Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2004-2005)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 59ème jour de séance, 143ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 9 FÉVRIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

OUVERTURE D'EDF ET DE GDF À LA CONCURRENCE 2

LUTTE CONTRE LA CONSOMMATION DE CANNABIS 2

LUTTE CONTRE LE RACISME 3

EFFONDREMENT DU TERMINAL 2E DE ROISSY 4

SÉCURITÉ ROUTIÈRE 4

CONTRÔLES EXERCÉS SUR LES AGRICULTEURS 5

DÉCLARATION DES COMMISSAIRES EUROPÉENS
SUR LES DÉLOCALISATIONS 6

APPLICATION DE LA LOI SUR LA PRÉVENTION DES RISQUES 7

IMMIGRATION ILLÉGALE EN GUADELOUPE 7

SITUATION AU TOGO 8

DESSERTE AÉRIENNE DE L'OUTRE-MER 9

PROCÉDURE COMMUNAUTAIRE CONTRE LE PLAN
DE SAUVETAGE D'ALSTOM 10

RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL
DANS L'ENTREPRISE (suite) 10

EXPLICATIONS DE VOTE 10

ASSISTANTS MATERNELS
ET FAMILIAUX (suite) 14

ARTICLE PREMIER A 14

ARTICLE PREMIER B 14

AVANT L'ARTICLE PREMIER 15

ARTICLE PREMIER 15

ART. 2 16

ART. 4 17

ART. 5 21

ART. 6 26

ART. 7 28

ERRATUM 29

La séance est ouverte à quinze heures.

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

OUVERTURE D'EDF ET DE GDF À LA CONCURRENCE

M. Daniel Paul - Monsieur le ministre de l'industrie, lors du débat sur le statut d'EDF et de GDF, le Gouvernement avait promis que les salariés conserveraient leur statut et que la fusion entre EDF et GDF, comme leur ouverture à la concurrence, feraient l'objet d'études approfondies avant toute décision. Or, vous avez fait voter hier, au Conseil supérieur de l'électricité et du gaz, la séparation des salariés actifs et des salariés inactifs. Vous voulez enlever 5 milliards de provision au bilan d'EDF afin de la rendre plus présentable.

Par ailleurs, vous avez rejeté la fusion entre EDF et GDF et annoncé l'ouverture de 30% du capital au privé. Rien ne justifie cette évolution, sauf à permettre à des financiers de prendre pied dans des fleurons de notre industrie publique, avec la menace de la recherche de rentabilité immédiate, sans parler du risque, soulevé par la Cour des comptes, que ces entreprises laissent à la charge de l'Etat la gestion des déchets.

Le nouveau réacteur EPR ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt !

Vous attaquez les salariés, vous fragilisez des entreprises performantes, vous mettez en péril des outils industriels essentiels à l'activité économique de notre pays, vous poussez à des hausses de tarifs, tel est le résultat de votre politique de désengagement, et de votre participation à une construction européenne qui donne la priorité à la rentabilité du capital.

Plusieurs députés UMP - La question !

M. Daniel Paul - C'est cela que la Constitution veut pérenniser, et c'est pourquoi nous nous y opposons !

Monsieur le ministre, allez-vous entendre les inquiétudes des salariés, des usagers et des collectivités locales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - C'est la directive de 1998 qui a conduit le Gouvernement que vous souteniez à adopter la loi du 10 février 2000 pour ouvrir le marché de l'électricité à la concurrence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il faut maintenant en accepter les conséquences, à savoir la nécessité pour EDF d'être une entreprise européenne, de trouver sa place dans les marchés financiers, afin de financer son développement, d'obtenir une réciprocité, car on ne peut vouloir conquérir des parts de marché en Italie et refuser toute intrusion chez nous, d'ouvrir le marché national comme l'est le marché européen.

Nous voulons faire d'EDF un champion européen. De votre temps, EDF, pourtant leader mondial, a fini par être supplanté par des entreprises allemandes. Il faut aujourd'hui rattraper cette politique par une politique d'ouverture. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

LUTTE CONTRE LA CONSOMMATION DE CANNABIS

M. Richard Dell'Agnola - Monsieur le ministre de la santé, il y a quelques jours, vous avez lancé une grande campagne d'information en direction des jeunes, sur les dangers de la consommation de cannabis. Cette campagne, d'une ampleur sans précédent, était très attendue, et témoigne d'un changement majeur d'attitude.

Après une fâcheuse banalisation, un discours responsable est enfin tenu sur les risques réels de la consommation de cannabis. Toutes les études scientifiques le montrent, le risque de développer un cancer est accru, sans parler des conséquences sur le comportement social, la scolarité, ou la sécurité routière.

La situation en France est préoccupante, car la consommation a triplé en dix ans, et un jeune sur cinq fume régulièrement.

Une politique de prévention, dès le plus jeune âge, est indispensable, mais il faut aller plus loin, pour rendre plus efficace notre politique de soins, et réfléchir à une modification de la loi de 1970. Tel est le sens de la proposition de loi que j'ai déposée avec 150 députés, il y a quelques semaines.

Pouvez-vous nous donner quelques informations sur cette campagne de sensibilisation ? Cet effort sera-t-il poursuivi dans les prochaines années ? Selon quelle méthode et quel calendrier le Gouvernement entend-il mettre en place une politique globale qui rappelle, par une nouvelle loi, l'interdit en ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille - Nous allons commencer aujourd'hui la première campagne de prévention de lutte contre la consommation de cannabis. En effet, la France est la première consommatrice en Europe avec l'Angleterre et la République tchèque. Un garçon de 18 ans sur cinq en consomme régulièrement, c'est-à-dire plus de onze jours par mois, et le ratio est de une pour dix pour les filles.

Les consommateurs sont de plus en plus jeunes - des adolescents de 14 à 15 ans. La concentration de THC, le composant le plus dangereux du cannabis, a été triplée en quinze ans, dans la cigarette. Enfin, nous détenons des études scientifiques qui montrent que le cannabis est dangereux et est à l'origine de troubles respiratoires, mais aussi neuropsychiques - troubles de la mémoire, de l'attention, troubles relationnels avec l'entourage et en particulier avec les parents.

Pour ces raisons, nous menons une campagne de prévention, en direction du grand public, et mettons en place un numéro azur pour que les jeunes et leurs parents puissent appeler gratuitement et de manière anonyme. La seule manière de combattre ce fléau est de dire la vérité aux jeunes et, surtout, ne pas leur faire croire que le cannabis serait un produit sans danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

LUTTE CONTRE LE RACISME

M. Louis-Joseph Manscour - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. La semaine dernière, ici même, un député de votre majorité interpellait le ministre de l'intérieur sur les actes antisémites qui se développent sur le territoire national. Après les avoir condamnés avec fermeté, le ministre indiqua les mesures qu'il comptait prendre pour éradiquer le fléau, et la représentation nationale dans son ensemble approuva sa démarche. Mais force est de constater que la haine de l'autre et les préjugés raciaux ne transparaissent pas seulement dans les propos et actes de quelques milliers de néonazis. Le mal est beaucoup plus profond. Les terrains de sport, qui devraient être des sanctuaires de tolérance, sont, hélas, de plus en plus souvent, le théâtre d'agissements désolants. Nombre de sportifs de couleur se font traiter de « singes », de « mangeurs de bananes » ou de « sales nègres ». Le 22 janvier dernier, à Strasbourg, lors d'un match de Ligue nationale de basket, Nathalie Lesdema, remarquable joueuse de l'équipe de France, s'est ainsi faite insulter par des individus présents dans les tribunes, qui, s'adressant à elle, contrefaisaient des gestes de singe. Très choquée, Nathalie Lesdema a porté plainte. Ces attitudes imbéciles ne sont pas le fait de quelques individus isolés. Le phénomène gagne, hélas, dans les stades, dans la rue, et le racisme gangrène notre société tout entière. Il serait extrêmement dangereux de laisser sévir ce qui va du racisme le plus odieux aux préjugés les plus stupides en passant par toutes les formes de discrimination. Face à ce mal pernicieux, les fédérations nationales et des sportifs de renom -Thierry Henry, Claude Makélélé, Lilian Thuram, pour ne citer qu'eux - ont décidé de lancer une vaste campagne de sensibilisation dans les médias pour enrayer le fléau. Quel beau symbole, samedi dernier, au Parc des Princes que l'échange de maillots noirs et blancs qui a eu lieu entre les joueurs du Paris Saint-Germain et ceux du Racing Club de Lens !

La mise en place d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ne suffit pas. Des actes forts sont nécessaires. Nos compatriotes attendent légitimement le soutien du Gouvernement en ce domaine. Monsieur le Premier ministre, quelles réponses concrètes proposez-vous pour lutter contre ces imitateurs de singes et autres sauvages de tribunes ? D'une manière plus générale, que comptez-vous faire pour qu'enfin, le ventre de la bête immonde ne soit plus fécond ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et sur de nombreux bancs)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Je veux saluer avec vous les initiatives prises par les sportifs, les clubs de supporters et les organisateurs de manifestations sportives pour lutter contre le racisme. Celui-ci est en effet inacceptable dans notre pays. Aucun slogan, aucune banderole, aucune manifestation de racisme ne peuvent être tolérés sur nos terrains de sport. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) C'est pourquoi, avec Jean-François Lamour et Dominique Perben, nous avons décidé de renforcer les mesures de sécurité aux abords et à l'entrée des stades : contrôles systématiques, fouilles, multiplication des caméras de vidéo-surveillance, présence de patrouilles de policiers en civil prêtes à intervenir à tout moment. Au-delà, j'entends prochainement autoriser les préfets à prononcer des interdictions administratives et à enjoindre les interdits de stade d'être présents dans un commissariat ou une gendarmerie le temps des matchs. Enfin, au-delà du milieu sportif, nous devons éradiquer l'ensemble des groupes qui prêchent le racisme et la violence. Au terme de rapports circonstanciés des services du ministère, je serai amené à demander au Conseil des ministres la dissolution de ces groupes. Je veux espérer que ces mesures suffiront à éliminer le racisme de nos terrains de sport. Les Britanniques ont dû déplacer les matchs de la soirée vers la fin de matinée ou le début d'après-midi. J'espère que nous n'aurons pas à en venir là. Le racisme est contraire à l'esprit du sport, contraire à l'esprit de la République. Notre détermination à le combattre est totale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur de nombreux bancs)

EFFONDREMENT DU TERMINAL 2E DE ROISSY

M. Rodolphe Thomas - Les conclusions de l'enquête administrative sur l'effondrement du terminal 2E de Roissy seront rendues publiques la semaine prochaine. Les échos rapportés dans la presse donnent une impression de confusion : de nombreux intervenants se mettent en cause les uns les autres et l'on parle même de mises en examen. A ce jour, les causes du drame, qui a pourtant fait quatre morts, les fautes éventuelles et les responsabilités ne sont toujours pas connues. Monsieur le ministre des transports, pouvez-vous faire le point sur la seule question qui intéresse les Français : quelles sont les causes de cet effondrement et qui sont les responsables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - Dans une affaire comme celle-ci, on ne peut cultiver l'ambiguïté. Toute la lumière doit être faite. M. Bertier, auquel j'ai confié l'élaboration d'un rapport technique immédiatement après le drame, doit me le remettre en fin de semaine prochaine. A l'heure présente, ce rapport technique n'est pas bouclé. Il donnera les causes techniques du sinistre et comportera des recommandations à l'attention d'ADP qui pourra adapter en conséquence son plan d'investissements. Une instruction judiciaire est par ailleurs ouverte, à laquelle il appartiendra de déterminer, le cas échéant, les responsabilités.

Quant au projet de loi relatif aux aéroports, il sera examiné ici début mars. Le léger retard de son examen n'est dû qu'à l'encombrement du calendrier parlementaire. Enfin, je pense, comme Hervé Gaymard, que l'ouverture du capital d'ADP pourra se faire fin 2005 ou début 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. André Schneider - Depuis 2002, le Gouvernement se consacre avec énergie à renforcer la sécurité routière, qui est l'un des chantiers prioritaires du quinquennat fixés par le Président de la République. Chaque année, nous devons déplorer des milliers de morts et de blessés, victimes d'accidents de la route provoqués par des conducteurs irresponsables. En présence de ce drame national, le Gouvernement a mobilisé les moyens nécessaires pour réduire l'insécurité routière. Le bilan de l'année 2004 est très encourageant, puisque le nombre des accidents a baissé de 6,5%, le nombre des tués de 9% et celui des blessés de 7,5%. Ces baisses font suite aux bons résultats des années 2002 et 2003, durant lesquelles le nombre des tués avait diminué de 6,2 et de 20,9%. Retrouve-t-on cette dynamique sur l'année en cours ? Pensez-vous que les comportements positifs des conducteurs vont s'inscrire dans la durée ? Enfin, quelles initiatives comptez-vous prendre pour améliorer la situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer - En janvier 2002, nous déplorions 592 tués sur les routes ; en janvier 2005, il y en a eu 385, ce qui signifie 207 victimes de moins. Ce résultat, nous ne le devons pas seulement à la détermination du Gouvernement, à laquelle je vous remercie d'avoir rendu hommage : nous le devons aussi au civisme des conducteurs, je les remercie donc.

Les résultats de janvier 2005 sont positifs dans le sens où le nombre de tués a reculé, mais ils sont aussi inquiétants puisque le nombre des accidents corporels, lui, a augmenté. Nous devons donc prendre de nouvelles mesures.

Nous avons commencé d'expérimenter l'usage des feux de croisement le jour. Ce matin, nous avons entendu au ministère un expert de l'Union européenne qui a étudié l'application de cette mesure dans sept pays, dont l'Italie. Il conclut qu'elle est bénéfique. Allumer ses feux de croisement permet non seulement de voir la route, mais aussi d'être vu.

En second lieu, même si je sais que cela ne fera pas plaisir, nous allons continuer d'installer des radars sur les routes de France. Chaque fois qu'un radar est installé quelque part, le nombre des accidents diminue de 85% à cet endroit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

Enfin, nous nous attacherons, dans les périodes de vacances, à contrôler les départs et les arrivées des cars.

La détermination des pouvoirs publics est intacte, elle est même renforcée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

CONTRÔLES EXERCÉS SUR LES AGRICULTEURS

M. Jean-Paul Anciaux - Les agriculteurs sont soumis à des contrôles de plus en plus nombreux et complexes, qui ont parfois un caractère inquisitorial. La notion de sensibilisation, de premier avertissement, n'existe pas dans ce domaine : une seule erreur, et c'est l'ensemble des aides qui est perdu.

Le principe de conditionnalité environnementale est entré en vigueur le 1er janvier. La rigueur des sanctions inquiète la profession, qui craint de manquer de temps et d'information pour satisfaire à la nouvelle réglementation.

Je vous propose donc de créer une mission d'information ou une commission d'enquête pour mesurer les écarts entre les Etats membres, qu'il s'agisse de la transposition des textes communautaires, des outils de contrôle ou de la qualification des contrôleurs. Il est souhaitable de vérifier que nous ne sommes pas victimes de notre tendance nationale à trop en faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) En outre, ne pourriez-vous pas considérer 2005 comme une année blanche, en recherchant plutôt la pédagogie et le dialogue ? (Mêmes mouvements)

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité - Votre question est légitime et tous les agriculteurs se la posent. Sachant que l'Union européenne verse chaque année 8 milliards d'euros à la ferme France, ont été mis en place un certain nombre de contrôles. Mais les difficultés constatées ont conduit le Gouvernement à prendre des mesures. Ainsi, les contrôles seront organisés dans le temps : j'ai donné des instructions aux préfets et aux directeurs départementaux de l'agriculture pour qu'il n'y ait plus accumulation de contrôles.

S'agissant des mesures environnementales, les anomalies mineures ne seront pas constatées. S'il y en a plusieurs, elles seront signalées à l'intéressé sans être immédiatement sanctionnées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est le bon sens. Il n'y aura jamais de sanction sans dialogue préalable, ce qui est juste et républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Monsieur le député, je vous propose de faire partie d'une mission d'information composée de parlementaires et de professionnels pour étudier comment les choses se passent dans les autres pays. Il faut peut-être examiner s'il n'est pas possible d'inverser la charge de la preuve en créant une norme, sur le modèle des normes ISO, qui nous éviterait de devoir contrôler l'exploitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président - Je précise toutefois, s'agissant des missions parlementaires, que c'est l'Assemblée qui les décide.

DÉCLARATION DES COMMISSAIRES EUROPÉENS SUR LES DÉLOCALISATIONS

M. Henri Emmanuelli - Monsieur le Premier ministre, le chômage, qui touche près de 3 millions de personnes, est la première préoccupation des Français comme, je l'espère, du Gouvernement. Les délocalisations sont un des aspects les plus problématiques de la question. Votre précédent ministre des finances, M. Sarkozy, avait annoncé des propositions. Je ne sais si cette annonce s'est concrétisée, mais l'intention y était.

Or, Mme Danuta Hübner, commissaire européen en charge des politiques régionales, a fait hier à deux quotidiens, l'un français et l'autre allemand, une déclaration qui pose de sérieux problèmes : « Prévenir les délocalisations, en France et en Allemagne, les stopper par des règles artificielles, c'est travailler contre la compétitivité des entreprises. Ce que nous devons faire au contraire, poursuit-elle, c'est faciliter les délocalisations au sein de l'Europe. Ainsi les sociétés européennes seront globalement plus fortes, car elles pourront abaisser leurs coûts ». Ces déclarations font suite à celles de Mme Kroes, commissaire à la concurrence, qui, la semaine dernière, condamnait par avance toute forme d'aide publique régionale, et donc toute possibilité de politique industrielle telle que préconisée par le rapport Beffa. Quelle est la réaction du Gouvernement ? La majorité va-t-elle tolérer longtemps que des commissaires européens piétinent les orientations politiques qu'elle défend ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains et quelques bancs du groupe UDF)

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes - Nous avons été surpris et choqués par les propos de Danuta Hübner tels que les rapportait hier La Tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Il n'est pas concevable qu'un membre de la Commission, en particulier chargé de la politique régionale, fasse un plaidoyer pour les délocalisations. Nous avons dit très clairement à Mme Hübner que nous désapprouvions ses propos, qui ne servent ni la Commission ni l'Europe (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe UMP) et le Premier ministre aura l'occasion de le redire à M. Barroso.

Il est normal que les entreprises cherchent à conquérir des marchés dans les nouveaux Etats membres. Mais nous devons combattre les délocalisations, où qu'elles se fassent, par une politique active au niveau national et européen. Il nous faut renforcer l'attractivité de notre pays, et le Premier ministre a fait prendre des mesures importantes pour cela avec les pôles de compétitivité, ainsi que par une politique de recherche ambitieuse (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), ce qui est l'objectif de l'Agence pour l'innovation industrielle. Au niveau européen, il nous faut avancer vers l'harmonisation pour lutter contre le dumping fiscal. La France a fait des propositions, dont la Commission a déjà retenu certaines. Il faut également rendre plus strictes les conditions d'attribution des fonds structurels et Jacques Barrot, vice-président de la Commission, a obtenu de lier ces subventions européennes au maintien de l'emploi. Il faut aussi mener une politique de recherche ambitieuse à ce niveau, et la France a fait des propositions dans le cadre de la révision de la stratégie de Lisbonne.

Il n'y a donc aucun double langage du Gouvernement, et je dirai avec vous : Oui à la solidarité, oui à l'emploi en Europe,...

Plusieurs députés communistes et républicains - Non à cette Europe-Là !

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes - ...et non aux délocalisations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

APPLICATION DE LA LOI SUR LA PRÉVENTION DES RISQUES

M. Alain Venot - La loi sur a prévention des risques technologiques et naturels du 30 juin 2003 qui tirait les enseignements de la catastrophe de Toulouse de 2001, visait à développer la conscience du risque chez tous les partenaires, à donner plus d'importance aux salariés dans la prévention, et à remédier à des problèmes d'urbanisme hérités du passé. Elle mettait en place deux dispositifs fondamentaux, les comités locaux d'information et de concertation et les plans de prévention des risques technologiques. Ces dispositifs sont été jugés très satisfaisants, mais on attend avec impatience leur mise en place. Depuis dix-huit mois, les décrets d'application les plus importants ne sont toujours pas parus,...

M. Michel Bouvard - Eh oui !

M. Alain Venot - ...ce qui suscite quelques doutes.

Dans quels délais vont-ils paraître ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable - Cette loi est essentielle et novatrice. Elle améliore la sécurité et l'information et j'attache la plus grande importance à sa mise en œuvre. S'agissant des comités locaux d'information et de concertation, le décret a été publié au Journal officiel vendredi dernier. Avant cela, 130 comités ont déjà été mis en place. Pour les plans de prévention, huit expérimentations sont en cours. Le Conseil d'Etat est saisi et le décret paraîtra dans les trois mois.

Pour l'ensemble du texte, huit décrets ont été publiés, sept sont en cours de publication, neuf sont prêts à être examinés par le Conseil d'Etat. Le Premier ministre nous a demandé de nous mobiliser pour accélérer la parution des décrets d'application. Nous le faisons, et ma détermination est totale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

IMMIGRATION ILLÉGALE EN GUADELOUPE

Mme Gabrielle Louis-Carabin - La Guadeloupe est confrontée au problème de l'immigration. En 2004, et particulièrement en décembre, les incidents se sont multipliés : le 4 décembre, 16 clandestins originaires de la Dominique sont repêchés au large de nos côtes et deux d'entre eux ont disparu ; le 12 décembre , 45 Haïtiens et Cubains sont abandonnés par des passeurs ; le 14 décembre, une dizaine d'originaires de Haïti sont arrêtés dans une camionnette accidentée ; le 3 février, trois clandestins, originaires de la Dominique et de Sainte-Lucie, en proie à une mer déchaînée, échouent sur les côtes de ma commune, et l'un d'eux meurt. L'immigration illégale a pris de l'ampleur, et suscité un sentiment d'insécurité qui engendre la peur et des réactions xénophobes que je déplore. Ils seraient plus de 500 à entrer illégalement en Guadeloupe chaque mois, car notre archipel est une zone de richesse dans la Caraïbe. Mais le nombre de victimes des mafias, et celui des demandeurs d'asile, conduit à s'interroger sur l'adaptation de notre politique d'immigration.

Si notre région reste une terre d'accueil, la forte pression migratoire pèse sur les services publics et met en cause le tissu économique et la cohésion sociale. Certains immigrés viennent chercher du travail, d'autres se livrent à des trafics illicites. Il est donc urgent d'adapter notre politique migratoire. C'est pourquoi M. Beaugendre et moi-même avons déposé une proposition de loi qui étendrait à l'archipel guadeloupéen le caractère non suspensif d'un recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière, comme c'est déjà le cas à Saint-Martin et en Guyane. Par ailleurs, le nombre des demandeurs d'asile a considérablement augmenté, preuve supplémentaire de l'inadaptation du dispositif aux réalités locales. Ne pensez-vous pas que des services de l'OFPRA pourraient être déconcentrés en Guadeloupe pour traiter ces dossiers plus humainement, plus efficacement et plus rapidement ?

La maîtrise des frontières relevant du pouvoir régalien de l'Etat, une action forte s'impose. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il donc prendre pour endiguer l'immigration clandestine et ses conséquences néfastes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - Le Gouvernement mène une action déterminée outre-mer pour lutter contre l'immigration clandestine. En 2004, les reconduites à la frontière ont concerné 15 500 personnes, soit l'équivalent du chiffre enregistré pour la métropole. En Guadeloupe, elles ont augmenté de 60% par rapport à 2001.

Ces chiffres ne traduisent pas une augmentation de la pression migratoire mais sont le résultat d'une lutte plus efficace, qui explique également l'augmentation du nombre de demandes d'asile - beaucoup de clandestins installés depuis de nombreuses années en Guadeloupe demandent en effet aujourd'hui leur régularisation.

En 2005, le Gouvernement compte renforcer son action dans trois directions. D'abord en améliorant nos moyens de surveillance maritime sur l'ensemble des côtes. Nous étudions en ce moment la possibilité d'installer un radar. Ensuite en réactivant les négociations avec la Dominique, point de passage privilégié de l'immigration haïtienne. Nous voulons conclure un accord de réadmission avec la Dominique, comme ceux que nous avons déjà avec le Brésil et le Surinam, et prochainement avec Sainte-Lucie. Enfin, l'OFPRA va désormais envoyer tous les deux mois une mission en Guadeloupe pour traiter les demandes d'asile.

J'ajoute que je soutiens sans réserve votre proposition d'élargir à la Guadeloupe le caractère non suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière, qui ne vaut actuellement que pour Saint-Martin et pour la Guyane. Je rappelle qu'il existait auparavant dans l'ensemble des DOM mais qu'il y a malheureusement été mis fin en 1998 par le gouvernement socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui a en outre supprimé les visas pour les ressortissants de certains Etats, comme Sainte-Lucie, qui sont responsables d'une forte immigration clandestine.

Vous le voyez : l'Etat exerce désormais sans laxisme ses compétences régaliennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

SITUATION AU TOGO

M. Serge Janquin - « Avec lui disparaît un ami de la France, qui était pour moi un ami personnel », a déclaré Jacques Chirac. Que Gnassingbé Eyadéma ait été un ami personnel de Jacques Chirac, seul ce dernier peut le dire...

Plusieurs députés UMP - Et de Mitterrand ?

M. Serge Janquin - Qu'il ait été un ami de la France, permettez-moi d'en douter.

Le Togo vient de vivre un moment politique ubuesque et tragique. Le 6 février dernier, quelques heures après la mort du président Eyadéma, un successeur a été désigné par les forces armées au mépris des règles fixées par la Constitution : il s'agit de l'un des fils du dictateur décédé. Les auteurs de ce coup de force ont bricolé un montage institutionnel en l'installant manu militari à la présidence de la chambre des députés, l'intérim présidentiel devant en effet, selon la loi fondamentale togolaise, être assuré par le président de l'Assemblée nationale - lequel est aujourd'hui démis et exilé !

Le président de l'Union africaine, le président de la CDAO et le Secrétaire général de l'ONU ont immédiatement condamné la violation des règles constitutionnelles. Ce tour de passe-passe institutionnel n'est pas acceptable. La République héréditaire n'est plus la République !

Observateur des élections présidentielles en 1993, j'avais publiquement dénoncé les irrégularités dont j'étais le témoin avant de suspendre ma participation à la mission de l'Assemblée. Il y a deux ans, le parti socialiste a vivement regretté les félicitations adressées par le Président Jacques Chirac après la réélection, dans des conditions tout aussi contestables, du président Eyadéma. La mort de ce dernier et le tollé international que suscitent les conditions de sa succession risquent fort de marquer un nouveau recul de l'influence politique de Paris, déjà contestée en Côte-d'ivoire.

Plusieurs députés UMP - Papa m'a dit !

M. Serge Janquin - J'espère qu'au lendemain de cette farce institutionnelle, le Gouvernement ne se contentera pas d'indiquer comment le coup d'Etat pourrait être légitimé mais qu'il manifestera à l'égard du pouvoir sa fermeté démocratique et qu'il demandera des sanctions appropriées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie - Avec le président Eyadéma, décédé le 5 février dernier, disparaît l'un des responsables africains les plus anciens et une personnalité qui a joué un rôle important dans un grand nombre de médiations.

La constitution togolaise prévoyait que l'intérim de la présidence devait être assuré par le président de l'Assemblée nationale. Mais c'est Faure Eyadéma, le fils du président décédé, qui, sous la pression des militaires et au prix d'une révision de la constitution, a été porté à la tête du pays.

Contrairement à ce que vous dites, Monsieur Janquin, la France a été vigilante, prenant aussitôt contact avec les institutions internationales concernées, avec les voisins du pays et avec la CDAO.

Ce matin, nous avons entendu Faure Eyadéma déclarer qu'il souhaitait organiser très rapidement des élections libres et démocratiques, qu'il voulait ouvrir ses frontières et qu'il serait fait bon accueil au président de l'Assemblée nationale actuellement hors du Togo... Nous verrons si ces promesses sont tenues. Sinon, la France jouera son rôle, dans le cadre des institutions internationales et en particulier de l'Union européenne, qui avait décidé de reprendre, à partir d'avril prochain, des négociations de partenariat avec le Togo. Ici comme ailleurs, la France encourage le respect de la légalité républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

DESSERTE AÉRIENNE DE L'OUTRE-MER

M. Joël Beaugendre - Limiter les conséquences de l'éloignement géographique entre la France continentale et ses départements d'outre-mer est un enjeu majeur pour l'économie insulaire, très tributaire de l'offre de transport, et tout particulièrement du transport aérien, le plus rapide et le plus fiable. Le développement économique de l'outre-mer est donc indissociable de la baisse des tarifs aériens.

Or, si le dispositif de la continuité territoriale s'est récemment enrichi de mesures concrètes, le prix des billets d'avion n'a en revanche guère baissé. En mars 2004, je préconisais dans mon rapport sur la desserte aérienne de l'outre-mer une politique tarifaire spécifique. Dans ce cadre, une révision des obligations de service public sur les liaisons entre l'outre-mer et la France continentale s'impose. La notion de service public doit en effet prédominer et la rentabilité de la desserte aérienne doit être évaluée plus en termes économiques que financiers.

L'été dernier, le groupe Air France a décidé d'augmenter le prix du billet pour faire face à la hausse du pétrole. Depuis, le prix du baril a baissé et le groupe a rendu publics de bons résultats, mais les réductions tarifaires ne semblent pas pour autant d'actualité... C'est au ministère de régler des questions aussi importantes pour les populations ultramarines. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre, tant en matière tarifaire que pour renforcer les obligations de service public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer - La desserte aérienne des départements et territoires d'outre-mer est d'une importance vitale et votre rapport, Monsieur le député, a fait l'objet d'un examen particulièrement attentif de la part du Gouvernement. La loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 a déjà instauré une dotation de continuité territoriale qui représente 20 millions cette année pour les départements d'outre-mer. Cette dotation a permis aux régions de proposer des réductions de l'ordre de 30% pour les plus modestes.

En matière tarifaire, aux Antilles et à la Réunion, on peut considérer que la présence de trois compagnies assure une certaine concurrence et que c'est bien l'augmentation du kérosène qui explique celle des tarifs. Il n'en est pas de même pour la Guyane. Quant à la question des obligations de service public, il est possible d'étendre le tarif spécifique aux jeunes de moins de douze ans jusqu'à dix-huit ans et d'instaurer une priorité absolue à l'embarquement pour les personnes qui se déplacent en raison d'un décès dans leur famille. Ces propositions ont été soumises aux collectivités territoriales. Nous attendons leurs observations et comptons modifier les obligations de service public dès l'été prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

PROCÉDURE COMMUNAUTAIRE CONTRE LE PLAN DE SAUVETAGE D'ALSTOM

M. Damien Meslot - L'été dernier, Nicolas Sarkozy bouclait un plan de sauvetage qui évitait le démantèlement du groupe Alstom et lui permettait d'entamer son redressement. Il y a quelques jours, la commissaire européenne à la concurrence, Nelly Kroes, (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) a menacé d'attaquer la France pour non respect de ses engagements. Elle pourrait déclarer illégale l'aide de l'Etat de 2,4 milliards d'euros si les contreparties qu'il avait accordées ne sont pas remplies. Les salariés du groupe sont très inquiets. Pouvez-vous garantir la poursuite du plan de sauvetage et nous dire où en sont les négociations avec la Commission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie - Je vous prie de bien vouloir excuser M. Gaymard, retenu par des obsèques qui touchent d'ailleurs l'ensemble du Gouvernement.

Pour autoriser l'intervention du Gouvernement dans la sauvegarde d'Alstom, la Commission a exigé des contreparties de la part d'Alstom et de l'Etat français. La société Alstom a rempli ses obligations et la Commission ne lui réclame rien. Le Gouvernement, lui, est parfaitement décidé à remplir ses engagements en matière d'ouverture du marché ferroviaire, et notamment de mise en œuvre anticipée de la directive ferroviaire de 2004, mais il est un petit peu en retard pour des raisons techniques. Nous sommes en discussion avec la Commission pour renégocier le calendrier, un dialogue que la commissaire a qualifié de constructif, et nous sommes confiants quant à son aboutissement. Le Gouvernement n'abandonnera pas les salariés d'Alstom. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 15 h 55, est reprise à 16 h 25.

RÉFORME DE L'ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL
DANS L'ENTREPRISE (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps du travail dans l'entreprise.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Maxime Gremetz - C'est avec un autoritarisme éhonté et un mépris coutumier à l'endroit des mouvements sociaux que le Gouvernement et sa majorité ont poussé jusqu'au bout leur logique de démantèlement des 35 heures. Ce faisant, non seulement ils vont à rebours du processus historique de réduction du temps de travail mais ils reviennent en fait aux 40 heures hebdomadaires alors que jamais, depuis 1936, un Gouvernement n'avait osé allonger la durée du travail !

La loi de 1998 privilégiait une réduction du temps de travail négociée qui conciliait obligation de création d'emplois stables, aides publiques et nouvelle organisation du travail. Pour la première fois, la notion d'accord majoritaire était mise en avant et les comités d'entreprise, ainsi que les salariés, bénéficiaient de droits nouveaux en matière d'intervention et de contrôle. Tel ne fut plus le cas avec la seconde loi Aubry de janvier 2000 qui a bloqué les salaires et favorisé la flexibilité, d'où des appréciations diverses.

M. Patrick Ollier - Il ne fallait pas la voter !

M. Maxime Gremetz - Voici donc un texte idéologique qui confirme votre soumission aux diktats du Medef et du patronat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il suffit d'entendre le baron Seillière vous applaudir ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous embobinez les salariés qui devront désormais travailler plus pour gagner moins ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Ollier - Faux !

M. Maxime Gremetz - Les heures supplémentaires seront moins payées. Vous instaurez un salaire à crédit en détournant le CET. Votre temps « choisi » sera fixé par le seul employeur, qui pourra faire travailler les salariés 48 heures par semaine sans se soucier de l'inspection du travail. Vous contraignez les salariés à passer des accords individuels avec leur employeur, et ainsi vous les isolez, vous les empêchez de s'organiser collectivement et, donc, vous renforcez leur subordination. Notre législation sociale connaît ainsi un nouveau recul.

Tout cela est dans la lignée de ce que vous proposez, par le biais du projet de Constitution européenne, avec vos amis chefs d'Etat, MM. Blair, Schröder, Zapatero !

Plusieurs députés UMP - Socialistes !

M. Maxime Gremetz - Cette Constitution, en entérinant la directive Bolkestein, permettra que des travailleurs slovaques ou polonais qui travaillent en France soient soumis à la législation de leur pays, ce qui remet en cause les fondements de notre démocratie sociale.

Et que dire de Danuta Hübner, commissaire européen à la politique régionale, qui annonce, dans un quotidien d'hier, qu'il faut faciliter les délocalisations dans l'intérêt de l'économie et du marché ! Et que deviennent les salariés ? Voilà le vrai visage de votre Europe sociale ! Vous êtes au service du Medef, des multinationales et des marchés financiers, contre les salariés !

M. Francis Delattre - Il vaut mieux être au service du Medef que du goulag !

M. Maxime Gremetz - Ceux qui veulent une Europe sociale, démocratique et solidaire doivent se rassembler derrière le non !

Dans ce contexte, nous devons affirmer une ambition nouvelle en matière de réduction du temps de travail. Sans prôner un retour brutal à la loi Aubry II, nous souhaitons une politique forte qui lie réduction du temps de travail, aides publiques et obligation de créer des emplois stables et correctement rémunérés.

Il faut assurer une réelle démocratie dans l'entreprise avec un comité d'entreprise aux pouvoirs rénovés et avec un droit de suivi des salariés sur les choix stratégiques. Il conviendra par ailleurs de revenir sur le travail de nuit des femmes dans l'industrie et sur la définition des astreintes, et de contrôler effectivement l'utilisation des fonds publics destinés à l'emploi.

Allez-vous enfin entendre les inquiétudes des 500 000 salariés qui sont descendus dans la rue samedi dernier ? Cette prétendue proposition de loi des députés UMP...

M. Patrick Ollier - Parfaitement, et nous en sommes fiers !

M. Maxime Gremetz - ...est loin de clore le débat sur les 35 heures. N'oubliez pas que les Français ne sont pas derrière vous sur ce sujet !

Parce que nous défendons l'intérêt des salariés, nous voterons résolument contre la mort de la réduction du temps de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Hervé Novelli - Avant de nous prononcer sur l'adoption de cette proposition de loi, je souhaite vous dire ma fierté d'en avoir été le co-signataire, aux côtés de MM. Morange, Dubernard et Ollier, et d'avoir ainsi contribué à relancer notre économie. Cette proposition a été soutenue par l'ensemble des députés UMP, et je les en remercie, car il s'agit là d'un bel exemple de la vitalité de notre assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Merci encore à M. Larcher d'avoir permis, sous l'autorité du Premier ministre et avec la présidence de l'Assemblée nationale, l'inscription à notre ordre du jour de ce texte qui sera de nature à résoudre une partie du problème du pouvoir d'achat de nos concitoyens.

En permettant à ceux qui le souhaitent de travailler plus (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), dans le cadre d'un accord collectif, et d'être payés en conséquence, nous allons améliorer le pouvoir d'achat d'une partie des Français. Par ailleurs, en leur permettant de travailler, toujours sous le couvert d'un accord collectif, au-delà du contingent des heures supplémentaires, nous leur accordons plus de liberté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Au nom de quel archaïsme les empêcherions-nous d'être un peu plus libres ?

Je suis convaincu qu'en encadrant ces libertés nouvelles par des accords d'entreprise ou de branche, nous relançons le dialogue social et la négociation, si pénalisés il y a quelques années - je pense bien évidemment à l'application brutale des lois Aubry !

L'UMP adoptera cette proposition de loi, pour dire oui à l'augmentation des salaires et l'amélioration du pouvoir d'achat, pour dire oui à la relance du dialogue social, pour dire oui à la liberté, pour dire oui à l'avènement d'un nouveau contrat social, fondé sur la primauté de la négociation et du contrat et susceptible de revaloriser le rôle des acteurs sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gaëtan Gorce - La voix que nous venons d'entendre n'est pas celle de la liberté, mais celle du recul des droits sociaux, de l'atteinte au code du travail et aux règles collectives (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Il y a une fracture entre nous, Monsieur Novelli et, du reste, beaucoup de membres de votre majorité s'inquiètent aussi.

M. Jean-Michel Fourgous - Les 35 heures sont indéfendables !

M. Gaëtan Gorce - Votre proposition de loi est inacceptable ! Tout d'abord, vous avez méprisé les règles de la concertation sociale, alors que vous aviez pris, par la loi Fillon, l'engagement d'ouvrir le dialogue social avant toute modification substantielle des règles du droit du travail. Mais vous voulez passer en force ! Profitez des applaudissements de votre majorité, car c'est la réprobation de tout le pays qui vous attend au dehors de cet hémicycle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Vous mettez à mort la durée légale du travail, en augmentant le contingent des heures supplémentaires, en multipliant les mécanismes de dépassement pour inviter les salariés à faire des heures supplémentaires qui ne seront pas même correctement rémunérées !

Votre slogan « Travailler plus pour gagner plus » est un leurre, dont les salariés ont pris conscience.

M. Jean-Michel Fourgous - Et le vôtre, « Travailler moins pour gagner plus », une fumisterie !

M. Gaëtan Gorce - Vous vous attaquez aux fondements du droit du travail et organisez une dérive à l'anglo-saxonne, où l'employeur et le salarié, supposés à égalité, pourront remettre en question les fruits de la négociation collective ! Il s'agit là d'un changement radical dans notre droit du travail. La brèche extrêmement dangereuse que vous avez ouverte devra être refermée au plus vite.

Mais le plus grave est que ce texte instaure définitivement dans notre pays le système à deux vitesses amorcé par la loi Fillon. (« Et vos cinq SMIC ? » sur les bancs du groupe UMP) Les millions de salariés des entreprises de moins de vingt salariés, qui ne sont pas encore aux 35 heures, ne bénéficieront jamais de ce progrès, il nous faut le leur dire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Comme vous n'êtes pas capables d'entendre la voix des partenaires sociaux et que celle de l'opposition vous dérange, je comprends que vous soyez pressés d'en finir. Mais, croyez-moi, vous n'êtes pas près d'en avoir fini avec ce débat, ni ici, ni au Sénat, ni dans le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; vives protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous menez en effet un combat d'arrière-garde. Vous défendez une vision ringarde de notre économie et de notre société. (Brouhaha et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP ; acclamations sur les bancs du groupe socialiste) Vous préférez augmenter la durée du travail plutôt que de chercher à en améliorer le contenu et la rémunération. Lorsque je vois les réactions que nous suscitons quand nous défendons un progrès social (Mêmes mouvements) et demandons que tous les salariés puissent bénéficier de la réduction du temps de travail, je me dis que, votant la loi du 19 janvier 2000, qui servait à la fois le progrès économique et le progrès social, nous avons bien fait. Vous pouvez toujours voter les textes que vous voulez : ils ne seront pas acceptés par le pays et ils seront révisés, dès lors que la concertation et la négociation auront retrouvé leurs droits. Je suis convaincu que celui, particulièrement dangereux, que vous vous apprêtez à faire voter, ne pourra pas être appliqué, car il ne recueille pas l'assentiment du peuple. Je vous invite donc, durant la navette, à écouter, enfin, la voix des Français qui condamnent votre politique économique et sociale et n'en acceptent plus les débordements idéologiques. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; huées sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Perruchot - Cette proposition de loi justifiait-elle de tels affrontements ? Il semble bien que non. Il n'y a là ni « le grand soir » acclamé par la droite, ni l'insupportable remise en question d'acquis sociaux évoquée par la gauche. Il n'est, pour l'UDF, qu'un aménagement technique, à la marge, de l'organisation du temps de travail dans notre pays. Il n'est assurément pas la grande réforme annoncée mais, accentuant les clivages, il interdit tout débat apaisé. Il y a, pour le moins, eu une erreur de calendrier. La question des 35 heures aurait dû être abordée dès 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Le Gouvernement n'en a, hélas, pas eu le courage (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Nous sommes également au regret de constater que ce texte ne reprend presque aucune des conclusions de la mission d'information sur les 35 heures, dont j'étais membre et dont M. Novelli était le rapporteur.

Loin de créer des emplois, les lois Aubry ont contribué à en détruire un grand nombre. Certes, les grandes entreprises nous exhortent aujourd'hui à ne pas défaire un dispositif auquel elles commencent tout juste de s'habituer. En revanche, je ne crois pas qu'il y ait grand monde dans les PME pour défendre les 35 heures. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Il ne serait certes pas opportun de revenir autoritairement aux 39 heures, comme il avait été décidé en son temps de passer arbitrairement aux 35 heures. Pour autant, l'aménagement et la réduction du temps de travail, tout en modifiant profondément la mentalité des salariés, a augmenté leur stress du fait d'un décompte très précis du temps de travail, et créé des disparités parmi eux, ce qui est pour le moins paradoxal pour une loi dite de gauche !

Que la polémique qui naît facilement sur ces travées ne nous fasse pas oublier la gravité du sujet abordé ! Derrière les chiffres, il y a des salariés. Et il faut veiller à ce que les personnes occupant les emplois les plus défavorisés ne soient pas toujours les perdantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Le groupe UDF est aujourd'hui à la fois satisfait et perplexe. Satisfait de l'assouplissement, bienvenu, du compte épargne-temps, même si celui-ci est peu utilisé et peu alimenté là où il existe, ainsi que de la création du régime des heures choisies. Perplexe parce que ce texte ne répond pas à la question essentielle de la relance du pouvoir d'achat des salariés, fortement amputé par les 35 heures, et n'a pas permis de creuser celle du lien entre durée du travail et pouvoir d'achat. Enfin, si les partenaires sociaux ont été invités à ouvrir de nouvelles négociations pour que les assouplissements prévus soient effectifs, est-ce bien réaliste ? Compte tenu du paysage syndical, des difficultés que rencontrent les syndicats qui ont signé certains accords, comme celui sur les retraites, nous ne le pensons pas.

Ce texte, que vous dites être une réforme, n'en est pas une. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il s'est plutôt agi d'un débat de posture. Nous sommes loin des propositions attendues qui devaient accroître le pouvoir d'achat des salariés et réduire les coûts salariaux des entreprises pour relancer l'économie française. En vérité, cette proposition va faire l'unanimité contre elle, suscitant le mécontentement à la fois de ceux qui souhaiteraient travailler plus, car sur ce point, elle ne modifie rien, et de ceux qui, attachés aux 35 heures, ont le sentiment qu'on remet en cause un acquis social.

Et surtout, ce texte crée une injustice en prorogeant dans les entreprises de moins de vingt salariés un régime de majoration des heures supplémentaires moins avantageux. L'UDF ne peut accepter cette disparité, d'autant plus inacceptable que les salariés des petites entreprises ont déjà moins d'avantages sociaux que les autres, n'ayant par exemple ni accès à un comité d'entreprise, ni accès à un régime de prévoyance. Convaincus de la nécessité de majorer de manière égale les heures supplémentaires dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, comme de celle d'exonérer les entreprises de charges sociales à due concurrence, nous avons proposé un amendement qui aurait permis d'instituer un dispositif juste et favorable au pouvoir d'achat. Nous n'avons, hélas, pas été entendus. Au nom de l'équité, nous demandons au Gouvernement de réfléchir à cette proposition, au cours de la navette. En effet, avec ce texte, ce sont les petites entreprises, celles qui ont le plus besoin de faire effectuer des heures supplémentaires, qui seront pénalisées. Leurs salariés, qui donnent autant que les autres, méritent autant qu'eux. Il faut trouver le moyen de mettre fin à cette injustice.

Le groupe UDF votera cette proposition de loi (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) pour saluer les quelques assouplissements qu'elle apporte, même s'ils sont insuffisants, mais sans se faire d'illusion sur sa portée économique et sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

A la majorité de 370 voix contre 180, sur 550 votants et 550 suffrages exprimés, l'ensemble de la proposition de loi est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 55, est reprise à 17 heures 5, sous la présidence de Mme Guinchard-Kunstler.

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

ASSISTANTS MATERNELS ET FAMILIAUX (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux.

ARTICLE PREMIER A

Mme la Présidente - Je constate que Mme Pecresse, inscrite sur l'article, n'est pas présente.

L'article premier A, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER B

Mme la Présidente - Mme Adam, inscrite sur l'article, est absente.

Mme Muguette Jacquaint - Certes, ce projet a déjà été examiné en première lecture au Sénat, mais il s'agit d'un texte important et plusieurs orateurs ne nous ont pas encore rejoints. Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 17 heures 10, est reprise à 17 heures 12.

Mme la Présidente - Je ne peux revenir en arrière, mais Mmes Pecresse et Adam pourront s'inscrire à l'article premier.

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure de la commission des affaires culturelles - Mon amendement 106, 3e rectification, vise à donner à la commission départementale de l'accueil des jeunes enfants la place qu'elle mérite, en l'inscrivant dans la loi. La commission a approuvé mon amendement.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille - Avis favorable.

L'amendement 106, 3e rectification, mis aux voix, est adopté et l'article premier B est ainsi rédigé.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

Mme Muguette Jacquaint - Au cours de la discussion générale, plusieurs orateurs ont déploré l'insuffisance de la politique menée en faveur de la petite enfance, relevant les carences des différents modes de garde. Afin améliorer l'efficacité des politiques publiques et de donner véritablement le choix aux parents, il faut que nous nous dotions d'outils qui nous permettent d'évaluer précisément l'état des besoins comparativement à l'offre existante.

La loi du 2 janvier 2002 a créé les commissions départementales de l'accueil des jeunes enfants. Ces instances de réflexion ont le mérite d'exister, mais elles ne fonctionnent pas toutes correctement, faute d'un engagement de l'exécutif départemental ou d'un financement de la caisse d'allocations familiales.

L'article L. 214-5 du code de l'action sociale et des familles définit les missions de ces commissions départementales. Mon amendement 81 vise à le compléter en faisant explicitement référence à l'évaluation des besoins. De nombreuses études font état d'une véritable crise des vocations dans ce secteur. Monsieur le ministre, vous avez parlé hier de « métiers d'avenir », mais le manque criant de personnel qualifié risque de s'aggraver avec les nombreux départs en retraite qui s'annoncent.

Mme la Rapporteure - La commission a repoussé cet amendement. La politique de l'emploi relève du président du conseil général, qui en a la responsabilité et qui la finance.

M. le Ministre - Mme Jacquaint soulève un problème important, la pénurie de personnel qualifié. Christian Jacob, quand il était en charge de la famille, avait demandé à Mme Petit d'animer un groupe de travail sur cette question. Elle lui a remis en avril 2003 son rapport sur les métiers de la petite enfance dans les structures d'accueil collectif. Plusieurs de ses propositions commencent d'être mises en œuvre, notamment la validation des acquis de l'expérience pour obtenir un diplôme dans le secteur de la petite enfance. Celui d'éducateur de jeunes enfants sera accessible par cette voie dès cette année et celui d'auxiliaire de puériculture devrait l'être l'an prochain.

Les commissions départementales de l'accueil des jeunes enfants sont effectivement bien placées pour évaluer les besoins en personnels qualifiés et saisir les autorités compétentes pour la formation. Cependant cette compétence découle des missions qui leur sont déjà attribuées par l'article L. 214-5 du code de l'action sociale et il n'y a donc pas lieu de la mentionner ici. Je m'en remettrai toutefois à la sagesse de l'Assemblée...

L'amendement 81, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

Mme Valérie Pecresse - Je salue cette réforme du statut des assistants maternels et familiaux. C'est la pierre angulaire d'une politique familiale moderne, car elle prend acte de l'activité professionnelle des mères et l'encourage, et plus humaine, car elle cherche à donner aux enfants déstructurés des conditions d'accueil qui leur permettent de se reconstruire. Si nous ne donnons pas aux familles les moyens de garde adéquats, elles n'auront pas le nombre d'enfants qu'elles souhaitent. Or notre vitalité démographique est notre meilleur atout pour l'avenir. Comme l'a rappelé le Haut Conseil de la population et de la famille dans son rapport de janvier 2003, une question qui ne se posait pas autrefois - comment faire garder ses enfants ? - est devenue une préoccupation de premier plan pour les familles. C'est aussi un parcours du combattant pour celles qui travaillent et souvent un obstacle insurmontable pour les familles monoparentales.

Nous avons créé un droit à l'éducation jusqu'à 16 ans. Notre nouvelle frontière est de créer un droit d'être gardé jusqu'à trois ans. L'aide aux couples dont les deux membres sont actifs et veulent continuer à travailler se combinerait là avec une affirmation de la primauté de l'intérêt de l'enfant. Le texte que nous examinons pose les fondations de ce nouveau droit. La garde par des assistantes maternelles a la préférence des parents, elle est la mieux adaptée à leurs heures de travail, et d'un coût raisonnable. Celles qui pratiquent ce métier doivent avoir une reconnaissance professionnelle, un vrai statut, une meilleurs formation. Enfin, le texte rappelle bien que l'épanouissement de l'enfant est une priorité absolue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Patricia Adam - Sans revenir sur la discussion générale, je souligne l'importance de ce texte pour les familles et pour les assistantes maternelles et familiales. Cependant, il faudra faire des propositions créatives de modes de garde alternatifs. Nous ne pouvons en rester à des concepts dépassés compte tenu de ce que sont le travail de la femme et l'évolution de la famille.

De même, assistantes maternelles et familiales sont devenues de véritables professionnelles qui méritent une formation validée en particulier par le CAP « petite enfance », de façon à pouvoir faire évoluer leur projet professionnel et, éventuellement, changer de métier. Ce texte améliore certains droits, mais reste trop minimaliste - en particulier, il ne pose pas le principe d'un véritable service public de garde de la petite enfance. Nous avons donc fait des proposions pour l'améliorer.

Mme Muguette Jacquaint - Effectivement, ce texte va dans le sens que nous souhaitons tous, c'est-à-dire l'amélioration de l'accueil des jeunes enfants et du statut des assistantes maternelles et familiales - ce qui passe certes par la formation, mais aussi par la rémunération et le bénéfice d'acquis sociaux. Il importe en effet de susciter des vocations. On fait encore trop appel au dévouement des personnes, alors qu'il faut de vrais métiers, pour répondre aux besoins.

Quant aux parents, ils attendent des modes de garde souples, mais aussi qui ne soient pas trop coûteux et, à ce propos, le crédit d'impôt ne me semble pas la solution pour les familles non imposables.

Tout cela demande des moyens financiers considérables, et je souhaiterais que ces professions autour de l'enfance soient reconnues comme un véritable service public.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

Mme Valérie Pecresse - Il était nécessaire et urgent de distinguer deux professions, les assistantes maternelles, qui veillent sur un enfant dont les parents travaillent, et les assistantes familiales qui accueillent un enfant séparé de sa famille ou dont les parents ne peuvent plus s'occuper. Cet enfant est une victime que l'assistante familiale va aider à se reconstruire : c'est une belle responsabilité, mais elle peut être lourde. Dans certains départements, on manque d'ailleurs de familles d'accueil, car les contraintes et les risques découragent de nombreux candidats, alors que la rémunération est faible. Les enfants placés, dans 90% des cas sur décision de justice, sont souvent déstructurés et les assistants familiaux en accueillent certains que même les établissements spécialisés refusent de prendre en charge !

Il était donc nécessaire de compléter les textes de 1977 et de 1992 pour améliorer les conditions de travail de la profession et la rendre plus attractive. Mais il ne s'agit que d'une première étape pour améliorer l'aide sociale à l'enfance, et il faudra aller plus loin. Ainsi, est-il normal qu'un enfant puisse à tout moment être déplacé d'une famille d'accueil à une autre sous prétexte qu'il s'attache trop, et, comme le dénonce Claire Brisset, que certains départements aient instauré un « délit d'attachement » ? Non, et la plupart des pédopsychiatres le disent : il ne faut pas imposer à l'enfant qui s'adapte des ruptures successives. J'ai donc déposé le 18 janvier dernier une proposition de loi sur les droits de l'enfant et la protection de l'enfance, qui institue le principe du placement unique par l'ASE. Je remercie les 140 collègues qui m'ont appuyée, pensant comme moi que c'est là l'intérêt de l'enfant, qui doit être notre priorité absolue et qui est posé en préambule à ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mme Patricia Adam - Nous assistons à l'apparition d'un nouveau métier, celui d'assistants familiaux. La reconnaissance de leur statut professionnel passe bien sûr par la formation, mais aussi par la rémunération. Certains départements sont à cet égard déjà allés plus loin que ne le prévoyaient les textes, y compris celui-ci. J'aurais aimé que cette reconnaissance financière soit plus importante, en particulier s'agissant du nombre d'heures pour le premier enfant. Il faut aussi offrir aux personnels concernés la possibilité de cotiser à la CNRACL et d'intégrer les services des conseils généraux pour la suite de leur carrière.

Les assistants familiaux font un métier difficile, car ils ont souvent à gérer des situations complexes, notamment quand ils ont affaire à des adolescents, et, du fait des carences qui existent en pédopsychiatrie, ils ne trouvent pas toujours le soutien nécessaire au suivi de ces enfants.

Mme Muguette Jacquaint - Je partage ce qui vient d'être dit à propos des difficultés auxquelles sont confrontés les assistants familiaux. Ils reçoivent parfois des enfants très abîmés par la vie et auraient besoin de recevoir tout le soutien approprié. Nous défendrons des amendements en ce sens.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

Mme Patricia Adam - L'article 4, fondateur, définit l'assistant maternel comme la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon non permanente des mineurs à son domicile. Mais les assistants maternels souhaitent aussi pouvoir travailler davantage en équipe et je défendrai un amendement à ce sujet, car il faut que le métier puisse évoluer.

M. Alain Néri - Les assistants maternels sont des personnes très dévouées et qui ont la vocation, car on ne peut pas faire ce métier sans un profond amour des enfants. Mais s'il s'agit là d'une condition nécessaire, elle n'est pas suffisante et il faut donc penser à leur formation. Élaborer des normes à ce sujet est une bonne chose, mais ne laissons pas la note aux conseils généraux ! « Qui paie commande », comme on dit chez moi, et qui commande paie, par conséquent... Si l'Etat décide, à juste titre, que des actions de formation sont nécessaires, il faut aussi qu'il pense à transférer les crédits correspondants aux départements.

M. Louis-Joseph Manscour - Il y avait urgence à revaloriser les métiers du service à l'enfance et un texte ambitieux était donc nécessaire. Le présent texte l'est-il ? Si je me félicite de son existence, je n'en suis pas moins désolé de ses lacunes et de ses imperfections, comme d'ailleurs les professionnels de la petite enfance. La politique de garde de l'enfant laisse subsister trop d'inégalités alors qu'elle exigerait un grand service public. Par ailleurs, ce texte renvoie trop à des décrets d'application, de sorte que l'on peut se demander si l'ensemble du territoire sera bien régi par les mêmes règles. Enfin, ce texte ne répond pas suffisamment aux attentes des professionnels concernant leurs salaires, leurs congés et leurs droits à la retraite.

Mme Michèle Tabarot - Je vais défendre en même temps les trois amendements 75 à 77 de M. Bédier, qui visent à ce que les assistants maternels puissent accueillir des enfants ailleurs que chez eux, dans des locaux mis à disposition par les communes. Il faut bien voir que dans les zones où l'immobilier est très cher, région parisienne et Côte d'Azur par exemple, les assistants maternels ont du mal à obtenir tous les agréments nécessaires pour leur logement. Leur ouvrir la possibilité de disposer d'autres locaux aurait aussi l'avantage de les rapprocher du lieu de vie et d'activité des parents.

Mme la Rapporteure - Il est exact qu'il peut y avoir dans certaines communes une pénurie de l'offre d'accueil, faute de logements adéquats, mais la commission a repoussé l'amendement 75, car l'essence même du métier dont nous parlons est d'accueillir à son domicile des enfants, leur assurant ainsi un accueil personnalisé - l'assistant maternel ne peut s'occuper que de trois enfants -, dans un cadre familial. La formule a en outre le mérite de permettre des horaires très souples : l'assistant maternel peut garder les enfants jusqu'à une heure plus avancée, si besoin est, sans que ses propres enfants en pâtissent.

M. le Ministre - Je comprends parfaitement votre souhait de développer des formules alternatives aux crèches et de favoriser l'implantation d'assistants maternels dans des quartiers d'habitat social, mais votre rédaction pose problème. Le terme « principalement » implique que, pour chaque assistant maternel, le lieu principal d'exercice de son métier est son domicile, ce qui exclut l'exercice habituel dans un autre lieu. Je vous demande donc de retirer cet amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet - La proposition est pourtant très pertinente. Le coût du logement rend en effet inaccessible, dans certaines régions, le métier d'assistant maternel à des gens dont c'est la vocation. Cette solution peut également améliorer la qualité de vie des assistants maternels, en leur offrant la possibilité de séparer leur lieu de travail et leur lieu de vie, et celle des enfants qui, en cas de remplacement, resteront dans le même lieu. Si la rédaction de cet amendement pose problème, il faut l'améliorer.

Mme Patricia Adam - Cet amendement reprend une proposition que j'avais déposée au préalable, et je suis ravie que la majorité ait voulu se l'attribuer. C'est autant le manque de logements que leur coût qui empêche certains assistants d'obtenir un agrément. La possibilité d'exercer sa profession dans un autre lieu que son domicile est une solution, mais votre amendement ne répond pas à d'autres besoins : celui, pour les assistants maternels, d'échanger sur l'exercice quotidien de leur profession avec des collègues qui pourront accessoirement le soutenir, et celui, pour les parents, de savoir que leur enfant est bien gardé grâce à la présence d'autres assistants maternels ou de puériculteurs par exemple. Mon amendement 64 précise donc que la possibilité d'exercer en dehors de son domicile est ouverte dans le cadre d'une crèche familiale. Cela garantit un encadrement, un fonctionnement juridique connu, et un engagement des collectivités locales, y compris sous forme d'avantages financiers consentis aux parents.

Nous devons avancer sur ce point. Si l'amendement pose un problème de syntaxe, il faut le résoudre.

Mme Muguette Jacquaint - Il faut en effet réfléchir à ces solutions souples et adaptées, qui permettent en outre un meilleur suivi. Cette proposition permet de rassurer les parents et de les faire bénéficier de tarifs avantageux. Elle répond aussi aux problèmes que posent le manque de logements et leur coût, et donc leur qualité. Le Sénat a adhéré à cette préoccupation. Lorsqu'un logement a besoin d'être réhabilité, il faut trouver des solutions pour aider les assistants maternels. Certains aujourd'hui ont reçu la formation, mais n'ont pas obtenu leur agrément à cause de l'état de leur logement !

Mme la Rapporteure - La proposition de loi du Sénat donnant la priorité aux assistants maternels et familiaux pour les logements sociaux prouve combien nous avons conscience de ce problème.

M. Pierre-Christophe Baguet - Nous pourrions peut-être trouver ensemble une meilleure rédaction.

Mme Michèle Tabarot - Nous sommes tous d'accord pour améliorer la rédaction. Je voudrais préciser à Mme Adam que, si j'ai défendu les amendements de M. Bédier, j'avais moi-même déposé un amendement semblable, mais qui était tombé sous le coup de l'article 40. En tant que maire, je connais les difficultés des assistants maternels qui se voient refuser des agréments parce que leurs appartements ne sont pas aux normes, et des parents qui n'ont pas d'offre de garde près de leur domicile ou de leur lieu d'activité. Quant à donner la priorité aux assistants maternels pour les logements sociaux, c'est une volonté commune, mais nous savons que c'est une affaire de longue haleine. Je préfère mettre à leur disposition un logement meublé et habitable.

Mme Valérie Pecresse - Nous pourrions peut-être suspendre la séance pour travailler à une rédaction satisfaisante...

M. Pierre Bédier - Je remercie Mme Tabarot d'avoir défendu mes amendements. Face à cette proposition, certains assistants maternels expriment des réticences, mais ce sont ceux qui ont du travail ! Il faut savoir - et votre Gouvernement fait tout pour que cette fracture se réduise - qu'il y a des quartiers où l'on n'emmène pas ses enfants, alors qu'il s'y trouve des assistants maternels qui n'ont pas d'enfants à garder. Il faut donc trouver des lieux intermédiaires.

L'amendement 75 permet de faire travailler ces personnes dans des structures encadrées par les collectivités. En tant que législateur, il me paraît meilleur que les 76 et 77 parce qu'il n'entre pas trop dans le détail et renvoie au décret d'application. Quant au problème de rédaction, je suis prêt à tous les compromis, à condition que la solution ne soit pas renvoyée aux calendes grecques. Il y a urgence !

M. Alain Néri - Donner la priorité aux assistants maternels dans l'attribution des logements sociaux est une excellente proposition, mais c'est loin de régler le problème de toutes les personnes qui voudraient devenir assistantes maternelles et qui ne sont pas agréées parce que leur logement n'est pas aux normes ! On se prive ainsi du service qu'elles peuvent rendre et on les empêche d'exercer une activité qui leur tient à cœur... Il faut que nous trouvions une meilleure rédaction. Ainsi, avec le Gouvernement, nous améliorerons ce texte.

M. le Ministre - Notre discussion est fort intéressante et les propos de M. Bédier ou de Mme Tabarot sont parfaitement fondés : ou il existe des lieux d'accueil agréés, ou il n'y en a pas et on ne peut accepter des inégalités géographiques qui contredisent l'idée même de cohésion sociale. Néanmoins, cette question doit-elle être réglée dans un texte consacré aux assistantes maternelles ? Que nous y réfléchissions et que nous agissions vite, oui, mais ne touchons pas à la philosophie du projet : c'est précisément parce qu'elle est chez elle et qu'elle bénéficie donc d'une certaine souplesse dans l'organisation de son travail que l'assistante maternelle décide de s'engager dans une fonction d'accueil. J'ai été maire, et je sais qu'il convient de trouver des solutions d'accueil autres que les crèches, mais ne prenons pas ce texte en otage. C'est dans le cadre d'une réflexion globale sur notre politique familiale que nous devons trouver une solution. Sans doute peut-on, par exemple, modifier la définition et l'organisation des crèches familiales mais dans l'immédiat, je vous serais reconnaissant de bien vouloir retirer votre amendement.

La séance, suspendue à 18 heures 5, est reprise à 18 heures 20.

M. Pierre Bédier - Nous souhaiterions rectifier l'amendement 76 pour le rédiger ainsi : « ou dans un autre lieu à condition que celui-ci soit préalablement agréé par les services compétents selon les dispositions en vigueur, ou dans une crèche familiale ». Les amendements 75 et 77 seraient alors retirés.

Je comprends les inquiétudes de Mme la rapporteure, mais nous ne devons pas avoir peur de la liberté qu'offrirait cette nouvelle disposition : nous saurons nous organiser localement.

Mme Patricia Adam - Je retire l'amendement 64.

Mme la Rapporteure - Je rappelle que le nombre de personnes qui pourraient exercer cette fonction dans un tel lieu n'est pas limité et que la liberté se heurte à un problème de responsabilité et de statut, si plusieurs assistantes maternelles travaillent dans un même logis.

Le statut que nous mettons en place tient compte de l'avantage qu'il y a à travailler à son domicile pour une personne seule responsable face à trois enfants au maximum.

C'est vrai, il n'y a pas assez d'offre, mais ce n'est pas une raison pour bafouer les principes de sécurité et de personnalisation de l'accueil. Peut-être convient-il d'assouplir les règles des crèches familiales, mais tel n'est pas l'objet de ce projet de loi.

Enfin, ne croyez pas qu'avec une telle disposition, la tâche serait aisée pour les mairies ; elles devraient au contraire régler des problèmes épineux de responsabilité et de hiérarchie.

M. le Ministre - C'est simple, le statut fiscal des assistantes maternelles est fondé sur le fait qu'elles travaillent chez elles ! C'est vrai, il y a des problèmes, mais cherchons plutôt à les résoudre grâce à des solutions intermédiaires, entre la crèche familiale et les assistantes maternelles, plutôt que de mettre en pièces le statut de ces dernières.

Mme Patricia Adam - Le problème de la fiscalité est réel, et c'est pour cette raison que j'avais écrit, dans mon amendement, que cette faculté s'exercerait dans le cadre d'une crèche familiale.

Mme la Rapporteure - Nous sommes d'accord, dans ce cas !

Mme Patricia Adam - S'agissant de l'habilitation, nous pouvons faire confiance aux collectivités locales pour tenir compte, avant de délivrer l'agrément, des capacités de l'assistante maternelle, mais aussi des possibilités qu'offre son appartement.

Mme la Rapporteure - On ne sait jamais !

Mme Patricia Adam - Pourquoi faites-vous voter des lois de décentralisation si vous n'accordez pas votre confiance aux collectivités territoriales ? Jamais elles n'agiraient contre les intérêts de l'enfant, et nous avons plus à craindre de leur part un excès de sévérité que du laxisme !

Cela étant, la fiscalité reste un problème.

M. François Scellier - Je voudrais attirer votre attention sur la question de l'attractivité du métier. Si la formule que vous proposez était retenue, nombre d'assistantes maternelles pourraient ne plus vouloir exercer chez elles.

M. Pierre Bédier - Mme Adam a raison, on ne peut vouloir décentraliser toujours plus et nourrir de la suspicion à l'encontre des gestionnaires locaux.

Quant à la fiscalité, je rappelle que notre amendement ne tend pas à instaurer un système obligatoire ! Nous proposons simplement qu'une assistante maternelle qui ne trouve pas de travail parce que son logement est trop excentré puisse exercer ailleurs.

M. Yves Bur - J'ai ouvert dans ma commune un accueil d'urgence, dans un appartement de la ville, où travaillent deux ou trois assistantes maternelles, et nous avons dû affronter des problèmes non de financement, mais de responsabilité, car les services du département assimilaient cet appartement à une crèche. Dans le cadre du décret de juillet 2000, qui autorise des innovations, nous avons considéré, avec le département, qu'il s'agissait d'une démarche exceptionnelle, en attendant de pouvoir faire évoluer la charge de la responsabilité, actuellement supportée par le président du conseil général et le maire.

Prenons garde à ne pas nous lancer dans une démarche qui pourrait se révéler extrêmement hasardeuse sur le plan des responsabilités. Je précise que dans la structure dont je parle, les assistants maternels sont salariés de la commune à plein temps.

M. Alain Néri - Vu le manque de structures adaptées, que chacun reconnaît, je propose que nous votions cet amendement. Ainsi aurons-nous posé le problème et il sera toujours temps d'approfondir le sujet au cours de la navette. (Approbation de M. Bédier)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je remercie Pierre Bédier et Michèle Tabarot d'avoir soulevé un problème qui est réel. Mais entrent en jeu des questions de responsabilité. Le ministre est prêt à les étudier. Une réforme des crèches familiales pourrait apporter une solution satisfaisante. Laissons-nous le temps d'y réfléchir. Par ailleurs, nous ne pouvons pas, au détour d'un amendement, modifier le statut fiscal des assistants maternels. Je souhaiterais pour l'heure que cet amendement soit retiré.

M. le Ministre - Nous sommes tous conscients qu'il existe un vide à combler. Approfondissons la question d'ici à la deuxième lecture, mais, comme vient de le dire le président de la commission, il n'est pas possible que coexistent deux statuts fiscaux pour la profession d'assistant maternel.

Mme la Présidente - Dans la mesure où nous examinons cet texte après le Sénat, si vous souhaitez revenir sur ce point, il faut qu'un amendement ait été adopté. A défaut, l'article, voté conforme, ne pourra plus être modifié.

M. Pierre Bédier - C'est pour cette raison que je maintiens mon amendement. Mais je suis totalement ouvert à la discussion, Monsieur le ministre.

L'amendement 76 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. Alain Néri - Alors qu'il y a de plus en plus d'enfants en difficulté à accueillir et que les assistants familiaux sont une formule d'accueil particulièrement adaptée, il est de plus en plus difficile d'en recruter. Pour rendre la profession plus attractive, il faut en améliorer à la fois les conditions de travail, les salaires, la carrière et la retraite. Les assistants familiaux doivent notamment pouvoir prendre de temps à autre de vraies vacances. D'où l'idée, très intéressante, de mettre en place des assistants familiaux-relais. La question de la formation est essentielle également. Pour accueillir des enfants en difficulté, le cœur ne suffit pas. Une formation adaptée, de qualité, est indispensable. Ce qui existe aujourd'hui est insuffisant : il faut réfléchir au cadre et au contenu de cette formation, ainsi qu'aux personnels qui l'assureront. Ce sont bien sûr les conseils généraux qui en auront la responsabilité.

Je tiens ici à saluer le travail des assistants familiaux qui permettent à des enfants qui n'ont pas eu la chance de connaître une vie de famille heureuse dès leur plus jeune âge, de retrouver la chaleur et l'affection d'un foyer familial. Je veux pour preuve du succès de cette formule le fait que nombre de jeunes majeurs retournent dans leur famille d'accueil, celle-ci étant en quelque sorte devenue leur vraie famille.

M. Alfred Trassy-Paillogues - L'agrément est indispensable pour exercer les métiers d'assistant maternel et d'assistant familial. Il constitue une garantie de sérieux et de sécurité pour les parents, souvent inquiets de confier leurs enfants, surtout lorsqu'ils sont très jeunes. Cet agrément continuera à être accordé pour une période de cinq ans - qui pourrait fort utilement être portée à dix ans. Il limite à six le nombre maximal de mineurs pouvant être accueillis par un même assistant maternel, outre la limite de trois enfants gardés simultanément. Un amendement sera proposé tendant à exclure les propres enfants de l'assistant maternel de façon à ne pas décourager les jeunes mères qui souhaiteraient exercer cette activité. Cette limite, de bon sens, vise à garantir la qualité de l'accueil, notamment pour que puissent se créer des liens profonds entre les enfants et l'assistant maternel. Des dérogations devraient toutefois être possibles, notamment en matière d'accueil périscolaire et sur des plages horaires courtes, pour répondre aux besoins, en particulier en milieu rural.

M. Louis-Joseph Manscour - Bien que je sois un fervent partisan de la décentralisation et très attaché aux libertés et responsabilités locales et que je me félicite des mesures visant à améliorer la formation et la rémunération des assistants maternels et familiaux, je m'inquiète des conséquences financières de ce texte sur le budget des conseils généraux, surtout outre-mer, où les collectivités doivent déjà faire face à des handicaps structurels. Le menu proposé par le Gouvernement est alléchant mais la note risque d'être salée pour les départements !

Mme la Rapporteure - L'amendement 104 rectifié permettrait que les assistants familiaux soient rémunérés pour continuer d'accueillir jusqu'à l'âge de 21 ans les jeunes mineurs qu'ils ont accueillis auparavant, si ceux-ci le souhaitent. Aujourd'hui, beaucoup de jeunes souhaitent rester dans leur famille d'accueil au-delà de 18 ans, mais celle-ci n'est alors plus rémunérée.

M. le Ministre - Avis favorable.

Mme Patricia Adam - Qui paiera ? Les départements. Ce sont donc eux qui devraient décider d'une telle mesure. Je n'y suis pas opposée sur le fond et d'ailleurs, très naturellement, de jeunes majeurs continuent de rester dans leur famille d'accueil au-delà de 18 ans. Mais je suis inquiète des engagements financiers qui en résulteront pour les départements. Beaucoup de conseils généraux ont choisi d'attribuer une bourse aux jeunes majeurs plutôt que de rémunérer les assistants familiaux.

Mme Muguette Jacquaint - Je peux comprendre que, pour l'équilibre de jeunes qui ont connu une existence difficile, on permette aux assistants familiaux de continuer à s'occuper d'eux à leur majorité. Mais ce n'est pas tout d'avoir de bonnes idées, il faut savoir qui va financer.

L'amendement 104 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme Patricia Adam - Mon amendement 26 vise à requérir la consultation pour avis de la commission d'agrément par le président du conseil général. Ce serait une manière de garantir l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable. Ce serait alourdir la procédure aux dépens du département. Je peux comprendre l'intérêt du dispositif dans les petites communes, mais il n'aurait pas d'utilité dans les grandes villes, où les maires ne connaissent pas les personnes intéressées. Pourquoi rendre la procédure plus lourde et plus coûteuse ?

M. le Ministre - Ce serait en effet une ingérence dans l'organisation des départements, qui peuvent avoir besoin de prendre des décisions dans des délais très courts. En outre, il y a des départements où le nombre des demandes est élevé et d'autres où il est très faible. Enfin, l'inscription dans la loi de cette exigence risquerait d'entraîner l'annulation de certaines décisions.

Mme Patricia Adam - Il s'agit certes d'un amendement de l'opposition, mais je ne comprends pas les réponses qui me sont faites. On vient de voter un amendement qui alourdit considérablement les charges des départements. Si ce n'est pas une ingérence, je ne vois pas de quoi il s'agit ! L'accueil des jeunes majeurs coûtera au moins 100 000 à 150 000 € à chaque département.

Les commissions d'agrément existent déjà. Les faire fonctionner n'induira pas de coût supplémentaire, c'est un problème d'organisation du service. En outre, mon amendement garantit l'égalité de traitement, si bien qu'il répond à un reproche souvent formulé par les professionnels, ainsi que par les maires. L'association des maires serait indirectement consultée. C'est cela, le dialogue.

Mme la Rapporteure - Nous allons examiner ensuite un amendement qui, en définissant des critères nationaux, garantit l'objectivité de l'agrément.

L'amendement 26, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - Mon amendement 107 rectifié reformule l'amendement de la commission qui visait à harmoniser les critères d'agrément, actuellement très disparates. Il vise aussi à associer des professionnels expérimentés à la procédure d'instruction. Celle-ci doit être confiée à une équipe pluridisciplinaire comportant un assistant maternel ou familial qui justifie de dix ans de carrière au moins, qui ne soit plus en activité et qui soit titulaire d'un diplôme défini au plan réglementaire.

L'amendement 107 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Patricia Adam - Mon amendement 65 vise à prévoir une évaluation sur une grille nationale des aptitudes ou capacités éducatives. Il est possible de gagner du temps en évitant aux candidats de recommencer une formation qu'ils ont déjà reçue.

Mme la Rapporteure - A partir du moment où nous définissons des critères nationaux, je ne vois pas l'intérêt de rigidifier ainsi le système. Notre dispositif prévoit d'ailleurs des critères spécifiques aux départements ruraux ou aux départements urbains.

L'amendement 65, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Rudy Salles - Mon amendement 56 vise à substituer au mot « capacités » le mot « aptitudes ». Il faut évaluer l'aptitude du candidat à évoluer, plutôt que des capacités qui pourront s'acquérir par la formation ou par l'expérience.

M. Laurent Wauquiez - Mon amendement 78 est identique. Si on prévoit un dispositif de formation, ce sont les aptitudes qu'il faut évaluer.

Mme la Rapporteure - L'amendement 109 de la commission est identique.

Les amendements 56, 78 et 109, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

Mme Patricia Adam - Mon amendement 24 va sans doute être repoussé, puisqu'il fait référence à une grille nationale.

L'amendement 24, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Le Sénat a eu raison de préciser les conditions de renouvellement de l'agrément. Mon amendement 82 vise à étendre aux assistants maternels le bénéfice du renouvellement automatique et sans limitation de durée qui a été accordé aux assistants familiaux, dès lors que leur formation est conforme aux exigences de l'article L. 421-14 du code de l'action sociale et des familles. Une telle disposition ne remettrait pas en question les mesures prévues en cas de faute avérée. Cette extension inciterait certains assistants maternels à passer les épreuves du CAP « Petite enfance ». Leur travail serait officiellement reconnu et un déroulement de carrière leur serait ainsi proposé. Quant aux autres, ils pourront continuer d'exercer leur activité.

Dans tous les cas, le renouvellement automatique ne peut que contribuer à la reconnaissance du professionnalisme de ces assistants maternels.

M. Laurent Wauquiez - Ce projet prévoit un renouvellement automatique de l'agrément pour les assistants familiaux, mais il maintient la procédure lourde de renouvellement tous les cinq ans pour les assistants maternels, qui sont choqués par cette différence de traitement. On alourdit ainsi la charge de travail des départements, qui doivent organiser tous les cinq ans une procédure généralement artificielle.

Mon amendement 79, au lieu d'un renouvellement tacite, prévoit un renouvellement tous les dix ans. C'est une mesure d'équilibre.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable. Si nous avons cru bon de distinguer les assistants maternels des assistants familiaux, c'est qu'il s'agit de deux métiers différents.

Les assistants familiaux assurent une mission difficile, mais ils bénéficient d'un encadrement constant, contrairement aux assistants maternels. Ceux que j'ai rencontrés m'ont d'ailleurs expliqué que le renouvellement se faisait souvent sur un simple coup de téléphone, ce qui ne coûte pas cher au département.

M. le Ministre - Je comprends l'argument de M. Wauqiez, mais les situations sont bien différentes. L'assistant familial est recruté par une personne morale, les services de placement le connaissent, le suivent, et désormais il bénéficie d'une formation plus longue, plus professionnelle. En revanche, les assistants maternels sont employés par des particuliers, et leur formation n'est pas reconnue par une certification. En l'absence d'obligation d'accompagnement ou de contrôle, le renouvellement d'agrément est la garantie minimale pour les parents. Je ne peux donc être favorable aux amendements.

M. Laurent Wauquiez - Effectivement, les statuts sont bien différents et mon amendement le prend en compte. Il ne s'agit pas ici de recrutement mais d'agrément, et dans les deux cas il est donné par la même personne morale, le conseil général. Quant à la formation, je suis un peu choqué qu'on donne le sentiment de faire moins confiance aux assistants maternels qui ont bien exercé leur mission pendant cinq ans. De toute façon, ils sont aussi contrôlés par la PMI. Leur donner un agrément pour dix ans serait une marque de confiance.

Mme Muguette Jacquaint - Si le renouvellement d'agrément se fait sur un simple coup de téléphone, ce n'est pas un contrôle très convaincant ! Surtout, il me semble que devoir redemander un agrément au bout de cinq ans laisse planer une suspicion sur la qualité du travail effectué.

M. le Ministre - Je pourrais accepter l'amendement 79 sous réserve d'un sous-amendement indiquant que le renouvellement de l'agrément se fait tous les dix ans « pour les assistants maternels des crèches familiales », car ils appartiennent à une équipe et sont bien suivis.

Mme la Rapporteure - Ce sous-amendement est une très bonne idée.

Il n'y a aucune marque de suspicion envers les assistants maternels. C'est parce que l'encadrement des assistants familiaux est renforcé qu'on assouplit les conditions de renouvellement dans leur cas, tandis que la situation des assistants maternels n'a guère changé.

Mme Patricia Adam - On peut admettre ce sous-amendement, en effet. Mais pour le reste, je constate que l'obligation de reprendre contact tous les cinq ans avec les services du département a au moins l'utilité de confirmer que les personnes agréées veulent toujours exercer. Dans les faits, beaucoup ont cessé et parfois repris une autre activité sans prévenir aucun service.

Le sous-amendement du Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 79, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté. En conséquence, l'amendement 82 tombe.

Mme la Rapporteure - L'amendement 108 prévoit la production d'un extrait de casier judiciaire pour chacun des majeurs vivant au domicile du demandeur, à l'exception des majeurs accueillis en application d'une mesure d'aide sociale à l'enfance. Il s'agit de renforcer la sécurité des enfants.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat aux personnes âgées - Avis favorable.

L'amendement 108, mis aux voix, est adopté.

Mme Muguette Jacquaint - La loi entérine le passage à un nombre de trois places d'accueil simultané et non plus d'un nombre maximum d'enfants accueillis. On veut assurer plus de stabilité de revenu aux assistants maternels et s'adapter à la situation de parents contraints au travail partiel. Mais cette mesure est contraire à l'intérêt des enfants, et se traduira pour les assistants maternels par des contraintes plus fortes et une plus grand amplitude horaire, alors qu'à l'article 18 on accepte déjà la durée maximale européenne de 48 heures. Notre amendement 83, en supprimant le mot « simultanément », revient à un nombre maximum de trois enfants accueillis.

Mme la Rapporteure - La commission l'a repoussé, car il est trop restrictif.

La limite de trois enfants accueillis simultanément nous semble la bonne, sachant qu'avec la RTT, des enfants peuvent être confiés aux assistants maternels pour des temps courts. La formule retenue concilie souplesse et sécurité de l'enfant.

Mme la Secrétaire d'Etat - L'objet de ce texte est de préserver les intérêts des enfants, mais il faut aussi un peu de souplesse. Avis défavorable, donc.

L'amendement 83, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Laurent Wauquiez - L'amendement 80, qui me tient à cœur, est le fruit de nombreuses rencontres de terrain et a été mûrement réfléchi. Sachant que l'un des buts du présent texte est de rendre la profession d'assistante maternelle plus attractive afin de remédier à la pénurie que connaissent de nombreux départements, je m'étonne qu'il rigidifie le système en comptant désormais les propres enfants - de moins de trois ans - de l'assistante maternelle dans le nombre de ceux qu'elle peut accueillir simultanément, lequel est limité à trois. On adresse ce faisant aux jeunes mères de famille un message défavorable en leur signifiant que, dès lors qu'elles ont elles-mêmes un enfant de moins de trois ans, elles sont moins aptes à accueillir des enfants.

N'en accueillir que deux représentera pour elles une perte de revenu qui peut tout simplement les dissuader d'embrasser cette profession. Et ce alors que le ministre nous a bien expliqué que l'un des objectifs du projet était de permettre aux assistantes maternelles d'avoir une vie de famille.

Il aurait mieux valu en rester à la situation actuelle, dans laquelle l'exécutif départemental a de toute façon la possibilité de ne donner un agrément que pour un nombre plus limité d'enfants s'il considère que la situation de l'assistante maternelle ne lui permet pas d'en accueillir plus - par exemple si elle a elle-même deux très jeunes enfants.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable, car nous voulons un système à la fois souple et rigoureux. Nous pensons qu'une mère qui doit s'occuper de son bébé - un enfant de moins de trois ans - a beaucoup à faire et ne peut donc pas consacrer le même temps aux autres enfants que si elle n'était pas dans cette situation. Ne pas le reconnaître serait ne pas reconnaître la qualité du travail qu'accomplissent les assistantes maternelles. N'oublions pas qu'elles ont un rôle éducatif très important à jouer, en particulier dans l'acquisition du langage. C'est bien pourquoi nous pensons qu'il ne leur est pas possible de s'occuper en même temps de plus de trois enfants.

Cela étant, le président du conseil général a toujours la possibilité d'accorder une dérogation, par exemple en cas de fratrie. Et il est toujours plus facile d'autoriser que d'interdire...

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement partage cette analyse. Le seuil de trois enfants accueillis simultanément participe de la reconnaissance de la qualité du travail effectué par les assistants maternels.

Le Gouvernement n'a pas pour autant la volonté, Monsieur Wauquiez, de décourager les jeunes mères de devenir assistantes maternelles. J'en veux pour preuves la possibilité qui a été donnée à un salarié en congé parental d'éducation d'exercer cette activité, ainsi que les règles relatives à l'allocation parentale d'éducation et au complément libre choix d'activité PAJE à taux partiel.

En retenant le seuil de trois enfants accueillis simultanément, nous avons voulu harmoniser les pratiques départementales et garantir partout une égale qualité de prise en charge des enfants. Les conseils généraux pourront toujours, s'ils le souhaitent, accorder des dérogations.

Mme Patricia Adam - Je rejoins la position de la rapporteure et de la ministre. Nous ne parlons pas seulement ici des assistants maternels, Monsieur Wauquiez, mais de la politique de l'enfance, laquelle a pour but de favoriser le développement physique et psychique de l'enfant ainsi que son épanouissement. Ce que vous proposez dans votre amendement ne va pas dans ce sens.

M. Marc Laffineur - Si je comprends bien, une assistante maternelle a actuellement la possibilité d'accueillir quatre enfants mais avec ce texte, elle ne le pourra plus ? Est-ce à dire que jusqu'ici elles faisaient mal leur travail ? Je trouve cela gênant. Vous nous dites d'autre part, Madame la secrétaire d'Etat, que le président du conseil général pourra donner une dérogation aux assistantes qui voudraient accueillir plus de trois enfants. Il y a dans tout cela une logique qui m'échappe.

Mme Muguette Jacquaint - Je partage l'avis de la rapporteure et de la ministre et j'insiste à mon tour sur le rôle éducatif des assistantes maternelles. Quant à l'argument qui consiste à dire que limiter le nombre d'enfants qu'elles peuvent accueillir va diminuer leur salaire, je le trouve choquant. Faudrait-il qu'elles gardent six ou sept enfants pour espérer un bon revenu ? Il faut certes leur assurer une bonne rémunération, mais pas au détriment de leur rôle éducatif. Favoriser le développement et l'épanouissement d'un enfant demande du temps.

J'ai une autre préoccupation : je ne voudrais pas qu'on laisse entendre que la seule voie possible pour les jeunes femmes qui désirent concilier vie familiale et vie professionnelle consiste à devenir assistante maternelle.

Mme la Secrétaire d'Etat - Jusqu'ici, Monsieur Laffineur, il n'y avait pas de règle mais la pratique communément admise par les conseils généraux était de retenir un seuil de trois enfants, en moyenne. Au nom de la qualité de la prise en charge de l'enfant, nous ne voulons pas aller au-delà.

Mme Valérie Pecresse - Les assistants maternels des Yvelines m'ont affirmé qu'un président de conseil général ne donnerait jamais d'agrément pour plus de trois enfants à la fois. Et trois enfants de moins de trois ans, ça parait vraiment un maximum...

M. Patrick Delnatte - Vous mettez ici un barrage à la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle ! Le danger est que vous incitiez les femmes qui gardent des enfants à repousser leurs projets de maternité, avec tous les risques que cela comporte en termes de grossesses tardives. Vous envoyez un signe qui sera mal perçu.

Mme Muguette Jacquaint - Laissez les femmes faire le métier qu'elles veulent !

M. François Scellier - En tant que président de conseil général, j'avais envisagé l'accueil d'un plus grand nombre d'enfants. Les assistants maternels m'ont convaincu que, pour exercer leurs responsabilités, il fallait limiter ce nombre. Il faut faire passer l'intérêt de l'enfant avant tout et il me semble que trois est une bonne solution.

L'amendement 80, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 84 vise à préciser les situations justifiant une dérogation au nombre d'enfants accueillis : il s'agit des fratries et d'enfants scolarisés ou en situation de handicap.

M. Rudy Salles - L'amendement 48 ouvre de nouvelles dérogations : les cas de force majeure, comme les grèves dans les structures collectives ou dans les écoles, ou les événements familiaux imprévisibles. Les conditions de ces dérogations seraient définies par décret en Conseil d'Etat.

Mme la Rapporteure - Dans la mesure où le président du conseil général peut à tout moment décider des dérogations qu'il juge utiles, je ne vois pas pourquoi on n'en mentionnerait que quelques-unes dans le texte ! C'est cela qui risque de poser problème. Avis défavorable sur les deux amendements.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis, d'autant que ces amendements sont du domaine réglementaire.

L'amendement 84, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que l'amendement 48.

Mme Patricia Adam - L'amendement 66 vise à consulter l'association des départements de France.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable. Si on la consulte, il faut consulter également l'association des maires de France et la sécurité sociale ! Toute lourdeur administrative est à éviter.

L'amendement 66, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Patricia Adam - L'amendement 25 est défendu.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable. Cet amendement crée des rigidités.

L'amendement 25, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Scellier - L'amendement 55 précise que, dans les trois enfants, sont comptabilisés les jeunes majeurs de moins de 21 ans.

Mme la Rapporteure - C'est un excellent amendement, que les assistants maternels approuvent.

L'amendement 55, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

Mme la Rapporteure - L'amendement 105 rectifié précise que le silence de l'administration vaut refus de l'agrément, pour éviter qu'en cas de silence dû à une négligence, l'agrément soit délivré à une personne qui ne remplit peut-être pas les conditions adéquates.

Mme la Secrétaire d'Etat - Sagesse.

L'amendement 105 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme Patricia Adam - L'amendement 71 vise à laisser un peu plus de temps au département pour donner son agrément. Une durée de quatre mois est beaucoup trop courte pour bien faire ce travail. Je propose un délai de six mois.

Mme la Rapporteure - C'est trop long car, pendant ce temps là, les assistants familiaux ne sont pas payés. Avis défavorable.

L'amendement 71, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Rudy Salles - Depuis la loi du 11 juillet 1979, l'administration a l'obligation de motiver ses actes. Il convient d'aligner de ce point de vue le régime de la suspension d'agrément sur celui du retrait ou de la modification. C'est l'objet de l'amendement 57.

Mme la Rapporteure - La commission a repoussé cet amendement au motif que mentionner la cause de la suspension pouvait pénaliser l'assistant, car elle reste inscrite par la suite. D'un autre côté, ne rien préciser laisse libre d'imaginer des motifs qui n'ont pas de réalité... A titre personnel, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. Le dispositif légal est suffisant pour garantir les intérêts particuliers des assistants tout en privilégiant l'intérêt général et la protection des enfants.

L'amendement 57, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Scellier - Je retire l'amendement 54.

Mme Patricia Adam - L'amendement 67 prévoit qu'en cas de déménagement de l'assistant maternel ou familial, le conseil général a deux mois, au lieu d'un, pour contrôler le nouveau logement. Cela n'a pas de conséquences financières pour l'assistant, mais cela permet aux services de travailler correctement.

Mme la Rapporteure - Cela peut poser des problèmes pour la sécurité de l'enfant. Avis défavorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je ferai remarquer à Mme Adam qu'il n'y avait aucun délai jusqu'à présent. Il me semble qu'en fixer un est un progrès.

Mme Patricia Adam - Je suis entièrement d'accord ! Il est indispensable de vérifier les conditions de logement, et de le faire dans un délai fixé, mais celui que vous proposez est impossible à respecter. Le temps de recevoir le courrier, de l'instruire, de l'envoyer dans le bon service, de le transmettre sur le terrain et d'envoyer les professionnels sur place, le mois sera passé depuis longtemps. C'est ce que disent aussi les professionnels concernés. Dans la réalité, le contrôle ne sera tout bonnement pas effectué. Et c'est dans ce cas que la sécurité de l'enfant pourra être compromise !

Mme la Secrétaire d'Etat - Vous savez qu'un préavis de quinze jours est déjà prévu. En y ajoutant un mois, on laisse à l'administration six semaines pour mener à bien ces contrôles.

L'amendement 67, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 110 est rédactionnel.

L'amendement 110, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

Mme Muguette Jacquaint - Cet article est particulièrement important car il concerne la formation des assistants familiaux qui comprend un stage de préparation à l'accueil et une formation délivrée au cours des trois premières années d'exercice. Sa rédaction étant néanmoins trop générale - nombre de précisions sont renvoyées à un décret - nous proposons d'inscrire dans la loi que le stage préparatoire sera organisé sous la responsabilité du département - ce qui exclut un financement exclusif par l'employeur de l'accueillant -, que sa durée doit être fixée à dix jours et, enfin, que cette formation doit être sanctionnée par la délivrance d'un certificat d'aptitude.

Mme Patricia Adam - L'amendement 72 définit un peu plus précisément que ne le fait le texte la nature et le financement de la formation organisée par le département, la branche professionnelle et l'employeur public, ainsi que les modalités de son organisation.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable. De toutes façons, la formation, qu'elle soit initiale ou alternée, relève désormais intégralement des départements.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis. Cet amendement, s'il était adopté, impliquerait en outre de distinguer les formations avant et après l'accueil de l'enfant, ce qui est contraire à la définition d'une formation obligatoire que nous avons précisément voulue unifiée. J'ajoute qu'il a été très mal perçu par les organisations professionnelles.

L'amendement 72, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Patricia Adam - L'amendement 31 vise à préciser dans la loi les durées minimales de formation avant et après l'accueil de l'enfant.

M. François Scellier - Par l'amendement 53, nous proposons, comme c'est actuellement le cas pour les auxiliaires de vie sociale, que ce soit la région et non le département qui prenne en charge la formation initiale obligatoire des assistants maternels.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable aux deux amendements : d'une part, la fixation des durées minimales de formation relève du domaine règlementaire...

Mme la Secrétaire d'Etat - Exactement.

Mme la Rapporteure - ...et d'autre part, même s'il est vrai que l'adoption de l'amendement 53 ferait plaisir aux départements (Sourires), la formation doit leur incomber intégralement afin d'éviter de regrettables dysfonctionnements.

L'amendement 31, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 53, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 111 3e rectification précise qu'une formation au secourisme est obligatoire pour exercer la profession d'assistant maternel.

L'amendement 111 3e rectification, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Patricia Adam - L'amendement 68 vise à unifier sur tout le territoire les modalités de rémunération des assistants maternels pendant leur temps de formation.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable, car cela est déjà prévu par le code du travail.

Mme Patricia Adam - Voilà qui est bien étonnant !

L'amendement 68, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Rudy Salles - L'amendement 22 de MM. Baguet et Lagarde précise que les départements doivent prévoir, pendant le temps des formations continues des assistants maternels, un mode de garde de substitution adapté aux horaires de travail des parents et qui ne pénalise pas l'enfant.

Mme la Rapporteure - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission mais j'y suis à titre personnel très favorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement ne peut qu'y être également favorable.

L'amendement 22, mis aux voix, est adopté.

Mme Patricia Adam - L'amendement 29 est défendu.

Mme la Rapporteure - Défavorable.

Mme la Secrétaire d'Etat - C'est du domaine réglementaire. Avis défavorable.

L'amendement 29, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L'amendement 5 de la commission et l'amendement 28 de Mme Adam et de plusieurs de ses collègues sont identiques : la validation de la formation de l'assistant familial doit être établie selon des critères nationaux.

Les amendements 5 et 28, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures.

                Le Directeur du service
                des comptes rendus analytiques,

                François GEORGE

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

ERRATUM

au compte rendu analytique de la 2ème séance du mardi 1er février 2005.

Dans la question de M. Jean-Louis Bianco, page 8, il convient de lire (dernier paragraphe) : « On sait la situation de Lustucru et de Nestlé en Provence »...

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale