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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2004-2005 - 69ème jour de séance, 171ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 9 MARS 2005

PRÉSIDENCE de Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER

vice-présidente

Sommaire

      AÉROPORTS (suite) 2

      ARTICLE PREMIER 15

      APRÈS L'ART. PREMIER 17

      ART. 2 19

      ART. 3 24

      ART. 4 26

      ORDRE DU JOUR DU JEUDI 10 MARS 2005 28

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

AÉROPORTS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux aéroports.

M. François Asensi - Selon ses promoteurs, ce projet de loi, premier texte d'envergure concernant les aéroports depuis 1945, serait nécessaire pour moderniser un cadre juridique archaïque et inadapté au monde moderne.

Pourtant, le secteur du transport aérien emploie aujourd'hui plus de 115 000 personnes. De 1992 à 2001, sa croissance moyenne annuelle a été trois fois plus rapide que celle de la moyenne de l'économie française. En 2003, ADP a accueilli 70,7 millions de passagers et plus d'1,8 million de tonnes de fret et son chiffre d'affaires a progressé de 15% par rapport à 2002. Aujourd'hui, cet établissement est le deuxième complexe aéroportuaire européen et le sixième mondial.

Selon le rapporteur pour avis de la commission des finances, le statut d'établissement public ne permettrait pas à ADP d'investir dans les aéroports situés hors d'Ile-de-France et de vendre ses services. Cependant, ADP est un des principaux consultants mondiaux en matière d'architecture et d'ingénierie aéroportuaire d'Osaka à Casablanca en passant par Dubaï. En outre, à travers sa filiale ADP-Management, cet établissement détient 10% de l'aéroport international de Pékin, il est également membre d'un consortium détenant 15% du capital de treize aéroports situés en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Ce texte s'inscrit en réalité dans la logique qui a présidé à l'élaboration des lois relatives à la régulation des activités postales, au service public de l'électricité et du gaz, à France Télécom et à Air France.

Selon le sénateur M. Legrand, ADP est un « point d'entrée naturel en Europe ». Quelle Europe ! Les établissements publics y fondent comme neige au soleil et les services d'intérêt général supplantent les services publics ! Du reste, aucune directive communautaire n'obligeait à modifier le statut juridique d'ADP.

Pour justifier l'ouverture d'ADP à des capitaux privés, M. Gonnot parle d'un recentrement des ressources de l'Etat sur les « dépenses contribuant à la préservation de la cohésion sociale et le financement des missions régaliennes, telles celles destinées à assurer la sécurité des Français. » Mais les aéroports ne jouent-ils pas un rôle majeur dans l'aménagement et la cohésion des territoires ? Les investissements en matière de sécurité, qui ont représenté plus de 10% des investissements d'ADP en 2003, ne relèvent-ils pas des missions régaliennes de l'Etat ? Quant à la redistribution sociale, le Gouvernement ne fait aujourd'hui que multiplier les cadeaux aux entreprises !

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait permis le transfert de propriété et de gestion des aérodromes civils ne présentant pas d'intérêt national ou international aux collectivités locales. Ce changement de statut est une nouvelle étape dans le désengagement de l'Etat.

Que ce soit dans le secteur de l'électricité, de la Poste ou des transports, cette politique constitue une réelle menace pour la cohésion des territoires. La décentralisation menée par la majorité équivaut à transférer les charges de l'Etat aux échelons territoriaux sans le transfert de ressources correspondant. Ce gouvernement est en train d'organiser la concurrence entre les territoires ! Il manque 80 millions d'euros au département de la Seine-Saint-Denis ! Pour boucler leur budget, les collectivités locales sont condamnées à augmenter les impôts sur les ménages alors que les entreprises bénéficient des largesses du Gouvernement à l'écoute du Medef ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

Dans sa logique libérale, l'Etat brade aujourd'hui ses outils de puissance publique. Simple actionnaire, il cherche à faire fructifier ses capitaux et bientôt ne possédera plus la minorité de blocage comme l'a montré l'exemple des aéroports régionaux. Pour attirer les investisseurs privés, le Gouvernement se place déjà dans une logique de rentabilité et stabilise les effectifs pour réduire les charges d'exploitation. Déjà, lors de la discussion sur Air France, j'avais souligné combien mettre de telles sociétés entre les mains d'actionnaires privés constitue un risque.

Ce projet de loi renvoie l'élaboration du cahier des charges à un décret approuvé en Conseil d'Etat, le législateur est donc dessaisi de tout pouvoir normatif. Les biens d'ADP seront entièrement transférés à la nouvelle société anonyme. Pourtant, ils ont été acquis à partir de fonds publics et de l'usage de prérogatives de puissances publiques ! Pourquoi ne pas avoir retenu l'une des solutions du Conseil économique et social, préconisées en 2002, qui consistait à créer un établissement public à vocation nationale, recevant la mission de gérer, exploiter et développer tout ou partie du patrimoine aéroportuaire de l'Etat ? En créant une société anonyme dotée d'un formidable patrimoine foncier, le Gouvernement ne retire pas à ADP son monopole. Il en fait un monopole privé, ce qui est contraire au neuvième alinéa du préambule de la Constitution qui dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » Pourquoi ce projet de loi ne concerne-t-il qu'ADP ? Parce que les investisseurs privés sont intéressés, non par le développement aérien, mais par le patrimoine foncier. La volonté de faire d'ADP « une véritable entreprise de services », pour reprendre l'expression de M. Graff, suggère que bientôt les missions aéroportuaires seront des missions annexes.

Dans ce projet de loi, le seul rôle reconnu aux collectivités territoriales est celui de suppléer financièrement l'Etat. Faute de décret d'application, les communautés aéroportuaires, associant collectivités locales et entreprises, n'ont pas vu le jour. Elles auraient pu assurer une véritable gouvernance de ces infrastructures stratégiques.

Il est à craindre que les préoccupations environnementales ne passent au second plan malgré la modulation des redevances prévue par ce texte. Au demeurant, la modification récente de l'article 1609 quater du code général des impôts tend à dédouaner ADP de ces préoccupations environnementales puisque les collectivités locales ont désormais la possibilité d'emprunter pour réaliser les travaux d'insonorisation des logements, qui seront ensuite financés par la taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires. Si cette mesure tient compte de l'insuffisance de cette taxe pour insonoriser les logements, elle réalise aussi un transfert de charges d'ADP vers les communes, sans parler de l'inégalité ainsi créée entre les communes capables d'emprunter et les autres.

Parce que les services publics doivent être au service de tous et que la République doit assurer la cohésion de ses territoires, nous nous prononcerons contre le projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Serge Poignant - Ce texte, première réforme législative d'ampleur des aéroports nationaux depuis plus d'un demi-siècle, aborde le statut juridique d'ADP, celui des grands aéroports régionaux, et la réforme des redevances aéroportuaires.

Le transport aérien est essentiel au développement de l'économie et à l'aménagement du territoire, mais sa croissance doit s'inscrire dans le cadre d'un développement durable. Le statut d'ADP, qui date de 1945, n'est plus adapté. Le principe actuel de spécialité limite ses possibilités de développement. Sixième exploitant d'aéroports au monde, ADP doit prochainement réaliser des investissements importants - travaux de sûreté, réfection des pistes en vue d'accueillir l'A380 - qui ne pourront plus être couverts par le seul recours à l'emprunt, ADP étant déjà très endetté.

L'ouverture partielle du capital paraît alors indispensable, tout comme la transformation de l'établissement en société anonyme. Ce changement de statut est d'autant mieux accepté que des garanties ont été apportées, qu'il s'agisse du maintien du domaine public aéroportuaire, du contrôle des terrains nécessaires à l'exécution des missions de service public, de la détention majoritaire du capital d'ADP par l'Etat...

M. Jean-Pierre Blazy - Quel naïf !

M. Serge Poignant - ...ou de la prise en compte des personnels en place.

M. Jean-Pierre Blazy - Et Air France ?

M. Serge Poignant - Depuis plus de cinquante ans, l'exploitation des grands aéroports régionaux est confiée aux chambres de commerce et d'industrie, qui ont su les transformer en de véritables entreprises, avec des investissements annuels importants. Malheureusement, l'absence de textes législatifs sur la gestion des aéroports en France fragilise aujourd'hui la situation des opérateurs aéroportuaires face à leurs homologues européens. Leur statut de concessionnaire limite en effet leur réactivité dans un processus en constante évolution. Je me félicite à cet égard que le Gouvernement se soit inspiré des propositions des CCI pour instaurer un nouveau mode de gouvernance, via la création de sociétés de droit privé dont les chambres seront les actionnaires. Je salue également le travail du rapporteur François-Michel Gonnot qui a accepté en commission certains amendements, dont l'un tend à réserver aux CCI titulaires d'une concession aéroportuaire l'initiative du transfert de concession, un autre précise que le capital initial des sociétés aéroportuaires nouvellement créées est entièrement détenu par des personnes publiques, et un troisième apporte des garanties quant au statut des personnels transférés et à la mise en place d'une convention collective. Je suis persuadé, Monsieur le ministre, que vous saurez les accepter.

Sur d'autres amendements, l'UMP vous écoutera attentivement, qu'il s'agisse des « amortissements de caducité », du niveau de participation des CCI au capital des sociétés nouvelles, ou de la période transitoire. Mais j'ai d'ores et déjà bien noté votre proposition d'un pacte d'actionnaires et votre engagement sur une concertation au cas par cas.

Quant au régime des redevances, il est réformé dans un souci de transparence, pour tenir compte de la réalité.

L'UMP soutiendra ce texte qui dote notre pays d'outils modernes, propres à assurer l'avenir de nos grands aéroports. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Odile Saugues - Ce projet de loi est la première réforme d'ampleur, depuis plus de cinquante ans, du secteur aéroportuaire, encore soumis à une loi de 1933, année de création d'Air France, et d'une ordonnance de 1945, créant ADP.

De nombreux changements sont intervenus depuis le début de la législature. La loi du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien, et notamment à Air France, a d'abord réduit à 44,1% la participation de l'Etat, pour arriver aujourd'hui à une participation de 18,7%, et partant, à une privatisation qui n'a pas osé dire son nom, mais dont les conséquences sont bien réelles - je ne prendrai pour exemple que le hub de Clermont-Ferrand, aujourd'hui délaissé.

La loi du 26 juillet 2004 a pris en compte les accords conclus entre Air France et KLM pour faire de ce groupe le premier au niveau européen. Celle du 23 février 2004, portant création de communautés aéroportuaires, et examinée dans le branle-bas de combat des régionales, fut une occasion manquée de coordonner tous les acteurs du transport aérien et de l'environnement aux abords des aéroports, votre but essentiel ayant été d'apaiser les riverains des aéroports parisiens, particulièrement mécontents de l'abandon du projet du troisième aéroport. Je rappelle que le décret d'application sur la composition des communautés aéroportuaires n'a pas encore été publié, et qu'aucun président de conseil régional n'a manifesté l'intention d'en constituer une.

Enfin, la loi libertés et responsabilités locales du 13 août 2004, passée en force en juillet dernier, transfère aux collectivités locales, au 1er janvier 2006, sur la base de leur volontariat, la propriété, l'entretien et l'exploitation des aéroports régionaux. Dans le cas où, au 1er janvier 2007, un aéroport n'aurait pas trouvé preneur, il reviendrait au préfet d'en désigner le bénéficiaire.

Dans cet enchevêtrement de textes législatifs, nous étudions aujourd'hui ce projet qui marque la poursuite du désengagement de l'Etat d'une véritable politique aéroportuaire. Une fois de plus, il se décharge sur les collectivités locales de compétences dont personne n'est sûr qu'elles aient les moyens de les assumer.

Vous prétendez, pour justifier votre projet, que les aéroports auraient vieilli, qu'ils ne seraient plus adaptés à la concurrence, et que leur statut actuel limiterait leurs perspectives de développement. Il n'en est rien, et vous auriez pu vous contenter d'une modification des statuts. Pourquoi ouvrir le capital dans un contexte rendu si difficile par la catastrophe du terminal 2E ? Et je ne parle pas de l'extension de la partie commerciale d'ADP, qui témoigne de votre engagement libéral, déjà attesté par les propos de M. Mariton, favorable à une quasi privatisation des gares SNCF.

Pis, ce projet aborde la question du déclassement du domaine public, exception faite des biens nécessaires à l'exercice par l'Etat de ses missions de service public, et dont M. Gonnot dresse la liste dans son rapport. Pourriez-vous confirmer ces exceptions, Monsieur le ministre, et vous expliquer sur vos propos tenus au Sénat, selon lesquels la domanialité publique aurait posé des problèmes de mise en œuvre ? Votre projet va à contre-courant de ce qui se pratique à l'échelle mondiale - je pense aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, à l'Autriche, à l'Italie qui ont su évaluer les risques de ce déclassement, et concéder l'exploitation des terrains aéroportuaires, sans en céder la propriété.

Je tiens par ailleurs à vous faire part de l'inquiétude des personnels et des organisations syndicales d'ADP quant au devenir de leur statut.

Enfin, je m'interroge sur la place exorbitante que vous laissez au pouvoir règlementaire, qui fixera notamment le cahier des charges définissant les conditions dans lesquelles ADP assurera les missions de service public. Cette démarche est un véritable déni du travail parlementaire.

Le second volet du texte, relatif aux grands aéroports régionaux, est une coquille vide. Il ignore les problèmes sociaux des personnels des CCI, et laisse planer l'incertitude sur la définition de la politique de ces aéroports. On observe en Europe trois grandes politiques de gestion aéroportuaire. Le choix britannique est celui de la privatisation totale. L'Allemagne a opté pour des sociétés privées partiellement financées par des capitaux publics. Enfin le système français repose sur des concessions aux chambres de commerce et d'industrie, permettant à l'Etat de garder la maîtrise des aéroports et du maillage aéroportuaire. Ainsi, bien que 55% du trafic domestique soient concentrés sur la région parisienne, l'aéroport de Nice accueille plus de 9 millions de passagers et se développe à l'international ; Toulouse et Marseille frôlent les 6 millions de passagers et Nantes en accueille près de 2 millions. Le régime concessif actuel, bien que datant de 1933, a fait ses preuves et les CCI, que nous avons auditionnées, y sont très attachées. La signature de contrats d'objectifs entre l'Etat et, à ce jour, les aéroports de Toulouse et Lyon, en vue d'augmenter leur capacité grâce à des emprunts garantis par l'Etat, nous semble être une voie à explorer, plutôt que le choix fait par votre gouvernement.

Pourtant, bien que les chiffres parlent d'eux-mêmes, le Gouvernement persiste. Le statut de nos aéroports, dites-vous, doit être « modernisé », et c'est encore dans un abandon au jeu du marché, par la dérégulation et l'ouverture au privé du capital des aéroports, qu'il croit trouver la solution. Nous nous étonnons du choix retenu pour la constitution des sociétés gestionnaires. Pourquoi ne pas envisager des sociétés d'économie mixte ou des EPIC ? Cela correspondrait mieux à notre idée du service public.

M. Jean-Pierre Blazy - Très bien.

Mme Odile Saugues - Autre question importante : celle de la conformité à la loi Sapin de 1993 concernant le renouvellement de la concession des CCI.

Le scénario que vous envisagez nous laisse craindre qu'un seul groupe, éventuellement étranger, prenne la majorité du capital et devienne l'unique maître à bord, déterminant ainsi notre politique aéroportuaire. Or, nous savons que de grands groupes, comme Vinci et Kéolis, dirigent déjà les aéroports de Grenoble et Chambéry, et que les lignes jugées déficitaires, notamment Chambéry-Paris et Grenoble-Paris, ont été récemment supprimées. Quand on sait ce qui est en jeu en termes de croissance, d'emploi et d'aménagement du territoire, on ne peut qu'être inquiet de la voie dans laquelle ce projet nous engage. A moins que le Gouvernement accepte l'amendement voté en commission et revoie sa copie sur la répartition du capital initial des nouvelles sociétés ; ce qui ne nous rassurerait d'ailleurs pas complètement.

Ce texte, en l'état, est une aubaine pour les grands groupes et pour les compagnies à bas coûts. Or, on connaît les pratiques de prédateurs de certaines d'entre elles. On en a vu, à Clermont-Ferrand, faire payer les redevances aux collectivités territoriales et partir ensuite sur la pointe des pieds. Ce n'est pas ainsi que l'on peut déterminer une politique cohérente d'aménagement du territoire, assurer un véritable service public et fonder une politique d'investissement. Nous avons eu deux exemples récents d'incidents avec des compagnies peu fiables, Air Excel et AéroCondor. Elles avaient répondu à des appels d'offres concernant les liaisons soumises aux obligations de service public, mais se sont montrées incapables de les assurer, soit pour des raisons de solidité financière, soit pour des raisons techniques graves, ce qui m'oblige à dire mes inquiétudes pour la sécurité aérienne.

Un problème a soulevé beaucoup d'inquiétudes chez les personnels des CCI qui seront mis à disposition de la nouvelle société concessionnaire pour dix ans. Le projet n'évoque que les agents publics des CCI. Cela inquiète les salariés, qui se sentent discriminés par rapport aux personnels d'ADP. Nous avons déposé un amendement visant à ce qu'une convention collective, applicable au plus tard un an après l'ouverture du capital de ces grands aéroports, soit mise en place pour homogénéiser les statuts de tous les salariés au niveau national, conjurant ainsi un risque avéré de tension sociale.

Enfin, la suppression du principe de caisse unique, aujourd'hui respecté par la plupart des grands aéroports internationaux, notamment les aéroports londoniens, et préconisé par l'Organisation de l'aviation civile internationale, est un élément inquiétant de ce texte. Dans ce système, les activités commerciales étant générées par le trafic aérien, il paraît équitable qu'elles contribuent à réduire les redevances payées par les compagnies aériennes. Rompre cet équilibre, c'est donner toute la place aux activités qui se développent sur les aéroports sans permettre au transport aérien d'en bénéficier.

A cette inquiétude s'ajoute la possibilité, introduite par le Sénat, de moduler les redevances aéroportuaires. Cette modulation, dont tout porte à craindre qu'elle se fasse vers le bas, ne répond pas à des exigences d'aménagement du territoire.

Pour conclure, Monsieur le ministre, poursuivant la réflexion que j'avais menée avec la mission d'information sur la sécurité du transport aérien de voyageurs...

M. Jean-Pierre Blazy - M. le ministre n'en a rien retenu. Nous avons travaillé pour rien !

Mme Odile Saugues - ...je voulais exprimer mes craintes quant aux conséquences de ce texte sur la sécurité aérienne. L'approche entrepreneuriale, conduite avec des objectifs de rentabilité maximum, que pratiquent tous nos groupes et tous les gestionnaires privés, laisse présager des choix financiers qui risquent de ne pas avoir pour objectif principal un service public irréprochable et une gestion des personnels socialement satisfaisante. Ce texte ouvre la voie à ce que j'appellerai la « classe affaire » dans l'aérien français. Nous ne sommes pas prêts à tenter avec vous cette aventure libérale de la politique aéroportuaire française : le groupe socialiste s'opposera à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Rudy Salles - Nos aéroports jouent un rôle indispensable pour le développement économique. Je n'évoquerai pas la première partie du projet qui concerne ADP, me contentant de faire miens les arguments du rapporteur pour avis Charles de Courson. En revanche, je m'attacherai à la situation des aéroports régionaux.

Participant à la mise en valeur de nos territoires, ils contribuent à l'emploi direct de plus de 115 000 personnes. Forts d'une croissance annuelle trois fois plus rapide que la moyenne nationale, ce secteur a prouvé ses capacités d'adaptation. Après quatre ans de crise, les aéroports français ont retrouvé des niveaux de trafics équivalents à ceux connus avant le 11 septembre 2001. Pour conforter cette réussite, ils doivent conjuguer trois exigences incompatibles avec le maintien de leur régime de gestion actuel. Comment mobiliser des investissements croissants sur des plateformes de plus en plus sophistiquées, intégrer les nouvelles stratégies et les nouveaux acteurs nés de la décentralisation, tout en continuant à assurer la sécurité et les besoins des populations concernées, avec un cadre juridique datant des années 50 ? En 2000, les concessions des grands aéroports régionaux qui arrivaient à échéance ont été reconduites pour de très courtes durées. Elles arrivent maintenant à terme. Pour illustrer mon propos, je citerai l'aéroport de Nice. Il transporte chaque année plus de 9 millions de voyageurs, soit près du quart du trafic des aéroports régionaux, crée directement 7 500 emplois et contribue au rayonnement économique et touristique de la cinquième ville de France. Cet aéroport possède un « cahier des charges type » de 1955, avec une concession qui arrive à terme le 31 décembre 2006. Cette incertitude place nos aéroports en position de faiblesse face à leurs concurrents européens. Le système actuel ne permet plus d'assurer des politiques d'investissements stables, pourtant si nécessaires.

Le projet tend à moderniser notre droit aéroportuaire : cela ne pouvait plus attendre, et il faut s'en féliciter. Il concilie deux impératifs : la souplesse et une relative continuité. Une société aéroportuaire pourra gérer une concession cédée à l'initiative d'une chambre de commerce et d'industrie pour une durée maximale de quarante ans, avec un cahier des charges similaire à celui d'Aéroports de Paris. Dans le cas d'un refus de cession ou d'autorisation, le contrat ira jusqu'à échéance et la loi Sapin s'appliquera à son renouvellement.

Cette organisation assure une certaine souplesse et permet de s'adapter à la diversité des situations : les politiques de valorisation engagées par les CCI ne sont pas les mêmes partout, et les durées restant à couvrir pour les concessions demeurent très variables. De plus, elle permet d'accueillir de nouveaux acteurs. Les collectivités territoriales, grâce à un régime dérogatoire, pourront si elles le souhaitent participer à ces sociétés aéroportuaires. Et des investisseurs privés pourront soutenir ces efforts de compétitivité.

Nous souhaitons, et vous partagez ce souhait, Monsieur le ministre, préserver les intérêts des CCI, qui ont été les opérateurs historiques du développement aéroportuaire, tout en associant désormais véritablement les collectivités territoriales. Une transition sereine entre les deux régimes doit donc être définie. Pour cela, certaines précisions étaient nécessaires. La commission a adopté trois amendements, que j'avais déposés avec mon collègue François Sauvadet, dont deux tendent à clarifier la situation. Initialement le texte prévoyait implicitement de donner le pouvoir de transfert de la concession aux CCI et de sécuriser la période de transition par un capital majoritairement public. Ces deux points méritent des précisions : la loi doit garantir de façon explicite le pouvoir d'initiative de transfert et reconnaître que le capital initial sera entièrement public. Il faut en effet éviter une rupture dans la gestion des aéroports, qui leur serait dommageable, et s'appuyer sur les équipes expérimentées déjà en place.

Toutefois, nous devons nous donner les garanties nécessaires pour que ces deux objectifs soient atteints. Les chambres de commerce et d'industrie souhaitaient conserver, avec les collectivités locales le cas échéant, une minorité de blocage de 35 à 40% dans le capital des nouvelles sociétés aéroportuaires et ménager une période transitoire de dix ans durant laquelle le capital serait majoritairement détenu par des personnes publiques. Ces propositions, Monsieur le ministre, vous ont été transmises avec insistance, tant par les CCI que par le groupe UDF. Je souhaite qu'à l'issue de ce débat nous puissions nous orienter vers des solutions satisfaisantes. Il s'agit de garantir une continuité stratégique dans la gestion des grands aéroports régionaux et dans la poursuite des missions d'aménagement du territoire.

Les chambres de commerce et d'industrie jouent un rôle fondamental dans le développement de l'activité économique locale. C'est pourquoi nous tenons à ce que des assurances nous soient données sur ces différents points.

Il y a cinquante ans, les aéroports régionaux ont été créés à partir de rien : ils sont aujourd'hui des éléments moteurs du développement de nos provinces, mais aussi du pays tout entier. Ceci a été permis par la bonne gestion assurée par les CCI et par leur partenariat avec les collectivités locales, dans un but d'aménagement du territoire et d'intérêt général. Je serai très attentif au sort qui sera réservé à l'esprit de ces amendements et aux réponses que vous nous apporterez sur ces points.

Au-delà de ces interrogations, normales dans un débat de cette nature, je me plais à souligner les qualités de ce texte ambitieux, qui répond aux nécessités du service aéroportuaire. C'est une loi attendue depuis longtemps et élaborée dans la concertation. Vous avez été très attentif à nos observations, Monsieur le ministre, et nous vous en remercions. Le groupe UDF votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Christian Estrosi - A l'heure où les compagnies aériennes doivent affronter une concurrence sans cesse accrue, la qualité de nos services aéroportuaires joue un rôle de plus en plus crucial. Ce projet, outre la transformation de l'établissement public Aéroports de Paris en société anonyme au capital majoritairement détenu par l'Etat et la modernisation des redevances aéroportuaires, organise la mise en place de sociétés de droit privé gestionnaires des grands aéroports régionaux. Elles auront vocation à se substituer aux chambres de commerce et d'industrie, qui resteront étroitement liées à la gestion en tant qu'actionnaires de ces nouvelles sociétés.

L'article 7 du projet précise les conditions d'une concession aéroportuaire relative à un grand aéroport régional ou ultramarin. Son objectif est de moderniser l'exploitation de ces grands aéroports d'intérêt national ou international. Aujourd'hui, les aéroports qui appartiennent à l'Etat sont en effet exploités dans le cadre de contrats de concessions par les chambres de commerce territorialement compétentes. Ce système, peu incitatif pour les gestionnaires, interdirait de facto toute implication des acteurs privés, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays européens. Vous souhaitez donc, Monsieur le ministre, moderniser le mode de gestion de ces grands aéroports régionaux, et je vous rejoins sur ce point. Pour autant, les inquiétudes exprimées par les chambres de commerce et d'industrie sur ce projet de loi, en particulier son article 7, me paraissent légitimes. J'ai pu constater la pertinence de leurs préoccupations dans mon département, où la chambre de commerce et d'industrie Nice-Côte d'Azur gère la deuxième plateforme aéroportuaire de France après Paris.

Les chambres consulaires gèrent les grands aéroports régionaux depuis plus de cinquante ans, dans un souci de saine gestion bien sûr, mais aussi en veillant à en faire des outils structurants d'aménagement du territoire. Elles ont ainsi, ces vingt dernières années, financé plus de 75% de leurs investissements, grâce à leurs capacités d'autofinancement et à la rigueur de leur gestion. Afin de garantir que les aéroports continueront d'être gérés dans le souci de l'intérêt général, j'ai déposé un amendement instituant une minorité de blocage à leur profit dans le capital des futures sociétés aéroportuaires, l'objectif étant de leur réserver au moins 34% de ce capital, après la prolongation de la concession, en contrepartie de leur apport. Je ne défends pas à tout prix les chambres de commerce, avec lesquelles nous avons parfois des relations difficiles sur le plan local...

M. Jérôme Rivière - C'est vrai.

M. Christian Estrosi - Ainsi ne suis-je pas toujours d'accord sur la manière dont la chambre de commerce gère le port de pêche de Nice ou celle dont elle envisage l'avenir de l'aéroport, dont elle voudrait porter le trafic de dix à quinze millions de passagers à l'horizon d'une dizaine d'années, au mépris sans doute du respect de l'environnement et de l'équilibre des activités sur l'ensemble du territoire national.

Mais leur donner une minorité de blocage, c'est garantir qu'elles resteront un interlocuteur privilégié pour les collectivités, et qu'il sera possible de rechercher, ensemble, un terrain d'entente. Je ne voudrais surtout pas que nos territoires se trouvent pris demain en otage par telle ou telle société aéroportuaire privée. Plusieurs de ces sociétés ont d'ores et déjà fait savoir qu'elles étaient prêtes à se désengager d'aéroports américains au profit de nos grandes plateformes aéroportuaires régionales.

Seule l'institution d'une telle minorité de blocage garantira une continuité suffisante dans les choix stratégiques et la gestion des grands aéroports régionaux. C'est aussi le seul moyen d'obtenir une garantie sur les modalités de cession par l'Etat de la majorité des actions des futures sociétés aéroportuaires.

Je défendrai un autre amendement visant à préserver une certaine continuité sociale pour les personnels de ces sociétés...

Mme la Présidente - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Christian Estrosi - Ce point devrait vous intéresser, Madame la présidente. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

La réussite de la réforme passe par l'implication des personnels. Garantissons-leur que le capital des futures sociétés restera majoritairement public pendant dix ans. Pourquoi vouloir accélérer à tout prix la privatisation de nos grands aéroports régionaux ?

Mme la Présidente - Vous abusez de ma patience.

M. Christian Estrosi - Les capitaux de 85% à 90% des grands aéroports régionaux américains, canadiens ou même européens, sont majoritairement publics, même s'il est vrai que ces capitaux ne leur ont pas été apportés par l'Etat central, mais par des entités publiques décentralisées. C'est la preuve que d'autres solutions existent.

Mme la Présidente - Monsieur Estrosi, vous avez quasiment doublé votre temps de parole.

M. Jérôme Rivière - Ce projet de loi propose d'une part une transformation ambitieuse du statut d'ADP, qui lui permettra de se développer dans un contexte de rude compétition. La dette de l'établissement s'élève à plus de deux milliards d'euros pour moins d'un milliard et demi de fonds propres, mais il peut réaliser d'importants gains de productivité puisque, par passager transporté, il emploie deux fois plus de salariés que les autres grands aéroports français. Sa transformation en société anonyme est bienvenue, d'autant que le caractère public de cette société est garanti, ses missions de service public et le statut actuel de ses personnels préservés. Le texte propose d'autre part de modifier la nature des opérateurs des grands aéroports régionaux en créant des sociétés aéroportuaires. C'est sur ce dernier point, qui soulève certaines inquiétudes, que je m'attarderai.

Vous le savez, je suis un libéral, mais soucieux, comme chacun d'entre nous sur ces bancs, de l'avenir de nos territoires et convaincu de l'importance d'un véritable service public.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est incompatible.

M. Jérôme Rivière - Pas du tout.

Pourquoi, alors que nous modifions en profondeur les statuts d'ADP et des aéroports régionaux, laisser persister une différence de fond dans la nature de leurs liens avec l'Etat ? En effet, ADP bénéficiera d'un droit exclusif, c'est-à-dire d'un régime de licences, alors que les autres resteront soumis au régime de la concession. Je regrette que n'ait pas été étudiée une nouvelle organisation du régime des licences qui aurait conservé à l'Etat son rôle de régulateur et aurait permis à nos aéroports régionaux de fonctionner comme la majorité des aéroports en Europe ou aux Etats-Unis, avec des sociétés à capitaux publics. Cela étant, j'ai dû admettre que tenter de mettre en place à travers ce texte un système de droit exclusif en aurait brisé l'équilibre et exposait au risque de ne rien faire. J'ai compris finalement le choix du système de la concession. Cela suscite néanmoins chez moi quelques inquiétudes que vous devriez pouvoir dissiper, Monsieur le ministre.

Quelles que soient nos relations avec les chambres de commerce et d'industrie sur le plan local, force est de constater qu'elles ont, d'une manière générale, agi très utilement pour nos aéroports. La plupart des contrats de concession qui les liaient ou les lient encore à l'Etat ne comportaient absolument pas d'investissements à la hauteur de ceux qui ont été réalisés. Qu'elles soient exonérées d'impôt sur les bénéfices n'y est certes pas étranger. Il n'en reste pas moins que ces efforts ne doivent pas être oubliés au moment de constituer les nouvelles sociétés aéroportuaires. Nous avons fait des propositions sur ce point et attendons les vôtres, Monsieur le ministre, concernant la part de capital qui leur sera réservée.

Le marché en cause n'est pas un marché traditionnel, puisqu'un très grand nombre d'opérateurs y ont leurs capitaux à majorité publics. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) C'est le cas en Italie, en Espagne, en Allemagne, dans de très nombreux aéroports britanniques et même aux Etats-Unis où les grands aéroports sont gérés par des opérateurs publics, même si le Congrès vient d'encourager l'entrée de capitaux privés.

Si je suis un libéral sur le plan économique, je ne suis pas pour autant, et pas davantage que vous, Monsieur le ministre, un aventurier. C'est pourquoi je défendrai, avec de nombreux collègues, un amendement tendant à exiger que le capital des futures sociétés demeure pendant dix ans à majorité publique. C'est d'ailleurs la recommandation que vous avait faite le Conseil d'Etat, saisi de ce texte. Ce délai de dix ans permettrait aux collectivités de mieux évaluer leurs possibilités dans le cadre de la décentralisation et de prendre, le cas échéant, toute leur place dans ces sociétés aéroportuaires. Il serait vraiment dommage que la part de l'Etat soit, en raison d'une certaine précipitation à dégager des crédits, vendue, non à des opérateurs privés, mais par exemple à la DGAC espagnole ou à des sociétés aéroportuaires italiennes, au motif que le principe de la concession protège les missions de service public. Cela marquerait un retour sur les lois de décentralisation. Je sais que vous ne le souhaitez pas. Nous vous écouterons avec la plus grande attention sur ce point.

Mme la Présidente - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Jérôme Rivière - Un mot encore des dispositions fiscales du texte. Si la neutralité fiscale n'est pas possible pour la création des société aéroportuaires, en raison du principe républicain d'égalité devant l'impôt, celles-ci devront s'acquitter d'un impôt sur profits exceptionnels à hauteur de 35% environ de leurs fonds propres. Un exemple permet de mieux comprendre ce problème complexe. Alors que le ratio dettes/fonds propres d'une CCI bien gérée est environ de 0,8 avant inscription de la dette fiscale, il double après inscription, passant à 1,6. ADP, qui a un ratio de 1,33, sait ce que cela signifie comme difficultés pour négocier des emprunts ! L'étalement sur trois à cinq ans de cette dette fiscale n'est pas suffisant. Je déposerai un amendement visant, dans le respect du droit, à allonger cette durée et la mettre en cohérence avec celle au bout de laquelle les immobilisations de la concession sont amorties.

Heureux du débat qui va s'ouvrir, je suis certain, Monsieur le ministre, que vous trouverez, grâce notamment aux propositions constructives du rapporteur, les voies d'un texte efficace et équilibré. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Vous avez doublé votre temps de parole. Cela est incorrect vis-à-vis de vos collègues qui se sont efforcés de respecter le leur. Vous avez tous exprimé le souhait de terminer l'examen de ce texte ce soir. A continuer ainsi, ce ne sera pas possible.

M. Michel Hunault - L'examen de ce texte prend place dans un contexte de profonde restructuration du secteur aérien, qui se caractérise par une concentration des principales compagnies mondiales et le développement des compagnies à bas coût, alors que dans le même temps, le statut juridique d'ADP et des aéroports régionaux n'a pas évolué. Il faut le voter, car les besoins d'investissements de nos aéroports sont considérables. Leur endettement est préoccupant et nombre de concessions d'exploitation arrivent prochainement à échéance.

Je salue aussi la méthode ; ce projet reprend en effet les grandes lignes des travaux entrepris avec l'ensemble des acteurs du transport aérien, qui ont fait l'objet d'un « livre blanc ».

Je limiterai mon propos aux aéroports régionaux. Il en existe une douzaine, qui génèrent un chiffre d'affaires de 500 millions et accueillent 400 millions de passagers. Ils sont exploités par les CCI, dans le cadre de concessions. Compte tenu des défis à relever, notamment pour le financement des investissements, nous approuvons votre choix de transférer leur gestion à des sociétés dont le capital sera dans un premier temps détenu par l'Etat, les CCI et les collectivités territoriales. Je partage votre volonté de permettre une participation progressive de l'initiative privée, mais je souligne la nécessité pour l'Etat de conserver la maîtrise de la sécurité aérienne et du développement des aéroports, et d'assurer la préservation des normes environnementales, notamment en matière de nuisances sonores.

Le projet de création de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique, vous offre l'occasion, Monsieur le ministre, de concrétiser le nouveau cadre juridique que vous voulez instituer. Déjà, un syndicat mixte regroupant l'ensemble des collectivités territoriales de l'Ouest s'est constitué, en relation avec les services de l'Etat. Un comité de pilotage s'est tenu lundi à Nantes. Il nous faut créer un outil regroupant l'Etat, la CCI et les collectivités territoriales, donner aux entreprises privées la possibilité de s'insérer dans le projet et orienter vers lui l'épargne régionale. Au-delà du financement des pistes et de la zone aéroportuaire, il nous faut trouver des ressources pour réaliser les accès par route et par rail, créer des zones économiques susceptibles d'accueillir des entreprises tournées vers l'exportation et fabriquant du matériel aéronautique.

Depuis votre arrivée à ce ministère, Monsieur le ministre, vous n'avez pas cessé d'œuvrer pour adapter nos outils juridiques et financiers à nos besoins. Après la création de l'Agence de financement des infrastructures, ce projet est une nouvelle étape que nous approuvons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Alfred Marie-Jeanne - Ce projet me laisse pantois. Il écarte en effet le transfert de l'aéroport de Martinique à la collectivité régionale, qui l'avait pourtant demandé par deux fois à l'unanimité. Cette fin de non-recevoir sans justification sérieuse est le dénouement malheureux d'un feuilleton en plusieurs épisodes.

La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité prévoyait en son article 105 l'expérimentation. Saisissant cette opportunité, le conseil régional a formulé sa première demande de transfert. Elle est restée sans réponse. La loi du 13 août 2004 sur les libertés et les responsabilités locales prévoyant à nouveau en son article 28 le transfert des aérodromes civils de l'Etat vers les collectivités territoriales, le conseil régional a réitéré sa demande dès septembre 2004 dans le cadre du nouveau dispositif. Le 11 janvier 2005, le couperet tombe : les services de la préfecture signalent au président du conseil régional que « le projet de décret préparé par le ministère des transports a prévu d'exclure l'aéroport de Fort-de-France ».

Alors que la demande de transfert avait été formulée sous l'ancien régime juridique, la réponse n'est intervenue que dans le cadre du nouveau régime. N'a-t-on pas fait exprès ? L'expérimentation n'a pu être réalisée du fait de l'abrogation par le législateur de l'article 105 de la loi relative à la démocratie de proximité. Ne l'a-t-on pas abrogé pour nous exclure du champ des transferts ?

L'Etat sélectionne les aéroports susceptibles d'être concernés par la décentralisation : c'est lui qui décide qui a le droit de faire une demande et qui ne l'a pas. C'est ainsi qu'il n'a pas jugé opportun de consulter la collectivité régionale de Martinique. « Ce décret ne comporte pas de mesures d'adaptation à l'outre-mer et ne fera donc pas l'objet d'une consultation formelle des collectivités ultramarines », dit explicitement le courrier du 11 janvier 2005. Aux non-réponses s'ajoutent donc la non-concertation et le mépris ! La décentralisation souhaitée est dénaturée, on donne l'illusion d'un changement qui ne s'opère pas.

Avec ce projet, on foule aux pieds les engagements écrits, on s'incline devant les lobbies, on humilie les élus martiniquais, on continue à faire de la Martinique une terre d'exception, on casse une dynamique, on brise l'espoir. Comment comprendre que le conseil régional, qui a théoriquement en charge le développement économique, soit privé des poumons que sont le port et l'aéroport ?

« La liberté doit pouvoir être donnée dans l'expérience », a dit quelqu'un. Cette expérience, vous nous la refusez. « La liberté est liée à une dynamique d'un agir rebelle à toute immobilité », ajoutait-il. Cette dynamique nouvelle, vous nous l'ôtez. « La liberté sans efficience n'est pas une liberté effective », concluait-il. Monsieur le ministre, je formule donc pour la troisième fois une demande de transfert ; en cas de refus, je vous laisse deviner le sens de mon vote.

Mme Geneviève Colot - Je tiens à remercier notre rapporteur M. Gonnot, de tout ce qu'il fait pour promouvoir le transport aérien et garantir son avenir.

Depuis votre nomination, Monsieur le ministre, vous vous êtes montré particulièrement sensible aux nuisances subies par les riverains. Je me réjouis à ce sujet que la commission ait été favorable à l'amendement du président Ollier : pour que les règles soient respectées, il faut que les sanctions soient dissuasives ; si cet amendement est adopté, nos engagements sur la défense des riverains seront tenus.

Je limiterai mon propos aux articles concernant ADP, dont les règles de fonctionnement n'avaient pas changé pendant plus d'un demi-siècle. Ce projet lui donne les moyens de son avenir. L'entreprise conserve la maîtrise de son développement, et l'Etat le contrôle des missions de service public comme le contrôle aérien. ADP pourra faire appel aux investissements privés. Restant majoritaire dans le capital, l'Etat pourra veiller au maintien de la qualité du service et à la sécurité des usagers et des populations riveraines. Nous sommes particulièrement vigilants sur la lutte contre les nuisances et l'inscription de l'essor économique d'ADP dans une perspective de développement durable, dans la logique de la Charte de l'environnement.

ADP peut également intervenir sur le réseau de communications au sol. Les connexions Orly-Paris, le rattachement d'Orly au réseau TGV, la liaison Orly-Roissy doivent se faire en concertation avec les élus.

Enfin, ADP devra assurer une juste diversité des destinations : le sud du bassin parisien est lésé par la spécialisation d'Orly, qui limite considérablement les retombées économiques. Le rôle d'ADP est essentiel dans l'équilibre de la région parisienne, mais aussi national et européen. Cette loi n'est donc pas seulement une modification de statut : c'est un acte de confiance. Nous donnons à ADP les moyens de se développer, mais aussi la responsabilité de dessiner son avenir. C'est un bon texte, et je le soutiens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Gabrielle Louis-Carabin - Le désenclavement d'une région, l'aménagement de son territoire pour y attirer des activités font partie des missions d'un aéroport, et spécialement de l'aéroport de Guadeloupe « Pôle Caraïbes ». Avec une capacité de traitement de 4 millions de passagers par an, c'est le premier aéroport des départements d'outre-mer et le neuvième français - second et huitième pour ce qui concerne le fret. Etant, avec le port, l'unique point d'entrée des personnes et des marchandises, c'est bien entendu un équipement stratégique pour l'archipel. Plateforme d'échange avec la France et la Caraïbe, l'aéroport fait de notre région un poste avancé de la République dans la zone Caraïbes-Amérique. Sa position en fera à terme un hub d'importance, et cette dimension internationale doit plus que jamais être encouragée.

Depuis 1966, l'entretien et la gestion de la plateforme sont assurés en concession par la chambre de commerce et d'industrie, dont l'ambition en matière de développement économique a fait un acteur essentiel au service de l'intérêt général. Il faut souligner sa capacité d'autofinancement : entre 1993 et 1996, la CCI a participé à hauteur de 4% aux investissements de modernisation, avec une forte mobilisation des fonds structurels. La décentralisation a pris aussi toute sa dimension, par un partenariat renforcé avec les collectivités locales : conseil régional et conseil général ont apporté 17% du coût total de l'opération, contre 6% seulement pour l'Etat.

La création de sociétés privées ne peut aller à contre-courant de cette décentralisation, aujourd'hui renforcée. La CCI de la Guadeloupe, qui a toujours assumé ses responsabilités, doit donc être au cœur de la nouvelle politique aéroportuaire. Sa position stratégique de structure de proximité, au plus près de la réalité économique, lui a permis de mener à bien des projets de développement dont on peut se demander s'ils auraient été soutenus par une société privée tournée vers le profit. La modernisation ne peut donc se traduire que par un renforcement du rôle des CCI au sein de la société aéroportuaire, qui ne doit en aucun cas pouvoir porter atteinte à la desserte du territoire guadeloupéen. La recherche de la rentabilité ne peut se faire au détriment du développement durable.

Des amendements proposeront donc de donner aux CCI la possibilité de prendre l'initiative de l'apport de leur concession à la société aéroportuaire et de garantir le caractère entièrement public du capital initial des nouvelles sociétés aéroportuaires. L'attribution aux CCI, en contrepartie de leur apport, d'un minimum de 34% du capital de la nouvelle société garantirait que les grands aéroports régionaux continuent à être gérés dans le sens de l'intérêt général. Enfin, prévoir que le capital de la société soit détenu par des personnes publiques durant une période transitoire de dix ans assurerait au personnel une certaine continuité sociale. La transition se ferait ainsi en douceur. Ces propositions participent à la reconnaissance de la capacité de gestion des CCI, outils structurants majeurs de l'aménagement du territoire.

Des chambres de commerce et d'industrie plus efficaces pour des territoires plus dynamiques : tel doit être l'objectif de la modernisation des plateformes d'outre-mer. Vous avez dit, Monsieur le ministre, que les spécificités des régions d'outre-mer seraient prises en compte. Je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Joël Beaugendre - Le régime de gestion des grands aéroports régionaux est inchangé depuis 1955, alors que le secteur joue un rôle économique essentiel. Une réforme qui tienne compte de l'internationalisation de l'économie et se préoccupe du développement durable s'avère donc nécessaire. Pour autant, cette modernisation ne saurait occulter le rôle des chambres de commerce et d'industrie, notamment dans les départements d'outre-mer, qui ont assuré une gestion de qualité en dépit d'une durée de concession inférieure à celle des programmes d'investissement et d'amortissement.

La chambre de commerce et d'industrie de la Guadeloupe s'est engagée dans un processus de modernisation de cet équipement essentiel pour le développement économique de la région qu'est l'aéroport Pôle Caraïbes. Garantissant la continuité territoriale entre la France hexagonale et d'outre-mer, l'aéroport est stratégique. Sa dimension régionale, nationale, internationale et militaire en fait un poste avancé pour la République française dans la zone caraïbe. La gestion de cet aéroport, le neuvième français et le premier des départements d'outre-mer, a révélé l'importance d'un maintien du rôle central de la CCI. Les réalités locales exigent clairement un traitement différencié de l'hexagone.

La plateforme a bénéficié d'investissements importants, rendus possibles par l'apport des collectivités locales et de la CCI, dans le cadre d'un partenariat renforcé. La région et le département auront participé à hauteur de 17% aux opérations de modernisation réalisées entre 1993 et 1996, contre seulement 6% pour l'Etat. Il serait donc souhaitable que les collectivités territoriales des départements d'outre-mer prennent part au capital des futures sociétés aéroportuaires. La CCI, outre des participations directes, aura aussi mobilisé des fonds européens considérables. Cette participation communautaire restera-t-elle aussi importante si la gestion est confiée à une société majoritairement privée, qui, en rémunérant l'actionnariat, n'utiliserait pas systématiquement les bénéfices dégagés à des investissements ? La gestion des plateformes aériennes ne peut être tributaire d'investissements fluctuant au gré de capitaux privés : à terme, les conséquences s'en ressentiront sur le développement économique d'une région dont les handicaps structurels doivent être maîtrisés.

L'aéroport Pôle Caraïbes a vocation à devenir un hub. Les efforts déjà engagés pour la mise aux normes et l'accueil du nouvel Airbus A380 doivent conforter sa position d'équipement structurant. Le maintien de la CCI au cœur de sa gestion optimiserait le transfert des compétences aux collectivités locales prévu par la décentralisation. Ce maintien s'inscrirait aussi pleinement dans le cadre de la reconnaissance par la Constitution européenne des spécificités des régions ultrapériphériques. Du fait de son éloignement et de son insularité, la Guadeloupe doit bénéficier d'une prolongation de la convention de concession d'au moins vingt ans.

Le texte qui nous est proposé doit garantir le rôle d'outil majeur des CCI pour l'aménagement et le développement des départements d'outre-mer. La prolongation de la convention permettrait d'engager des programmes d'investissements d'envergure. La réforme législative ne peut revenir sur le rôle essentiel qu'a joué la CCI. Monsieur le ministre, vous avez déclaré que les spécificités des aéroports de l'outre-mer ne relèvent pas de la loi. Je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Eric Diard - Il était temps de moderniser notre droit aéroportuaire : le trafic aérien a pris une telle importance qu'il ne peut plus reposer sur des textes réglementaires datant de l'après-guerre ! L'arrivée à échéance de nombreuses concessions a été déterminante dans votre volonté de moderniser le cadre juridique des aéroports régionaux, pour améliorer l'accès des concessionnaires aux financements, en particulier pour les investissements lourds nécessaires à l'exploitation des plateformes. Le projet de loi prévoit la création de sociétés de droit privé se substituant aux CCI pour l'exploitation des plateformes. Cela ne marque en rien un désengagement de l'Etat et des CCI, puisque ces sociétés devront être majoritairement détenues par des personnes publiques.

Nul ne remet en cause l'action des CCI, qui gèrent un grand nombre d'aéroports régionaux dans le cadre de délégations de service public. Certains aéroports ont eu à supporter les contrecoups successifs du TGV, du 11 septembre et des faillites des compagnies aériennes. L'aéroport de Marseille-Provence, a connu un pic de trafic en 2000 avec 6 500 000 passagers. Depuis, le trafic régulier de passagers a largement reculé. C'est la liaison entre Marseille et Paris qui a été de loin la plus touchée, mais le trafic vers certaines des principales destinations de l'aéroport, telles que la Corse et l'Afrique du Nord, hors Algérie, a également enregistré une baisse. La diminution est moins sensible pour les autres marchés de l'aéroport, qu'il s'agisse des liaisons transversales avec la province ou des destinations européennes. La part de ces dernières dans le trafic de l'aéroport ne cesse d'ailleurs de se renforcer.

Enfin, le trafic vers l'Algérie a augmenté de 1,1% entre 2000 et 2003 grâce à la réouverture de la ligne Marseille-Alger exploitée par Air-France. L'aéroport de Marseille-Provence a par ailleurs subi les contrecoups des faillites de plusieurs compagnies aériennes : sur les dix clients les plus importants de l'aéroport en 2000, quatre d'entre eux, qui représentent plus d'un million de passagers, ont été placés en liquidation judiciaire. La compagnie Khalifa Airways qui exploitait plusieurs lignes vers l'Algérie depuis Marseille, avec environ 144 000 passagers en 2002, a également cessé ses opérations en 2003. Dans ce contexte particulièrement difficile, les services de l'aéroport Marseille-Provence ont su faire preuve de réactivité, tant dans le domaine commercial que financier.

L'inspection des finances a ainsi procédé en 2004 à une consultation sur l'intégralité des comptes, procédures et marchés de l'aéroport. Selon elle, l'aéroport a subi entre 2000 et 2003 une chute de son trafic de 16,9% en raison des difficultés propres au secteur du transport aérien et de la mise en service du TGV Méditerranée ; les responsables ont limité la progression des dépenses et reporté les investissements non prioritaires, ce qui selon moi suffit à démontrer que la CCI Marseille-Provence est prête pour la mise en place d'une société aéroportuaire, tout comme elle est disposée à développer un mode de gouvernance partagé avec les grands acteurs de l'économie régionale.

Les députés UMP seront attentifs aux précisions que le Gouvernement apportera quant à l'attribution d'un capital minimum pour les CCI et les collectivités territoriales et quant à la garantie d'un capital majoritairement public inscrit dans la durée. Nous ne pouvons d'autre part tirer un trait sur les inquiétudes du personnel : il convient de conserver une certaine continuité sociale et d'offrir des perspectives aux salariés. Il importe donc que la représentation nationale légifère afin d'assurer un cadre juridique clair contribuant pleinement à la cohésion économique et sociale et au développement équilibré des régions. Sous réserve de quelques éclaircissements, c'est donc avec plaisir que je soutiendrai ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Monsieur Asensi, l'Etat restera majoritaire dans ADP et il n'est aucunement question de privatisation. Dès la création des sociétés aéroportuaires, au moins 25% du capital seront proposés aux CCI, et 15% aux collectivités territoriales.

Comme l'a rappelé M. Poignant, ce projet présente toutes les garanties et permettra de sortir les aéroports de certaines situations précaires, grâce en particulier à la prolongation de quarante ans des concessions.

M. Salles a rappelé avec raison la qualité du travail accompli par les CCI dans la gestion des aéroports, et c'est précisément pourquoi le Gouvernement a travaillé avec elles sur la base de leur livre blanc. Depuis plusieurs semaines, MM. Estrosi, Salles, Poignant et Rivière nous ont aidés à préciser la position du Gouvernement, et je les en remercie : si notre projet est aujourd'hui mieux compris par les CCI, c'est en partie grâce à eux.

Soyez rassuré, Monsieur Rivière : nous faciliterons autant que faire se peut le paiement des impôts correspondant aux amortissements de caducité.

Madame Saugues, la loi sur les communautés aéroportuaires n'est pas une occasion manquée.

M. Jean-Pierre Blazy - Si, malheureusement.

M. le Ministre - Je gage que, dès la publication du décret d'application, les premières communautés se créeront très rapidement. J'ai également noté vos inquiétudes quant à la décentralisation, mais je constate que les collectivités territoriales se montrent d'ores et déjà volontaires pour obtenir la gestion des aéroports. J'ajoute que la caisse unique sera maintenue pour ADP et les aéroports structurants. Quant à la liste des aéroports régionaux, elle n'a pas changé par rapport à celle prévue par décret dans le cadre de la loi d'août dernier. Enfin, la domanialité publique ne peut être occupée par une SA que pour une durée limitée, afin de maintenir l'intégrité d'ADP et de ne pas créer une limite qui s'imposerait soudainement.

M. Hunault a raison de considérer qu'un aéroport nouveau comme Notre-Dame des Landes est essentiel afin de montrer qu'il est possible d'associer des acteurs publics à des partenaires privés.

Je connais la mobilisation de Mme Colot en matière d'environnement ; elle sait que la politique du Gouvernement repose sur le développement équilibré.

Madame Carabin, Monsieur Beaugendre, le Gouvernement a conscience de la spécificité des aéroports d'outre-mer, notamment eu égard au principe de la continuité territoriale. Nous traiterons cas par cas les situations spécifiques des DOM, grâce à la souplesse inhérente à ce projet et en particulier à son article 7.

M. Diard a apporté un éclairage précis sur l'efficacité de la gestion de l'aéroport de Marseille. Je note que la CCI a su imaginer un mode de développement original, avec un projet d'aérogare à bas coût.

M. Marie-Jeanne se trouve en ce moment même avec l'un de mes collaborateurs afin de lui faire part de ses interrogations précises : nous travaillerons ensemble. Enfin, je suis convaincu que nous apporterons aux personnels toutes les garanties qu'ils attendent légitimement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

Mme la Présidente - J'appelle les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

ARTICLE PREMIER

M. François Asensi - Cet article transforme l'établissement public ADP en SA. Il s'agit-là d'un choix lourd de conséquence, mais que le Gouvernement présente comme le seul possible pour faire face aux investissements auxquels sera confronté ADP dans les années à venir.

Le rapporteur énumère les trois sources de financement possibles pour un établissement public avant de les exclure pour mettre en avant la nécessité d'un changement de statut. La première est constituée des résultats propres de l'entreprise. Le rapporteur reconnaît lui-même que, dans le secteur aéroportuaire, ceux-ci sont nécessairement limités. Dès lors, ADP devenu SA, comment le Gouvernement compte-t-il attirer les investisseurs privés quand les actionnaires recherchent une rentabilité à deux chiffres ? En mettant la pression sur la main-d'œuvre, seule variable possible, ou en développant les activités non aéroportuaires, les plus rentables sans doute mais au détriment des missions premières d'un aéroport ?

Deuxième source de financement possible, l'emprunt. Mais il est exclu, du fait du fort taux d'endettement d'ADP. A ce jour, l'Etat reste le garant ultime de l'endettement d'ADP établissement public, statut qui constitue une garantie pour les banques : ADP SA ne bénéficiera plus du même accès au réseau bancaire.

Dernière source de financement : une recapitalisation par l'Etat que la doxa libérale exclut sous prétexte de contraintes pesant sur les finances publiques. N'eût été le prochain référendum sur la Constitution européenne, le rapporteur n'aurait pas manqué d'ajouter que ces contraintes venaient de Bruxelles et des engagements pris par la France. Mais à l'heure où les tenants du oui cherchent à donner un visage social à la future Europe, il est de bon ton de ne pas évoquer les sujets qui fâchent.

Enfin, le maintien du statut pour le personnel est une garantie purement formelle. C'est pour toutes ces raisons que nous proposerons de supprimer cet article.

M. Serge Poignant - M. Asensi prétend qu'ADP ne pourra avoir recours à l'emprunt aussi facilement, mais c'est précisément en raison de son endettement qu'il est nécessaire de faire évoluer son statut et d'ouvrir son capital. Ne prétendez pas non plus que le capital ne sera pas majoritairement public puisque c'est l'inverse qui est inscrit dans le texte, tout comme ce dernier prévoit de prendre en compte la situation des personnels. Cessez de faire preuve d'idéologie ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Blazy - Que faites-vous donc ?

M. Serge Poignant - Cette évolution est nécessaire dans l'intérêt de la France.

M. François Asensi - J'ai défendu mon amendement 72 de suppression.

Mme Odile Saugues - Je choquerai donc M. Poignant : mon amendement idéologique 126 vise aussi à supprimer cet article. Rien ne justifie le démembrement d'un service public stratégique dans le domaine de l'aménagement du territoire, de l'environnement, de l'indépendance nationale, sinon un libéralisme effréné.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - L'avis de la commission est défavorable. Nous avons déjà longuement expliqué les raisons de la transformation d'ADP en société anonyme. Il ne s'agit nullement d'un démembrement du service public : l'unité d'ADP est maintenue et les missions de service public sont réaffirmées dans le texte. Lever le principe de spécialité est nécessaire pour donner à ADP la chance d'apporter son expertise au monde.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est faux !

M. le Rapporteur - En l'état, le principe de spécialité empêche ADP de gérer des aéroports situés à plus de 50 km de Paris. M. Gremetz et M. Blazy, ardents défenseurs du troisième aéroport, le savent bien !

Dans un secteur de plus en plus concurrentiel, ADP doit trouver de nouveaux moyens pour financer son développement. Le monde a changé depuis 1945 !

M. le Ministre - Avis défavorable. Supprimer cet article premier, essentiel, serait une grossière erreur. Madame Saugues, Monsieur Asensi, loin de moi l'idée de vous taxer de passéisme, mais il suffit de considérer le développement fantastique du secteur aéroportuaire en Asie et au Moyen-Orient pour comprendre que nous devons « changer de braquet » ! Si l'on ne brise pas le carcan étriqué qui enserre ADP, ce ne sera plus demain la grande entreprise d'aujourd'hui.

De surcroît, cet article premier vise également à garantir la continuité du statut du personnel. En le supprimant, vous porteriez atteinte aux droits des employés.

Mme Odile Saugues - Pas de culpabilisation !

M. Charles de Courson, rapporteur pour avis de la commission des finances - Vous n'êtes pas cohérents ! Ainsi, Madame Saugues, vous avez reconnu tout à l'heure, lors d'un débat sur la chaîne parlementaire, que la structure financière d'ADP n'était pas saine : 1,4 milliard d'euros de capitaux propres pour un endettement de 2,1 milliards d'euros. Il faudrait, pour apurer cette dette, trouver 300 à 350 millions cette année et ensuite 200 millions chaque année. Voulez-vous faire porter cette charge au contribuable ?

Deuxièmement, si vous vouliez réellement maintenir le statut d'établissement public d'ADP et lever le principe de spécialité, il fallait élaborer des amendements pour définir de manière très large les domaines de compétence d'ADP !

M. François Brottes - Nous serions archaïques et ringards mais, lors des questions d'actualité au Gouvernement, un élu UMP demandait au ministre de l'industrie qu'EDF, établissement public, maintienne ses missions de service public en Corse ! Et le ministre de ne pas relever qu'EDF est depuis peu une société anonyme ! Pour cause : il est logique que des missions de service public soient assurées par un établissement public. L'archaïsme paraît donc largement partagé...

Pourquoi dans cet article premier, inscrivez-vous que le changement de statut d'EDF n'emporte pas création d'une personne morale nouvelle ? Vous nous roulez dans la farine !

En voulant supprimer l'article premier, nous serions coupables de porter atteinte à la continuité du statut des personnels. Mais, il n'y a pas si longtemps, à propos de la privatisation de France Télécom, on nous suppliait de ne pas intenter de recours devant le Conseil constitutionnel pour préserver les intérêts du personnel et voici qu'en ce moment, au Sénat, au détour d'un amendement, votre majorité lève la clause restrictive sur l'emploi de contractuels à EDF. Qu'est-ce qui nous assure qu'une autre loi ne viendra pas un jour annuler les garanties prétendument données dans cet article ?

M. François Asensi - Monsieur de Courson, vous nous reprochez d'être incohérents mais vous refusez la capitalisation d'ADP par l'Etat tout en faisant financer les aéroports de province par les collectives territoriales, dans la proportion de 15% !

M. le Rapporteur - Mais non, c'est gratuit !

M. François Asensi - C'est peut-être gratuit pour le moment, mais par la suite ? Quant à la difficulté qu'aurait ADP à recourir à l'emprunt bancaire, nous ne pouvons y croire. ADP est en situation de monopole. Sa situation financière ne peut s'aggraver puisque l'entreprise a pour recettes les produits captifs que sont taxes et redevances qui vont augmentant avec le trafic.

M. Jean-Pierre Blazy - Nous ne sommes pas défavorables à l'adaptation du statut d'ADP. A l'article 6, nous proposerons un amendement pour définir ses nouvelles missions tout en maintenant le statut d'établissement public. Evitons les débats caricaturaux !

M. le Rapporteur pour avis - Pourquoi préciser que la transformation de statut n'emporte pas création d'une nouvelle personne morale ? Pour protéger l'entreprise contre les recours éventuels de tiers ou contre des ruptures de contrat, pour éviter que l'entreprise ne soit taxée sur les plus-values et pour assurer la continuité des contrats de travail !

Quant à la participation des collectivités locales au financement des aéroports locaux, elle ne peut être que volontaire. Si, par la suite, des dépenses supplémentaires sont nécessaires, les collectivités locales peuvent faire le choix de réduire leur participation plutôt que d'engager des fonds. Par ailleurs, je relève que de nombreuses collectivités financent déjà des aéroports, à hauteur de 15% en moyenne et parfois jusqu'à 25%.

Les amendements 72 et 126, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

M. François Brottes - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 heures 30, est reprise à 23 heures 35.

APRÈS L'ART. PREMIER

M. Jean-Pierre Blazy - Vous avez beau vous montrer rassurants quant à l'avenir du régime juridique des personnels, les syndicats sont inquiets. Certes, l'article R. 252 du code de l'aviation civile dont relève le statut du personnel d'ADP n'est pas abrogé, mais qui nous dit qu'il ne le sera pas bientôt par une loi, un décret ou même une simple délibération du conseil d'administration de la nouvelle société anonyme, confirmée par le ministre ?

Pour ces raisons, l'amendement 127 tend à imposer l'information et la consultation des personnels à propos des conséquences qu'aura sur leur statut la transformation juridique d'ADP.

M. le Rapporteur - L'article premier ne parle pas du statut du personnel, mais de son régime juridique, qui ne souffrira pas de la transformation d'ADP. Le régime juridique recouvre le statut, mais aussi l'ensemble des engagements pris avec les partenaires sociaux. Sur ce point, le personnel n'a pas à s'inquiéter.

Quant à l'avenir, aucun statut n'est immuable, mais toute évolution devra être validée par le ministre en charge de l'aviation civile. Toutes les garanties sont donc données. Avis défavorable.

M. le Ministre - Le régime juridique, c'est en effet plus que le statut, et l'article premier confirme ce régime. Pour rassurer M. Blazy, je veux bien cependant réaffirmer solennellement qu'il n'y a aucune incertitude sur l'évolution du statut des personnels d'ADP, et notamment sur leur droit d'expression, sur la représentation des salariés au conseil d'administration, ou sur l'existence du CE. Avis défavorable.

M. Jérôme Rivière - M. Blazy souhaitait que les positions des uns et des autres ne soient pas caricaturées, mais la rédaction de son amendement laisserait entendre que les personnels ne pourraient pas s'exprimer, ce qui n'a jamais été envisagé !

M. François Brottes - Sans perfidie, je voudrais demander au ministre ce qu'il en sera du régime juridique des futurs embauchés.

M. le Ministre - Il n'y a qu'un seul statut. Il appartiendra ensuite aux partenaires sociaux de le faire évoluer comme bon leur semblera, par la concertation.

L'amendement 127, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Odile Saugues - Notre amendement 128 pose le principe d'un rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur les conséquences économiques et sociales du changement de statut - car il en aura nécessairement pour le service public et les usagers. J'ai évoqué dans la discussion générale les difficultés et les changements nés du changement de statut d'Air France, en rappelant l'exemple du hub de Clermont-Ferrand ; ces effets étaient peut-être inattendus pour certains mais, pour ma part, je les avais un peu prévus. Il est donc nécessaire qu'un rapport nous permette de mesurer d'ici un an ce qu'aura produit le changement de statut d'ADP, et je suis sûre qu'il y aura beaucoup de choses à dire !

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Tout d'abord ce serait un rapport de plus... Il n'y a plus de projet de loi sans qu'on demande un, voire plusieurs rapports. D'autre part, ce rapport devrait porter sur les conséquences économiques « et sociales » du changement de statut. Or, comme nous l'avons dit, celui-ci n'aura aucune conséquence sociale. L'amendement est donc inutile.

M. le Ministre - Défavorable : le projet, en particulier sur le plan social, s'inscrit dans une parfaite continuité. Pourquoi dès lors l'alourdir de cette formalité ?

M. François Brottes - Le rapport que nous proposons a un double intérêt, même si un rapport annuel est peut-être beaucoup - mais nous sommes prêts à sous-amender sur ce point. Le premier intérêt est de démontrer, y compris aux députés de la majorité, qu'ils ont bien voté un changement de statut : on a vu que parfois ils ne s'en aperçoivent pas... (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Le second est de permettre à chacun de se rendre compte que ce changement n'aura eu, en effet, aucune conséquence sociale : nous vous rendons donc le service, ou nous vous offrons la chance de prouver que vous aviez raison !

M. Jérôme Rivière - Nous sommes tous attachés à la bonne information du Parlement et à son rôle. Mais ce rôle est d'être intrusif, et nous avons toute confiance dans les initiatives des présidents des commissions, qui savent créer des missions d'information quand il en est besoin.

L'amendement 128, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Blazy - Ne confondons pas mission d'information et rapport au Parlement !

Par l'amendement 163, nous proposons qu'avant le 1er janvier 2006 - mais, là encore, on peut discuter du délai - le Gouvernement remette au Parlement « un rapport détaillé sur l'impact du changement de statut d'ADP sur la situation des personnels ». Comme l'a dit M. Brottes, nous vous offrons ainsi l'occasion de démontrer que vos propos rassurants d'aujourd'hui seront toujours vrais dans un an ou deux.

Vous avez dit il y a un instant, Monsieur le rapporteur, qu'aucun statut n'était immuable : ce faisant, vous avez confirmé nos doutes et montré qu'on pense déjà à l'évolution du statut... Mais si vraiment la situation des personnels n'est pas modifiée, le rapport que nous proposons permettra de le démontrer.

M. le Rapporteur - Supposons que nous accédions à votre demande : je peux déjà vous donner lecture du premier rapport, ainsi que du deuxième et du troisième, pour me limiter à cette législature. Chacun d'eux tiendrait en une phrase : « La transformation du statut d'ADP n'a emporté aucune conséquence sur le régime juridique auquel sont soumis les personnels, comme le prévoyait l'article premier de la loi »...

M. le Ministre - Le Parlement ne vit pas que de rapports. Vous avez nombre d'occasions d'interpeller le Gouvernement. Je passe moi-même de longues heures, à l'occasion de mon budget, devant vos commissions des finances et des affaires économiques, où l'on m'interpelle sur tout. Il y a aussi les questions d'actualité. Ne vous enfermez pas dans un rapport formel et annuel, mais interpellez-nous sur l'évolution du statut plusieurs fois par mois, si vous le souhaitez.

M. Jean-Pierre Blazy - L'ironie de M. le rapporteur et de M. le ministre me paraît déplacée. Ce que nous disons est sérieux : il y a une vraie inquiétude et vous avez entendu comme nous les représentants du personnel, même si peut-être vous ne les avez pas assez écoutés. Vous voulez rassurer, et acheter une sorte de paix sociale en affirmant que le statut du personnel ne sera pas touché ; mais ce type de propos a déjà été tenu à propos d'autres entreprises et l'on a vu ce qu'il en advenait. La façon qu'a M. le rapporteur de nous donner à l'avance le contenu des futurs rapports est un peu facile, et confine au mépris de l'opposition. Il ne peut pas à la fois dire qu'aucun statut n'est immuable et nous garantir que celui-ci ne bougera pas.

M. le Rapporteur pour avis - Quand nous avons débattu d'Air France, le Gouvernement avait proposé un tout autre dispositif : deux ans étaient donnés aux partenaires pour transformer le statut en convention collective. Cela s'est très bien passé parce qu'à Air France, de fait, le statut fonctionnait déjà à peu près comme une convention collective. Or, à ADP, le fonctionnement n'est pas très différent. Ici le Gouvernement a choisi de rester dans le cadre statutaire. Il n'y a pas lieu d'opposer les deux solutions. Notez d'ailleurs que, si vous avez un gouvernement dur, il vaut mieux être sous convention collective car le Gouvernement peut refuser toute évolution du statut ! Les choses sont claires, et n'exigent pas de rapport supplémentaire.

M. Jérôme Rivière - M. Blazy s'emporte. Mais rien ne lui permet de supposer que le Gouvernement ne sera pas respectueux de la loi que nous allons voter. Le contenu du rapport sera en effet très simple, comme l'a dit M. le rapporteur, car tout est dit dans la loi. Et la majorité aussi a des droits.

L'amendement 163, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 2

M. François Asensi - Cet article 2 déclasse des biens du domaine public d'une valeur inestimable, et qui de fait n'est estimée par aucun rapport parlementaire, pour les transférer purement et simplement à la société anonyme ADP. Ces 6 643 hectares de patrimoine foncier sont un véritable cadeau du Gouvernement à cette nouvelle société et, surtout, à ses actionnaires. Qui croira que les investisseurs intéressés par ADP seront plus attirés par le service public aéroportuaire que par ce potentiel ? Le déclassement est une notion juridique pudique pour désigner la livraison, à terme, d'un vaste domaine à des intérêts privés dont l'objectif de valorisation n'est pas dissimulé. Dans un langage plus simple, cela s'appelle un bradage...

Au mépris des territoires, de leur aménagement, de leur cohésion, de leur équilibre, vous avez choisi le principe de la domanialité privée, contrairement à ce qui se pratique ailleurs, notamment aux Etats-Unis, le pays qui sert pourtant de modèle à toutes les réformes d'inspiration libérale. Malgré des privatisations à tout va, les Etats-Unis ont en effet choisi de conserver le principe de la domanialité publique. C'est aussi cette solution qu'a retenue l'Etat néerlandais : il met gratuitement les terrains de l'aéroport de Schiphol à la disposition de la société gestionnaire.

En revanche, pour les grand aéroports régionaux, le principe de la domanialité publique est préservée. Vous faites une chose pour ADP et le contraire pour les grands aéroports régionaux. C'est incohérent !

En ce qui concerne la valeur du patrimoine que le Gouvernement a décidé de déclasser, le chiffre de 8 milliards d'euros a circulé au Sénat. A combien l'estimez-vous, Monsieur le ministre ? Etes-vous en mesure de nous dire de quel apport financier bénéficiera cette société en vertu du déclassement lié à son changement de statut ? Tiendrez-vous le législateur moins informé que l'investisseur le jour où il voudra placer son capital dans ADP ?

Enfin, l'article 2 précise que les biens du domaine public nécessaires à l'exercice des missions de service public aéroportuaire par l'Etat ou ses établissements publics ne sont pas concernés par ce transfert. Ces dispositions soulèvent de nombreuses questions. Que faut-il entendre par « missions de service public » ? Quels sont ces biens du domaine nécessaires à l'exécution du service public ? Sur ces deux points, le texte renvoie au cahier des charges. Quels risques encourus - puisqu'il s'agit d'un transfert en pleine propriété - si ce cahier des charges n'était pas suffisamment complet !

Que penser aussi de l'impact de ce déclassement sur les ouvrages appartenant à la société ADP et affectés au service public aéroportuaire ? En cas de défaut d'entretien normal ou lors d'une tragédie, comme l'effondrement du terminal 2E de Roissy, les victimes devront-elles se tourner vers la juridiction civile ou administrative ? Décidément, alors que les enjeux sont majeurs, ce texte est bien vide.

M. de Courson craint pourtant que ce passage à la domanialité privée reste encore trop encadré, et que le dispositif « manque de lisibilité du point de vue des investisseurs potentiels. » C'est à se demander si nous défendons ici les intérêts de l'Etat, des usagers et du service public, ou ceux du marché financier et des boursiers !

Pour ces raisons nous demandons par l'amendement 73 la suppression de l'article 2.

Mme Odile Saugues - Notre amendement 129 a le même objet. Il s'agit de s'opposer au déclassement et au transfert à ADP, transformé en société anonyme, de biens relevant aujourd'hui du domaine public. Le préambule de la Constitution dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir propriété de la collectivité ». Or M. le rapporteur reconnaît que « le caractère de service public national d'ADP n'est guère contestable ». L'Etat doit donc garder la pleine propriété des biens nécessaires à l'activité aéroportuaire, et non pas seulement de ceux qui sont nécessaires à l'exercice des missions de service public de l'Etat, comme le prévoit le texte dans une rédaction bien peu précise.

Par ailleurs, alors que l'article 7 du projet dispose que les grands aéroports de province demeurent la propriété de l'Etat, il serait incompréhensible que les deux premiers aéroports français deviennent la propriété d'une société de droit privé dont une fraction du capital serait détenue par des actionnaires privés. A l'étranger, les grands aéroports sont, le plus souvent, restés propriété publique de collectivités publiques.

M. le Rapporteur - Le domaine public d'ADP, ce sont plus de 6 643 hectares, dont ADP possède déjà 4 183, le reste appartenant à l'Etat. Une fois devenu société anonyme, ADP ne pourrait plus posséder de domaine public, si bien que l'ensemble reviendrait à l'Etat. Le déclassement s'impose donc pour des raisons juridiques tout d'abord, mais aussi économiques, dans la mesure où cela permettra de valoriser ce patrimoine en en assouplissant le mode de gestion. La très grande majorité du personnel d'ADP ne s'y trompe d'ailleurs pas qui s'en félicite, y voyant une garantie pour elle et pour l'entreprise. Ce déclassement est aussi de l'intérêt des collectivités concernées...

M. Jean-Pierre Blazy - Non.

M. le Rapporteur - Certes, pas pour Gonesse !

Vous qui vous scandalisez aujourd'hui d'un tel déclassement, avez-vous oublié que c'est en vertu du même souci de souplesse de gestion que le précédent gouvernement a déclassé les immeubles de la Poste relevant du domaine public ? Que je sache, vous avez voté avec enthousiasme le DDOEF du 11 décembre 2001 qui a autorisé ce déclassement.

Pour toutes ces raisons, je souhaite que les deux amendements de suppression soient repoussés.

M. le Ministre - Premièrement, il n'est pas question de brader le patrimoine de l'Etat. Deuxièmement, ces terrains continueront en grande partie à servir à l'exercice de missions de service public. Troisièmement, si une plus-value était réalisée en cas de fermeture de tout ou partie d'un aéroport, une grande partie de celle-ci reviendrait à l'Etat. Quatrièmement, ce patrimoine va être transféré à une société détenue à 100% par l'Etat. Que craignez-vous donc ?

M. François Brottes - Monsieur le rapporteur, ce qui rassurerait vraiment le personnel, c'est qu'on ne modifie pas le statut d'ADP. Le sachant inquiet, le Gouvernement cherche par tous les moyens à acheter la paix sociale.

Le cas d'ADP n'est en rien comparable à celui de la Poste. En effet, s'il est facile de déplacer des bureaux, il l'est moins de déplacer un aéroport ! Vous allez déclasser un domaine stratégique pour l'Etat qu'il lui serait très coûteux de racheter par la suite, si d'aventure il était contraint de le faire. C'est là une faute grave et, de grâce, n'invoquez pas ici la nécessité de mettre fin au principe de spécialité ! Cela n'a rien à voir. En vérité, vous faites un énorme cadeau aux intérêts privés sans que l'Etat ait la possibilité de faire machine arrière.

M. le Rapporteur pour avis - Ces amendements seraient contraires aux intérêts d'ADP...

M. François Brottes - Ce qui nous importe ici, ce sont ceux de la France.

M. le Rapporteur pour avis - Sur 6 643 hectares de domaine public, ADP en a acheté 4 184, grâce, notamment, aux redevances acquittées par les usagers. Les surfaces restantes ont été apportées en dotation lors de la création de l'établissement public. Tout cela figure dans les comptes d'ADP, à sa valeur d'alors bien sûr. La véritable question est de savoir comment ce patrimoine serait valorisé en cas d'ouverture du capital d'ADP. Comme cela se fait dans tous les cas, un commissaire aux apports serait nommé, chargé d'évaluer les plus-values latentes. La future société anonyme étant détenue à 100% par l'Etat français, celui-ci récupérerait l'intégralité de la valeur des biens cédés. Il n'y a donc aucun amoindrissement du patrimoine national. Ce déclassement est au contraire un moyen de le valoriser.

Les amendements 73 et 129, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Asensi - L'amendement 74 vise à préserver le régime de la domanialité publique afin que la puissance publique puisse exercer un contrôle permanent sur ADP, entreprise qui gère un patrimoine considérable, remplit une mission de service public et joue un rôle majeur dans l'aménagement du territoire.

M. le Rapporteur - Cet amendement, dont vous n'avez sans doute pas mesuré toutes les conséquences, ruinerait ADP et choquerait profondément ses personnels. En effet, serait de fait abandonnée pour ADP l'autorisation légale d'exploiter, qui fonctionne parfaitement depuis 1945, au profit de la concession, nécessairement limitée dans le temps, elle. Cet amendement priverait également ADP du patrimoine qu'il a acquis avec le produit de la redevance, mais aussi sur ses fonds propres et par ses emprunts, qui fait partie du domaine public et qui doit rester demain dans son domaine.

M. François Brottes - Dans le domaine public ou dans le domaine d'ADP nouvelle formule ?

M. le Rapporteur - Dans le domaine d'ADP.

M. François Brottes - Ce n'est donc plus le domaine public.

M. le Rapporteur - La commission a donc repoussé cet amendement.

M. le Ministre - Avis défavorable également. Une société anonyme ne peut occuper que temporairement le domaine public. Cet amendement limiterait de fait la durée de vie d'ADP.

M. François Brottes - Il suffirait d'écrire dans la loi qu'une société anonyme peut, dans ce cas précis, occuper le domaine public pour une durée illimitée. Vous savez parfaitement modifier le droit lorsque cela vous arrange !

M. le Rapporteur pour avis - Cet amendement aurait de graves conséquences financières pour ADP puisqu'il reviendrait à céder gratuitement à l'Etat le patrimoine que la société a acquis au fil des ans. Ensuite, le régime de la concession, que vous souhaiteriez voir appliqué à ADP, est beaucoup moins protecteur que celui dont il bénéficie aujourd'hui. Chacun sait en effet que toute concession doit faire l'objet d'un nouvel appel d'offres lorsqu'elle arrive à échéance. Vous n'êtes donc, Monsieur Asensi, qu'un ultra-libéral qui voudrait spolier ADP.

L'amendement 74, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Avec l'accord de la commission, je retire l'amendement 11, en raison de certaines omissions.

L'amendement 12 est de précision.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur pour avis - L'Etat impécunieux ayant demandé à ADP de se substituer à lui pour réaliser certains investissements, il a une dette à l'égard d'ADP. L'amendement 41 de la commission des finances vise à préciser qu'elle sera inscrite dans les comptes du budget annexe de l'aviation civile. Nous proposons de compléter l'article 2 par la phrase suivante : « Les incidences financières de la signature de cette convention figurent dans la plus prochaine loi de finances ».

M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 132 est identique. Ce projet exprime des choix qui ne sont pas les nôtres, mais qu'il faut assumer jusqu'au bout...

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Ministre - Sagesse.

M. le Rapporteur pour avis - Monsieur Blazy, cette question n'est pas liée au changement de statut. Même si ADP restait établissement public, il faudrait que l'Etat fasse figurer sa propre dette dans ses comptes !

M. François Brottes - Nous retirons notre amendement 132. Nous avons voulu exercer notre droit d'alerte, mais comment renvoyer à « la plus prochaine loi de finances » quand nous ne savons même pas quand cette loi sera promulguée ?

L'amendement 41, mis aux voix, est adopté.

M. François Asensi - L'amendement 75 est défendu.

Mme Odile Saugues - De même l'amendement 131.

M. le Rapporteur pour avis - La jurisprudence administrative considère comme « ouvrages publics » les ouvrages affectés à un service public, mais aussi les ouvrages utilisés par le public. Cela veut dire, par exemple, qu'un parking d'aéroport est un ouvrage public. L'amendement 42 vise à préciser que seuls les ouvrages affectés au service public sont des ouvrages publics. Les autres, tels les parkings, sont privés.

M. le Rapporteur - La commission des affaires économiques partage avec les auteurs de ces trois amendements le souci que certains des ouvrages d'ADP demeurent des ouvrages publics, mais elle préfère la rédaction de la commission des finances.

M. le Ministre - La clarification n'est pas évidente, mais entre les trois amendements, le Gouvernement préfère lui aussi celui de la commission des finances, sur lequel il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. François Brottes - Pourrait-on nous préciser ce que sont les « ouvrages affectés au service public aéroportuaire » visés par cet amendement ?

M. Jean-Pierre Blazy - Pourquoi adopter un amendement qui n'apporte pas de clarification ?

M. le Ministre - L'amendement 42 est meilleur, mais la question continuera de relever essentiellement de la jurisprudence. Il y a déjà eu un débat sur ce sujet au Sénat...

M. le Rapporteur pour avis - Ma proposition est claire : utiliser comme seul critère l'affectation à un service public. Un commerce, c'est un service privé ; dans un salon d'attente situé avant l'espace protégé, on est encore dans un service privé, de même que dans le parking devant l'aérogare. En revanche, dès lors qu'on a franchi la barrière de contrôle, on est dans le domaine du service public, et donc les ouvrages sont publics.

M. Jérôme Rivière - Pour le commerce, je comprends, mais je ne vois pas pourquoi un parking d'aéroport ne relèverait pas du service public aéroportuaire. Je doute de l'intérêt de cet amendement car c'est toujours le juge qui tranchera.

M. François Brottes - M. de Courson parle du service public du transport aérien, et non du service public aéroportuaire - dont relève, par exemple, un accès pour les handicapés. La sagesse serait de définir ces ouvrages dans un décret.

M. le Rapporteur pour avis - La notion de service public a fait l'objet d'une abondante jurisprudence. A la différence des deux autres amendements, qui se calent sur la jurisprudence existante, laquelle donne une définition très extensive, je propose un critère simple. Toutefois, des précisions pourraient en effet être apportées, Monsieur Brottes, à l'occasion du transfert.

M. le Ministre - MM. de Courson et Brottes ont tous les deux raison, mais il y a un autre critère : ce qui donne lieu à la perception de redevance. C'est la jurisprudence qui en donnera ensuite la frontière exacte.

M. Jean-Pierre Blazy - Il me semble que notre amendement est plus clair. On ne peut pas comparer un parking en ville et celui d'un aéroport ! On peut certes comprendre que le parking de l'aéroport soit payant, qu'il soit concédé à un exploitant privé, mais il fait bien partie du service public aéroportuaire ! Il faut préciser que celui-ci comprend également ce qui est à l'usage du public.

M. le Rapporteur pour avis - Le restaurant aussi, alors !

M. François Brottes - Je voudrais proposer un sous-amendement à l'amendement de M. de Courson, dont la rédaction deviendrait : « les ouvrages dont la définition sera précisée par décret, appartenant à la société ADP et affectés au service public aéroportuaire, sont des ouvrages publics. »

Mme la Présidente - Ce sera le sous-amendement 186.

M. le Rapporteur pour avis - Dans ce cas, il faudrait compléter le décret à chaque nouvel investissement ! Ce n'est pas possible. La jurisprudence fonctionne, nous pouvons nous appuyer sur elle.

M. François Brottes - Le décret n'aurait bien sûr pas pour objet de dresser une liste, mais de définir la nature de ce qui est du domaine du service public, quel que soit l'aéroport.

M. le Rapporteur - Avis défavorable au sous-amendement.

M. le Ministre - Même avis.

Les amendements 75 et 131, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Le sous-amendement 186, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 42, mis aux voix, est adopté.

Mme Odile Saugues - L'article 2 renvoie à un décret en Conseil d'Etat la liste des biens qui ne peuvent pas être déclassés. Or, il est nécessaire de préciser dans la loi ce qui doit rester dans le domaine public. Aux tours de contrôle, bâtiments techniques associés et radars, qui devraient être mentionnés dans le décret, nous proposons, par l'amendement 130, d'ajouter les pistes, les voies de circulation et les aires de stationnement des aéronefs, les installations de stockage du carburant et les réseaux d'eau, d'électricité, de télécommunications et de carburant.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le projet de loi exclut du transfert de propriété les biens nécessaires à l'Etat et à Météo France pour exercer leurs missions de service public. La loi n'a pas à en faire la liste ! Le décret est la seule solution possible et raisonnable.

M. le Ministre - Une liste est forcément limitative. Si l'on oublie quelque chose, ce sera la catastrophe ! Avis défavorable.

M. François Brottes - C'est vrai, mais nous voudrions avoir l'assurance que les éléments que nous avons cités seront bien repris dans le décret.

M. le Ministre - Je ne peux pas m'avancer ce soir. Prenons l'exemple du réseau d'eau : s'agit-il de celui qui dessert l'aéroport, un hôtel, un centre commercial ? Je vous assure qu'on ne peut faire ça à la va-vite. Mais pour les radars, je suis d'accord !

L'amendement 130, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. François Asensi - Prévoir si tôt dans le texte la possibilité de fermeture d'un aérodrome témoigne des préoccupations qu'aura ADP : non plus assurer des missions de service public, mais valoriser son patrimoine foncier ! Entre les douze aérodromes que gère l'établissement public en Ile-de-France, hormis Roissy, Orly et le Bourget, quelque 1 300 hectares vont être livrés au secteur privé. S'agissant d'espaces très convoités, situés le plus souvent à la périphérie des villes, comment le terme même de valorisation pourrait-il signifier autre chose que spéculation immobilière ? ADP peut décider, du jour au lendemain, de fermer un aéroport, avec pour seule obligation de reverser une partie de la plus-value à l'Etat ! Ce dernier transfère à titre non onéreux son domaine public mais ne prévoit aucun dispositif de récupération ou de préemption lorsque s'achève leur vocation aéroportuaire ! On peut difficilement mieux traiter l'investisseur privé. Ce gouvernement tend à oublier que le rôle du législateur n'est pas de défendre le marché, mais l'intérêt général.

Le fait que 70% des éventuelles plus-values reviennent à l'Etat tend certes à préserver ses intérêts patrimoniaux, mais s'est-on interrogé sur la manne financière que représentent les 30% restants pour ADP ? Personne ne prend la peine d'évaluer le patrimoine ainsi gracieusement légué par l'Etat ! Il est vrai que, dans un premier temps, l'Etat, actionnaire majoritaire, récupérera une bonne partie des plus-values, mais qu'en sera-t-il lorsqu'il ne sera plus qu'un actionnaire parmi d'autres ? Car les engagements sur le maintien de l'Etat comme actionnaire majoritaire ne convainquent pas... Par ailleurs, le coût de la remise en état des installations - essentiellement les travaux de dépollution - réalisée par ADP est pris en considération. Sous quel prétexte ? Si ADP, entreprise privée, décide de fermer un aérodrome pour valoriser son patrimoine foncier, pourquoi l'Etat devrait-il indirectement participer au financement de la remise en état ? Et le rapporteur pour avis va encore plus loin, en considérant que l'ensemble des plus-values doivent « être la propriété des actionnaires » !

Cette spoliation de l'Etat, quelle que soit son ampleur, est d'autant moins acceptable que le Gouvernement a tiré argument de l'état des finances publiques pour éviter toute dotation de l'entreprise. Le Gouvernement fait reculer les politiques publiques au nom des contraintes budgétaires, mais contribue à fragiliser les finances publiques par des cadeaux aux marchés financiers. La privatisation d'ADP est décidément un bon exemple de la politique du pompier pyromane... Les enjeux en matière d'aménagement du territoire sont pourtant extrêmement importants. La valorisation de ces terrains concerne nombre de communes riveraines, et cette disposition est source d'inquiétude pour les élus. Pourtant, à aucun moment il n'est fait mention des communautés aéroportuaires ! La loi sur les communautés aéroportuaires proposait en effet un principe intéressant de gouvernance, permettant de traiter les questions relatives aux nuisances, aux transports, à l'emploi et à la formation, à l'aménagement du territoire et aux financements. Elle avait déjà été dépouillée des moyens nécessaires à une politique ambitieuse. Après l'échec de la majorité aux dernières élections locales, elle est devenue lettre morte. En ignorant les communautés aéroportuaires dans la présente loi, le Gouvernement témoigne une nouvelle fois de sa préférence pour le marché plutôt que pour le bien public. L'amendement 76 vise donc à supprimer cet article.

Mme Odile Saugues - L'amendement 133 propose aussi de supprimer cet article, qui est la conséquence directe du transfert des biens du domaine public à ADP.

M. le Rapporteur - On nous taxe depuis le début de vouloir brader le patrimoine de l'Etat, et l'on veut supprimer l'article qui vise justement à sauvegarder les intérêts de l'Etat ? Car, Monsieur Asensi, vous commettez une erreur : ADP ne peut ouvrir ni fermer le moindre aéroport. C'est l'Etat seul qui décide. La loi devant tout prévoir, il est indispensable de préserver les intérêts de l'Etat en cas de fermeture d'un des onze aéroports - car c'est de ceux là que nous parlons - qu'ADP gère, outre les trois grands, en Ile-de-France. Si l'Etat prend la décision de fermer une plateforme, ADP peut vouloir valoriser le domaine immobilier correspondant. Il est donc parfaitement normal que l'Etat en retire un bénéfice ! Je suis surpris que vous vous opposiez à cet article de défense des intérêts de l'Etat !

M. le Ministre - Cet article vise en effet à préserver les intérêts patrimoniaux de l'Etat ! Il prévoit que l'Etat, en cas de fermeture, recueille au moins 70% de la plus-value. S'il est supprimé, l'Etat ne recevra plus rien ! Avis défavorable.

M. François Brottes - Il était primordial de préciser que l'initiative de la fermeture ne pouvait jamais revenir à l'exploitant. Nous aurions donc en effet tort de supprimer cet article. Mais il ne s'agit pas toujours d'une question d'argent ! Il faut aussi considérer le service rendu et, à cet égard, l'indemnisation n'est qu'un minimum. Il conviendrait que l'on force l'opérateur à proposer des solutions alternatives.

Les amendements 76 et 133, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Ministre - L'amendement 13 de la commission améliore sensiblement la rédaction du texte et le Gouvernement le reprend à son compte mais propose à travers son amendement 89, troisième rectification, qu'apparaisse plus clairement la nature conventionnelle de la rétrocession des plus-values foncières. Je prie donc la commission de bien vouloir retirer son amendement.

M. le Rapporteur - Ces deux amendements sont en effet très proches et la commission, pour être agréable au Gouvernement, accepterait sans doute de retirer l'amendement 13. Avis favorable à l'amendement 89 troisième rectification.

L'amendement 13 est retiré.

L'amendement 89, troisième rectification, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 14 est rédactionnel.

L'amendement 14, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 15 est de précision.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. François Asensi - L'amendement 96 précise que tout projet de fermeture par ADP de tout ou partie d'un aérodrome doit être soumis pour avis au conseil d'administration de la communauté aéroportuaire instituée par la loi de février 2004.

M. le Rapporteur - L'idée est intéressante mais je rappelle que les communautés aéroportuaires ne sont prévues que pour les dix plus grands aéroports français. Or, les éventuelles fermetures évoquées dans l'article 3 ne concernent que les petits aéroports. Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le Ministre - Avis défavorable à cet amendement.

M. François Asensi - Je retire l'amendement.

L'amendement 96 est retiré.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. François Asensi - Cet article pose le principe de la continuité juridique de tous les contrats, droits et obligations de l'établissement public ADP avant sa transformation en société anonyme. Tous les accords juridiques conclus avec des tiers sont donc garantis et transmis à la nouvelle société. Dans les conventions d'occupation domaniale signées à ce jour, certaines clauses sont particulièrement avantageuses pour l'établissement public et sont justifiées seulement par l'appartenance au domaine public des immeubles ou terrains concernés, à laquelle le projet de loi met un terme. Non seulement un patrimoine foncier imposant est attribué à ADP SA mais des prérogatives de puissance publique dont il a pu user lorsqu'il était établissement public et lorsque ces contrats portaient occupation du domaine public sont préservées. En outre, une telle mesure institue sans raison des conditions de traitement différentes entre les occupants du domaine et les nouveaux entrants. Je ne me fais pas le chantre du libéralisme : je souligne seulement les incohérences du Gouvernement. Une fois ADP devenu société anonyme, qui se préoccupera du transfert d'obligations dès lors que les intérêts privés domineront ? Sûrement pas ADP ni le co-contractant, trop heureux d'utiliser un domaine devenu privé.

Le rapporteur fustige une fois de plus les tenants d'un établissement public ADP, mais je note que le projet du Gouvernement crée plus de problèmes qu'il n'en résout. J'aurais souhaité qu'il soit l'occasion d'un véritable débat sur la définition du service public aéroportuaire mais le Gouvernement, trop pressé de mettre à bas un nouvel établissement public, renvoie cette discussion à la rédaction d'un cahier des charges. Parce que tous les services publics tels que nous les connaissions encore il y a peu sont menacés, mon amendement 77 propose de supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 135 vise également à supprimer cet article et il ne faut pas vous en étonner car nous ne partageons pas une logique qui consiste à ouvrir la voie à la privatisation.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Je note tout d'abord avec surprise que les exposés sommaires des amendements 77 et 135 précisent respectivement qu'il s'agit d'un amendement de cohérence et d'un amendement de coordination. Quoi qu'il en soit, nous considérons quant à nous que ce sont surtout des amendements catastrophe. L'article premier transforme ADP en SA et l'article 4 prévoit logiquement que tous les contrats, les droits, les autorisations doivent être perpétués. La suppression de cet article reviendrait à priver ADP de clients et de fournisseurs : j'espère que ce n'est pas cela que vous souhaitez.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est un mauvais argument !

M. le Ministre - Même avis. Si cet amendement était adopté, M. Blazy, assurément, ne souffrirait plus d'aucune nuisance sonore.

Les amendements 77 et 135, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 164 rectifié est rédactionnel et vise à lever toute ambiguïté sur le fait que la transformation juridique d'ADP n'aura aucune conséquence sur l'ensemble de ses biens, droits et obligations.

L'amendement 164 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 17 est de précision.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. François Asensi - L'amendement 98 est défendu.

L'amendement 98, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 10 mars, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 10 MARS 2005

NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

1. Projet de loi, adopté par le Sénat (n° 2058), autorisant l'adhésion à la convention relative à la conservation et à la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central (ensemble quatre annexes).

Rapport (n° 2105) de M. Louis GUÉDON, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du Règlement).

2. Projet de loi (n° 1550) autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention sur le transfèrement des personnes condamnées.

Rapport (n° 2106) de M. Jean-Paul BACQUET, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du Règlement).

3. Projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1858), autorisant l'approbation de l'instrument amendant la convention du 23 juin 1993 relative à la création du Bureau européen des radiocommunications (ensemble deux annexes).

Rapport (n° 2107) de M. Roland BLUM, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du Règlement).

4. Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1331), autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, d'une part, et le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la Communauté française, le Gouvernement de la Région wallonne et le Gouvernement flamand, d'autre part, sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux.

Rapport (n° 1964) de M. Bruno BOURG-BROC, au nom de la commission des affaires étrangères.

5. Discussion du projet de loi (n° 1348) autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention portant création d'un office européen de police (convention Europol) et le protocole sur les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses organes, de ses directeurs adjoints et de ses agents.

Rapport (n° 1633) de M. Philippe COCHET, au nom de la commission des affaires étrangères.

6. Discussion du projet de loi (n° 905) autorisant l'approbation de la convention sur la cybercriminalité.

Rapport (n° 1978) de M. Jean-Marc NESME, au nom de la commission des affaires étrangères.

7. Discussion du projet de loi (n° 813) autorisant l'approbation des protocoles d'application de la convention alpine du 7 novembre 1991 dans le domaine de la protection de la nature et de l'entretien des paysages, de l'aménagement du territoire et du développement durable, des forêts de montagne, de l'énergie, du tourisme, de la protection des sols, et des transports.

Rapport (n° 1634) de M. Michel DESTOT, au nom de la commission des affaires étrangères.

8. Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1914), relatif aux aéroports.

Rapport (n° 2045) de M. François-Michel GONNOT, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (n° 2055) de M. Charles de COURSON, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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