Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2004-2005)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 62ème jour de séance, 152ème séance

3ème SÉANCE DU MERCREDI 16 FÉVRIER 2005

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

        PROJET DE LOI D'ORIENTATION
        POUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE (suite) 2

        ARTICLE PREMIER 2

        AVANT L'ART. 2 2

        ART. 2 3

        ORDRE DU JOUR DU JEUDI 17 FÉVRIER 2005 15

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

PROJET DE LOI D'ORIENTATION POUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.

ARTICLE PREMIER

M. André Gerin - Depuis plusieurs semaines, vous refusez d'admettre, avec un certain dédain, que l'école maternelle constitue un lieu d'accueil adapté aux enfants dès 2 ans.

Pourtant, de nombreuses études prouvent qu'en utilisant des méthodologies adaptées, en particulier aux enfants issus de milieux défavorisés, la scolarisation avant 3 ans a de bons effets sur le développement des capacités cognitives et la maîtrise du langage. Le système éducatif ne peut compenser les conséquences bien connues de l'origine sociale sur le parcours scolaire. En revanche, en avançant la date de première scolarisation, les enfants défavorisés peuvent acquérir plus de vocabulaire et mieux structurer leur environnement temporel.

Au XXIe siècle, serait-ce trop demander à la République que de se préoccuper de la scolarisation des plus petits ? Pour combattre l'injustice scolaire, il faut maintenir le droit à la scolarisation dès 2 ans pour les familles qui en font la demande.

Pour bien accueillir les enfants de 2 ans, des unités éducatives à effectifs réduits avec un encadrement renforcé doivent être créées pour permettre une approche personnalisée de chaque enfant. De même, les locaux, l'architecture, l'environnement et les horaires doivent être adaptés aux tout petits. Ce véritable défi de civilisation, vous lui tournez le dos !

Du reste, le programme officiel des écoles maternelles vous contredit sans détour quand il affirme que les enseignants ont vocation à faciliter le passage de l'enfant du milieu familial au milieu scolaire « tout en répondant aux exigences et besoins des âges successifs de la petite enfance » et que dans « l'univers nouveau et contraignant » de l'école, l'enfant « apprend non seulement à vivre avec d'autres, mais aussi à échanger et coopérer avec eux ». Il reconnaît que la tâche est rude car les enseignants, confrontés à une « hétérogénéité accrue des élèves », doivent respecter le besoin d'intimité des enfants de 2 ans tout en les aidant « à s'engager dans une vie collective qui suppose acceptation d'autrui et coopération ». Mener à bien ce « projet exigeant » suppose « l'implication de l'ensemble de l'équipe pédagogique ». 

Vous menez une véritable politique de démission nationale.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ART. 2

M. Yves Durand - Par l'amendement 295, nous souhaitons affirmer que le droit à l'éducation comprend non seulement le droit à la formation initiale, c'est-à-dire la scolarité obligatoire mais également le droit à la formation de la vie pour chacun sur l'ensemble du territoire. La scolarité obligatoire doit être un tremplin pour la formation tout au long de la vie. En inscrivant cette dernière notion plus large que la formation professionnelle dans la loi, nous montrerons que l'acte éducatif concerne l'ensemble de la vie et ne se réduit pas à l'école.

M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je m'étonne que l'on veuille insérer un article avant cet article L. 111-1 qui consacre le droit à l'éducation comme priorité nationale. Par ailleurs, le deuxième alinéa de ce même article précise bien que ce droit est garanti sur l'ensemble du territoire. Quant à la formation tout au long de la vie, elle est traitée à l'article 52 du rapport annexé.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche - Le droit à la formation tout au long de la vie est garanti par la loi de cohésion sociale. Sa mention n'a pas sa place dans ce texte.

M. Christian Paul - J'attendais avec impatience ce moment du débat. Puis-je vous rappeler, Monsieur Fillon, que, lorsque vous étiez ministre des affaires sociales, vous nous aviez promis une grande loi sur la formation tout au long de la vie, réclamée et, pour l'heure, financée par les partenaires sociaux ? Puis, vous aviez repoussé à plus tard l'intervention de la puissance publique dans ce domaine. Différents dispositifs ont été imaginés, tels que le « compte emploi formation » ou encore « l'école de la deuxième chance », pour que chacun puisse bénéficier d'une seconde chance d'orientation professionnelle. Le plan Borloo ne traite pas ce problème. Quant à ce projet de loi, il n'y est fait allusion que de façon marginale.

Bien que, lors de ses vœux en décembre 2003, le Président de la République aient pris des engagements solennels, ce projet de loi d'orientation sur l'école est vide sur la formation tout au long de la vie !

L'amendement 295, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Durand - Lors de ses vœux, le Président de la République a présenté ce texte sur l'école comme une loi de programmation. Elle est devenue une loi d'orientation. Contrairement à ce que vous nous avez affirmé, Monsieur le ministre, elle ne peut être également une loi de programmation car elle n'a pas été examinée par le Conseil économique et social. Lors de votre audition à la commission des affaires sociales, vous avez dressé une liste de vos engagements budgétaires mais sans préciser.

Par l'amendement 294, nous cherchons à dissiper ce flou en mentionnant, dans le respect de la constitution, que cette loi de programmation « traduit l'engagement pérenne de la nation envers l'école », et partant, que les crédits doivent être clairement affectés à telle politique.

Il ne s'agit pas de gêner le Gouvernement, au contraire ! Du reste, il avait été question de faire de la loi de 1989 une loi de programmation, et nous en sommes restés à une loi d'orientation, ce que j'ai personnellement regretté.

