l'ensemble du débat (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Car les amendements que nous venons d'aborder auraient dû être examinés jeudi dernier, dès avant l'article 3. Comme ils ont été réservés, ils nous reviennent massivement en fin de débat, et peuvent apparaître répétitifs. Toutefois ils soulèvent des questions importantes. Ainsi l'amendement 1855 tend à introduire un nouveau paragraphe ainsi rédigé : « Une négociation nationale interprofessionnelle entre les organisations syndicales et patronales représentatives fixe au vu du bilan de la négociation collective relative à la fixation des contingents d'heures supplémentaires et du recours aux heures supplémentaires prévue par l'article 2 de la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, les conditions de réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise et notamment dans les entreprises de vingt salariés au plus visées dans le présent article, avant la fin de la discussion du présent texte ». Conformément au souhait des organisations syndicales représentatives des salariés, nous proposons cette négociation nationale. C'est un engagement que vous aviez pris : nous estimons nécessaire de l'inscrire dans la loi, afin de permettre l'ouverture immédiate de cette négociation.

M. Jean-Pierre Soisson - Rappel au Règlement. Je n'accepte pas qu'un député socialiste mette en cause le nombre des députés UMP présents en séance. Je constate que les députés socialistes sont de moins en moins nombreux, comme s'ils avaient compris l'inanité de leur combat, alors que nous sommes de plus en plus nombreux parce que nous menons le bon combat pour les salariés de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58, alinéa 1, relatif au déroulement de nos travaux. Il y a quelques instants j'ai pris une précaution, en quelque sorte en manière d'excuse, pour expliquer le caractère un peu répétitif de nos amendements, dont je comprends qu'il puisse irriter : j'ai tenu à rappeler qu'ils avaient été réservés à la demande du Gouvernement, ce qui nous conduit à les examiner tous aujourd'hui, de façon un peu décalée par rapport à leur place logique dans le débat. J'ai pris cette précaution afin d'informer nos collègues qui n'étaient pas dans l'hémicycle à ce moment-là ; je n'entendais nullement les mettre en cause, et je regrette que M. Soisson ait mal interprété mon propos. Je demande une brève suspension.

M. le Président - Vous n'avez pas la délégation : c'est M. Gorce qui l'a. Par ailleurs ce n'est pas le Gouvernement qui a demandé la réserve, mais la Présidence, et moi-même hier à ce fauteuil. Et j'assume cette décision, fondée sur le caractère non pas un peu, mais intégralement répétitif de ces amendements : il n'est que de les lire. Le débat avance sereinement, il est de qualité : je propose que nous poursuivions ainsi, plutôt que de faire rappel au Règlement sur rappel au Règlement. Je demande donc l'avis de la commission et du Gouvernement sur l'amendement 1855 et les amendements identiques.

M. le Rapporteur - La commission ne les a pas examinés. Avis défavorable à titre personnel, pour les raisons plusieurs fois indiquées.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

M. Gaëtan Gorce - Nous avons tous le souci, Monsieur le Président, que le débat s'achève sereinement, et je veux bien renoncer à la demande de suspension de mon groupe si nous revenons au calme. Je ne souhaite pas prolonger la discussion, mais je ne résiste pas au plaisir de citer à nouveau Cyrano pour définir le rôle de l'opposition :

« Et que faudrait-il faire? (...) Se changer en bouffon

« Dans l'espoir vil de voir, aux lèvres d'un ministre,

« Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre? » (Sourires )

L'amendement 1855, et les 14 amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - A propos de notre amendement 1856, et des douze amendements qui lui sont identiques, je souhaite tout d'abord répondre à M. le ministre sur le problème de la constitutionnalité du texte. Je désire en effet que soient actées dans le débat nos réserves sur la possibilité d'introduire dans le droit français - malgré ce que vous avez dit de la position du gouvernement français au niveau européen - ce que nous considérons comme une amorce de la procédure anglo-saxonne de l'opting out, et qui nous semble contraire au Préambule de la Constitution. En effet, dans sa décision du 10 juin 1998, le Conseil constitutionnel a dit que nulles dispositions « ne sauraient dispenser le législateur, dans l'exercice de sa compétence, du respect des principes et règles de valeur constitutionnelle, en ce qui concerne en particulier les droits et libertés fondamentaux reconnus aux employeurs et aux salariés ; que figurent notamment, parmi ces droits et libertés, la liberté proclamée par l'article 4 de la Déclaration de 1789, dont découle en particulier la liberté d'entreprendre, l'égalité devant la loi et les charges publiques, le droit à l'emploi, le droit syndical, ainsi que le droit reconnu aux travailleurs de participer à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion des entreprises ». Il s'agit donc bien d'un principe constitutionnel, que viole ce que vous proposez.

Quant aux amendements eux-mêmes, ils offrent au Gouvernement une session de rattrapage : en lui proposant d'organiser enfin la négociation nationale interprofessionnelle dont il a omis de faire précéder la discussion de ce texte, nous lui donnons une occasion de tenir ses engagements.

M. le Rapporteur - Non examiné ; avis personnel défavorable.

M. le Ministre délégué - Défavorable ; je renvoie à une de mes réponse précédentes sur l'encadrement prévu par la loi dans ce cas.

L'amendement 1856 et les 12 amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Le Garrec - Tous ces amendements sont importants, car ils fixent des principes. Ainsi l'amendement 1857 - comme les douze amendements qui lui sont identiques - dit que toute modification de l'organisation du temps de travail, notamment celles prévues par le présent texte, doit faire l'objet d'une négociation collective dans l'entreprise et d'un accord majoritaire. Il prévoit en outre que, dans les petites entreprises dépourvues de représentation syndicale, cet accord puisse être conclu par un salarié mandaté. Nous souhaitons relancer le mandatement, dont chacun, même M. Novelli, connaît le succès incontestable, et qui a développé le dialogue social. Vous le voyez, à travers ces amendements nous rappelons des principes. Car, comme le disait Lao Tseu, « Quand la route n'est pas tracée, le sage se fie à son image et affirme sa volonté »...

M. le Rapporteur - Non examiné ; avis personnel défavorable.

M. le Ministre délégué - Défavorable. Le mandatement peut être prévu par l'accord de branche.

L'amendement 1857 et les 12 amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 1858 et ceux qui lui sont identiques tendent à introduire des garde-fous en matière d'utilisation du compte épargne-temps. Nous proposons donc d'écrire : « Toutes dispositions relatives à la monétarisation des droits aux congés payés ou repos relatifs à la réduction du temps de travail et aux repos compensateurs liés aux heures supplémentaires sont exclues des dispositions relatives au compte épargne-temps, ainsi que toutes dispositions émanant de l'initiative de l'employeur dans ce cadre. » En effet les articles 2 et 3 de la proposition portent en germe une utilisation du compte épargne-temps risquant de porter atteinte aux congés payés, notamment à la cinquième semaine, ainsi qu'aux repos compensateurs : nous souhaitons lever toute ambiguïté à cet égard.

Puisque vous privilégiez le rapport individuel entre le salarié et l'employeur, précisons que leur discussion intégrera ce dispositif qui aura force de loi.

L'amendement 1858, et les 12 amendements identiques, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - Par l'amendement 1950 et les douze amendements identiques, nous désirons clarifier la notion de temps de déplacement professionnel. Les précisions de la jurisprudence sur cette question difficile ont été obscurcies par l'amendement de M. Fourgous, adopté lors de l'examen du projet de loi pour la cohésion sociale, selon lequel le temps de déplacement professionnel ne peut être considéré comme du temps de travail.

Or cette disposition, contraire à la jurisprudence française, va également à l'encontre de la jurisprudence européenne dont le non-respect vaut condamnation par la Cour de justice des communautés européennes. La France a déjà été sanctionnée sur la question des astreintes.

Nous souhaitons donner une définition précise du temps de déplacement professionnel. Il est constitué par « le temps de trajet effectué par le salarié dans le cadre de sa mission pour le compte de l'entreprise lorsque ce temps coïncide avec l'horaire collectif de travail ». Cette définition évacue l'argument concernant les grands déplacements. Afin d'éviter la multiplication de contentieux préjudiciables aux salariés comme aux entreprises, nous devons préciser que le temps de travail comprend « le temps de déplacement du salarié commandé par l'exécution de sa mission pour se rendre, à partir de son domicile, sur le lieu d'exécution du contrat de travail lorsque celui-ci n'est pas le lieu habituel ».

M. le Rapporteur - La commission a déjà repoussé cet amendement. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 1950, et les 12 amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 1952 et les douze amendements identiques visent à supprimer la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail, rédigée comme suit : « A défaut d'une conclusion d'une convention ou accord, les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou repos auxquelles elles donnent lieu sont fixées par l'employeur (...) ». En conformité avec la volonté affichée par le Gouvernement, la négociation collective doit primer sur la décision unilatérale de l'employeur.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Les astreintes, correspondant à des enjeux de sécurité, doivent pouvoir être fixées unilatéralement par l'employeur.

M. le Ministre délégué - Même avis.

L'amendement 1952, et les 12 amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - Par l'amendement 1953 et les douze amendements identiques, nous souhaitons préciser que le montant de la compensation financière, lors d'une intervention du salarié pendant la période d'astreinte, doit être majoré de 50 %.

L'amendement 1953, et les 12 amendements identiques, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gaëtan Gorce - Par la loi du 19 janvier 2000, la notion d'astreinte avait été définie afin de mieux protéger le salarié, et encadrée en précisant les conditions dans lesquelles les astreintes peuvent être effectuées. L'amendement 1954 et les douze amendements identiques visent à compléter ces dispositions en ajoutant que « la période d'astreinte ne peut être imposée par l'employeur, elle doit recueillir l'accord exprès du salarié ». Cet amendement se situe dans l'esprit qui anime cette proposition de loi : favoriser la liberté du salarié.

M. le Rapporteur - La commission a déjà rejeté cet amendement.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. Du reste, la loi du 19 janvier 2000 ne le prévoyait pas !

L'amendement 1954, et les 12 amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies - L'amendement 740 et les cinq amendements identiques sont défendus.

L'amendement 740, et les 5 amendements identiques, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Le Garrec - Par l'amendement 743 et les cinq amendements identiques, nous portons secours au Premier ministre.

Plusieurs députés UMP - Comme c'est gentil !

M. Jean Le Garrec - Lors des questions au Gouvernement, nous avons bien senti qu'il était gêné par le taux de majoration de 10 % des heures supplémentaires. Il a promis de considérer la question sans s'engager sur une date. Face à la timidité du Premier ministre, nous avons la hardiesse de celui qui veut gagner. Comme le disait Lao Tseu, « puisque tu es sûr de ton droit, sois hardi, affirme-le ! » L'amendement 743 et les cinq amendements identiques visent donc à remplacer 10 % par 25 %.

M. le Rapporteur - Avis défavorable : le taux de 10 % est issu du dispositif initial de Mme Aubry.

M. le Ministre délégué - Défavorable, malgré Lao Tseu !

L'amendement 743, et les 5 amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je défendrai l'amendement 943, puis après le vote, je retirerai les autres amendements ayant le même objet.

Plusieurs députés UMP - C'est un beau geste ! Vive Lao Tseu !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Par l'amendement 943, nous soulignons une ultime fois le non-respect par le Gouvernement des engagements qui résultaient du dispositif législatif concernant l'organisation du temps de travail dans les entreprises de moins de vingt salariés.

Le Conseil constitutionnel a accepté le statut dérogatoire des entreprises de vingt salariés en raison de son caractère temporaire. Or vous prorogez, dans des conditions inacceptables porteuses d'inconstitutionnalité, le délai jusqu'à 2008. Le temporaire devient définitif !

Du reste, cette prorogation du délai risque de compromettre, voire de décourager, la tenue d'un débat sur l'organisation du temps de travail dans les entreprises de moins de vingt salariés. Certaines mauvaises langues affirment que c'est là le but recherché par votre gouvernement. Faisons-les taire en retenant le délai du 1er mars 2005 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La proposition de loi respecte le critère sur lequel le Conseil constitutionnel a acté le système dérogatoire pour les entreprises de moins de vingt salariés : son caractère temporaire.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable. Le délai est fixé, au maximum, au 31 décembre 2008. Au-delà de cette date, le dispositif général s'appliquera. Retenir votre proposition nuirait à l'organisation des négociations qui fixent le niveau de rémunération des heures supplémentaires et l'organisation du temps de travail.

L'amendement 943, et les 6 amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Je remercie le groupe socialiste d'avoir accepté de retirer les 61 prochaines séries d'amendements.

M. Alain Vidalies - L'amendement 1191 et six amendements identiques sont défendus.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Ces amendements visent donc à limiter la durée de l'inégalité entre les salariés des entreprises selon qu'elles emploient plus ou moins de vingt salariés. Je redis qu'il est injuste de créer trois catégories de salariés : ceux qui travaillent dans des entreprises de plus ou de moins de vingt salariés d'une part, et ceux qui travaillent dans les services et les fonctions publiques d'autre part. Comment défendre pareille inégalité de traitement qui peut aussi bien toucher, par exemple, deux entreprises dont l'une est la sous-traitante de l'autre ?

M. Jean-Marc Roubaud - Ce dispositif a été mis en place sous la précédente législature !

M. Maxime Gremetz - Par l'inégalité qu'elle crée entre les salariés, donc entre les citoyens, votre proposition est anticonstitutionnelle - à moins que le Congrès qui se réunira à Versailles ne modifie la Constitution pour instituer l'inégalité des citoyens ? J'ajoute à ce propos que la modification de la Constitution telle qu'elle se prépare entraînera de facto la fin de nos prérogatives nationales : il ne reste plus qu'à nous saborder nous-mêmes.

Je me suis déjà beaucoup battu à l'occasion de la discussion des lois Aubry et je vous promets que cette nuit, je relirai nombre d'extraits de nos débats : notre opposition n'est pas de circonstance mais témoigne au contraire d'une grande cohérence politique.

Je voterai ces amendements avec enthousiasme.

L'amendement 1191, et les 6 amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 1195 et 6 amendements identiques sont défendus.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Ces amendements ont le même objectif que les précédents : on ne peut instaurer une inégalité entre salariés, donc entre citoyens. Dans les grandes entreprises, des accords ont été signés prévoyant la RTT, une réorganisation du travail négociée entre syndicats et patronat, un accompagnement financé à condition que l'accord soit signé par des organisations syndicales représentant la majorité des salariés ; ils accordent également des droits nouveaux aux salariés, grâce, notamment, à la mise en place d'un comité de suivi de l'accord. Et il n'y aurait plus rien de tout cela dans les petites entreprises qui, en outre, seront donc confrontées à des difficultés de recrutement ?

La durée du travail demeure quant à elle, en théorie, de 35 heures mais il faut compter avec un fort contingent d'heures supplémentaires, passé successivement de 130 à 180 puis 220 heures. Pourquoi pas au-delà ? Vous contournez la légalité de toutes les façons possibles et imaginables.

L'amendement 1195, et les 6 amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard - L'amendement 143 rectifié est un amendement de repli.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Même avis.

M. Maxime Gremetz - Je demande la parole pour répondre au Gouvernement.

M. le Président - Ce n'est pas une obligation pour moi que de vous la donner. Je vous la donne présentement mais sachez que je ne cèderai à aucun chantage. En outre, vous n'avez pas la délégation de votre groupe. Je vous donne donc la parole mais je ne le ferai pas systématiquement.

M. Maxime Gremetz - On verra. Ce n'est pas parce que des décisions sont prises dans un bureau qu'elles se réalisent. Le groupe communiste est décidé à discuter de manière approfondie. Que ceux qui pensent que notre débat sera terminé ce soir ne rêvent donc pas !

M. Patrick Ollier - Mais quel est ce chantage ?

M. Maxime Gremetz - Ce n'est pas un chantage : nous avons beaucoup de choses à dire.

M. le Président - Monsieur Gremetz, vous avez la parole pour répondre au Gouvernement. Le chantage, ici, est proscrit : il en va de la dignité de nos débats.

M. Maxime Gremetz - Vous avez pourtant su vous montrer très tolérant, Monsieur le Président.

M. le ministre et M. le rapporteur ne peuvent se contenter d'une réponse aussi laconique : je serai donc obligé de m'expliquer longuement.

Il s'agit d'un amendement de repli, et nous aurions bien entendu préféré le précédent, mais le Gouvernement est sourd à tout. Il n'entend pas les cinq cent mille personnes qui sont descendues dans la rue, ni les 77 % de Français qui les soutiennent. Il ne remet pas seulement en cause les acquis, il tient ceux qui s'expriment, et les syndicats, dans un mépris absolu. Mais attention, regardez les lycéens, demain les étudiants...

M. Jean-Marc Lefranc - Assez de manipulation !

M. Maxime Gremetz - Je sens se lever le mouvement social. Avant mai 68, toute la presse disait « la France s'ennuie ». Attention, elle bouge. Une étincelle suffirait à tout embraser.

M. le Président - Il vous faut conclure.

M. Maxime Gremetz - J'ai cinq minutes. Vous n'écoutez personne, vous n'acceptez aucun amendement. Les gens ont le sentiment qu'on les tient pour des moins que rien. Alors demain, si les trains s'arrêtent, ne venez pas dire qu'on prend la population en otage ! C'est ce qui arrive quand on n'écoute personne. Mais nous en reparlerons.

L'amendement 143 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - L'amendement 1199 et les six amendements identiques sont défendus.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre délégué - Défavorable.

M. Maxime Gremetz - Je demande la parole.

M. le Président - L'amendement a été défendu.

L'amendement 1199, et les 6 amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance !

M. le Président - Vous n'avez pas la délégation de votre président de groupe.

M. Maxime Gremetz - Si ! La voici !

Mme Danièle Hoffman-Rispal - L'amendement 746 est défendu.

M. Maxime Gremetz - Et ma suspension ?

M. le Président - C'est moi qui préside !

M. Maxime Gremetz - Monsieur le Président, vous vous comportez plus mal que l'UMP ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Vous ne présidez pas la séance, et le chantage ne réussira pas. Mon rôle est de faire respecter chacun, où qu'il siège. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Vous ne pouvez choisir vos interlocuteurs ! Je demande la parole et j'y ai droit !

M. le Président - Il fallait déposer des amendements. Les socialistes l'ont fait et ils les défendent comme ils l'entendent.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement !

M. le Président - Je constate que sur l'amendement 746, la commission et le Gouvernement sont défavorables.

L'amendement 746, et les 9 amendements identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - J'ai demandé la parole !

M. le Président - Monsieur Gremetz, je vous rappelle à l'ordre. Un député ne peut imposer sa loi à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Moi, je rappelle au Règlement !

M. le Président - Le Règlement, vous ne le respectez pas. Mais soit, si c'est un vrai rappel.

M. Maxime Gremetz - Article 58 ! Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Nous allons suspendre quelques minutes.

La séance, suspendue à 18 heures 10, est reprise à 18 heures 20.

M. Jean Le Garrec - En substituant à la date du 31 décembre 2008 celle du « lundi de Pentecôte 16 mai 2005 », l'amendement 67 remet en cause le principe même de cette journée de travail gratuite, contre lequel je n'ai cessé de m'élever. La solidarité ne se commande pas, et il incombe à l'Etat d'assumer ses responsabilités régaliennes - dont celle des personnes âgées et de la dépendance.

Notre peuple a un grand sens de la solidarité. Nous avons pu le vérifier récemment avec l'extraordinaire élan de générosité suscité par le tsunami - et c'est souvent dans les milieux les plus populaires que la générosité est la plus grande. Imposer la solidarité par la loi serait contraire à l'esprit de ce beau mot comme au comportement de nos concitoyens.

Le dispositif retenu est en outre une véritable « usine à gaz ». Il s'agit en effet d'un prélèvement sur les entreprises. Or, il y a fort à parier que bien des entreprises ne pourront pas travailler ce jour-là. Prenons l'exemple de celles qui travaillent en flux tendus : comment s'organiseront-elles le lundi de Pentecôte, sachant que l'interdiction des transports par camion est maintenue ?

La mesure est donc injuste et erronée sur le plan moral, et inadaptée sur le plan technique. Les députés de la majorité eux-mêmes sont fort embarrassés. Exemple : on ouvre les écoles, mais faut-il ouvrir les cantines ?

M. Patrick Ollier - C'est une vraie question.

M. Jean Le Garrec - Il y en a bien d'autres !

L'UDF n'a pas eu de mots assez durs pour dénoncer cette approche erronée, parlant même d'un rétablissement de la corvée !

Introduire dans le code du travail le principe d'heures de travail non payées est en effet choquant. Je ne doute pas de vos bonnes intentions...

M. Maxime Gremetz - Moi, j'en doute !

M. Jean Le Garrec - ...mais je crains qu'elles ne soient vite détournées. Je réaffirme donc mon hostilité à cette journée de travail non payée, et ma confiance en la capacité de notre pays à répondre aux exigences de la solidarité. Il vient d'en donner une éclatante démonstration.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Nous nous sommes déjà expliqués sur l'objet de l'amendement. Quant au sens de la solidarité, je vous rejoins tout à fait : l'élan spontané de nos concitoyens, qui a d'ailleurs dépassé ce que nous avions pu observer dans d'autres circonstances, a été extraordinaire, comme l'avait été celui qui s'était manifesté lors de la tempête de la fin 1999.

Je vous rappelle que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sera dotée dès 2005 de 2 milliards d'euros, dont 800 millions pour les handicapés et 1,2 milliard pour nos aînés.

Je tiens aussi à rappeler que la date de la journée de solidarité est fixée par la négociation, de branche ou d'entreprise. S'il n'est pas possible de parvenir à un accord, le lundi de Pentecôte sera retenu, et si, pour une raison ou l'autre, ce choix est impossible, il reviendra à l'employeur de fixer la date, après avoir consulté les institutions représentatives du personnel.

Le texte qui vous est soumis est donc équilibré et je ne doute pas que nous partagions tous l'objectif de solidarité entre les générations qui le sous-tend. Pour ces raisons, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à l'amendement.

M. Maxime Gremetz - En répondant de cette façon, le Gouvernement se moque du monde, et il va irriter une part toujours croissante de nos concitoyens. Faites attention ! Si je voulais aider à la chute de ce gouvernement, je lui dirais : « continuez dans cette voie ». S'agissant de la journée de solidarité, j'avais demandé à votre prédécesseur de faire expertiser les chiffres que je lui avais transmis, car ils faisaient apparaître qu'un tiers seulement de la ressource dégagée par la journée supplémentaire allait à la solidarité, les deux tiers restants atterrissant directement dans la poche de l'employeur. Eh bien, croyez-le si vous voulez, nul n'est jamais venu contredire ma démonstration. Pour vous, la liberté de négocier, c'est celle de discuter de la façon dont on va être pendu : haut, court, ferme, lâche... Alors, vous nous dîtes aujourd'hui que, contrairement à ce que l'on aurait pu croire, le lundi de Pentecôte ne sera pas la solution de dernier recours, puisqu'il reviendra à l'employeur de décider. Belle conception de la liberté et du dialogue ! C'est comme dans les partis politiques !

M. Jean Le Garrec - Pas chez nous !

M. Maxime Gremetz - En fait, vous doutez de la générosité des Français puisque vous leur imposez d'être solidaires au détriment de leurs intérêts. Je demande un scrutin public sur le vote de l'amendement 67.

M. le Président - Il est annoncé dans le Palais.

A la majorité de 89 voix contre 17 sur 106 votants et 106 suffrages exprimés, l'amendement 67 n'est pas adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

Mme Martine Billard - Nous arrivons au terme de l'examen de cette proposition de loi, particulièrement révélatrice de votre politique qui consiste à faire d'une main une promesse virtuelle, et, de l'autre, à reprendre ce qui avait été donné. Les salariés réclament aujourd'hui des augmentations de salaire, mais vos promesses en la matière résistent mal à la dure réalité des faits : baisses d'impôts pour les plus favorisés, augmentation des dividendes, augmentation des charges pour tous, baisse du pouvoir d'achat des plus fragiles. Alors que l'égalité entre les hommes et les femmes est à nouveau affichée comme l'objectif à atteindre, vous présentez un texte foncièrement défavorable à toutes celles qui subissent le temps partiel, et qui ne leur permettra nullement de travailler plus comme le souhaitent la majorité d'entre elles. Quant aux chômeurs, comment ne pas imaginer qu'ils vont être encore pénalisés par la remise en cause du partage du travail ?

Tout au long de ce débat, votre leitmotiv aura été « travailler plus pour gagner plus », mais vous n'avez pas le courage de votre politique et, par un tour de passe-passe, vous laissez les 35 heures dans le code du travail, mais vous prenez des mesures conduisant les salariés à faire 48 heures par semaine, et à renoncer à leur cinquième de congés payés. Quant à la perspective d'épargner par ce biais pour la retraite, elle s'apparente plus à un mirage qu'à un objectif sérieux, tout krach boursier étant à même de la compromettre. Dans cet article 4, vous aviez même prévu de gager les exonérations de cotisations sociales par une taxe sur les conventions d'assurance. Ainsi, au bénéfice de quelques uns, tous auraient payé. Ce n'est plus « un pour tous, tous pour un » c'est « tous pour quelques uns »...

M. Maxime Gremetz - Très juste.

Mme Martine Billard - Et tout cela au nom de la liberté ! Votre conception de la liberté au travail est digne de celle qui inspira la loi Le Chapelier, en 1791. Quant à votre idée du dialogue social, elle se résume à organiser le face-à-face entre le salarié et l'employeur, comme si la relation entre celui qui donne du travail et celui qui en demande pouvait être égalitaire. Dans la lignée des précédents, votre texte est porteur de régression sociale. Il annonce les nouvelles réformes tendant à mettre en cause tous nos systèmes de protection sociale et salariale. Mais vous pouvez essayer de revenir sur plus d'un siècle de conquêtes ouvrières, vous n'arrêterez, éventuellement, qu'un temps la marche vers un meilleur équilibre entre temps de travail et temps libre, que permet la réduction du temps de travail, elle-même autorisée par les gains de productivité. Travailler mieux pour travailler tous est toujours d'actualité. Les cinq cent mille manifestants de samedi dernier vous l'on rappelé et nul doute que se préparent des lendemains qui risquent de ne guère chanter pour vous.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Au terme de ce débat, je souhaite rappeler trois idées essentielles. Tout d'abord, Messieurs de la majorité, le droit du travail n'est pas contraire à l'intérêt des entreprises. C'est une faute que de penser cela. Le code du travail reconnaît des obligations et des droits mutuels entre employeur et salarié, sans lesquels il ne saurait y avoir de développement économique. Le droit du travail dépasse les enjeux économiques ou catégoriels.

En second lieu, le rapport individuel entre employeur et salarié ne saurait prévaloir. Les principes qui ont à ce sujet inspiré le préambule de la Constitution de 1946 doivent demeurer au fondement des relations entre employeur et salarié. C'est une garantie pour les deux parties, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. Un homme n'est pas libre lorsqu'il a besoin de travailler pour nourrir sa famille.

Enfin, il est extrêmement dangereux de revenir sur les progrès obtenus en matière de santé au travail, au prix de luttes syndicales historiques. Il est grave d'autoriser les salariés à travailler au-delà de ce qui est raisonnable pour leur santé ou à transformer en argent leurs repos compensateurs. Si la loi ne sanctuarise pas le droit à la santé, au temps libre, à une vie professionnelle conciliable avec une vie familiale, ils seront inévitablement mis à mal. A cet égard, je regrette tout particulièrement que notre amendement visant à empêcher de monétariser la cinquième semaine de congés payés dans le cadre du compte épargne-temps n'ait pas été adopté.

M. Jean Le Garrec - Le débat sur la réduction du temps de travail, ouvert depuis de nombreuses années, va se poursuivre. Majoritaires, vous réussirez à faire voter ce texte, pourtant archaïque et dangereux - je pèse mes mots. La réduction du temps de travail est une tendance historique, accélérée par le progrès des technologies...

M. Patrick Ollier - Nous sommes d'accord.

M. Jean Le Garrec - Les gains de productivité ne cessent de s'accroître. Le coût ouvrier de la fabrication d'une voiture est de 400 €, d'après le président de Renault lui-même. Le port de Dunkerque vient de battre son tonnage record de marchandises traitées avec deux fois moins de dockers. Et l'on pourrait multiplier les exemples. C'est ce processus historique que nous avons essayé d'accompagner avec deux lois qui avaient certes leurs défauts, mais ouvraient une voie d'avenir. Le président de la Banque de France reconnaissait lui-même il y a quelques jours que la réduction du temps de travail était un moyen indispensable d'adaptation.

Augmentant de façon inconsidérée la durée du travail par le jeu des heures supplémentaires, vous allez renforcer l'inégalité entre les grandes entreprises qui reportent les problèmes sur leurs sous-traitants, et les PME où n'existe aucune représentation syndicale. Le plus intolérable est que, faisant cela, vous vous prévalez de la liberté, comme si les salariés avaient la possibilité de choisir. Quelle tromperie !

Ce débat, Messieurs de la majorité, nous le reprendrons. Nous tirerons les leçons des imperfections des lois Aubry, mais nous irons jusqu'au bout de notre démarche, car cela est nécessaire dans une économie moderne et dynamique où la protection des salariés, notamment de leur santé, ne doit pas s'opposer aux intérêts de l'entreprise.

En vérité, au nom d'une prétendue liberté, vous remettez totalement en question les rapports collectifs de travail au profit de rapports individuels entre employeur et salarié, je remercie d'ailleurs M. Soisson de l'avoir dit clairement. Mais cela aggravera encore la situation de ceux qui ont le moins de moyens pour se protéger.

Ce texte, nous l'avons vivement combattu. Il sera voté, mais nous continuerons de le combattre car il est la preuve que vous regardez l'avenir dans un rétroviseur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gaëtan Gorce - Au terme de ce débat, je souhaite redire pourquoi nous sommes résolument et farouchement opposés à ce texte.

La première raison est qu'il n'a été précédé d'aucune concertation. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Cela vous gêne sans doute que je le rappelle, mais c'est un fait. Vous avez court-circuité les partenaires sociaux, qui vous l'ont d'ailleurs rappelé ce week-end.

La deuxième raison est qu'il contient des dispositions extrêmement dangereuses. Vous ouvrez la voie à une déréglementation totale de notre droit du travail, comme le souhaite l'aile la plus libérale de la majorité. Pour la première fois, on incite le salarié à s'entendre, à « trouver des arrangements » avec son employeur, au mépris du principe de la négociation collective, rappelé dans le huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946. Particulièrement dangereuse aussi la disposition permettant de monnayer les repos compensateurs par le biais du compte épargne-temps, c'est-à-dire de faire argent de sa santé. La CFDT, syndicat modéré, ouvert au dialogue, considère d'ailleurs cette mesure comme inacceptable.

La troisième raison de notre opposition à ce texte est qu'il remet totalement en question les 35 heures, bien que vous n'ayez pas le courage d'aller jusqu'au bout de ce que certains ont réclamé, y compris sur les bancs de l'UDF - laquelle apporte aussi la preuve de sa fibre sociale ! Vous conservez la durée légale du travail à 35 heures, mais en portant à 220 heures le contingent d'heures supplémentaires : cela revient à rétablir les 40 heures. Et la possibilité ouverte de faire des heures supplémentaires au-delà du contingent, ou par récupération de jours de repos, fera exploser la durée du travail.

La quatrième raison de notre opposition, qui n'est pas la moindre, est que ce texte institutionnalise l'inégalité qui s'est créée depuis la loi Fillon entre entreprises de moins de vingt salariés et les autres. Selon la taille de leur entreprise, les salariés travailleront plus ou moins longtemps et ne verront pas leurs heures supplémentaires rémunérées de la même façon. Cela est très grave, car vous créez un droit du travail et de la durée du travail à plusieurs vitesses.

Le combat que nous avons mené a été contesté par la majorité, comme si nous exagérions en défendant, à travers les droits de l'opposition, les droits des salariés et une certaine conception du droit du travail. Nous aurions pu avoir le sentiment de mener un combat inutile, quitte à dire avec Edmond Rostand - très présent dans ce débat - « C'est tellement plus beau quand c'est inutile »... Mais il nous a permis de relayer la parole des salariés, des millions de salariés hostiles à cette loi et mobilisés contre elle. Il nous aura permis aussi de faire ressortir la réalité de ce texte et de révéler les profondes modifications que vous infligez au code du travail. Ce combat n'était donc pas inutile.

Celui que vous menez, en revanche, est un combat d'arrière-garde. Pour que notre pays soit plus performant, vous croyez qu'il faut revenir aux méthodes du XIXe siècle et accroître la durée du travail, alors que la vraie question est d'en améliorer la qualité, les conditions, et de développer l'investissement dans la recherche, l'innovation, l'enseignement supérieur - qui sont négligés dans tous vos budgets. C'est d'autant plus un combat d'arrière-garde que le souhait réel de nos concitoyens est celui d'une autre articulation entre temps de travail, vie familiale, temps de loisir, temps de formation - ce que permettrait la négociation que vous refusez.

Combat d'arrière-garde encore sur le terrain de l'emploi : depuis un siècle, c'est la réduction du temps de travail qui a permis celle du chômage, et c'est son interruption dans les années 1970 qui a relancé ce dernier. Au développement de l'emploi vous substituez le recours aux heures supplémentaires : c'est dire à celui qui est hors de l'entreprise qu'en cas de reprise, ce n'est pas lui qui en bénéficiera, mais celui qui est déjà dans l'entreprise ! C'est injuste. Mais c'est aussi économiquement absurde, et nous en avons déjà la démonstration ces derniers mois, où l'on a pu observer un phénomène inédit : un début de reprise sans création d'emplois.

Le groupe socialiste, en livrant bataille avec les moyens qui sont les siens, a fait son devoir : d'explication, d'opposition, de proposition aussi, car nous reviendrons sur tous ces points quand la responsabilité nous en sera à nouveau confiée - ce à quoi vous travaillez, plus encore que nous peut-être ! La meilleure conclusion sera une ultime référence à Edmond Rostand : « Et je voudrais mourir, un soir, sous un ciel rose, En faisant un bon mot, pour une belle cause ! » Cette belle cause, le groupe socialiste estime l'avoir bien servie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Maxime Gremetz - Nous lisons aujourd'hui dans la presse, Monsieur le ministre, que les salariés de Chausson veulent rester aux 35 heures : 180 des 256 salariés de l'équipementier Chausson Outillage se sont prononcés pour leur maintien. Ce vote a été organisé par le comité d'entreprise, alors que la direction avait décidé de renoncer à la consultation des salariés sur son plan, prévoyant de porter la durée du travail à 37 heures 30 tout en réduisant de 8 % le taux horaire du salaire - soi-disant pour éviter 80 licenciements ! Voilà où nous en sommes : non seulement on remet en cause la durée du travail, mais on y ajoute un chantage sur les salaires. Et il faudrait accepter cela ! Heureusement le tribunal de Reims, saisi en référé par les salariés, a jugé illégale la proposition de la direction, estimant qu'il ne pouvait y avoir remise en cause de la durée légale du travail. Heureusement qu'il y a des magistrats pour s'opposer encore à vos tours de passe-passe.

Le passé est souvent utile pour éclairer le présent, et je ferai donc deux rappels. Il y eut à droite des esprits éclairés, et non pas seulement des gens obtus ne sachant que répondre « présent ! » au Medef. En 1993, la loi quinquennale de M. Balladur envisageait une réduction du temps de travail de 10 % en contrepartie de 10 % d'embauche - encore plus fort que nous, qui prévoyions 10 % de RTT pour 6 % d'embauche... Cet esprit éclairé n'a pas été entendu. Un autre esprit éclairé fut M. de Robien. (M. Gest s'exclame) En 1996 sa loi permettait également 10 % de réduction du temps de travail en contrepartie de 10 % d'embauche. Nous l'avons toutefois combattue, parce qu'elle prévoyait une durée de deux ans pour ces 10 % d'embauche mais sept ans de subventions et d'exonérations de charges patronales. Mais au moins il avait un peu senti le mouvement de l'histoire, alors que vous ne le sentez pas du tout et que vous tentez de le faire revenir en arrière ! Les gens qui veulent faire tourner à l'envers la roue de l'histoire finissent toujours par être expulsés de quelque scène que ce soit.

M. Philippe Folliot - Le sujet qui nous rassemble est un important sujet de société, en même temps qu'un grave problème économique. Le groupe UDF a d'ailleurs regretté que ce débat attende aussi longtemps. Le texte va dans le bon sens, mais nous déplorons que notre amendement destiné à corriger les inégalités entre les salariés, selon que leur entreprise a plus ou moins de vingt salariés, n'ait pas été retenu. L'argument du coût est assez dérisoire au regard du coût des 35 heures, et je le dis à mes collègues de l'opposition : si l'effort budgétaire que la nation a dû supporter pour cette mesure dirigiste avait été employé à préparer l'avenir, à travers la recherche, l'éducation, l'équipement, notre pays n'en serait peut-être pas où il en est. D'autres choses nous opposent. Nous ne partageons pas votre vision malthusienne du travail : dans tous les pays de l'OCDE, là où la durée annuelle de travail effectif est faible, le chômage est élevé.

M. Alain Bocquet et M. Maxime Gremetz - C'est faux !

M. Philippe Folliot - Cela devrait vous interroger. D'autre part je souligne que nos concitoyens n'ont pas nécessairement une perception négative du travail : bon nombre d'entre eux s'épanouissent dans leur travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous ne partageons pas votre vision dirigiste de la société ! Nous défendons un esprit proche des lois de Robien de 1996. Nous défendons la réduction du temps de travail (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) à condition que la liberté prime en la matière. Nous préférons la souplesse car selon les périodes de l'existence, les besoins des salariés varient. Un adulte, en pleine santé, père de jeunes enfants, aura besoin de travailler plus...

M. Maxime Gremetz - Et gagner moins !

M. Philippe Folliot - ...pour mener à bien des projets immobiliers. En revanche, un salarié plus âgé, qui a déjà élevé ses enfants et possède une maison, souhaitera disposer de plus de temps. Nous devons tenir compte des besoins de l'entreprise, des impératifs de l'économie et des choix des salariés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Hervé Novelli - Je suis fier d'être l'un des auteurs de ce texte. Durant ces heures de débat, le droit le plus fondamental des parlementaires, celui de déposer une proposition de loi, et partant, la revalorisation du Parlement ont été trop souvent niés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Par ce texte, nous apportons une réponse à la baisse du pouvoir d'achat...

M. Maxime Gremetz - Vous comprimez les salaires ! 8 % en moins !

M. Hervé Novelli - ...conséquence de la stagnation des salaires liée à l'application des lois Aubry !

M. Maxime Gremetz - Les heures supplémentaires ne seront plus majorées que de 10 % au lieu de 25 % !

M. Hervé Novelli - Nous avons également rétabli la liberté du salarié de choisir son temps de travail (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Au nom de quoi empêcherait-on de travailler plus pour gagner plus ?

Enfin, nous avons foi dans la négociation et dans le dialogue social, si maltraités il y a quelques années, lorsque la réduction du temps de travail a été imposée par la loi en contournant les partenaires sociaux.

Je suis fier du soutien de mes collègues du groupe UMP...

M. Maxime Gremetz - Le Medef vous félicite également !

M. Hervé Novelli - Cette proposition de loi est un acte de foi dans un nouveau contrat social que nous fonderons dans quelques années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C'est un diktat social !

M. le Ministre délégué - Par l'amendement 153, nous souhaitons lever le gage pesant sur cette proposition de loi.

Je remercie la présidence pour la conduite des débats et tous les parlementaires puisque nous avons dépassé notre contingent : nous sommes entrés dans la 41e heure, « l'heure choisie » par la démocratie pour s'exprimer ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Maxime Gremetz - Quelle impudence !

M. le Ministre délégué - Mes remerciements vont également aux auteurs de cette proposition de loi.

La durée légale reste bien de 35 heures...

Plusieurs députés socialistes - C'est faux !

M. le Ministre délégué - L'accord collectif, et donc l'ordre social public, sont renforcés. Nous avons besoin d'un code du travail clarifié, adapté. Du reste, tous les gouvernements, depuis trente ans, ont contribué à l'enrichir.

Nous avons mis un terme à la formidable inégalité entre les grandes et les petites entreprises. La loi de cohésion sociale a réduit la fracture entre les salariés, introduite par la loi de modernisation sociale, en instituant un dispositif de congé de reclassement personnalisé. Auparavant, le salarié d'une entreprise de plus de 1 000 salariés avait droit, en moyenne, à douze mois d'indemnités légales et à plus de 6 000 € consacrés à l'accompagnement et au reclassement ; le salarié d'une entreprise de moins de 1 000 salariés touchait, en moyenne, deux mois d'indemnités légales et 1 000 € pour l'accompagnement et le reclassement.

M. Gaëtan Gorce - Quel rapport avec l'amendement ?

M. le Ministre délégué - Il y a une heure, aux Pays-Bas, patronat et syndicats ont conclu un accord sur le temps de travail en accordant une large place aux accords sectoriels et internes aux entreprises. Pouvons-nous ignorer le monde qui nous entoure ?

M. Maxime Gremetz - Hou ! Hou!

M. le Ministre délégué - En préservant la valeur fondamentale de respect des intérêts des salariés comme des entreprises, cette proposition de loi crée de nouveaux droits pour les salariés, augmente leur pouvoir d'achat...

M. Maxime Gremetz - Hou ! Hou!

M. le Ministre délégué - ...en même temps qu'elle donne aux entreprises les moyens de relever le défi de la croissance ! (Mêmes mouvements)

M. Patrick Ollier - Bravo !

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Alain Bocquet - M. le ministre a prononcé un éloge dithyrambique sur le temps choisi. Cette loi de remise en cause de la réduction du temps de travail, certes d'initiative parlementaire, mais préparée en haut lieu, s'inscrit dans la logique européenne qui conduit vers les 48 heures de travail par semaine. C'est l'Europe sociale ! En Grande-Bretagne, avec l'opting out, c'est même 61 heures !

Un député UMP - Comme chez les communistes en Chine !

M. Alain Bocquet - Nous sommes en Europe ! Sur cet amendement, au nom du temps choisi, je demande l'application du quorum en vertu de l'article 61 du Règlement.

M. le Président - Je suis saisi par le président du groupe communiste et républicain, en application de l'article 61 du Règlement, d'une demande de vérification du quorum avant de procéder au vote sur l'amendement 153 du Gouvernement. Le quorum n'est pas atteint. Conformément à l'alinéa 3 de l'article 61 du Règlement, le vote sur l'amendement 153 est reporté au début de la prochaine séance.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 30.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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