M. le Rapporteur - Les engagements financiers ont été donnés par le ministre il y a une semaine, en commission, et les mesures prévues par le texte sont financées. Avis défavorable.

M. le Ministre - S'agissant de l'obligation, prévue par l'article 70 de la Constitution, de consulter le Conseil économique et social lorsque le Gouvernement propose au Parlement une loi de programme, je rappelle qu'elle ne s'impose qu'au Gouvernement.

Par ailleurs, une loi de programme engage le Gouvernement qui doit inscrire, année après année, dans les lois de finances, les crédits correspondant à la programmation.

Quant à cet amendement, il est contraire à la Constitution en ce qu'il tend à adresser une injonction au Gouvernement.

M. Jean-Pierre Blazy - Soit il s'agit d'une simple loi d'orientation, mais dans ce cas ne bricolez pas une loi de programmation à l'aide d'amendements, soit il s'agit d'une loi d'orientation et de programmation, et vous devez le dire clairement.

L'amendement 294, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 2

Mme Arlette Franco - L'article 2 relève du respect des grands principes de notre République, à savoir l'égalité et la liberté : égalité des chances et liberté de choisir sa vie. L'école se doit de respecter la personnalité de chaque élève, tel est l'objet du contrat individuel. La société évolue, mais les valeurs restent les mêmes.

La loi Fillon permettra de donner à chacun ce socle commun, sans lequel l'intégration, l'égalité des chances et l'accès à l'emploi resteraient des mirages.

Quel que soit l'avenir envisagé, nul ne doit achever sa scolarité sans maîtriser les outils indispensables à son choix de vie.

Notre système scolaire doit s'adapter aux mutations de la société, et aux vrais besoins des jeunes.

Même si cette loi perturbe quelques habitudes, elle a le mérite de tenir compte de l'individu et de déterminer les moyens de l'amener à réussir. Les parents, les élèves, tout comme les enseignants lucides en sont conscients ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Daniel Paul - Les missions de l'école doivent obéir aux principes universels hérités du siècle des Lumières. En 1905, le principe républicain de laïcité s'est imposé. Il est impossible de hiérarchiser ces principes, qui induisent la gratuité tout au long de la scolarité et l'égalité pour tous les élèves. La législation d'une République démocratique se doit de protéger le droit de tous les enfants à l'éducation. L'école ne saurait se borner à éveiller et transmettre des valeurs uniquement durant la scolarité, elle doit permettre le perfectionnement continu du citoyen. Nous avons déposé des amendements en ce sens.

Mme Martine Aurillac - « Que faut-il donc qu'ils apprennent ? » se demandait Rousseau. « Qu'ils apprennent ce qu'ils doivent faire étant hommes, et non ce qu'ils doivent oublier ». L'article 2 tente d'apporter une réponse moderne à cette question récurrente.

Votre projet est novateur - grand débat public, et large concertation -, et clair quant à ses objectifs - la réussite de chacun dans une école plus juste, plus efficace, plus ouverte.

M. Jean-Pierre Brard - Surtout dans le 7e arrondissement !

Mme Martine Aurillac - Laissez le 7e là où il est !

Mme Arlette Franco - Il y a des enfants en difficulté partout.

Mme Martine Aurillac - Je ne reviendrai pas sur les chiffres accablants - 150 000 jeunes qui sortent chaque année sans qualification, 80 000 enfants qui entrent en sixième sans savoir lire, écrire ou compter, alors que le budget de l'Education nationale, supérieur à 100 milliards d'euros par an, est bien supérieur à la moyenne des pays développés.

Malgré la bonne volonté des enseignants, le gâchis est patent.

Votre projet est enfin pertinent, en ce qu'il redéfinit les missions de l'école, son rôle dans la transmission des valeurs de la République...

M. Jean-Pierre Brard - C'est vraiment la République bourgeoise !

Mme Martine Aurillac - ...et réaffirme la place du travail justement récompensé.

L'égalité des chances est assurée sur le plan démographique, géographique et sociologique. Le recentrage sur les enseignements de base, le soutien aux enfants en difficulté, l'effort considérable en faveur de l'enseignement des langues vivantes, le triplement des bourses au mérite, la revalorisation de la formation des maîtres, les dispositifs relais contre la violence scolaire, le renforcement du rôle du chef d'établissement représentent des progrès indéniables.

Tous les jeunes Français devront posséder un socle commun de connaissances indispensable à leur insertion dans la vie active - maîtrise de la langue française, des mathématiques, la pratique d'au moins deux langues vivantes étrangères, la maîtrise des techniques usuelles d'information et de communication, une culture humaniste et scientifique. Cette base de départ permettra du reste de revaloriser l'enseignement professionnel et l'apprentissage.

Vous prévoyez encore de personnaliser le rythme de travail, et d'accorder trois heures de soutien hebdomadaire à ceux qui en ont besoin. Le brevet en fin de troisième retrouvera son statut de diplôme national, et tous les collèges devront proposer un enseignement de découverte professionnelle.

L'éducation physique, les arts plastiques, les sciences économiques, vous l'avez dit, ne sont pas oubliés.

Nous souscrivons à votre projet qui suscite l'espoir des enseignants et des parents. Les moyens sont là - 2 milliards d'euros et 150 000 recrutements sur cinq ans. Il restera le suivi et l'évaluation, mais le chemin est tracé pour donner à nos enfants des têtes aussi bien faites que bien pleines. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Billard - L'article 2 et l'amendement du Gouvernement conduiront à une réécriture de l'article L.111-1 du code de l'éducation, qui ne brillera pas par sa clarté !

Faut-il faire une hiérarchie entre les valeurs de la République - dont la fraternité fait aussi partie ! - et l'éducation ? En mettant en exergue les aides au mérite, les aides individuelles prennent le pas sur les moyens à accorder aux zones les plus défavorisées.

Pour les familles aisées, la poursuite des études ne sera pas un problème. En revanche, pour les autres, les enfants devront faire leurs preuves !

Je m'étonne aussi que le montant des bourses au mérite, accessibles aux seuls lycéens ayant obtenu au moins la mention « bien » au brevet, soit sensiblement plus élevé que celui des aides fondées sur des critères sociaux. La mention « bien », soit 14/20 de moyenne générale, ce n'est pas rien, d'autant que le critère de la fameuse note de vie scolaire que vous proposez d'introduire reste très flou. Je suis choquée que l'on en vienne à considérer que ceux qui ne peuvent décrocher une mention d'excellence n'ont pas de mérite ! Une telle conception fleure bon son XIXe siècle. Du reste, il faut replacer cet article dans l'économie générale du texte, lequel tend à orchestrer une sorte de mai 68 à l'envers et à restaurer l'autorité des enseignants...

M. François Rochebloine - Et alors ? Vous croyez que cela n'est pas utile ?

Mme Martine Billard - Et je peine à considérer que la réintroduction du pouvoir quelque peu arbitraire de décider du redoublement d'un élève contre l'avis de ses parents participe de cette revalorisation des maîtres, compte tenu de l'inefficacité avérée du redoublement dans la lutte contre l'échec scolaire.

Votre projet ne contient aucune mesure concrète pour prendre en compte le mal-être des jeunes des quartiers, et pas davantage de propositions pour élever le niveau de tous les élèves. Même si vous ne voulez pas le reconnaître, votre logique est de concentrer l'effort sur ceux qui répondent aux critères de l'excellence scolaire, au détriment de tous les autres, qu'ils soient en situation d'échec ou simplement d'un niveau « moyen ». La méthode est la même que celle employée pour « aménager » les 35 heures : le collège unique est formellement maintenu, mais les mécanismes de sélection précoce se multiplient, le « parcours de découverte professionnelle » étant en réalité réservé à ceux que l'on destine à une voie de garage. (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Vous sacrifiez les idéaux de l'école républicaine pour complaire au Medef (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), cependant que les initiatives pédagogiques novatrices et les TPE sont réduits à la portion congrue. Au final, nous sommes bien loin du grand texte annoncé. Il eût été préférable de retirer celui-ci pour en préparer un meilleur. Las, vous préférez déclarer l'urgence, comme si la réaction de la rue vous faisait peur.

M. Daniel Paul - Pour nous, le service public d'éducation est composé de quatre piliers indissociables : la transmission des savoirs et des méthodes, le développement de toutes les capacités des jeunes, la formation du futur travailleur - qui ne consiste en aucun cas à apprendre la docilité et à se préparer à la flexibilité de l'emploi - et l'éducation du citoyen. Cette approche globale interdit de hiérarchiser les valeurs de la République. C'est pourquoi notre amendement 198 tend à supprimer le mot « première » dans le dernier alinéa de l'article.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le mot « première » donne précisément toute sa force à cette disposition.

M. le Ministre - Même avis, et j'observe que nous ne faisons que nous nous inscrivons par cet article dans la logique de la Lettre aux instituteurs de Jules Ferry de 1883.

L'amendement 198, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard - Par notre amendement 176, nous entendons réaffirmer la nécessité d'apprendre à tous les jeunes de ce pays à refuser toutes les formes de discrimination. C'est en éduquant les jeunes générations à la citoyenneté et au respect de l'autre que l'on évitera qu'elles ne cèdent aux sinistres sirènes qui ont malheureusement toujours cours.

M. André Gerin - L'amendement 200 rectifié procède de la même inspiration. Pour nous, l'idéal de justice dépend de la réalisation de l'égalité des chances, de l'égalité de traitement et de l'accès de tous aux acquis fondamentaux. Il serait illusoire de croire que l'école peut résorber toutes les inégalités sociales, mais il serait dangereux de céder au fatalisme en renonçant à en faire un puissant levier de transformation sociale. Nous entendons défendre résolument le principe de non-discrimination, à l'école comme partout ailleurs. A cet effet, il convient de réaffirmer que le sexe, la nationalité ou l'origine sociale ne jouent aucun rôle dans la réussite scolaire. Penser que la réussite n'est accessible qu'à quelques-uns est contraire à l'idéal républicain.

M. le Rapporteur - La commission ne peut que partager l'intention qui sous-tend ces deux amendements, mais elle considère qu'il n'est pas opportun de trop expliciter les principes républicains, car cela risque finalement d'en affaiblir la portée. L'égalité de tous devant la loi et le refus de toutes les formes de discrimination, chacun comprend aujourd'hui ce que cela veut dire.

M. le Ministre - Même avis. Tenter d'établir des distinctions entre les différents valeurs de la République ne conduit pas à les renforcer. Quant à l'amendement 200 rectifié, j'invite son auteur à le retirer car il est déjà satisfait.

M. Yves Durand - Dans le contexte actuel, il est bon de préciser les valeurs de la République que nous partageons tous. Le refus de toutes les discriminations est refus de la violence, et aussi des communautarismes. Quand désormais ce qui se passe hors de l'école a des répercussions, à l'intérieur de l'école, sur des enfants qui ont parfois moins de 10 ans, il me semble nécessaire de rappeler que toutes les discriminations sont contraires aux valeurs de la République dans un article qui affirme les missions de l'école, dont l'une, essentielle, est d'apprendre aux enfants à vivre ensemble. Le Président de notre assemblée a pris l'initiative d'un débat sur les signes religieux, il a été de haute tenue et à cette occasion, nous avons tous insisté sur la même nécessité.

M. Jean-Pierre Brard - La réponse lapidaire du rapporteur n'est guère convaincante. Une formulation générale donne l'impression du consensus. Pourtant, Mme Aurillac, que j'interrompais, m'a répondu : « laissez le 7e arrondissement où il est » . C'est qu'elle n'a pas la même conception que nous des valeurs de la République. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine Aurillac - Ces propos sont inacceptables !

M. le Président - Monsieur Brard, évitez ce genre d'attaque personnelle.

M. Jean-Pierre Brard - Je ne fais pas d'attaque personnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Chère collègue, que mes propos vous déplaisent, je le conçois, mais acceptez le pluralisme. Votre réaction prouve que, et ce n'est pas un drame, nous ne voyons pas les valeurs de la République de la même manière (Mêmes mouvements)

Mme Arlette Franco - Elles sont universelles !

M. le Président - Intervenez sur l'amendement, pas en vous adressant à Mme Aurillac, qui n'est pas encore ministre de l'Education.

M. Jean-Pierre Brard - Je dois dire que cela m'inquiéterait (Mêmes mouvements). Je me souviens qu'il y a deux ans, il y a eu des pétitions contre le changement de sectorisation dans le 7e arrondissement, qui y faisait venir quelques élèves qui n'étaient pas aussi huppés que d'autres. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) On voit tout l'intérêt de détailler les valeurs de la République, pour qu'il n'y ait pas de confusion sur ce que nous mettons derrière les mots. La réaction de certains collègues de droite montre à quel point nous ne les pratiquons pas de la même façon dans le 7e arrondissement et à Montreuil.

Mme Martine Aurillac - Monsieur le Président, je demande la parole pour fait personnel !

M. le Président - Monsieur Brard, la République est une et indivisible.

M. François Liberti - Je comprends mal comment le rapporteur et le ministre peuvent dire que préciser la nature des inégalités affaiblirait le texte. Au contraire, c'est mieux contribuer à la lutte contre les inégalités sociales, scolaires et à caractère sexiste qui s'exercent à l'école.

M. Maurice Giro - En faisant une liste, vous en oubliez !

M. François Liberti - Nous ne retirerons pas cet amendement et nous demandons au rapporteur et au ministre de reconsidérer leur position.

M. le Président - Je rappelle à Mme Aurillac que l'article 58, alinéa 4, dispose que lorsqu'un député demande la parole pour un fait personnel, elle ne lui est accordée qu'en fin de séance. (Mme Aurillac quitte l'hémicycle)

M. Guy Geoffroy - Rappel au règlement !

M. le Président - J'ai répondu à M. Brard. Les faits personnels viennent en fin de séance. Si je laisse intervenir chaque fois qu'on estime qu'il y a fait personnel, nous n'avancerons pas.

M. Pierre Cardo - Je suppose que je peux intervenir sans me faire agresser sur ce sujet... On l'a dit et redit, les « notamment » n'apportent rien à la loi. Préciser certaines inégalités, c'est en oublier. L'article est clair, et si vous jugez que des précisions manquent, vous aviez tout loisir de les inscrire vous-même dans une loi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Guy Geoffroy - Rappel au règlement, fondé sur l'article 58. Nous débattons de la réussite de tous les élèves. Cet amendement, dont nul ne met en cause la pertinence, aborde la question des discriminations. Je le dis sereinement mais fermement, on ne lutte pas contre les discriminations en prononçant des propos discriminatoires. Je demande à chacun de s'engager à rester, jusqu'à la fin du débat, digne d'être regardé par les enfants dont nous parlons (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et de s'abstenir de propos qui ne donnent pas une belle image de la République.

M. Jean-Pierre Brard - Vous défendez les bourgeois !

Les amendements 176 et 200 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. André Chassaigne - C'est avec grand plaisir que je défends l'amendement 231 de Mme Bello qui hier, dans une intervention d'une immense qualité, a rappelé qu'au-delà de la préparation à la vie active, l'école développe les valeurs de citoyenneté.

Notre collègue propose d'ajouter à cet article les mots suivants : « L'école est l'espace où les citoyens de demain sont formés à la critique, au dialogue et à la liberté ». Cet amendement devrait être accepté par l'Assemblée tout entière. En effet l'article reprend le propos sur le principe de laïcité tenu le 17 décembre 2003 par le Président de la République, mais il en oublie une phrase, que reprend cet amendement. Nous proposons de la rétablir.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement pour les raisons déjà exposées.

M. le Ministre - Tous les propos du Président de la République n'ont pas une portée législative. Introduire celui-ci serait limiter la définition des valeurs républicaines, et mélanger ce qui relève des objectifs et ce qui relève des méthodes.

Mme Marylise Lebranchu - J'entends bien ce que dit le ministre, et pourtant je soutiens la proposition de Mme Bello. On sait combien, depuis des années, les jeunes perdent le sens de l'espace public, remplacé par leur propre espace privé. C'est qu'ils sont privés de moyens d'expression, d'échange, d'apprentissage de la critique et du dialogue. Si les cours ont pour objet de transmettre les connaissances, ainsi que les valeurs républicaines, l'école est un tout, et il ne serait pas sans portée d'introduire ici les notions de critique, de dialogue et de liberté.

M. Jean-Pierre Brard - Pour ne pas m'attirer de remarque de M. le Président, je ne répondrai pas à M. Geoffroy, qui veut nous empêcher de désigner les privilégiés pour qui notre système fonctionne en priorité... Nous pourrions discuter de la façon dont sont recrutés les élèves de Henri IV, de Louis-le-Grand, de Saint-Louis et de Charlemagne. Mais je reviens à l'amendement. C'est aux actes - c'est-à-dire pour nous aux votes - que l'on juge les hommes et les femmes politiques. Mme Bello propose d'inscrire dans le texte la formation à l'esprit critique. A l'heure où M. Le Lay, de TF1, se donne pour but de préparer le cerveau humain à recevoir la publicité de Coca-Cola, si nos élèves ne sont pas formés à la critique, nous les livrons à ceux qui conditionnent ainsi les esprits à accepter l'idéologie dominante, les pensées conformes, le libéralisme comme règle de vie ! Par conséquent accepter ou non l'amendement de Mme Bello en dira long sur la façon dont vous voyez le rôle de l'école dans la formation de l'esprit de nos enfants. Relisons Rabelais, Montaigne, Langevin et Wallon ! Si vous les avez bien assimilés, vous adhèrerez à cet amendement.

M. André Chassaigne - Dans votre réponse, Monsieur le ministre, vous vous éloignez de la philosophie même du texte. La phrase en question figure dans le rapport annexé. Il est proposé de l'en sortir pour la faire figurer dans la loi. C'est ce qui a été fait pour la première phrase relative aux valeurs républicaines ! L'école ne doit pas simplement inscrire au tableau noir « liberté, égalité, fraternité » : elle doit faire vivre ces valeurs par le dialogue.

L'amendement 231, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre-André Périssol - L'amendement 449 que je présente avec Mme Aurillac a deux objectifs. Le premier est d'expliciter les principes républicains. Nous sommes dans une loi sur l'école ; or la formulation, l'explicitation sont des bases de la pédagogie. Le deuxième objectif est de permettre à chaque enfant et à chaque parent de montrer son adhésion aux valeurs de la République, ou au moins son acceptation de ces valeurs. Nous proposons donc que celles-ci soient définies dans une charte de l'école, et que celle-ci soit intégrée au règlement intérieur des établissements, que parents et élèves doivent signer.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Certes l'idée de cette charte est généreuse, mais qui l'élaborera ? Quand on voit la difficulté qu'il y a à se mettre d'accord sur ce que sont les valeurs de la République...

M. le Ministre - Je partage la préoccupation de Mme Aurillac et de M. Périssol, au point que la rédaction initiale du texte comportait cette idée. Je l'ai retirée sur les recommandations du Conseil d'Etat, qui estime qu'un document, quel qu'il soit, ne saurait reprendre à sa manière des principes d'un niveau aussi élevé. Autrement dit, il n'appartient pas à l'école de définir à sa manière les principes qui figurent dans les textes fondateurs du pacte républicain. Nous risquerions la censure du Conseil constitutionnel.

M. Yves Durand - Je pense comme M. Périssol que, dans le contrat qui doit lier la nation à son école, il faut rappeler un certain nombre de grands principes. Ce serait donner à l'école un moyen moral pour faire en sorte que ces principes n'y soient pas seulement proclamés, mais vécus. J'entends aussi les arguments du ministre, et je me demande si nous ne pourrions pas revenir sur ce point à un autre endroit du texte.

M. Jean-Pierre Brard - Les cinq points mentionnés par M. Périssol dans son exposé des motifs sont intéressants, mais il en manque quelques-uns pour qu'ils soient vraiment républicains. Je le dis avec hésitation - car tout à l'heure le seul fait de mentionner la mixité sociale a provoqué un grand frisson - : il manque par exemple la mixité sociale, sans laquelle la République ne peut fonctionner, mais se réduit à une juxtaposition de ghettos. A Montreuil, nous essayons de cultiver cet héritage républicain.

M. Pierre-André Périssol - Je ne suis pas nostalgique de l'école du passé. Mais j'estime significatif que presque tous les orateurs aient cité la lettre circulaire de 1883 adressée aux enseignants par Jules Ferry. Qu'était cette lettre, sinon une charte de l'école, définissant les principes républicains et demandant aux enseignants de les transmettre ? Je veux bien retirer l'amendement, mais à l'article 19, quand nous traiterons du règlement intérieur, je proposerai un amendement pour que soient précisé le contenu des valeurs républicaines.

L'amendement 449 est retiré.

M. François Liberti - Le droit à l'éducation est un droit fondamental. Il occupe une place centrale parmi les droits de l'homme, car il est indispensable à l'exercice de tous les autres. Il permet de sortir de la pauvreté et de participer pleinement à la vie de la nation. Produire du savoir, faciliter la compréhension du monde, développer les capacités intellectuelles, artistiques et physiques des élèves, telle est la mission de l'école. Or, ces objectifs peuvent entrer en conflit avec celui d'insertion sociale et professionnelle dans une société régie par la performance et la concurrence.

Notre amendement 201, 2e rectification, vise donc à réaffirmer le principe constitutionnel du droit à l'éducation dans le projet.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. L'article L. 111-1 du code de l'éducation reprend ces dispositions.

M. le Ministre - Même avis.

M. François Liberti - Cet article ne mentionne pas « l'accès à une solide formation initiale et continue » ni la « participation active à la vie de la cité ». Notre amendement se justifie pleinement.

L'amendement 201, 2e rectification, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Paul - Les Etats membres de l'OMC, en acceptant en 1994 l'accord de Marrakech, ont signé un accord général sur le commerce et les services dont les objectifs sont clairs : les entreprises privées pourront invoquer les lois du marché pour transformer en marchandises les activités de service dans des domaines comme l'éducation, la santé ou la culture.

Au lieu d'un accès de tous gratuite à une éducation gratuite, nous passerions à une éducation payante réservée à quelques-uns. Nous ne pouvons accepter cette conception purement marchande. C'est pourquoi nous vous invitons à voter notre amendement 199 rectifié, qui vise à préciser que l'école « ne peut être considérée comme une activité marchande ».

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Nous avons reconnu que l'éducation est la première des priorités nationales et donc ne saurait être considérée comme une activité marchande.

L'amendement 199 rectifié, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine David - Chacun comprendra l'objectif de mon amendement 292 rectifié. Il n'est pas sûr qu'il y a encore quelques années, nous aurions pensé à faire référence dans une telle loi à la laïcité. Mais beaucoup d'événements se sont produits et notre assemblée a travaillé sur cette notion.

Alors que la laïcité pouvait sembler un acquis de la République, nous avons senti que ce que nous considérions comme inaltérable ne constituait pas une valeur fondamentale pour un certain nombre de citoyens vivant sur notre sol. Il faut donc réaffirmer cette valeur en laquelle nous croyons et qui est le creuset de la République. Garantie de l'égalité, elle protège chacun contre les discriminations. Si le principe de laïcité est déjà inscrit dans le texte fondamental, nous pensons que le moment est venu de le réaffirmer comme une des valeurs en vigueur dans les écoles de la République.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Nous avons eu, dans cet hémicycle, un débat sur la laïcité. Mais nous ne pouvons faire figurer, dans cet article, une valeur détachée des autres.

M. le Ministre - Les valeurs de la République sont les valeurs de la République. La laïcité en fait partie. Ce serait affaiblir ce texte que d'énoncer une valeur alors qu'il les vise toutes.

M. Christophe Masse - Faire référence à la laïcité, ce n'est pas affaiblir ce texte. Ma collègue Martine David a rappelé qu'il y a eu une mission parlementaire sur le sujet. Yves Durand a insisté sur la nécessité de promouvoir cette valeur fondamentale.

Nous sommes ici pour essayer d'améliorer le texte et cet amendement est utile, d'autant qu'il n'y a pas dans ce projet de programme concret. Il importe de défendre une valeur décisive pour les jeunes et pour la nation.

Mme Martine Billard - L'amendement de mes collègues socialistes obéit à la même logique que celui que j'ai défendu pour combattre les discriminations. Il est important de réaffirmer cette valeur de la laïcité. Ne voit-on pas certains élèves essayer de refuser des cours parce qu'ils sont contraires à l'une ou l'autre des religions monothéistes ou qu'ils ébranlent des certitudes ? Les religions ne sont pas au-dessus des enseignements dispensés à l'école, et que tous les enfants doivent les suivre.

Dans le contexte actuel, dire que l'éducation doit être la même pour tous, c'est lutter contre les discriminations, les communautarismes et toutes les visions étriquées.

M. Patrick Roy - Nous devons parfois nous remettre en question.

Sur la laïcité, nous avons eu un débat d'une exceptionnelle qualité à propos de la loi interdisant le port des signes religieux à l'école. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas souligner ici l'importance de la laïcité. Le ministre nous dit que la notion revient au fil des articles, mais c'est une vérité pédagogique bien connue : la répétition fixe la notion.

M. Jean-Pierre Blazy - Je soutiens l'amendement, car la réaffirmation du principe de laïcité me paraît indispensable dans une loi d'orientation sur l'école.

J'en profite, Monsieur le ministre, pour revenir sur une question qui se posera de plus en plus souvent, celle du respect du principe de laïcité par les parents lorsqu'ils interviennent dans la vie scolaire. Il arrive souvent qu'ils portent des signes religieux ostentatoires. Quelle est votre position à ce sujet ? Les chefs d'établissement aimeraient une réponse.

M. le Ministre - J'ai donné des instructions pour que la loi sur le port de signes religieux soit strictement appliquée, mais elle ne concerne que les fonctionnaires et élèves, pas les parents de ces derniers. Les empêcher d'accéder à l'école au motif qu'ils portent des signes religieux ostentatoires serait contraire aux libertés individuelles.

L'amendement 292 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Blazy - Je connais la loi, et je sais qu'elle ne concerne pas les parents d'élèves, mais je vous demandais quelles instructions vous donnez aux chefs d'établissement, sachant que la question se posera de plus en plus souvent.

Notre amendement 355 rectifié dit que, pour assurer la réussite de tous les élèves, l'enseignement doit être adapté à la diversité de chaque élève tout au long de sa scolarité. Ce n'est assurément pas le contrat individualisé de réussite que vous proposez, Monsieur le ministre, qui assurera cette adaptation.

M. le Rapporteur - Rejet, car la réussite de tous les élèves est l'objet même du projet et parce que la commission n'a pas bien compris la deuxième partie de l'amendement.

M. le Ministre - L'amendement est satisfait par l'article L. 311-1 du code de l'éducation qui dit que, pour assurer l'égalité et la réussite des élèves, l'enseignement est adapté à leur diversité par une continuité éducative au cours de chaque cycle et tout au long de la scolarité.

J'ai donné des instructions aux chefs d'établissement, Monsieur Blazy, afin de bien préciser que les parents ne sont pas concernés par la loi sur le voile. Un ministre ne peut de toute façon donner que des instructions qui soient conformes à la loi.

M. Jean-Pierre Brard - Vous venez, Monsieur le ministre, d'utiliser une formulation qui n'est pas celle de la loi, ce qui n'aura pas échappé au président de la mission sur les signes religieux à l'école. Cela dit, vous avez raison de rappeler que la loi ne s'applique pas aux parents et que l'on ne va donc pas empêcher des parents qui porteraient des signes religieux ostentatoires d'entrer dans l'établissement. Mais le problème est différent si ces parents assurent par exemple l'encadrement d'une classe verte et jouent donc le rôle d'un agent bénévole de l'Education nationale.

M. Yves Durand - Ce projet remet en cause les cycles, il est donc en contradiction avec l'article du code qu'a cité le ministre pour refuser l'amendement.

M. Christian Jeanjean - Si nos collègues socialistes maintiennent leur amendement, il faudra corriger la faute de français qui y figure et donc remplacer « leur scolarité » par « sa scolarité ».

L'amendement 355 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christophe Masse - Notre amendement 296 rectifié, qui dit que le droit à l'éducation est garanti à chaque jeune sur l'ensemble du territoire, prend toute son importance avec la façon dont le Gouvernement conçoit et mène la décentralisation, c'est-à-dire en laissant se creuser des inégalités territoriales. Veut-on vraiment un service public de l'éducation ? Veut-on vraiment garantir à tous les jeunes les mêmes chances et les mêmes droits ? Si oui, il faut voter cet amendement.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé car il est satisfait dans le deuxième alinéa de l'article L. 111.

M. le Ministre - Même avis.

M. Patrick Roy - Pourtant, personne n'ignore qu'il existe une fracture scolaire et que les inégalités se creusent, des pans entiers du territoire partant à la dérive. Il y a aujourd'hui une vraie crise, à laquelle il faut répondre non par des mots mais par des moyens.

M. André Chassaigne - Les territoires ruraux sont en effet mis à rude épreuve. Un article récent, paru dans La Montagne, détaille les coups portés au système éducatif en milieu rural en s'appuyant sur l'exemple de Thiers. Dans les deux lycées de cette ville de 14 000 habitants, quinze postes seront supprimés et des options fermées à la rentrée prochaine. Certains élèves seront obligés de se rendre à Clermont-Ferrand (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et d'autres, dans l'impossibilité de financer transport et logement, interrompront leur scolarité ! Des sections BTS, aujourd'hui pleines, seront abandonnées. Selon, les professeurs et les parents d'élèves, « ces suppressions de poste sont la traduction concrète du budget catastrophique de l'éducation nationale ». Un enseignant désabusé ajoute : « que le Gouvernement se paie de la tête des profs, passe encore, mais qu'il le fasse en sacrifiant l'avenir des élèves, c'est grave ! ».

Nous devons réaffirmer dans la loi que nous allons lutter contre la fracture territoriale et sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Durand - Je regrette que ce sujet provoque de telles vociférations !

Il ne suffit pas de proclamer que l'école est un droit quand on fait une politique qui bafoue ce droit en de nombreux points du territoire ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Je suis maire d'une commune où, avec le conseil général du Nord et l'académie, nous avons fait des efforts considérables pour retenir les bons élèves de nos collèges situés dans des quartiers difficiles, en créant des filières d'excellence.

La construction d'un collège neuf a ainsi permis de créer une filière sport étude et une option arts du cirque (Rires sur les bancs du groupe UMP) qui permettent aux élèves en difficulté de reprendre confiance à l'intérieur de l'école.

Nous avons appris cette année que cette filière est supprimée par manque de postes. Ce cas précis de rupture du droit à l'éducation et de manquement à la confiance des jeunes nous incite à vouloir inscrire dans la loi le droit à l'éducation pour tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Marylise Lebranchu - Une analyse froide des faits pourrait nous réunir. Nous sommes tous capables de comprendre les arguments budgétaires : Il n'y a pas ici de réalistes contre des idéalistes. Mais pourquoi refuser de réaffirmer des principes que nous avons unanimement reconnus il y a quelques semaines, lors de l'examen de la loi sur les territoires ruraux?

Le maire de la commune de Plougasnou, dans le Finistère nord, a appris, trois jours avant la réunion à l'inspection d'académie, la fermeture de son collège. Cet homme de conviction, appartenant à l'actuelle majorité, continuera peut-être de soutenir le Gouvernement. Pour l'heure, on lui dit que son collège, parce qu'il n'accueille qu'une centaine d'élèves, ne permet pas le brassage social et l'ouverture d'esprit. Cet argument avancé par les fonctionnaires du ministère est proprement humiliant.

Malgré de nombreuses manifestations, la décision de fermeture a été maintenue. Le maire a envoyé un appel au secours au ministre de l'éducation nationale. Vous ne pourrez pas dire que cet homme est gauchiste, laxiste ou irréaliste !

Dans la ville de Morlaix, les sections STT offraient aux jeunes venant de ces collèges ruraux, précisément, un accès au baccalauréat et aux études supérieures. Aujourd'hui, ces classes sont fermées et la région est sommée de fournir un car pour transporter les élèves vers d'autres établissements. Mais nous savons que ces élèves n'iront pas ailleurs. A ne réfléchir que sur des chiffres et des répartitions de poste, on laisse des enfants au bord de la route ! Il importe donc de réaffirmer dans la loi le droit à la scolarité pour tous.

M. Christian Paul - Partout où l'Etat manque de moyens, il en vient à nier la question des territoires. J'en veux pour preuve les réactions de la majorité et le silence du ministre ce soir. L'approche territoriale de l'éducation est pourtant essentielle, sans cela nous irons vers une école à plusieurs vitesses (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il faut se donner les moyens d'assurer une égalité réelle, non s'en tenir simplement à la proclamation d'une égalité théorique. Trop souvent, les collectivités territoriales se voient confier la charge de remédier aux inégalités en assurant les transports.

Vous êtes nombreux, dans la majorité, à vous battre dans vos circonscriptions pour le maintien des collèges en milieu rural. Mais ici, vous offrez un autre visage. Pourquoi ce dédoublement ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Pourquoi faudrait-il fermer les collèges ruraux à 100 ou 150 élèves ? Pourquoi ne les encourage-t-on pas à travailler en réseaux et à mutualiser leurs moyens et leurs expériences ? Monsieur le ministre, pourriez-vous nous accorder une réponse ?

Mme Martine Billard - Lutter pour la mixité sociale doit se faire dans les deux sens ! L'académie de Paris nous a récemment expliqué que les lycées professionnels allaient être déménagés en banlieue. Aux dernières nouvelles, ils seront maintenus à Paris. Mais que de telles propositions puissent être faites est stupéfiant ! Malheureusement, les classes de BTS, autrefois nombreuses dans le centre-ville comme au lycée Sophie Germain, sont fermées progressivement malgré leurs bons résultats. Paris ne doit pas devenir un ghetto d'excellence ! Les enfants défavorisés...

M. Guy Geoffroy - Ce ne sont pas les mauvais élèves qui entrent en BTS !

Mme Martine Billard - C'est exact ! De même, les classes de non-francophones, autrefois abritées par les collèges, sont aujourd'hui transférées en lycée professionnel alors que c'est la maîtrise de la langue et non le niveau de l'élève qui est en cause. Dans ma circonscription, un collège a perdu 12 classes sur 21 en cinq ans alors que les parents et l'équipe éducative misaient sur la fermeture d'une classe par niveau ! Nous devons encourager la mixité partout, et non créer des ghettos.

M. Daniel Paul - Préparer l'avenir, c'est donner priorité à l'investissement éducatif, c'est-à-dire permettre à notre jeunesse, en tout lieu du territoire, de recevoir une qualification et les moyens de poursuivre cette qualification tout au long de sa vie.

Nous avons en France des disparités, des gouffres, qui ne cessent de se creuser. Ainsi, chez moi, la Haute-Normandie et le Havre souffrent de l'insuffisance des outils de formation, par rapport aux évolutions économiques et aux aspirations des jeunes. L'agglomération du Havre accuse un retard de près de huit points sur la moyenne nationale pour l'obtention du bac, sans parler de l'accès à l'enseignement supérieur ! Or, cette académie devra rendre des postes. La Seine-Maritime est particulièrement touchée puisqu'avec 549 élèves en moins dans le premier degré, on lui retire 60 emplois. Et ce sont 200 postes qui seront supprimés dans le second degré ! Quant au Havre, il perdra à lui seul 34 postes dans le premier degré, soit plus de la moitié des suppressions de postes du département.

J'ai ici le courrier d'une école en ZEP, où M. Ferry a expérimenté en juin 2002 des cours préparatoires à effectifs réduits. Les résultats ont eu beau être excellents, on a brutalement mis fin à ce dispositif. Et l'on sait déjà que, du fait d'une légère diminution des effectifs à la rentrée, il y aura un poste en moins.

S'agissant des CLIS, la note de service de l'inspection d'académie déplore le nombre excessif de classes d'intégration scolaire dans le département - alors qu'elles sont toutes pleines - et précise qu'il devrait en être supprimé quelques-unes au profit de la création d'emplois de secrétaires de commissions de circonscriptions pré-élémentaires et élémentaires. Nous en sommes là ! Et il ne s'agit pas d'une circonscription huppée !

Cette situation n'est malheureusement pas isolée, elle se retrouve un peu partout en France. Votre projet ne répond pas aux difficultés, il se contente d'en prendre acte. Vous professez la pédagogie du renoncement pour nous faire croire qu'il n'y aurait plus rien à faire.

M. le Ministre - Il y a toujours eu des fermetures et des ouvertures de classes ou de sections, en fonction de la démographie. Or, nous sommes confrontés à une baisse continue de la démographie, ayant perdu plus de 500 000 élèves en quinze ans.

Il y a en France une quarantaine de collèges qui comptent moins d'une centaine d'élèves. Lorsqu'ils sont très éloignés les uns des autres, il faut évidemment les préserver. Mais lorsqu'ils sont proches, comme c'est le cas en Bretagne ? L'Etat ne décidera pas seul de les fermer ou non, mais, il est évident que des établissements trop petits ne sont pas la meilleure solution pédagogique. Cela dit, il faut tenir compte des réalités locales, et notamment des transports.

Quant à l'expérimentation dont vous parliez, l'évaluation n'a pas fait apparaître de différence par rapport aux classes ordinaires. Nous devrons donc trouver d'autres réponses.

L'amendement 296 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marc Ayrault - Je demande dès maintenant la vérification du quorum sur le vote de l'amendement 5.

M. le Président - Le quorum n'étant pas atteint, je vais lever la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu demain, jeudi 17 février, à 9 heures 30.

La séance est levée à 23 heures 45.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 17 FÉVRIER 2005

NEUF HEURES TRENTE : 1PEREP SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 2025) d'orientation pour l'avenir de l'école.

Rapport (n° 2085) de M. Frédéric REISS, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

QUINZE HEURES : 2PEMEP SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3PEMEP SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

    www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale